Approche contextuelle du sens et activités lexicologiques à l’école élémentaire
p. 125-140
Texte intégral
J’ai cherché dans le dictionnaire la définition du mot Amour :
« Disposition favorable de l’affectivité dont les manifestations varient en fonction de celui qui en est l’objet ».
Voilà ce qu’il dit, le Petit Robert.
Ma tête n’a rien compris. Pas étonnant que ce soit si compliqué pour les adultes.
Rascal, Côté Cœur (Pastel, 1998).
1A l’école, le lexique est souvent envisagé principalement – si ce n’est exclusivement – sous l’angle de sa relation au monde : Sylvie Plane et Bernadette Lafourcade (2004) ont montré que les manuels scolaires avaient tendance à établir des équivalences entre les mots et les choses, cette équivalence n’étant évidemment pas énoncée comme telle mais suggérée par les libellés des énoncés qui confondent les réalités linguistique et extra-linguistique. Plus généralement, on observe dans les activités et les supports scolaires une prédominance de la fonction référentielle du lexique. Au niveau du collège, beaucoup de manuels proposent une utilisation caricaturale de l’analyse sémique où l’association entre un mot et sa signification s’établit indépendamment du contexte, rendant difficile le transfert des observations en situation de lecture ou d’écriture ; de plus, l’unité étudiée est majoritairement le mot, alors que le propre de l’analyse sémique est précisément de s’intéresser au sème (Rastier 1987). Les activités lexicales consistent, d’une part en un étiquetage du mot selon sa classe, son genre, etc. – étiquetage qui met en œuvre une activité métalinguistique de commentaire de faits de langue –, d’autre part en une association du même mot avec un objet du monde et aussi, souvent dans le second degré, une comparaison avec d’autres items, à travers des activités également métalinguistiques de constitution d’un champ lexical, par exemple.
2Les deux caractéristiques énoncées plus haut – confusion entre mots et choses et choix du mot comme unité sémantique – se croisent dans les manuels des différents niveaux d’enseignement ; elles se croisent aussi dans les écueils auxquels elles conduisent : poser comme première la relation entre mot et chose, c’est sous-entendre que le mot est l’unité discriminatoire dans la perception du lexique chez l’enfant. Or, nous savons qu’il n’en est rien, au moins sur le plan morphologique : dès l’apprentissage de la parole, le tout jeune enfant effectue des manipulations morphologiques complexes qui montrent que, s’il n’est pas forcément capable de commenter les mécanismes de formation des mots, il en appréhende au moins une partie.
3Je voudrais montrer, à partir de données empiriques, qu’il en est de même de la dimension sémantique : loin de se contenter d’associer l’unité mot à une chose, les élèves de fin d’école élémentaire démontrent, dans leur production langagière, une sensibilité extrême à divers aspects de l’organisation sémantique. Sans doute cette sensibilité joue-t-elle principalement en contexte et demeure-t-elle souvent intuitive : si l’on interroge les élèves sur leur perception du sens, il est difficile d’obtenir des commentaires métalinguistiques construits et exploitables. Pourtant, en verbalisant à l’oral une hésitation entre deux manières de dire,1 en revenant dans leur texte pour remplacer un mot par un autre, bref en évaluant la pertinence des mots dans leurs discours, c’est bien la langue dans ses fonctionnements multiples que les élèves se mettent à observer. La sensibilité à la variation sémantique dont ils font preuve pendant l’écriture demande à être stabilisée par un travail spécifique qui conduise à une observation réfléchie du système lexical. C’est ce deuxième volet de l’apprentissage, la réflexion et l’institutionnalisation, que j’aborderai en deuxième partie en proposant un outil permettant aux élèves de structurer leur appréhension du sens des mots selon le contexte pour accéder à ce que Rastier considère comme une construction de linguistes, un artefact : la signification.
Le « plurisystème » lexical : comment se manifeste-t-il dans l’écriture des élèves ?
4Le corpus dont je vais explorer ici certaines dimensions est constitué d’enregistrements de l’écriture d’élèves de CM2. Les élèves écrivent directement sur traitement de texte et le logiciel restitue l’ensemble des opérations effectuées pendant l’écriture.2 Il s’agit dans un premier temps de faire état de la variété des relations lexicales que les élèves perçoivent, parfois peut-être à leur insu, et qu’ils mobilisent en production écrite. Cette variété sera décrite à travers les dimensions suivantes :
la fonction de liens sémantiques (l’antonymie par exemple) comme moteurs ou déclencheurs de l’écriture ;
l’importance du niveau sémique comme clef de lecture et de compréhension de l’évolution du texte en cours d’écriture ;
le rôle fondateur de certains mots du texte (mots souvent très marqués stylistiquement, par exemple sur le plan du registre de langue), dont le contexte change en cours d’écriture mais qui semblent fonctionner comme nœuds de la trame textuelle.
