Marchands, transactions économiques, écriture
p. 159-187
Texte intégral
11. Aristote, soulignant l’utilité de l’écriture, des grámmata, dans divers champs d’activité, mentionnait tout d’abord le khrēmatismós et l’oikonomíē, c’est-à-dire « les affaires » et l’administration du patrimoine1, donc des domaines d’utilisation de l’écriture dans la vie sociale auxquels semble bien s’adapter – surtout dans le cas du khrēmatismós – la notion de matrice socio-linguistique de « domaine scriptural des transactions économiques », récemment introduite par G. Cardona dans son essai Antropologia délla scrittura 2.
2Malgré le caractère inévitablement schématique de telles classifications, qui, d’un point de vue général, soulèvent des problèmes considérables sur le plan historique3, cette notion semble appropriée à la délimitation et à la définition descriptive du champ de l’expérience scripturale qui nous intéresse dans cette étude. La présente recherche se propose, en effet, de sonder les conditions, les caractères et la signification de l’émergence et du développement d’un tel domaine scriptural dans les sociétés grecques entre le VIIIème et le IVème siècle avant J.-C. ; elle se place dans une perspective théorique qui voit l’écriture comme une « technologie sociale » historiquement déterminée dans ses caractères formels et surtout dans ses modes et contextes d’utilisation, et, en même temps, comme un élément potentiellement innovateur et « créateur », tant sur le plan des pratiques sociales que sur celui des attitudes et des compétences intellectuelles inhérentes à ces pratiques4 .
3L’enquête rencontre de sensibles difficultés de documentation qui dérivent de la nature même des supports d’écriture utilisés par les Grecs : ceux-ci semblent en effet avoir ignoré l’emploi des tablettes de terre cuite auxquelles nous devons, pour l’essentiel, notre connaissance des pratiques scripturales propres au domaine des transactions économiques dans le Proche-Orient ancien. En raison de la perte inéluctable des supports d’écriture périssables (tablettes en bois recouvertes de cire ou blanchies, papyrus, etc.)5 plus ou moins certainement utilisés par les Grecs dans ce domaine, qui suppose vraisemblablement l’emploi privilégié de tels supports, l’échantillon de documents qui nous sont parvenus n’est pas fiable, puisqu’il n’est pas représentatif de façon certaine ; il pose donc des limites objectives, qualitatives aussi bien que quantitatives, à une appréciation correcte des caractères et du développement de ce domaine scriptural.
4Même si l’on tient compte de ces difficultés de documentation, qui ne s’atténuent que pour la période la plus récente (essentiellement le IVème siècle avant J.-C.), grâce aux informations que fournissent plus ou moins incidemment les sources littéraires surtout relatives au monde athénien, on peut constater que notre champ de recherche offre deux aspects très différents.
5En effet, si l’on regarde les phases initiales de l’expérience scripturale grecque, le domaine des transactions économiques semble y avoir une importance primordiale, dans la mesure où on lui attribue très souvent un rôle premier et fondamental dans la lecture des processus d’introduction et de diffusion de l’écriture alphabétique, qui aurait trouvé là son champ prioritaire et privilégié d’utilisation et de fonctionnalité6 .
6Si, au contraire, on prend en compte les développements d’ensemble de cette expérience, les domaines où l’adoption du code graphique se révèle la plus importante, originale et innovatrice sont sans nul doute celui de l’instruction formelle et de la production littéraire (et scientifico-philosophique), d’une part, et, de l’autre, celui du pouvoir politique et des lois. Par comparaison – et même en tenant compte des difficultés de documentation déjà mentionnées –, l’utilisation de l’écriture dans les transactions économiques, et plus généralement dans le domaine économique tout entier, aussi bien public que privé, a somme toute une importance secondaire. Laquelle tient aux limites à la fois techniques et opératoires, mais surtout conceptuelles et structurelles, qui caractérisent en général l’expérience grecque dans le champ économique et qui se reflètent aussi, comme l’a récemment montré M.I. Finley, dans les traits particuliers de la pratique documentaire7. Dans ce domaine, l’écriture ne semble pas exercer des fonctions complexes et « sophistiquées » : elle n’est pas l’instrument de pratiques systématiques de « collecte », de communication, de conservation et d’élaboration de données nécessaires à des choix et des interventions économiques ; elle ne contribue pas non plus à développer des intérêts et des attitudes en vue de l’analyse statistico-économique.
7Dans ces conditions, notre recherche elle-même doit s’articuler sur deux moments différents. D’une part – et puisque les questions liées à l’émergence du domaine scriptural des transactions économiques (conditions, caractères et signification du phénomène) engagent toute la problématique relative à l’introduction de l’écriture et à son statut initial, et, en quelque sorte, se résolvent en elle –, il est bon de commencer par discuter cette problématique, et, plus particulièrement, de vérifier la théorie de « l’origine mercantile de l’alphabet » et l’idée connexe d’un développement précoce et significatif du domaine scriptural qui nous intéresse. D’autre part, en l’absence d’études d’ensemble sur le sujet, nous chercherons, en utilisant les indices fournis par les documents disponibles, à repérer quelques aspects caractéristiques de l’expérience scripturale grecque dans ce domaine, avec une attention particulière aux développements que l’on peut y découvrir, dans les limites mêmes dont nous avons parlé.
8 2. Si, dans les études les plus récentes et les plus significatives sur l’histoire archaïque, on s’accorde à reconnaître l’importance fondamentale de l’introduction et de la diffusion de l’écriture alphabétique8, il est cependant difficile de saisir avec précision les contextes de pratiques sociales dans lesquels ces processus s’accomplissent, et d’évaluer, par rapport à eux, le statut social et fonctionnel de l’écriture dans ses phases initiales.
9Ces difficultés constituent, en partie du moins, l’expression significative des caractères particuliers de l’expérience scripturale archaïque et des sociétés où elle s’accomplit. Pour mieux apprécier ces particularités, il n’est pas inutile de rappeler, comme terme de comparaison, le cadre des expériences scripturales grecques les plus anciennes, celles liées à l’utilisation du « Linéaire B » dans les sociétés mycéniennes. En effet, il est très probable que l’emploi de cette écriture – attestée presque exclusivement dans des notes et des comptes rédigés par des fonctionnaires du palais, qui, vraisemblablement, l’avaient aussi créée pour répondre aux exigences inhérentes à leurs tâches –, soit toujours resté pour l’essentiel limité au cercle des compétences et des fonctions de ces « bureaucrates ». Ce statut restreint et spécialisé de l’écriture doit être mis en rapport non seulement avec le caractère relativement compliqué du système Linéaire B en tant que tel, mais aussi et surtout avec le rôle particulier qu’assume, dans la structure socio-économique mycénienne, l’instance centrale, le palais, et qui suscite l’apparition de fonctions administratives et comptables spécialisées, elles-mêmes créant et utilisant l’écriture comme leur instrument particulier et exclusif. Ce n’est probablement pas par hasard que le Linéaire B disparaît avec la chute des palais mycéniens et la fin de l’organisation sociale dont ils étaient le centre9.
10Quatre siècles plus tard, environ, quand l’écriture réapparaît dans le monde grec, vraisemblablement dès la première moitié du VIIIème siècle avant J.-C.10, son statut social et fonctionnel présente des différences et des nouveautés radicales, que l’on peut attribuer, pour l’essentiel, à l’effet combiné de deux facteurs principaux, l’un d’ordre technique, l’autre d’ordre structurel.
