Chapitre VI. Le journal révolutionnaire et « la science de la liberté »
p. 129-146
Texte intégral
1Nous ne pouvons terminer l’année 1789 sans rendre un hommage appuyé au rôle décisif de la presse, et aux chercheurs qui nous ont permis récemment de redécouvrir le journal révolutionnaire sous ses multiples facettes1 A l’égal des rédacteurs de la Gazette nationale (n° 1 du 24 novembre), nous souhaitons montrer en quoi les « matériaux » élaborés par les journalistes patriotes rendent compte de la série des actes publics et des événements, contribuant ainsi à élaborer une « véritable politique », qui est aussi « science de la liberté ».
2Le dispositif de presse mis en place par les événements révolutionnaires s’apparente de fait à une véritable éruption, surtout à partir de l’été 1789. En effet, le lecteur parisien, qui disposait, au début de 1789, d’une seul quotidien d’information, le Journal de Paris, a le choix, en décembre, entre 23 quotidiens sans parler des divers hebdomadaires (Labrosse, Rétat, 1989 : 21). Nous sommes ainsi confrontés à « l’hégémonie soudaine de l’in-8°, la création des sommaires, un éventail exceptionnel de types, depuis la feuille-brochure et le journal-pamphlet jusqu’au grand format qui voudrait recueillir une information universelle, la tentative quotidienne d’inventer l’actualité, l’apparition d’une presse parlementaire, une transformation et un enrichissement des fonctions du journalisme » (id : 300).
3Au sein de cette diversité extrême de novations, nous nous en tenons, selon le point de vue des chapitres précédents, à la dimension pragmatique du journal révolutionnaire, saisie d’abord à travers une actualisation spécifique d’un acte de langage, l’acte d’opinion étendue à l’acte de dénonciation, puis appréhendée dans le récit même d’un événement majeur en cette fin de 1789, les journées d’octobre. Mais, par l’insistance, en fin de parcours, sur l’apparition éphémère du porte-parole, en l’occurrence Sébastien Maillard porte-parole des femmes devant l’Assemblée Nationale le 5 octobre, nous amorçons notre entrée dans le discours républicain en acte.
1. L’acte d’opinion investi dans l’écriture de l’événement
4Commentant la publication de son ouvrage Qu’est-ce que le Tiers État ?, Sieyès précise : « J’exige deux qualités de l’écrivain patriote : qu’il dise la vérité sans dissimulation, et qu’il ne se contente pas de l’appuyer sur ses sensations, sur ses droits, mais qu’il la fonde sur les principes de la science morale et politique »2.
5Détenteur de l’acte d’opinion en 1789, « l’écrivain patriote » s’investit massivement dans l’écriture de presse (Labrosse, Rétat, 1989 : 149 sq). Il prend nom ici soit de « patriote » et de « citoyen », laissant implicite son activité d’écrivain, soit d’« écrivain » sans autre détermination, oblitérant ainsi la fonction propre de journaliste, soit enfin d’« écrivain politique », et parfois « publiciste », au sens rapproché de « journaliste » (Rétat, 1990).
6Ce journalisme nouvellement introduit dans l’espace public, au-delà de l’impact du discours d’assemblée, une véritable conscience tribunitienne.
7Antoine Tournon, le créateur des Révolutions de Paris, l’initiateur de l’écriture de l’événement révolutionnaire (Rétat, 1985), rappelle avec raison à ses lecteurs qu’il eut le premier « l’inestimable honneur d’entreprendre et d’exercer la fonction pénible et délicate de tribun français » (n° XVII, 31 octobre-7 novembre 1789). Et il ajoute : « Parmi nous, il n’y a ni tribuns, ni censeurs, mais les écrivains patriotes doivent en remplir l’honorable fonction » (n° XXIII, 13-19 décembre 1789). Ainsi le journaliste patriote s’identifie à la voix du tribun qui « n’est pas destinée seulement à susciter dans le texte l’image de faction et à distribuer les rôles des acteurs » : « elle est aussi celle du guide qui, pour appeler à faction, dicte le devoir » (Labrosse, Rétat, 1989 : 207).
8Les Révolutions de Paris sont exemplaires de la mise en place d’une telle conscience tribunitienne. Le premier numéro paraît le 18 juillet 1789 : ce n’est alors qu’un récit journalier des événements3. Puis il est question, d’une semaine à l’autre, de « nos révolutions hebdomadaires » : au récit proprement dit s’ajoutent de nouvelles rubriques (« Assemblée nationale », « Nouvelles de province », « Papiers de la Bastille », etc.) et le courrier des lecteurs.
9Ce journal poursuit alors deux objectifs ; écrire « l’histoire » d’une « époque » et recueillir les « matériaux » qui forment « l’esprit public ». La vivacité d’un récit restituant la globalité des faits sous la forme de tableaux est la condition même de la réflexivité de l’événement. Créant « la fiction de sa présence à l’événement et de l’adhérence du texte à l’occasion qui le fait naître », le « journaliste patriote » s’auto-institue « la conscience de l’événement, l’interprète et l’incitateur de la foule » ; « il est fantastiquement présent au cœur de l’action pour la voir et la faire voir, mais aussi pour la relancer, la diriger par la parole » (Rétat, 1985 : 146 sq).