5Nous allons d’abord observer l’écriture d’un article de journal scolaire sur le thème de l’illettrisme destiné à informer les lecteurs et les convaincre de la nécessité de s’intéresser au phénomène. Cette rédaction suit le visionnement d’une émission de télévision consacrée à l’illettrisme. La portion de l’écriture qui va nous occuper est celle de la troisième phrase du texte. La transcription linéaire (opération par opération) étant très longue et fastidieuse à lire, j’ai choisi ici de retranscrire cette phrase avec les ratures qu’elle a connues pendant l’heure et demie de l’écriture de ce texte3 :
6Chronologiquement, on peut rétablir le processus suivant :
écriture du début de la phrase, avec la première subordonnée « comment ils se débrouillaient » immédiatement rectifiée (se débrouillaient > se défendaient > se cachaient) ;
poursuite de la phrase : « comment ils s’en sortaient » ; clôture par un point, puis par « et », puis à nouveau un point, puis la juxtaposition de « et. » qui semble marquer à la fois l’intention de l’auteur de continuer la phrase et le fait que pour l’instant, elle se termine ici ;
suppression de la conjonction « et », ajout de « comment est leur vie » ;
ajout de « comment ils se débrouillaient » ; remplacement de « se cachaient » par « se défendaient » ;
ajout de « comment ils se battaient » ;
remplacement des anaphoriques « ils » par « elles », ajout de « comment elles se montraient, comment elles lisaient ».
7Sur le plan référentiel, l’évolution est nette entre des illettrés qui se cachent, puis se montrent, enfin lisent. Plusieurs facteurs peuvent expliquer le travail important de recherche et substitution des verbes qui constituent finalement la phrase :
Substitutions successives : se débrouillaient > se défendaient > se cachaient ; le trajet sémantique est celui du repli, face à une situation problématique marquée par le terme brouiller préfixé en dé-. Le premier verbe écrit fait apparaître des illettrés confrontés à un problème dont ils doivent se sortir, comme l’indiquera la deuxième subordonnée ; pour l’instant, c’est la défense puis la dissimulation qui sont privilégiées, mais la récurrence du pronom réfléchi se marque toujours une prise en charge, même minime, de leur sort par les acteurs que sont les illettrés. Sur le plan scriptural, le double remplacement qui se produit ici et qui met en jeu trois verbes pronominaux est sans doute crucial pour ce qui va suivre : l’utilisation quasi systématique de pronominaux. Il semble que la forme pronominale joue ici le rôle d’un patron syntaxique auquel le scripteur s’accroche pour faire varier les verbes.
Après l’ajout de « comment ils s’en sortaient », « comment est leur vie » consacre la pérennité de la structure syntaxique comment + pronom personnel + verbe qui va présider à la constitution de la phrase ; à part « comment est leur vie », où l’on peut penser que le scripteur maintient un présent à pleine valeur d’actualisation, tous les verbes seront des pronominaux à l’imparfait ; seul le dernier, « lisaient », va rompre cette régularité tout en clôturant l’énumération.
Sur le plan sémantique, le texte fait apparaître des illettrés qui se cachent, puis s’en sortent : les sèmes d’extraction et de problème à régler inhérents à s’en sortir se retrouvent dans le prochain verbe ajouté, se débrouiller,4 qui est une sorte d’équivalent sémique de s’en sortir ; le remplacement qui suit, se cacher devenant se défendre, fait écho à la première série de remplacements : se débrouiller > se défendre > se cacher ; malgré l’absence de rature, donc l’impossibilité pour le scripteur de relire ce qu’il a d’abord écrit puis supprimé, il demeure une sorte de « mémoire de la correction » (Ferrer, 2000) qui réactive ensemble les verbes mobilisés précédemment. Cette observation – qui demanderait à être généralisée – a des conséquences importantes sur le plan cognitif : il se pourrait que la structuration du lexique soit liée, non seulement à des rapprochements sémantiques et/ou morphologiques, mais aussi à des contextes d’emploi dans lequel un mot s’est fait jour et qui favorisent sa réactivation.
8Il est visible à cette analyse que l’émergence des lexèmes qui vont constituer le texte s’effectue selon des facteurs multiples : attraction morpho-sémique (verbes pronominaux, imparfait), attraction syntaxique (insertion dans la structure répétitive comment + pronom sujet + verbe), ajustements sémantiques. Il me semble tout à fait important de noter que ces ajustements sémantiques s’expliquent au moins autant par une sensibilité à l’ensemble des sèmes contenus dans les lexèmes (se débrouiller/s’en sortir) que par l’activité que l’on suppose toujours chez les élèves de tentative d’adéquation entre les mots et les choses.