11On a, d’une part, les traits particuliers de l’écriture alphabétique en tant que technologie de la communication, avec l’extrême simplicité de son répertoire de signes et la transparence (non-ambiguïté) intrinsèque de ses « messages », liée à l’introduction des signes représentant les voyelles11. On a, d’autre part et surtout, le cadre d’ensemble des sociétés grecques dans la période concernée avec leurs structures relativement fluides, ouvertes, dépourvues d’instances centrales importantes dans l’organisation politique, économique et religieuse, caractérisée pour l’essentiel par l’existence d’une pluralité, plus ou moins articulée et diversifiée, de sujets qui se reconnaissent et s’affrontent en tant que tels dans un espace qualifié, pour cette raison, comme celui d’une communauté12 . C’est un cadre d’ailleurs marqué par un fort dynamisme perceptible à tous les niveaux : il suffit de rappeler que le VIIIème siècle est le siècle qui voit la naissance de la pólis et le grand développement du monde grec du point de vue démographique, colonial et « commercial », mais aussi artisanal et plus généralement, culturel : ce n’est pas par hasard que ce siècle a été défini comme l’époque de la « Renaissance grecque »13 .
12De la combinaison de ces deux facteurs principaux dérivent les traits essentiels du statut de l’écriture alphabétique grecque depuis ses origines ; ceux-ci sont marqués par une pratique premièrement « privée », ni professionnelle ni, pourrait-on dire, exclusivement réservée à une catégorie d’utilisateurs ou à certains contextes et modalités d’emploi14 ; une pratique, donc, qui n’apparaît pas introduite (ni exercée) dans le cadre de secteurs de la réalité sociale (et culturelle) structurellement et fonctionnellement différenciés au point d’être capables d’en monopoliser ou, du moins, d’en spécialiser l’emploi15, ni non plus, dirais-je, dans des contextes susceptibles d’en « canoniser », en termes d’autorité ou de prestige, les caractères formels et « techniques » : témoins la physionomie « expérimentale » et multiforme des premières expériences alphabétiques16, ainsi que la diversification initiale et l’agrandissement progressif et constant du champ et des modalités d’emploi de l’écriture17.
13Les traits particuliers de ces premières expériences et des sociétés où elles s’accomplissent dessinent un cadre où l’émergence du domaine scriptural qui nous intéresse trouve des conditions généralement adaptées et cohérentes. Lorsqu’on s’interroge sur les caractères spécifiques de ce domaine et sur la place qu’il occupe aux commencements de l’écriture, on se trouve dès l’abord confronté avec la théorie de l’origine mercantile de l’alphabet. L’opinion qui attribue aux marchands le mérite d’avoir adopté (et adapté) l’écriture phénicienne et d’en avoir introduit et diffusé l’emploi dans le monde grec est si largement répandue parmi les spécialistes18 qu’on peut parler d’une vraie vulgate19 .
14Comme dans toute vulgate, dans ce cas aussi, les fondements et les contours de cette théorie ne sont pas toujours énoncés et définis avec précision. On peut, cependant, constater que, dans sa version la plus « dure », celle-ci va chercher explicitement le ressort qui a déclenché le processus d’introduction dans les exigences et les pratiques inhérentes à l’activité commerciale, qui aurait aussi dessiné le champ prioritaire et privilégié de l’écriture alphabétique20 .
15 Tout au contraire, des historiens autorisés de la société et de l’économie grecque ont formellement nié l’usage de l’écriture dans le commerce archaïque21, ou l’ont admis seulement dans des proportions insignifiantes22, ou, même, n’ont tout simplement pas jugé utile de prendre en considération la question de savoir s’il y eut un rapport significatif, du point de vue génétique et fonctionnel, entre le commerce et l’écriture23 .
16C’est de la divergence de ces deux positions que naît la nécessité d’une mise au point de la question. Il faut dire tout de suite que si la thèse d’un commerce archaïque « analphabète » semble désormais impossible à soutenir, la théorie de l’origine mercantile de l’alphabet, elle, ne s’appuie pas sur des bases documentaires directes : comme l’a souligné récemment A.W. Johnston, dans notre documentation sur les premières phases de l’écriture grecque « we have no commercial uses in any regular sense of the term »24 .
17En effet, les arguments les plus couramment avancés pour soutenir cette théorie sont de deux ordres : d’une part, on constate que l’alphabet grec dérive de l’écriture employée par les Phéniciens – peuple avec lequel, selon l’opinion générale, les Grecs sont entrés en contact avant tout et surtout dans le domaine commercial25 ; d’autre part, on fait valoir les caractères que présentent les alphabets archaïques, dans leurs rapports entre eux et avec les modèles orientaux, en tirant argument de la reconstruction qu’ils permettent des processus de transmission et de diffusion de l’écriture26 .
18 Sans entrer dans les détails « techniques » de cette problématique complexe et controversée, je me contenterai de rappeler schématiquement la reconstruction la plus autorisée et la plus convaincante de ces processus, celle d’abord proposée par R.M. Cook et A.G. Woodhead, et qui a été admise et développée récemment par A. Heubeck27 . A l’origine de la transmission, leur interprétation ne postule pas un modèle phénicien officiel et monumental ; elle vise plutôt une praxis scripturale variée et courante, qui, dans un contexte de contacts et de rapports étroits entre Phéniciens et Grecs, aurait, à peu près au même moment, suscité chez des individus et dans des groupes divers, l’exigence de l’emprunt, tout d’abord sous la forme de l’apprentissage de la série des signes, puis, aussi en les adaptant aux caractéristiques de leur propre langue. Ces processus de réception et d’adaptation, plus ou moins mécaniques et plus ou moins novateurs28, produisent, dans le milieu unitaire et relativement homogène où ils s’accomplissent, des résultats convergents sur une série de points importants (en particulier les voyelles) mais non sur tous. D’où la genèse plus ou moins contemporaine d’une série d’alphabets « individuels » diffusés ensuite dans différentes parties du monde grec et plus tard fixés dans les alphabets locaux.
19Le lieu de la transmission première se définit, donc, comme un contexte de rapports étroits, continus et quotidiens entre Phéniciens et Grecs, et, plus précisément, des Grecs de provenances et destinations différentes. Si l’on prend de même en compte le fait que la diffusion géographique de l’alphabet dans ses variantes, diffusion importante et vraisemblablement rapide, semble suivre les lignes des principales « sea-trade-routes » archaïques29, on peut en tirer le modèle plausible d’un contexte commercial de transmission, carrefour international de rapports et d’échanges impliquant Grecs et Phéniciens30, et aussi l’exemple de canaux et de véhicules marchands de diffusion31 .
20Même si un tel modèle ne doit pas être conçu d’une manière trop rigide et exclusive – il ne faut pas négliger, par exemple, le rôle qu’ont pu jouer dans la diffusion de l’alphabet des phénomènes comme la colonisation et l’artisanat –, il apparaît cependant assez pertinent, à la lumière de ce que l’on peut entrevoir des réalités du VIIIème siècle ; ce qui rend pertinente aussi la thèse d’un rôle significatif joué par les « marchands » dans l’introduction et la diffusion de l’écriture alphabétique. On n’en dira pas autant de la version « dure » de la théorie de l’origine mercantile, dont la formulation la plus récente et la plus explicite est due à A. Heubeck. Le cadre extrêmement exigu et relativement insignifiant dessiné par la documentation la plus ancienne – dans la plupart des cas, ce sont des vases ou des fragments céramiques portant des noms propres ou des vers d’inspiration homérique – ne saurait, selon lui, refléter de manière adéquate ni quantitativement ni qualitativement le champ des réalités scripturales de l’époque. Il conviendrait donc de postuler l’existence de pratiques scripturales, sur lesquelles nous n’aurions pas de documents en raison du caractère périssable de leurs supports, pratiques plus amples et plus significatives, qui permettraient donc d’expliquer l’introduction et la diffusion rapide de l’écriture. Étant donné le contexte probable de l’introduction de l’alphabet et ses vecteurs de diffusion, étant donné que, selon lui, les exigences premières qui ont déclenché ces processus doivent se concevoir surtout en termes d’utilité pratique et d’avantages concrets, Heubeck finit par identifier dans les activités commerciales le véritable contexte de telles exigences et de tels processus, ainsi que de ces pratiques d’écriture étendues et significatives où se seraient exprimées dès l’origine l’utilisation et l’utilité de l’alphabet. Ces pratiques d’écriture il les définit en termes d’enregistrement, d’inventaire, de comptabilité et de correspondance commerciale, par rapport auxquelles les documents qui nous sont parvenus ne représenteraient que des párerga, sorte de divertissement graphique et parfaitement marginal32 .
