3. Analyse de l’action du professeur en classe ordinaire : formes méthodologiques de réduction du corpus et gestion de la disparité des unités de découpage de l’action
p. 153-172
Texte intégral
1. De la nécessité des échelles
1.1. Contraintes temporelles externes et internes liées à la discipline de la biologie
1La discipline de la biologie dans le cadre de la « découverte du monde vivant » exerce des contraintes sur l’organisation des séances en classe et donc sur les dispositifs d’observation de la recherche. Ces contraintes sont à la fois externes et internes.
2Les contraintes externes sont de nature institutionnelle. Elles sont liées à la définition de la discipline au travers de ses missions. Le Plan de Rénovation des Sciences et de la Technologie à l’École (B.O. n° 23 du 14 juin 2000) propose la mise en place de dispositifs qui permettent aux élèves de se confronter au réel au travers de la démarche scientifique d’investigation. On peut voir dans la plupart des classes que cette orientation conduit les professeurs à organiser la séance selon trois temps : le temps de l’expérimentation en groupe, le temps de la mise en commun collective et le temps de la rédaction souvent individuelle. En effet, la démarche expérimentale d’investigation développée dans le document d’application des programmes (2002, p. 8 et 9) propose une procédure en quatre points qui contraint l’organisation du temps dans la classe. La description qui suit rend compte de cette forme canonique, ce qui ne veut pas dire qu’il s’agit là d’une réalité présente dans toutes les classes. Le premier temps est celui de la formulation du questionnement des élèves, de l’élaboration des hypothèses et de la conception de l’investigation qui alterne avec des moments de réflexion en groupe suivis de confrontations collectives. Puis vient le moment de l’investigation conduite par les élèves qui passe nécessairement par un travail en petit groupe. Lui succède le temps de l’acquisition et la structuration des connaissances où le professeur organise les échanges et confrontations dans la classe et enfin le temps de la réalisation de productions destinées à la communication des résultats ainsi que la co-formulation écrite, professeur et élèves, des connaissances nouvelles. Ce dernier temps, selon les nécessités, verra l’alternance de moments collectifs, de moments de groupe mais aussi de temps individuels. Le dispositif d’observation doit pouvoir rendre compte de ces différents temps et analyser les relations entre ces moments.
3Les contraintes externes sont liées à la discipline elle-même : le vivant ne peut être appréhendé qu’au travers de processus qui supposent souvent plusieurs séances. De plus, la construction du référent empirique1 (Martinand 1986), se fait le plus souvent au travers d’expériences vécues qui jouent un rôle important dans la mémoire des élèves et de la classe. Aussi, cet arrière-plan risque de manquer au chercheur qui n’observe qu’une seule séance. C’est pourquoi il est d’autant plus nécessaire, afin de s’approcher de la logique d’action du professeur et des élèves, de croiser divers registres de recueil de données, au-delà de la séance en classe.
1.2. Contraintes liées à l’objet de recherche
4Ce travail s’inscrit dans une recherche plus vaste qui concerne les déterminations de l’action conjointe professeur/élèves. Nous cherchons à saisir des épisodes où se donne à voir « l’épistémologie pratique » du professeur (Sensevy et Mercier 2007), notamment ses « théories de la connaissance » concernant l’orientation socio-constructiviste des apprentissages (Lobato et Clarke 2005). Dans cette séance nous observerons comment, en faisant plus ou moins « participer » les élèves à l’enseignement (Mercier 1998), le professeur leur permet — ou pas — de se confronter au « réel ».
5Le corpus étudié dans ce travail est la transcription d’une séance observée dans une classe de CP. Cette séance met en scène un professeur chevronné — dit « P » — qui, confronté à un savoir complexe, la locomotion du lombric, se retrouve en difficulté et procède, en fin de séance, à un changement radical dans sa posture d’enseignant.
6Il sera également, lors de l’analyse compréhensive finale, fait allusion à la transcription de l’entretien « post-séance » où chercheur et professeur commentent ensemble la totalité de l’enregistrement vidéo de la séance.
1.3. Contraintes liées au modèle théorique
7Le modèle de « l’action conjointe »2 (Sensevy et Mercier 2007), propose trois niveaux d’articulation du jeu didactique. Celui-ci peut être représenté schématiquement par le jeu du professeur « sur » le jeu des élèves ou, dit autrement, par l’ensemble des « techniques professorales » qui font exister la relation didactique dans la classe. L’analyse de « l’action conjointe » suppose d’élucider trois niveaux distincts.
8Comment le professeur fait jouer le jeu didactique : ce niveau comprend la description du jeu didactique grâce au modèle de l’action du professeur (Sensevy, Mercier et Schubauer-Léoni 2000) et ses catégories de description que sont la chronogenèse (succession dans le temps de la présentation des objets de savoir), la topogenèse (répartition des rôles et des tâches des différents acteurs) et la mésogenèse (construction de la référence commune du point de vue du milieu). Ce modèle prend notamment appui sur la théorie des situations (Brousseau 1998) et travaille plus particulièrement les influences réciproques contrat didactique3/milieu.
9Comment le professeur construit le jeu didactique : il s’agit de comprendre ce que les élèves vont avoir à faire en terme de tâches dans la prévision du professeur. À ce niveau la mise au jour de l’ancrage épistémique du professeur, c’est-à-dire son rapport au savoir enseigné, est déterminante.