9Le second exemple que nous allons observer est le récit d’un souvenir scolaire, « ton meilleur souvenir de l’école primaire » selon la consigne donnée. L’élève, toujours en fin de CM2, a choisi de raconter un souvenir vécu quatre ans plus tôt ; cette donnée favorise sans doute la distanciation face à ce vécu et le remodelage de ce souvenir en cours d’écriture. Le texte final est le suivant :
Un jour d’été, avec caroline et le professeur de gymnastique nommé également Caroline, nous sommes partis à la forêt de Saint Germain en Laye en compagnie de nos rollers.
Le matin assez tôt, nous commençons par prendre le car, puis nous marchons pour trouver un endroit calme et paisible pour déjeuner. Ensuite, nous enfilons nos rollers et nous voilà en route. Nous faisons près de cinq cents mètres avant de nous arrêter une seconde fois pour discuter de positions concernant le roller. Nous repartons sur le champs. Tout d’un coup nous voyons un couple d’écureuil qui filait à travers la brousse. Enfin, nous reprenons notre chemin après avoir contemplé la nature. Caroline organisa un jeu nommé "balle aux prisonniés", l’équipe bleu gagna c’est à dire mon équipe, nous étions les plus rapide et les plus forts. Le professeur de gym remarqua non loin de notre camp des obstacles, des haies, pour que nous nous amusons une bonne demie heure. Nous faisons une dernière pose avant de terminer notre parcours. Pour terminer cette promenade nous allons dans les chemins beaucoup plus étroits que les précedents. Nous avions des griffures un peu partout en arrivant au bout de la piste étroite, verdoyante et griffue. Nous étions malheureusement obligés de quitter ce lieu de verdure magnifique, mais je suis certaine que les professeurs nous emmènerons un seconde fois à forêt de Saint Germain en Laye.
Voilà ce beau rêve est terminé, en fin d’après-midi le car vient nous rechercher à l’entrée de la forêt. Puis, après une heure de trajet le car nous dépose devant l’école et nous repensons à ce moment d’amusement formidable. Pour résumer, nous avons passer une journée fort agréable et sympatique !
Le lendemain nous avons tous regretté de ne pas être rester un jour de plus. Enfin c’était formidable, malgré les ampoules aux pieds et la boîte de pansements à consommer ! !
10L’expression du temps est évidemment intéressante eu égard au souvenir et à son remodelage : on voit dans ce texte une alternance de moments de précipitation (mots et expressions soulignés dans le texte) et de calme, voire de pauses (en gras). La dernière partie du texte est marquée par la nostalgie de cette belle journée, avec des sèmes de retour et de regret (rechercher, repenser, regretter) qui font écho à la structure inchoative du début du texte (commencer par). Dans l’écriture, les adverbes de temps (ensuite, tout d’un coup, enfin, puis) ont été le lieu de substitutions (puis > soudain > puis) qui témoignent de l’hésitation du scripteur précisément à propos de ces marques temporelles : on est bien loin ici d’un tâtonnement d’ordre référentiel, il s’agit plutôt de la recherche d’effets à créer, la dimension travaillée est celle des sèmes spécifiques5 des mots marquant l’organisation du temps.
11D’autres opérations vont dans le sens d’un remodelage du souvenir : le thème de la nature sauvage, présent dès le début de l’écriture avec champ, brousse, nature (30’), camps, haies (40’), chemins beaucoup plus étroits (45’), piste et lieu de verdure magnifique (50’) va être précisé et renforcé dans la période de relecture-réécriture qui suit l’écriture initiale. Des termes ayant émergé au premier jet, c’est brousse, dont le sème exotique et sauvage est inhérent, qui incite à comprendre les autres comme décrivant l’aventure et le dépaysement. L’environnement contextuel (couple d’écureuil qui file à travers la brousse, griffures entre les chemins et le bout de la piste) entrelace les sèmes afférents qui accentuent le côté sauvage de l’endroit. A la relecture de son texte, la scriptrice va délimiter plus clairement le cadre de la promenade : les deux occurrences de « Saint-Germain en Laye » vont devenir « la forêt de Saint-Germain en Laye », restreignant la ville à un des sèmes qui lui est associé, la nature. Après cela, la scriptrice revient dans le texte, après « piste », et elle ajoute « étroite, verdoyante et griffue ». Cet ajout se fait en trois temps : après avoir écrit « étroite, verdoyante », la scriptrice, peut-être faute de savoir comment continuer, remplace la virgule par un point et clôt son intervention à cet endroit du texte, comme en témoigne le déplacement du curseur en fin de texte. Sans doute reprend-elle alors sa lecture et ses yeux tombent-ils sur griffures, qui fait partie du contexte gauche de « la piste étroite et verdoyante ». C’est certainement griffure qui appelle griffue, inscrit après verdoyante et qui va susciter le déplacement de la conjonction et. C’est une période d’expansion du texte à partir du déjà écrit, des mots présents en ont appelé d’autres ; le terme étroite peut également être mis en relation avec la phrase précédente où l’on trouve « les chemins beaucoup plus étroits que les précédents ». De même, on peut voir en verdoyante un écho à lieu de verdure, ou une simple conséquence du sème afférent aux termes de nature, forêt, brousse, etc. On peut penser qu’à ce stade, l’écriture s’organise davantage en fonction de ce qui a déjà été écrit et des effets à renforcer qu’en comparaison à un vécu préexistant qu’il faut décrire. C’est bien le versant lexical de la langue, et le déploiement du champ sémantique des mots, qui sert d’appui à l’expansion textuelle. Au-delà des sèmes mis en évidence, le texte bascule vers une description quasi onirique de la forêt qui lui fait quitter le réalisme de la consigne de départ. La polysémie de la consigne permet d’analyser cet écart : le « meilleur souvenir » raconté est moins la réalité de la promenade que sa transposition via la subjectivité de celle qui l’a vécue et aujourd’hui la raconte.
