7. Le récit du temps compté (Compositions Seuils)
p. 167-189
Texte intégral
Et que sont toutes ces figures dont nous usons, tous ces moyens comme les rimes, les inversions, les antithèses, si ce ne sont des usages de toutes les possibilités du langage, qui nous détachent du monde pratique pour nous former, nous aussi, notre univers particulier, heu privilégié de la danse spirituelle ?
Paul Valery, Philosophie de la Danse
Sa pensée demeure ouverte et multidirectionnelle, questionnante et énigmatique, fragmentaire et poétique, elle ne fixe pas l’Être, elle ne sépare pas l’être du devenir - l’être est devenir et le devenir est être - elle ne ferme pas la Totalité, elle ne construit pas de systématique.
Kostas Axelos, Héraclite et la philosophie
1Le Jardin des Plantes porte à toutes conséquences l’exercice d’une autobiographie de l’écriture : notamment dans sa recherche d’une composition textuelle qui imprime une « forme de l’intuition (comme constitution subjective de la sensibilité) »1. Le livre tient le difficile pari de faire un récit qui, loin d’être monocorde et personnel, soit aussi récit de la traversée du siècle en ses phénomènes. Les inflexions de la narration singulière jouent avec les éclats de voix multiples, les clameurs, les babéliques discours du monde contemporain. L’ouvrage offre à cet égard un des plus puissants dispositifs de réflexivité littéraire : un damier de textes formant composition rhapsodique. Un livre-échiquier où l’écriture convoque des figures qui se déplacent selon les règles du calcul rythmique et poétique. Ce passage du temps s’inscrit tempo narratif ; les interruptions, reprises, lignes diagonales et verticales marquent les intervalles de respiration du récit. Ni moderne, ni postmoderne, le récit fait le portrait du temps en autobiographe : il a tous les âges.
2Pareille composition exige le compte rigoureux des tours et retours de figures, et met en œuvre tout ce que Paulhan regrette de voir interdit dans le jardin public de Tarbes c’est-à-dire dans le jardin de la Littérature. On se souvient de la proscription emblématique à l’entrée des Fleurs de Tarbes :
On voit, à l’entrée du jardin public de Tarbes, cet écriteau :
Il est défendu
d’entrer dans le jardin
avec des fleurs à la main
On le trouve aussi, de nos jours, à l’entrée de la Littérature. Pourtant, il serait agréable de voir les filles de Tarbes (et les jeunes écrivains) porter une rose, un coquelicot, une gerbe de coquelicots.2
3Rien n’est boutade chez Paulhan ; de bout en bout, les remarques ont une cohérence décapante. La référence à l’écriteau du jardin public de Tarbes déplore certes une époque où « beauté, virtuosité...], littérature signifient avant tout ce qu’il ne faut pas faire »3, et où l’écriture littéraire est toute de convention. Mais surtout, elle stigmatise les interdits selon quoi il ne faudrait pas risquer les mélanges, les confusions, pas apporter des fleurs des champs (coquelicots) au lieu où poussent les fleurs de ville ; pas de fleurs de rhétorique personnelle dans les endroits de commerce public ; pas de rhétorique sauvage dans les espaces urbains, pas de fleurs rapportées, pas de fleurs ni de figures privées qu’on risquerait de vous accuser d’avoir volées au heu public... Bref, l’écriteau à l’entrée de la Littérature est une interdiction de transporter, de réfléchir, d’intervenir, de créer.
4Dans le livre de Claude Simon qui, un moment, en cours de travail, s’intitula « Les jardins publics »4, tout, au contraire, se tient dans un transport sans fin. Assemblage ostensible de pièces et de morceaux, Le Jardin des Plantes s’organise selon une vertigineuse économie différentielle, par voisinages et distances, par citations, et par l’apport de gerbes de tropes - fleurs personnelles des livres antérieurs mais aussi fleurs de tant d’autres, Montaigne, Proust, Dostoïevski, Novelli, transplantées, acclimatées, trans-figurées dans l’espace de ce terreau littéraire d’un genre hybride, indéfinissable.
Un jardin de la mémoire où cultiver l’art d’écrire
5Geste de notre temps, Le Jardin des Plantes bruit d’échos, de remémorations, de lectures, d’instantanés, de voyages et rencontres, de paroles rappelées qui émergent en fragments, de tableaux restitués par touches ; une geste qui ne cesse de refaire la scène de la guerre et des massacres administrés. Car, une fois de plus, nous sommes en juin 40 et nous retrouvons les motifs les plus tragiques les plus dérisoires de La Route des Flandres, avec l’emblématique silhouette du cavalier basculant, sabre levé, comme « ces figurines de plomb [...] qu’il faisait fondre, enfant » (p. 231), ou le rideau de filet à motif de paons masquant une fenêtre, ou le cadavre en décomposition ; mais ces éléments sont comme rebrodés en un récit qui a pris de la hauteur, réinscrits dans une écriture d’après l’écriture, après les années après le temps, par quoi une sorte de survie littéraire de l’événement confère au narrateur don de survue. C’est une forme sinon de sagesse du moins de lucidité aiguë que donne le long-cours de l’œuvre – un surplomb, l’intelligence :
[...] sa brève expérience du feu (le rôle dérisoire et mortel qu’on lui a fait jouer : impression qu’on s’est moqué de lui, « on » recouvrant non pas un ou plusieurs personnages, quelque catégorie humaine et sociale (politiciens, généraux), mais une sorte de vague et facétieuse entité (l’Histoire ?), impersonnelle, stupide et impitoyable) demeure comme un traumatisme maintenant pour ainsi dire enkysté en lui à la façon d’un corps étranger, installé pour toujours. (pp. 336-337)
6Qu’il s’agisse, comme dans ce passage, des rapports du narrateur, évadé du camp où il était prisonnier en Allemagne, avec un groupe de résistants qu’il abrite, ou qu’il s’agisse du massacre des Malgaches en 1947-1948, ou encore de l’épisode du camion des tirailleurs Nord-Africains carbonisés dont l’image vient s’imprimer sur le récit que fait le narrateur du convoi des jeunes soldats allemands - « Il pense : Pauvres bougres, pauvres bougres, pauvres bougres, pauvres bougres » (pp. 344-345)5 -, l’écriture de Claude Simon dans Le Jardin des Plantes est plus que jamais de vif-argent, qui sait à la fois saisir au passage la violence des sensations et laisser se déposer, au fil du phrasé, la quintessence du récit de vie récit de mort. La fureur et l’apaisement.
7Comme si ce livre de la mémoire était le lieu où toute l’œuvre simonienne parvenait à une décantation extrême. Épure : tous les motifs repassés aux filtres des textes d’archives, ces archi-textes (il y a les Mémoires de Churchill, les Carnets de Rommel, le Journal de marche de tel Régiment d’infanterie de Forteresse conservé au Service Historique de l’Armée de Terre, Château de Vincennes), repassés aux filtres des interviews journalistiques, des colloques (tel celui de Cerisy dont un extrait est reproduit : entre JR et ARG un débat sur le « nouveau roman » et sur « le référent »6), aux filtres des récits, citations, descriptions, réécritures – toute une bibliothèque nourrissant et réinventant la mémoire.
8Le Jardin des Plantes offre ainsi, somptueusement, cette jouissance particulière à l’écriture simonienne, qui relève de sa double polarité : le coup du trait et l’élaboration du portrait ; l’immédiateté et le détour ; la scrutation et la vue longue ; l’orfèvrerie du détail scénique et les larges enjambements qui relient ou délient les sections du texte.