10Ainsi en est-il du récit des événements qui préludent à la prise de la Bastille :
« Ce matin 13, à neuf heures, on sonne le tocsin pour rassembler la bourgeoisie […], c’est la voix de la patrie, c’est l’intérêt du sang, qui commande ; ce sont des amis, des frères et soi-même qu’il faut défendre, nos lâches oppresseurs nous y forcent […] Ne craignez point, nation courageuse, intrépides citoyens, la liberté vous attend » (n° I, p. 5).
11Le « journaliste patriote » se pose donc comme guide à partir d’une position énonciative bien définie. Par là même, il incite à l’action, dit les raisons de l’action, c’est-à-dire en marque la conformité avec les exigences de la liberté et du droit. Il est cet homme courageux qui tout à la fois informe, alerte, éveille et défend ses concitoyens, au titre des devoirs de « l’écrivain politique ».
12Nous sommes donc bien confronté à un journalisme d’action, à une philosophie active de dévoilement et de combat, toujours selon Pierre Rétat. Ainsi le journaliste Carra peut-il écrire, dans les Annales patriotiques et littéraires du 26 novembre : « Les écrivains patriotes augmentent tous les jours la masse des idées sur les vrais principes, et la masse des lumières sur les abus et les désordres de l’ancien gouvernement. Tous les masques sont déchirés ; la Bastille est dévoilée... ».
13C’est l’analyse des épreuves de récit qui confère à la presse de 1789 sa nouveauté la plus radicale. Il revient aux Révolutions de Paris de Tournon de présenter une étonnante série de scènes où le journaliste crée la fiction de sa présence à l’événement. Le cas le plus intéressant est celui des journées d’octobre, qualifiées d’« étranges » et « étonnantes ». Nous y revenons plus en détail dans la troisième partie de ce chapitre.
14Il est vrai que la conscience tribunitienne du journaliste patriote supplée en partie à l’absence temporaire de la figure du porte-parole, agent intermédiaire de tout discours d’assemblée soucieux de légitimer la demande populaire, mais elle n’est pas elle-même le résultat d’une médiation. Elle conserve, du moins en 1789-1790, comme interlocuteur privilégié, tout en marquant sa spécificité énonciative, le législateur. En effet, l’attitude tribunitienne procède plus d’un mécanisme d’identification (le tribun parle pour le peuple) que d’une médiation attestée dans les relations entre le peuple et les autorités constituées. C’est pourquoi se multiplient, dans l’écriture de presse, les marques symboliques et les relais énonciatifs : éléments supposés de spontanéité, effet du « je » énonciateur qui « permet au magistère fondateur de s’exercer sans médiation », apostrophes (par exemple « citoyens ») emphatiquement vagues, etc. (Labrosse, Rétat, 1989 : 149 sq).
15Il importe ici de préciser que la conscience tribunitienne, caractérisée par la valorisation d’un « je » énonciatif, n’est pas l’apanage des seuls « journalistes patriotes », et ne s’adresse pas uniquement à la nouvelle élite politique. Dès 1789, et surtout, nous le verrons, en 1790-1791, une presse pamphlétaire à visée populaire apparaît sous l’égide des divers groupes politiques, des jacobins à la droite anticonstitutionnelle. Recourant à la médiation d’un personnage-masque, puisé parmi les figures populaires héroïques tels Jean-Bart ou le Père Duchêne, des journalistes anonymes font œuvre de persuasion auprès du peuple parisien. La présence de tels personnages imaginaires suscite chez le lecteur un sentiment de familiarité et de complicité basé sur une expérience partagée. L’effet de réel, dont l’efficacité est redoublé par un usage familier du comique, procède d’une substitution de la référence abstraite au corps du peuple par la figure d’un personnage populaire concret qui parle au nom du peuple (Elyada, 1991b).
16Les journalistes anonymes, artisans d’une telle presse pamphlétaire, ne se différencient pas socialement des « journalistes patriotes » : ils font aussi partie de la « République des lettres ». A suivre le journaliste de 1789 dans ses productions les moins connues, nous pouvons également nous arrêter un temps sur l’exemple significatif d’une femme écrivain, devenue journaliste en 1789, Louise de Keralio (Mazel, 1989).
17Noble de naissance, d’une culture très étendue, en particulier dans le domaine de l’histoire et de la politique, traductrice d’auteurs anglais et italiens, Louise de Keralio veut créer en 1789 une imprimerie. Cependant le Directeur Général de l’Imprimerie lui fait remarquer que « jamais en particulier une femme ne peut obtenir une imprimerie ». Elle se contente donc de faire imprimer le Journal d’État et du Citoyen en tant que membre de l’Académie d’Arras et de la Société bretonne. Ce journal deviendra, en 1790, sous un autre titre, le Mercure National, un des principaux organes du courant républicain.