12Du point de vue lexical, il est intéressant d’observer que les marques de ce déplacement – de la description de la réalité à la mise en évidence de la subjectivité – résident dans un lexique particulier, en décalage avec le reste du texte, qu’il s’agisse des sèmes référentiels ou du registre de langue (« griffue » et « verdoyante » relèvent a priori du registre soutenu. Ces caractéristiques peuvent être mises en relation avec le projet de la scriptrice, qui sans doute évolue en cours d’écriture. A partir du moment où l’ensemble de l’aventure est écrit, où donc le travail porte davantage sur la manière de dire que sur la recherche de ce qui est à dire, on peut penser que la scriptrice s’attache à montrer ce qui fait l’intérêt de son souvenir ; au risque de schématiser, on pourrait dire que dans la première phase de l’écriture, où le texte émerge au premier jet, la scriptrice mobilise ses souvenirs dans une perspective référentielle, et que dans la deuxième phase, qui est constituée de relectures et de modifications du déjà écrit, elle s’interroge sur la pertinence de son choix (pourquoi ce souvenir et pas un autre ?) et travaille – entre autres dimensions – à convaincre le lecteur de cette pertinence. Ainsi, l’emploi de termes à connotation exotique ou métaphorique témoignerait de l’effort de la scriptrice pour manifester l’intérêt de son récit, le choix de termes rares reflétant le caractère exceptionnel de l’événement raconté.6
13Claudine Fabre (1990) a fait l’hypothèse, reprise ici, de la nature métalinguistique des opérations de modification d’un écrit : dans la mesure où le propos n’est pas alors d’établir une relation entre un signe et le monde mais de mesurer la pertinence de deux signes différents dans un contexte donné,7 il y a une différence radicale entre une activité langagière de nomination première et l’activité métalinguistique de renomination.8 On peut supposer, bien que l’accès à l’activité cognitive ne soit qu’indirectement reflété par l’observation linguistique, que les préoccupations de la scriptrice s’ouvrent à une plus grande variété des dimensions lexicales lorsque l’activité est d’ordre métalinguistique – dans le cadre de retouches du déjà écrit – et non d’ordre langagier.
14A travers ces deux exemples, il apparaît que la mobilisation du lexique pendant l’écriture s’opère à travers des dimensions multiples dont la référence n’est qu’une composante, importante mais certes pas exclusive ni isolée des autres. Dans le cadre de leur production langagière, les élèves témoignent d’une appréhension de ces différentes dimensions qui constituent une sorte de feuilletage dont les strates ne sont pas étanches et que les énonciateurs parcourent continument. Il faut à présent s’interroger, puisque notre perspective est didactique, sur les moyens que se donne l’école pour énoncer et formaliser ces dimensions et pour rendre conscients les mécanismes d’associations de mots que nous avons vus à l’œuvre. C’est en effet un objectif essentiel du Cycle 3 de l’école primaire que d’outiller les élèves pour les conduire à une réflexion organisée sur le système de la langue.
La reformulation : moteur des activités lexicologiques
15Du point de vue de l’apprentissage de la langue, les programmes scolaires de 2002 ont remplacé le découpage traditionnel en grammaire, conjugaison, orthographe et lexique par un intitulé global : l’Observation Réfléchie de la Langue. Ce remplacement me semble avoir deux conséquences principales :
le décloisonnement entre les matières, qui permet de contourner les difficultés conceptuelles sans cesse posées par le découpage traditionnel9,
la primauté donnée à l’activité de l’élève, à travers les termes d’observation réfléchie.
16En effet, dans le cadre de l’Observation Réfléchie de la Langue, une des nouveautés est que celui qui observe et qui réfléchit, c’est l’élève : c’est sur ce travail d’observation et de réflexion à partir de corpus que va s’appuyer l’enseignant pour guider les élèves vers l’élaboration de règles du fonctionnement de la langue. L’Observation Réfléchie de la Langue est donc une activité de nature métalinguistique, dans laquelle l’élève va formaliser des usages spontanés et des fonctionnements textuels dont il doit se distancier pour généraliser ses observations.
