1 L’étude la plus complète des notions de τύχη et ταὐτόματον en Phys. II, 4-6 se trouve dans Dudley (2012), en part. p. 19-100 (= Part I, chap. 1-3). Dudley critique sur plusieurs points et à juste titre l’étude de Lennox (1984).
2 Sur la traduction de τύχη par « fortune » et celle de ταὐτόματον par « hasard », cf. la Note au lecteur. Dans les limites de cette introduction je laisse de côté les développements sur τύχη et ταὐτόματον qu’on trouve en Physique II 8, ou encore dans la Métaphysique et dans l’Éthique à Nicomaque (Livres VII et VIII). Je laisse aussi de côté la question de la cohérence des doctrines d’Aristote exposées respectivement en Phys. II 5, d’une part, et II 6, d’autre part (là-dessus, voir Dudley [2012], p. 58-71) et celle de la cohérence de Phys. II, 4-6 avec les doctrines d’Aristote sur la génération spontanée et sur les productions tératologiques exposées plus particulièrement dans le De gen. an. et autres traités zoologiques (là-dessus voir Panayides [2013]). Ce n’est qu’à l’occasion de notes de bas de pages à la traduction du commentaire de Simplicius que j’aborde la question de savoir ce qui différencie la τύχη d’Aristote de celle des Présocratiques, en particulier les atomistes, ou encore de ce qui la différencie de la Nécessité chez Platon.
3 Phys. II 5, 196b33-197a3.
4 Ibid. II 6, 197b15-16. Aristote est très elliptique. J’adopte la suggestion de Ross (19361), p. 522 : « The reference is perhaps to a riderless horse which returns to its own lines in battle ». Par « être sauvé » il faut comprendre, comme on va le voir, que le cheval est « récupéré » par son maître.
5 197b16-18.
6 197b30-32.
7 Aristote justifie l’introduction d’une étude spéciale sur la fortune et le hasard au début du chapitre 4 : parmi les anciens physiciens certains ne les ont pas mentionnés (sc. le hasard et la fortune) comme causes des phénomènes naturels ; d’autres ont fait du hasard la cause de notre monde et de tous les autres mondes (Phys. II 4, 196a7-11 et 24-28). Comme le dit très bien Augustin Mansion : « c’est à ceux-ci surtout qu’Aristote… va s’en prendre » (Mansion, 1945, p. 208). Et Augustin Mansion d’ajouter : « Cette étude s’imposait à lui d’autant plus que, d’une part, il y a d’une certaine façon opposition entre la finalité et le hasard et que, d’un autre côté, les faits qui dépendent de celui-ci présentent au moins l’apparence de la finalité. Une discussion quelque peu approfondie de la signification exacte du hasard constitue ainsi le préambule presque indispensable à une théorie complète de la finalité et de la finalité de la nature ».
8 197a36-b1.
9 Les éclipses totales du soleil ou de la lune, les retours de comètes, sont rares. Mais ni pour nous, ni pour Aristote, elles ne relèvent du hasard. Ces phénomènes relèvent de la mécanique céleste et peuvent être prédits et être l’objet d’un calcul. Sur ce point je rejoins Judson (1991), p. 84, note 28.
10 Cf. aussi 196b23-24 et b32-33 : « Pour l’instant que cela soit clair : ces deux (sc. fortune et hasard) appartiennent au domaine de ce qui est en vue de quelque chose ».
11 Cf. Simplicius, In Phys. 361.16-17 : « la fortune et le hasard se ramènent à une seule modalité de ces causes, à savoir le principe premier d’où part le changement ». On prendra bien soin de distinguer fortune et hasard comme causes productrices, de la fortune et du hasard comme effets de fortune et du hasard. Au sens d’« effets », i. e. de résultats, fortune et hasard relèvent de la cause finale.
12 Ross (19361), p. 517, dans son commentaire à 196b21 : ἔστι δ ᾽ἕνεκἀ του ὅσα τε ἀπὸ διανοίας ἂν πραχθείη καὶ ὅσα ἀπὸ φύσεως : « Sont en vue de quelque chose toutes les choses qui pourraient être accomplies par la pensée et toutes celles qui [pourraient être accomplies] par la nature ». Lennox (1984), p. 53 et 58 rejette l’interprétation de Dodds, sans la discuter. Lennox, se référant au commentaire de Simplicius en In Phys. 336.27-29 (et non pas 366.27-29 comme il est écrit p. 54 !) où Simplicius critique au passage l’interprétation de Porphyre (de Phys. 196b21), attribue à Porphyre la lecture qui est celle en fait de Simplicius : le recouvrement de la dette n’est pas le but de la sortie, mais aurait pu être le but.
