1 Nous nous permettons sur ce point de renvoyer à notre ouvrage (Oger, 2021). Peut-être pouvons-nous en proposer ici les définitions approximatives suivantes : si les discours « d’autorité » peuvent apparaître comme des discours dotés d’un surcroît de crédibilité, produits et/ou reçus comme tels dans une communauté donnée (quelle que soit l’origine ou la source de cette crédibilité, et quelles que soient les voies de cette « croyance »), la notion de « discours autorisés » signale plutôt un processus de délégation de légitimité, émanant d’une institution reconnue (ou d’une entité transcendante). Un discours « autorisé » ne fonctionne pas nécessairement comme « discours d’autorité » (par exemple quand il émane d’une institution fortement contestée), en revanche tout discours d’autorité peut apparaître en définitive comme un discours « autorisé » au sens où il s’autorise toujours de « quelqu’un » ou de « quelque chose », fût-ce d’une valeur ou d’un principe, d’une entité abstraite ou transcendante qui fonctionne comme source ultime de légitimité de la parole (voir Oger, 2021, en part. chap. 2).
2 Pour une définition voisine du leadership, et des développements sur la distinction entre autorité (formelle, institutionnelle, en anglais authority) et leadership (capacité personnelle à « mener des hommes »), voir Karila-Cohen, 2013 ; Cohen, 2013, p. 45-53. Dans cette perspective le porte-parolat officiel relèverait principalement de l’authority.
3 Nous reviendrons plus bas sur l’intérêt d’élargir le sens donné à « institution » à d’autres organisations ou pratiques que le strict périmètre des institutions publiques.
4 Ferron, Née et Oger (dir.), 2022.
5 https://www.unicef.fr/article/les-ambassadeurs-et-ambassadrices-de-l-unicef, consulté le 29 septembre 2017.
6 Nous nous référons ici à la notion de médiation telle qu’elle a été travaillée depuis les années 1990 au sein des sciences de l’information et de la communication, à l’articulation de la sociologie (de la culture, des médias, ou de l’innovation) – et des approches sémio-discursives. Voir Davallon, 2004.
7 Délégation à l’Information et à la Communication de la Défense. Selon les termes du décret de création de la DICoD, le délégué est, entre autres attributions, le porte-parole du ministère de la Défense. Les conceptions qui régissent la fonction de porte-parole en milieu militaire présentent, dans leurs grandes lignes, de très fortes analogies avec celles qui ont cours au Ministère des affaires étrangères. Sur le détail de l’enquête que nous avions réalisée, voir Oger, 2003.
8 Conférence des Évêques de France. Les entretiens cités sont tous empruntés au mémoire d’une masterante en communication, Lucie Henman-Roche (2017). Les spécificités de l’Église catholique en rendent l’étude particulièrement intéressante pour qui s’intéresse aux questions de discours légitimes, ou discours d’autorité en général, ainsi qu’aux notions de dogme, de doctrine, mais aussi aux formes et genres de la communication adressée au « grand public » (catéchismes, littérature dévote, sermons).
9 Voir aussi Juhem, 2016, p. 113 et 115.
10 Également directeur de la communication de la CEF.
11 Abbé responsable des questions politiques pour le diocèse de Versailles et considéré comme « blogueur influent ». Padreblog (https://www.padreblog.fr/) existe depuis 2005.
12 À la différence du porte-parole adjoint et directeur de la communication, cité ci-dessus, et qui est un laïc, le porte-parole de la CEF est un évêque.
13 La désignation « blogueur influent » est communément admise dans le secteur de la communication et des médias, et couramment utilisée par les communicants, notamment dans les entretiens. Assez mal définie, elle repose sur une reconnaissance partagée au sein d’une communauté donnée, généralement étayée par l’association de critères quantitatifs (métriques relatives aux blogs ou aux comptes de réseaux sociaux) et qualitatifs (notoriété, citations et reprises, mentions par des locuteurs eux-mêmes autorisés)… Sans être soumis à une obligation d’orthodoxie, ils ne sont répertoriés comme tels que si leurs propositions alimentent le débat interne à la communauté concernée, s’ils se situent en comme dans l’espace du discutable et au centre des procédures de « commentaire » (Foucault, 1971, p. 25-40).