9Car il n’y a point de confidence, encore moins de confusion ou d’aveu, dans ces Mémoires. C’est au secret des tracés de l’écriture que s’opère le creusement d’une intimité : par le minutieux déroulé des descriptions qui donne à chaque élément ou objet désigné une charge d’affects inouïe. Et, par suite, une force métaphorique dont la singularité est, précisément, d’opérer dans le récit des transports à tous les sens du terme. Et rien n’est plus prégnant que la narration de cette prise sensuelle des corps et de la porosité dehors-dedans qui en résulte. Telle l’évocation de l’enfance par le biais des scènes aux vitraux de « la chapelle du collège » et des rites de la liturgie ponctuant « à l’aide de claquoirs de bois les différentes phases de l’office » (p. 224). Car tous ces traits riment bientôt avec « la chapelle ardente » des funérailles et avec l’annonce faite au garçon : « presque en aboyant : Ta maman est morte ! » (p. 227) ; à la suite de quoi le récit, dévidant le spectacle des fils de téléphone derrière la vitre du train et le jeu machinal de leurs effets avec la vitesse, se décrit lui-même, principe télé-phonique toujours de la narration, dans la distance, la variante, la surprise des phénomènes.
10Tout aussi prégnante est la palette des couleurs que le narrateur sait construire en une suite de mots, substantifs posés telle la substance par les touches du peintre, afin de donner toute la mesure (la dramaturgie parfois) d’une aube sur la Sibérie ou sur la Sologne, d’un couchant, des premières irisations du jour vues d’avion ; ou, pareillement, du cercle des jeunes filles de Madras « drapées dans des saris aux couleurs de fleurs ou de fruits : géranium, indigo, carmin, pervenche, cerise, pourpre, safran, grenat, vieux rose, citron, réséda » (pp. 125-126). L’événement dès lors est bien celui de l’advenir des mots sur la page et des cheminements imaginaires auxquels ils invitent. L’autobiographie manifeste ainsi clairement qu’elle est avant tout « portrait d’une mémoire » c’est-à-dire le lieu où chaque élément, tout en étant lié à une remémoration du vécu, est indissociable de la mise en œuvre qui le construit et, ce faisant, l’invente. Chaque trait est constitué et constituant d’un ouvrage qui forme un monde à soi. S’il y a révélation dans Le Jardin des Plantes, c’est bien celle-ci : il ne saurait y avoir de récit de vie sans ce recueillement-là, le recueil de fragments, mis ensemble, bout à bout et cut cut. Pas de mémoire sans coupe, assemblage, composition, périodicité : le portrait d’une mémoire ne va pas sans une poétique du montage.
11Les mémoires de Claude Simon sont donc fort éloignées de quelque exaltation du « jardin privé » de l’égotisme, auquel nous a habitués le canon littéraire. C’est au contraire à l’enseigne du jardin public où cultiver l’art d’écrire que Le Jardin des Plantes tente de faire le récit de l’être-partagé qu’est l’humain : toujours sous le coup de la mémoire, dans le survenir, traversé d’autre(s) à tout propos. C’est, par suite, un récit de la défaite et du renouveau qui peint l’être du passage, et Montaigne placé en exergue à l’entrée du volume affiche, précisément, quel travail de marqueterie entreprend le livre :
Aucun ne fait certain dessain de sa vie, et n’en délibérons qu’à parcelles. [...] Nous sommes tous de lopins et d’une contexture si informe et diverse, que chaque pièce, chaque momant faict son jeu.
12En somme, l’écriture de Claude Simon répond à l’injonction de trouver (inventer) une forme de l’informe. L’entreprise se fait ici plus radicale : elle prend par les racines, celles, linguistiques, du texte même, donnant ainsi la portée d’une ontologie négative à l’écriture de la mémoire. Car le rigoureux calcul de la composition fictionnelle laisse du jeu à l'essai, n’oubliant jamais qu’« il est impossible à qui que ce soit de raconter ou de décrire quoi que ce soit d’une façon objective », qu’« il n’existe pas de style neutre ou comme on l’a aussi prétendu d’écriture “blanche” » (p. 273) ; et c’est par la voix de Conrad, en exergue de la Partie III, que le narrateur souligne le paradoxe de sa tentative :
[I]l est impossible de communiquer la sensation vivante d’aucune époque donnée de son existence – ce qui fait sa vérité, son sens – sa subtile et pénétrante essence. C’est impossible. Nous vivons comme nous rêvons – seuls.
13La forme de fragments marqués de larges interruptions, sorte de fondu au blanc de la narration, la diversité des corps typographiques, des alinéas et des indentations du texte sont donc autant de tracés de ces jardins publics de l’être : une singularité travaillée de pluriel, un singulier-pluriel irréductiblement. Le récit de vie présente ainsi un découpage calculé : des massifs contournables, des allées, des croisées, des plates-bandes aux dessins rares, des espaces à l’écart ou au contraire des lieux plus communs... Mais tous ces dispositifs font aussi mouvement l’un vers l’autre, ou lancent des appels d’un bout à l’autre du livre sous l’effet des chemins de lecture. Le singulier narrateur y vole en éclats dans la variabilité des fils narratifs, tour à tour « je », « il », « il(s) », « C.S. ». La surface de la page se fait partition, remembrement de parcelles et lopins, lotissant le texte selon les règles de la géométrie et de la topographie. La description d’un tableau de Gastone Novelli se trouve ainsi mise en regard, par l’irruption d’une diagonale, avec le récit d’un épisode de la débâcle de 40. Et la page, audacieusement lacérée, coup de mémoire comme d’un obus, porte le lecteur à lire non seulement les liaisons mais les déliaisons du souvenir, ainsi que des coups d’écriture quelles requièrent. Les vingt premières pages du volume présentent, de la sorte, une écriture divisoire, c’est-à-dire en fait les modalités d’une autre grammaire à l’œuvre. Où la littérature entend donner à lire accords et accrocs, ajointements et disjointures, le clin d’œil, le rien de temps, bref, l’intervalle où se tient le récit de l’être au-partage-au-passage.
14Dans L’Acacia, il y avait le narrateur écrivant auprès de l’arbre phosphorescent. Avec le récit du Jardin des Plantes qui fait don de généalogies inconnues ou méconnues, de reprises, de repousses, c’est le livre même qui est arbre. Arbre de connaissance comme d’inconnaissance, dont chaque lecteur a la chance de devenir un rameau. Menu rejeton.
15Or, entre tous les arbres évoqués dans Le Jardin des Plantes, « pin d’Alep », « jeune acacia », « magnolia », « Platane d’Anatolie planté par Jussieu en 1785 », il y a l’arbre le plus littéraire, celui qu’on ne rencontrera jamais parmi les autres arbres. Il s’inscrit dans un cadre de fenêtre, vu depuis l’immobilité d’un lit d’hôpital puis de convalescence, c’est l’arbre d’entre vie et mort, l’arbre du temps compté, l’arbre de vie :
Vers la fin avril, la nuit, les rossignols commencèrent à chanter. Ils se répondaient de loin en loin en échos dans le silence de la vallée. Les nuits étaient pleines d’odeurs fraîches. Dans les ténèbres le pommier en fleurs semblait luire faiblement, comme phosphorescent, (p. 315)
16Cet arbre-dans-la-littérature qui clôt la troisième partie sur la promesse d’une résurrection, ne ressemble à rien, ne dissemble de rien. À la lettre incomparable, ni opposable ni assimilable ni traduisible, et d’une inépuisable inventivité, il est l’essence même de la pousse : désir de vivre et d’écrire.
