Violences intrafamiliales : Étude exploratoire des homicides-suicides dans la famille commis par des hommes
p. 95-115
Texte intégral
1Le suicide d’une personne est particulièrement dramatique et affecte des familles entières. Les membres de la famille ayant survécu ont la plupart du temps du mal à comprendre et à élaborer sur leur vécu. Quand un homme en vient à tuer sa conjointe et ses enfants et par la suite se suicide, les membres de l’entourage sont d’autant plus affectés et se demandent comment il se fait qu’ils n’ont rien vu. À cela s’ajoute la culpabilité et l’incompréhension. Des travaux de recherche clinique sur ce sujet s’imposent et ce, dans l’objectif de mieux saisir les enjeux autant psychologiques que sociaux et ainsi en arriver à prévenir ce type de passage à l’acte.
2Dans un premier temps, nous préciserons les définitions, l’ampleur du phénomène ainsi que certains aspects du fonctionnement psychique associés à l’homicide-suicide commis par les hommes. Dans un deuxième temps, nous présenterons la méthode et les résultats. Enfin, nous terminerons par la discussion en incluant les forces et faiblesses de notre travail et les études qui seront effectuées par la suite.
1- Définitions et ampleur du phénomène
3Selon Roudinesco et Plon (2000), le passage à l’acte met en évidence la violence d’une conduite par laquelle un individu se précipite dans une action qui le dépasse : suicide, délit, agression, homicide. Dans le code criminel canadien, il est mentionné qu’un individu commet un homicide lorsqu’il cause directement ou indirectement la mort d’un être humain et ce, peu importe le moyen utilisé. L’homicide est qualifié de meurtre lorsqu’il est commis volontairement ou il peut être désigné comme étant un homicide involontaire coupable (Cournoyer, Ouimet, & Dubois, 2005).
4Selon Resnick (1969), le filicide est un homicide perpétré par le père ou la mère sur un enfant âgé de plus de 24 heures. Pour sa part, Wilczynski (1997) utilise une définition plus large du filicide, c’est-à-dire l’homicide d’un enfant âgé entre 0 et 18 ans par son père ou sa mère. Le filicide vient du terme latin « filius ou filia » qui signifie « fils ou fille » et de « cida » qui signifie « tuer » (Niobey, Larousse, Lagané, & Guilbert, 1978).
5Dans le cas de l’homicide conjugal, les auteurs utilisent généralement une définition commune, c'est-à-dire l’homicide volontaire ou involontaire d’un(e) conjoint(e) ou d’un(e) exconjoint(e) par un individu occupant le rôle d’un(e) conjoint(e) ou d’un(e) ex-conjoint(e) pour la victime. Ainsi, lorsqu’il s’agit de l’homicide de l’épouse ou de la conjointe par le conjoint, le terme uxoricide1 est employé. L’uxoricide est un terme dérivé du latin « uxor, uxoris » qui signifie « épouse » et de « caedere » qui signifie « tuer » (Niobey, & al., 1978). Il n’y a aucun terme spécifique réservé aux homicides conjugaux commis par les femmes. Frigon (1996, 2003) utilise pour sa part, l’expression « maricide ».
6Malmquist (1980) indique que le familicide est l’homicide commis par un individu de plusieurs membres de sa famille tels que ses parents, les membres de sa fratrie, ses enfants ou son (sa) conjoint(e). Plusieurs autres auteurs définissent le familicide2 comme étant un uxoricide et l’homicide d’un ou plusieurs de ses enfants (filicide) (Ewing, 1997 ; Wilczynski, 1997 ; Wilson, Daly, & Daniele, 1995). Dans ce travail, nous privilégions cette définition.
7Le nombre d’homicides familiaux varie considérablement d’un pays à l’autre (Eisner, 2003). Toutefois, les homicides commis dans la famille représentent une proportion assez stable de l’ensemble des homicides résolus au cours des dernières années et ce, au Canada, en Europe et en Australie. Ce pourcentage oscille entre 30 et 40 % (Eisner, 2003 ; Fedorowyz, 2001). En 2005, il y a eu 658 homicides au Canada et 15 % (100) ont été commis sur le territoire de la province du Québec (tous types d’homicides confondus) (Dauvergne, & Li, 2006). Plus spécifiquement, selon les données de Statistique Canada (données non publiées, 2007), il y a eu 21 homicides familiaux au Québec en 2005, soit 3 filicides, 6 parricides3, 12 homicides conjugaux et 0 familicide. Suite à une étude des dossiers du Coroner en Chef du Québec, Léveillée et Lefebvre (2008) ont répertorié, entre 1997 et 2007, 139 hommes et 17 femmes ayant tué leur conjoint(e), 40 pères et 28 mères ayant tué leur(s) enfant(s), ainsi que 10 hommes et une femme ayant commis un familicide.
