1 L’éditeur de l’Aldine a considéré que les ch. 4-6 consacrés à la fortune et au hasard constituent une seconde unité dans le Livre II la Physique. C’est ce que montre le titre qui, dans le commentaire de Simplicius, précède le premier lemme (195b31-196a11) dans l’édition aldine : ΤΜΗΜΑ ΔΕΥΤΕΡΟΝ ΠΕΡΙ ΤΥΧΗΣ ΚΑΙΑΥΤΟΜΑΤΟΥ. Mais on ne peut en conclure qu’Aristote ou Simplicius eux-mêmes y avaient vu une seconde section. Simplicius souligne simplement la continuité logique entre le développement sur le hasard et la fortune et ce qui a été dit précédemment sur les causes.
2 C’est dans le chapitre 6 qu’Aristote expliquera ce qui différencie le hasard de la fortune : le hasard « a plus d’extension que la fortune (197a36) ».
3 Référence à Démocrite, cf. infra, 196a14 et le commentaire de Simplicius, In Phys. 330.14-20.
4 Pour Démocrite les phénomènes particuliers dans le monde sublunaire sont soumis à une stricte nécessité. Quand il reprend ici (195b35-196a11) l’opinion de Démocrite, sous sa forme très générale (rien ici-bas n’est effet de fortune), Aristote utilise le mot τύχη sept fois, une fois αὐτόματον comme équivalent à τύχη (196a2-3), avec le sens de « sans cause », non pas en tant que la cause ne nous est pas connue, mais en ce sens que « hasard » ou « fortune » sont totalement irrationnels et inintelligibles. Pour une analyse critique de cet exposé doxographique d’Aristote (195b36-196a11) consacré à Démocrite, cf. pour commencer Morel (1996), p. 66-75. Sur le fait qu’Aristote identifie un peu vite « hasard » (αὐτόματον) démocritéen avec l’absence de cause, cf. infra, 331.22 : « Démocrite ne dit pas ce qu’est le hasard » (et 332.1) ; voir aussi Morel (1996), p. 70-75.
5 196a3 : sur τοῦ ἐλθεῖν ἀπὸ τύχης alors qu’on attendrait τοῦ ἐλθεῖν εἰς τὴν ἀγορὰν καὶ ἀπὸ τύχης καταλαβεῖν κτλ. cf. Note Complémentaire 1.
6 Pour le partage du chapitre 3 de Phys. II en (i) les causes et leur nombre et (ii) les modalités des causes, cf. Phys. II, 3, 195a26-27 et 195b30. Les quatre causes sont (cf. Phys. II, 3, 194b16-195a27) : les causes matérielle, formelle et paradigmatique, efficiente, finale. Sur les modalités, i. e. les différences qui se présentent en chacune des causes (par soi/par accident, antérieure/postérieure, etc.), cf. Phys. II, 3, 195a27-b30. Sur les deux sens de « modalités » (τρόποι) cf. In Phys. 322.18-22 (dans Lernould [2019], p. 197) : « modalités » veut dire en un sens les différences entre les quatre causes, en un autre sens, les différences en chacune des causes.
7 J’adopte la conjecture de Diels, cf. apparat critique ad. 327.14 : post ταῦτα intercidisse puto δῆλον.
8 Dans tout ce développement qui fait état des opinions d’Empédocle, Démocrite et Anaxagore, « fortune » et « hasard », pris indistinctement, signifient le « sans cause », i. e. sans cause productrice, et donc sans finalité. Faire du « sans cause » une cause est certes une contradiction performative. Nous pouvons dire cependant, « c’est par hasard que… », « le hasard a fait que… », non pas dans l’idée que la cause nous est inconnue, mais bien dans l’idée qu’il n’y a pas de cause déterminée assignable, voire pas de cause du tout.
9 31 B 53 et 59 Diels-Kranz ; = frag. 220, 222 et 501 Bollack (1969), vol. II, p. 87 et 181 ; vol. III1, p. 125 et III2, p. 225 ; = Empédocle D 105 et 106 Laks-Most (2016), p. 716-7. Sur Empédocle, voir DPhA, III, 2000, p. 66-88.
10 Traduction Laks-Most (2016), l.c., légèrement modifiée (avec l’ajout de « par fortune »). Laks-Most donnent comme traduction alternative : C’est ainsi qu’il [l’éther] rencontrait dans sa course parfois, mais souvent, [c’était] autrement. Et : de la façon dont tous se rencontraient.
11 Simplicius donne ici à συγκυρεῖν le sens de τυγχάνειν, « rencontrer par hasard », « se trouver par hasard », et voit dans συνέκυρσε exprimée la thèse selon laquelle la fortune est pour Empédocle la cause des mouvements des corps ; il suit ainsi Aristote qui en Phys. 196a20-22 cite ce même fragment 31 B 53 D.-K. et ajoute (196a23-24) que pour Empédocle les parties des animaux sont engendrées (sc. elles aussi) par fortune, ἀπὸ τύχης, c’est-à-dire « par hasard ». Bollack (1969), vol. I, p. 67-69 et vol. III1, p. 225 rejette cette lecture aristotélicienne, que suit Simplicius. Là-dessus, voir aussi Johnson (2005), p. 95-104 ; Giardina (2006), p. 190. Plus loin (In Phys. 358.5-29) Simplicius dira qu’Empédocle rapporte tout à la fortune, aussi bien les mouvements qui relèvent du volontaire que ceux purement physiques, sans donc faire de distinction entre fortune (τύχη) et hasard (αὐτόματον).
12 En lisant en 327.22 διάστασιν (comme en 260.34), au lieu de διάτασιν (Diels).
13 Cf. supra, 260.30-36. Ceux qui posent comme principes dieu et la matière sont les Stoïciens, ceux qui posent comme principes le bien et le mal sont les Manichéens.
14 DK 68 B 167 = Laks-Most (2016), p. 996-7 (27 Leucippe et Démocrite, D 82). Sur Démocrite, voir DPhA, II, 1994, p. 649-716.
15 Sur Anaxagore, voir DPhA, I, 1989, p. 183-187 et Laks-Most (2016), p. 851-921.
16 On reconnaît ici le fameux reproche adressé à Anaxagore par Socrate dans le Phédon (97c-99c), cf. supra, 300.27-301.10 où le même reproche est repris par Alexandre, et où Simplicius prend la défense d’Anaxagore. Pour une autre critique envers Anaxagore rapportée par Eudème, cf. infra, In Phys., 1185.9-15 (Anaxagore a dit que le mouvement a commencé à un moment donné, il n’a pas dit s’il cesserait un jour ; le repos, s’il est une privation du mouvement, ne peut exister avant le mouvement), repris par Laks-Most (2016), p. 910-11.
17 Fragment tiré d’un poème inconnu d’Agathon [fragt. 6 Nauck], cité par Aristote dans l’Éthique à Nicomaque, VI, 4, 1140a19. Agathon est le célèbre poète tragique grec qui dans le Banquet prononce le cinquième discours sur l’amour (194e-198c).
18 Dans les questions (v) et (vi) on reconnaît deux des quatre questions scientifiques fondamentales selon Aristote, cf. An. post. II, 1, 89b24 s. : « Nous recherchons quatre choses : (1) le fait, (2) le pourquoi (la cause), (3) si la chose est, (4) ce qu’elle est » (τὸ ὅτι ͵ τὸ διότι͵ εἰ ἔστι ͵ τί ἐστι).
19 On notera que dans le texte d’Aristote l’adverbe ὅλως (« en général », « pour tout dire ») porte sur la question τί ἐστι tandis que Simplicius le fait porter sur la question εἰ ἔστι.
20 328.20 : ἔνδοξον, c’est-à-dire qu’il repose sur une opinion valable. Sur l’opposition entre syllogisme démonstratif et syllogisme dialectique, cf. Topiques, I, 1,100a25-b23. Un syllogisme scientifique part de prémisses vraies, un syllogisme endoxal part d’une idée admise « par tout le monde, ou par la grande majorité des gens, ou par les sages, ou par la grande majorité d’entre eux, ou par les plus réputés et ceux qui ont les opinions les plus valables ».
21 Selon le témoignage de Diogène Laërce, Chrysippe (de Soles, troisième chef de l’École stoïcienne, environ 280-206 av. J.-C.) reconnaissait cinq types de syllogismes primaires, appelés arguments « indémontrables ». Le second des « indémontrables » présente la forme : « si le premier, alors le second ; or pas le second ; donc pas le premier », cf. Diogène Laërce, VII, 80. Voir aussi Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes, II, 157-8 ; Contre les professeurs (= Adversus mathematicos), VIII (= Contre les logiciens II), §§ 223-227 (pour les trois premiers indémontrables). Voir aussi Cicéron, Topiques, 54.7.
22 Sur les trois figures du syllogisme, cf. An. pr. I, 1-6. Dans le syllogisme de la première figure le moyen terme est sujet dans la prémisse majeure, prédicat dans la mineure. Dans le syllogisme de la seconde figure le moyen terme est prédicat dans les deux prémisses, la majeure doit être universelle et on ne peut établir que des conclusions négatives. Là-dessus voir Crubellier (2014), en part. p. 379-386.