21Si les réflexions qui constituent le point de départ de Heubeck sont, du moins en partie, acceptables, ses conclusions appellent cependant quelques réserves, avant tout d’ordre technique et concernant en particulier la numérotation grecque. Je ne parle pas ici de l’absence, relevée par Johnston33, de toute notation chiffrée dans la plus ancienne documentation qui nous soit parvenue, car des pareils arguments ex silentio ne seraient pas décisifs, en particulier dans la perspective de Heubeck. Je fais surtout allusion au fait que les systèmes numériques grecs, attestés à partir du VIème siècle avant J.-C. seulement et avec des variantes remarquables (certaines expérimentales et sans suite), ne dérivent nullement des modèles orientaux, mais sont l’expression de processus et de tentatives diverses, qui se situent tous essentiellement à l’intérieur de l’écriture alphabétique grecque et se placent vraisemblablement dans une phase relativement avancée de son histoire34, Il est en outre intéressant d’observer que les documents qui attestent ces processus et ces tentatives, aux VIème et Vème siècles avant J.-C., apparaissent précisément dans des contextes d’activité et de rapports commerciaux. Il s’agit, en effet, de trademarks sur lesquels nous reviendrons bientôt.
22A la lumière de ces observations, il semble difficile d’admettre le caractère prioritaire et fondamental d’exigences et de pratiques d’écriture inhérentes à l’activité commerciale, telles que les définit Heubeck35 . Mais c’est justement cette définition qui constitue la limite principale de la théorie de l’origine mercantile de l’alphabet dans sa version « dure » : les « marchands », leurs exigences, leurs activités et leurs pratiques, et, donc, leur rôle même dans l’introduction et la diffusion de l’écriture apparaissent en effet, conçus dans une dimension technique, unilatérale et abstraite, dépourvue de connotations historiques précises.
23Comme l’a récemment montré la brillante analyse d’A. Mele36, dans le monde grec du VIIIème (et VIIème) siècle avant J.-C., la sphère des activités marchandes se présente comme un univers diversifié et multiforme, où coexistent plusieurs modèles opératoires et socio-économiques (le commerce – prêxis aristocratique dans ses différentes expressions et articulations, mais aussi le commerce – érgon hésiodique, ainsi que les premiers développements d’une emporíe différente, relativement spécialisée), et où le statut des marchands, leurs activités, leurs exigences, leurs intérêts, n’apparaissent pas, dans l’ensemble, saisissables dans une dimension uniforme, ni, à plus forte raison, spécialisée, technique et professionnelle.
24Dès lors, je me demande si le rôle que l’on peut légitimement attribuer, en se fondant sur l’histoire des alphabets archaïques, aux marchands comme protagonistes probables de l’introduction et de la diffusion de l’écriture alphabétique, ne trouverait pas une identification et une définition précise en référence à ce statut ni uniforme ni professionnel du commerce grec au VIIIème siècle avant J.-C. Il serait, en d’autres termes, l’expression d’une indifférenciation du statut social et fonctionnel de cette sphère d’activité, où, par conséquent, l’intérêt pour l’écriture, ainsi que son introduction et sa diffusion, pourraient s’être produits en rapport à des exigences et des pratiques sociales même très diverses. Cette hypothèse, d’ailleurs, rend compte des caractères généraux de l’expérience scripturale grecque mentionnés ci-dessus, bien mieux que ne le ferait l’hypothèse selon laquelle l’utilisation et la fonctionnalité de l’écriture alphabétique se seraient exprimées de façon prioritaire et privilégiée dans un contexte de pratique scripturales techniquement commerciales37 .
25 3. Discuter le bien-fondé de cette dernière hypothèse, ce n’est pas, cependant, écarter la possibilité que, dans ses phases initiales, l’écriture ait été employée aussi dans le cadre d’activités et de pratiques « commerciales », et plus généralement dans le domaine des transactions économiques. Les modalités d’une telle utilisation ne peuvent, toutefois, se repérer en termes anachroniques ; ce que l’on doit mettre avant tout en valeur ce sont les indices fournis par les documents qui nous sont parvenus.
26Cette démarche est, selon nous, rendue possible, en premier lieu, par les « inscriptions de propriété », qui constituent la plus grande partie des inscriptions alphabétiques grecques les plus anciennes, et qui reflètent une pratique scripturale diffusée également en milieu phénicien38 . Compte tenu des caractères de ces inscriptions et de leurs supports – dans la plupart des cas il s’agit de simples noms propres, d’abréviations ou de sigles et plus rarement de formules du genre « j’appartiens à un tel » ou « ceci appartient à » (quelquefois incluses dans des textes plus longs en forme métrique), gravés sur des amphores commerciales ou des vases peints39 –, et vu que l’usage de marquer la propriété (par exemple, par des sceaux personnels) n’est pas attesté dans le monde grec avant l’introduction de l’alphabet40, il n’est peut-être pas hasardeux de voir un rapport significatif entre les premières formes d’utilisation de l’écriture alphabétique, d’une part, et l’émergence et la diffusion d’un proprietorial concern, avec tout ce que cela implique vraisemblablement sur le plan des réalités socio-économiques.
27On peut se demander si cette exigence de marquer par l’écriture la possession de certains objets (il faut penser, par exemple, au cas des amphores de transport)41 n’aurait pas trouvé un terrain particulièrement favorable dans le domaine des activités « commerciales », qui se déroulent, en partie du moins, dans des contextes socio-économiques hétérogènes et fluctuants, et présentent, du point de vue des opérations et de l’organisation, des aspects intéressants dans cette perspective ; je fais allusion à l’existence et au développement d’articulations horizontales (ou associations) et verticales (ou délégations), et surtout au processus qui, en détachant l’activité commerciale des érga d’un côté et de la nauklēría de l’autre, donne naissance à la figure de l’émporos, à l’origine « passager », ensuite commerçant spécialisé voyageant avec son propre phórtos (ou chargement commercial) sur des navires qui ne lui appartiennent pas42. Dans ce type de contexte, les exigences qui s’expriment dans les « inscriptions de propriété » pourraient s’être traduites aussi dans d’autres pratiques scripturales sur supports périssables : par exemple, des listes de « marchandises » constituant un phórtos « personnel », qui joueraient un rôle dans les rapports entre propriétaire et « agent commercial » ou entre émporos et naúklēros (sur le navire de ce dernier pouvaient aussi voyager plusieurs émporoi avec leurs phortía), ou encore entre associés dans une même entreprise commerciale.
28Des pratiques de ce genre trouvent peut-être un écho significatif dans un passage de l’Odyssée, où l’on peut entrevoir l’émergence de nouveautés sensibles dans le statut social et opérationnel du commerce archaïque43. Il s’agit du passage où Homère attribue à l’arkhòs nautáōn le rôle de « surveillant des marchandises et des gains alléchants », mais aussi celui de « mémorisateur du chargement » (phórtou mnḗmōn), rôle qui, selon B. Bravo, était tenu par l’écriture à l’époque archaïque et même à l’époque de la composition de l’Odyssée44 . Cependant, étant donné l’absence d’une documentation concluante sur ce point, tout ce que l’on peut dire avec certitude c’est qu’au IVème siècle avant J.-C. ces fonctions sont désormais fixées dans le rôle spécifique du tamías du naúklēros, « chargé d’enregistrer les marchandises, les passagers, le paiement des droits de douane et de tout ce qui concerne la comptabilité d’un navire »45. Il s’agit donc d’une fonction peut-être liée, dès l’origine, à l’emploi de l’écriture, et certainement de plus en plus envahie par celle-ci, jusqu’à apparaître comme un rôle socio-économique spécialisé. Ce processus d’amplification et de spécialisation des pratiques d’écriture administratives et comptables en usage sur les navires de commerce n’a pas laissé, cependant, de traces documentaires directes.
