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3. Le temps immobile de la recherche

p. 59-73


Texte intégral

Introduction

1Dans cette contribution, je tenterai de construire une réflexion méthodologique sur les recherches en didactiques : plus particulièrement, je m’attacherai aux recherches longitudinales. Trois questions seront envisagées alternativement. Qu’est-ce qu’une temporalité longue ? Quels types de problématiques nécessitent le recours à une temporalité longue ? Comment le temps long influe-t-il sur la recherche ? Ces trois interrogations permettront de questionner une recherche-formation longitudinale que j’ai menée de 2003 à 2006 dans le cadre d’une formation initiale d’instituteurs du primaire. Le dispositif vise à constituer une communauté d’enseignants-chercheurs en devenir et à étudier l’apparition progressive d’une posture auctoriale dans diverses traces sémiotiques écrites (journaux de formation, travail de fin d’études dans sa version brouillonnante puis achevée) et orales (entretiens de régulation et défense du travail de fin d’études). Le lecteur constatera que j’apporte moins des réponses exhaustives et assurées que je ne soulève d’autres interrogations, qui mériteraient à n’en pas douter de longs développements. Enfin, cet article a été considérablement remanié à la suite des échanges qui se sont noués lors du colloque. Je tiens donc à remercier chaleureusement les différents intervenants avec qui il m’a été donné d’interagir. Par ailleurs, le facteur temps, décidément incontournable, a également joué dans la réécriture du texte : la durée entre les différentes échéances liées au colloque a permis la reprise en profondeur du discours initial… Il s’avère donc que le chercheur est constamment pris dans des questions temporelles.

1. Le dispositif de recherche-formation

2Avant d’aborder les interrogations que j’ai énumérées précédemment, il me paraît utile, pour clarifier le propos, de dire quelques mots sur la recherche qui permettra d’illustrer plus avant mes réflexions. Cette recherche place en son cœur la question de l’enseignant-chercheur. Depuis longtemps, les chercheurs débattent vivement de cette problématique (entre autres : Barbier 2001 ; Donnay Charlier et Dejean 2002 ; Paquay 1993, 1996, 2005 ; Perrenoud 2001 ; Raymond et Lenoir, 1998 ; Schön 1994, etc.). Mais cette question a été longuement discutée d’un point de vue purement théorique : nous avons donc affaire à de pures supputations dans la mesure où les opinions ne se fondent guère sur des recherches empiriques. Ainsi, parmi d’autres interrogations, le mémoire, qui cloture généralement la formation initiale des enseignants, contribue-t-il effectivement à former des enseignants-chercheurs ? Au fond, nous n’en savons rien : il s’agit d’un postulat, sans plus, lequel devrait être réinterrogé. Sur le terrain, les tentatives effectives et systématiques pour former d’authentiques enseignants-chercheurs ne sont pas légion, alors que le prescrit légal belge invite les enseignants à acquérir eux aussi des compétences de chercheurs. En outre, si le mémoire professionnel français a déjà été abondamment étudié (Reuter, Crinon, Guigue, Nonnon, Chanfrault-Duchet, Bernié, Cros, Fournet, Bedin, Gomez, Simon…), les chercheurs ont souvent pris en compte la version achevée du mémoire : c’est alors une vision synchronique qui a été préférée. En ce qui me concerne, j’ai choisi d’adopter une perspective génétique et d’étudier les brouillons successifs de travaux de fin d’études ou TFE1. On le voit bien, la question du temps est décisive dans mon entreprise.

3La recherche évoquée dans ces lignes articule plusieurs étapes, correspondant à différentes questions de recherche :

  1. identifier les pratiques langagières (Bautier 1995) que révèle un corpus préalable de vingt TFE : quelles logiques scripturales peut-on mettre au jour ? Les scripteurs adoptent-ils une posture auctoriale, donc d’enseignant-chercheur ? Des typologies de discours émergent-elles et montrent-elles en creux des difficultés, des tensions non résolues, des effets de cumuls négatifs ?….

  2. concevoir, expérimenter, décrire et analyser un dispositif de recherche-formation visant à constituer en formation initiale2 d’instituteurs une communauté d’enseignants-chercheurs en devenir. Il s’agit d’accompagner et d’étudier une même cohorte d’étudiants durant toute la durée de leur formation (trois ans) : quels principes didactiques mettre en œuvre pour favoriser l’émergence d’une authentique communauté d’enseignants-chercheurs ?…