23 329.15 ἀκατάλληλον. Cf. supra, 306.23 (= Lernould [2919], p. 163-4) où Simplicius dit qu’en Phys. II, 2, 194b11 le texte d’Aristote est dans sa lettre cohérent (κατάλληλος) si on accentue sur la première syllabe les deux τινος, soit la lecture μέχρι τίνος τίνος γὰρ ἕνεκα.
24 Pour Alexandre les deux négations composées οὐδεὶς τῶν ἀρχαίων σοφῶν περὶ τύχης οὐδὲν διώρισεν ne se renforcent pas, mais s’annulent. Mais en grec la règle est que des négations composées multiples se renforcent : οὐδείς οὐδὲν εἶπεν, « personne n’a rien dit » (= « personne n’a dit quelque chose ») ; de même une négation simple + une négation composée se renforcent, οὐκ ἦλθεν οὐδείς « personne n’est venu » ; mais si la dernière négation est simple (οὐ, μή), les négations multiples s’annulent : οὐδείς οὐκ ἦλθεν, « tout le monde est venu ».
25 Philèbe 19b7-8 : οὐδεὶς εἰς οὐδὲν οὐδενὸς ἂν ἡμῶν οὐδέποτε γένοιτο ἄξιος.
26 J’adopte en 196a13s. la correction de Torstrik : ὡρισμένον (τῶν γινομένων : Ross Carteron).
27 « Le vieil argument » (ὁ παλαιὸς λόγος) renvoie, comme le dit Simplicius (qui se réfère à Eudème), à Démocrite, cf. infra, 330.14-20 ; voir D.-K. 68A68 = Laks-Most (2016), § 27, p. 992-3 (D76a, b, c). Comme le remarque P.-M. Morel (1996), p. 66, n. 69, cette attribution est confirmée par Aristote, Génération des animaux, V, 8, 789b2-4 (= D.-K. 68a66 = Laks-Most, § 27, D 74, p. 992-3).
28 Les principes sont l’Amitié et la Haine (= Empédocle), l’Intellect (= Anaxagore), le Feu (= Héraclite).
29 Telle est la lecture de Simplicius, qui comprend que, dans le membre de phrase εἴτε μὴ ὑπελάμβανον εἶναι (196a19), αἴτιον est sous-entendu après εἶναι (copule), cf. infra, 330.25. Pellegrin (2000) donne un sens existentiel à εἶναι : « il est donc étrange qu’ils n’aient pas supposé que [le hasard] existait » ; de même Stevens (2012) : « il est donc absurde, soit qu’ils n’en aient pas admis l’existence ».
30 Fr. 31 B 53, cité par Simplicius déjà supra, en 327.18.
31 Les Atomistes, plus particulièrement Démocrite (l’Abdéritain).
32 En 196a36 Ross et Carteron lisent τοῦτ᾽αὐτὸ ; Simplicius lit τοῦτ᾽αὐτῶν, cf. infra, 332.2.
33 Hérodote, I, 43.
34 Pour Démocrite le hasard intervient dans la formation des mondes, mais pas dans la génération et destruction des choses dans notre monde.
35 Cf. fr. 54a Wehrli où il est dit que c’est ainsi qu’est mort Eschyle.
36 Frag. 31 B 53 et 59 Diels-Kranz (= Laks [2016], p. 716, D105 et D106), cités supra, p. 327.18 et 20 ; voir la note ad locum sur συνέκυρσε.
37 Il s’agit du poème qui nous a été transmis sous le titre Sur la nature (Περὶ φύσεως).
38 Frag. 31 B 98, B 85, B 75, B 103, B 104 Diels-Kranz = Laks-Most (2016), p. 740-742, 756, 716 (= D 190, D 191, D200, D242, D107).
39 331.16 : οἱ δὲ περὶ Δημόκριτον.
40 Cf. Morel (1996), p. 66-75.
41 À savoir la nécessité, cf. Morel (1996), p. 67.
42 En 332.2 αὐτῶν reprend οἱ δὲ περὶ Δημόκριτον en 331.16.
43 Wehrli (1955), frag. 55.
44 Cf. infra, Phys. II, 5 en part. 197a6 : Δῆλον ἄρα ὅτι ἡ τύχη αἰτία κατὰ συμβεβηκός.
45 Cf. Tim. 28a4-5 : πᾶν δὲ αὖ τὸ γιγνόμενον ὑπ᾽αἰτίου τινὸς ἐξ ἀνάγκης γίγνεσθαι.
46 Ce sont en fait les Atomistes qui selon Aristote (196a30-31) font cette concession que Simplicius prête ici à Aristote (apparemment dans l’idée que la thèse concédée par les Atomistes est celle-là même qu’Aristote défend).
47 Cette opinion sera professée par les Stoïciens, qui l’attribueront à Anaxagore (Placita I, 29.7). Simplicius cite plus bas (333.10 et 16) l’Hymne orphique 72 et Platon, Lois IV, 709a7-8.
48 Passage cité à nouveau plus bas, cf. 361.7.
49 Cf. « Hymne 72-Fortune », dans Fayant (2014), p. 578.
50 Démocrite et les atomistes, cf. Phys. 196a33-34 : « d’autre part [disent-ils], le Ciel et les plus divins des êtres visibles proviennent du hasard ».
51 333.18 : θεῖόν post οὖσαν addidi (= ὡς οὖσαν θεῖόν τι – cf. Phys. 196b6 : ὡς θεῖόν τι οὖσα).
52 Empédocle.
53 Voir Note Complémentaire 2.
54 En 196b15 : τι om. Simplicius, cf. Note Complémentaire 3.
55 Sur la signification de la tripartition (i) ce qui arrive toujours, (ii) ce qui arrive la pluoart du temps, (iii) ce qui arrive rarement, cf. Judson (1991), p. 82-89.
56 Le lemme va jusqu’à 196b17, mais le commentaire, à partir de 335.12, couvre le texte qui va de 196b17 à 197a8.
57 Passages parallèles : De Gen. et Corr. II 6, 334b4-7 ; Rhét. I 10, 1369a32-b5 ; An. post. I 30, 87b20-21.
58 Cf. supra, 196a15.
59 Cf. Timée 28a3-4. Cet axiome de physique est énoncé plus haut en 332.29-30.
60 334.7 : τὰ ὡς᾽ἐπ᾽ἔλαττον ὄντα. Littéralement : « ce qui se produit rarement ».
61 Il faut excepter les événements cycliques, qui n’arrivent pas souvent et cependant n’ont rien à voir avec la fortune et le hasard, comme les destructions cycliques de l’humanité auxquelles Platon et Aristote font référence dans leurs théories des cataclysmes. Leur retour cyclique doit être rapporté à une nécessité, analogue à celle du mouvement circulaire et éternel du Ciel.
62 334.23-24 : τὰ ἀπὸ τύχης (= τὸ ἀπὸ τύχης, Phys. 196b12). On voit que Simplicius distingue fortune et effet de fortune, voir Note Complémentaire 2.
63 335.7-9 : ὅτι ὡς τοῖς κατὰ προαίρεσιν καὶ φύσιν γινομένοις παρυφιστάμενον κατὰ συμβεβηκὸς οὕτως αἰτία ἐστίν. La proposition pose une difficulté de traduction et d’interprétation. Certes, παρυφιστάμενον reprend le παρά en Phys. 196b13-14 : Ἀλλ ᾽ ἐπειδὴ ἔστιν ἃ γίννεται καὶ παρὰ ταῦτα. Et pour παρυφίστασθαι, cf. A. Ph. Segonds, Proclus. Sur le premier Alcibiade, I, 1985, p. 98 note 1 (p. 191-2 des Notes Complémentaires), qui donne un grand nombre d’occurrences de ce terme chez Proclus et Simplicius. Ce verbe est employé souvent dans un contexte éthique pour caractériser le mode d’existence du mal et on le traduit par « avoir une existence parallèle », « exister comme épiphénomène » (cf. e. g. Simplicius, In Ench. 74.31-42 Dubner : du résultat qui advient, quand il est autre que le but visé initialement et qu’il advient sans qu’on l’ait voulu, on dit qu’il « existe comme épiphénomène », trad. Segonds dans loc. cit. p. 192). Pris à la lettre, le texte dit que fortune et hasard sont causes en tant qu’ils existent par accident parallèlement à ce qui se produit en vertu d’une intention ou de la nature. C’est mettre en parallèles causes et effets, alors qu’on attend (en suivant Aristote) un parallèle entre effets de fortune ou de hasard et effets produits par une intention ou par la nature ! Je traduis ad sensum sans reprendre le terme d’« épiphénomène », qui suggère une « superposition » alors qu’il s’agit plutôt ici de « substitution » (d’un résultat à un autre). La rencontre avec le débiteur n’est pas, me semble-t-il, un « épiphénomène » de la rencontre avec l’ami. Il reste que les causes par accident se superposent aux causes par soi : creuser est cause par soi de la plantation d’un arbre, et, en même temps, cause par accident de la découverte d’un trésor, cf. infra, 337.19-25.
64 196b17-18 : τὰ μὲν ἕνέκα του γίγνεται… τὰ δ᾽οὔ. L’expression ἕνέκα του en 196b17 ne signifie pas, selon Ross, le but d’une action mais le résultat auquel aboutit l’action et qui aurait pu être le but de cette action, cf. Ross (19361), p. 517 : non pas « designed to attain an end » mais « actually attaining something which either was, or might naturally have been, taken as an end », et un peu plus loin : « a chance connection is one in which a result happens which might have been, though it was not, taken as an end ». Simplicius, en se référant à 196b21-22 (ἄν πραχθείη, « pourrait être accompli »), a la même interprétation, cf. In Phys. 335.20-24 ; 336.1 et 28-30 ; 348.31-349.4.