10Les déterminations qui pèsent sur le jeu didactique : nous sortons ici du champ intentionnel du professeur pour aller à la rencontre de certains déterminants plus généraux de l’activité. Ces déterminants sont en lien avec « l’épistémologie pratique du professeur » (Sensevy et Mercier 2007), qui peut être considérée comme une actualisation de sa propre théorie de l’enseignement-apprentissage pour le champ notionnel considéré. Cette épistémologie est pour l’essentiel parfaitement implicite, elle prend naissance dans la pratique en même temps qu’elle l’oriente. Elle est révélée dans certaines conduites du professeur qui sont alors prises comme indices de son existence.
1.4. Contraintes liées à l’observation du didactique ordinaire
1.4.1. La méthodologie clinique — exploratoire
11La méthodologie d’observation du didactique ordinaire suppose un dispositif de recueil de données à faible valence « expérimentale » et un dispositif d’analyse à forte valence « clinique ». C’est pourquoi, certains didacticiens comparatistes ont parfois l’habitude de nommer cette méthodologie « clinique expérimentale ».
12Nous nous fondons sur la « théorisation ternaire » de l’action conjointe : construire le jeu, faire jouer le jeu et les déterminations du jeu. Il nous faut donc pouvoir recueillir des données relatives à ces trois niveaux. Les recueils devront pour cela, prendre en charge les différents temps et les différents lieux de l’action du professeur.
13Le travail de Schubauer-Léoni et Leutenegger (2002) propose un dispositif de recueil qui satisfait à ces nécessités :
L’entretien ante E1 qui permet de construire le contrat expérimental de recherche4 ;
L’entretien ante E2 qui donne accès à la préparation de la séance par le professeur, de la représentation qu’il s’en fait et du rapport qu’il entretient à chacun de ses élèves ;
L’enregistrement vidéo de la séance en classe ;
L’entretien E3 d'autoanalyse qui permet pour le professeur un « redoublement de son expérience » par le commentaire du film de la séance.
14L’observation du didactique ordinaire suppose l’introduction dans le dispositif de certains éléments étrangers. Sensevy, Mercier et Schubauer-Léoni (2000), nomment ces « éléments étrangers » des injonctions dont le but est de produire des observables en nombre et en qualité, en relation avec notre objet de recherche. Mais pour autant, il importe de conserver le caractère « ordinaire » de l’observation.
15Il faut donc que ces injonctions soient « suffisamment légères pour que les pratiques habituelles n’en ressortent pas artificiellement modifiées, mais suffisamment fortes pour révéler des déterminants de l’action dont les actualisations n’auraient pu, sans cela, venir au jour et dont on n’aurait pas pu identifier la prégnance dans la pratique habituelle » (Sensevy, Mercier et Schubauer-Léoni 2000).
16C’est la variabilité des temps et des lieux du recueil de données et l’introduction des perturbations contrôlées qui donnent à la méthodologie sa dimension « expérimentale ».
17Le recueil de données nous met donc en présence de nombreuses traces issues de « registres d’enquête » différents, parfois faiblement connotés.
18Nous touchons ici la contrainte majeure de l’analyse du didactique ordinaire : faire avec les significations manquantes en reconstruisant a posteriori un réseau de significations selon la méthode de « l’enquête ».
19Cette démarche ascendante5 d’analyse, mise en place par certains didacticiens comparatistes Mercier, Schubauer-Leoni et Sensevy (2002), se fonde sur le paradigme indiçaire de Ginzburg (1989, p. 77) : « Si la réalité est opaque, des zones privilégiées existent, traces, indices, qui permettent de la déchiffrer… Quand on ne peut pas reproduire les causes, il ne reste plus qu’à les inférer à partir des effets ».
20L’analyse du didactique ordinaire repose sur trois principes de base (Schubauer-Léoni et Leutenegger 2002) :
Le principe de rétroaction : ce principe rend compte de l’effet « d’après-coup » dont relèvent les analyses. Le propre des traces est de permettre une sorte de « hors temps », voire la construction d’une temporalité, dans la série des événements ;
Le principe de questionnement réciproque : entre les différents types de traces à disposition ;
Le principe de symétrie : il concerne à la fois les événements, les objets et les acteurs susceptibles de concourir à la construction de configurations signifiantes.
21C’est cette dimension ascendante et croisée de l’analyse des données qui confère à la méthodologie sa dimension « clinique ».
1.4.2. L’analyse didactique à trois grains selon le concept de « la vue synoptique »
22La recherche que nous menons est de nature compréhensive. Nous travaillons sur l’unité de la séance en classe qui est une forme scolaire en soi et en ce sens, digne d’intérêt. L’analyse extrêmement fine que nous menons, fonctionne sur la logique des « études de cas »6. Cette exigence de finesse d’analyse rend nécessaire l’observation de l’action selon des grains et des focales de taille diverses. Cette nécessité est prise en charge par « le synopsis » de la séance qui représente une forme méthodologique de réduction et de première interprétation du corpus.