17Dans cette perspective, on peut reposer la question du passage de l’appréhension en discours de différentes strates de la sémantique lexicale à la formalisation de ces strates en langue. Autrement dit, comment s’effectue la construction de ce que Rastier10 définit comme un artefact : la signification ?
18Le lieu le plus usuel d’émergence et d’appréhension de la signification des mots est le dictionnaire. En classe, plusieurs dictionnaires sont en général mis à la disposition des élèves, qui s’en servent pour élucider le sens des mots, bien sûr, mais encore plus souvent pour vérifier leur orthographe. Il s’agit le plus souvent de dictionnaires du commerce, auxquels s’adjoignent parfois un « dictionnaire de classe », outil collectif qui comporte un certain nombre de mots rencontrés lors des lectures/écritures collectives, et un répertoire individuel constitué par chaque élève. Dans les deux cas, il s’agit de productions où les définitions sont le plus souvent celles d’un dictionnaire, recopiées par les élèves. Même dans les répertoires individuels, il est rare que soit conservée la trace de définitions personnelles élaborées par les élèves, ce travail étant généralement organisé en préalable à la recherche dans le dictionnaire et à la consignation dans le répertoire de la « vraie » définition.
19On connaît la difficulté des élèves à s’approprier l’énonciation métalinguistique spécifique aux dictionnaires, où l’ensemble des énoncés – y compris les exemples – sont autonymes (Rey-Debove, 1993) et exigent une posture lectorale qu’il est difficile pour les élèves de lier aux situations d’usage du mot à définir. Les dictionnaires de classe et les répertoires n’échappent pas à cette difficulté : si le choix et la copie d’une définition de dictionnaire classique en permettent sans doute une première appropriation, celle-ci ne suffit pas à assurer la fixation de ce savoir nouveau et, le dictionnaire de classe ne comportant finalement pas davantage d’informations qu’un dictionnaire du commerce, c’est en définitive ce dernier qui sera le plus souvent consulté.
20Dans le cadre de l’Observation Réfléchie de la Langue, et eu égard à ce qu’elle suppose du point de vue de l’activité des élèves, des classes du Lot-et-Garonne11 ont repensé le dictionnaire de classe comme un outil comportant à la fois des définitions d’élèves et de dictionnaires publiés. Un peu à la manière du cahier d’expériences en sciences, il s’agit de rassembler les tentatives de définition d’un mot par les élèves, en fonction du contexte dans lequel il a été rencontré, et la ou les définitions données par des dictionnaires pour cette acception du mot. Aux deux orientations distinctes dégagées par Alise Lehman (1993) entre les dictionnaires pour enfants où l’élucidation de la signification se fait à l’aide d’exemples et ceux qui comportent de véritables définitions, nous avons souhaité substituer des rubriques plus complexes où figurent à la fois des exemples d’occurrences du mot en contexte, des définitions proposées par les élèves et une ou plusieurs définitions de dictionnaires. Le parti pris de départ est contextuel ; en effet, la rencontre effective des mots se fait toujours en contexte et par conséquent il semble légitime de favoriser les comportements d’élucidation du sens sur la base de ce contexte. Toutefois, la compétence lexicographique doit être travaillée au cycle 3, et il paraît difficile de la dissocier de l’usage autonyme et du métalangage dont elle s’accompagne dans les pratiques de référence : lire le dictionnaire est une compétence spécifique dont les élèves doivent avoir commencé l’acquisition avant le collège. Le concept même de signification, ou « contenu d’une unité linguistique, défini en faisant abstraction des contextes et des situations de communication » (Rastier, 1989, p. 280), est l’objet d’une construction : c’est le sens qui est perçu spontanément, c’est le sens qui est identifié d’abord en réponse à la question « qu’est-ce que cela veut dire ? » qui n’est jamais posée hors contexte dans les conversations courantes. La construction de la signification d’un mot suppose des opérations complexes de comparaison du sens de ce mot dans différents contexte et d’extraction des traits communs, qui vont constituer la signification. C’est cette construction que la fabrication d’un dictionnaire permet d’accompagner, l’énonciation définitionnelle étant, nous semble-t-il, indispensable à l’abstraction qui préside à l’élaboration de la signification.12 Les deux compétences énoncées plus haut – identifier le sens d’un mot en contexte, en formuler la signification dans un commentaire métalinguistique adéquat – nous semblent devoir être travaillées simultanément.