65 335.34 : τὰς τρίχας ἐκτίλλουσιν. Pour des occurrences de τρίχας ἐκτίλλειν en parlant d’animaux qui s’arrachent les poils ou les plumes, cf. e. g. Aristote, Hist. An. 603b22.
66 En 335.19 les Mss. lisent : ἡ προαίρεσις ἡ διὰ τῆς τέχνης. C’est le texte qu’imprime Diels, qui suggère la correction : ἡ προαίρεσις ἰδία τῆς τέχνης i. e. διανοίας.
67 Diels renvoie, sans certitude, à Éth. Nic. Z 7, 1139a34 et Top. Γ 1, 116a17.
68 Ἔστι δ ᾽ἕνεκἀ του ὅσα τε ἀπὸ διανοίας ἂν πραχθείη καὶ ὅσα ἀπὸ φύσεως. Le verbe πραχθείη est commun aux deux groupes de mots sujet ὅσα τε ἀπὸ διανοίας καὶ ὅσα ἀπὸ φύσεως (ce que confirme II 6, 198a5-6 : ἐπεὶ δ’ ἐστὶ τὸ αὐτόματον καὶ ἡ τύχη αἴτια ὧν ἂν ἢ νοῦς γένοιτο αἴτιος ἢ φύσις). Il n’y a aucune raison de le traduire différemment comme le fait Pellegrin (2000), p. 138 : « Est en vue de quelque chose tout ce qui pourrait être produit par la pensée et tout ce qui arrive du fait de la nature (souligné par moi) ». Stevens (2012), p. 120 traduit plus justement : « Sont en vue de quelque chose toutes celle qui pourraient être accomplies soit par la pensée soit par la nature ». De même Lennox (1984), p. 53 : « Whatever might have been done by thought or by nature is for the sake of something ». Dudley (2012) semble manquer de cohérence ; il traduit, p. 33, n. 49 : « that which has a purpose is anything that might be done as the outcome of thought or anything due to nature » (ce qui revient à la lecture de Pellegrin) ; mais voir ibid., p. 25, n. 19 : « whatever occurred in such a way that it might have been done due to thought or have been the outcome of nature » (et plus loin : « … results not in the end aimed at, but in another end which might have been due to thought or nature »), où ἂν πραχθείη est construit, avec raison, avec ἀπὸ διανοίας et ἀπὸ φύσεως. Barnes (1984, p. 335) traduit « Things that are for the sake of something include whatever may be done as a result of thought or of nature », comme si l’on avait ἂν πραχθῇ (= la lecture de Torstrik 1875).
69 Aristote donne un peu plus bas (196b33-197a5) l’exemple du recouvrement de la dette, qui relève de ce qui pourrait être produit par la pensée. Il ne dit rien sur ce qui « pourrait être produit par la nature ». On pense à l’exemple de la chute de la pierre, qui sera donné il est vrai seulement plus loin (en 197b30-32). Le parallélisme entre le recouvrement inopiné de la dette et la chute mortelle de la pierre semble suggérer que le crâne fracassé n’est pas le but de la chute mais aurait pu être le but. Ce qui est difficile à comprendre (et c’est probablement cette difficulté qui a conduit à la variation qu’on a notée – voir note précédente – chez Pellegrin) ; là-dessus voir supra, « Introduction », p. 3-4. Aristote dira (197b32) que la pierre pourrait être tombée du fait de quelqu’un ; voir le commentaire de Simplicius, infra, 348.31-349.4. Le résultat ainsi atteint (qui ne peut être un but attribuable à une pierre) est rapporté à l’action d’un autre agent que la pierre, un agent doué de raison.
70 Sur l’interprétation de ἄμφω en 196b19 et 33 comme renvoyant selon Simplicius à ἡ τύχη et τὸ αὐτόματον, voir infra, 336.7-19 et Note Complémentaire 4.
71 Sur le syllogisme de la troisième figure, cf. Aristote, An. pr. I, 6. Dans un syllogisme de la troisième figure le moyen terme est sujet dans la majeure et dans la mineure (cf. Crubellier [2014], p. 246-7 et 378-81). Ross (19361, p. 517) reconstitue ainsi le syllogisme :
Chance connexions are unusual (196b10-17).
Chance connexions are teleological (ἄμφω ἐν τοῖς ἕνεκά του, b19).
Therefore some unusual events are teleological (b19-21).
72 En 335.33 τὰ ἕνεκά του reprend à la fois τὸ ἕνεκά του en 196b19-21 que Simplicius est en train d’expliquer et τὰ μὲν ἕνεκά του γίγνεται en 196b17.
73 Sur l’idée que les mots αὐτῶν δὲ πρὸς ἄλληλα… ἐν τοῖς ἕνεκά τού ἐστιν, en 196b31-33 (mis entre parenthèses par Ross) ont été interpollés, cf. Dudley (2012), p. 65.
74 In Phys. 336.5 : συνέβη δὲ ἐλθεῖν (συνέβη αὐτῷ ἐλθεῖν en Phys. 196b35).
75 Cornford (dans Wicksteed-Cornford, 19291), p. 150 (suivi par Ross [19361, p. 520]) pense qu’Aristote fait ici allusion à une scène de comédie.
76 Il faut suppléer semble-t-il : « et de ce qui n’arrive pas en vertu d’une intention ».
77 Fr. 56 Wehrli.
78 En lisant en 336.27 τὰ δὲ ἕνεκά του (τὸ δὲ ἕνεκά του : Diels).
79 Le commentaire de Porphyre sur la Physique ne nous a pas été conservé. Sur ce commentaire, cf. Romano (1985) ; DPhA, Vb, (2012), p. 1460-61.
80 336.34 : διὰ τὸ καταλαβεῖν τὴν οἰκείαν ὁλότητα, cf. supra, 265.19-20, le commentaire à ὁρμήν (Phys. II 1, 192b18) et la note ad locum dans Lernould (2019), p. 69.
81 Cf. Phys. II 3, 195a32-b3 et Simpl. In Phys. 323.6-31 (cf. Lernould [2019], p. 198-9).
82 Dans le cas du statuaire Polyclète cause par soi (le statuaire) et cause par accident (Polyclète) coïncident aussi, mais cause par soi et cause par accident sont causes productrices d’une même chose, la statue. Toutes deux ont en commun une même fin et concourent au même résultat.
83 338.9 : σύμπτωμα γὰρ ἐστιν ἑτέρων τινῶν. Voir Phys. II 8, 199a1 ἀπὸ συμπτώματος et Rhét. 1, 367b24 τὰ συμπτώματα καὶ τὰ ἀπὸ τύχης.
84 338.11-12 : ἀεὶ κατὰ τὰ αὐτὰ καὶ ὡσαύτως, cf. Tim. 28a2 ἀεὶ κατὰ ταὐτὰ ὄν et 29a2 τὸ κατὰ ταὐτὰ καὶ ὡσαύτως ἔχον.
85 Cf. supra, 336.6-7, la remarque critique d’Alexandre.
86 Par exemple, de nos jours, creuser le sol pour planter un arbre et heurter et faire exploser une mine de la première guerre mondiale.
87 338.37 : ὑπογραφή. Sur la distinction entre énoncé définitionnel (λόγος ὁριστικός) et l’énoncé descriptif (λόγος ὑπογραφικός), cf. supra, In Phys. 276.24-277.9 (ad Phys. II 1, 193a3-b5) dans Lernould (2013), p. 98-99 (et note 186, p. 99).
88 Cf. Phys. II 6 198a2-3 : hasard et fortune relèvent de la cause d’où vient le mouvement (ὅθεν ἡ ἀρχὴ τῆς κινήσεως) et le commentaire de Simplicius, infra, 353.17 : « fortune et hasard se rapportent au mode la cause productrice » : ὑπὸ τὸν ποιητικὸν τῆς αἰτίας τρόπον ἀνάγεται ἑκάτερον αὐτῶν.
89 Cf. 196b36-197a5 que Simplicius paraphrase ici.
90 La fortune relève exclusivement de l’activité pratique et de la pensée (διάνοια), et donc implique l’intention, cf. infra le chapitre 6.
91 Soit le texte grec : ἀλλὰ τῶν ἀπροαιρετῶν καὶ οὐκ ἀπὸ διανοίας au lieu de ἀλλὰ τῶν προαιρετῶν καὶ ἀπὸ διανοίας. Ross (19361) ne fait aucun commentaire là-dessus.
92 339.32 βούπρῳρον, cf. Empédocle 31B61 D-K (βουγενῆ ἀνδρόπρῳρα et ἀνδροφυῆ βούκρανα), = Laks-Most (2016), p. 730-1 (22 Empédocle, D152 et 156). Pour deux autres citations du même fragment, cf. infra, 372.2, 381.7. Sur les productions contre-nature, cf. infra, 352.17-353.12.