23La vue synoptique est un concept issu de la deuxième philosophie de Wittgenstein (1953-2004). Elle construit des liens entre les phénomènes qu’elle décrit et permet de saisir une multitude comme une totalité et d’un seul coup d’œil en rassemblant des « cas » côte à côte. Elle produit un type de compréhension qui permet de « voir » des liaisons. « On peut éclairer un très grand nombre de phénomènes divers… en disposant ce qu’on sait déjà d’une manière qui clarifie les liens ou les relations réciproques » (Glock, 1996, p. 585).
24Ce balayage rapide des contraintes nous permet de réaliser, si besoin en est, que les différents niveaux constitutifs de la recherche didactique fonctionnent véritablement en système. Que ce soit la discipline, l’objet de recherche, le corpus, le modèle théorique ou encore la méthode d’observation, ces composants se déterminent mutuellement. Pour le chercheur, la décision de travailler à une échelle plutôt qu’à une autre, ou bien à plusieurs échelles est déterminée par une certaine forme de compréhension préalable de ce système, ce qui ne veut pas dire que la compréhension précède l’enquête.
25Dans notre cas, le dispositif d’observation doit rendre compte des différents temps d’une séance en découverte du monde vivant tout en considérant des temps antérieurs et postérieurs à la séance. Du point de vue du modèle théorique de description de l’action du professeur, il nous faut pouvoir appréhender le temps de la construction du jeu d’apprentissage, le temps de son effectuation, mais aussi celui, plus diffus, qui témoigne des déterminations plus générales de l’action du professeur. Celles-ci représentent l’objet majeur de notre recherche : elles se saisissent dans la reconstruction de la logique de l’action. En tant que phénomènes invisibles, elles nécessitent des granularités d’observation différentes. De plus, ces déterminations ont l’ambition d’être appréhendées dans des classes ordinaires, au travers d’étude, de cas qui procèdent par accumulation et recoupement d’indices.
26Cet ensemble de contraintes nous amène donc à concevoir un dispositif d’observation et d’analyse qui appréhende ensemble plusieurs temporalités et plusieurs granularités.
2. De la construction des échelles
2.1. Le synopsis de la séance
27Le synopsis de la séance produit trois unités de découpage de l’action selon trois grains et trois temporalités.
28Le premier grain de l’analyse est le grain « macro » qui fait ressortir les régularités, traits saillants et effets de surface ; il donne le profil général de la séance et concerne les « phases ».
29Le deuxième grain est le grain « méso » qui révèle les « changements de jeu » du professeur qui se traduisent par les différentes « scènes ». Les grandes unités — phases et scènes — rendent compte de la programmation du professeur, elles sont plutôt « naturelles ». Elles montrent les types de structuration chronologique ou hiérarchique et les façons dont le professeur gère les transitions. Les clôtures de ces unités sont en général assez marquées.
30Le troisième et dernier grain « micro » représente le grain le plus fin et concerne certains événements remarquables. Ces derniers sont repérés dans la séance par des hiatus au niveau de l’échange, ce sont des épisodes qui permettent d’établir un équilibre nouveau, de proposer une nouvelle situation à partir d’une ancienne (Sensevy et Mercier 2007). Ces épisodes micro sont rarement prévus par le professeur et sont le plus souvent le fait de l’observation du chercheur. Ils ne sont pas autonomes et leur clôture est peu marquée. Ils permettent de voir les décalages, les divergences effectives entre les participants. C’est à ce niveau que nous observons la façon dont le professeur régule et réaménage le milieu de l’action en fonction des événements.
31Ce type de découpage de la séance (phase, scènes, épisodes) génère donc des unités de taille et de durée différentes. Ce découpage fonctionne par analogie avec la construction de l’intrigue théâtrale (actes, scènes et « coups de théâtre »).
32Le projet d’enseignement, découvert lors de l’entretien ante-séance, vise un contenu de savoir précis qui est le suivant : le lombric se déplace par allongement et raccourcissement alternatif de ses anneaux. Des soies, situées sur sa face ventrale, lui permettent d’adhérer au support. Durant la séance, les élèves seront répartis par groupe de quatre et procèderont à des observations successives afin de répondre à la question : « comment avance le ver de terre ? ».
33Selon l’enseignant, l’utilisation de loupes doit permettre des observations plus détaillées que celles faites à l’œil nu.
34Des mises en commun intermédiaires et un recours final à la documentation — si nécessaire — valideront les premières hypothèses émises par les groupes d’élèves lors des observations.
35Avant cette séance, les élèves ont réalisé les terrarium et observé quotidiennement, mais de façon non formelle, le comportement des lombrics.
36Nous présentons ici le synopsis de la séance enregistrée en classe, construit à partir de la transcription de l’enregistrement vidéo.
37Dans le cadre de cette séance, le temps de groupe comprend les scènes 4, 7 et 10 et représente 27 % du temps total ; le temps collectif comprend les scènes 0, 1, 2, 3, 5, 6, 8, 9, 11,12 et représente 57 % du temps total. Enfin, le temps individuel comprend la scène finale, la 13, et représente 16 % du temps total.