29Nous sommes également très mal informés sur l’aspect épistolaire que Heubeck considérait comme l’un des aspects fondamentaux des pratiques d’écriture commerciales et qui apparaît comme tel, par exemple, dans le monde mésopotamien. En réalité, très peu de lettres grecques inscrites sur des plaques de plomb (le catalogue de Bravo s’arrête au n° 6)46 nous sont parvenues. Même la lettre la plus ancienne et la plus intéressante, celle d’Achillodore, datée approximativement de 500 avant J.-C., qui constitue un indice important de la présence de pratiques épistolaires dans le monde du commerce archaïque, ne dit pourtant rien sur leur éventuelle utilisation et leur efficacité dans le déroulement même des activités commerciales. Bien qu’il s’agisse d’une lettre écrite par un émporos, je dirais même un émporos dans l’exercice de ses fonctions, ce n’est pas une « lettre d’affaires »47 . Là aussi, c’est au IVème siècle avant J.-C., seulement, que l’emploi plus ou moins important des Geschäftsbriefe, comme instrument de communication et d’information avec les partenaires ou les agents commerciaux résidant à l’étranger, est attesté par quelques allusions dans les sources littéraires48.
30L’ensemble de documents écrits, le plus important qu’ait laissé le commerce grec du VIème et du Vème siècle avant J.-C., est celui des t rade marks : ce sont des inscriptions courtes, tracées surtout sous le pied des vases peints d’exportation (principalement attiques), qui, à la lumière des conclusions ressortant des analyses minutieuses récemment présentées par A.W. Johnston, peuvent être considérées dans leur grande majorité comme l’œuvre de marchands qui se rendaient dans les ateliers de céramique et passaient des commandes, en marquant parfois un vase pour signaler le modèle choisi49 . Ces « marques » expriment donc une pratique d’écriture directement utile au déroulement d’un certain type d’activité commerciale : l’écriture, de façon générale, apparaît comme un instrument de repère, de mémorisation, et de vérification dans le rapport, plus ou moins occasionnel ou habituel, entre commerçant et atelier artisanal, et entre le moment de la commande et celui de la remise de l’objet, plus ou moins éloignés et dans le temps et dans l’espace50 .
31Dans ce cadre général, il faut porter une attention particulière à quelques aspects de ces trademarks (surtout du Vème siècle avant J.-C.) qui ne sont pas, comme la plupart de ceux du VIème siècle, de simples sigles et qui signalent l’apparition, dans une pratique scripturale aussi elliptique, aussi informelle et entièrement « privée », d’exigences de spécification par écrit des choix, des commandes, etc. Ces spécifications, elles-mêmes le plus souvent abrégées, se réfèrent, par exemple, au nombre des vases, évidemment du même type que le vase marqué, quelquefois avec le nom de ce type et parfois même avec l’indication du prix ; au caractère composite du stock commandé, toujours avec le nombre des pièces ; ou encore aux différents types de vase commandés avec l’indication de leurs nombres et de leurs prix respectifs51. Dans ce dernier cas, la liste a tendance à suivre un ordre décroissant selon la valeur unitaire des différents types de vase52 . Il s’exprime ici une fonction fondamentale de l’écriture : la mise en ordre de données hétérogènes, dont la présence dans une pratique scripturale aussi condensée et aussi elliptique renvoie vraisemblablement à l’existence, dans le monde des activités commerciales, de pratiques d’enregistrement et de comptabilité relativement répandues. On peut en effet affirmer que la valeur des trademarks comme indices de l’utilisation de l’écriture dans les pratiques commerciales ne doit pas être restreinte au commerce des vases peints. Car on peut supposer, en tenant compte aussi des chiffres relativement bas des stocks commandés, que ces vases ne devaient normalement constituer qu’une partie d’un chargement commercial et ne faisaient probablement pas l’objet d’un commerce spécialisé53 .
32Pour ce qui est de l’innovation technique et intellectuelle, les aspects les plus importants des trademarks sont, à mon avis, la présence de chiffres et d’indications de prix. J’ai déjà parlé du premier aspect ; je me limiterai ici à souligner que les trademarks attestent, à partir de la première moitié du VIème siècle l’emploi, dans le contexte des activités commerciales privées, de systèmes, parfois expérimentaux, de notations chiffrées54, tandis que, dans les inscriptions « publiques » de l’époque, les chiffres apparaissent toujours écrits en lettres, et c’est seulement à partir du milieu du Vème siècle environ que l’on y constate l’emploi des chiffres proprement dits55. On est donc en droit de se demander si le contexte des activités et des rapports commerciaux n’a pas constitué, pour ainsi dire, le premier ou du moins l’un des principaux laboratoires où ont surgi l’exigence et l’idée des notations numériques, et où ont été expérimentées plusieurs possibilités de réalisation dans le cadre de l’instrument alphabétique : on aurait ainsi créé, en première instance, vraisemblablement une technique rapide et elliptique de représentation graphique des chiffres, en rapport immédiat avec la caractéristique principale des trademarks, ensuite aussi, peut-être, une technique « efficace » d’enregistrement et de calcul comptable.
33Quant aux indications de prix, attestées de façon sûre autour de 500 avant J.-C., époque où les signes spécifiques pour chaque unité monétaire (drachme, obole, hémiobole)56 font leur première apparition dans les documents, il est souvent très difficile de les interpréter correctement57. Dans les cas les plus clairs, il s’agit surtout, selon Johnston, de prix exigés, négociés ou payés lors du rapport entre le marchand et l’artisan au Céramique58. Ils expriment directement l’introduction de la monnaie dans le commerce des vases et dans les pratiques et les techniques scripturales qui en relèvent, et impliquent une dimension plus ample de ce phénomène dans le monde des activités commerciales59.
34Cela nous permet de passer à des types très différents de documents et de pratiques scripturales qui relèvent du domaine des transactions économiques.
35S’il est probable qu’il faut voir avec Ph. Gauthier, dans les légendes monétaires, l’expression d’exigences extra-économiques plutôt que des instruments d’information pratique pour l’utilisation des monnaies dans les circuits du commerce international60, cela n’exclut pas la possibilité de repérer un lien solide entre monnaie et situations scripturales du domaine en question. En effet, la diffusion de l’emploi de la monnaie frappée semble constituer l’arrière-plan de l’apparition, dans la sphère des rapports socio-économiques, de pratiques d’écriture nouvelles et importantes. Leurs expressions les plus complexes et les plus significatives sont probablement les registres et les documents bancaires, d’une part, et le contrat de prêt maritime, de l’autre, mais elles apparaissent tout d’abord dans la documentation sous la forme de reconnaissances, d’enregistrements et d’inscriptions de dette.
36Les documents les plus anciens de ce genre sont les inscriptions sur plaquettes de plomb de Corcyre, datées des environs de 500 avant J.-C., qui présentent une structure formelle standardisée et assez simple : nom du créancier au datif, avec sa subdivision civique d’appartenance, nom du débiteur au nominatif ; reconnaissance de la dette (opheílei) ; montant de la dette exprimé quelquefois en chiffres, parfois en lettres, vraisemblablement avec référence implicite à l’unité monétaire courante ; noms des deux témoins61 . En raison du caractère schématique de ces documents, et des problèmes que pose l’identification typologique du site de leur découverte, il est extrêmement malaisé de saisir avec précision la nature et les contextes opératoires et socio-économiques des rapports qui s’y reflètent (Calligas incline, cependant, à les situer dans des contextes d’activité commerciale, en les voyant comme des prêts pour le commerce maritime62), ainsi que l’efficacité et la signification spécifique de la pratique scripturale en question63 .
37Il est bon, pourtant, de souligner que ces documents attestent pour la première fois une utilisation de l’écriture relativement formalisée, et en quelque sorte donc, socialement reconnue, dans la sphère des rapports socio-économiques privés ; et il me semble important que ce phénomène se produise dans le champ spécifique de la dette, et en particulier de la dette monétaire64 .