93 Cf. supra, Phys. II, 1, 192b21-22 et le commentaire de Simplicius, In Phys. 266.33-268.3 (dans Lernould [2019], p. 72-74). Pour l’hésitation dans les manuscrits de la Physique (et chez les commentateurs) entre les leçons πρώτως et πρώτῳ cf. Lernould (2019), p. 67, n. 65.
94 Cf. infra, le chapitre 6.
95 Cf. Note Complémentaire 5.
96 Dans son commentaire à ce lemme Simplicius introduit des passages tirés du lemme suivant (197a10-18).
97 À savoir, (i) la distinction entre ce qui se produit le plus souvent et ce qui se produit rarement (196b13-17), (ii) ce qui se produit en vue de quelque chose et en vertu d’une intention et ce qui se produit en vue de quelque chose mais non en vertu d’une intention (196b17-22), (iii) la distinction entre cause par soi et cause par accident (196b23-29).
98 Cf. 197a10-11 : « il est possible qu’on ait l’opinion que rien n’advient du fait de la fortune ».
99 340.18-19 et 341.12-13 : ἄδηλος δὲ ἀνθρωπίνῃ διανοίᾳ en 196b6 équivaut pour Simplicius à ἄδηλος ἀνθρώπῳ en 197a10.
100 Cf. infra, 342.19-24 le commentaire à Phys. 197a18-21.
101 340.20 : καὶ συνᾴδει τοῖς παρ᾽ἡμῶν εἰρημένοις. Que faut-il entendre par « nous » ? Simplicius ? cf. la traduction de Fleet (1997), p. 100 : « and they fit in with what I myself have said ». Les hommes en général ? La seconde lecture semble préférable, cf. le φαμέν en 196b24 : « quand de tels faits se produisent par accident nous disons qu’ils sont des effets de fortune ».
102 340.26 : καὶ θέαν τινὰ ὀψόμενος. Simplicius paraphrase θεασόμενος en 197a18.
103 Voir Note Complémentaire 5.
104 En 341.6 je lis τὸ ἀπὸ τύχης (τὰ ἀπὸ τύχης : Diels) comme en 341.10 et comme en Phys. 197a9.
105 En 341.7 ἄπειρα τὸ πλῆθος = citation de 197a16-17. Il faut donc l’imprimer dans le texte grec comme telle.
106 Cf. 196b5-7.
107 Cf. infra, 359.10-11 où ce même passage est cité.
108 Je traduis θεασόμενος (197a18) en suivant la paraphrase de Simplicius : καὶ θέαν τινὰ ὀψόμενος, cf. supra, 340.26 et la note ad locum.
109 Cf. supra, 337.19-25, sp. 337.19-20 : « dans le cas de la fortune une même et unique action est cause par soi d’une chose, et cause par accident d’une autre chose. Creuser est cause par soi de l’action de planter et cause par accident de la découverte d’un trésor ».
110 197a18 : εἶναι τι παράλογον τὴν τύχην, « la fortune est quelque chose de contraire à la raison » (Carteron, Stevens) ; « la fortune est quelque chose qui échappe à la définition rationnelle » (Pellegrin).
111 197a19-20 : ἡ δὲ τύχη ἐν τοῖς γιγνομένοις παρὰ ταῦτα, cf. supra, 196b13-14 : Ἀλλ᾽ἐπειδὴ ἔστιν ἅ γίγνεται καὶ παρὰ ταῦτα.
112 Voir Note Complémentaire 6.
113 Cf. infra, 343.2.
114 Ici Pellegrin (2000) note, p. 141, n. 2 : « En permettant l’élimination par évaporation des humeurs morbifiques, l’exposition au vent et au soleil sont des causes plus proches de la guérison. Se couper les cheveux peut être une cause accidentelle de cette évaporation, si on s’est coupé les cheveux dans un autre but ». Pour Ross (19361, p. 521-2) Aristote pose ici la question de savoir si après que quelqu’un s’est fait couper les cheveux le vent ou le soleil qui le rafraîchit ou le réchauffe sont plus causes de la santé recouvrée par bonheur que la coupe de cheveux elle-même, en laissant entendre que la coupe de cheveux est une cause trop lointaine pour être réellement cause.
115 Simplicius, 342.28 : εἰ τὰ τυχόντα ὁμοίως αἴτια ἂν γένοιτο τῆς τύχης. Aristote 197a22 : ἆρ᾽οὖν τὰ τυχόντα αἴτια κτλ.
116 Polyclète est pris comme exemple plus haut, en 323.10, et 325.26 (le « canon de Polyclète »).
117 Cf. supra, 322.22-324.4 (ad Phys. II 3, 195a27-b3), en part. 323.9-23 (dans Lernould [2019]), p. 198-199 : le genre « homme », en tant qu’il appartient à la cause par accident qu’est Polyclète, est lui aussi cause par accident.
118 Cf. Philopon, In Phys. 278.24-5 : Ἔστι γὰρ προσεχέστερον μὲν τῆς ὑγείας ἐν τούτοις ἢ τὸ πνεῦμα ἢ <ἡ> εἱληθέρησις, τουτέστιν ἡ ἐκ τοῦ ἡλίου θερμασία. La εἵλησις (εἵλη) est la « chaleur du soleil » (ἥλιος), i. e. une « chaleur émise par le soleil » ἀπὸ ἡλίου θέρμη, car la lumière (αὐγή) du soleil est une εἵλη. On retrouve la même définition de εἵλησις (« chaleur du soleil ») chez le lexicographe alexandrin du Ve siècle Hésychius ; voir aussi Aristophane, Guêpes 778. Sur la chaleur interne au corps, produite par friction, cause de la guérison, cf. Mét. ét.Z 7, 1032b24-30 où est discutée la question du rôle du dernier intermédiaire dans la réalisation de la santé.
119 Comme on va le voir à la lecture du commentaire de Simplicius la proposition en 197a27-30 : διὸ καὶ τὸ παρὰ μικρόν κακὸν ἢ ἀγαθὸν μέγα λαβεῖν ἢ εὐτυχεῖν ἢ ἀτυχεῖν ἐστίν a fait l’objet de plusieurs interprétations par les Anciens selon que l’on construit παρὰ μικρόν avec μέγα ou avec λαβεῖν. Sur ces différentes interprétations anciennes, plus celle suggérée par B. Fleet (1997), voir Note Complémentaire 7.
120 Ici s’arrête le lemme, en 197a30, mais le commentaire couvre aussi les lignes 197a30-32 : « C’est, de plus avec raison, que l’on dit que l’heureuse fortune est quelque chose d’instable ».
121 343.37-8 : δυνάμει συλλογιζόμενος οὕτως, pour cette expression récurrente dans le commentaire sur la Physique, cf. In Phys. I, 3, p. 127.35 ; I, 6, p. 199.12 ; II, 3, p. 309.20-21 ; IV, 2, p. 535.14 ; VI, 2, p. 953.19 ; VIII, 7, p. 1265.1-2, 1270.4 ; VIII, 8, p. 1277.19.
122 Première interprétation de παρὰ μικρόν (en Phys. 197a27-28) : παρὰ μικρόν se construit avec μέγα et l’idée est qu’avoir presque le tout équivaut à avoir le tout ; avoir presque le mal complet c’est être infortuné, et avoir le bien presque complet c’est être fortuné. C’est cette lecture qu’expose ici Simplicius. Dans le membre de phrase κἂν παρὰ μικρὸν ἔχωσι τὸ μέγιστον ἀγαθὸν καὶ κακόν (In Phys. 343.28-9) παρὰ μικρὸν porte sur τὸ μέγιστον.
123 343.28-30 : ἡ εὐτυχία καὶ δυστυχία κἂν παρὰ μικρόν ἔχωσι τὸ μέγιστον ἀγαθὸν καὶ κακόν, εὐτχυχία καὶ δυστυχία εἰσί.
124 Généralisation de la proposition précédente qui portait sur l’heureuse fortune et l’infortune.
125 Autre lecture de παρὰ μικρόν : le παρὰ μικρόν ne porte pas sur μέγα mais sur λαβεῖν (« il s’en est fallu de peu que j’obtinsse », « j’ai été à deux doigts d’obtenir »). Cette lecture va être exposée quelques lignes plus bas, cf. 344.6-13 (avec la référence aux Dioscures ou « Dieux “Peu s’en faut” ») et 344.20-32.
126 En lisant en 344.9 ἀγαθόν ἄν τι μέγα comme on a en 344. 8 κακὸν ἄν τι μέγα. Cf. Fleet (1997), p. 180, note 287.
127 344.6-10 : εἰ γὰρ τὸ παρὰ μικρὸν ἐπὶ μεγέθους εἴωθε λέγεσθαι, λέγομεν δὲ δυστυχεῖν ἐκείνους, ὅσοι παρὰ μικρὸν κακὸν ἄν τι μέγα ἔλαβον, καὶ εὐτυχεῖν ἐκείνους, ὅσοι παρὰ μικρὸν ἀγαθόν < ἄν > τι μέγα ἔλαβον, δῆλον ὅτι ἐν μεγέθει τὸ εὐτυχεῖν καὶ δυστυχεῖν ἐστι. Le sens n’est pas facile à saisir. Je comprends : passer à côté d’un grand malheur ou d’un grand bonheur est une infortune ou une heureuse fortune en ce sens que c’est comme si on avait obtenu ce grand malheur ou ce grand bonheur, cf. Note Complémentaire 7.