8Selon Dauvergne et Li (2006), au Canada, entre 1961 et 2003, il y a eu 1994 homicides suivis du suicide de l’agresseur. Il s’agit de 10 % de tous les homicides résolus. Près de 75 % des victimes d'homicides-suicides ont été tuées par un membre de leur famille, alors que 25 % ont été tuées par une connaissance ou un étranger.
Homicide-suicide
9Selon Aderibigbe (1997), l’homicide-suicide est un acte séquentiel qui se déroule en deux étapes : un individu commet un homicide et peu de temps après s’enlève la vie. Berman (1979) utilise le terme de « mort dyadique » pour décrire ce phénomène.
10Certaines caractéristiques sont associées à l’homicide-suicide. La probabilité qu’un suicide suive un homicide augmenterait quand l’âge et l’éducation de l’agresseur sont plus élevés (Gillespie, Hearn, & Silverman, 1998). Aderibigbe (1997) indique que le responsable d’une « mort dyadique » est fréquemment un homme ayant une histoire de troubles associés à l’abus de substances psychoactives et d’alcool. De plus, l’utilisation de l’arme à feu est le moyen le plus utilisé dans les cas d’homicides-suicides (Aderibigbe, 1997 ; Dawson, 2005 ; Gillespie, & al., 1998 ; Lund, & Smorodinsky, 2001 ; Milroy, 1994). En effet, cette méthode permettrait d’infliger une mort rapide et infaillible (Lund, & Smorodinsky, 2001).
Typologies
11Il existe plusieurs typologies d’homicides-suicides commis à l’intérieur ou à l’extérieur de la famille (Lombard, 2003 ; Moskowitz, Simpson, McKenna, Skipworth, & Barry-Walsh, 2006). La plus récente est celle de Wood Harper et Voigt (2007). Les auteurs relèvent sept catégories d’homicides-suicides : les homicides-suicides commis dans la famille, tels que les uxoricidessuicides, les familicides-suicides et les homicides-suicides altruistes (souvent suite à la dépression majeure de la personne qui commet l’acte). Et les homicides-suicides commis à l’extérieur de la famille dont les homicides en série (tueurs en série), les homicides-suicides accidentels (bagarres), les attentats-suicides et les suicides de masse associés à des croyances religieuses.
12Bénézech (1996) a élaboré une classification psychiatrique des homicides pathologiques dans la famille. Parmi ceux-ci, deux types d’homicides présentés dans cette classification sont souvent suivis du suicide de l’agresseur. Ainsi, le type « passionnel » est habituellement un homicide commis par un homme sur sa conjointe. Ce type d’homicide est caractérisé par l’incapacité de l’agresseur à supporter la séparation ou l’abandon (perte de l’objet). L’auteur évoque la notion de complexe d’abandon qui pourrait caractériser l’homicide-suicide. Dans le type « dépressif », l’individu va entraîner l’autre dans la mort au cours d’un moment émotionnel mélancolique et peut aussi donner lieu à un pacte suicidaire. La victime serait plus fréquemment un proche de l’agresseur et la cause en serait un altruisme morbide4.
Homicides-suicides dans la famille : compréhension du fonctionnement psychologique
13Les écrits et réflexions sur l’homicide et le suicide ne sont pas récents. Dans son volume Deuil et mélancolie qu’il a écrit en 1917, Freud soulignait que le suicide est initialement dirigé contre l’objet externe et ensuite tourné vers soi-même. Lors de l’homicide-suicide, la personne traite le corps de l’autre comme une partie de son propre corps, ainsi elle arrive à se débarrasser d’états d’esprit insupportables. De plus, selon Perelberg (2004), la violence et le suicide s’avèrent des solutions pour résoudre l’expérience de se sentir écrasé par l’objet. L’enjeu relié à la séparation semble primordial. Les personnes qui passent à l’acte semblent aux prises avec un objet interne (mère) tout-puissant à l’intérieur d’elles ; la séparation étant quasi impossible à envisager psychiquement.