2.2. Le profil de la séance selon les deux lexiques « mots-tâche » et « mots-notion »
38À partir du synopsis, deux autres formes méthodologiques de réduction du corpus ont été mises en œuvre : elles rendent compte de la construction du savoir du point de vue langagier. Dans notre travail, cette dimension langagière est centrale. En effet, « L’essentiel des techniques par lesquelles le professeur initie et maintient la relation didactique sont des techniques langagières, et, plus précisément, des techniques linguistiques. Étudier l’action du professeur, c’est donc notamment tenter de comprendre de quelle manière et à quelles fins il produit son discours » (Sensevy et Quilio 2002). Décrire l’action conjointe consiste à saisir les enjeux et les finalités des transactions d’objets de savoir entre le professeur et les élèves.
39Grâce à un logiciel d’analyse automatique du discours8 nous avons pu obtenir le lexique utilisé par le professeur.
40Nous avons relevé les formes dont les fréquences sont supérieures à 9. La valeur 9 a été retenue comme limite inférieure pour deux raisons. La première est liée à la nécessité d’intégrer le mot « ventouse » car il est associé à l’épisode remarquable E4 et à ce titre il représente un élément saillant. La deuxième raison est que nous considérons qu’en deçà de ce seuil, la représentation devient moins significative. Nous avons réparti ces mots selon deux sous-lexiques, celui des mots-tâche — les mots du professeur qui désignent et accompagnent la tâche — et celui des mots-notion — les mots qui désignent la notion de locomotion.
Tableau 2 : le lexique des mots-signe
Registre | Lexique | Mots-signe fréquence d’apparition | appelation |
1 | Générique | observer/voir/regarder 111 ; | Mot-tâche |
2 | Spécifique | Avancer 93 ; | Mot-notion |
41Sur ce graphique sont portées en abscisse les quatorze scènes de la séance, ainsi que les phases, et en ordonnée le nombre de mots-notion ou de mots-tâche. Les épisodes sont notés respectivement E1, E2, E3, E4 et E5. Ce graphique est une façon de figurer l’évolution du lexique du professeur selon les différents moments de la séance. Il représente la première des deux formes méthodologiques de réduction du corpus de la séance.
42Nous voyons que les deux registres sont représentés dans toutes les scènes de la séance mais dans des proportions variables : le professeur expose les élèves à ces mots surtout dans les moments collectifs. La scène 8 présente un profil remarquable : chacun des deux registres y atteint son pic maximum. Il sera sans doute utile d’analyser plus précisément cette scène particulière.
2.3. La reconstruction des énoncés de savoir selon les deux lexiques
43La deuxième forme méthodologique s’appuie également sur le découpage de la séance selon les phases et les scènes. Le lexique des épisodes, quant à lui, est contenu à l’intérieur des scènes. Il n’apparaît pas en tant que tel ici.
44Pour chaque scène, nous avons repéré les mots-tâche et les mots-notion utilisés par le professeur. Nous avons ensuite reconstruit artificiellement des unités sémantiques utilisant ces mots.
45L’intérêt de cette reconstruction est de représenter de manière explicite le discours implicite du professeur : c’est en quelque sorte « le texte caché du savoir », ce que P dit, sans le dire vraiment.
46Cette réduction de corpus produit un nouveau texte qui laisse apparaître de manière très claire le changement de focale concernant la question posée. Les élèves passent de la question « comment avance le ver de terre ? » (en gras) à la question « à quoi lui servent ses poils ? » (en gras et souligné). Ce glissement s’effectue à la scène 8, précédemment repérée.
3. De la gestion de la disparité des échelles
3.1. L’effet de zoom
47Nous allons reprendre la scène 8 qui présente un profil remarquable : les deux lexiques — notions et tâche — enregistrent un pic maximum et c’est dans le cours de cette scène que se produit le changement de focale de la question.
48Dans le cadre de notre approche comparatiste d’observation de classes ordinaires, l’analyse se fait du point de vue de la pragmatique didactique9. Cet « effet de zoom » nous permet d’étudier de manière clinique la pragmatique didactique de cette scène.
49Les élèves rassemblés devant le tableau mettent en commun la dernière observation : écouter le déplacement du lombric sur une feuille de papier d’aluminium.
50La scène peut se découper ainsi :
t30'à t35', jeu n° 1 (tour de parole 174 à 200) : « entendu/pas entendu — le bruit sur l’alu - » ;
t35'à t36', jeu n° 2 (tour de parole 200 à 206) : « vu/pas vu — les soies du lombric - » ;
t36'à t38' (tour de parole 206 à 222) : « contradiction entre Lola — le ver de terre fait du bruit avec ses poils — et Yamin — le ver de terre il a pas de poils c’est impossible — » ;
t38' (tour de parole 223 à 227) : jeu n° 3 : « évolution de la question »
t39 (tour de parole 227 suite) : jeu n° 4 : « que faire pour savoir qui a raison ».
51En 3 minutes — t30 min à t39 min — les élèves ont été soumis à quatre jeux différents10. L’épisode E3 de diffusion de la contradiction entre Lola et Yamin semble représenter le moment de bascule de la scène, voire de la séance entière. Un effet de zoom « avant » sur cet épisode s’avère nécessaire.