17Le pommier phosphorescent de Claude Simon n’est pas un arbre, c’est : comme un arbre. Où l’on retrouve l’enjeu maintes fois souligné par Mallarmé quant à l’écriture de la fleur « l’absente de tout bouquet », et son injonction faite à la poésie « d’absenter la fleur » afin qu’écriture et lecture œuvrent avec « le langage se réfléchissant ». Cette poétique de l’absentement relève chez Claude Simon d’une écriture qui puise ressources au blanc, c’est-à-dire aux silences ou passages à blanc de la description lesquels défont mais constituent non moins le procès mémoriel de l’œuvre.
Dans l’arc du livre, il y a toute la corde
18Au cours de l’entretien qu’il m’accorda lors de la parution du Jardin des Plantes, Claude Simon en vient à souligner une certaine réversibilité : L’incipit du livre est « m’efforçant dans mon mauvais anglais... » Il pourrait être aussi : « m’efforçant dans mon mauvais français... ». Je remarque alors, en écho, que l'incipit et l'excipit du livre sont montés selon un dispositif contraire : « m’efforçant »/ « s’en abstenir », et je pose la question : « Entre ces deux mouvements opposés se tend donc tout l’arc du livre ? ». À quoi Claude Simon fait la réponse suivante : « Dans l’arc du livre, il y a toute la corde »7. La formule, fulgurante en son éclat sibyllin, me saisit d’un trait de vérité qui me parut aussitôt à explorer, et me conduisit à tenter de penser l’architecture du Jardin des Plantes à l’enseigne de cet aphorisme définitoire, à envisager les clefs de lecture et d’écriture que l’approche par ce biais fait lever dans le texte.
19Mon interlocuteur, peu après, sur ce point des « tensions de la corde » où je reconduis la question, cite Rimbaud pour préciser : « Rimbaud à sa mère (qui l’interroge sur le “sens” de je ne sais plus lequel de ses écrits) : “Cela veut dire ce que ça dit, littéralement et dans tous les sens” »8. Or, plus que jamais avec Le Jardin des Plantes, l’écriture de Claude Simon est en effet un travail du sens dans tous les sens ; travail d’autant plus foisonnant que la contrainte de l’enchaînement narratif (moyennant un personnage, une histoire, une trame événementielle) est moindre en ce volume, et qu’importe avant tout la trame textuelle, les événements dans le texte. Le Jardin des Plantes est affaire de mise ensemble et de variables tensions dans les passages d’un fragment à l’autre. À savoir, affaire de composition, comme dit Longinus : mise en ordre des divers éléments formant un assemblage organique, l’articulation des membres « tous pris ensemble les uns avec les autres, réalis[a]nt une structure achevée »9, laquelle constitue le livre en un corps vivant.
20À savoir, aussi, chez Claude Simon, affaire de période, la période qui serre et desserre les liens entre les mots, fait le tour, donne un tour aux objets du récit, imprime à la disposition textuelle une dynamique et une harmonie.
21À savoir : comment savoir ? que savoir ? – pour reprendre le motif de La Route des Flandres –, la seconde interrogation appelée dans le mouvement du faire qu’inscrit la première.
22Bref, ce qui est en jeu dans l’architecture combien complexe du livre simonien, c’est le temps de l’écriture : le temps immémorial de l’inlassable réancrage du vécu10 dans la matière des mots et des langues qui œuvrent, donnant au texte une ductilité singulière. Et une allure : un mouvement, des vectorialisations, des vitesses variables, les forces d’une synergie où jouent des proportions relatives.
23Il conviendra ici, pour mieux saisir les enjeux de cette écriture, d’en revenir aux leçons des Présocratiques dont on sait que Claude Simon, à l’occasion, emprunte les voies paradoxales : avec Valéry, par exemple, celle de Zénon d’Élée et de la « flèche qui vibre, vole, et qui ne vole pas », et d’« Achille immobile à grands pas »11, préfigurant les enjambées d’Orion aveugle12 ou celles de la phrase dans La Bataille de Pharsale13 ; ou encore avec T. S. Eliot, dont le premier Quatuor en exergue à L’Acacia fait écho aux fragments d’Héraclite :
Time present and time past
Are both perhaps present in time future,
And time future contained in time past.
24C’est à Héraclite, précisément, que je ferai référence, en ce qu’il s’emploie à penser le mouvement dans la non-résolution des contraires, le vivant en tant qu’accord des oxymores, permutabilité, inversion. Tels les fragments ci-dessous :
Le froid se réchauffe, le chaud se refroidit, l’humide [se] sèche, le sec s’humidifie. (Fragment 126)
Le même est en nous : vivant et mort, éveillé et endormi, jeune et vieux ; car ceci, se transformant, est cela, et cela, se transformant à son tour, est ceci. (Fragment 88)
Nous entrons et n’entrons pas dans les mêmes fleuves, nous sommes et ne sommes pas. (Fragment 49a)
Le contraire est accord, des discordances naît la plus belle harmonie et tout devient dans la lutte. (Fragment 8)14
25C’est dans le fragment 51 que se trouve explicité le principe de cette union des séparés qui inscrit le vivant comme liaison des impossibles – par quoi les séparants, couplés, décuplent la puissance d’attraction des mots. Et l’attelage des polarités tend sur l’extrême distance le moment des forces du texte. En fait, l’expression palintropos harmonie est problématique car elle n’a pas d’équivalent en français. Kostas Axelos traduit par « harmonie des tensions opposées » :
Ils ne comprennent pas comment le discordant s’accorde avec lui-même ; harmonie des tensions opposées, comme celle de l’arc et de la lyre.15
26Cependant que l’édition de la Pléiade traduit par le néologisme « harmonie contre tendue » :
Ils ne savent pas comment le différent concorde avec lui-même, Il est une harmonie contre tendue comme pour l’arc et la lyre.16
27Par là, précise l’exégète, il s’agit de désigner que les cordes exercent une traction sur le bois de l’instrument et que, réciproquement, le bois tend aussi les cordes. L’« harmonie contre tendue », c’est donc le « double travail en sens contraire »17 du bois et de la corde. Ma préférence, ici, va à « l’harmonie contre tendue » parce que le néologisme empêche, me semble-t-il, du fait qu’il n’est rapportable à rien, la simplification contre laquelle, précisément, Kostas Axelos met en garde, à savoir une réduction de la pensée héraclitéenne : « C’est pourquoi il faut parler de l’unité des contraires et non de leur identité ou de leur synthèse.[...] La dialectique d’Héraclite n’est ni celle de l’identité ni celle de la confusion : elle forme une pensée englobante »18. Ce que Kostas Axelos désigne par la « dialectique » d’Héraclite est indissociable du logos ; c’est une pensée en marche dans la langue : « exprimant le rythme de l’être universel, elle nous conduit vers l’unité, unité jamais totalitaire »19.
28Ajoutons à cela deux remarques. Dans un fragment de Parménide, une autre occurrence de « palintropos » est traduite par « retourne sur lui-même »20 – ce qui n’est pas sans évoquer le mouvement de la phrase simonienne, infinie en ses retournements progressifs. Ce retournement, il se dit aussi dans le Fragment 48 d’Héraclite que Kostas Axelos traduit ainsi : « Bios : le nom de l’arc (biós) est vie (bíos), son œuvre mort »21.
