1 Rares sont en effet les chercheurs qui s’attardent sur la question des femmes et du genre. Elle est par exemple totalement éludée dans certains ouvrages généraux qui brossent un tableau historique pourtant rigoureux de l’extrême droite en RFA comme Peter Dudek, Hans-Gerd Jaschke, Entstehung und Entwicklung des Rechtsextremismus in der Bundesrepublik : zur Tradition einer besonderen politischen Kultur, 2 tomes, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1984 ou plus récemment Gideon Botsch, Die extreme Rechte in der Bundesrepublik : 1949 bis heute, Bonn, Bundeszentrale für politische Bildung, 2012. On peut cependant indiquer quelques exceptions comme Renate Bitzan, « Frauen in der rechtsextremen Szene » dans Thomas Grumke, Bernd Wagner (éd.), Handbuch Rechtextremismus, Personen, Organisationen, Netzwerke vom Neonazismus bis in die Mitte der Gesellschaft, Opladen, Leske + Budrich, 2002, p. 87-104 ou Ellen Esen, « Rechtsextremistinnen heute, aktuelle Entwicklung und Fallbeispiele » dans Stephan Braun, Alexander Geisler, Martin Gerster (éd.), Strategien der extremen Rechten, Hintergründe, Analysen, Antworten, Wiesbaden, Verlag für Wissenschaften, 2009, p. 208-229.
2 La marginalité voire l’invisibilité des femmes extrémistes n’est d’ailleurs pas limitée à la recherche. Elles sont tout autant occultées ou sous-estimées par les médias, les services de renseignement, la police et la justice. Le Forschungsnetzwerk Frauen und Rechtsextremismus avait ainsi appelé à une plus grande vigilance dans une lettre ouverte, publiée le 12 avril 2013 à l’occasion du début du procès de Beate Zschäpe. http://buendnis-gegen-das-schweigen.de/wp-content/uploads/2013/04/offener-brief-2013-04-12.pdf (8.5.2015).
3 Ce constat vaut également pour la France. Les évolutions de l’historiographie – de l’absence totale des femmes à la progressive prise en compte de celles-ci comme acteurs historiques, comme objets de recherche et comme historiennes – sont assez comparables en France et en Allemagne. Fabrice Virgili revient sur cette histoire spécifique dans Fabrice Virgili, « L’histoire des femmes et l’histoire des genres aujourd’hui », Vingtième Siècle. Revue d’Histoire, 2002, no 75, p. 5-14.
4 Voir Ina Kerner, Differenzen und Macht, Anatomie von Rassismus und Sexismus, Francfort/M., Campus, 2009, p. 174sq et Ute Frevert, « Mann und Weib, und Weib und Mann ». Geschlechter-Differenzen in der Moderne, Munich, Beck, 1995.
5 On entend par « androcentrisme » (Norbert Elias) la fixation sociale sur l’homme, dont l’appartenance au genre masculin légitimait traditionnellement la domination matérielle et symbolique sur la femme ainsi que l’habitus masculin qui en découle.
6 Cf. Luc Capdevila, Martine Cocaud, Sophie Cassagnes (éd.), Le genre face aux mutations. Masculin et féminin, du Moyen Âge à nos jours, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2003 ; Elsa Dorlin, Sexe, genre et sexualités, introduction à la théorie féministe, Paris, Presses Universitaires de France, 2008 ; Joan W. Scott, Eléni Varikas, « Genre : Une catégorie utile d’analyse historique », Les Cahiers du GRIF, 1988, no 37-38, p. 125-153, p. 142.
7 Il peut paraître banal de l’évoquer, mais ce n’est pas parce les femmes n’étaient pas visibles qu’elles n’existaient pas ; ce n’est pas parce qu’elles furent occultées par l’historiographie, qu’elles n’ont pas joué un rôle important dans l’histoire.
8 Au milieu des années 1980, Ute Frevert propose un premier bilan de cette histoire allemande des femmes aux XIXe et XXe siècles. Voir Ute Frevert, Frauen-Geschichte, zwischen bürgerlicher Verbesserung und neuer Weiblichkeit, Francfort/M., Suhrkamp, 1986. Pour la France, « Histoire des femmes en Occident », publiée en cinq tomes au début des années 1990, reste une référence incontournable. Voir Georges Duby, Michelle Perrot, Histoire des femmes en Occident, 5 tomes, Paris, Plon, 1991-1992.