  3. identifier l’(éventuelle) apparition d’une posture auctoriale dans les diverses traces sémiotiques que sont les versions brouillonnantes et définitives du TFE, les interactions orales qui se nouent lors des entretiens de supervision et le journal de formation, écrit réflexif que les sujets élaborent tout au long des trois ans. Des typologies de réflexivité peuvent-elles être mises au jour ? Comment les étudiants reconfigurent-ils dans leur journal ou leur TFE les médiations sociales et instrumentales qui leur ont été communiquées dans le but d’étayer leurs apprentissages ? Un même sujet adopte-t-il au fil du temps des conduites scripturales distinctes ? Dans l’affirmative, comment s’opère la mutation d’une posture à une autre ?…

4Précisons rapidement quelques-uns de mes présupposés. Si je me base sur une définition minimale, sera considéré comme un enseignant-chercheur un praticien capable de concevoir, d’expérimenter, de réguler, de décrire et d’analyser un dispositif d’enseignement-apprentissage avant d’en rendre compte auprès de pairs ou de chercheurs, le processus pouvant être mené, ou non, en collaboration avec un ou des chercheurs universitaires. En outre, si le dispositif mis en place invite l’étudiant à se constituer en tant que « sujet scientifique académique » (Bernié 2002), il vise également à fédérer tous les individus autour d’un même projet : favoriser le développement des compétences lecturales, scripturales et orales des élèves du primaire, dans la mesure où le projet est mené dans le cadre du cours de français et de didactique du français. Le concept de communauté s’avère donc crucial : je renvoie ici le lecteur aux travaux de Dewey (1967), Perkins (1995), Brown et Campione (1997), Habermas (1997), Bronckart (1996).

5D’un point de vue strictement méthodologique ont été posés des choix clairs : mon étude est longitudinale (le recueil de données dure trois ans), intra-site (je travaille au sein d’une même haute école), qualitative et impliquée (j’adopte un triple positionnement, de formatrice, évaluatrice et chercheuse). La recherche porte sur un échantillon niché (les sujets sont observés et étudiés dans leur contexte). Elle prend en compte un groupement restreint (une classe de quelques individus en formation). Enfin, un groupe-contrôle n’a pas été adjoint au groupe expérimental dans la mesure où la recherche-formation ne vise pas à mesurer l’efficacité de mes hypothèses didactiques mais à interpréter des itinéraires scripturaux singuliers.

2. Qu’est-ce qu’une temporalité longue ?

6À première vue, la question paraît naïve et inutile. Et pourtant. Est-il possible de distinguer clairement les temporalités courtes et les temporalités longues ? Peut-on dégager sans failles un terminus a quo et un terminus ad quem ? S’ils s’accordent sur la nécessité de circonscrire très nettement le champ des analyses empiriques dans l’espace géographique et dans le temps, les auteurs d’ouvrages consacrés aux problèmes méthodologiques inhérents aux recherches en sciences sociales comme Grawitz (2001), Lahire (2005), Miles et Huberman (2003) ou Quivy et Van Campenhoudt (1995-2006) ne spécifient pas quand on a affaire à des durées longues ou brèves.

7Par ailleurs, de quelle temporalité parlons-nous ? S’agit-il du temps des lectures, de la mise au point de la problématique, du recueil des données, de l’interprétation de ces mêmes données, de la rédaction du rapport ou des articles, de la diffusion des résultats auprès de la communauté scientifique ? La recherche se caractérise en effet par une succession – voire, une juxtaposition – plus ou moins invariable d’étapes similaires. Chacun de ces stades doit-il être pris en compte ou l’un doit-il être privilégié ? Il me semble que c’est la phase de collecte des données empiriques qui prime. En effet, toute recherche suppose un temps de lecture plus ou moins long : mais une étude centrée sur quinze minutes d’interactions entre un enseignant et un élève, fondée sur une abondante bibliographie, peut-elle raisonnablement être considérée comme une recherche longitudinale ? Un jeune chercheur qui met des années à achever une thèse consacrée à un dispositif didactique long (bref) de quelques semaines peut-il légitimement qualifier sa thèse de longitudinale ? Cela étant, le relevé des données peut s’échelonner différemment dans le temps : soit il s’opère au début et au terme d’une expérimentation longue, soit il consiste en des coupes effectuées à intervalles plus ou moins réguliers, soit il s’agit d’une observation en strict continu. La question de l’intervalle séparant des prises de données successives s’avère dès lors intéressante à prendre en compte. Dans cette perspective, la distribution temporelle du recueil de données constituerait un moyen d’apprécier la temporalité et de comparer sur ce plan différentes recherches. À ce titre, il pourrait être pertinent de schématiser le processus de collecte des matériaux de recherche.