29C’est donc cette composition du livre selon le principe de l’harmonie contre tendue que je m’efforcerai d’explorer dans Le Jardin des Plantes. Autrement dit, suivant en toutes conséquences la formulation : « Dans l’arc du livre, il y a toute la corde », il s’agira de cerner un travail des différentiels constitutifs de l’économie de l’œuvre. Notamment, les divisions de l’indivisé que Claude Simon exhausse avec la citation de Montaigne, premier exergue dans le livre. Ou aussi, le mouvement dans l'immobilité, l’éternité à l’instant, bref cet art du fractionnement et de la recomposition qui orchestre le volume et porte à convenir que « l’Un et le Tout sont fiés et qu’Unité et Multiplicité se trouvent en relation de dialogue »22. Les coupes, les montages, les enjambements modulent le retour des liens dans la composition simonienne : leurs rapports, croisées, tensions. Ils font lire un devenir-texte. C’est ce faire-devenir de l’écriture qui paraît très proche de la démarche héraclitéenne : « Cette pensée ose regarder les tragiques déchirements qui rendent toute présence fragmentaire et, ne cherchant pas la tranquillité, mais la sérénité, elle accepte les contradictions et ne sépare pas l’universel du concret ». Par suite, il s’agira de faire apparaître en quoi, dans l’écriture romanesque de Claude Simon, opèrent moins des règles qu’une régulation, moins des degrés que les dosages d’une gradation à l’infini calcul. Moins le nomos, la norme de l’art, que l’instauration d’un ouvrage auto-nomos, autonome – élaborant, en se faisant, les principes d’une économie interne.
Photographier le vertige
30Cette perspective de travail, elle se trouve comme emblématisée par la photographie d’arbre que Claude Simon a légendée « Jambes »23. Où la double branche d’un platane prise en contreplongée, appelle à « voir » en plongée, simultanément et a contrario, depuis le point de la cime. Car la position de lecture, qui concorde avec le corps à la renverse du photographe prenant la prise, découvre, depuis l’angle inférieur droit du cadre, et con-figurant avec l’arbre, les membres renversés d’un corps humain couché en travers de l’image, tête en bas, jambes dans l’espace. Si bien que cette position de lecture à la renverse fait opérer, en même temps, deux mouvements en sens contraire à l’œil lorsqu’il part de l’angle supérieur gauche du cadre où se trouve le faîte de l’arbre : en descendant le long de l’image du platane, le regard dessine le mouvement inverse d’une remontée le long des mollets, genoux, cuisses, ventre d’un tracé anthropomorphe, lequel con-figure avec les formes végétales et la texture de l’écorce du tronc, un corps renversé. Image têtebêche.
31Si bien que ce n’est plus véritablement ni la photo d’un arbre ni celle de jambes, et cependant c’est et l’une et l’autre : en fait, c’est la photographie d’un vertige. Un mouvement vertigineux et infini s’imprime car, de quelque côté qu’on la regarde, l’image tourne, se retourne sur elle-même, illustrant parfaitement l’axiome héraclitéen : « le différent concorde avec lui-même ». La concordance du différent, c’est la concordance dans la différence (concordia discors), c’est-à-dire la désignation du même en autre. Comme autre mais reconnaissable, et par là surprenant. Comme différant mais nécessairement, et par là, évident. Tête en l’air tête en bas, le ciel fait ciel-et-terre, le tronc d’arbre bassin d’humain tronqué, prenant pied sur le ciel où les ramures mettent racines. Autrement dit, concorder dans la différence entraîne au passage : à faire, devenir, être passe. À tenir le passage et se tenir dans le passage. Au détroit de l’œuvre : détroit de l’image ou de l’écrit.
32La photographie simonienne tient ainsi le spectateur-lecteur sur une sorte de diagonale du fou, ligne d’instabilité et de versatilité qui affole la représentation. Fait de la prise, déprise et reprise ; de la photographie, un mobile.
33Cela advient grâce à un triple dispositif. D’une part, certes, il y a métaphore par l’attelage de deux lectures, l’une végétale, l’autre anthropomorphe, de l’unique figure. D’autre part, la puissance de la métaphore se trouve redoublée par le déplacement métonymique qui l’accompagne et qui intègre les paramètres de la technique photographique : car on voit là qu’il y a inscription du corps prenant (le photographe) dans le corps pris (le platane) ; et que tel qui croyait prendre se trouve pris et retourné. En ce cas, l’affirmation de Barthes selon quoi : « L’image, c’est ce dont je suis exclu », semble invalidée. L’image de Claude Simon c’est, au contraire, ce qui me renverse, me diffère, me transporte. Il y a davantage : c’est le vertige du non-propre c’est-à-dire l’effervescence du débordement cata-chrétique qui est à l’œuvre chez Claude Simon. Car l’un ne contient (à tous les sens du terme) pas l’autre, ni l’autre l’un. L’arbre n’est pas les jambes, les jambes ne sont pas l’arbre. Un reste reste, qui floue la représentation, empêchant qu'elle fasse système et se fige. Il n’y a pas non plus intervention d’éléments extérieurs : c’est dans la tension plus ou moins grande des rapports à l’œuvre, c’est-à-dire dans une combinatoire interne, que tout se joue. S’il y a circuit, cependant, il n’est pas fermé mais infini. La partie ne vaut pas pour le tout mais pour deux - irréductibles concordants. Se sur-passe. Car ce qui l’emporte ici comme dans l’œuvre écrit de Claude Simon, c’est la mouvementée traversée des différences. Tout cela advenant par la magie de l’instant (hasard ? nécessité ?) du déclic, et le calcul du cadrage24.
34C’est de la sorte toute la narration qui se sur-passe et se sur-phrase dans Le Jardin des Plantes par le réajustement des variables reprises et distances. Autrement dit, c’est, en fait, le fil du temps narratif qui est tendu d’énergies inénarrables, créant dans le texte des logements de temps non horlogers par les effets du montage. Ceux-ci, par exemple :
Le souffle de l’explosion le projette à plat ventre parmi une pluie de plâtras et de verre brisé. En se relevant, il jette un coup d’œil à sa montre-bracelet dont le verre est étoilé d’une cassure. Les aiguilles sont arrêtées à 17h45.
