1 Nos propos ne concernent que l’enseignement au cours de la scolarité obligatoire et la formation des maitres pour l’enseignement de la grammaire aux élèves de 8 à 15 ans ; il est toutefois illusoire de penser que les apprentissages grammaticaux sont alors terminés.
2 Tout rapport dialectique repose sur le principe de tension-opposition entre deux termes, deux situations, et le dépassement de cette opposition (Trésor informatisé de la Langue Française-TiLF).
3 Pour notre définition du terme grammaire, voir notre contribution avec M.-A. Lord, ici même.
4 Il s’agit ici de la langue normée dite standard, mais cette représentation ne saurait occulter la diversité des usages effectifs, leur concurrence, les enjeux sociaux des normes, etc. (voir Klinkenberg, 2015).
5 À l’exception notable des deux didacticiens belges, J.-L. Dumortier et M. Dispy, pour qui il n’y a qu’une seule finalité, comme l’explicite éloquemment leur texte.
6 Rappelons que pour nous, M.-C. Paret et moi-même (1990), ces deux finalités n’étaient pas hiérarchisées, mais solidaires (Chartrand, 2005 ; 2013a) ; pour d’autres, la seconde était nettement subordonnée à la première (Bronckart & Besson, 1988 ; Bronckart & Sznicer, 1990 ; Genevay, 1996).
7 La discipline du français va-t-elle subsister encore longtemps dans l’école néolibérale où la transversalité s’impose en force, niant les disciplines scolaires constituées ou les regroupant selon de vagues thématiques (univers social ; sciences et technologie, etc.) ?
8 Le travail sur des entités abstraites est certes très exigeant pour les élèves, en particulier ceux des milieux populaires, mais le développement des capacités cognitives de haut niveau des élèves de tous les milieux est une des responsabilités de l’école à travers l’enseignement de nombre de disciplines scolaires. C’était là l’intérêt de l’étude du latin : étudier une langue fort différente, qui plus est morte, pour en découvrir le système, la grammaire hors de toute velléité communicative ; mais il vaudrait nettement mieux étudier la grammaire du français de façon plus sérieuse plutôt que de poursuivre l’étude des rudiments du latin.
9 Déjà en 1988, le rapport Bally attirait l’attention sur la nécessaire « transformation des représentations qu’ont les enseignants de leur langue » (Bronckart, 2014, p. 80).
10 D’autres systèmes du français (mais ne relevant pas de la grammaire au sens strict donné ici) devront être travaillés plus tard dans la scolarité : le système énonciatif, le système verbal, le système anaphorique.
11 Bien que nous n’ayons pas de preuves expérimentales sur le sujet, les enseignants qui, au Québec, l’utilisent systématiquement avec leurs élèves du primaire en voient la fécondité sur le plan des résultats orthographiques ainsi que des représentations de l’orthographe qu’il permet.
12 Ce n’est pas le cas du déterminant. Quant au pronom, certains le considèrent comme le noyau d’un syntagme, puisque certains pronoms (fort peu) peuvent avoir une expansion, mais cela n’est en rien une régularité du fonctionnement du pronom (classe très hétérogène, par ailleurs). Pour cela et d’autres raisons didactiques, nous avons fait le choix de ne pas faire du pronom le noyau d’un syntagme.
13 La notion de transformation a ici une valeur essentiellement descriptive à des fins didactiques comme on l’utilise dans la Grammaire pédagogique du française d’aujourd’hui (Chartrand et al. 1999/2011, chap. 11) : elle n’a qu’une vague parenté avec la notion chomskyenne de transformation ; évidemment, le locuteur ne procède pas à des opérations de transformation consciemment !
14 Un dernier cas n’entre pas dans cette régularité, celui du prétendu groupe adverbial. Dans les rares cas où l’adverbe a une expansion (ce qui est toujours un GAdv), celle-ci sera à sa gauche (parler fort, parler très fort).
15 Nous jugeons que modèle p est l’étiquette la moins mauvaise pour nommer l’outil didactique d’analyse des phrases dont nous devons doter les élèves et les étudiants pour les raisons suivantes : elle est facilement malléable par les élèves ; de plus, le symbole P indique qu’il ne s’agit pas d’une phrase réalisée (ce que les expressions structure de phrase ou phrase de base suggèrent) et encore moins d’une phrase minimale ou simple (les scripteurs font d’emblée des phrases avec enchâssements et coordinations, fussent-elle incorrectement construites) et les petites capitales ont pour effet de signaler le caractère technique de l’outil comme tout analyseur. Cet analyseur est fécond, car il rend compte de la très grande majorité des phrases réalisées en français normé et permet d’avoir un modèle de référence pour corriger celles qui sont incorrectes du point de vue syntaxique.
16 Pour le sens donné à ces deux termes, voir le texte de Lord & Chartrand, ici même.
17 Ce sujet a été traité d’une façon ou d’une autre par plusieurs des textes ici réunis, dont ceux de Bulea Bronckart & Bronckart, de Paolacci & Garcia-Debanc, de Lord & Chartrand, de Gauvin, Boivin, Duchesne, Lefrançois, Ouellet, Pinsonneault & Simard et de Marmy Cusin.
18 Pendant vingt ans, nous avons soumis des étudiants universitaires ayant suivi trois cours de linguistique et de grammaire à un petit supplice à leur entrée dans notre cours de Didactique de la grammaire. Il s’agissait de « définir les concepts suivants : adjectif, conjugaison, subordination, temps verbal et organisateur textuel », termes étudiés et nommés maintes fois au cours de la scolarité obligatoire et après, entre autres dans leurs cours de « grammaire de la phrase » et « grammaire du texte » dans leur programme universitaire. Les étudiants étaient affolés. Ils prenaient conscience qu’ils avaient du mal à mettre par écrit une définition (comme on en trouve dans des dictionnaires) de termes utilisés des centaines de fois. Au moment de la rétroaction, ils prenaient conscience qu’ils n’avaient jamais vraiment objectivé leur conception de ces objets grammaticaux et que la plupart de leurs définitions, surtout pour les mots les plus connus comme adjectif, étaient soit totalement ou partiellement erronées, soit incomplètes et facilement mises en défaut ! Il n’était pas trop difficile alors de leur faire comprendre qu’ils devaient absolument remettre en question leur « savoir grammatical » et les apprentissages auxquels ils avaient été soumis.
19 Voir par exemple le réseau conceptuel et la progression que nous avons proposés à partir de l’enseignement de la phrase subordonnée relative dans Chartrand, 2013a.
20 Ce n’est pas le cas des étudiants dont il est question dans les textes de Gauvin et coll. et de Paolacci & Garcia-Debanc, qui, sans poser d’hypothèses, utilisent des manipulations aléatoirement, sans pouvoir justifier leur choix.
21 Pour une illustration détaillée de l’utilisation de chaque manipulation et de son champ d’action, voir Chartrand, 2013b.
22 Un jugement de grammaticalité n’implique pas une analyse grammaticale méthodique, mais plutôt un recours aux connaissances implicites. Il ne permet pas d’expliciter pourquoi un segment est correct ou incorrect, il se prononce seulement sur son caractère correct ou incorrect. Le cout cognitif d’une telle opération est bas ; il n’y a donc aucun problème à le demander à de jeunes élèves, même devant des cas complexes (Vokey, J. R., & Higham, P. A., 2005).