18Mais, dès 1789, les « Vues patriotiques » de Louise de Keralio, qui épousera le républicain François Robert en 1790, reposent sur la référence au « droit de la nature », par opposition à la « prétendue constitution anglaise ». Cette « femme patriote » multiplie les appels à la vigilance auprès des citoyens, en particulier dans le domaine de la défense de la sûreté et de la propriété. D’emblée républicaine, elle s’insurge contre le veto et la loi martiale et défend Marat4.
19Ainsi les « mille plumes de l’écrivain patriote » (Antoine Tournon) font retentir « la voix de l’homme libre », traçant le portrait d’un journaliste patriote à la fois historien, philosophe, observateur, témoin et éventuellement acteur de l’événement. Nous pouvons alors nous demander « si la percée obsédante de la parole, de l’adresse, de l’apostrophe dans le texte de tant de journaux ne répond pas à une situation exceptionnelle où la parole redevient possible, où elle explose de toutes parts, et si par conséquent le journal n’est pas parfois, virtuellement et par une obscure volonté, écrit pour être lu à haute voix » (Labrosse, Rétat, 1989 : 82).
2. L’acte de dénonciation5
20La présence obsédante de l’acte de dénonciation est sans doute la meilleure preuve de l’étroite relation entre le journal révolutionnaire et la voix du peuple.
21De fait, le genre dénonciatif est l’un des ressorts privilégiés de la presse et de la littérature pamphlétaire. Des journaux aux titres significatifs tels Le dénonciateur patriote, Le Censeur patriote, Le Furet parisien, etc. aux multiples pamphlets anonymes avec l’en-tête Dénonciation..., il s’agit, d’après Antoine De Baecque (1993 : 266 sq), de légitimer une pratique dénonciatrice qui veut « lire la société nouvelle à travers les corps » par l’abaissement des masques. Par là même, la presse parisienne de dénonciation introduit une scène spectaculaire de paroles politiques, plus vaste que la « sphère publique » d’Ancien régime, où il s’agit « d’élargir les compétences du jugement sur la politique » à un peuple-nation qui « veut poser la radicalité de son regard sur le pouvoir lui-même » (De Baecque, 1993 : 267). Ainsi la représentation du peuple des faubourgs, au sein de la presse pamphlétaire, comme groupe particulièrement apte à surveiller, dénoncer et punir, situe d’emblée l’acte de dénonciation au centre d’un espace public élargi (Elyada, 1991a).
22Il n’est donc pas étonnant que « l’innovation hardie de la dénonciation », (Camille Desmoulins) et sa promotion au rang des vertus patriotiques suscitent le débat polémique.
23Le point culminant est atteint avec la « Diatribe » de La Harpe « sur les mots Délation, Dénonciation, Accusation » dans le Mercure du 19 décembre, et la réponse de Camille Desmoulins dans les Révolutions de France et de Brabant (n° 5 du 26 décembre 1789). Centré autour de la phrase « la délation est la plus importante de nos nouvelles vertus », « étonnantes paroles » d’après Laharpe, ce débat fortement polémique mérite une attention particulière.
24Laharpe aborde, dans un long préambule, le thème classique de « l’abus des mots » en des termes souvent invoqués par ses contemporains : « Il ne peut être indifférent à la société qu’on dénature l’acception universellement reconnue des termes les plus communs au point d’entraîner la subversion des idées les plus importantes ». Il insiste également sur le fait que « la langue usuelle éprouve les secousses d’une grande révolution politique et subit des changements considérables ». Laharpe s’attarde ensuite sur la distinction, fondamentale de son point de vue, entre le « dénonciateur » et le « délateur ». Le « dénonciateur » est « celui qui dénonce publiquement et authentiquement un délit qui trouble l’ordre public, et dont il apporte la preuve ». Le « délateur », pour sa part, est un pur produit de l’histoire tant des « anciennes républiques » que de « notre France moderne ». C’est ainsi que « le titre de Délateur est arrivé jusqu’à nous chargé d’horreur et d’opprobre ».
25Partant en guerre contre « tous ces vertueux délateurs » qui s’expriment sur la scène politique, Laharpe dénonce lui-même l’érection récente d’« un édifice oratoire de figures violentes, d’apostrophes hardies et de maximes impérieuses » sous couvert de délation. Il lui oppose « la véritable éloquence » spécifique du discours d’assemblée, où s’associent dénonciation et lumières6.
26Journaliste patriote de premier plan, Camille Desmoulins répond avec vigueur à La Harpe en lui reprochant d’éluder la définition du délateur. Il faut, pour ce futur jacobin, « détruire ce préjugé qu’il y a de la honte à être délateur ». Et il ajoute, pensant à Caton : « Celui qui a dit que la délation était devenue une de nos plus importantes valeurs parlait d’or ». Cependant de nombreux patriotes, récusent le « devoir de délation », qui tend à « constituer tout citoyen dénonciateur des délits privés » et à favoriser les « bandes de délateurs et d’espions que la police entretient à grand frais » (Marat). Ils s’en tiennent, pour éviter toute ambiguïté dans les termes, au principe de la seule dénonciation de l’homme public. C’est pourquoi, dans le discours républicain, l’appel à l’action contre les ennemis de la liberté se fait plutôt sous la catégorie de « dénonciation ».