Les mêmes chérubins de stuc aux nudités voilées d’or, avec leurs mêmes fossettes, leurs mêmes visages mutins, répétés de part et d’autre de la cheminée, au-dessus des frontons, des chapiteaux de stuc, la même nymphe d’albâtre drapée d’albâtre, la même pendule au cadran d’émail, aux chiffres romains (I, II, III, IV, V, VI... X, XII..., comme si le temps, l’Histoire, devaient toujours être jalonnés pas ces barres, ces signes géométriques, ces coins, ces croix gravées par des César) […] (p. 167),
35qui, tout en marquant ici l’histoire de cette barre au blanc dans le récit, renvoie aussitôt à infinitude par les trajets textuels qui s’esquissent en tous sens. Celui-ci, entre autres : il va de la proximité de quelques pages précédentes, où se trouve racontée la visite de la reine qui « porte un chapeau bleu hortensia drapé en torsade, une robe bleu hortensia [...] » (p. 164) :
Répétés avec monotonie, en bronze ou en stuc, sur le socle de la pendule ou au-dessus des glaces, des enfants nus aux gras replis de chair, aux gestes mièvres, porteurs de guirlandes ou pointant vers le cadran de l’horloge un doigt boudiné, semblent autant de versions, vaguement bachiques, d’angelots domestiques voletant parmi les corniches, encadrant d’imprécis blasons, comme de rieuses allégories du temps, de la fécondité et des amours (pp. 165-166) ;
36jusqu’à de lointains passages en amont dans le livre :
Comme il allongeait le bras pour saisir le petit magnétophone sa manche est remontée, découvrant complètement cette grosse montre-bracelet avec ses cadrans pour les secondes, les minutes, les heures, dont les aiguilles tournaient en rond. Comme si le temps n’avançait pas, tournait sur lui-même, repassait toujours par les mêmes endroits, faisait pour ainsi dire du sur-place. (p. 82)
De nouveau je me demandai ce que tout ce que je lui racontais là pouvait bien représenter pour lui. Puisque aucune montre ne peut revenir en arrière. Il y avait seulement le magnétophone qui pouvait (p. 83),
37et loin en aval par échos plus ou moins directs, comme ceux-ci : à la page 195, tel extrait du Journal de marche du 82e RIF - Régiment d’infanterie de Forteresse,
Il n'était que 17 heures, les mitrailleuses des tourelles 555-556-557 et 558, les six postes de soutien avoisinants, soit six mitrailleuses dans les abris en rondins, tirent, c’est-à-dire deux sections. [...] Soudain plusieurs chars qui ont atteint le fossé sont touchés : l’un d’entre eux par le 25 de LA PERCHE À L’OISEAU, 2 autres par le 25 des AUNIAUX, 2 autres par le 25 de TRIEU DU CHENEAU. Le personnel de ces chars en essayant de s’enfuir est pris à partie par les tourelles mais à 17h15 le bloc des AUNIAUX cesse son tir. (pp. 195-196. En italique dans le texte)
38ou, plus loin encore, telle occurrence de la « montre suisse » :
Le journaliste est maintenant parti, lui, son magnétophone, sa montre suisse où le temps tourne sur lui-même à différentes vitesses [...]. (pp. 305-306)
39Tout autre parcours opèrerait différemment des tensions et vibrations de la corde narrative. Ce qu’il importe ici de noter, pour l’instant, c’est que le texte simonien se dote non seulement des facultés du magnétophone - faculté de retour et de non-retour : « Il y avait seulement le magnétophone qui pouvait. Quoique ce ne fut pas exactement ma voix... » (p. 83) - mais surtout qu’il sait se faire cadran horloger extraordinaire, capable de rendre lisible l’illisible, c’est-à-dire les coins, les croisées, les angles, absences, silences, soupirs de l’immensurable temporalité de l’écriture, laquelle n’est propre à rien si ce n’est aux inépuisables possibilités de son ordonnancement.
40Ce dispositif du déplacement, du transport, de l’excès, est, par excellence, celui qui régit l’arrangement du Jardin des Plantes — fonctionnement que le titre même de l’ouvrage pointe. Car, par un débord ou un « abus » poétique – telle est une des définitions de la catachrèse, cette figure du non-propre –, le coup d’écriture de Claude Simon fait de « Jardin des Plantes » non plus seulement la désignation du lieu public bien connu, mais le nom d’une forme inusitée de récit autobiographique : où l’écriture invente les moyens de faire, on l’a dit, le « portrait d’une mémoire »25 en tissant scènes singulières et fresque du siècle. Davantage : toute chose, tout élément est désigné et par ce qu’il est et par ce qu’il n’est pas.
41Au titre de « Jardin des Plantes », ce volume romanesque élabore l’invention au fur des pages d’un régime de l’art : en ce que l’art a le soin d’entretenir la vie. De faire vivre, en des croissances neuves, par transplantations et boutures de textes, par toutes sortes de techniques d’acclimatation narrative, le récit des aléas de la mémoire aux prises avec les trajets de sa réinscription. C’est dire combien le travail de tension et de contre-tension est constitutif de l’entreprise de Claude Simon ; et combien ce « Jardin des Plantes » si bien car si excessivement nommé (de l’excès qu’est la vitalité : de l’art, de la vie), désigne une esthétique de la mémoire. Une esthétique du recordement.
42Il concerne ce que j’appellerai l’art de recorder la phrase, en reprenant le mot de l’ancien français « record » formé sur « cuer, cor » qui désigne la garde de la mémoire par le cœur, le « par cœur » de ses accords, ses raccords, les rappels qui la requièrent – tous éléments qui permettront de rendre compte de l’extraordinaire temporalité de la phrase simonienne.
Recorder la phrase ou l’écriture au cordeau
43On sait que cette phrase, si elle relève avec rigueur des impératifs syntaxiques de la grammaire française, n’en pousse pas moins les règles aux extrêmes des possibilités qu'elle déploie jusqu’à déborder et que, par ce débordement, elle relève, aussi, d’une loi autre, celle des scansions rythmiques de l’harmonie tensionnelle qui est combinaison réciproque – « harmonie qui met en branle, dit Longinus, des formes variées de noms, de pensées, d’actions, de beauté, de mélodie – toutes choses qui croissent et naissent avec nous »26.
44Une analyse de détail s’efforcera de cerner quelques-uns des processus de l’écriture de Claude Simon dont l’arrangement veille à articuler, contre-balancer, re-équilibrer, une avancée narrative toute nourrie de l’énergie de forces contraires. Ainsi convergent ou disjonctent la logique de la phrase et la rythmique du phrasé, la suite à la ligne et le retour du signifiant ; l’interruption du paragraphe et l’enjambement de la reprise. Où l’on notera que, dans le site de cette poétique de la prose que construit l’écrivain, le rythme est moins effet de métrique que montage en contrepoints, réglage des intervalles, des prises de souffle, des prises de son, tout cela conférant au matériau langagier une variable qualité de conduction. C’est dire que le texte de Claude Simon est un tissu conjonctif très sensible où des équilibres momentanés se rejouent à chaque constellation nouvelle d’éléments.
45La reprise dans Le Jardin des Plantes du leitmotiv simonien par excellence, celui de « La Route des Flandres » qui ouvre à la plus grande tension, entraîne la narration sur les chemins de la mémoire à l’infini :
Parce que, dit-il, oui, c’était parfaitement dérisoire : l’exquise matinée de printemps, le ciel d’un bleu transparent, les prés fleuris, la verte campagne où la seule trace de la guerre était cette route qui ressemblait à une décharge publique ou plutôt à un de ces cimetières de voitures comme on en voit parfois dans les banlieues des grandes villes, avec cette seule différence qu’au lieu d’être entassées les carcasses de véhicules et les épaves de toute sorte étaient alignées comme au cordeau le long de la route sauf parfois quelques... comment dire : bavures qui débordaient dans les prés mais quant aux maisons (les fermes [...]). (p. 260)
46Avant d’étudier précisément cet exemplaire fragment, il importe de considérer la question de la reprise citationnelle du récit de 1960, avec cette mention, en particulier, qui est faite dans Le Jardin des Plantes : « Mais j’ai déjà raconté tout ça, je... » (p. 79). Mention où chaque signe pèse de tout le poids de dépôt narratif, les points de suspension particulièrement : « je... ». Car ce n’est pas un sujet fusionnel que ce sujet-objet de l’écriture, ni un sujet de maîtrise ; mais tendu et en attente sur le fil de la narration à venir, à revenir, il est écrivant et traversé par l’écriture. Tantôt « il », tantôt « je », tantôt « C.S. » ou « S. », et une fois « je suis un cheval, un bœuf, une chèvre », ce sujet du récit est un revenant, citant, récitant, resituant, ressuscitant les tracés précédemment élaborés. C’est une des séquences les plus intenses de La Route des Flandres qui se réécrit, précisément, à la page 254 du Jardin des Plantes, réinscrivant l’union violente des contraires : la vie élémentaire, instinctive, avec la mort promise à l’instant27.