128 Les Dioscures (Castor et Pollux), appelés « les dieux “Peu s’en faut” » ou « les dieux [du] Presque », non pas en ce sens qu’ils sont des demi-dieux (ce qu’ils sont), mais au sens de « dieux du “Peu s’en faut” », i. e. dieux du salut obtenu in extremis. Les Dioscures sont dans la mythologie grecque des dieux protecteurs et sauveurs, en particulier des marins.
129 Un peu plus haut Simplicius a attribué à Alexandre, associé à Porphyre, la première interprétation de Phys. 197a27-30, cf. In Phys. 343.32-33 : καὶ μᾶλλον ὁ Πορφύριος οὕτως ἐπέβαλε καὶ Ἀλέξανδρος κατὰ πρώτην ἐξήγησιν. Maintenant c’est une seconde lecture qu’il attribue au même Alexandre, cf. 344.12-13 : καὶ ταύτῃ μᾶλλον τῇ ἐξηγήσει τίθεται ὁ Ἀλέξανδρος.
130 C’est la première interprétation de παρὰ μικρόν, subir un malheur presque grand, i. e. presque complet c’est de l’infortune. Celui qui « n’est que » très gravement handicapé à vie après un accident est un infortuné en ce sens qu’entre être gravement handicapé à vie et être mort la différence est minime. En 344.16-17 : ὁ παρὰ μικρόν μεγάλῳ κακῷ περιπεςὼν l’expression παρὰ μικρόν porte sur μεγάλῳ κακῷ.
131 Selon la seconde construction de παρὰ μικρόν et en comprenant : X a presque subi un grand mal, mais il y a eu empêchement ; X a très heureusement échappé à ce grand mal.
132 C’est-à-dire, est fortuné celui qui a obtenu le bien presque complet, presque le plus grand, car c’est comme s’il avait obtenu le bien complet.
133 Selon la seconde construction de παρὰ μικρόν et en comprenant : X est malheureusement passé à côté d’un très grand bien.
134 Philopon, In Phys. 279.24-280.14, expose la même interprétation.
135 197a34 : ἁπλῶς i. e. « nécessairement » cf. 345. 10-11.
136 Disciple de Protagoras et interlocuteur de Socrate dans le Philèbe de Platon. Il est chargé par Socrate de défendre la thèse de Philèbe selon laquelle le plaisir est le bien. Selon Philopon (In Phys. 287.3), il n’est pas sûr que le Protarque dont parle ici Aristote soit celui du Philèbe.
137 Cf. e. g. Éth. à Nic. I, 1 ; 1094a19.
138 Cf. supra, 197a6-8.
139 I 9, 1099b7-8 ; I 11, 1100b22-23 ; VII 14, 1153b22-23.
140 Cf. Plutarque, Traité 6, Comment on peut tirer profit de ses ennemis 89C, dans Œuvres Morales, tome I, 2e partie, Paris, Les Belles Lettres (CUF), 1989, p. 203. « Le tyran Prométhée » pourrait être le surnom donné à Jason de Phères, cf. Cicéron, De natura deorum, III 28 (70) ; Pline l’Ancien, Hist. Nat. VII, 51 ; Valère Maxime, I 8.
141 C’est, dit-on, ce qui arriva au peintre Apelle (IVe siècle av. J.-C.), cf. Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes, I 12 [28], où c’est volontairement que le peintre, dépité de ne pas réussir à imiter l’écume dans la bouche du cheval, jette son éponge sur sa peinture. Peut-être faut-il ici corriger le ἀκουσίως (en 346.26) et lire ἑκουσίως.
142 Cf. Note Complémentaire 8.
143 Voir Note Complémentaire 9.
144 Soit en 197b14 : τοῖς ἀλόγοις ζῴοις καὶ τοῖς ἀψύχοις : « appartient aux animaux privés de raison et aux êtres inanimés » au lieu de τοῖς ἄλλοις ζῴοις καὶ πολλοῖς τῶν ἀψύχων.
145 On accordera que le texte d’Alexandre est plus explicite en marquant clairement ce qui sépare l’être vivant privé de raison, mais non pas d’âme (ce que nous appelons « animal » par opposition à « homme »), de la chose, privée d’âme.
146 Cf. infra, 348.32-33 l’exemple de la pierre et la note ad locum ; voir aussi 349.2, 350.33.
147 Simplicius va expliquer de deux manières et avec deux exemples notre passage en 197b19-20 ; d’abord, négativement : quand une pierre en forme de cube chute et devient siège, ce n’est pas par hasard qu’elle devient siège car ni ce résultat (cette cause finale) ni la cause efficiente (la chute de la pierre en forme de cube) ne sont « extérieures » au fait de devenir siège ; il est dans la nature d’une pierre cubique de devenir siège quand elle chute ; puis positivement, avec l’exemple de la pierre qui tombe et par hasard fracasse un crâne ; car « ce n’est pas en vue du résultat obtenu », i. e. le coup sur la tête ; « dont la cause est extrinsèque », i. e. fracasser un crâne n’appartient pas à la nature de la pierre ; « qu’advient ce qui arrive en vue de quelque chose », i. e. la chute de la pierre, dont la cause finale est : occuper son lieu naturel, la terre.
148 C’est-à-dire le résultat.
149 Pris au sens large, qui inclut la fortune.
150 Pris au sens étroit, par opposition à la fortune.
151 Même si le cheval est revenu pour boire, on ne peut dire (selon Aristote) qu’il avait l’intention de boire, i. e. la volonté consciente (le projet rationnel) de boire. Et voir infra, 350.27-28 : « Aristote a dit que le cheval est revenu par hasard, c’est-à-dire, a été sauvé par hasard par son maître » (cf. aussi 352.8).
152 C’est-à-dire pourraient être (ou : avoir été) choisies.
153 Pour l’expression « en voici un signe » σημεῖον δέ (très fréquente chez Aristote) cf. e. g. An. post. I 4, 73a32 ; I 6, 74b18 et 6, 75a33 ; I 28, 87b1 ; II 1, 89b27. Sur la démonstration ou syllogisme par signe, cf. ibid. I, 6, 75a33 ; II 17, 99a3 ; An. pr. II, 27, 70a2-b6.
154 Cf. Note Complémentaire 10.
155 Cette étymologie αὐτόματον = αὐτό μάτην n’est pas attestée linguistiquement, cf. Chantraine (19992), p. 143 : αὐτόματος, « qui agit de soi-même » en parlant de personnes ou d’objets inanimés ; composé de αὐτος et de -ματος appartenant à la racine de μέμονα, μέμαμεν, μένος etc.
156 La pierre tombe en vain, i. e. = pour rien, car ce n’est pas dans le but de tuer ou de blesser qu’elle tombe (voir supra, Introduction).
157 De la même manière, pour celui qui se rend sur la place publique pour voir une pièce de théâtre et tombe sur son débiteur. C’est là un hasard (au sens large) parce qu’il aurait pu se rendre sur la place publique effectivement dans le but de rencontrer son débiteur, cf. Phys. 196b21-22 et 33-36 le commentaire de Simplicius plus haut, 335.12-336.7 (en part. 335.20-24 et 335.30-336.7).
158 348.17-19 : ὅταν τῷ ἕνεκά του γινομένῳ μὴ τὸ οὗ ἕνεκα ἐγένετο ἀκολουθήςῃ, ἀλλά τι ἄλλο παρὰ τοῦτο οὗ οὐκ ἦν ἔνδον ἡ ἀρχή. Comparer avec supra, 347.11-13 : ὅταν ἐν τοῖς ἕνεκά του γινομένοις μὴ τοῦ συμβάντος ἕνεκα οὗ ἔξω τὸ αἴτιον γένηται τὸ ἕνεκά του, ἀλλά τι ἄλλο ἀκολουθήσει παρ ᾽ ἐκεῖνο οὗ ἕνεκα ἐγένετο.
159 Cf. supra, 336.33-34 (et pour le trépied 347.10). La pierre qui s’est détachée d’un mur se retrouve au-dessus du sol dans l’air, éloignée de l’élément terre, auquel elle appartient (comme une partie à son tout) et qu’elle s’empresse de rejoindre au centre de l’Univers. Platon et Aristote, en apparence, partagent une même doctrine des « lieux naturels » et de la pesanteur, cf. Timée, 57c3-5, 58b10 et Aristote, Physique IV, 4 (211a-212b). Mais la doctrine platonicienne selon laquelle c’est en vertu de la tendance du semblable à aller vers le semblable que la pierre par exemple tombe sur le sol (ce qu’Aristote rejette) n’a rien à voir avec la théorie aristotélicienne du « lieu naturel », cf. De caelo, IV, 3-4, en part. IV, 3, p. 310a30-b2. Là-dessus, voir pour commencer Duhem (1913-1959), I, p. 205-210 ; P. Moraux, Aristote, Du Ciel, Paris, Les Belles Lettres, 1965, Introduction, p. cxlii-clvii. Pour cet exemple de la pierre cf. aussi infra, 350.33.
160 348.33-349.1 : διὸ ἀπὸ ταὐτομάτου μὲν οὕτως κατέπεσεν ὡς πλῆξαι, καθ’ αὑτὸ δὲ ὡς τὸν οἰκεῖον τόπον καταλαβεῖν. On voit très bien ici que Simplicius distingue clairement « spontanéité » et « hasard ».