27Les historiens s’accordent actuellement pour reconnaître que le jourral de Marat, L’Ami du peuple, joue un rôle décisif dans le mouvement de fondation principielle de la dénonciation7. Avec le cas de Marat, l’exaltation des « vertus civiques » de la dénonciation s’accompagne d’une volonté de « donner des règles » à la pratique dénonciatr’ce. Marat considère comme centrale sa fonction de censeur public : « Tout administrateur public, tout dépositaire de l’autorité, corrompu ou suspect, doit donc être démasqué ; la porte doit donc être ouverte aux dénonciations »8.
28Au cours du mois de novembre 1789, souhaitant répondre par une initiative spectaculaire aux accusations portées contre lui par la Commune de Paris, L’Ami du peuple ponctue chaque paragraphe de ses Observations9 par l’expression « J’ai dénoncé », puis « je dénonce ». Une telle répétition, facilement identifiable, renvoie à un usage fréquent, ici exacerbé, de l’acte (performatif) de dénonciation, qui s’adresse prioritairement à la Nation, au public.
29Cet acte de langage repose sur un « principe politique », le « droit de dénonciation » défini par Marat dans les termes suivants :
« Le salut de l’État étant la loi suprême, et l’obligation d’y veiller le premier des devoirs des citoyens, dénoncer à la patrie comme traîtres tous ceux qui attaquent les droits du peuple, et mettent en danger la liberté publique est non seulement le droit des habitants de chaque village, de chaque bourg, de chaque ville, de chaque province, mais le droit de chaque individu »10.
30Un tel « droit de dénonciation » s’actualise dans une série de maximes dont l’Ami du peuple nous fournit la liste et que nous avons reproduite en annexe 1 de ce chapitre.
31Désormais avec la Révolution française, tout citoyen peut s’autoriser de la nécessaire conservation des droits acquis lorsqu’il dénonce, au sein d’un « pouvoir exécutif » toujours prêt à « enchaîner les peuples pour les dépouiller », un « agent du pouvoir », ou « un homme en place » dont la conduite est à l’évidence illégale, contraire aux principes de la Déclaration des droits. Jacques de Cock précise alors que « Marat part d’une connaissance de la lignée générale d’un comportement ou de la trajectoire dans laquelle s’insère un événement »11 : il s’agit ici plus de mettre en cause une manière d’agir que d’amasser des preuves juridiques.
32Nous sommes confrontés, avec Marat, à un acte de dénonciation des infractions faites à la loi, des actions injustes d’un pouvoir exécutif royal d’essence tyrannique. Nous assistons donc à une ouverture maximale de l’acte d’opinion, dans la mesure où il est question de dénonciation publique. Ce point est décisif : il permet aux révolutionnaires de particulariser ce qui relève de la dénonciation « vertueuse » en la distinguant de la « calomnie ».
33Nul ne doit confondre un « cri d’alarme » et des « insultes personnelles » ! La « calomnie », précise Marat, est « une fausseté inventée pour nuire ». Et il ajoute : « Il n’y a rien de tout cela dans ma dénonciation »12. A ce titre, le « faux dénonciateur », adepte de la « dénonciation calomnieuse », « sera livré à l’opinion publique », « premier juge des choses »13.
34Le thème sans cesse invoqué par Marat d’une « censure publique » (« L’accusation publique est le devoir de tout citoyen ») se précise à travers la demande réitérée d’un « tribunal public » dont l’activité serait entretenue par la présence d’une « fonction honorable qui appartient à tout citoyen qui a le courage de l’exercer »14, celle de « censeur politique ». L’Ami du peuple insiste donc sur le rôle suprême de l’opinion publique, y compris bien sûr dans ses propres dénonciations : « Je les poursuivrai sans relâche jusqu’à ce que l’opinion publique les ait couvert d’opprobre »15.
35Cependant, conscient que le peuple cherche à « se faire justice lui-même » lorsque le pouvoir législatif est « inactif » face à l’exécutif royal, Marat n’en est pas moins, comme la plupart des patriotes avancés, hostile aux manifestations, nombreuses en 1789, de la punitivité populaire dans la mesure où elles fournissent « aux ennemis de la Révolution un moyen perfide d’armer son bras contre ses propres défenseurs ». C’est pourquoi il insiste tant sur la nécessité de créer « un tribunal d’État » dans un tel contexte punitif récurrent. Un « vrai tribunal d’État » devrait être composé de « citoyens indépendants, éclairés et vertueux », capables de juger les dénonciations contre les agents du pouvoir exécutif, de connaître les crimes d’État en faisant « parler la loi », précise-t-il16. Ainsi, dès le mois de septembre 1789, Marat envisage, par la médiation du « censeur politique », une extension maximale de l’acte d’opinion, d’abord spécifique de la conscience tribunitienne du journaliste patriote.