13 Phys. II 5, 196b21. En d’autres lieux Aristote oppose hasard et téléologie, cf. e. g. An. post. II 11, 95a8 : « rien de ce qui se produit par hasard ne se produit en vue d’une fin » – ἀπὸ τύχης δ ᾽οὐδὲν ἕνεκά του γίνεται. Sur le fait qu’Aristote tantôt oppose hasard et finalité, tantôt ne les oppose pas, cf. Mansion (1945), p. 299-302.
14 On voit que le fait qu’il y ait une cause du recouvrement de la dette, à savoir la sortie, ne permet pas de nier l’existence de la fortune, comme le disent « certains » (i. e. Démocrite), cf. Phys. II 4, 196a3.
15 La rencontre avec le débiteur vient illustrer ce qu’est la fortune. Mais c’est aussi, pour le débiteur, un cas d’infortune. Exceptée la remarque en Phys. II 5, 197a25-30 Aristote ignore totalement la mauvaise fortune ou le hasard malheureux. Là-dessus voir Mansion (1946), p. 307 ; Judson (1991), p. 77, note 12.
16 Cf. Platon, Timée 28a4-5 : πᾶν δὲ αὖ τὸ γιγνόμενον ὑπ ᾽αἰτίου τινὸς ἐξ ἀνάγκης γίγνεσθαι, « tout ce qui advient, advient nécessairement par l’action d’une cause ». En Physique II 4-6, la « cause » est autant un événement antécédent qu’une cause productrice (efficiente) immanente à un agent : chose, être animé, homme.
17 Tous les faits de hasard sont des faits exceptionnels. Sur la question de savoir si la réciproque est vraie, si tous les faits exceptionnels sont des faits de hasard, cf. Mansion (1945), p. 293. Voir aussi supra, la note 9.
18 On pourrait être tenté de parler ici de « déviation » en référence à la théorie du clinamen chez Lucrèce (De la nature, II, 215-293), qui introduit à côté de la chute nécessaire des atomes une causalité indéterminée. Ce parallélisme serait bien sûr très artificiel.
19 Comme il attribue au recouvrement de la dette la fortune comme cause.
20 Cf. Phys. II 6, 198a5-13.
21 Cf. Delcomminette (2018), p. 292, qui sur ce point rejoint Judson (1991), p. 80 : « Aristotle makes it plain that “coming to be incidently” in the analysis of chance involves — and only involves — incidental efficient causation ». Voir aussi Charlton (1970), p. 108, qui reproche à Aristote de ne pas avoir reconnu que dans les faits de hasard il n’y a pas de cause par soi.
22 Delcomminette (2018, p. 292, note 2) renvoie à Sedley (2007) et Dudley (2012) pour qui le hasard implique deux causes, la cause par soi et la cause par accident.
23 C’est là répondre à l’argument de ceux qui nient l’existence de la fortune en disant qu’« il y a une cause déterminée pour toutes les choses dont nous disons qu’elles adviennent par hasard ou par fortune » (Phys. 196a1-3). Qu’il y ait une cause déterminée n’exclut pas qu’il y ait aussi hasard.
24 On pourrait aller plus loin, car il s’agit plus que d’une coïncidence des causes (par soi et accidentelle). Dans la cas du hasard et de la fortune, une même et unique cause devient de cause par soi cause accidentelle. Dans le cas du constructeur qui est blanc, « constructeur » et « blanc » ne sont pas identiques, et l’accident, en tant que cause accidentelle, n’est pas cause d’un effet de fortune, cf. In Phys. 342.5-16.
25 En tant que cause efficiente accidentelle, le hasard (au sens large) est cause indéterminée (cf. Phys. II 5, 197a8 ; II 6, 198a3-5).
26 Chantraine (19992), p. 143 : αὐτόματος, « qui agit de soi-même » en parlant de personnes ou d’objets inanimés ; « composé de αὐτος et de -ματος appartenant à la racine de μέμονα, μέμαμεν, μένος, etc. ».