38 D’ailleurs, c’est à une pratique sociale relativement répandue de l’écriture dans ce domaine, sous la forme spécifique des inscriptions des dettes, que semble renvoyer la métaphore de la dette qui ouvre la dixième Olympique de Pindare (vv. 1-9), C’est dans une perspective analogue qu’il faut lire aussi le passage des Nuées d’Aristophane (vv. 18 ss.) où le paysan Strepsiadès emploie un grammateîon sur lequel il inscrit les dettes (qu’il a contractées pour financer les extravagances de son fils) et où il calcule peut-être les intérêts.
39Il me paraît plus difficile de voir dans ce passage, avec Harvey, l’indice de la diffusion sociale de la pratique de l’accounting, c’est-à-dire de l’enregistrement par écrit « des gains et des dépenses », ou mieux, des entrées et des sorties65. C’est à une diffusion relative de ces pratiques que pourrait renvoyer le modèle de gestion de l’oîkos, défini comme attikḕ oikonomíē par le Pseudo-Aristote et attribué par Plutarque à Périclès, qui consiste à vendre en bloc toute la production agricole et à acquérir ensuite, petit à petit, sur le « marché » tout ce dont on a besoin66, Modèle très important, selon P. Spahn, qui, dans un travail récent, voit se produire dans l’Athènes du Vème siècle avant J.-C., de profondes transformations économiques dues à la diffusion rapide de l’emploi de l’argent et au rôle central qu’y assume le marché urbain. C’est alors que seraient apparues des exigences, attitudes et pratiques nouvelles, trouvant leur expression théorique dans une véritable doctrine économique de la Haushaltung d’origine sophistique, révolutionnaire par rapport à la tradition paysanne : doctrine centrée sur l’idée de « rationalité économique » et sur la nécessité et la pratique du calcul comptable en vue principalement d’une gestion optimale des entrées et des sorties financières67. A en juger pourtant par les rares indices documentaires dont nous disposons, il ne me semble pas que l’emploi systématique d’écritures comptables ait pénétré d’une façon sensible le monde des paysans-propriétaires attiques – monde « majoritaire », et pas seulement du point de vue numérique – ; ce sont surtout les rapports de dette et de crédit qui semblent y trouver une expression plus ou moins significative dans des pratiques scripturales68 , et non pas seulement dans la forme purement privée des inscriptions de dette. En effet, dans ce cadre s’inscrit aussi la pratique bien attestée des hóroi hypothécaires, très répandue entre les années 400 et 260 avant J.-C. dans le milieu attique ou sous influence attique69 . Cet ensemble documentaire, plus ample que celui des tablettes de Corcyre et plus instructif à plusieurs titres (notamment sur la nature des opérations, des rapports et des contextes socio-économiques), a été magistralement valorisé et interprété par M.I. Finley. Pour être bref, je me contenterai de renvoyer à ses conclusions, rappelant seulement comment y apparaît, entre autres, une fonction primaire de « publicité », accomplie par cette pratique scripturale en tant que telle dans un contexte de rapports d’obligation financière, contractés à des fins essentiellement extra-économiques entre citoyens propriétaires de terres et de maisons, unis entre eux par plusieurs types de liens sociaux70 .
40En revanche, dans le domaine des activités et des rapports liés intrinsèquement à l’emploi de l’argent, les pratiques scripturales de type comptable semblent avoir une diffusion et un rôle plus important. Nous avons déjà attiré l’attention sur les indices relatifs aux pratiques comptables utilisées sur les navires de commerce (au moins au IVème siècle avant J.-C.) et dans les activités propres aux commerçants (au moins à partir du Vème siècle)71. Cependant, c’est dans l’activité bancaire que le rôle de l’écriture apparaît le plus important : si l’écriture ne crée pas directement la banque grecque en tant que banque de dépôt et de prêt, du moins constitue-t-elle la condition essentielle à son apparition et à son fonctionnement. Elle y assume, en effet, un rôle toujours plus étendu et plus diversifié, comme le montre l’analyse proposée par R. Bogaert des pratiques scripturales et documentaires qui s’expriment à l’époque hellénistique dans la notion de diagraphḗ 72. Pour l’époque classique, le seul type d’écriture bancaire attesté ce sont les livres de banque (trapezitikà grámmata ou grammateîon) 73 où, cependant, comme en témoignent surtout les plaidoyers du Pseudo-Démosthène, Contre Callippe et Contre Timothée, s’exprime une pratique d’enregistrement et de calcul comptable systématique, extrêmement attentive et minutieuse, bien qu’empirique et « traditionaliste », probablement exceptionnelle par rapport aux habitudes de l’époque74 .
41Ce n’est pas par hasard que la banque grecque, fille de la monnaie frappée, se développe entre le Vème et le IVème siècles avant J.-C. à partir de l’activité des changeurs de monnaie, les argyramoiboí 75, c’est-à-dire de sujets opérant d’une manière spécialisée dans un secteur exclusivement monétaire et dans les lieux propres à la circulation internationale des personnes, des biens, et de l’argent. Dans un plaidoyer du Pseudo-Démosthène, le banquier Apollodore déclare que la plupart de ses clients, c’est-à-dire des titulaires de comptes de dépôt et de paiement, sont des commerçants toujours en voyage76. La banque grecque naît et se développe donc dans un secteur et dans des contextes socio-économiques où les activités et les rapports présentent un caractère primaire de quantification, mais aussi d’hétérogénéité, de mobilité, et, dirais-je, de marginalité sociale, dans le sens que les mécanismes sociaux traditionnels de mémorisation, de témoignage, de vérification s’y trouvent relativement inopérants ou inefficaces. C’est ici que l’écriture, et avec elle les chiffres, viennent remplir des fonctions spécifiques d’enregistrement et de comptabilité, mais aussi, dirais-je, de garantie : garantie, peut-être, d’abord seulement « psychologique » (je rappelle que le dépôt en banque s’effectuait sans que la présence de témoins fût nécessaire, par le simple enregistrement sur les registres bancaires)77, mais aussi, pour la suite, juridique, du moins dans une certaine mesure.
42Cette dernière fonction de l’écriture s’exprime aussi, et surtout, dans la pratique du contrat écrit, et en particulier dans la syngraphḗ, dont l’emploi semble apparaître et s’affirmer dans le contexte des activités et des rapports dynamiques et à haut risque du commerce maritime à longue distance78 . Elle est, en effet, attestée principalement sous la forme de la nautikḕ syngraphḗ, ou contrat de prêt à change maritime, dont l’importance et la nouveauté juridique ont déjà été soulignées par plusieurs savants79 . La structure formelle et le contenu de ce type de document, déposé auprès d’un tiers – souvent un banquier – et destiné à la destruction solennelle devant les parties et les témoins, une fois la relation contractuelle achevée à la satisfaction des contractants, sont connus pour l’essentiel grâce au Contre Lacrite de Démosthène qui cite le texte d’une syngraphḗ 80 . Celle-ci présente toute une série de clauses concernant le capital et les intérêts, les biens qui garantissent le prêt, les risques de la traversée, etc. ; clauses plus ou moins stéréotypées, à travers lesquelles transparaissent cependant, comme le souligne J. Velissaropoulos, « la richesse et la subtilité des usages et des coutumes qui régissent le commerce et la navigation »81 . Il s’agit donc d’une pratique scripturale où trouvent une expression sociale et juridique les règles élaborées, aussi et surtout oralement, comme on peut l’imaginer, à l’intérieur des pratiques commerciales elles-mêmes.
43Si la nautikḗ syngraphḗ semble en être la forme la plus importante, surtout du point de vue juridique, la pratique du contrat écrit est, cependant, attestée, du moins au IVème siècle avant J.-C., dans toute une série d’accords et de transactions (prêts, locations, ventes, engagements d’artisans ou embauches de salariés)82 ; mais, fait significatif, il s’agit de cas qui concernent tous des sommes considérables. On peut donc penser, avec Harvey83 , qu’en règle générale on rédigeait des synthêkai écrites seulement quand entraient en jeu des intérêts considérables et, ajouterais-je, avec Finley84 , lorsque, dans certains cas, des conditions ou des circonstances particulières l’indiquaient ou l’exigeaient.