161 En 349.6 Diels imprime en suivant le Ms. F et l’édition Aldine : ὅταν μὴ γένηται τὸ οὗ ἕνεκα, ἀλλ᾽ὃ ἐκείνου ἕνεκα. Je lis en suivant le Ms. E : ὅταν μὴ γένηται τὸ οὗ ἕνεκα ἄλλο ἐκείνου ἕνεκα. Voir la Note Complémentaire à Phys. 197b23.
162 349. 7-9 : ὅταν μὴ γένηται τὸ οὗ ἕνεκα ἄλλο ἄν τι προεγένετο δι’ ἐκεῖνο τὸ προγενόμενον, ἀλλά τινι ἄλλῳ τὸ γενόμενον ἀκολουθήσῃ τῳ κατὰ συμβεβηκὸς αἰτίῳ (en lisant τῳ devant κατὰ συμβεβηκὸς au lieu de τῷ et en faisant porter, pour le sens, le μὴ sur τὸ οὗ ἕνεκα). Il faut comprendre : le coup sur le crâne (ce qui se produit) n’est pas le but de la chute, en elle-même, de la pierre (qui tombe d’elle-même) ; la chute pour la pierre se produit en vue de la réoccupation par la pierre de son le lieu naturel ; le coup sur le crâne n’est donc pas le résultat de la chute en et par elle-même ; il est proprement « accidentel », comme Adraste a tué « par accident » le fils de Crésus (cf. supra, 329.35). Reste que la formulation « lorsque ne se produit pas le but en vue duquel une autre chose [se fait] en vue de ce but » est, dans le cas de la chute de la pierre, trompeuse en ce sens qu’en tombant la pierre à la fois retrouve son lieu naturel et, au passage, fracasse un crâne. Dans le cas d’Adraste qui tue le fils de Crésus de fait le but n’est pas atteint (la bête visée n’est pas atteinte).
163 Pour la pierre, fracasser un crâne est un but « vide ».
164 En Phys. II 6, 197b20-21 on a : ἀπὸ τύχης δέ, τούτων ὅσα ἀπὸ ταὐτομάτου γίνεται τῶν προαιρετῶν τοῖς ἔχουσι προαίρεσιν (souligné par moi). En In Phys. 350.16 on a de ce passage une citation tronquée : ἀπὸ τύχης δέ, τούτων ὁπόσα ἀπὸ ταὐτομάτου (souligné par moi). La substitution de ὁπόσα (= Diels, en suivant l’Aldine et le ms. F) à ὅσα s’explique par cet abrègement.
165 197b15 : ὁ ἵππος αὐτόματος, φαμέν, ἦλθεν ὅτι ἐσώθε μὲν ἐλθών. La reformulation de Simplicius est significative, 350.28 : ἀπὸ ταὐτομάτου ἐλθεῖν τὸν ἵππον, τουτέστιν ἀποσωθῆναι τῷ δεσπότῃ. On notera d’abord la substitution de ἀπὸ ταὐτομάτου à αὐτόματος (la confusion des deux expressions est exposée plus bas). Ensuite, ce qui relève proprement du hasard c’est que le cheval soit récupéré par son maître ; car être récupéré n’est pas le « but » du cheval ; quel est ce but ? Selon Philopon (In Phys. 288.2-4) c’est peut-être pour s’abreuver. Le hasard, au sens aristotélicien du terme, implique l’idée que le résultat d’une action est autre que son « but » premier ; et le hasard porte sur toute la séquence : retour du cheval (pour boire) → récupération du cheval par le maître.
166 C’est-à-dire sans avoir pour but le résultat effectif. La chute de la pierre [= A] est advenue en vain relativement au coup donné sur la tête [= B] car la pierre n’est pas tombée pour donner ce coup (cf. 350.33). Dans ce cas la chute de la pierre est un hasard, et le crâne fracassé, un effet du hasard, car la pierre aurait pu avoir été jetée dans le but de tuer. Les insertions de [A] et [B] dans la traduction sont de moi.
167 En 351.7-8 je lis : τὸ πρὸ αὐτοῦ (τὰ πρὸ αὐτοῦ : Diels).
168 351.9 : τὸ αὐτόματον τὸ γινόμενον λέγει. À quel passage renvoie ici λέγει (« Aristote dit qu’est “hasard” ce qui advient ») ? Si les quelques lignes d’Alexandre citées ici sont tirées du commentaire de l’Exégète à Phys. 197b22-32, alors on ne voit pas où dans ce passage de la Physique (qui donne l’étymologie de τὸ αὐτόματον) Aristote dit que « ce qui advient c’est le hasard ». La référence au cas du cheval implique que Simplicius cite ici un passage du commentaire d’Alexandre à 197b13-16. On peut aussi hésiter sur la réponse à donner à la question de savoir à quoi renvoie ici τὸ γινόμενον. C’est (i) soit le résultat et τὸ γινόμενον = τὸ ἐπιγινόμενον, (ii) soit la cause efficiente par accident, et τὸ γινόμενον = τὸ προγινόμενον. En Phys. 197a36 Aristote dit bien que « le hasard a plus d’extension » (τὸ αὐτόματον ἐπὶ πλεῖον ἐστι), et prolonge son propos en substituant à « hasard » « l’effet de hasard », cf. 197a37-b1 : τὸ μὲν γὰρ ἀπὸ τυχῆς πᾶν ἀπὸ ταὐτομάτου. La première lecture est préférable, vu le contexte et l’idée directrice du commentaire (où dans « le hasard », i. e. « l’effet de hasard », le mot « hasard » est pris au sens large).
169 Comme l’on peut dire que la pierre est tombée « par hasard ».
170 Dans ces deux vers de l’Iliade αὐτόματος (composé de αὐτός et de -ματος sur la racine de μέμονα) signifie « qui agit par soi-même » : « De lui-même arriva Ménélas au puissant cri de guerre » (trad. P. Mazon légèrement modifiée) ; « D’elles-mêmes les portes gémissent, ces portes que gardent les Heures » (trad. Mazon). Simplicius prend ce mot dans le sens qu’Aristote lui donne, à savoir « hasard », en le composant de αὐτο « soi-même » et μάτην, « en vain » (cf. Phys. 197b22-32). C’est en ce sens qu’αὐτόματος est employé en Phys. II 6, 197b15 : ὁ ἵππος αὐτόματος ἦλθεν, « la venue du cheval est un hasard ». Simplicius attribue à Homère l’emploi de ce même mot dans son sens aristotélicien. Le vers 408 du chant II de l’Iliade est cité à nouveau plus bas, en 358.18, comme exemple d’emploi par les Anciens du mot αὐτόματος là où il y a acte intentionnel. Simplicius fait véritablement un contresens en donnant à αὐτόματος dans le vers 408 en Iliade II le sens de « par hasard ». Certes Ménélas ne fait pas partie du groupe des six héros qu’Agamemnon convie à un banquet et on pourrait penser que c’est « par hasard » au sens aristotélicien du terme qu’il tombe sur son frère et ses convives ; mais le vers 409 exclut une telle lecture : « car son cœur connaissait toutes les peines de son frère ». Et pour les portes qui gémissent (i. e. « s’ouvrent ») un « par hasard » (toujours au sens aristotélicien du terme) ne ferait pas sens.
171 En 358.19-20 Simplicius dit que la venue de Ménélas est le résultat de l’invitation d’Agamemnon à un repas auquel sont conviés six des héros achéens (mais pas Ménélas !).
172 Cf. supra, 342.27-29 : τῆς τύχης τουτέστι τοῦ ἀπὸ τύχης.
173 « Τύχη τις αὐτῷ ὦ Ἐχέκρατες συνέβη » ἀντὶ τοῦ « ἀπὸ τύχῆς τι αὐτῷ συνέβη ». Il n’est pas exclu que Simplicius joue ici sur le sens dialectique de συμβαίνειν : « arriver en conséquence », « résulter ».
174 Selon Ross (19361), p. 524 Aristote n’entend pas ici, par « ce qui est contre-nature » (littéralement, « à côté de la nature », παρὰ φύσιν) et relève du hasard, les productions de monstres, comme l’a avancé Torstrik (1875), puisque celles-ci sont sans finalité, mais les générations spontanées. De même Mansion (1945), p. 310. Charlton (1970), p. 110-1 rejette cette lecture. Simplicius, lui aussi, exclut les monstruosités du hasard, non pas parce que dans les productions de monstruosités il n’y a pas finalité ; il y a bien du téléologique en elles ; mais dans les faits de hasard, cause productrice et finale sont externes à la nature de la chose, tandis que dans les monstruosités et les choses contre-nature cause productrice et finale sont internes, cf. Phys. 197b36 et Simplicius In Phys. 339.27-340.1 et 353.1-12.
175 « L’un » renvoie ici au hasard, « l’autre », au contre-nature.
176 Cf. le commentaire de Simplicius supra, 346.35-347.26 : dans le cas de la pierre qui tombe d’elle-même le fait de fracasser au passage un crâne est un effet du hasard ; la cause (finale) est externe à la pierre car il n’est pas dans la nature d’une pierre d’avoir comme but de fracasser les crânes.