14De plus, l’absence réelle ou affective du père a amené une faille majeure dans la création de la limite interne mère-enfant. Ainsi, la figure paternelle n’a pas pris suffisamment de place dans l’espace psychique (pour aider à la séparation avec l’objet primaire). Plus une personne est dépendante de l’objet d’amour, plus elle a besoin que l’objet externe, qui est le reflet des ses objets internes (primaires), soit rassurant et ce, par une présence constante. Le fantasme inconscient sous-jacent est qu’en tuant cet objet, le Soi en sera alors libéré (Fonagy, 2004 ; Perelberg, 2004).
15Houel, Mercader et Sobota (2008) ajoutent, à juste titre, que le meurtre est l’incapacité à penser la séparation, les vécus archaïques deviennent impossibles à élaborer par l’individu qui a recours à l’acte. Les auteurs font le lien entre l’homicide conjugal et le matricide. Kristeva (2000, cité dans Houel, & al., 2008) évoque l’échec dans le refoulement du fantasme de matricide, fantasme présent chez tout individu. Dans ces types de crime, ce n’est pas la mère œdipienne qui est tuée mais plutôt la mère associée à l’archaïque, à la toute-puissance qui génère l’angoisse d’anéantissement.
Uxoricides-suicides
16Certains hommes qui commettent un homicide conjugal présentent des symptômes dépressifs ou psychotiques (Bénézech, 1987 ; Blinder, 1985 ; Cormier, 1962 ; Malmquist, 1996 ; Meloy, 1992). Les auteurs indiquent que la plupart de ces individus présentent une personnalité pathologique complexe, avec à la fois des traits paranoïaques, histrioniques, limites et narcissiques. Les principales manifestations des perturbations dans leurs relations interpersonnelles sont : l’égocentrisme, le sentiment d’avoir droit, la dépendance et le besoin excessif d’être rassuré, des relations oscillant entre l’idéalisation et la dévalorisation d’autrui, le manque d’empathie à l’égard des sentiments d’autrui et l’incapacité à supporter l’abandon. Le type « passionnel » évoqué par Bénézech (1987), mentionné précédemment, caractérise des individus anxieux, émotifs, timides, jaloux, susceptibles et exigeants. L’auteur fait notamment référence à l’homicide passionnel dans lequel l’individu tue sa conjointe suite à une séparation conjugale ou l’abandon de la part de cette dernière. L’auteur évoque ici la notion de complexe d’abandon. Il ajoute que la perte de la partenaire entraîne une souffrance intolérable qui conduit à l’homicide de la conjointe suivi du suicide de l’individu.
17À partir de l’étude d’un dossier psychiatrique, Chocard (2002) soulève les antécédents de manifestations dépressives chez un individu ayant commis un uxoricide. Cet homme présentait des symptômes dépressifs sans délire s’accompagnant d’une consommation abusive d’alcool. L’auteur ajoute que la présence d’éléments dépressifs chez un individu est souvent associée à un risque élevé de suicide ou de tentative de suicide suite à l’homicide.
18Pour Felthous et Hempel (1995), et Rosenbaum (1990), ayant travaillé spécifiquement sur l’homicide-suicide, la jalousie morbide (certitude de l’infidélité de la partenaire) s’avère un facteur des plus importants pour comprendre ce phénomène. Pour sa part, Bénézech (1987) indique l’importance de la relation possessive avec la partenaire et la dépendance chez ces hommes. L’attachement à l’autre est ambivalent, passant de l’amour à la haine. La perte de ce lien entraîne de graves désordres dans la stabilité et la cohérence du Moi de l’individu, qui s’efforce donc de le maintenir à tout prix. La menace de rupture de cette relation d’objet peut aboutir à l’uxoricide, parfois suivi du suicide de l’homme. En effet, la menace de rupture de la relation objectale narcissique (l’autre étant le miroir de soi-même) entraîne un danger vital pour le criminel passionnel. De cette atteinte narcissique résultent jalousie pathologique, angoisse, haine, révolte et grand désarroi, car l’individu se sent perdu sans objet. L’agressivité (auto et hétéro) se met alors en place, surtout lorsqu’il y a menace de séparation ou d’abandon de la part de la partenaire.