44L’emploi du contrat écrit semble, pourtant, dans l’Athènes du IVème siècle, une pratique relativement répandue, mais occasionnelle, qui ne se généralise que dans le contexte du commerce maritime à longue distance, adoptant un caractère plus nettement dessiné soit sur le plan formel, soit sur le plan juridique ; phénomène qu’il faut probablement mettre en rapport avec les risques propres à ce type d’activité, mais aussi avec le fait qu’il s’agissait de relations impliquant très souvent des partenaires étrangers.
45 4. S’il est permis, à partir de ces sondages dans les affleurements documentaires du domaine scriptural des transactions économiques, de tirer quelques conclusions, nécessairement provisoires et hypothétiques, nous dirons que, dans l’ensemble, il s’en dégage une image de l’histoire de ce domaine, vue dans la double perspective des expériences scripturales et socio-économiques, plus équilibrée que celle qui se dessinait au début de l’enquête.
46En effet, nous avons observé que, même si l’on tient compte des graves limites documentaires, nous n’avons pas de raisons valables de penser que le domaine en question ait occupé une place prioritaire et privilégiée dans les phases initiales de l’écriture grecque, ni non plus qu’il soit déjà apparu, en tous ses traits essentiels, avec l’introduction même de l’écriture. Une telle opinion impliquerait d’ailleurs une vision en quelque sorte anachronique des réalités socio-économiques au début de l’époque archaïque, qu’il s’agisse du « style » des transactions économiques ou du « statut » professionnel des commerçants.
47D’autre part, il me semble qu’on peut repérer dans l’histoire de ce domaine scriptural des développements significatifs et en accord avec certaines dynamiques qui traversent l’histoire socio-économique grecque. En effet, on peut considérer comme un facteur important de ces développements la diffusion de l’emploi de la monnaie frappée et de l’argent, qui introduit un style différent, une complexité et une dynamique plus grandes dans le monde des activités commerciales et en même temps un élément d’articulation et de médiation entre ce monde et les réalités socio-économiques et institutionnelles de la polis.
48Par rapport à ces phénomènes, dans un domaine scriptural vraisemblablement limité, pour l’époque archaïque, à des pratiques très peu formelles, avec fonctions et efficacité toutes « privées » et « immédiates » (qui vont des inscriptions de propriété aux trademarks en passant par les listes de marchandises), on peut identifier des transformations qui se situent sur deux axes : d’une part, l’émergence de pratiques d’écriture de type comptable, plus ou moins complexes et systématiques (depuis les inscriptions de dette jusqu’aux écritures employées sur les navires de commerce et jusqu’aux registres bancaires), où s’expriment des exigences nouvelles ou plus complexes de gestion et de contrôle ; d’autre part, l’émergence de pratiques scripturales, concernant surtout les rapports d’obligation financière, relativement formalisées et pourvues d’une reconnaissance sociale et, sous certains aspects, juridique (reconnaissances de dette, hóroi hypothécaires, contrats écrits et, à certains égards, écritures bancaires). C’est là, à mon avis, que se réalise une fonctionnalité différente de l’écriture, appelée, dans un certain sens, à compenser et à neutraliser le caractère socialement anonyme, la « volatilité » et « l’invisibilité » des rapports d’obligation monétaire. C’est là que s’expriment, dirais-je, des exigences qui sont, pour l’essentiel, internes à la communauté socio-politique, c’est-à-dire issues du rapport entre un tissu socio-économique à bien des égards « traditionnel » et les nouvelles possibilités ou nécessités produites par la diffusion, dans ce tissu même, de l’emploi de l’argent.
49Ce n’est pas par hasard que, dans l’Athènes du IVème siècle avant J.-C., où ce rapport est le plus étroit et le plus complexe, on voit apparaître comme allant de soi, chez Aristote, l’utilité pour les citoyens de la connaissance des granimata « pròs khrēmatismòn kai pròs oikonomían ».
Notes de bas de page
1 Aristote, Pol., VIII, 3 (1338 a). A propos de ces notions, cf. dernièrement M. Venturi Ferriolo, Aristotele e la crematistica, Florence, 1983 ; C. Ampolo, « Oikonomia. Tre osservazioni sui rapporti tra la finanza e l’economia greca », AION, Archeologia e Storia Antica 1, 1979, pp. 19 ss. ; P. Spahn, « Die Anfänge der antiken Ökonomik », Chiron 14, 1984, pp. 301 ss., en particulier pp. 304-306.
2 G.R. Cardona, Antropologia della scrittura, Turin, 1981, pp. 19 ss. Il est intéressant d’observer qu’Aristote, vraisemblablement dans un climax qui exprime sa hiérarchie des valeurs, rapproche de ces champs d’activité celui de la mathesis et celui des politikaí praxeis, qui correspondent à deux autres des quatre domaines scripturaux distingués par Cardona (p. 70). Seul le domaine magico-religieux se situe en dehors de la perspective aristotélicienne.
3 Cardona (op. cit., p. 100) indique, par exemple, le marché comme lieu propre au domaine scriptural des transactions économiques mais historiquement il n’est pas évident que le marché, même si on le prend dans un sens purement descriptif, soit le lieu propre aux transactions économiques et à leurs pratiques scripturales. Il se trouve des cas, comme par exemple dans une bonne partie des sociétés du Proche-Orient ancien, où c’est le « palais » (ou le « temple ») qui, de façon privilégiée, joue un tel rôle. Le rapport entre « palais » et « marché » (ou entre « redistribution » et « échange ») constitue un problème central dans l’interprétation des origines mêmes de l’écriture dans le Proche-Orient ancien, origines qui semblent, d’après des hypothèses récentes, liées aux exigences et aux pratiques du domaine des transactions économiques. Cf. D. Schmandt-Besserat, « An Archaic Recording System and the Origin of Writing », Syrio-Mesopotamian Studies I(2), 1977, et Cardona, op. cit., pp. 69 ss. ; voir aussi les remarques de M. Liverani, « A proposito di nascita della scrittura », in Scrittura e Civiltà 7, 1983, pp. 261 ss.
4 Cette perspective doit évidemment beaucoup aux travaux importants de J. Goody ; cf. J. Goody-I. Watt, « The Consequences of Literacy », CSHS 5, 1963, pp. 304 ss. ; J. Goody (éd.), Literacy in Traditional Societies, Cambridge, 1968 ; J. Goody, The Domestication of the Savage Mind, Cambridge, 1977.
5 Cf. L. Jeffery, The Local Scripts of Archaic Greece, Oxford, 1961, pp. 50 ss. ; A. Heubeck, Schrift, Archaeologia Homerica III, 10, Göttingen, 1979, pp. 152 ss.
6 Cf. infra, pp. 166 ss.
7 M.I. Finley, « Le document et l’histoire économique de l’Antiquité », Annales E.S.C. 37 (5-6), 1 982, pp. 697 ss. ; cf. aussi « Aristotle and Economie Analysis », Past and Présent 47, 1970, pp. 3 ss., et The Ancient Economy, Londres, 1973.
8 Cf., par exemple, O. Murray, Early Greece, Glasgow, 1980, pp. 91 ss. ; A. Snodgrass, Archaic Greece. The Age of Experiment, Londres, 1980, pp. 78 ss.
9 Cf. dernièrement, A. Heubeck, « L’origine della Lineare B », SMEA 23, 1982, pp. 195 ss. ; voir aussi les contributions réunies dans G. Maddoli (éd.), La Civiltà micenea. Guida storica e critica, Rome-Bari, 1977, et J. Chadwick, The Mycenaean World, Cambridge, 1976.