21Pour ce faire, nous avons conçu une démarche qui va de la perception intuitive du sens en contexte au choix dans le dictionnaire d’une définition correspondant à cette acception, en passant par la glose métalinguistique des élèves. La démarche globale est la suivante :
En collectif : rencontre d’un mot inconnu lors d’une séance de n’importe quelle discipline ; propositions des élèves quant au sens de ce mot ; ces gloses sont notées par l’enseignant qui indique aux élèves laquelle se rapproche le plus du sens du mot.
Séance en petits groupes, par exemple dans le cadre des ateliers de lecture : un groupe d’élèves est chargé de la constitution du dictionnaire de la classe. L’enseignant indique quels mots vont devoir être ajoutés au dictionnaire ; ces mots font partie de ceux qui ont posé problème pendant la semaine. L’enseignant fournit le contexte dans lequel ces mots ont été rencontrés (discipline et cotexte) ainsi que les gloses des élèves qu’il a notées. Pour chaque mot, le groupe d’élèves doit créer une nouvelle entrée dans le dictionnaire, recopier le contexte de rencontre et les gloses des élèves, et choisir dans les dictionnaires classiques une définition qui corresponde au sens du mot dans ce contexte.
22Dans cette configuration, on part du contexte (au sens large de cotexte + situation de communication, en particulier le champ disciplinaire) dans lequel le mot a été rencontré, ce qui a pour effet de réactiver la mémoire collective de la classe et d’ancrer le travail autour du dictionnaire dans des pratiques discursives authentiques. Une première distance a été prise, lors de la phase précédemment décrite, avec le relevé des reformulations paraphrastiques des élèves, qui sont redonnée ici dans le même but de constitution d’une mémoire et aussi pour favoriser l’accès à la définition donnée par le dictionnaire, dont le caractère abstrait est rendu plus accessible par le détour par la reformulation. De la rencontre du mot en contexte à la définition par le dictionnaire, on a procédé par paliers d’abstraction, de sorte que la définition proposée par le dictionnaire devient compréhensible par l’ensemble des élèves.
23A titre d’illustration, voici un exemple de fiche élaborée au CE2 :
CŒUR – nom masculin
• Rencontré en sciences :
« L’appareil circulatoire comprend le cœur et les vaisseaux. Les artères conduisent le sang du cœur vers les organes. Les veines ramènent le sang des organes vers le cœur. »
Définitions de la classe :
1. Le cœur est un organe vital qui est sous la cage thoracique.
2. Le cœur est un gros sac dans lequel le sang passe pour aller dans les organes.
3. Le cœur est un muscle qui ressemble à une pompe : il fait circuler le sang dans tout le corps.
Définition du dictionnaire :
Organe central de l’appareil circulatoire.
Exemple : « Battements de cœur ».
→cardiaque.
• Rencontré en littérature, dans le livre d’Elzbieta Toi et moi :
« Mais où est mon petit cœur ? Je le cherche, je l’appelle, pas de réponse. »
Définitions de la classe :
1. Mon petit cœur : mon petit chéri, mon fiancé, mon amoureux.
2. Celui qu’on aime. Souvent les parents disent « mon cœur » à leurs enfants.
Définition du dictionnaire :
Le siège de l’affectivité (sentiments, passions).
Amour : la personne considérée dans ses sentiments.
Exemples : « Mon petit cœur », « Joli comme un cœur ».
24Ce type de fiche met en évidence une caractéristique importante des lexèmes : la polysémie. Elle complexifie le travail des élèves en les obligeant à faire le tri, dans la rubrique du dictionnaire, pour trouver la définition correspondant au sens du mot dans le contexte donné. Deux voies de travail sont ainsi ouvertes :
Du point de vue de l’Observation Réfléchie de la Langue, ce travail favorise la réflexion sur la polysémie qui est une dimension importante de la sémantique présente dans les programmes du Cycle 3. On pourrait compléter la fiche « cœur » en insérant entre les deux acceptions données ici une troisième acception très courante, celle de centre (« au cœur de la ville »), et ainsi amorcer une réflexion sur le passage d’une acception à l’autre (Picoche, 1993).
Du point de vue du Dire, lire, écrire dans les disciplines, le dictionnaire témoigne de la prégnance du contexte énonciatif dans le sens d’un mot. Sans schématiser à outrance, on peut faire observer aux élèves que le mot « cœur » se trouve généralement sens 1 en sciences, et que le sens 2 ne s’y rencontre presque jamais.
25Dans les reformulations des élèves, le sens 1 donne lieu à des énoncés de type définitionnel, alors que le sens 2 produit plutôt des gloses de reformulation, voire la production d’un nouveau contexte énonciatif (« les parents disent mon cœur à leurs enfants »). Ceci peut s’interpréter comme une marque de la difficulté des élèves à s’abstraire de contextes très familiers et affectivement marqués, dont le lieu d’émergence en classe est souvent la littérature ; à l’opposé, les sciences constituent une discipline où se travaille une posture de distanciation qui favorise la production d’énoncés définitionnels. Par ailleurs, certains lexèmes semblent plus faciles à définir que d’autres, le facteur distinctif étant alors la familiarité du terme, à l’intérieur d’un même contexte disciplinaire. Par exemple, toujours en sciences, voici deux séries de définitions :
• Veine :
Petit tuyau où le sang passe.