36En associant intimement l’acte de dénonciation au thème de la dénonciation de l’injustice, inscrit à l’horizon du droit naturel déclaré, Marat annonce ainsi la prééminence, sous la catégorie d’opinion publique, de l’acte de faire parler de la loi au sein du mouvement républicain et de ses porte-parole en 1791-1792.
3. Les Journées d’octobre : de l’affirmation politique des « femmes citoyennes » à l’apparition éphémère du porte-parole
37« Tout, jusqu a la manière dont cette révolution s’est opérée, sort de la classe des événements politiques connus jusqu’à ce jour. Il faut donc reconnaître que, dans la série de ses combinaisons, la Nature peut amener tel ordre de choses dont on n’aurait même pas soupçonné la possibilité » : un tel constat du journaliste des Révolutions de Versailles et de Paris nous introduit au récit d’événement le plus complexe dans son agencement, en ce début de la Révolution française, la narration des journées d’octobre17.
38A propos de cet événement, la presse relate une série de scènes jugées pour le moins étonnantes par les contemporains, que l’historien a résumées pour nous dans les termes suivants :
« Le 5 au matin, le rassemblement des Dames de la halle devant l’Hôtel de Ville pour réclamer du pain, la marche massive des Parisiennes sur Versailles, l’intrusion des femmes dans la salle de l’Assemblée, l’accueil bienveillant fait par le roi d’une délégation de femmes, les bagarres entre les gardes du corps et le peuple resté à l’intérieur de la demeure royale, et enfin l’arrivée à Versailles du deuxième cortège que constitue essentiellement la garde nationale parisienne conduite par Lafayette.
Le 6 octobre, à l’aube, l’antichambre des appartements de la reine est envahie par le peuple manifestant. A la fin de la matinée, sous la menace de la foule, le roi se présente au balcon ; il lui promet alors de se rendre à Paris le jour même. Ce fut le retour triomphant du peuple et de son armée qui ramenaient à Paris la famille royale » (Mizubayashi, Sumi, Ueda, 1992 : 127).
39Face à un tel foisonnement de scènes spectaculaires, le travail du journaliste, qui crée la fiction de sa présence à l’événement, procède d’un geste distinguant une classe d’individus, « les citoyens », pour les poser en seuls sujets révolutionnaires à l’encontre du « peuple en insurrection », situé en position punitive. Ainsi en est-il par exemple dans le journal de la Municipalité et des Districts de Paris. Au moment de la description de la scène à l’Hôtel de Ville, le contraste est fortement marqué entre les « braves citoyennes » qui se réunissent à la Maison Commune et « la multitude » qui provoque la violence des « brigands ». Il en est de même lors de la réponse du Roi aux « prières » de la Commune de Paris :
« Alors la joie brille dans tous les cœurs, alors les citoyens se livrent à l’espérance d’un avenir plus heureux ; alors ils se promettent de voir la tranquillité renaître dans la capitale ; heureuses nouvelles, qui sont bientôt troublées par le récit de provocation de quelques gardes du corps et d’excès commis sur eux par la multitude ».
40Dans cette perspective, le récit proposé par Gorsas (Courrier de Versailles à Paris et de Paris à Versailles) est tout à fait intéressant. Il opère une autocensure sur les scènes punitives (« L’affaire s’engagea d’une manière trop tumultueuse pour en suivre les détails... Je passe sous silence une infinité d’anecdotes désagréables à réciter ») qui contredisent la nécessaire union des citoyens18. Gorsas inscrit donc son récit à l’intérieur d’« une harmonie générale qui annulerait d’un coup toute différence séparatrice » selon Akira Mizubayashi (1992 : 140). Il écrit ainsi, relativement à la scène de réconciliation des gardes du corps avec les femmes :
« Les haines cessent. On saute au cou des Gardes du corps, ils sautent au cou de tout le monde. Le plus touchant spectacle succède enfin aux horreurs du carnage ; tout le monde est ami, tout le monde est citoyen ; les femmes-soldats prennent les bandoulières des Grenadiers : et le nom d’un Roi adoré est dans toutes les bouches, comme son image est dans tous les cœurs ; et tout le monde se dispose à l’accompagner ».
41Une telle formule « tout le monde est citoyen » est conforme à l’horizon d’attente des patriotes de 1789 tout en y ajoutant un élément essentiel : les femmes-soldats sont reconnues en tant que femmes citoyennes. Cependant, cette reconnaissance, imposée par l’événement, d’un rôle consensuel des femmes en politique ne permet pas de combler le vide, de réduire la distance entre la scène punitive, sans cesse présente, et l’espace légitime du discours d’assemblée, amplifié par l’acte d’opinion des journalistes.