19Selon Lagache (1997), certains hommes qui commettent l’homicide de leur conjointe présentent des traits schizoïdes ou paranoïaques associés à un délire de jalousie. L’auteur relate le cas d’un homme qui croit que sa conjointe veut se débarrasser de lui et partir avec un autre homme. Lorsque celle-ci lui fait des reproches concernant sa consommation abusive d’alcool, l’homme est persuadé que sa femme va le quitter pour un autre homme. C’est à ce moment qu’il commet l’uxoricide. Ce type d’uxoricide (avec délire de jalousie) est toutefois rarement suivi du suicide de l’individu.
20Plus récemment, Dawson (2005) mentionne que dans certain cas d’uxoricide-suicide, le geste est associé à un suicide élargi ; l’homme présente des idées suicidaires et se sent incapable de mourir sans « amener » l’autre avec lui dans la mort. Lefebvre (2006) et Léveillée et Lefebvre (2008) soulignent que 8 % des personnes ayant commis un uxoricide au Québec ont commis une tentative de suicide suite à l’homicide et 20 % se sont suicidés suite au délit.
Filicides-suicides
21À notre connaissance, deux études clés ont été effectuées sur le filicide-suicide. D’une part, Shackelford, Weekes-Shackelford et Beasley (2008) ont analysé les dossiers (provenant du Chicago Homicide Record Index, Police Department) de filicides-suicides commis à Chicago entre 1870 et 1930. Au total, les chercheurs ont travaillé sur 11018 cas. Selon leurs résultats, les individus qui font un suicide suite à l’homicide de leurs enfants se caractérisent par les éléments suivants : il s’agit des parents biologiques, les enfants et les parents sont plus âgés et il y a plus de victimes. Pour leur part, Léveillée, Marleau et Dubé (2007) indiquent qu’il y a des différences d’une part, quant au sexe des agresseurs et aussi quant aux types de passages à l’acte (avec ou sans suicide). Les hommes (filicides paternels) qui n’ont pas effectué de suicide exercent des mauvais traitements contre leurs enfants et passent à l’acte plus fréquemment par mesure de représailles5 contre leur conjointe. De plus, ils présentent moins fréquemment de symptômes dépressifs. Les hommes qui se suicident par la suite tuent plus fréquemment leur conjointe (familicide), exercent de la violence conjugale et font des menaces de mort plus fréquemment à leur conjointe.
Familicides-suicides
22Léveillée et Lefebvre (2008) rapportent que 80 % des hommes qui ont commis un familicide entre 1997 et 2007 au Québec se sont suicidés suite à l’homicide. Les auteurs soulignent que le suicide élargi est particulièrement présent chez les personnes qui commettent un familicide. Bénézech (1991) a analysé le cas d’un homme qui a commis un familicide suivi d’une tentative de suicide. Selon l’auteur, au moment de commettre le familicide, cet individu vivait un épisode de dépression psychotique surajouté à un état névrotique sévère. Lors d’un entretien clinique réalisé suite au familicide, l’individu a indiqué qu’il a tué sa famille pour que tout le monde soit heureux et ne souffre plus. Pour cet homme, sa famille et lui formaient un tout indifférencié (limites dedans/dehors floues). Ainsi, en tuant sa famille, il se tuait aussi de manière psychique.
2- La présente étude
23Dans la présente étude, nous allons, d’une part, répertorier le pourcentage d’homicides-suicides commis sur le territoire de la province de Québec. Et d’autre part, présenter les caractéristiques sociodémographiques, psychologiques, criminologiques et situationnelles de trois sous-types d’homicides-suicides dans la famille commis sur une période de 10 ans (1997-2007) au Québec. Les sous-types sont l’uxoricide, le filicide et le familicide suivis du suicide de l’agresseur.
Méthode
Participants
24Les données nécessaires à cette recherche ont été recueillies à partir des dossiers accessibles au Bureau du coroner en chef du Québec6 : 139 hommes adultes ont commis un uxoricide, 40 ont commis un filicide et 10 ont commis un familicide.