14 L’auteur est également avocat, et son blog (http://www.koztoujours.fr/) a été créé en 2005.
15 Sur le lien établi, dans la culture de l’armée de terre, entre cohésion du groupe et cohérence du discours, et pour un commentaire plus détaillé, voir Oger, 2000.
16 Initialement tributaire des travaux de Michel Foucault d’une part et de Michel Pêcheux d’autre part (Oger, 2004), la notion de formation discursive s’attache au repérage des contraintes régissant l’énonciation dans le cadre très large de la formation (et pour certains auteurs de l’affrontement) des idéologies. Celle de communauté discursive, plus tardive, renvoie à l’étude de pratiques discursives plus circonscrites (Maingueneau, 1992), et partagées par des communautés plus diverses (professionnelles par exemple). Voir Oger, 2019.
17 Parallèlement à l’évolution décrite, cette dimension n’a bien entendu pas perdu de son intérêt et les recherches sur cette question connaissent même un regain d’intérêt en France depuis une dizaine d’années : sur la notion d’idéologie et la façon dont elle peut être travaillée en AD aujourd’hui, voir Lambert et Schepens, 2011. Sur le jeu antagoniste et souvent implicite des discours et contre-discours, voir Auboussier, 2015. Signalons d’autre part que l’intérêt pour les discours politiques et pour l’approche critique de l’idéologie constitue le cœur de la Critical discourse analysis qui domine la recherche anglophone en analyse du discours, autour de Ruth Wodak (2009) et Norman Fairclough (2010) par exemple.
18 Sur relations entre formation et communauté discursives, voir Maingueneau, 1992 et Oger, 2005.
19 Ne pouvant mentionner ici avec précision les travaux évoqués, nous nous limiterons à la mention en note des noms des chercheur.e.s concerné.e.s.
20 Voir notamment les travaux de R. Amossy, S. Cohen-Wiesenfeld, C. Oger, R. Micheli.
21 Par exemple dans les recherches de D. Maingueneau, A. Duchêne, F. Sitri, E. Née, M. Véniard.
22 Ces questions ont fait l’objet de publications d’A. Krieg-Planque, C. Oger, C. Ollivier-Yaniv, C. Gaboriaux…
23 Quoi qu’il en soit des relations de Pierre Bourdieu à la sociolinguistique, sa formulation relative au skeptron de l’orateur (Bourdieu, 1982, p. 105) induit clairement ce type de lecture. Ne pouvant aborder ce point, nous renvoyons, pour plus de détails sur les désaccords entre analyse (ou sociologie) du discours et sociologie critique, à la discussion de Ce que parler veut dire par Pierre Achard (1983). Voir sur ce point Oger, 2021, chap. 6.
24 Conception courante mais évidemment erronée, et de toute façon largement dépassée, au moins depuis les années 1950, et les travaux de Perelman. Aujourd’hui, l’hybridation entre les apports de la tradition rhétorique, ceux des études argumentatives et de l’AD, est illustrée notamment par des travaux comme ceux de Ruth Amossy ou de Roselyne Koren et par l’ensemble des livraisons de la revue AAD : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/aad/.
25 La maîtrise des genres réputés majeurs (interview, tribune, conférence de presse…) constitue par exemple une norme largement partagée par les grands médias et les communicants institutionnels.
26 C’est la limite d’un ouvrage comme celui d’Éric Hazan (intitulé LQR, Lingua Quintae Reipublicae, en référence à la LTI, Lingua Tertii Imperii de Klemperer, mettant ainsi de fait en parallèle la Cinquième République et le Troisième Reich) que d’observer des usages similaires de la langue, sans différencier suffisamment leurs contextes (politiques, institutionnels, juridiques) respectifs. De même la violence verbale ne peut-elle être appréhendée dans une dimension strictement linguistique, ni interprétée en dehors de son contexte de production et de réception (Oger, 2012).
27 Citons pour mémoire, l’observation de Michel de Certeau dans L’écriture de l’histoire : « Les contraires sont donc compatibles dans le même texte à condition qu’il soit narratif » ([1975] 2002, p. 124).