42Il convient alors d’aborder la seule scène relatée par la quasi-totalité des journalistes : l’irruption des femmes dans l’Assemblée nationale, le 5 octobre, spectacle « étrange et rare » pour les députés selon le Courrier de Provence.
43De fait, le déroulement de cette scène atteste de la présence d’un porte-parole, Maillard, dont l’échec est révélateur de la fragilité du consensus établi autour de la figure nouvelle du citoyen.
44Stanislas Maillard est présent sur la scène politique parisienne dès le 14 juillet, en tant que capitaine des Volontaires de la Bastille. C’est donc l’un des « Vainqueurs de la Bastille ».
45Selon son propre témoignage19, le 5 octobre au matin, il se trouve sur la place de Grève où il s’efforce de « calmer le peuple » qui réclame du pain l’air menaçant. L’Hôtel de Ville est alors occupé par des femmes répétant sans cesse que « la ville était composée d’aristocrates ». Elles ne veulent pas d’hommes parmi elles, mais finissent par accepter la présence de Maillard, parce que « c’était un volontaire de la Bastille ».
46Maillard s’autorise donc d’une légitimité antérieurement acquise pour tenter d’empêcher les femmes de brûler les papiers entreposés dans l’Hôtel de Ville.
47Pour une des premières fois, se précise la volonté spécifique du porte-parole d’insérer la demande populaire dans l’espace de la représentation politique, sans qu’elle soit suivie pour autant d’effet pratique.
48Maillard lui-même en témoigne de la façon suivante : « Il leur observa qu’elles pouvaient se porter, par une députation, à la Commune à l’effet de demander justice et de représenter la situation où elles pouvaient être, puisque toutes demandaient du pain ; elles répondirent que toute la Commune était composée de mauvais citoyens qui méritaient tous d’être à la lanterne ». Cependant il persévère dans sa volonté de médiation au moment où les femmes des faubourgs de Paris décident de se rendre à Versailles, en particulier auprès de l’Assemblée Nationale. Il les rejoint, équipé d’un tambour, place Louis XV, où elles affluent de toutes parts « armées de manches à balais, lances, fourches, épées, pistolets et fusils ». Là, il les convainc de « mettre bas les armes » en usant à nouveau, mais cette fois-ci avec succès, d’un argument typique du discours du porte parole, la légitimité politique de la demande populaire : « Puisqu’elles voulaient aller à l’Assemblée Nationale que pour demander justice et du pain, elles pouvaient y aller sans armes ».
49Après cette médiation enfin réussie, Maillard obtient la confiance des femmes et prend la tête du cortège en marche vers Versailles. Il introduit un peu d’ordre dans cette foule en engageant une vingtaine de femmes « à prendre des hallebardes pour pouvoir former une bannière » devant les autres femmes « afin d’aucune d’elles ne puisse passer en avant ». Il leur fait également crier « Vive le roi ». Lorsque des femmes, rejointes par des hommes armés, s’approvisionnent directement dans les boutiques situées sur le parcours du cortège, il leur fait « entendre qu’on les prendrait plutôt comme des bandits que pour des citoyens, comme ils (sic) s’annonçaient ». La référence attestée à la citoyenneté complète le portrait discursif du porte-parole soucieux de constituer l’unité politique des individus assemblés autour de lui.
50C’est donc à la tête d’une délégation d’une quinzaine de femmes portant des sortes de drapeaux montrant une balance, symbole de la justice, que Stanislas Maillard s’installe à la barre de l’Assemblée nationale pour faire part aux députés des demandes que les femmes de Paris lui avaient « communiquées » en route. Le laconisme du Moniteur20 convient bien à la circonstance présente :
« Une députation d’un très grand nombre de citoyennes de Paris, déjà arrivée à Versailles, se présente à la barre, M. Maillard est à leur tête et porte la parole : Nous sommes venus à Versailles pour demander du pain, et en même temps pour faire punir les gardes du corps qui ont insulté la garde patriotique ».
51Selon un des députés, Maillard, « costumé en noir », prend la parole « d’un air hagard et menaçant ». Il réclame bien du pain pour les parisiens et demande en conséquence que l’on fouille les maisons des individus soupçonnés d’accaparement. Les députés manifestent leur indignation devant de tels propos21. Souhaitant contourner cette résistance manifeste à l’irruption de la demande populaire, Maillard, très habilement, fait machine arrière, si l’on peut dire, en invoquant le thème unificateur minimal de la citoyenneté.
52Reprenons le récit du Moniteur :
« Quelques expressions peu mesurées, échappées à l’orateur, lui attirent alors une injonction du président de se contenir dans le respect qu’il doit à l’Assemblée Nationale. Le président ajoute que tous ceux qui veulent être citoyens peuvent l’être de leur plein gré et que l’on n’a pas le droit de forcer les volontés.
Maillard. Il n’est personne qui ne doive s’honorer de ce titre ; et s’il est, dans cette diète auguste, quelque membre qui puisse s’en croire déshonoré, il doit en être exclu sur le champ.