9 Cette histoire particulière volontairement appelée herstory par certaines chercheuses anglo-saxonnes s’écrivait alors en concurrence à la history considérée par celles-ci comme intrinsèquement masculine. Sur les tensions entre histoire des femmes et histoire conventionnelle, consulter Women’s history dans Joan W. Scott, Gender and the politics of history, New York, Columbia University Press, 1988, p. 15-28.
10 J. W. Scott, E. Varikas, op. cit., p. 125-153, p. 126.
11 J. W. Scott, op. cit., p. 141.
12 En allemand Nicht-Einheit der Geschichte.
13 Karin Hausen, « Die Nicht-Einheit der Geschichte als historiographische Herausforderung. Zur historischen Relevanz und Anstößigkeit der Geschlechtergeschichte », dans Hans Medick, Anne-Charlott Trepp (éd.), Geschlechtergeschichte und Allgemeine Geschichte. Herausforderungen und Perspektiven, Göttingen, Wallstein, 1998, p. 7-55, p. 55.
14 Julia Paulus, Eva-Maria Silies, Kerstin Wolff (éd.), Zeitgeschichte als Geschlechtergeschichte. Neue Perspektiven auf die Bundesrepublik, Francfort/M., Campus, 2012.
15 En allemand Westernisierung, Liberalisierung, Wertewandel, Sicherheit.
16 J. Paulus, E.-M. Silies, K. Wolff, « Die Bundesrepublik aus geschlechterhistorischer Perspektive » dans : Ibid., p. 11-27.
17 Silies revient longuement sur ce point dans Eva-Maria Silies, « Erfahrungen des Bruchs ? Die generationelle Nutzung der Pille in den sechziger und siebziger Jahren », dans : Ibid., p. 205-224.
18 Dans l’introduction à leur ouvrage, Paulus, Silies et Wolff démontrent de manière convaincante à quel point il est difficile de transformer des paradigmes historiographiques qui ont, par le passé, prouvé leur efficacité. Le genre et son utilisation, notamment en histoire contemporaine, suscitent parfois encore des réticences difficilement surmontables. Cf. J. Paulus, W.-M. Silies, K. Wolff (éd.), op. cit., p. 11-27.
19 En allemand Mittäterschaft. Christina Thürmer-Rohr fut la première à utiliser cette notion. Voir Christina Thürmer-Rohr, « Mittäterschaft von Frauen: Die Komplizenschaft mit der Unterdrückung » dans Ruth Becker, Beate Kortendiek, Handbuch Frauen- und Geschlechterforschung. Theorie, Methoden, Empirie, Wiesbaden, VS, 2008, p. 88-93 ; voir aussi Wendy Lower, Les furies d’Hitler. Comment les femmes allemandes ont participé à la Shoah, Paris, Tallandier, 2014.
20 En allemand Opfer-Täter-Diskussion. Il existe de nombreux ouvrages et articles thématisant l’opposition des victimes (Opfer) aux coupables (Täter) du nazisme, notamment Kirsten Heinsohn, Barbara Vogel, Ulrike Weckel (éd.), Zwischen Karriere und Verfolgung. Handlungsräume von Frauen im nationalsozialistischen Deutschland, Francfort/M., Campus, 1997 ; Gisela Bock, « Der Nationalsozialismus und die Frauen » dans Bernd Sösemann (éd.), Der Nationalsozialismus und die deutsche Gesellschaft, Munich, DVA, 2002, p. 188-209. Le débat a également été importé en France par l’intermédiaire de Rita Thalmann, Être femme sous le nazisme, Paris, Robert Laffont, 1982 et repris dans Liliane Kandel, Féminisme et nazisme, Paris, Presses Universitaires de France, 1997.
21 Johanna Gehmacher, Gabriella Hauch (éd.), Frauen- und Geschlechtergeschichte des Nationalsozialismus, Innsbruck, Studien-Verlag, 2007.
22 En allemand Modernisierungsverlierer. Wilfried Schubarth, Richard Stöss (éd.), Rechtsextremismus in der Bundesrepublik Deutschland, Bonn, Bundeszentrale für politische Bildung, 2000.