Instrument de mesure
25Une Grille d’analyse multidimensionnelle de l’homicide intrafamilial a été utilisée afin de recueillir les données. Cette grille a été développée par Léveillée, Dubé, Martins Borges et Lefebvre (2005)7. Cette grille est une adaptation validée de l’instrument développé par Dubé (1998) dans sa thèse de doctorat. Martins Borges (2006) a validé cette grille afin de s’assurer que les informations colligées dans les dossiers s’avèrent valides et fidèles.
26Dans notre étude la Grille d’analyse multidimensionnelle de l’homicide intrafamilial (Léveillée, & al., 2005) a permis de recueillir les données pour cette étude. Ainsi, à partir de ces données, les variables mesurées sont : le nombre d’homicides-suicides, les variables sociodémographiques (âge, emploi, statut marital), les variables psychologiques (symptômes dépressifs et psychotiques, troubles/traits de la personnalité limite8 et obsessionnelle9), les variables criminologiques et situationnelles (violence excessive10, dénonciation11, converser de la mort, accès à ou achat d’une arme à feu, confier l’idée de tuer les enfants, la conjointe ou ses idées suicidaires, menaces de mort, lettre explicative, hospitalisation psychiatrique, consultation de professionnels).
Déroulement
27Tout d’abord, chaque dossier a été constitué sur la base des données disponibles dans les dossiers du Bureau du Coroner en chef du Québec (Ministère de la Sécurité Publique), des Palais de Justice de la Province de Québec et dans les articles de journaux. Dans les dossiers du Bureau du Coroner, il y a des extraits (parfois le dossier est complet) de certains rapports psychiatriques, les enquêtes des policiers et le rapport médico-légal du pathologiste judiciaire. Les données recueillies aux différents Palais de Justice (dossiers judiciaires) faisaient référence au procès ainsi qu’à toutes les autres accusations portées contre l’individu homicide recueillies dans les plumitifs criminels12. Les données recueillies dans les articles de journaux du Québec ont été utilisées comme source d’informations complémentaires.
28Par la suite, les informations contenues dans les dossiers ont été cotées avec la grille par deux chercheurs indépendants et ont été vérifiées par un autre chercheur (juge expert). Cette procédure (Accord inter-juges) assure l’exactitude des informations recueillies dans les dossiers.
Analyses statistiques
29Étant donné la nature descriptive de cette étude, nous avons procédé à l’analyse des variables déjà mentionnées pour chaque cas à l’aide de la Grille multidimensionnelle de l’homicide intrafamilial (Léveillée, & al., 2005). Des statistiques descriptives ont été réalisées par la suite pour chacune des variables.
Résultats
30Dans un premier temps, 139 hommes ont commis l’homicide de leur conjointe (uxoricide) et 27 (19,4 %) d’entre eux se sont suicidés par la suite. Ces hommes étaient âgés en moyenne de 46,6 ans et 16 (59,3 %) d’entre deux avaient un emploi. De plus, 14 (51,8 %) étaient mariés ou conjoints de fait et 13 (48,2 %) étaient séparés, divorcés ou en processus de séparation conjugale. Quant aux variables psychologiques, 7 (25,9 %) hommes présentaient des symptômes dépressifs et 7 (25,9 %) avaient un trouble ou des traits de la personnalité limite. Lors du délit, 10 (37,0 %) hommes ont exercé de la violence excessive et aucun (0 %) ne s’est dénoncé à la police par la suite. Dans la dernière année avant l’homicide, 1 (3,7 %) homme avait conversé de mort, 12 (44,4 %) avaient accès à une arme à feu, 2 (7,4 %) présentaient des idées suicidaires et 3 (11,1 %) avaient proféré des menaces de mort. De plus, 1 (3,7 %) homme avait laissé une lettre explicative sur les lieux de l’homicide. Enfin, 2 (7,4 %) d’entre eux avaient déjà été hospitalisés en psychiatrie, 4 (14,8 %) avaient consulté un professionnel de la santé dans la dernière année et 5 (18,5 %) au cours de leur vie.