10 C’est sur cette date que semblent aujourd’hui s’accorder les chercheurs qui, dans le passé, exprimèrent des opinions très divergentes sur la date de l’introduction de l’alphabet (on trouvera leur liste dans Heubeck, op. cit., pp. 73 ss.) : L. Jeffery, « Greek Alphabetic Writing », in CAH 2nd ed., III, 1, 1982, pp. 819 ss., J.N. Coldstream, Geométric Greece, Londres, 1977, pp. 296 ss. ; Heubeck, op. cit., pp. 77 ss. ; Snodgrass, op. cit., p. 81 ; A.W. Johnston, « The Extent and Use of Literacy : the Archaeological Evidence », in R. Hägg (éd.), The Greek Renaissance of the Eighth Century B.C. : Tradition and Innovation, Stockolm, 1983, pp. 63 ss., particulièrement p. 66.
11 C’est sur ce point qu’E. Havelock a récemment beaucoup insisté dans The Literate Révolution in Greece and its Cultural Conséquences, Princeton, 1 982, particulièrement pp. 60 ss.
12 Cf., par exemple, C. Ampolo (éd.), La città antica. Guida storica e critica, Rome-Bari, 1980, pp. XXIX ss. (et, dans le mëme volume, les études de V. Ehrenberg et de G. Pugliese Carratelli), et G. Camassa, « Le istituzioni politiche greche », in L. Firpo (éd.), Storia delle idée politiche, economiche e sociali, Turin, 1982, pp. 22 ss.
13 En plus des contributions citées dans la note précédente et de celles réunies dans The Greek Renaissance, op. cit., on verra A. Snodgrass, The Dark Age of Greece, Edimbourg, 1971, pp. 416 ss., et aussi Archaeology and the Rise of the Greek State, Cambridge, 1977 ; Coldstream, op. cit. ; J. Boardman, The Greeks Overseas, Londres, 1 9803.
14 Contre l’hypothèse de Havelock d’une alphabétisation limitée, jusqu’à la fin du VIème siècle avant J.C., aux artisans et aux commerçants, cf. G. Nieddu, « Alfabetismo e diffusione sociale della scrittura nella Grecia arcaica e classica : pregiudizi recenti e realtà documentaria », Scrittura e Civiltà 6, 1982,pp. 233 ss.
15 Cf., par exemple, Murray, op. cit., pp. 95 et 98 ss.
16 Cf., par exemple, Heubeck, op. cit., pp. 90 ss. ; Murray, op. cit., pp. 94 ss. ; Johnston, art. cit., p. 67.
17 Cf. Jeffery, op. cit., pp. 58 ss. ; Heubeck, op. cit., pp. 150 ss.
18 Cf., par exemple, Jeffery, op. cit., pp. 7 ss. ; S. Luria, « Zur Früh-geschichte des griechischen Alphabets, II : zur Entstehung des griechischen Alphabets », Kadmos 6, 1967, pp. 135 ss. ; Heubeck, op. cit., pp. 151 ss. ; Murray, op. cit., pp. 94 ss. ; Snodgrass, Archaic Greece, pp. 81 ss.
19 Cf. K. Robb, « Poetic Sources of the Greek Alphabet : Rythm and Abecedarium from Phœnician to Greek », in E.A. Havelock-J.-P. Hershbell (éds.), Communication Arts in the Ancient World, New York, 1978, pp. 23 ss. ; A. Schnapp-Gourbeillon, « Naissance de l’écriture et fonction poétique en Grèce archaïque : quelques points de repère », Annales E.S.C., 37, 5-6, 1982, pp. 714 ss.
20 Cf. en particulier Luria, art. cit., et Heubeck, loc. cit.
21 Cf., par exemple, J. Hasebroek, Trade and Politics in Ancient Greece, Londres, 1933, pp. 10 ss. et 89 ss.
22 Cf., par exemple, Ch. G. Starr, The Economie and Social Growth of Archaic Greece 800-500 B.C., New York, 1977, p. 71.
23 Cf., par exemple, A. Mele, Il commercio greco arcaico. Prexis ed Emporie, Naples, 1979.
24 Art. cit., p. 67.
25 Cf., par exemple, Jeffery, op. cit., p. 7.
26 Cf., par exemple, Murray, op. cit., pp. 94 ss.
27 R.M. Cook-A.G. Woodhead, « The Diffusion of the Greek Alphabet », AJ A 63, 1959, pp. 175 ss. ; Heubeck, op. cit., pp. 73 ss. ; cf. aussi Jeffery, op. cit., pp. 6 ss., et Murray, op. cit., pp. 94 ss.
28 Un point important, sur lequel les jugements des chercheurs, cités dans la note précédente, semblent s’accorder, est celui de l’extrême fidélité des alphabets grecs par rapport à la « série de signes » phénicienne, qui semblerait qualifier les « adaptations » opérées par les Grecs comme des « malentendus » : cf. Jeffery, op. cit., pp. 2 ss. et p. 22, et Murray, op. cit., pp. 92 ss.
29 Cf. Rh. Carpenter, « The Antiquity of the Greek Alphabet », AJ A 37, 1933, pp. 8 ss., en particulier, pp. 22 ss. ; Jeffery, op. cit., pp. 41 ss. ; et « Greek Alphabetic Writing », pp. 822 ss.
30 L’identification précise de ce « berceau » de l’alphabet grec est à l’heure actuelle assez controversée ; voir les discussions de Jeffery, op. cit., pp. 5 ss. (qui conclut en faveur d’Al Mina sur la côte syrienne, suivie sur ce point par une bonne partie des spécialistes ; cf. maintenant la position plus nuancée de Jeffery, dans « Greek Alphabetic Writing », pp. 822 ss.), et de Heubeck, op. cit., p. 80 (qui conclut en faveur de Chypre, suivi par Johnston, art. cit., p. 66) ; cf. aussi M. Guarducci, « La culla dell’alfabeto greco », RAL, s. VIII, 33, 1978, pp. 381 ss. (qui penche pour la Crète, ainsi que Y. Duhoux, in Ant. Class. 50, 1981, pp. 287 ss.), et Coldstream, op. cit., pp. 298 ss.
31 C’est à ces conclusions-là qu’arrivent, bien qu’avec des nuances diverses, tous les spécialistes cités à la note 19
32 Heubeck, op. cit., pp. 150 ss.
33 Art. cit., p. 67.
34 Cf. W. Larfeld, Handbuch der griechischen Epigraphik, Leipzig, 1907, I, pp. 291 ss. ; Jeffery, op. cit., p. 327 ; et maintenant surtout A.W. Johnston, Trademarks on Greek Vases, Warminster, 1979, pp. 27 ss. Cf. aussi les travaux classiques de M.N. Tod sur les systèmes numériques grecs, en grande partie réunis maintenant dans Ancient Greek Numerical Systems, avec un avant-propos de J. Breslin, Chicago, 1979. A propos de la présence de notations numériques araméennes sur une amphore du VIIIème siècle avant J.-C. de Pithécoussai, cf. G. Garbini, in PP 33, 1978, pp. 148 ss.
35 D’autant plus, s’il est correct de penser que le processus de réception et d’adaptation a été marqué par une extrême fidélité au modèle phénicien. Cf. supra, n. 28.
36 Op. cit. (cf. n. 23).
37 Ces considérations me conduisent aussi à être plutôt sceptique devant les récentes propositions de K. Robb et A. Schnapp-Gourbeillon (artt. citt. dans la note 19) qui expliquent les origines de l’alphabet par une exigence particulière de la métrique quantitative grecque, celle de signaler les voyelles pour rendre évidente la longueur d’une syllabe. On peut, en effet, observer que dans la phase initiale des alphabets archaïques, on ne trouve pas l’exigence d’une distinction entre les voyelles longues et les voyelles brèves (par exemple le signe phénicien pour ajin = o est employé, pendant une période plus ou moins longue, tant pour le o bref que pour le o long et pour la diphtongue ou). En outre, comme le note avec finesse O. Murray, op. cit., p. 93, seule la terminologie plus tardive montre une pleine conscience de la différence entre voyelles et consonnes, ce qui renvoie à l’hypothèse de la « réception fidèle » et de « l’adaptation plus ou moins mécanique », comme celle qui rend le mieux compte des caractères généraux de l’expérience alphabétique grecque, expérience qui ne semble pas demander ou autoriser des « hypothèses génétiques » trop nettes et unilatérales.