23 Dans sa théorie de l’extrémisme basée sur le rejet de l’ordre démocratico-libéral de la RFA, Uwe Backes ne mentionne le genre à aucun moment ; Wilhelm Heitmeyer dans sa théorie sur la xénophobie (Gruppenbezogene Menschenfeindlichkeit) fondée sur le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie etc., l’évoque de manière détournée en problématisant le sexisme comme élément structurant de la haine de l’Autre. Seul Richard Stöss intègre explicitement le genre dans son analyse de l’extrême droite « manifeste » ou « latente ». Voir Uwe Backes, Les extrêmes politiques, un historique du terme et du concept de l’Antiquité à nos jours, Paris, Cerf, 2011 ; Wilhelm Heitmeyer, Deutsche Zustände, 10 tomes, Francfort/M., Suhrkamp, 2002-2011 ; Richard Stöss, « Rechtsextremismus, Sexismus und Gender Gap », Arbeitshefte aus dem Otto-Stammer-Zentrum, 2009, no 16, p. 4-86.
24 Birgit Rommelspacher, « Rechtsextreme als Opfer der Risikogesellschaft. Zur Täterentlastung in den Sozialwissenschaften », Zeitschrift für Sozialgeschichte des 20. und 21. Jahrhunderts, 1991, no 2, p. 75-87, p. 83.
25 Le Réseau a publié un premier bilan de son travail en 2005. Antifaschistisches Frauennetzwerk, Forschungsnetzwerk Frauen und Rechtsextremismus (éd.), Braune Schwestern?, Münster, Unrast, 2005.
26 En allemand Brauner Pluralismus. Renate Bitzan, Selbstbilder rechter Frauen: zwischen Antisexismus und völkischem Denken, Tübingen, Diskord, 2000; Gertrud Siller, Rechtsextremismus bei Frauen. Zusammenhänge zwischen geschlechtsspezifischen Erfahrungen und politischen Orientierungen, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1997; Michaela Köttig, Lebensgeschichten rechtsextrem orientierter Mädchen und junger Frauen. Biographische Verläufe im Kontext der Familien- und Gruppendynamik, Gießen, Psychosozial-Verlag, 2004; Andrea Röpke, Andreas Speit, Mädelsache, Frauen in der Neonazi-Szene, Berlin, Links, 2011.
27 Des extrémistes d’Allemagne de l’Ouest ont notamment profité de contacts noués au cours des années 1980 avec des néonazis, « skins » et « fascistes » autoproclamés de l’Est, ainsi que de leurs structures et organisations, pour s’étendre sur le territoire de l’ex-RDA après l’unification allemande. Voir Peter Ködderitzsch / Leo A. Müller, Rechtsextremismus in der DDR, Göttingen, Lamuv Verlag, 1990 ; sur les origines de la xénophobie en Allemagne de l’Est, voir aussi Jan C. Behrends (éd.), Fremde und fremd sein in der DDR: zu historischen Ursachen der Fremdenfeindlichkeit in der DDR, Berlin, Metropol-Verlag, 2003.
28 De nombreux spécialistes qualifient ainsi le terrorisme de la NSU de « nouveau ». S’il l’est par son envergure et sa radicalité, le terrorisme ne l’est pas en soi : le début des années 1980 en RFA avait ainsi déjà connu des épisodes terroristes particulièrement sanglants, notamment l’attentat néonazi perpétré lors de la Oktoberfest à Munich en 1980.
29 Voir Renate Bitzan (éd.), Rechte Frauen, Skingirls, Walküren und feine Damen, Berlin, Elefanten Press Verlag, 1997.
30 A. Röpke, A. Speit, op. cit., et François Danckaert, « Les femmes au NPD : entre lobbying et antiféminisme » dans Anne-Laure Briatte-Peters, François Danckaert, Dossier « Les femmes dans la vie politique allemande depuis 1945 », Allemagne d’Aujourd’hui, no 207, 2014, p. 143-156.
31 Voir Beate Hoecker, Politische Partizipation von Frauen. Kontinuitäten und Wandel des Geschlechterverhältnisses in der Politik, Opladen, Leske und Budrich, 1995.
32 Utilisé dans les études de genre, l’agency interroge dans un contexte donné la puissance d’agir d’un individu ou d’un groupe dans un champ de contraintes.