8Alors, qu’est-ce qu’une temporalité longue ? L’Université de Liège, dans la recherche intitulée Grandir en l’an 2000, accompagne plusieurs individus durant vingt ans : de toute évidence, nous avons bel et bien affaire à un temps long. Il en va de même pour l’étude de l’équipe Théodile et le travail d’André Terrisse, qui s’échelonnent respectivement sur cinq et deux ans. Nous pouvons légitimement parler d’étude longitudinale, aussi qualifiée de syntagmatique ou procédurale pour ma propre recherche, puisque j’accompagne, s’agissant de la didactique du français, une même cohorte d’instituteurs en formation initiale tout au long de leur cursus académique. L’intervention didactique sur le terrain, amorcée en septembre 2003, s’est achevée en juin 2006. Au total, elle compte quelque quatre cents heures de cours et d’accompagnement. Deux ans, trois ans, cinq ans, vingt ans, ce sont indiscutablement des temps longs dans les recherches en didactiques. Mais un an ? Les six mois que durent certaines formations intensives ? Quel intervalle est jugé long ? Le qualificatif « long » n’est peut-être pas un absolu mais un relatif qu’il convient de corréler avec une autre durée, celle de l’apprentissage.

9On le voit bien, il est malaisé de répondre avec assurance à ces questions : il semble qu’il y ait des recherches indiscutablement courtes (centrées sur l’observation et l’analyse d’une séquence de cours de cinquante minutes) et des études manifestement longues (deux ans et plus). Entre les deux se déploient des pratiques intermédiaires qu’il paraît difficile d’étiqueter. Nous avons sans doute affaire à un continuum. Par ailleurs, Madeleine Grawitz ajoute encore à notre perplexité lorsqu’elle avance l’idée selon laquelle le temps n’a pas la même signification et ne relève pas de la même échelle pour le chercheur, le chef d’entreprise ou le ministre (2006 : 264). François Audigier le rappelle dans l’introduction de cet ouvrage, pour l’historien, une durée longue peut caractériser un ou plusieurs millénaires… Il semble donc bien que la temporalité constitue un paramètre relativement subjectif, fluctuant selon le point de vue épistémologique adopté.

3. Quels types de problématiques nécessitent le recours à une temporalité longue ?

10Avant d’essayer de généraliser le propos, je vais m’appuyer sur ma propre recherche. Le choix d’une temporalité longue me paraissait aller de soi. En effet, si on peut admettre provisoirement que certaines problématiques peuvent s’accommoder d’une temporalité courte, d’autres présupposent presque une durée longue. Devenir un enseignant-chercheur, cela implique pour moi l’acquisition de compétences et de composantes identitaires professionnelles complexes qui nécessitent un véritable travail d’acculturation, lequel relève d’un long, aléatoire, lent et imprévisible processus3. C’est un important déplacement qui est sollicité chez les sujets, déplacement au niveau des modes de faire, de dire, de penser, d’écrire, d’être… Il n’est guère satisfaisant d’envisager, comme cela est traditionnellement le cas, la version définitive du mémoire pour discuter de la pertinence des activités de recherche dans la formation des enseignants. Ici, la posture d’enseignant-chercheur n’est pas mobilisée par le seul mémoire : elle se prépare progressivement dès le début de la formation, bien en amont, et contribue fortement à en assurer la cohérence : la durée fait donc partie de l’expérimentation. Comment prétendre former à la recherche des étudiants en une quinzaine d’heures de cours ? Comment imposer un travail de recherche au terme d’études qui auront surtout appris aux étudiants à restituer des savoirs préalablement édulcorés et coupés de leur contexte épistémologique ? J’ai donc tenté de mettre en place une formation à la recherche par la recherche.

11La durée de mon étude permet en outre d’articuler des micro-activités de structuration axées sur un apprentissage très ciblé (révisions orthographiques…) à des tâches complexes intégratives (participation active de la communauté à un colloque scientifique international, cf. Scheepers et al. 2005). Elle permet aussi… d’impliquer les apprentis-chercheurs dans des recherches collaboratives relativement longues. Ainsi, après de longs mois d’écriture diaristique, la classe est invitée à transposer dans une classe de primaire l’outil journal. Durant quatre mois pour un premier projet puis un an pour un second, les étudiants accompagnent l’écriture des petits élèves : ils peuvent donc percevoir l’écriture dans ses facettes procédurales, heuristiques et évolutives puisqu’elle s’inscrit dans une certaine durée, contrairement aux activités menées en stage, lesquels durent entre quinze jours et un mois… De cette façon, en termes formatifs, la validité du dispositif est renforcée car il prépare à l’exercice réel du métier où les apprentissages se déclinent sur un laps de temps d’un à deux ans.