Arrivé parmi les premiers, S. se trouve à un endroit où l’herbe n’a pas encore été piétinée. Etendu sur le ventre il presse son visage dans l’odeur végétale et fraîche. Il ouvre sa bouche et la remplit de l’odeur. Il referme sa mâchoire et se met à la broyer entre ses dents. Il pense : je suis un cheval, un bœuf, une chèvre. Il essaie de mâcher et d’avaler une matière râpeuse, sans goût, sinon légèrement amère. Les Allemands ont mis en batterie deux mitrailleuses qui couvrent le pré. (p. 254)
47C’est dire qu’il n’y a pas de discours qui coulerait de source, fait une fois pour toutes, mais à chaque fois, au contraire, c’est une tentative pour reprendre, recommencer à déposer, afin de faire surgir dans le fini (le passé) ce qui n’en finit pas du récit de mémoire : « Je n’ai pas le don de parole. C’est même sans doute pourquoi j’écris, je... » (p. 79). Il s’agit ici d’écrire une narration qui vient à son heure, donne son heure en tirant sur la corde du présent : « ... », c’est le signe de ce qui va venir, qui vient, main d’écriture, maintenant. Nous sommes bien, en effet, dans l’« éternel présent » héraclitéen tel que le rythme Eliot : mais sans doute faut-il ajouter, pour la lecture du Jardin des Plantes, les deux vers suivants qui ne figurent pas en exergue à L’Acacia : « If all time is eternally present/All time is unredeemable ». Car le temps ne se rachète pas, « aucune montre ne peut revenir en arrière » (p. 83) ; seul peut rédimer l’art du récit, lequel rejoue sans fin l’« éternel présent », se fait la scène du temps des temps par quoi le roman devient art de la performativité toujours recommencée. Moins une question de narration que de narrable, lequel ne peut se dire que depuis – avec – la bordure de l’inénarrable.
48C’est dans la perspective de ces tensions et torsions à l’œuvre qu’il faut relire le passage cité plus haut de la description de « la route » en son insoutenable contraste : il y prend toute sa force, inscrivant, dans l’extrême, le passage. Car la période de Claude Simon se donne les moyens de calculer sa démesure ; de procéder, dans l’ordre, à la désignation du désordre. Et la rigueur est impressionnante de ce suivi : le récit passe d’un polyptyque champêtre – « l’exquise matinée de printemps » ; « le ciel d’un bleu transparent » ; « les prés fleuris » ; « la verte campagne » – à la vision apocalyptique que trace la dynamique du trait en sa traction avant, donnant suite textuelle : « alignées », « cordeau », « le long », « la route ». La marche phrastique se fait ainsi locomotrice, s’auto-désignant en appelant l’ordonnancement de la ligne d’écriture, laquelle n’en finit plus de s’étirer et de tirer sur la longe syntaxique, par torsions réitérées – « qui », « ou plutôt », « sauf » –, jusqu’à démesurer ce qui avait commencé par se lire comme les deux volets d’une phrase. Il est clair ici, comme dans tout le texte du Jardin des Plantes, que c’est au cordeau de la langue que se mesure l’immensurable narration. Et que les adjonctions syntaxiques, loin de porter au cumul de quelque logorrhée, sont au contraire façons de faire jouer une densité, des degrés, des intensités. Autrement dit : la quantité textuelle dans le récit de Claude Simon, c’est ce qui donne la mesure du qualitatif.
49Suivons pas à pas le trajet de cette phrase qui se périodise par retournements successifs. L’association des contraires (printemps/mort) se trouve contrariée à maintes reprises : par la comparaison (« qui ressemblait à une décharge publique ») mais surtout par les épanorthoses, ce dispositif de correctifs savamment convoqués par l’écrivain, que la rhétorique définit comme le geste de « revenir sur ce qu’on dit, soit pour le renforcer soit pour le rétracter », et que Claude Simon, on le sait, a l’art de faire jouer dans les deux sens à la fois. Comme si la phrase était montée sur pivot, en effet, le voisinage à chaque tour engendre différence, la différence proximité, la proximité approximation et écart. Davantage : tout se passe et fait passage parce que chaque tour (trope) génère en retour un effet contraire ; convoque l’effet opposé à l’effet qu’il provoque. Ainsi la comparaison « comme on en voit dans les banlieues des grandes villes », creuse la distance campagne/ville, alors que la marque de la contradiction « avec cette seule différence », fait entendre une série d’échos donnant suite homonymique : « la seule trace », « cette seule différence », « banlieues », « au Heu d’ ». Où l’épanorthose devient principe palinodique du texte incessamment « retourné sur lui-même » (palintropos).
50Sous les yeux lecteurs, s’éploie ainsi un processus de création qui ne va pas sans rétractation : repentir-reprise, tel le travail d’un peintre. Et la phrase, tout en poursuivant son advenir, se fait archive – se rappelle, se répète, se remarque. Procède à son enregistrement. Ainsi se recordant, elle écrit à nouveaux frais et pour mémoire. Et le narrateur, toujours, est sur le point de : « je... », piqué dans la couture de l’écriture, mais aussi en gésine et séparé du verbe, promis à la réserve inépuisable des espacements narratifs : « - Mais j’ai déjà raconté tout ça, s’interrompt S., je... » (p. 272).
51Quant à la contradiction de la contradiction continuant à décrire « la route » - « sauf parfois quelques »-, elle tire sur la corde phrastique au point d’exhiber le filage à en perdre le fil : « sauf parfois quelques... comment dire ». Points de suspension et interrogation désignent ici l’hésitation qui frappe à tout instant l’inscription de la mémoire, inscription qui ne va pas sans défaillance c’est-à-dire appel et rappel des mots. Où le texte exhausse le travail de recordement, par quoi il n’y a de souvenir que dans la souvenance, dans la venue des traces qui déposent et font déposition. Dans l’intermittence du battement cardiaque ou langagier :
[...] mais pas le temps non plus d’avoir peur à ce moment-là tout juste peut-être quelque chose qui se serre brusquement du côté de l’estomac le cerveau traversé en un éclair par quelque chose qui pourrait se traduire par Ce coup-ci ça y est on va tous y pass…. et même pas le temps de finir le mot, déjà sauté à terre, déjà en train de tâtonner [...]. (p. 261)
52Bref, il n’y a de mémoire qu’en dépôt et à battre le rappel dans la langue : par l’activité du greffe (graphium : poinçon) constitutive du tissage mémoriel. Ce tissu est sans terme, cherchant ses mots, toujours à re-mémorer, raccorder, transplanter.
53En fait, la phrase, pour recorder les signes, exige que l’écriture contresigne : si bien que loin de se clore, elle met, chez Claude Simon, pousses neuves. Fait des poussées de croissance au présent de la page. Au moment même où la description de « la route » semble dessiner un tour complet en revenant à « dans les prés », elle dit le déplacement, la non-clôture (« bavures qui débordaient ») et elle ouvre la béance nouvelle d’une parenthèse. Ainsi la phrase simonienne relève-t-elle d’un ordonnancement rythmique qui ne souscrit pas aux règles préétablies de la prosodie, mais qui tire ses scansions de son tracé même ; de son devenir-trace.