27 C’est là une définition qui est compatible avec la signification plus commune du « en vain » chez Aristote, à savoir : « sans but », « inutilement », signification exemplairement véhiculée par la fameuse formule « la nature ne fait rien en vain », cf. e. g. De gen. an. II 5, 741b ; De an. III 12, 434a ; De incessu an. 2, 704b17-18 (voir aussi De part. an. II, 691b ; III, 661b). La même thèse est défendue en Phys. II 8. Pour ce qui est de la promenade on peut dire qu’elle n’est pas faite en vain, mais dans le but d’une évacuation ; en même temps elle a été faite en vain si le but n’est pas réalisé.
28 C’est un peu le cas inverse de la pierre qui tombe et fracasse un crâne et où le résultat obtenu n’appartient pas à la nature de la pierre. Dans le cas de la promenade vaine, le résultat, que la promenade est censée atteindre par nature, n’est pas obtenu (là-dessus, voir déjà Charlton [1970], p. 110).
29 Fracasser un crâne pour une pierre est en quelque sorte un but « vide ». Je rejoins sur ce point Dudley (2012), p. 53 : « Hence Aristotle is saying that just as a stone did not fall in order to hit someone, that which occurs due to ταὐτόματον is in itself vain (μάτην), since it does not have a purpose ».
30 C’est le même exemple que prend Spinoza (qui défend une stricte philosophie mécaniste) pour réfuter le finalisme, cf. Éthique I, De deo, Appendice (dans B. Pautrat, Spinoza, Éthique, Paris, 1988, p. 85-7) : « une pierre est tombée d’un toit sur la tête de quelqu’un, et l’a tué ; les partisans du finalisme diront que c’est par la volonté de dieu que la pierre est tombée, pour tuer l’homme ; car si on veut relier l’accident à un concours de circonstances on est conduit à une regressio ad infinitum, à une recherche sans fin des causes (le vent qui s’est levé, suite, mécaniquement, à une agitation de la mer… et la décision de sortir, suite à une invitation, etc.), si bien que l’on se trouve contraint à rapporter cet accident mortel à une intervention divine et à se réfugier dans la volonté de Dieu, c’est-à-dire dans l’asile de l’ignorance ». Aristote est le premier à remarquer que l’explication par la fortune procède de l’ignorance, cf. Phys. II 4, 196b5-7 : « Il y en a d’autres par ailleurs, qui croient que la fortune est bien une cause, mais cachée à la raison humaine, parce qu’elle serait quelque chose de divin et trop surnaturelle ». Mais lui-même fait de la fortune et du hasard des causes proprement physiques (d’où leur intégration dans sa Physique) en tant qu’elles sont l’expression sous le mode accidentel des causes par soi que sont la pensée (διάνοια) et la nature (φύσις). Et même si Aristote n’adhère pas à la théorie mécaniste et défend l’idée que la nature agit pour des fins, il insiste sur l’idée que la pierre, qui a fracassé un crâne dans sa chute, n’est pas tombée pour tuer.
31 Cf. 197b26 : τὸ πεφυκὸς ἄλλου ἕνεκα et 27 ἐκεῖνο οὗ ἕνεκα ἐπεφύκει (souligné par moi).
32 La pierre pourrait par exemple avoir été lancée du haut d’une muraille sur le crâne d’un ennemi.
33 196b34.
34 Pour quel agent (pour quelle cause productrice) tuer un homme pourrait être un but si ce n’est pour un agent rationnel ?
35 Charlton (1970), p. 110 ne prend pas en compte pour expliquer le μάτην (« in vain ») la question du ce à quoi ou à qui on peut attribuer le résultat « qui aurait pu être le but » ; c’est, me semble-t-il, un point déterminant pour faire la différence entre fortune et hasard. Dans le cas du hasard (au sens strict) le but « possible » ne peut correspondre à une intention puisque l’agent (la pierre, le trépied, le cheval) est dépourvu de pensée. Dans le cas de la fortune le but « possible » ne peut être attribué qu’à un agent, rationnel, un « quelqu’un » (τις) (Phys. II 6, 197b32).