Épisode E3, scène 8, phase 3
208-P : On lève la main j’entends rien je sais pas c’que vous dîtes on lève la main
Lola elle dit il fait du bruit avec ses poils mais qui a vu des poils au ver de terre 209-E : Moi j’en ai pas vu
210-E : Moi j’en ai vu
211-P : Et toi Jonathan est-ce que tu en as vu
212-Jonathan : Non
213-P : Et toi
214-Yamin : Mais non le ver de terre il a pas de poils c’est impossible
215-P : Alors chutttt Lola dit « il fait du bruit avec ses poils » et yamin dit « il n’a pas de poils »
37 minutes
(P écrit ces deux remarques au tableau) S’il avait des poils comme dit Lola à quoi ça pourrait bien lui servir d’avoir des poils
216-E : À avancer
217-P : Oh là là quel bande de disputeurs 0 on s’intéresse plus à la dispute qu’au ver de terre
Bon alors à quoi ça pourrait bien servir ces poils, on ira vérifier à la loupe mais à quoi ça lui servirait s’il avait des poils
218-plusieurs E : À avancer
52Il faut savoir qu’il est tout autant impossible aux élèves d’entendre le bruit du déplacement des soies du lombric sur le papier d’aluminium que d’observer les soies, même avec la loupe. Le professeur interrompt ces deux jeux (entendu/pas entendu et vu/pas vu) fort peu opératoires pour se saisir de la contradiction entre Lola et Yamin. Il tente de faire avancer le temps didactique, en proposant aux élèves un nouveau jeu qui passe par la transformation de la question : « S’il avait des poils comme dit Lola à quoi ça pourrait bien lui servir d’avoir des poils » (215-P). Il ne s’agit plus de se référer à des observations (puisqu’elles ne sont pas opératoires) mais de se rapprocher de la bonne réponse (« s’il avait des poils ») au travers d’un jeu de « production de savoirs raisonnés11 » (Orange 2002) concernant le rôle des soies. Cependant au tour de parole suivant, le professeur semble faire « machine arrière » en proposant « on ira vérifier à la loupe » (217-P) (finalement, le lombric ne possède peut-être pas de soies). Or, 2 minutes plus tard, au temps 39 minutes, le professeur va proposer le jeu n° 4 « que faire pour savoir qui a raison ». Il se trouve qu’en disant « on ira vérifier à la loupe » le professeur avait répondu à la question qu’il n’avait pas encore posée.
53Difficile pour les élèves de comprendre quel est « le jeu en cours » et « quelle est la question posée » car tout va trop vite et les différents jeux s’entrecroisent sur un temps très court. Avec la confusion s’installe alors l’agitation dans la classe « Oh là là quelle bande de disputeurs » (217-P).
54D’un point de vue méthodologique, nous voyons ici que le découpage de l’action, notamment en scènes, permet de saisir avec plus de précision le ou les moments charnières de la séance, ce qui permet, in fine, de mieux comprendre la logique des interactions professeur/élèves. Notons que c’est l’analyse lexicale en lien avec le découpage selon les trois échelles, qui a permis de mettre en évidence le caractère « remarquable » de cette scène et d’articuler autour d’elle toute cette analyse exploratoire, en particulier dans sa dimension clinique.
3.2. La mise en relation des échelles
55L’épisode (E4) en fin de séance, montre un « renversement de posture » du professeur : tout à coup, il va montrer l’existence des soies aux élèves à l’aide d’une photographie agrandie et va produire la réponse concernant le rôle des soies. Nous allons mettre en relation le projet professoral (les 4 phases de la séance) avec le résultat de l’action conjointe (le renversement de posture en E4).
Épisode E4, scène 12
325-P : Mais à quoi ça pourrait lui servir ces poils ces poils sur chaque anneau à quoi ça lui servirait ils pourraient l’aider à quoi
326-Marie-Jeanne : À avancer
327-P : Oui mais pourquoi comment en faisant quoi ces poils qu’est-ce qu’ils font 0 hein Maximilien qu’est-ce qu’ils pourraient faire ces poils pour l’aider à avancer en plus de faire l’accordéon 0 Tu sais pas 0 Personne a une idée à quoi pourraient servir ces poils 0
328-plusieurs élèves : Non
329-P : Lola
330-Lola : Pour se tenir à la terre
331-P : Pour se tenir à la terre c’est pas une mauvaise idée 0 Jonas
332-Jonas : Peut-être que ses poils ils lui servent à autre chose 0 peut-être à creuser et à avancer
333-P : Peut-être à creuser
55 minutes
comme des petites pelles 0 Alors on va regarder ce que dit le livre chuut je vais d’abord passer pour vous montrer les poils c’est une photo qui a été grossie à la loupe et on voit les tout petits poils du côté du ver de terre 0 tu les vois
56 minutes
(P se déplace dans les rangs et montre les photos à chaque élève, certains s’agitent) chuut donc Jonas tu te tais Valentine aussi Lola
57 minutes
Alors donc le ver de terre il utilise 2 façons pour avancer la première c’est de se 0
334-E : Grossir
335-P : De se grossir mais on appelle ça de se contracter et de s’étirer c’est de se faire gros et puis long gros et puis long se contracter et s’étirer et puis on nous dit sur ce livre que le ver de terre a 8 petits poils 4 d’un côté et 4 de l’autre 8 petits poils qui lui servent à se déplacer pas tout à fait comme des pattes parce que
58 min
c’est tellement minuscule et ce sont des petits poils et ça lui sert à s’accrocher alors qui me redit les 2 façons du ver de terre de se déplacer Louise
336-Louise : Les poils
337-P : Oui mais qui lui servent à quoi exactement il fait quoi avec ses poils 0 il s’accroche Jonas
338-Jonas : Et les ventouses à quoi ça sert
339-P : Les ventouses 0 Alors aujourd’hui sur cette feuille je vais vous demander de faire un dessin pour expliquer comment fait le lombric pour avancer on met son prénom sur la ligne dessous la date et on explique comment il avance
56Le professeur a structuré son projet d’enseignement de manière chronologique : après une phase d’hypothèse qui doit armer et guider les observations ultérieures, les élèves sont amenés à observer d’abord le phénomène de contraction à l’aide d’une loupe puis à mettre en évidence les soies par « le bruit sur l’alu ». Enfin, une trace écrite devrait permettre de représenter — grâce à un schéma — le déplacement du lombric. C’est l’observation et la mise en commun dans le cadre du débat qui doivent permettre la construction de connaissances.