31Dans un deuxième temps, 40 hommes ont commis un filicide et 7 (17,5 %) d’entre eux se sont suicidés par la suite. La moyenne d’âge de ces hommes était de 34,3 ans et un seul (14,3 %) d’entre eux avait un emploi au moment du filicide. De plus, 4 (57,1 %) hommes étaient mariés ou conjoints de fait et 3 (42,9 %) étaient séparés, divorcés ou en processus de séparation conjugale. Pour ce qui est des variables psychologiques, 2 (28,6 %) hommes présentaient des symptômes dépressifs et 3 (42,9 %) avaient un trouble ou des traits de la personnalité limite. De plus, 2 (28,6 %) hommes ont exercé de la violence excessive lors de l’homicide et 1 (14,3 %) homme s’est dénoncé par la suite. Dans la dernière année avant le délit, 4 (57,1 %) hommes avaient accès à une arme à feu, 1 (14,3 %) avait confié ses idées de tuer son enfant, 1 (14,3 %) homme présentait des idées suicidaires et 1 (14,3 %) avait proféré des menaces de mort. Enfin, 2 (28,6 %) hommes avaient été hospitalisés en psychiatrie, 1 (14,3 %) avait consulté un professionnel de la santé dans la dernière année et 2 (28,6 %) au cours de leur vie.
32Dans un troisième temps, 10 hommes ont commis un familicide et 8 (80,0 %) d’entre eux se sont suicidés par la suite. Ces hommes étaient âgés en moyenne de 40,9 ans et 7 (87,5 %) d’entre eux avaient un emploi. De plus, 4 (50,0 %) hommes étaient mariés ou conjoints de fait et 4 (50,0 %) étaient séparés, divorcés ou en processus de séparation conjugale. Quant aux variables psychologiques, 3 (37,5 %) hommes avaient des symptômes dépressifs et 3 (37,5 %) présentaient un trouble ou des traits de la personnalité limite. Lors de l’homicide, 2 (25,0 %) hommes ont exercé la violence excessive et 1 (12,5 %) s’est dénoncé par la suite. Dans la dernière année avant le délit, 1 (12,5 %) homme avait conversé de mort, 6 (75,0 %) avaient accès à une arme à feu et 2 (25,0 %) présentaient des idées suicidaires. De plus, 2 (25,0 %) hommes avaient laissé une lettre explicative sur les lieux de l’homicide. Enfin, 1 (12,5 %) homme avait déjà été hospitalisé en psychiatrie, 4 (50,0 %) avaient consulté un professionnel de la santé dans la dernière année et 5 (62,5 %) au cours de leur vie (voir Tableau 1).
3- Discussion
33Cette étude exploratoire permet d’énoncer quelques observations. À l’intérieur du groupe des personnes qui commettent un homicide dans la famille, il est possible de cerner certaines caractéristiques qui différencient les sous-groupes (uxoricides, filicides, familicides). Premièrement, le pourcentage de suicide est particulièrement élevé chez les hommes qui ont commis un familicide. Ainsi ce type d’homicide est fréquemment associé à un suicide élargi (Léveillée, & Lefebvre, 2008) De plus, le familicide se distingue des deux autres types d’homicide sur des aspects bien définis : ces hommes ont eu accès à une arme à feu, ils ont confié des idées suicidaires avant le délit, ils ont laissé une lettre explicative après le délit et ils ont fréquemment consulté un professionnel de la santé. D’autres travaux en cours soulèvent ces différences (Léveillée, Marleau et Lefebvre, 2010).
34Deuxièmement, près de la moitié des individus (tous groupes confondus) se trouvait dans un processus de séparation, divorce ou était séparé de leur conjointe au moment du délit. De plus, le quart présentait des symptômes dépressifs ; et enfin, plus du quart présentait des traits ou un trouble de la personnalité limite.
35À part le pourcentage de suicide particulièrement élevé chez les individus qui commettent un familicide, il y a peu de différences entre ces trois groupes quant aux autres variables. Ainsi il nous semble particulièrement important de mentionner qu’un individu ayant une fragilité de la personnalité (sensibilité à la rupture et angoisse d’abandon13) pourrait réagir par le passage à l’acte lors d’une rupture amoureuse. Bénézech (1996) a notamment soulevé la notion de complexe d’abandon comme étant particulièrement importante chez les hommes qui commettent un homicide-suicide. La rupture amoureuse serait un déclencheur majeur des passages à l’acte dans la famille.