12Alors, de façon générale, quelles problématiques nécessitent le recours à un temps long ? Il me semble que plusieurs facteurs d’ordre méthodologique peuvent être évoqués. Les recherches génétiques s’intéressent aux causes des phénomènes observés et semblent à première vue requérir une durée longue. Mais cela n’est pas toujours le cas : un chercheur peut se pencher sur les multiples brouillons d’un récit de science-fiction qu’ont élaborés les élèves lors d’un chantier d’écriture d’une durée de quelques semaines. Par définition, les recherches diachroniques se jouent sur un temps long. Quant aux recherches synchroniques, elles rendent compte de l’actuel, de l’équilibre d’un moment. On pense par exemple aux nombreuses études qui étudient le rapport à l’écriture des étudiants entrant à l’université. On pense également aux recherches qui se consacrent à la prise de contact entre un enseignant et une nouvelle classe. Mais ces études peuvent être répétées dans le temps pour éviter notamment les résultats idiosyncrasiques et acquérir par la même occasion un caractère longitudinal. Par ailleurs, une même recherche peut alterner les travaux génétiques, diachroniques et synchroniques. Si je pense à ma recherche, j’adopte un point de vue génétique dès lors que je me demande pourquoi telle posture réflexive émerge chez un sujet et quels sont les éléments qui l’ont préparée en amont. La réflexion est diachronique quand elle montre une succession de postures diverses chez un même scripteur. Elle est enfin synchronique si je m’attache à caractériser finement une posture identifiable durant un laps de temps plus ou moins long : j’opère alors des coupes variables. Ainsi, Julie mettra plus d’un an et demi avant de se positionner en Je dans son journal alors que les écrits de Laura ou Sacha révèlent des changements rapides. On le voit, les approches diachroniques, génétiques et synchroniques peuvent utilement se compléter.

13D’autres cas de figure semblent requérir plus clairement des durées longues. Le panel consiste à répéter des entretiens à intervalles réguliers. La méthode clinique vise à étudier de façon approfondie des cas singuliers. La recherche-action implique en principe que le chercheur s’immerge assez longtemps dans le milieu d’études. Cela étant, outre les questions épistémologiques, des facteurs purement matériels entrent en ligne de compte : le chercheur peut être tributaire d’échéances qui lui sont imposées, de ressources qui lui sont allouées… Je crois donc qu’il est bien difficile de répondre de façon univoque à la question de savoir quelles problématiques requièrent un temps long : il est souvent possible d’invoquer un contre-exemple, un contre-argument. Si les recherches qui placent en leur cœur le bougé, s’accommodent mieux des recherches longitudinales, celles qui se consacrent à des moments bien circonscrits (cours de début d’année, entrée au collège…) peuvent toujours être dupliquées l’année suivante. Quoi qu’il en soit, une certitude se fait cependant jour : il est de tradition que les auteurs d’une étude axée sur les effets d’un dispositif didactique quelconque, étude inscrite dans une temporalité brève, tempèrent leurs résultats en raison de cette même durée courte. On peut d’ailleurs parler de propos stéréotypés que l’on va jusqu’à retrouver sous la plume des auteurs de mémoires… Sous les formules litanesques, il est permis de dégager la conception selon laquelle l’apprentissage véritable demande un temps long. Mais ces mêmes réserves peuvent tout aussi bien s’appliquer aux recherches descriptives centrées, par exemple, sur les pratiques enseignantes : les conclusions auraient-elles été identiques si le recueil de données avait été plus long ?

4. Comment le temps long influe-t-il sur la recherche ?

14La réponse me paraît être sans équivoques possibles : potentiellement, ce sont tous les paramètres d’une recherche qui sont susceptibles d’être affectés par le facteur temps. Il est sans doute pertinent de penser que nous avons affaire à un phénomène d’interactions multiples et réciproques entre les divers constituants d’une recherche. Le chercheur et l’équipe de chercheurs changent. Cela me paraît d’autant plus vrai quand il s’agit d’un chercheur novice, qui « apprend en faisant », qui anticipe quelque peu la posture de chercheur. Les promoteurs éventuels de la recherche changent, tout comme les possibles commanditaires. Faut-il le préciser, les sujets étudiés bougent, que l’on pense à la taille de l’échantillon et aux inévitables évolutions intra ou interindividuelles. Il arrive d’ailleurs fréquemment que ce soient précisément les bougés des sujets qui soient à la fois postulés et étudiés. Quant à la problématique, elle connaît plusieurs mutations : les questions de recherche se précisent, les hypothèses s’affinent, tout comme les principes méthodologiques. Les objets étudiés évoluent, tout comme les indicateurs que le chercheur a retenus. Il en va de même des instruments d’observation : les progrès technologiques sont tels que les techniques d’enregistrement, par exemple, connaissent des changements notables. Ils s’avèrent précieux pour la conservation et le traitement des données empiriques. Dans le même temps, changent sans cesse la littérature scientifique ou professionnelle, le prescrit légal ou les modèles d’analyse. C’est d’ailleurs le propre de la science d’être intrinsèquement révisable, amendable, discutable, de tenir d’un processus sans cesse mouvant. Les savoirs scientifiques ne sont jamais tout à fait stabilisés : ils sont provisoirement admis pour vrais. Il semble donc que l’on soit confronté à un maillage serré, dynamique et interactif entre tous ces paramètres, qui forment une sorte de toile d’araignée, un écheveau inextricable. Si un élément change, c’est tout le système qui peut en subir la répercussion.