Toute la salle retentit d’applaudissements, et une foule de citoyens répètent : Oui, tous doivent l’être, nous sommes tous citoyens ».
53Maillard se protège donc derrière l’unanimisme de la figure nouvelle du citoyen. Mais il n’en reste pas moins que son itinéraire de porte-parole se termine par un échec : sa médiation est malheureuse22. La preuve en est la manière dont il en rend compte au cours de son interrogatoire au Châtelet en 1790 : il ne fait pas mention de sa position de porte parole, de demandeur de pain au nom du peuple. Il souhaite que l’on oublie, le temps de la procédure judiciaire, sa tentative de traduire la demande populaire dans la « nouvelle langue politique » en appui sur le droit à l’existence.
54En effet, depuis la fin du mois d’octobre 1789, après l’exécution punitive du boulanger François par la foule, la loi martiale a été votée, puis établie par l’Assemblée Nationale à la demande de la Commune de Paris23.
55Désormais toute médiation de porte-parole, en position intermédiaire entre le peuple et les autorités constituées, est a priori exclue du champ politique. Il ne reste plus aux autorités constituées qu’un seul recours face au peuple attroupé : sortir le drapeau rouge (symbole de « la force à la loi »), lui faire sommation de se retirer par un avis (« Avis est donné que la loi martiale est proclamée, que tous attroupements sont criminels : on va faire feu : que les bons citoyens se retirent ») et user, en cas de nécessité, de la force armée, avant de condamner à mort les « instigateurs de la sédition » qui auraient échappé à la fusillade ! En visant systématiquement toutes les formes d’expression populaire, du trouble de subsistances aux coalitions d’ouvriers en passant par le simple fait de pétitionner ensemble, donc de se réunir et de s’exprimer collectivement, la loi martiale est proclamée « contre un peuple qui défend ses droits, qui recouvre sa liberté «, précise Robespierre24.
56De fait, dès le 21 octobre, une partie du côté gauche de l’Assemblée dénonce les méfaits de la loi martiale. Robespierre lui même ironise en s’écriant : « Les députés de la Commune vous demandent du pain et des soldats, c’est-à-dire le peuple attroupé veut du pain, donnez-lui des soldats pour l’immoler ! ». Ici l’incohérence, à l’horizon du droit à l’existence, de l’expression coordonnée « du pain et des soldats », contraste avec la cohérence d’une autre expression coordonnée, « du pain et la liberté » introduite dans le récit des journées d’octobre par le journaliste des Révolutions de Paris25.
57En 1791, la présence d’un porte-parole, auprès du peuple, ne pourra s’imposer que dans la lutte contre les agents de l’exécutif royal chargés d’appliquer un telle loi oppressive. Remarquons en effet que la loi martiale, adoptée en octobre 1789, n’est pas de pure circonstance, et donc sans application concrète. Elle fut mise à jour le 23 février 1790, puis complétée par la loi Le Chapelier, le 14 juin 1791, sur l’interdiction des coalitions ouvrières et enfin systématisée par la loi du 26 juillet 1791 qui suivit son application pendant la fusillade du Champ-de-Mars26.
58C’est donc en s’opposant à une telle légalité de sang du discours d’assemblée en 1789 et en s’insérant dans un discours républicain en acte que le porte-parole deviendra en 1792 l’une des figures majeures du mouvement jacobin.
59Cependant il importe de ne pas conclure cette approche discursive des journées d’octobre par une touche uniquement négative. Cet événement marque un tournant majeur, au sein du processus révolutionnaire, dans la mesure où il manifeste fortement la présence politique de cette « moitié de la Nation » qui a été exclue volontairement de la citoyenneté pleine et entière, les femmes.
60Les quelques milliers de femmes qui prennent part à la marche de Paris à Versailles manifestent leur identité (« Nous sommes citoyennes ») sur la base d’un mode original d’action politique à un double titre. D’une part leur présence massive démontre l’adhésion de l’ensemble du peuple parisien aux valeurs de la Révolution. D’autre part, ces citoyennes confirment et amplifient la mobilisation populaire, déjà effective par l’action des seuls hommes au moment de la prise de la Bastille (Michalik, 1989).
61En affermissant la liberté récemment acquise, les dames patriotes inaugurent un processus de radicalisation qui va leur permettre d’occuper progressivement, comme nous le verrons au printemps 1792, une place à part entière.
62Forte de l’événement, La Requête des dames à l’Assemblée Nationale peut formuler un décret en faveur de l’égalité concrète des droits politiques où est notifiée la nécessaire présence de femmes élues dans les assemblées politiques, y compris l’Assemblée Nationale, avec « voix consultative et délibérative »27. Elle s’appuie en effet sur la reconnaissance par l’écrivain patriote du caractère politique de l’action des femmes du peuple :
« Nous pouvons nous flatter que voilà notre liberté raffermie ; elle en avait besoin, elle ne devait plus durer qu’un moment, et elle était ruinée de toutes parts... Et ce sont les femmes qui nous l’ont rendue ! De quelle gloire immortelle elles viennent de s’environner ! Dans quel ordre, et avec quel courage elles sont allées, au nombre de près de dix mille, demander raison aux dignes suppôts du despotisme... »28.