36 Je construis ἂν πραχθείη en facteur commun avec les groupes de mots ὅσα τε ἀπὸ διανοίας et καὶ ὅσα ἀπὸ φύσεως.
37 C’est ce que fait Ross (19361), p. 519 dans son commentaire à 196b17-22.
38 Dudley (2012) ne pose pas, sauf inadvertance de ma part, ce problème (et personne d’autre à ma connaissance). Le problème n’apparaît que si l’on construit ἂν πραχθείη avec ὅσα τε ἀπὸ διανοίας et καὶ ὅσα ἀπὸ φύσεως (sur le manque de cohérence chez Dudley dans sa traduction de Phys. II 5, 196b22 cf. In Phys. 335.21, la note ad locum). Il y a un grammaticalement un strict parallélisme entre « ce qui pourrait avoir été accompli par la pensée » et « ce qui pourrait avoir été accompli par la nature ». Mais il n’y a pas de parallélisme materialiter si dans « ce qui pourrait avoir été accompli par la nature » on introduit une double causalité ; celle de la pierre et de son mouvement naturel (non intentionnel) vers le bas et celle de l’agent doué de raison qui pousse (ou : pourrait avoir poussé) volontairement la pierre, qui devient alors instrument. Si l’on rejette l’idée qu’il puisse y avoir une quelconque ressemblance entre la chute naturelle de la pierre et l’acte intentionnel d’un homme (autrement dit, si l’on exclut une proposition telle que : « c’est comme si la pierre avait été jetée par quelqu’un »), alors la chute de la pierre et la mort de celui sur qui la pierre tombe relèvent d’une pure coïncidence (hors du téléologique), et la mort est une mort « bête », à laquelle on ne peut attribuer aucune signification.
39 Sur cette distinction cf. De an. II, 4, 415b2-3 : « le terme “fin” (τὸ οὗ ἕνεκα) a deux acceptions : d’une part le but lui-même, de l’autre le sujet pour qui ce but est une fin (τὸ μὲν οὗ, τὸ δὲ ᾧ) » ; voir aussi Mét. Λ 7, 1072 b1-3 ; Éth. à Eud. VIII 8, 1249b15. Dans la Physique Aristote renvoie à cette distinction en Phys. II 2, 194a35-36 ; là-dessus voir Simplicius, In Phys. 303.30-304.8 dans Lernould (2019), p. 156.
40 Une bonne ou mauvaise fortune ne peut se présenter que pour l’homme, cf. Dudley (2012), p. 49, qui renvoie à Brague (1988), p. 359-62. Je cite Brague p. 361 : « La fameuse “poule qui aurait trouvé une fourchette” peut se consoler de son embarras en songeant qu’elle n’existe pas, car jamais une poule ne trouvera une fourchette – la fourchette n’existant pas pour elle ». C’est ce qu’Aristote illustre clairement lui-même, cf. 197b6-11 : si on dit comme Protarque que les pierres dont on fait les autels jouissent d’une heureuse fortune, c’est seulement par métaphore. Maintenant, il semble bien que pour Aristote, en Phys. II, 4-6, il n’y ait aussi production par un agent dépourvu de raison d’un effet de hasard (au sens strict) que lorsque le résultat intéresse, ou est susceptible d’intéresser, un être doué de raison. Comme le dit très bien Charlton (1970), p. 107 : « Nothing is attributed to chance (and still less to luck) unless it is in a fairly striking way such as to be for something, adapted to some end ». De même Dudley (2012), p. 52 : « nothing happens ἀπὸ ταὐτομάτου unless it appears to have a purpose or to be meanningfull, i. e. to be the kind of thing that would habe been done to achieve purpose ». De fait les trois exemples que donne Aristote d’effets de hasard au sens strict (la pierre qui tombe et tue, le trépied qui dans sa chute prend la forme d’un siège, le cheval qui, parce qu’il revient est récupéré par son maître) impliquent un intéressement de la part d’un agent rationnel. Si une pierre tombe sans tuer quelqu’un, pour simplement rejoindre la terre, cela a bien sûr du sens, mais est totalement extérieur au domaine de la pratique.
41 Cf. In Phys. 348.32-33 (et la note ad locum) ; 349.1 et 11-12 ; 350.33. Réoccuper son lieu propre c’est aussi se réunir à la totalité à laquelle la pierre appartient, i. e. la terre, cf. 336.34.
42 Le seul résultat de la chute que retienne Aristote, c’est : un crâne fracassé. Ce qui n’exclut pas que la pierre puisse à la fois briser un crâne et retrouver son lieu propre, cf. Simplicius, In Phys. 348.31-349.4. Fin naturelle et résultat susceptible d’être pris pour fin pratique sont concomitants.