15Des exemples tirés de ma recherche devraient permettre de concrétiser le propos. Le caractère longitudinal de l’étude entraine de facto, on le sait, des problèmes méthodologiques nombreux, lesquels interviennent à tous les stades de la recherche. Le premier problème consiste sans doute en la multiplication des données à recueillir puis à analyser. Comment sélectionner, récolter, archiver, structurer et interpréter des données disparates, hétérogènes, inscrites dans une durée longue ? Comment rendre raison de ces données ? Comment donner à voir au lecteur un processus échelonné à ce point dans le temps ? Comment procéder à la mise en intrigue de la formation ? Comment dégager ce que Vygotski (1997) appelle des experimentum crucis, c’est-à-dire des changements notables dans le développement ? Un choix méthodologique évident s’impose : il s’agit d’archiver et de regarder4 un maximum de données, certes, mais il s’agit aussi de hiérarchiser les traces sémiotiques recueillies, tout en faisant varier la finesse du grain d’analyse. D’un point de vue chronologique, c’est le journal de formation qui est d’abord étudié avec précision. Logiquement, suivent les brouillons du TFE, accompagnés des enregistrements des entretiens durant lesquels promoteur et étudiant échangent à propos du travail en cours. Enfin, est analysée avec minutie la version définitive du TFE, à laquelle il faut ajouter l’enregistrement de la défense orale du TFE. Ces données constituent ce que nous pourrions appeler des données « nodales ». Autour de celles-ci s’ordonnent des traces jugées secondaires, traces produites en formation qui peuvent être de nature écrite (préparations de leçons données en stage, textes littéraires divers, critiques littéraires d’ouvrages pour enfants, articles pour le journal de l’école, comptes rendus de conférences, synthèses de textes scientifiques lus…) mais ces traces peuvent aussi être de nature orale (propos entendus en classe ou en dehors, enregistrements de leçons, d’entretiens formatifs ou d’interviews menées par les étudiants…). Toutes ces données sont soigneusement compilées mais seront examinées de façon moins fine. Elles peuvent cependant être convoquées dans l’analyse pour faire apparaître une récurrence significative, pour servir de contrepoint, pour appuyer la mise au jour d’une évolution… Ainsi, alors que Mado, l’une de nos étudiantes, peine véritablement à élaborer un texte conceptuel, il n’est pas anodin de signaler que, dans le même temps, elle manifeste de véritables compétences pour construire un récit fictionnel.

16Un autre choix méthodologique s’avère décisif : j’ai opté pour l’analyse proposée par Elisabeth Bautier (1995). Il s’agit d’identifier les pratiques langagières dont sont porteurs les énoncés sus-cités. Cela signifie que les discours ne sont pas constamment référés à une norme quelconque mais qu’ils sont analysés pour eux-mêmes. Cette analyse est de type descriptif et compréhensif. Donc, l’objectif n’est pas de relever des défaillances ou des carences mais d’étudier le fonctionnement des discours, de voir comment les apprenants s’emparent, ou non, des outils proposés. La finalité est alors de repérer d’éventuelles récurrences dans les modes de faire ou de dire, récurrences identifiables chez un même individu ou chez plusieurs sujets. Dans ce dernier cas, il est alors possible de constituer des « constellations idéaltypiques », c’est-à-dire des familles d’énoncés porteurs des mêmes traits constitutifs, qu’il s’agisse des postures énonciatives adoptées, des opérations réflexives mises en jeu, des prises en charge de la polyphonie discursive… Cet examen au plus près des énoncés vise en outre à déceler chez un même sujet des similitudes révélatrices mais aussi des changements notables, qu’il s’agisse de sauts qualitatifs ou quantitatifs, de régressions, de changements de posture… Ces multiples et incessantes métamorphoses s’inscrivent au cœur même du projet, lequel vise à faire acquérir par les sujets une posture d’enseignant-chercheur. Ainsi, je pourrais dire que dans la présente recherche, si le changement (changement des traces sémiotiques et de leur auteur) pose d’évidents problèmes méthodologiques, il est surtout un objet d’étude à part entière dans la mesure où le dispositif de recherche-formation lui-même favorise chez les sujets des bougés (méta) cognitifs, identitaires, praxéologiques… Loin de constituer une dérive, ces bougés sont encouragés et accompagnés par un puissant processus d’étayage. Ma recherche porte donc sur des processus scripturaux ou des itinéraires réflexifs qu’il est possible de schématiser : une courbe ascendante, des traits discontinus, des montagnes russes… Les changements peuvent être brutaux ou imperceptibles. Dans un premier brouillon, Charlotte liste sans les commenter ou les discuter des définitions de la lecture, quelques jours plus tard, après un entretien de supervision, elle parvient d’emblée, dans un second brouillon, à problématiser ces mêmes définitions, elle se pose alors en authentique chercheuse. Quant à Lola, elle ne parvient que partiellement à adopter la posture de chercheuse, au terme d’un long processus fait de multiples essais approximatifs.