36Dans notre travail, nous avons effectué un relevé exhaustif de tous les homicides intrafamiliaux sur une période définie et nous avons effectué une analyse systématique de plusieurs variables autant psychologiques que situationnelles. L’analyse de dossiers devient la seule solution pour mieux comprendre le fonctionnement psychologique de personnes qui se suicident après leur délit. Dans le but de poursuivre ces travaux, nous croyons qu’une étude comparative (avec ou sans suicide suite à l’homicide) pourra enrichir les connaissances dans ce domaine. De plus, l’analyse en profondeur de cas cliniques s’avère aussi nécessaire. Enfin, quant les individus qui commettent de la violence dans la famille tentent de se suicider sans pour autant compléter leur suicide, alors l’analyse du matériel clinique (verbatim d’entretiens cliniques ou de tests projectifs) pourrait être particulièrement éclairant afin de mieux comprendre le fonctionnement psychique de ces personnes.
Tableau 1 : Caractéristiques des uxoricides, filicides et familicides ayant commis un suicide (1997-2007)


Bibliographie
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10.1177/1088767907306993 :Notes de bas de page
1 Dans la littérature, les chercheurs français utilisent fréquemment le terme « crime passionnel » pour désigner l’homicide conjugal (Bénézech, 1987 ; Lagache, 1997).
2 Il y a plusieurs autres définitions du familicide. En 1986, Dietz mentionne que le familicide (« family annihilator ») fait partie de la catégorie des homicides de masse. Les autres sous-types sont les « pseudocommandos » et les « set and run killers ». Selon Leyton (1990), le familicide se définit par l’homicide du parent et de certains membres de la fratrie, tandis que Wallace (1986) mentionne qu’il s’agit d’un uxoricide et de l’homicide du nouveau conjoint.
3 Le parricide se définit comme étant le meurtre du père ou de la mère (ou les deux) par un enfant naturel ou adopté qu’il soit adulte ou adolescent (Robert, Rey-Debove, & Rey, 2004).
4 Selon l’auteur, l’individu qui commet un homicide par altruisme se croit gravement malade (où l’est vraiment) et croit qu’il serait impensable de laisser la victime seule, ou l’individu commet l’homicide pour apaiser les souffrances de la victime.
5 La mesure de représailles est souvent associée à une rupture amoureuse.
6 Nous tenons à remercier le Bureau du Coroner en chef à Québec (Ministère de la sécurité publique du Gouvernement du Québec) pour sa précieuse collaboration dans la réalisation de cette recherche.
7 Une partie de cette grille a été validée dans la thèse de Martins Borges (2006), dirigée par Léveillée à l’Université du Québec à Trois-Rivières (Québec, Canada).
8 Ce trouble se caractérise par l’instabilité de l’humeur, des relations interpersonnelles et de l’image de soi-même apparaissant au début de l’âge adulte et présent dans des contextes divers (American Psychiatric Association, 2003).
9 Ce trouble se caractérise par une préoccupation pour l’ordre, le perfectionnisme et le contrôle mental et interpersonnel, aux dépens d’une souplesse, d’une ouverture et de l’efficacité apparaissant au début de l’âge adulte et présent dans des contextes divers (American Psychiatric Association, 2003).
10 Il y a présence de violence excessive lorsque l’individu homicide tue sa victime à l’aide de plus de cinq coups d’objet contondant, d’arme blanche ou de balles d’arme à feu, lorsqu’il utilise deux moyens ou plus pour tuer sa victime, ou dans les cas où la victime est sévèrement battue.
11 La dénonciation réfère à tous types d’aveu de la part de l’individu homicide.
12 Au Québec, ce type d’information est d’accès libre pour la population générale.
13 Un des traits du trouble de la personnalité borderline est la présence d’angoisse d’abandon.
Auteurs
Ph. D., professeure, Université du Québec à Trois-Rivières, Département psychologie, C. P. 500, Trois-Rivières (Québec), Canada, G9A 5H7, chercheuse associée au CEIDEF (Centre de recherche interdisciplinaire en développement de l’enfant et de la famille, Université du Québec à Trois-Rivières) et au CRI-VIFF (Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes, Université de Montréal). Téléphone : (819) 376-5011 (poste 3519),suzanne.leveillee@uqtr.ca.
Ph. D., professeure, Université du Québec à Trois-Rivières, Département de psychologie, C. P. 500, Trois-Rivières (Québec), Canada, G9A 5H7, chercheuse associée au CEIDEF (Centre de recherche interdisciplinaire en développement de l’enfant et de sa famille, Université du Québec à Trois-Rivières, Département de psychologie).
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Y-a-t-il (vraiment) des technologies de l’information ?
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2011