57Or, cet épisode E4 montre que le projet a échoué. Le professeur sort tout à coup de sa réserve pour faire une sorte de « coup de force » : il présente d’abord la photographie : « Alors on va regarder ce que dit le livre » (t55 min) puis énonce le rôle des soies : « ce sont des petits poils et ça lui sert à s’accrocher » (t58min). Le changement de focale de la question à la scène 8, épisode E3 « S’il avait des poils comme dit Lola à quoi ça pourrait bien lui servir d’avoir des poils » (215-P), aurait permis de dépasser le côté inopérant de l’observation en proposant une autre forme de production de savoirs, les savoirs raisonnés. Or, les élèves ne semblent pas y adhérer. En effet, on observe qu’entre la fin de la scène 8 (38 minutes, tour de parole 224) et le début de la scène 12 (54 minutes, tour de parole 326) le temps didactique s’est figé : à la même question « Mais à quoi ça pourrait lui servir ces poils » les élèves répondent invariablement « À avancer ». L’observation n’a pas permis la production de connaissance et les élèves ne se sont pas engagés sur l’autre mode de production de savoir initié par le professeur. Cette analyse révèle les liens organiques de la scène 8 avec la scène 12.
3.3. Analyse compréhensive de l’action didactique du professeur
58La scène 8 représente bien la charnière de la séance : c’est à ce moment que le professeur réalise que les observations ne sont pas opératoires. Sa proposition, probablement pertinente, de produire des savoirs raisonnés n’est pas suivie d’effets. Sans doute parce que la multiplicité des jeux a pour conséquence le fait que tous les élèves « n’habitent plus » en même temps le même jeu d’apprentissage et donc, ne considèrent pas les mêmes objets. Ce phénomène s’amplifie avec le temps, au fur et à mesure que les jeux se multiplient.
59D’autre part, on constate que le professeur, de manière directe ou indirecte n’arrête pas de « souffler la réponse » aux élèves. Si on reprend la scène 8, aux jeux n° 1 et 2 le professeur suggère qu’il y a « quelque chose » à voir et à entendre, et au jeu n° 3 que les lombrics « auraient » des soies qui ont un rôle dans la locomotion. Le travail sur le lexique avec la construction des deux formes méthodologiques de réduction du corpus montre que le professeur développe une technique qui consiste à exposer les élèves à un certain lexique qui est en fait celui du « texte de savoir » auquel il souhaite parvenir. Comme ces deux méthodes « indirectes » ne produisent pas l’effet attendu, le professeur va utiliser la « méthode directe » où il convoque le savoir sous la forme de la photographie et de l’énoncé (Épisode E4 de la scène 12). C’est ici une « indication Topaze »12 qui permet au professeur de maintenir le lien didactique.
60L’entretien post-séance nous apprendra que le professeur avait reproduit à la lettre un protocole de séance proposé par un manuel (Tavernier, Découverte du monde vivant) sans avoir lui-même réalisé les observations avant la séance. De plus, comme nous l’avons remarqué plus haut, le professeur nous apprendra que les élèves avaient déjà des connaissances concernant la morphologie du lombric. La photographie montrée en fin de séance avait été travaillée deux jours auparavant. Le professeur a donc présenté aux élèves « une expérience pour voir » alors qu’il s’agissait, en fait, « d’une expérience pour vérifier » (des éléments déjà évoqués). Pour autant, les élèves ont appris que « les lombrics possédaient des soies qui leur servaient à s’accrocher dans le sol » ; les post-test réalisés auprès des élèves après la séance nous le confirment, même si les connaissances n’ont pas été produites par l’observation et la confrontation au réel, ce qui était apparemment le projet du professeur et l’enjeu de la séance.
3.4. Temporalité du chercheur, temporalité du professeur
61Les échelles que nous utilisons se définissent du point de vue de la sémantique familière de l’action (Sensevy et Mercier 2007) ; elles représentent le point de vue du professeur : ce sont les phases et les scènes. Mais les échelles se définissent aussi du point du vue du chercheur et de ses objets de recherche : l’épistémologie pratique du professeur. Nous sortons alors de la construction compatible avec la sémantique familière de l’action et nous construisons les épisodes remarquables.