17Évoquons par ailleurs le journal de formation5. De nouveau, la variation de cet indicateur ne s’envisage guère comme un écueil : elle est au contraire postulée et favorisée. Ainsi, la question du temps s’inscrit au cœur même des journaux que tiennent les étudiants durant trois ans ; ils constituent à la fois une trace privilégiée et un auxiliaire déterminant dans le processus de constitution d’une communauté d’enseignants-chercheurs. Témoins et moteurs de ce mouvement, ils s’échelonnent dans une durée longue tandis que leur caractère forcément fragmentaire ne facilite pas l’investigation. En effet, les entrées successives scandent et morcèlent la formation et les significations qu’elle suscite chez les sujets. La périodicité est variable, les ruptures scripturales coexistent avec une véritable frénésie diaristique. Comment reconfigurer ce long processus réflexif ? Rédigé par le chercheur, le journal de recherche peut notamment s’avérer un auxiliaire précieux. Trace sémiotique offerte à l’apprenant, le journal constitue dans le même temps un outil pertinent pour le formateur-chercheur. Un vaste polylogue s’instaure entre les journaux des uns et des autres. Malgré la complexité de la tâche, il est possible de dégager des lignes de force, de donner à voir des récurrences significatives, de mettre au jour des tensions… Ainsi, certains journaux se caractérisent par une profonde dualité entre un « avant » et un « après », articulés autour d’un événement jugé déterminant, chez d’autres, les fluctuations sont constantes.

18En outre, les brouillons des travaux de fin d’études forment un corpus hétérogène dont il est difficile de rendre compte. Là aussi, il est frappant de noter à quel point un même dispositif de formation va engendrer des pratiques tout à fait diversifiées. Tel sujet va fragmenter l’écriture du TFE en de multiples petits textes atomisés qui vont être remis au promoteur au fil des mois. Tel autre sujet va multiplier les textes préparatoires destinés à lui seul et se lancer dans l’écriture du premier et seul brouillon socialisé d’un seul tenant, quelques jours avant la date de remise du TFE. Entre ces deux extrêmes se décline une gamme variée de pratiques intermédiaires. Chez certains, la posture d’enseignant-chercheur est d’emblée assumée : elle se décèle dans le discours au travers d’une foule d’indicateurs précis. Chez d’autres, cette posture se construit très lentement et semble au final endossée partiellement. Chez d’autres encore, la posture émerge brutalement à la suite d’une interaction spécifique nouée lors d’un entretien de supervision ou à la suite d’une annotation portée en marge du texte. La mutation est alors radicale entre deux brouillons que tout oppose, brouillons pourtant distants d’à peine quelques jours. Une fois encore, c’est bien une extrême variation qui caractérise mes objets d’étude. Apparaît ici surtout tout l’intérêt, mais aussi toute la difficulté de l’opération qui consiste à donner à voir des flux, des processus, des séquences inscrites dans un flot d’événements en tentant de « saisir et comprendre (et peut-être expliquer) ce qui s’est passé » (Miles et Huberman 2003 p. 216-217). Bref, le lecteur l’aura compris, c’est tout un itinéraire scriptural qu’il faut retracer et interpréter, itinéraire jalonné de traces sémiotiques nombreuses et variées.