177 En lisant en 352.2 λάμβανον (λαμβάνουσα : Diels).
178 352. 4 : καὶ μέντοι καὶ ὅσα κτλ. Sur μέντοι, καὶ μέντοι, dans le sens de « évidemment », « et évidemment », cf. e. g. Proclus In Remp. I, 275. 8-10 ; 276.20-22 : καὶ οὕτω δὴ τοῦ ἐν τοῖς εἴδεσιν ἀγαθοῦ καὶ τοῦ καλοῦ μέντοι καὶ τῶν νοητῶν ὅλων οὐσιῶν τἀγαθὸν αἰτίαν τὴν πρώτην ἀπέφηνεν, « et c’est donc ainsi qu’il a déclaré le Bien la cause première du “bien qui fait partie des Formes”, et évidemment du “beau” et de toutes les essences intelligibles » (trad. Festugière).
179 En lisant 352.7 ἀπολυόμενος (ἀπολόμενος : Diels).
180 En lisant en 352.10 κατέπεσεν ἄν comme on a ἐσώθη ἄν à la ligne 8.
181 En lisant en 352.23 εἶπον (= leçons de a et F) au lieu de ἔλεγεν (Diels), cf. supra, 347.16.
182 Cf. supra, 339.32 : dans les choses qui relèvent du hasard, cause productrice et finale sont externes ; dans les choses qui se produisent contre-nature, cause finale (et cause productrice) sont internes.
183 In Phys. 353.8 : ὅσα μὴ τοῖς προηγησαμένοις αἰτίοις ἀκολουθεῖ, c’est-à-dire : ne sont pas le résultat de causes par soi, de causes déterminées.
184 Phys. 198a2 : Τῆς δὲ αἰτίας τῶν τρόπων. Sur le sens de τρόπος cf. supra, 195a27 et Simplicius In Phys. 322.18-22 (dans Lernould [2019], p. 197).
185 C’est-à-dire, hasard et fortune sont des causes efficientes.
186 En lisant en 353.25 αἴτιον (αἰτίων : Diels) comme en 353.33. Je lis le texte grec et donne la traduction de ce lemme tel que le lit et le comprend Simplicius, voir Note Complémentaire 11.
187 Si je sors pour rencontrer un ami et que je rencontre cet ami, la cause (efficiente) par soi de cette rencontre est déterminée : la sortie en vue de cette rencontre. Si je me rends sur l’agora et rencontre, sans l’avoir cherché, mon débiteur, je dis que je ne suis pas sorti pour rencontrer mon débiteur ; et à la question : « pourquoi alors es-tu sorti ? », on peut donner un nombre indéterminé de réponses (i. e. de causes productrices par accident) : je suis sorti pour voir une pièce, pour aller au tribunal, etc. Dans le cas où la cause est la nature, c’est moins clair. La pierre tombe et tue, mais elle n’est pas tombée pour tuer ; pourquoi est-elle alors tombée et par accident a tué ? La pierre ne peut être tombée que pour rejoindre la terre.
188 353.25-26 : τι αἴτιον ἀεί ἐστιν, οἷς ἡ τύχη καὶ τὸ αὐτόματον παρυφίσταται. Le pluriel οἷς après un antécédent au singulier τι αἴτιον s’explique par le fait que la proposition est construite sur une citation du texte d’Aristote tel que le lit Simplicius (τι αἴτιον ἀεί ἐστιν), texte que Simplicius complète par une relative (οἷς ἡ τύχη καὶ τὸ αὐτόματον παρυφίσταται) qui ajoute l’idée que les causes par accident accompagnent les causes par soi. Pour le sens le pluriel οἷς s’explique aussi par le fait qu’on a une cause par soi déterminée pour les choses produites par la pensée et une cause par soi déterminée pour celles produites par la nature.
189 Voir Note Complémentaire 12.
190 Passage parallèle à 198a7-13 en Mét. K 8, 1065b2-4.
191 Voir Note Complémentaire 13.
192 C’est-à-dire l’Univers, le Monde (sensible), le Tout, cf. e. g. Tim. 28b.
193 τοῦδε τοῦ παντός cet Univers-ci, i. e. sensible, notre Univers d’ici-bas. Certes Aristote ne pose pas deux Univers, l’un sensible, l’autre intelligible, mais nul doute que pour Simplicius le τοῦδε a bien ici cette valeur de référence au niveau sensible, par opposition à ἐκείνου qui renvoie à l’Intelligible.
194 Ce qui explique qu’il soit traité de la fortune, qui concerne les êtres doués de raison, i. e. les hommes, dans un livre de physique. L’homme est une réalité « naturelle ».
195 Sur l’Intellect cause d’ordre dans l’Univers sensible, cf. e. g. Proclus, In Tim. I, 387.29-30 : τὸ δὲ δημιουγικὸν (sc. αἴτιον) τῆς τάξεως, « la Cause Démiurgique, elle, est cause de l’Ordre ». La Cause Démiurgique est l’Intellect Démiurgique. Cette proposition s’inscrit dans le cadre d’une différenciation et hiérarchisation des Causes transcendantes auxquelles sont attribuées des productions propres : l’Intellect est cause d’Ordre, le Vivant-en-Soi ou Modèle Intelligible est cause de la Matière en désordre, le Bien, Cause de la Matière (cf. In Tim. I, 387.17-388.9) ; en même temps l’Intellect est aussi Cause de la Matière et de la Matière en désordre en vertu du Bien et du Modèle qui sont en lui (ibid. 388.9-28).
196 355.17-18 : ὅταν τι τῶν κατὰ συμβεβηκὸς αἴτιον γένηται me semble être une citation, un peu éloignée du texte, de Phys. 198a6-7 : ὅταν κατὰ συμβεβηκὸς αἴτιόν τι γένηται τούτων αὐτῶν.
197 La proposition « que la τύχη est postérieure à l’intellect et à la nature » (355.18-9) reprend la thèse d’Aristote. Τύχη dans cette proposition a le sens de « fortune », dans sa définition aristotélicienne. À partir de « il (sc. Platon) démontre que la τύχη et la nature… » le mot τύχη est pris dans le sens qu’il a chez les « anciens Physiciens », dont Platon, dans les passages du Livre X des Lois qui vont être cités plus bas par Simplicius, résume la doctrine physique. La τύχη, dans ce contexte des « anciennes physiques », est le « hasard », i. e. la nécessité matérielle et aveugle, que Platon dans le Livre X des Lois subordonne, avec la nature, à l’âme. On a donc le mot, τύχη qui est employé (i) au sens de « fortune » par Aristote en Phys. II, 4-6, par opposition au ταὐτόματον, le « hasard » au sens aristotélicien du terme, i. e. la cause productrice par accident, générant un résultat inattendu, mais qui aurait pu être intentionnel ; c’est ce même mot que Simplicius trouve, avec (ii) le sens de « hasard », dans Platon résumant la physique des Présocratiques, cf. infra, 355.20 et 356.12-15 : « Platon semble dans ces passages appeler τύχη la rencontre des puissances naturelles… », le « hasard » étant dans ce contexte la causalité mécanique. La confrontation ici de Platon avec Aristote, via celle de Platon avec les Présocratiques, conduit à une redistribution des mêmes termes (φύσις, τύχη), notionnellement et hiérarchiquement différenciés ; Aristote : νοῦς et φύσις > τύχη, Platon : ψυχή > τύχη et φύσις. Pour éviter toute ambiguïté je ne traduis pas τύχη dans toute cette section comprise entre 355.18 et 356.17 ; la τύχη (« fortune ») chez Aristote n’est pas la τύχη (« hasard ») chez Platon reprenant les Présocratiques, qui lui-même n’est pas le « hasard » (ταὐτόματον) chez Aristote. Et la φύσις chez Aristote, cause efficiente et fin, n’est pas la φύσις chez Platon (reprenant les Présocratiques), à savoir une cause seulement matérielle.
198 355.21 : ὡς πρώτων προσπιπτόντων εἰς γνῶσιν. Cf. supra, 259.5 : πρῶται δὲ προσπίπτουσι ἡμῖν αἱ στοιχειώδεις (sc. ἀρχαί).
199 Les anciens physiciens ne sont pas allés au-delà de la cause matérielle.
200 Lois X, 889b1-d2.
201 Il s’agit des physiciens présocratiques.
202 Traduction L. Brisson et J.-Fr. Pradeau (très légèrement modifiée), dans Brisson (2020), p. 931 et 939.
203 356.12-14 : τύχην δὲ ὁ Πλάτων τὴν ἄνευ προφανοῦς αἰτίας τῶν φυσικῶν δυνάμεων τεῦξιν τῆς προς ἀλλήλας συναρμογῆς. Les « puissances naturelles » sont bien sûr les quatre éléments ou corps premiers. On notera l’effet de superposition τύχη / τεῦξις (d’où la traduction de τεῦξις par « rencontre [fortuite] »). Ce passage ne renvoie pas à Phys. II 4, 196b5-7 et à l’idée que la fortune est une cause divine cachée à la raison humaine. Dans les mots « sans qu’il y ait une cause bien visible », qui équivalent à la proposition négative : « il n’y a pas de cause visible », la négation, dans le contexte d’une physique présocratique, ne porte pas sur la visibilité de la cause, mais sur l’existence de la cause ; non pas : il y a une cause, qui n’est pas visible, mais : il n’y a visiblement pas de cause, i. e. de finalité.