43 Ce qu’était le trépied pour Apollon et la Pythie à Delphes.
44 On connaît un voleur de trépied fameux : Héraclès, qui tenta de ravir de force à Apollon le trépied sur lequel le dieu siégeait pour rendre ses oracles, cf. e. g. Plutarque, Sur l’E de Delphes, 387d2-9.
45 Simplicius fait ainsi relever du hasard et le retour du cheval, et sa récupération par son maître ; plus exactement, le retour est un hasard, et le « salut », un effet de hasard (351.17-18).
46 C’est Cornford le premier qui a suggéré que l’exemple de la rencontre fortuite avec un débiteur pouvait être tiré d’une comédie perdue, cf. Wicksteed-Cornford (19291, 1957), p. 150, note a. Le cas de la pierre pourrait aussi être tiré d’une comédie perdue, cf. In Phys. 330.30 où Simplicius fait référence à une scène (rapportée par Eudème, fr. 54a Wehrli), elle aussi probablement tirée d’une scène de comédie, dans laquelle c’est un aigle qui laisse tomber une tortue sur la tête d’un homme chauve qui n’est autre qu’Eschyle (de fait les bustes anciens d’Eschyle le représentent chauve), provoquant la mort de ce dernier. Le vol du trépied auquel Simplicius fait allusion fait penser à la tentative de vol par Héraclès du trépied d’Apollon, qui a pu être repris lui aussi dans une comédie.
47 In Phys. 352.6-9.
48 Sur les difficultés que pose cette spécification du hasard, notamment dans le cas d’une mauvaise fortune, qui ne peut être une fin, cf. Mansion (1945), p. 307.
49 Cf. Phys. 196b34-36 : l’homme qui s’est rendu sur la place publique ne s’y est pas rendu pour recouvrer une dette, « mais c’est par coïncidence (συνέβη) qu’il lui est arrivé d’aller sur la place publique et que l’autre a fait ce retrait de fonds, de telle sorte que notre homme récupère son argent ». C’est dans cette conjonction de deux causes par soi que Judson reconnaît la cause par soi de la rencontre avec le débiteur, cf. Judson (1991), p. 91 : « Thus the per se cause of the coincidental encounter in the agora is the conjunction of the per se cause of the creditor’s going to the agora and that of the debtor’s going there ».
50 In Phys. 337.1-338.3 ; 342.5-16 ; 354.26-355.12.
51 Sur l’importance du commentaire perdu d’Alexandre sur la Physique pour le commentaire de Simplicius, cf. Rashed (2011), p. 23-29 ; Lernould (2019), p. 29-34. Sur un peu plus de trente pages que compte le commentaire de Simplicius à Phys. II, 4-6 Alexandre est cité ou mentionné seize fois, soit en moyenne environ une fois toutes les deux pages !
52 Cf. In Phys. 1170.2, 13 ; 1176.32, ou encore : « l’Exégète » (313.30).
53 332.20-22.
54 358.5-29.
55 Ce faisant Simplicius ne respecte pas le principe qu’il s’est donné de suivre, à savoir celui de ne pas dépasser les limites d’un discours physique en y introduisant de la théologie, cf. In Phys. 148.22-24 (là-dessus, voir Golitsis [2008], p. 17). Il est vrai que Simplicius parle là des « choses les plus extrêmes de la théologie ». Et il est vrai aussi que dans les Livres VII et VIII de la Physique Aristote introduit le Premier Moteur, que les Néoplatoniciens identifient avec l’Intellect transcendant. Aussi Simplicius peut-il conclure son commentaire sur la Physique par un éloge d’Aristote « qui a prouvé que la réalité naturelle tout entière dépend de la Cause surnaturelle et que la science de la nature dépend de la philosophie première, donnant ainsi à son traité sur les principes des réalités naturelles le plus beau des couronnements » (In Phys. 1366.19-22). Sur l’idée que la Physique, qui a pour objet les principes des réalités naturelles (i. e. corporelles), conduit aussi au divin et à la théologie, cf. In Phys. 2.8-11 et 5.10-21 ; là-dessous voir Lernould (2019), p. 18-23.
56 Dans la hiérarchie néoplatonicienne du divin le Démiurge, à savoir Zeus, appartient à la première triade des dieux intellectifs (qui sont des dieux transcendants). Le commentaire de Simplicius au De caelo se clôt par un hymne au Démiurge, cf. Hoffmann (1987), p. 204-210.