19Les indicateurs subissent eux aussi de profondes mutations. Certains d’entre eux apparaissent au fil de l’étude tandis que d’autres voient leur valeur modifiée. Ainsi, si l’on étudie la posture auctoriale, le Je qui se décline dans les écrits constitue sans contestes un indice capital. Mais il faut voir comment le Je se module : le scripteur se positionne-t-il en tant qu’étudiant, personne ou professionnel (Vanhulle 2002) ? Il faut en outre le corréler à quantité d’autres indices pour identifier si c’est un Je soucieux de militer, de dresser son propre panégyrique ou de réguler sa pratique éducative. L’absence de Je, mise en lien avec d’autres paramètres, peut révéler un scripteur fantôme, absent ou dépossédé de son propre discours. La prise en compte de l’historicité du Je s’avère, elle aussi, primordiale. Il faut un an et demi, je l’ai dit, à Julie pour oser se positionner en Je. La première entrée où l’étudiante ne se contente pas de schématiser les contenus abordés en classe mais où elle se pose en discutante constitue de toute évidence une entrée-pivot. L’émergence de ce Je est alors soulignée, encouragée, accompagnée. L’analyse est très différente pour Lola qui se positionne d’emblée massivement en Je, mais un Je pris dans des tourments personnels qui n’ont pas beaucoup à voir avec les apprentissages académiques. Il en va de même pour Sacha qui reste très longtemps empêtré dans un Je étudiant, surtout soucieux d’évoquer ses relations interpersonnelles conflictuelles avec ses pairs. Alors, la persistance de ce Je-là traduit une stagnation : le diariste ne parvient pas à se déprendre d’une écriture de l’immédiateté ou de l’hyper-affectivité pour arriver à conceptualiser, à problématiser, à discuter. On le voit, un même indicateur est tout à la fois stable et dynamique : il est « un invariant variant ».

20Mais ce ne sont pas que les objets ou les indicateurs qui varient : une durée aussi longue présuppose le risque de voir la taille de l’échantillon se modifier. Cela a été mon cas dans la mesure où si ma cohorte initiale comptait vingt-cinq sujets, elle n’en compte plus que neuf en juin 20066. Ce à quoi s’ajoute le fait que seuls sept étudiants ont choisi d’élaborer leur TFE sous ma direction. La réduction de l’échantillon n’est pas exempte d’avantages : elle comporte une certaine validité écologique et, d’une façon un peu cynique, je pourrais dire qu’elle facilite la condensation des données… Mais cette réduction peut aussi donner des arguments à ceux qui voudraient contester la validité des conclusions avancées. Il est en effet bien difficile de prétendre à une quelconque généralisabilité des résultats sur la base d’un échantillon aussi réduit, sous peine d’aboutir à des conclusions idiosyncrasiques. Cela étant, mon choix méthodologique est clair : étudier de façon approfondie un petit nombre de sujets au travers de plusieurs indicateurs et dans une durée longue. Ma recherche est donc clairement exploratoire et ouvre la voie à d’autres recherches, elles, confirmatives, qui prendraient en compte un échantillon plus conséquent, sur une temporalité longue. L’approche se veut clinique : elle se présente comme un examen précis et approfondi de situations singulières. Quant aux recherches courtes, dont le recueil de données peut être ponctuel, elles minimisent le risque de voir l’échantillon se modifier fortement.

21Bref, il faut bien constater que sous l’effet d’un nombre incalculable de paramètres multiples, tout change, tout bouge. Les individus changent, qu’il s’agisse du chercheur ou des sujets de l’étude. Ce phénomène s’accentue encore dans le cadre d’une recherche longitudinale : il est donc encore plus complexe d’isoler les variables en cause. Le risque est en outre d’accumuler sans restriction les données sans parvenir à les organiser autour d’un même principe fédérateur en l’occurrence la problématique. Or, si la recherche est longitudinale, le risque est grand que la problématique elle-même évolue fortement, ce qui, somme toute, peut s’avérer heuristique. Ma problématique a connu diverses modifications : les questions de recherche se sont modifiées, les hypothèses se sont infléchies, la méthodologie s’est adaptée. Mais tandis que le dispositif de recherche-formation est mené… la littérature scientifique et experte continue de se développer. Celle-ci peut amener à reconsidérer la recherche menée. Quant à la diffusion des résultats, elle est indissociable d’un dilemme : soit le chercheur doit postposer les publications, soit il est condamné à rendre compte d’une recherche en cours, donc de résultats forcément partiels. Dans les deux cas, le chercheur s’expose à des reproches. En ce qui me concerne, j’ai choisi d’analyser les traces sémiotiques recueillies à divers moments lambdas (cf. la bibliographie). Ainsi, les publications, plutôt que de clôturer logiquement une recherche, contribuent à la nourrir par les interactions qu’elles suscitent. Dans le même temps, les conditions générales de publication s’avèrent souvent incompatibles avec les recherches longitudinales étant donné les durées moyennes des communications ou la longueur imposée des articles.