204 Fr. 58 Wehrli.
205 Τῶν ὁπωσοῦν γενομένων. Cf. Proclus, In Tim. I, 276.26 : le Monde est « devenu d’une certaine manière » γέγονεν ὁπωσοῦν, i. e., il « est né » non pas à un moment donné du temps, mais dans le temps tout entier.
206 Cf. Tim. 28a4-5 : πᾶν δὲ αὖ τὸ γιγνόμενον ὑπ’ αἰτίου τινὸς ἐξ ἀνάγκης γίγνεσθαι, « tout ce qui est engendré est nécessairement engendré sous l’effet d’une cause » (trad. L. Brisson).
207 Ce qui n’exclut pas que le résultat de la chute soit en même temps le retour à la terre comme lieu naturel, cf. supra, 348.31-349.4 : c’est d’elle-même que la pierre est tombée de manière à retrouver son lieu propre, et c’est par hasard qu’elle est tombée de manière à frapper quelqu’un.
208 Cf. supra, 346.21.
209 357.35-36 : τῷ τοῦ κοινοῦ ὀνόματι. Le mot « hasard » est commun en tant qu’il recouvre « hasard » au sens strict et « fortune ». C’est ce même mot commun qui peut être employé en en sens étroit, pour opposer « hasard » et « fortune ».
210 En lisant en 358.9 λέγει (= édition Aldine) au lieu de λέγων dans Diels.
211 Cf. Phys. II, 4, 196a22-23 où Aristote cite Empédocle, fr. DK 31 B 53 (= Empédocle D 105 Laks-Most [2016], p. 716-7), cité plus haut en 327.18 et 330.35.
212 Lois X, 889b1-2, cité plus haut p. 355.25-26.
213 Ibid., 889b3-d2.
214 355.26-356.3.
215 Ce qui correspond effectivement au sens étymologique d’αὐτόματος attesté par les dictionnaires.
216 Même citation plus haut 351.21 de ce vers de l’Iliade où αὐτόματος (composé de αὐτός et de -ματος sur la racine de μέμονα) signifie « qui agit par soi-même » : « De lui-même arriva Ménélas au puissant cri de guerre » (trad. P. Mazon légèrement modifiée). En In Phys. 351.21, Simplicius nous dit qu’Homère utilise αὐτόματος (« hasard ») à la place de ἐκ ταὐτομάτου (« effet du hasard »). Ici, en 358.18, il nous dit qu’Homère emploie αὐτόματος à la place de ἀπὸ τύχης (« effet de fortune »).
217 En lisant en 358.19-20 : τῇ γὰρ τῶν ἄλλων ἀριστέων κλήσει τοῦ Ἀγαμέμνονος κατὰ προαίρεσιν γενομένη (γενομένῃ : Diels) ἐπισυνέβη ἡ τοῦ Μενελάου ἄφιξις. La traduction de Fleet est ambiguë, cf. Fleet (1997), p. 120 : « For Menelaus’ arrival supervened on the assembling of the other chiefs by Agamemnon, and that occurred by choice ». Agamemnon invite à un repas six des héros achéens. Ménélas n’est pas mentionné. On peut comprendre que Ménélas s’est invité au repas. Ou qu’il s’est retrouvé là effectivement « par hasard » au sens aristotélicien du terme : il est parti pour une raison X et le résultat, non prévu, c’est qu’il est tombé sur Agamemnon et ses convives. Ou encore : Agamemnon invite un groupe de héros, dont ne fait pas partie Ménélas, et le résultat est que Ménélas est arrivé à l’improviste. On pourrait alors traduire plus explicitement ἐπισυνέβη + dat. par : « fut le résultat (sc. non prévu) de ».
218 Pour « se trouver » (« se trouver être, avoir ») au sens de « se trouver par hasard » ; « se trouver » par une rencontre fortuite de circonstances cf. Le Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, VI, 1966, p. 689, e. g. citation 28 : « Je dois vous dire que, sans avoir cherché à savoir vos secrets, je me trouve les avoir appris en partie… », Mérimée, Colomba, IV.
219 358.30 : ζητεῖν ἀξιῶ καὶ μέντοι εἰ… Sur καὶ μέντοι « progressive », cf. Denniston, The Greek Particles, Oxford, 19542, p. 413-4 qui renvoie entre autres à Platon, Banquet 222a8 ; Phèdre 266b7.
220 Fr. 35 Wehrli.
221 Sur la déesse Fortune honorée par les Anciens, avec des références au culte d’Apollon à Delphes et aux hymnes orphiques, cf. supra, 333.14-17. Sur la déification de la fortune à partir de la période hellénistique, cf. Wilamowitz-Moellendorff (1932), p. 298-309 ; Nilsson (19612), p. 200-13. Sur l’identification de Fortune avec Artémis et Hécate, cf. Fayant (2014), p. 575-7.
222 359.18 : συναιτία.
223 359.19 : κυριώτατον δὲ αἴτιον. Cf. infra, 360.21-22 : κυριωτάτη γὰρ ἐστιν αἰτία. Le fait de se rendre sur l’agora est cause par accident (ou « cause accessoire ») de la rencontre avec le débiteur ; la Fortune en est la cause « souveraine ». La contradiction entre la détermination de la Fortune comme étant « cause par accident » et cause « la plus souveraine » est seulement apparente. La Fortune est cause par accident de la découverte d’un trésor en ce sens que le fait de creuser est cause par soi de la plantation d’un arbre par exemple ; la Fortune est la cause de la découverte du trésor.
224 Ici en 359.19 et à la ligne 21 il s’agit de la Fortune comme déesse protectrice de chaque personne ; là-dessus, cf. Wilamowitz-Moellendorff (1932), p. 307-9. Cette distinction entre la sortie de chez soi comme cause par soi de se trouver sur l’agora et la Fortune comme cause de la rencontre avec le débiteur, est une réponse à l’argument selon lequel la fortune n’existe pas puisqu’« il y a toujours une cause déterminée de toutes choses dont nous disons qu’elle arrive par hasard ou par fortune » (Phys. 196a1-3).
225 C’est-à-dire pour Aristote Hésiode, Homère, Orphée (cf. e. g. Mét. B 4, 1000a9), auxquels les Néoplatoniciens de l’Antiquité tardive ajouteront les Théurges (auteurs des Oracles chaldaïques).
226 En introduisant, avec la déesse Fortune, des développements théologiques dans son commentaire à un traité de physique Simplicius outrepasse les limites de la physique, ce qui va à l’encontre de la règle qu’il s’est fixée, cf. In Phys. 148.22-24 où, après avoir mentionné l’Un de Parménide, Simplicius abaisse fermement la barrière séparant physique et théologie : « Mais, c’en est assez, car nous risquons de paraître “avoir sauté par-dessus les bornes” (Cratyle 413a9), comme le dit le proverbe, en introduisant les réalités théologiques les plus éminentes dans un traité de physique ». L’interdit semble toutefois porter sur une élévation excessive du physique au théologique.
227 359.34 : ἐν δὲ τῷ σωματοειδεῖ κόσμῳ par opposition au κόσμος νοητός.
228 Je supprime en 360.17 le point qu’on a dans Diels après ὅραται.
229 Littéralement : « et ses servantes sont toutes les causes mortelles, aussi bien les causes par soi que les causes par accident ».
230 Cf. supra, Phys. II 5, 196b10-17 et le commentaire de Simplicius, In Phys. 338.10-339.3.
231 En particulier le Démiurge, cf. infra, 361.7-11.
232 360.31 : ἐν τῷ πόντῳ τῆς γενέσεως, cf. Platon, Politique, 272e-273e, en part. 273d6-7 : τὸν τῆς ἀνομοιότητος ἄπειρον ὄντα πόντον.
233 En lisant en 360.33 κατευθυνούση (κατευθυνούσης, Diels).
234 Démons, anges, héros.
235 361.1-2 : καὶ ἔστι μὲν πᾶσα τύχη ἀγαθή· καὶ γὰρ ἡ πᾶσα τεῦξις ἀγαθοῦ τινός ἐστιν (souligné par moi). Rappel implicite de la dérivation de τύχη du verbe τυγχάνω, dont dérive aussi τεῦξις (« le fait d’atteindre », « l’acquisition »). La valeur positive attachée au verbe (τυγχάνειν = « atteindre », i. e. le but visé, par opposition à « manquer », ἁμαρτάνειν) est passée dans le dérivé τεῦξις « acquisition », opposé à ἔφεσις (le « désir »).
236 Pour l’idée que les dieux ne peuvent être responsables d’aucun mal (ὁ θεὸς ἀναίτιος), cf. Platon, Tim. 42d2-4 ; Rép. 379b1-c7.
237 361.7 : ταύτην… τὴν ὅλην τύχην. Il faut donner ici à ὅλος, ὅλην « totale » le sens d’« universelle », i. e. « du niveau de l’Intellect », comme le montre la référence aux Lois de Platon et à l’idée que la Fortune est coordonnée au Démiurge. Sur ὅλος « total » = « éternel » (du niveau de l’Intellect), cf. e. g. Proclus, Théologie platonicienne VI, 11, p. 54.4-6 Saffrey-Westerink où est mentionnée la « Corè totale ».
238 Déjà cité plus haut, In Phys. 333.10.