54Le trait graphique devient traction phrastique, l’intention narrative tension lexicale, la pensée pesée des mots : c’est ce mouvement qui constitue la singulière exigence du texte de Claude Simon. C’est ce mouvement-là qui ponctue. Donne heu - à point. Donne la mesure du Kairos : urgence et nécessité du temps juste à l’instant. Car l’art du roman pour l’écrivain, c’est l’art de composer avec le temps : non pas donner le temps mais le faire arriver, faire arriver le moment - qui est aussi moment des forces tensionnelles dans le texte - de la venue des mots. À la lettre près, au souffle près. C’est pourquoi la phrase de Claude Simon est un phrasé : elle ne va pas sans exposer sa ponctuation intérieure. La venue des mots est ainsi survenue, un événement d’écriture. La surprise procède d’une prise calculée des lieux textuels. Car c’est l’ensemble du livre dont il s’agit de bander les forces en variant la tension du trait ; et le motif de « la route » qui prend ici toute l’ampleur est indissociable des touches descriptives disposées par intermittences au long du volume. Je retiens celles-ci, notamment :
[...] non pas que j’avais fait la guerre mais que je m’étais simplement trouvé dedans comme on peut se trouver pris dans un orage ou dans un cataclysme et qu’encore ce n’étaient pas les mots (orage, cataclysme) justes parce qu’ils devaient donner une impression de dévastation, de paysage bouleversé, lunaire, alors que c’était vert, opulent, pastoral, sauf qu’à certains moments sans crier gare cette chose vous arrivait tout à coup dessus [...]. (pp. 77-78)
[...] alors imaginez la calme fin d’une journée de printemps où tout semble comme verni, frais, émaillé, les rayons du soleil déclinant qui percent en oblique les feuillages des arbres bordant la côte que monte maintenant au pas l’escadron [...]. (p. 81)
De nouveau je pensai qu’alors c’était aussi le printemps. La campagne verte, les fleurs dans les prés, l’ombre fraîche des forêts, les oiseaux. Et là-dedans, les cavaliers, ahuris, exténués, les chevaux exténués aux flancs déchirés par les éperons [...], les replis grand galop sous les grêles de balles, la hantise des avions, l’escadron, le régiment qui fondaient comme ça, peu à peu, harcelés, encerclés... (p. 100)
55Ces tableaux, récurrents, forment comme un courant névralgique de la narration, telle une basse obstinée qu’on oublie, qu’on retrouve, qui traverse le livre. Qui fraye ainsi une route dans le livre : leitmotiv, souterraine source, ressource de l’écriture. Cependant qu’à partir de cette direction majeure qui constitue une dorsale du texte, viennent se greffer nombre récits, scènes, écrits. Si bien que, à cet égard, Le Jardin des Plantes paraît opérer une déconstruction de La Route des Flandres : déconstruction pour une immense recomposition à l’échelle du siècle et du monde. La route des Flandres retraversant toute la scène phantasmatique de l’œuvre d’écrivain, aimantant le champ narratif. Plus exactement, c’est, dans Le Jardin des Plantes, tout le siècle – « une vie d’homme au long de ce siècle et aux quatre coins du monde »28 – qui se trouve relu, réfléchi depuis ce portrait de la « route des Flandres », c’est-à-dire depuis le bord extrême vie-mort, humain-inhumain. Depuis la césure. C’est à cette césure que l’écriture de Claude Simon alimente, voici longtemps, sa capacité d’interrogation et d’interruption. Elle n'est « ni désespoir, ni renoncement, ni abdication, ni... » (p. 299). Dans Le Jardin des Plantes, pour la première fois, il la nomme : « Mélancolie ».
[...] S. disant que Non ce n’était rien de tout ça, qu’il y aurait peut-être un mot, mais qu’on lui donne en général un sens qui... Hésitant de nouveau (et pendant un moment il peut de nouveau percevoir ce même indifférent et menaçant grondement, cette espèce de bruit de fond, cette rumeur étale, sans plus de consistance qu’une faible et unique vibration dans quoi vient se confondre toute l’agitation du dehors, se neutraliser toute la violence, les passions, les désirs, les peines, les terreurs), et à la fin il dit Mélancolie [...]. (p. 299)
56Telle est la force remarquable de cette écriture : une force faible qui prend le risque de s’interrompre, se détourner et retourner, aller aux limites de la tension où elle reconduit incessamment la narration, c’est-à-dire au « maintenant » in extremis du récit, du passage vie-mort : « Chacune des trois fois il pense : Maintenant. Maintenant. Maintenant... » (p. 310).
57Le motif, toutefois, se déplace une fois encore, au-delà de son déploiement descriptif (p. 260). C’est, quatre pages plus loin, à propos de la représentation des arbres sur la route des Flandres, « que les dessinateurs de racoleuses jaquettes représentent tout noirs, brûlés, décapités et brandissant pathétiquement leurs moignons » (p. 264) : le passage imprime une torsion nouvelle et donne un tour de vis supplémentaire au récit tendu à rompre.
Alors pas d’arbres à moignons, pas de dramatique ciel noir et rouge, pas de monceaux de morts, pas de chemin défoncé de flaques : un beau soleil, la verte campagne, seulement ce chapelet de décharge publique, et en fait d’assourdissant tapage guerrier rien que le tranquille crépitement des sabots des cinq chevaux accompagné par l’écho de plus en plus faible d’un canon qu’on aurait dit là pour l’ambiance et qui tirait sur on ne savait quoi à intervalles réguliers, toutes les deux ou trois minutes, métronomique pour ainsi dire, et peut-être, dans les haies, de faibles pépiements d’oiseaux, le silence, l’éblouissante matinée de printemps, jusqu’à ce que non pas éclate mais pour ainsi dire grésille, dérisoire, comme un jouet d’enfant, l’insignifiant toussotement ou plutôt crachotement de cette mitraillette qui... (p. 264)
58Par cette reprise, il se dit plus, car dans la différence qui souligne l’extraordinaire conjonction : idylle printanière vs violence meurtrière rendent la déroute des Flandres atypique, irréductible aux habituelles représentations de la guerre. L’association des contraires vise ici, en effet, à inscrire une para-doxa contre la doxa d’une représentation dramatique du « théâtre de la guerre » – le « théâtre des opérations » comme on dit. Car dans le dispositif de cette variante, ce n’est pas quelque dichotomie faux vs vrai, irréel 'vs réel qui se joue, mais bien plutôt représentation contre représentation, théâtre contre théâtre : le dramatique contre le dérisoire, celui des adultes contre celui de l’enfant. Autrement dit, loin de chercher une résolution des contraires, le récit de Claude Simon s’emploie à maintenir l’extrême tension d’un entre-deux-théâtres où quelque chose peut s’entre-voir : non pas « la » réalité, mais la mesure de nos fictions qui constituent ladite réalité.
59On comprend bien, dès lors, l’enjeu de ce dispositif de l’harmonie contre tendue dans le roman de Claude Simon. C’est le jeu du différentiel qui donne la mesure du fictionnement à l’œuvre dans la scène d’écriture ; c’est l’interruption qui donne la mesure d’attraction de la phrase et de cristallisation du récit. C’est pourquoi il importe de ménager des brèches sur la surface paginale, de provoquer la syncope narrative, sorte de fondu au blanc qui renvoie dos à dos nos images.