62Notre travail veut rendre compte du sens de l’action pour l’acteur. Il est donc nécessaire qu’il y ait recouvrement des deux points de vue. Pourtant, même lorsqu’il y a recouvrement, le niveau de description va être différent : c’est encore une question de grain d’analyse lié à des échelles différentes. Selon qu’il s’agit, dans l’analyse, de rendre compte de l’action du point de vue du professeur — changement d’activité — ou de l’action didactique du point de vue du chercheur, la description sera plus ou moins dense en termes théoriques. Nous considérons donc deux niveaux de description. Dans le tableau ci-dessous, nous présentons à titre d’illustration, mais sans pouvoir entrer dans le détail, la façon de décrire ces « jeux d’apprentissage » comme nous le faisons lors de l’analyse pragmatique didactique fine des épisodes. Le niveau 1 est celui du langage de la sémantique familière de l’action. Le langage des modèles — le niveau 2 — dans lequel le chercheur tente de saisir son objet, se décline en plusieurs sous-niveaux dont la densité en éléments théoriques va croissant.
Tableau 4 : Exemple de niveaux de description d’une scène (scène 1) selon le point de vue du professeur ou du chercheur
Niveau 1 : Le professeur P demande aux élèves de mimer le déplacement du lombric au sol sans utiliser les bras et les jambes.
Niveau 2a : P doit gérer la production des premiers énoncés qui vont contribuer à la construction des hypothèses
Niveau 2b : P joue un jeu sur le jeu des élèves. Par l’utilisation de reformulations, il diffuse certaines propositions d’élèves. Il sélectionne ainsi les premières « nécessités » et élimine des éléments plus « contingents ».
Niveau 2c : P se place dans une posture énonciatrice dominante de surénonciateur : il reprend une partie des énoncés des élèves mais les complète à sa manière.
Niveau 2d : La topogenèse de P se définit par une posture de surplomb masquée dans une attitude d’accompagnement. Cette « technique » permet au professeur de faire avancer le temps didactique en désignant des éléments qui vont préparer l’observation.
63Parfois les points de vue du chercheur et du professeur ne se recouvrent pas dans le découpage : c’est souvent le cas des petites unités et plus rarement celui des plus grandes unités. Ce qui est événement didactique pour le chercheur n’est pas nécessairement événement pour le professeur. Celui-ci, dans le cadre de l’entretien post séance, peut le repérer, mais ne le thématise généralement pas comme tel.
64Par exemple, à la scène 8, Jonas avance un énoncé explicatif : « Pour avancer, les lombrics ont des ventouses sur leurs soies ». L’énoncé est repris par le professeur et écrit au tableau, ce qui lui confère un statut. À la scène 12, soit 20 minutes plus tard, le professeur a fait évoluer la question : « À quoi pourraient bien lui servir les poils ? ». Jonas réitère sa proposition, sous forme de question cette fois-ci : « Et les ventouses, à quoi ça sert ? ». Le professeur élude la question de Jonas. Dans son découpage, le chercheur construit un épisode remarquable autour de cet événement.
65La mise en relation de ces deux interventions fait signe pour le chercheur : Jonas tente de participer à l’enseignement, le professeur ne l’inclut pas. Lors de l’entretien post-séance, le professeur n’a pas réagi spontanément à cet épisode (Épisode E4), il le fait lorsque le chercheur l’y engage.
104-C | Mais en tout cas Jonas fait une proposition pour expliquer le mécanisme de l’adhérence puisqu’à leur manière ça émerge de ci de là que de toute façon il faut bien qu’il s’accroche pour avancer + mais ça apparemment tu l’identifies pas du moins jusque-là comme des réactions qui pourraient expliquer le mécanisme de l’adhérence |
105-P | Oui c’est toujours la même chose je suis toujours en retrait par rapport à des choses qu’ils savent et qu’ils n’ont pas vu je sais bien qu’il a pas vu cette histoire de ventouses mais je le prends en compte parce qu’on l’a vu dans le livre alors je peux pas faire comme si on l’avait pas vu mais ça me gêne un petit peu de le retenir j’aurais voulu que tout puisse venir de l’observation la séquence est un petit peu bancale à cause de ça car tout ne vient pas de l’observation Y’a beaucoup de choses qui ne peuvent pas venir de l’observation déjà et je m’en rend compte en même temps qu’eux et c’est un peu tard |
66C’est ici que le chercheur apprend qu’avant cette séance le professeur avait procédé à une étude morphologique du lombric – « On l’a vu dans le livre » – Ces « connaissances-déjà-là » brouillent l’observation et ce que les élèves peuvent dire de ce qu’ils voient réellement.
4. De l’intérêt des échelles
67Ces unités de découpage de l’action, dans leur dimension temporelle, représentent des échelles différentes qui font apparaître des événements inaperçus à l’échelle supérieure ou inférieure.
68Ce sont des unités praxéologiques qui identifient des objets au sein d’une activité. Ce sont aussi des unités de sens dans la mesure où elles sont porteuses d’une part de la logique d’action du professeur et des élèves. Dans le cadre de l’observation du didactique ordinaire, elles permettent la production du réseau de signification.