38 Cf. Johnston, art. cit., p. 67.
39 Cf. Johnston, op. cit., p. 1, et in ABSA 73, 1978, pp. 128 ss. ; G. Buchner, in PP 33, 1978, pp. 135 ss., pour les inscriptions de propriété sur les amphores commerciales ; pour ce type d’inscriptions sur les vases peints, cf. Heubeck, op. cit., pp. 109 ss., 124-126.
40 Cf. Johnston, art. cit., p. 67.
41 Cf. Johnston, op. cit., p. 1, qui indique la possibilité que l’apposition de marques de propriété sur les amphores soit liée au développement des activités commerciales.
42 Cf. Mele, op. cit., pp. 79 ss. et 92 ss.
43 Homère, Odyssée, VIII, 158 ss. ; cf. Mele, op. cit., p. 81.
44 B. Bravo, « Remarques sur les assises sociales, les formes d’organisation et la terminologie du commerce maritime à l’époque archaïque », DHA 3, 1977, p. 40 ; contra, J. Velissaropoulos, Les naucléres grecs, Genève-Paris, 1980, p. 84.
45 Velissaropoulos, op. cit., p. 85.
46 B. Bravo, « Une lettre sur plomb de Berezan : colonisation et modes de contact dans le Pont », DHA 1, 1974, pp. 111 ss., en particulier pp. 113-116.
47 Cf. Bravo, « Une lettre » ; H. Kupiszewski, « La lettera di Berezan », in Symposion 1974, Athènes, 1978, pp. 189 ss.
48 Cf., par exemple, Démosthène, XXXIV, 8 et 28.
49 Johnston, op. cit., pp. 48 ss. ; cf. R. Hackl, « Merkantile Inschriften auf attischen Vasen », in Münchener archaölogische Studien dem Andenken A. Furtwänglers gewidmet, Munich, 1909, pp. 1 ss.
50 Il faut cependant prendre en considération que de tout le travail de Johnston ressort la grande difficulté à opérer des généralisations correctes et « sûres » partant d’une documentation si peu informative et, dans beaucoup de cas, d’interprétation très problématique.
51 Cf. Johnston, op. cit., en particulier, pp. 49 ss.
52 Cf. D.A. Amyx, « The Interprétation of Price Inscriptions on Greek Vases », Hesperia 27, 1958, pp. 287 ss., en particulier p. 291.
53 Cf. Johnston, op. cit., pp. 41 et 51.
54 Ibid., pp. 27 ss.
55 Cf. Jeffery, op. cit., p. 327 et Johnston, op. cit., pp. 27 s.
56 Cf. Johnston, op. cit., pp. 30, 34 et 233 ; idem, in AJ A 82, 1978, p. 223.
57 Cf. Johnston, op. cit., pp. 33 ss. et 226 ss. ; il faut voir aussi la discussion enflammée entre J.H. Jongkees (in Mnemosyne, s. III, 10, 1942, pp. 151 ss., et s. IV, 4, 1951, pp. 258 ss.) et D.A. Amyx (in Univ. of California Publ. Class. Arch. I, 8, 1941,pp. 179 ss., et Hesperia 27, 1958, pp. 287 ss.).
58 Op. cit., pp. 34, 52 et 227.
59 Il est intéressant d’observer que ce phénomène va de pair avec une plus grande dispersion géographique des trademarks et avec la disparition virtuelle de ces considérables groupes homogènes qui semblent liés surtout au commerce avec l’Étrurie, où, en effet, la monnaie frappée n’a pas joué un rôle significatif (cf. Johnston, op. cit., pp. 48 ss.).
60 Ph. Gauthier, « Légendes monétaires grecques », in Numismatique antique. Problèmes et méthodes, Nancy-Louvain, 1975, pp. 1 65 ss.
61 Cf. P. Calligas, « An Inscribed Lead Plaque from Korkyra », ABSA 66, 1971, pp. 79 ss. ; J. Velissaropoulos, op. cit., pp. 286 ss., et « Les symboles d’affaires. Remarques sur les tablettes archaïques de l’île de Corfou », in Symposion 1978, Vienne, 1982, pp. 71 ss.
62 Art. cit., p. 86.
63 Il faut signaler, cependant, l’hypothèse de J. Velissaropoulos, selon laquelle les plaquettes seraient « la représentation matérielle de la prestation du débiteur au moment de la conclusion du contrat » (« Les symboles », p. 82), qu’il convient de lire dans une optique de « symbolisme réfléchi », où, à travers l’écriture, se réaliserait la matérialisation d’une notion abstraite de débit (ibid., p. 83).
64 Il semble problématique de saisir avec précision le rôle de l’écriture dans les « sýmbola d’affaires », objets qui fonctionnaient comme « marques de reconnaissance, destinées... à rappeler les obligations entre deux personnes... portant sur des biens » (Ph. Gauthier, Symbola. Les étrangers et la justice dans les cités grecques, Nancy, 1972, pp. 67 ss.), et qui étaient échangés sans témoin, ce qui rend difficile de rapprocher d’eux les documents de Corcyre, comme le suggère J. Velissaropoulos (loc. cit.). Attestés à partir de Théognis (v. 1150) et plus tard dans les sources du Vème siècle avant J.-C., ces objets ne sont pas tout à fait l’équivalent du document écrit, quoi qu’il soit possible d’avancer l’hypothèse qu’ils portaient parfois des inscriptions brèves, comme par exemple les initiales des noms des contractants ou l’indication d’un chiffre (cf. Gauthier, op. cit., pp. 68 et 73). A l’époque hellénistique, en vertu de la simplicité de la procédure, on continuait à employer des sýmbola pour les actes les plus simples, mais il s’agissait désormais de documents en papyrus (ibid., p. 87).
65 D. Harvey, « Literacy in the Athenian Democracy », REG 79, 1966, pp. 611 s. Je n’ai pu consulter G.E.M. de Ste-Croix, « Greek and Roman Accounting », in A.C. Littleton-B.S. Yamey (éds.), Studies in the History of Accounting, Londres, 1956, pp. 27 ss.
66 Pseudo-Aristote, Oec, I, 6, 2, 1344 b ; Plutarque, Périclès, 16, 4-6.
67 Spahn, art. cit. (cf. note 1), en particulier, pp. 311 ss.
68 Cf. Harvey, art. cit., pp. 612 ss.
69 Cf. M.I. Finley, Studies in Land and Crédit in Ancient Athens 500-200 B.C. The Horos-Inscriptions, Columbia University, 1952 (New York, 1973).
70 Ibid., en particulier, pp. 13 ss.
71 Cf. supra, pp. 175 et 177.
72 R. Bogaert, Banques et banquiers dans les cités grecques, Leyde, 1968, pp. 50 ss. et 57 ss.
73 Cf. ibid., p. 55.
74 Pseudo-Démosthène, LII, 4 e 6 ; XLIX, 5 ; 8 ; 30. Cf. Bogaert, Banques…, pp. 378 ss.
75 Cf. R. Bogaert, Les origines antiques de la banque de dépôt, Leyde, 1966. pp. 135 ss.
76 Pseudo-Démosthène, LII, 3.
77 Cf. Bogaert, Les origines..., p. 153.
78 Cf. L. Gernet, « Sur les actions commerciales en droit athénien », REG 51, 1938, pp. 1 ss., en particulier pp. 30-32 ; U.E. Paoli, « Il prestito maritimo nel diritto attico », in Studi di diritto attico, Florence, 1930 (Milan, 1974), pp. 121 ss. ; Finley, Studies..., p. 22.
79 Cf. les travaux cités à la note précédente.
80 Démosthène, XXXV, 10-1 3 ; cf. Velissaropoulos, op. cit., pp. 304 ss.
81 Op. cit., p. 308.
82 Cf. Harvey, art. cit., pp. 606 ss. ; sur les locations, voir en particulier D. Behrend, Attische Pachturkunden, Munich, 1979, surtout les pages 170 ss.
83 Art. cit., p. 608.
84 Studies…, pp. 21 ss.
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