Regards croisés sur l’implicite
p. 135-136
Texte intégral
1Dans cet ouvrage consacré à l’implicite dans les méthodes de recherche en didactiques, nous1 avons choisi, sur deux recherches menées chacune par l’un d’entre nous, de croiser des regards rétrospectifs. Chaque chercheur a défini les parties de son travail sur lesquelles il lui semblait pertinent de revenir et a aidé l’autre à poser ce regard rétrospectif. Nos deux recherches en question concernent le didactique car elles interrogent la transmission d’un savoir spécifiquement identifié. Elles utilisent aussi des références théoriques extérieures aux didactiques disciplinaires : pour l’une, une approche clinique d’orientation psychanalytique, et pour l’autre, une approche ergonomique du travail de l’enseignant. Par nos regards croisés, nous avons interrogé certains implicites concernant les méthodes utilisées dans ces recherches. Mais qu’entend-on par implicite ? Quel(s) implicite(s) avons-nous chacun choisi d’interroger ? Et quelle est la spécificité de nos regards croisés pour mener ce questionnement ?
1. Nos déclinaisons de l’implicite
2Le mot implicite est un mot qui entraîne avec lui, à son évocation, tout un cortège de « presque synonymes ». Lors du colloque de juin 2008 consacré à « Questionner l’implicite dans les méthodes de recherche en didactiques », il est ainsi apparu que l’implicite avait à voir avec le non dit, le non explicité, l’insu voire l’inconscient, et peut-être aussi avec du non-dit, c'est-à-dire du caché, mais sans être exactement aucune de ces notions. Le chapitre rédigé par Jean-Louis Martinand éclaire la pluralité des sens de ce terme tout en pointant la multiplicité des contextes où il intervient dans les recherches en didactiques. Pour notre part, dans ce travail pourtant commun que nous avons choisi de mener afin de collaborer à cet ouvrage, il est apparu que nous avions fait résonner ce mot dans des directions qui n’étaient pas totalement identiques.
3Ainsi Philippe Chaussecourte a-t-il choisi de revenir sur la notion de transfert didactique due à Claudine Blanchard-Laville, notion qu’il a exploitée à propos d’observations d’une enseignante de mathématiques. Des réflexions de collègues chercheurs, à propos de cette notion, l’ont conduit à interroger comment son appellation, en lien avec le contexte psychanalytique de son usage, était manifestement cause d’une forme de malentendu : la notion semble véhiculer un implicite en décalage avec ce qu’elle signifie véritablement. Éric Roditi, quant à lui, a mis l’accent sur trois aspects de l’implicite : les deux premiers concernent les références théoriques qui fondent les analyses didactiques, suivant que ces références ont été adoptées ou écartées ; le troisième porte plus particulièrement sur les implicites liés aux contraintes de la publication des résultats de la recherche.
2. Du regard croisé
4Nous avons en commun une solide culture des mathématiques et de leur enseignement, et nous partageons le fait de ne pas être étranger à l’approche scientifique convoquée par l’autre : clinique d’orientation psychanalytique et didactique des mathématiques. En nous appuyant à la fois sur ces proximités et sur nos différences paradigmatiques, nous avons choisi de proposer une contribution à deux voix. En effet, soutenir une position épistémologique fondée sur un paradigme différent a permis à chacun de nous, profitant de l’étayage de l’autre, de questionner dans ses propres travaux ce qui n’est pas questionné habituellement dans leur champ, parce que les questions y sont ailleurs ou bien parce qu’elles ne s’y discutent plus.
5Nous avons choisi d’appuyer notre propos sur des recherches menées à l’occasion de nos thèses, et ceci pour plusieurs raisons. Pour chacun de nous, la thèse est suffisamment récente pour que les détails des choix épistémologiques et méthodologiques soient encore précisément présents à notre mémoire. Elle a de plus fait l’objet de communications et de publications qui, portant sur des parties limitées du travail, ont nécessité de reconstruire chaque fois un ensemble cohérent et de rendre implicites des aspects de la recherche originelle. Notre thèse est également suffisamment ancienne pour que la maturité scientifique acquise depuis nous permette d’en saisir davantage les implicites et d’en rendre compte ici.
6Ainsi chacun de nous va développer au cours des deux parties qui suivent cette introduction commune, en ce qui le concerne, sa réflexion sur des implicites liés aux cadres théoriques utilisés et à leur répercussion sur la méthodologie et les résultats.
Notes de bas de page
1 Maîtres de conférence en sciences de l’éducation à l’université Paris Descartes, nous avons tous deux été professeurs agrégés de mathématiques dans l’enseignement secondaire et formateurs d’enseignants en IUFM. Nous avons commencé nos études doctorales après un DEA de didactique des mathématiques et nous menons aujourd’hui une partie de notre travail de recherche au sein du groupe codisciplinaire animé par Claudine Blanchard-Laville.
Auteurs
Université Paris Descartes, Équipe EDA. France
Université Paris Descartes, Équipe EDA. France
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