69La construction de ces unités permet en réduisant le corpus de la séance, de procéder à une première analyse et de construire d’autres formes méthodologiques. Les phases et les scènes rendent compte du point de vue du professeur, de son action programmatique. Les épisodes sont le fait du chercheur et concernent les objets de recherche.
70Enfin, travailler l’articulation des grandes unités que sont les phases et les scènes avec les plus petites que sont les épisodes, ouvre une piste d’exploration concernant l’épistémologie pratique du professeur. Nous pouvons voir comment le professeur infléchit – ou pas – ses habitudes d’action selon les événements qui émergent de la situation.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Référent empirique : au sens de Martinand (1986) : Il met en lien un domaine organisé et limité de savoir élaboré et problématisé comprenant l’ensemble des objets, phénomènes, procédés, rôles avec leur description et les savoirs manipulatoires qui leur sont associés.
2 L’action conjointe : notre travail regarde du côté de l’action conjointe professeur/élèves spécifiée au savoir. Nous cherchons à comprendre ce que chacun — le professeur, les élèves et le savoir — devient "grâce" aux autres. Pour cela nous cherchons à comprendre les règles du jeu didactique et le sens de l’action pour le professeur mais aussi pour les élèves. Une des caractéristiques du jeu didactique est sa profonde dissymétrie : c’est pourquoi nous reconnaissons dans nos analyses un poids particulier au professeur.
3 Contrat didactique, au sens de Brousseau (1998) : Ce sont les habitudes spécifiques du maître attendues par l’élève et les comportements de l’élève attendus par le maître.
4 Contrat expérimental de recherche : Selon Schubauer-Léoni (2002), c’est le système d’attentes qui lie le professeur et le chercheur. Dans notre cas, le professeur doit mettre en œuvre une séance qui procède de la démarche d’investigation et s’en expliquer lors d’entretiens où le chercheur accompagne la formulation des questionnements du professeur. Cependant, les intentions du chercheur restent opaques au professeur car tout dévoilement de l’objet pourrait introduire des biais dans son expression lors de l’enregistrement de la séance en classe.
5 Démarche ascendante, selon Schubauer-Léoni et Leutenneger (2002) : à partir d’un cadre théorique problématisé, la construction des objets de recherche se fait dans le fil de l’analyse par reconstruction d’un réseau de signification. Celui-ci est fondé sur le regroupement de traces qui, à terme, signent des faits qui donnent accès à certains phénomènes didactiques. Elle suppose une suspension théorique et une suspension du jugement qui permettent au chercheur de retarder l’interprétation.
6 L’étude de cas, au sens de Revel et Passeron (2005) considère les conditions de la généralisation à partir de descriptions de configurations singulières, en sciences humaines. Cette approche dégage une voie entre l’expérimentation objective et la description subjective. Elle conçoit l’articulation d’une théorie avec la stratégie d’une enquête dans une relation d’implication réciproque. Elle associe la particularité des énoncés aux changements de contexte.
7 Le temps didactique, au sens de Sensevy (1998) est sous la responsabilité de l’enseignant : c’est la disposition sur l’axe du temps de l’ensemble des savoirs nécessaires pour réaliser l’enseignement. « Le professeur devient l’horloger du savoir, le chronomaître. » (ibid, p. 50).
8 Le logiciel utilisé est le logiciel « dico » (Jean Véronis, Université Aix-Marseille). Nous travaillons maintenant sur le logiciel "Sphinx" en développant des techniques d’analyse lexicale spécifiques à l’approche didactique.
9 La pragmatique didactique, au sens de Sensevy et Quilio (2002) essaie de comprendre comment et à quelles fins sont produits les discours dans le cadre de l’action conjointe professeur/élèves.
10 Le jeu d’apprentissage représente une notion théorique qui appartient au champ de l’action conjointe décrite par Sensevy et Mercier (2007). Il se décrit selon un double langage selon qu’il désigne l’activité du point de vue du professeur ou des élèves ou selon qu’il désigne l’action du point de vue du chercheur au travers de l’interaction didactique contrat/milieu. Dans le premier cas on parlera du langage de la sémantique familière de l’action ; dans l’autre, du langage des modèles. La différence tient à la densité en éléments théoriques.
11 La production de savoirs raisonnés selon Orange (2002), est le produit d’un dispositif didactique d’aide au changement conceptuel en sciences qui se fonde sur la construction de problèmes. Ce dispositif articule de manière critique des données du vécu, de l’observation et des expériences avec des constructions qui tentent de les expliquer. La problématisation permet de passer d’une opinion à un savoir problématisé organisé en « réseau de contraintes et de nécessités » (ibid). Cette approche évite d’assimiler la question au problème et de faire de l’expérimentation la définition de la science.
12 Effet Topaze au sens de Brousseau (1998) : il se manifeste quand le professeur négocie à la baisse les conditions dans lesquelles l’élève finira par donner la réponse attendue. Le professeur a fini par prendre à sa charge l’essentiel du travail. Autrement dit, c’est ce qui se passe quand le professeur permet à l’élève de fournir une réponse attendue sans la construction afférente de la connaissance adéquate. Dans notre cas, les choses sont plus nuancées, c’est pourquoi nous préférons parler « d’indication » Topaze et non « d’effet » (Sensevv 2000).
Auteur
CREAD Université Rennes 2-IUFM de Bretagne. France.
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