60Précisément, le texte du Jardin des Plantes, à la page 264, procède ainsi : après la rupture du fil narratif sur le relatif (« qui... »), c’est avec le battement du tempo (répétition de « à intervalles réguliers ») narratif, que débute la présentation d’une toute autre image :
À intervalles réguliers, toutes les quatre ou cinq minutes environ, un avion (décollant sans doute de La Guardia) traverse lentement de droite à gauche le cadre de la fenêtre en s’élevant peu à peu. (p. 264)
61Changement de scène, changement d’histoire : Central Park, New York, une chambre au dix-huitième étage, deux amants. Plus aucun lien, pour le moment, avec le récit qui vient d’être coupé – sinon la coupe, justement, c’est-à-dire l’état coupable du récit. Et, par suite, son état raccordable.
62C’est dire que les récits et discours dont nous sommes tissés, l’écrivain travaille à en lacérer le continuum à coups de différentiel qui sont des coups d’écriture ouvrant passages, désignant des points de bascule. L’écriture du roman selon les principes de l’arc et de la lyre, fait donc avant tout un travail de métronome. Capable de donner le battement, c’est-à-dire la mesure. Capable de donner la mesure de l’interruption.
63Tel est le mètre d’œuvre simonien29 et, on l’aura compris, c’est celui de l’être en ses surgissements et perceptions. Pour que le texte puisse faire recueil, faire mémoire où déposer, il faut que la frappe (tupos) ait lieu, et que ce lieu soit, à la lettre, exorbitant. Mobilisant l’œil : ailleurs, autrement. C’est à ce prix que peut s’élaborer, chez Claude Simon, une véritable poétique du montage.
Notes de bas de page
1 Kant, Emmanuel, « Analytique transcendantale », p. 993. Je souligne.
2 Paulhan, Jean, Les Fleurs de Tarbes ou La Terreur dans les Lettres, Gallimard, 1941, p. 26.
3 Ibid., p. 25. En italique dans le texte.
4 Simon, Claude, Les jardins publics, in : Les Sites de l'écriture, pp. 25-37.
5 Dans une lettre qu’il m’adresse à Paris, le 30/12/1998, Claude Simon précise sur ce point : « En même temps quà eux, S. pense paradoxalement : “Pauvres bougres, pauvres bougres, etc.” lorsque par les fenêtres de l’appartement des Leiris, il voit passer de l’autre côté de la Seine, sur le quai du Louvre, la colonne des camions camouflés de feuillages emmenant les jeunes soldats allemands vers le front de Normandie en Juillet 44. Je dis “paradoxalement”, car c’est de son propre appartement où travaillent au même moment les gens des Renseignements Militaires du F.L.N. (Front de Libération Nationale) que partira le soir même (ou est déjà partie) la dépêche – ou plutôt le message – signalant à Londres le mouvement de cette colonne qui va, sans tarder, être certainement bombardée à mort par la R.A.F. Je pensais que ces jeunes Allemands (même peut-être S.S.) étaient, eux aussi, de “pauvres bougres” ». (C’est Claude Simon qui souligne)
6 Simon, Claude, Le Jardin des Plantes, pp. 355-358. Les initiales désignent respectivement « Jean Ricardou » et « Alain Robbe-Grillet ».
7 Entretien avec Claude Simon par Mireille Calle-Gruber : « Dans l’arc du livre, il y a toute la corde », in. : Nuit blanche, n° 74, printemps 1999, pp. 55-60.
8 Ibidem.
9 Pseudo-Longinus, Du Sublime, traduction de J. Pigeaud, Rivages, 1991, Poche, 1993, p. 118. Je souligne.
10 Cf. : Mireille Calle-Gmber, Claude Simon. L’inclasssable réancrage du vécu. op. cil.
11 Valéry, Paul, Le Cimetière marin, exergue à La Bataille de Pharsale. La citation en sa totalité choisie par Claude Simon est :
« Zénon ! Cruel Zénon d’Elée !
M’as-tu percé de cette flèche ailée
Qui vibre, vole, et qui ne vole pas !
Le son m’enfante, et la flèche me tue.
Ah ! le soleil... Quelle ombre de tortue
Pour l’âme, Achille immobile à grands pas ! »
12 Simon, Claude, Orion aveugle, ainsi que Les Corps conducteurs, Minuit, 1971..
13 Simon, Claude, La Bataille de Pharsale, Minuit, 1969.
14 Les traductions sont de Kostas Axelos, Heraclite et la philosophie. La première saisie de l’être en devenir de la totalité., Minuit, 1962. Nous reprenons également sa numérotation des fragments, laquelle suit celle de Diels-Kranz, Die Fragmente der Vorsokratiker, grie-chisch und deutsch, 3 vol. , 11e éd., Berlin, 1964. Les fragments ci-dessus cités se trouvent respectivement aux pages 93, 195, 50, 48 du livre d’Axelos.
15 Axelos, Kostas, Heraclite et la philosophie, fragment 51, p. 49.
16 Héraclite, in : Les Présocratiques, édition établie par Jean-Paul Dumont, Daniel Delattre et Jean-Louis Poirier, Gallimard « Bibliothèque de la Pléiade », 1988, pp. 157-158.
17 Cf. la note p. 1237 de l’édition de la Bibliothèque de la Pléiade.
18 Axelos, Kostas, Héraclite et la philosophie, p. 49. Axelos cite sur ce point Léon Robin : « L’harmonie des contraires, voilà plutôt ce que cherchait Héraclite, et non l’identité des contradictoires [...] » (in : La Pensée grecque et les Origines de l’esprit scientifique, Albin Michel, 1948, p. 93).
19 Axelos, Kostas, Heraclite et la philosophie, p. 55.
20 Cf. la note p. 1237 de l’édition de la Bibliothèque de la Pléiade.
21 Axelos, Kostas, Heraclite et la philosophie, p. 188.
22 Ibid., p. 55.
23 Simon, Claude, Photographies 1937-1970, p. 120.
24 Voir l’effet de cadrage de la photographie suivante, légendée : « Ventre et cuisses ». Pour l’analyse détaillée des enjeux du cadrage photographique chez Claude Simon, voir supra : « Un pas de plus », pp. 51-56.
25 L’expression est de Claude Simon (voir quatrième de couverture).
26 Pseudo-Longinus, Du sublime, tr. J. Pigeaud, Rivages, 1993, p. 117 (§ XXXIX.3).
27 Cf. La Route des Flandres, p. 244 :« [...] je me rappelle ce pré où ils nous avaient mis ou plutôt parqués ou plutôt stockés : nous gisions couchés par rangées successives les têtes touchant les pieds comme ces soldats de plomb rangés dans un carton, mais en arrivant elle était encore vierge impolluée alors je me jetai par terre mourant de faim pensant Les chevaux en mangent bien pourquoi pas moi j’essayai de m’imaginer me persuader que j’étais un cheval, je gisais mort au fond du fossé dévoré par les fourmis [...] ». Pour l’analyse du passage, voir supra, pp. 91-93.
28 Cf. voir le Prière d’insérer du Jardin des Plantes.
29 Voir l’article de Catherine McGann, « Temps et Mesure : un mètre d’œuvre », in : Les Sites de l'écriture, pp. 117-123.
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