Tout petit tuyau permettant la circulation du sang.
• Alvéole pulmonaire :
Sorte de sac blanc où l’air arrive après avoir traversé la bronchiole
Sorte de petit sac situé à l’extrémité d’une bronchiole. C’est à ce niveau que l’oxygène de l’air passe dans le sang.
Milliers de petites poches rattachées aux bronchioles se trouvant dans les poumons.
26On voit que le terme de veine, très courant, est défini de manière beaucoup moins précise que alvéole pulmonaire ; les définitions de veine font moins appel au lexique spécifique à la discipline ; enfin, dans le cas des mots que l’on peut supposer rencontrés pour la première fois comme alvéole pulmonaire, les modalisations comme « sorte de » marquent la conscience de l’élève de l’approximation de son énoncé, fruit sans doute d’ajustements successifs dont aucun n’a donnée entière satisfaction. On peut donc penser que l’appartenance d’un terme au langage courant crée un décalage par rapport au contexte scolaire et conduit les élèves à produire des définitions spontanées, relativement éloignées du lexique spécifique à la discipline (dans le cas de veine, pas d’opposition à artère, par exemple, alors que cette dernière est essentielle en sciences). A l’inverse, la définition des termes rares repose sur ces savoirs disciplinaires et semble faire entrer les élèves dans l’usage du lexique spécifique.
27Outre ces différences, on peut relever une grande homogénéité des définitions de veine et alvéole pulmonaire : sur le plan syntaxique, ce sont des groupes nominaux étendus ; sur le plan textuel, des descriptions. Seul échappe à cette règle « C’est à ce niveau que l’oxygène de l’air passe dans le sang », donné comme un complément à la définition d’alvéole pulmonaire.
28Les constats ne sont pas les mêmes à propos d’organe :
• Organe :
Certains organes sont vitaux, comme le cœur, les reins, le cerveau. Chaque organe a sa propre fonction. Les organes fonctionnent avec du sang.
Un organe n’est pas toujours vital.
C’est une partie du corps qui a une fonction bien précise. Un organe a besoin d’oxygène et de nutriments pour fonctionner.
29A part la troisième proposition, aucun de ces énoncés ne propose de véritable définition. Il s’agit plutôt de juxtapositions d’informations à propos des organes. Ce fait est lié au caractère générique du terme organe et témoigne de la difficulté des élèves à produire des définitions dès lors qu’elles débordent la description d’une réalité visible.13 Dès lors, on peut augurer d’une difficulté générale à définir les hyperonymes, et plus généralement les termes abstraits. Sans doute peut-on réinterpréter les définitions des deux acceptions de cœur : impliquant affectivement l’énonciateur, exigeant de lui la distanciation de l’élève alors que c’est en tant qu’enfant qu’il entre dans l’usage de ce terme d’habitude, cœur au sens de chéri désigne une réalité à la fois beaucoup plus personnelle et beaucoup moins tangible que cœur au sens d’organe, d’où la difficulté à en extraire les traits définitoires.
30Le dictionnaire de classe proposé ici ressemble partiellement aux dictionnaires disponibles dans le commerce, en ce qu’il ne s’agit pas d’une simple nomenclature où un signe renvoie à un référent mais d’un outil proprement linguistique, dans lequel la notion saussurienne de valeur, à travers la mise en évidence de diverses acceptions liées à des contextes variés, est d’emblée posée comme caractéristique du signe linguistique. Il diffère fondamentalement des dictionnaires déjà présents dans les classes pour deux raisons principales :
La conservation du contexte dans lequel ont été rencontrés les mots, qui ancre le lexique dans les pratiques discursives. Pas plus qu’on ne peut affirmer a priori qu’un mot appartient à la langue orale ou à la langue écrite, il n’est possible de le ranger – à moins d’un mot relevant d’un technolecte – dans un champ discursif parfaitement délimité. Avec la mention dans le dictionnaire de la phrase d’origine du mot défini, c’est le rôle du contexte dans le sens du mot que les élèves abordent.
La notation de certaines hypothèses sémantiques des élèves lors de la rencontre du mot. Ces paraphrases, qui appartiennent au discours des élèves et reformulent un sens, vont être mises en relations avec la ou les définition (s) du dictionnaire, qui relève (nt) du discours savant et s’efforce (nt) de formuler une signification. La paraphrase par les élèves constitue donc un pallier conceptuel qui permet d’accéder plus facilement à la définition du dictionnaire.