22Il faut donc bien se résoudre à ce constat : dans les recherches longitudinales, la seule invariance est… la variance. On le voit, il s’avère impossible de déterminer précisément dans quelle mesure la variation constitue un objet d’étude ou une contrainte à gérer. Sans doute est-elle l’un et l’autre tout à la fois. Si les bougés s’inscrivent au cœur même du processus de recherche-formation, si ceux-ci sont tout à la fois postulés, souhaités et accompagnés, ils complexifient néanmoins la tâche du chercheur lorsqu’il s’agit de reconfigurer pour autrui les processus ontogénétiques ou phylogénétiques (Bronckart 1996) que son intervention aura suscités.

Conclusion

23Il est bien difficile de conclure. Tâchons néanmoins de souligner quelques points. Le chercheur en didactique est toujours pris dans des questions temporelles. Or, cette problématique est finalement assez peu discutée dans les livres à prétention méthodologique. D’où l’intérêt du présent ouvrage. Le facteur temps constitue un facteur subjectif, variable selon le point de vue épistémologique. À la distinction nette entre temps long et temps court est sans doute préférable la perspective d’un continuum. Si certaines problématiques, notamment celles qui postulent des bougés importants, requièrent une temporalité longue, toutes les problématiques, quelles qu’elles soient, pourraient s’inscrire dans une durée longue, toujours en considérant la temporalité de la recherche à partir du temps de recueil de données. La recherche constitue enfin un maillage serré de paramètres interdépendants : chercheurs, commanditaires, sujets, objets, indicateurs, problématique, instruments d’observation, référents livresques… Il est évident qu’une échelle de temps longue maximise les changements, susceptibles d’engendrer des répercussions diverses. La variance est alors l’unique invariant possible. Si les bougés constituent simultanément un objet d’étude et une contrainte, ils suscitent bien des difficultés. L’écriture peut alors s’avérer un allié précieux : journal, rapport, articles… Où il se prouve que la recherche scientifique tient d’une forme particulière de récit : un roman policier, peut-être, où le chercheur doit sans arrêt bricoler, récolter et interpréter des indices, se laisser surprendre et faire avec les résistances du réel. Lorsqu’il socialise ses travaux, le chercheur doit ensuite en quelque sorte figer un incessant et insaisissable mouvement temporel en quelques instantanés jugés significatifs dont la succession doit être révélée. L’entreprise n’est pas sans évoquer celle menée par le célèbre écrivain et diariste Claude Mauriac qui a patiemment déconstruit et restructuré les entrées éparses que contenait son journal intime-fleuve désormais rebaptisé en Le temps immobile

Bibliographie

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Notes de bas de page

1 Les TFE correspondent peu ou prou aux mémoires professionnels français (Scheepers, 2002).

2 Sans doute dois-je clarifier quelque peu le contexte dans lequel s’insère ma recherche. En Communauté française de Belgique, les instituteurs du maternel et du primaire ainsi que les enseignants des premières années du secondaire sont formés dans les sections pédagogiques des hautes écoles. Celles-ci offrent un enseignement supérieur de type court à visée professionnalisant. La formation initiale s’échelonne sur trois ans. Les formateurs sont des pédagogues ou des spécialistes d’une discipline spécifique. Ils sont invités à enseigner de concert savoirs disciplinaires et didactiques. Quant aux étudiants, ils sont issus de l’enseignement secondaire, de type général, technique, voire professionnel. Enfin, précisons que la formation initiale des enseignants a connu récemment de multiples réformes. Entre autres, l’instituteur est désormais appelé à mobiliser des compétences de chercheur…

3 Ainsi, Yves Reuter a très bien inventorié (1998) les difficultés qu’éprouvent les étudiants en terme d’écriture.

4 En réalité, le formateur est nécessairement tenu de conserver tous les documents produits par les étudiants afin d’être évalués de façon certificative. La procédure n’est donc pas aussi lourde ou incongrue qu’elle n’y parait.

5 Il s’agit d’un écrit réflexif personnel dans lequel l’apprenant est invité à revenir sur sa formation en français : il consigne ses savoirs en construction, ses doutes, ses questions… Le journal est dialogué : une interaction peu commune s’instaure entre le diariste et la formatrice. Bien sûr, le journal est de l’ordre du fragmentaire, du parcellaire : il relève assez clairement des écrits intermédiaires, des écrits heuristiques. Il est appelé à se muer au fil de la dernière année en journal de recherche dans la mesure où il constitue un puissant outil métacognitif qui soutient et nourrit l’élaboration du TFE.

6 Cette forte réduction de la population peut étonner le public non belge : elle est pourtant représentative de ce qui se passe dans les hautes écoles. Rappelons que nos étudiants sont généralement issus directement de l’enseignement secondaire, souvent technique ou professionnel. La formation pour devenir enseignant ne succède donc pas à une formation universitaire à caractère disciplinaire. Le taux d’abandons ou d’échecs est donc relativement élevé.

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