31Ces deux caractéristiques font du dictionnaire de classe un véritable outil d’apprentissage : pour ses scripteurs, élèves de la classe qui l’élaborent à tour de rôle et se trouvent donc en position de choisir les paraphrases sémantiques et définitions adéquates au contexte donnée ; pour ses lecteurs – les mêmes élèves – qui, si le dictionnaire devient un outil de travail quotidien, se replongent fréquemment dans cette mémoire discursive du groupe qui témoigne à la fois de ses découvertes et de ses avancées. A ce titre, il est aussi un outil d’explicitation de certains traits du fonctionnement linguistique qui demeurent habituellement tacites mais dont la maîtrise par les élèves est en constitution et qui doivent faire l’objet d’apprentissages explicites.
Bibliographie
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Références bibliographiques
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Notes de bas de page
1 Par exemple, dans les énoncés tels que « Bruno c’est mon copain/non/je veux dire/c’est mon ami » on observe un retour sur le mot énoncé et sa rectification. Ce type de commentaire méta-énonciatif qui manifeste la vigilance du locuteur au matériau langagier a été étudié par Jacqueline Authier-Revuz (1995).
2 Cf. Doquet-Lacoste (2003) pour une présentation du logiciel et des pistes d’analyse.
3 Comme ce sera le cas dans toutes les citations de textes d’élèves au cours de cet article, l’orthographe n’est pas corrigée.
4 Le verbe se débrouiller, présent dans la toute première version de la phrase et en son début, a été supprimé pour faire place à se défendre, puis se cacher ; il est ajouté par la suite en fin d’énumération d’abord sous la forme se débrouillent rectifiée ensuite en se débrouillaient (cf. la transcription de la phrase avec les ratures en page précédente).
5 Je reprends ici la terminologie de Rastier (1997) qui oppose les sèmes génériques (communs à tous les éléments d’une classe) aux sèmes spécifiques (différenciateurs des éléments d’une même classe). Dans ce texte, soudain et puis seront considérés comme relevant de la classe des mots marquant l’organisation temporelle ; la rupture marquée par soudain est un sème spécifique qui s’oppose à la continuité suggérée par puis.
6 Rastier (1989 : 158-161) parle d’isotopie spécifique pour analyser la récurrence du sème de vulgarité dans un passage de Zola. Je crois que l’on peut analyser de cette manière les termes brousse, piste, verdoyante et griffue, dont le décalage par rapport au registre global du texte marque à la fois la luxuriance de la nature et son côté étranger à l’habitude.
7 « ce n’est pas la décision clairement consciente du sujet scripteur qui fait que l’acte par lequel il modifie son discours est métalinguistique. […] Dans les deux cas [i.e. modification formelle/modification lexicale] le scripteur marque une comparaison (identification partielle), soit entre deux manifestations du signifiant, soit entre deux signes existant dans la langue. Dans l’un et dans l’autre, il a établi des rapports paradigmatiques et a cessé de traiter une unité comme invariante. […] C’est cette incursion dans l’axe du « système » qui fait sortir la rature du plan du langage « premier », de dénotation, et relève de la fonction métalinguistique : traitement du signifiant seul, modification de la relation signifiant/signifié, concurrence entre deux signes du système… » (Fabre, 1987 : 47).
8 La génétique textuelle a également considéré cette opposition comme un fondement épistémologique, en posant la dichotomie entre variante d’écriture et variante de lecture (Grésillon, 1989).
9 Un exemple de difficulté est la distinction entre orthographe et grammaire, lors de l’analyse des morphogrammes grammaticaux. Et que dire des marques du pluriel qui, lorsqu’elles affectent un adjectif ou un nom, relèveront de l’orthographe, et lorsqu’elles portent sur un verbe, de la conjugaison ?
10 Le sens est défini par Rastier (qui reprend ici une distinction ancienne) comme le « contenu d’une unité linguistique, défini relativement au contexte et à la situation de communication » (1989, p. 280) alors que la signification est le contenu d’une unité linguistique abstraction faite de tout contexte. L’auteur ajoute que « toute signification est un artefact. » En effet, « le sens ne s’ajoute pas à une signification déjà là. Au contraire, la signification résulte d’une abstraction opérée par le linguiste à partir du sens. » (ibid., p. 16)
11 Classes de Claire Pascal et de Jérôme Faux, cycle 3 de l’école d’application Joseph Bara à Agen.
12 Comme l’affirmait Josette Rey-Debove dans la préface du Robert des Jeunes (1991), « aucune phrase-exemple ne permet d’accéder au sens exact d’un mot, seule la définition peut le faire parce qu’elle généralise, alors que l’exemple particularise ».
13 Des difficultés de même ordre apparaissent dans la production de définitions par des étudiants : « bête » est ainsi défini comme « caractéristique générale pour désigner un animal domestique ou non », ou seulement glosé par « animal » (Mazières, 1993).
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