Annexe
Annexe 1
Les maximes de la dénonciation (L’Ami du peuple n° 37, 13 novembre 1789)
Que l’opinion consacre donc ses grands maximes, si propres à déconcerter les ambitieux, les fripons, les traîtres et à dégoûter ceux qui seraient tentés de le devenir. Permis à tout citoyen de dénoncer les hommes en place, depuis le premier ministre jusqu’au dernier commis devant le tribunal d’État.
Quant une dénonciation contient plusieurs chefs d’accusation, elle doit être réputée bien fondée, quoique toutes les charges ne soient pas prouvées.
Toute dénonciation fondée sera pour son auteur un titre à l’estime publique.
Toute dénonciation non fondée, mais faite par amour de la patrie, n’exposera son auteur à aucune punition, car l’homme n’étant pas infaillible, une erreur ne le rend pas criminel.
Tout homme dénoncé injustement sera honorablement acquitté et tout dénonciateur de bonne foi ne sera tenu qu’à lui donner la main de la paix.
Le dénonciateur calomnieux sera flétri par l’opinion publique et l’homme de bien dénoncé sans raison obtiendra une marque d’honneur, gage de l’estime de ses concitoyens, mais dont il sera dépouillé s’il venait à démériter. Seront exposés dans la salle de justice du tribunal deux tableaux dont l’un contiendra les noms des agents de l’autorité qui ont malversé, l’autre le nom des dénonciateurs calomnieux.
Qui voudrait dénoncer les méchants, si une simple erreur pouvait rendre l’honnête homme victime de son zèle pour la patrie ? Personne.
Qui voudrait servir la patrie, si on était sans cesse exposé aux délateurs ? L’homme de bien.
Annexe 2
Requête des Dames à l’Assemblée Nationale Reprint Edhis (extraits)
« Quoi ! Vous avez généreusement décrété l’égalité des droits pour tous les individus […] Et vous en privez injustement la plus douce et la plus intéressante moitié d’entre vous ! […] Tandis que vous ouvrez toutes les bouches, que vous déliez toutes les langues, vous nous forcez, nous, pour qui c’est une si antique, une si douce habitude, de parler, vous nous forcez de garder un triste et honteux silence […] Vous avez enfin noblement décrété que la voie des dignités et des honneurs serait indistinctement ouverte à tous les talents... et vous continuez de mettre encore des barrières insurmontables aux nôtres !.
[…] Pourquoi dérober aux siècles antérieurs et aux nations étrangères les traits héroïques qui combattent en faveur de notre sexe ? Auriez-vous donc oublié déjà ces actions éclatantes qui viennent d’illustrer le séjour de nos Rois et la capitale de la France, ces hauts-faits presque incroyables qui ne laissent plus rien à envier à l’antiquité, et qui frapperont d’étonnement toutes les générations futures ? […] N’est ce pas en effet ce sexe si faible en apparence […] qui a préparé, peut-être même consommé cette heureuse, cette étonnante révolution qui vient de s’opérer parmi nous.
[…] Ah ! Nosseigneurs, osez, aujourd’hui, réparer en notre faveur les anciennes injustices de votre sexe ; mettez-nous à portée de travailler comme vous et avec vous à la gloire et au bonheur du peuple Français... »
Notes de bas de page
1 Pour la presse parisienne, qui constitue l’objet exclusif de notre attention présente, il s’agit essentiellement des travaux de Claude Labrosse et Pierre Rétat (1989). Nous n’abordons pas le cas de la presse départementale dont la recension est actuellement en cours.
2 Note manuscrite, Archives Nationales 284 AP4 (8).
3 Le titre exact de ce journal est : Révolutions de Paris, ou récit exact de ce qui s’est passé dans la capitale, et particulièrement de la prise de la bastille, depuis le 11 juillet 1789 jusqu’au 23 du même mois.
4 Voir la présentation du Journal d’Etat et du citoyen dans Pierre Rétat (1988b).
5 Antoine de Baecque (1993) a consacré une partie de son livre à l’étude de « la dénonciation publique » au début de la Révolution française. Pour notre part, nous avons proposé un vue d’ensemble de l’acte de dénonciation dans « Fragments of a Discourse of Denunciation » (1994c).
6 Pour mesurer l’importance de l’éloquence dans le « système » de Laharpe, nous renvoyons le lecteur à la thèse de Patrick Brasart (1992).
7 La meilleure étude en ce domaine est celle de Jacques De Cock, dans son édition des Œuvres politiques de Marat, en collaboration avec Charlotte Goëtz, volume 4, 1993, p. 629-642 * du guide de lecture.
8 Œuvres politiques, id., p. 297.
9 Id. 1, p. 270 et suivantes.
10 Id. 1,p. 142.
11 Id. 4, p. 631*.
12 Id. 1,p. 257.
13 Id. 1, p. 297.
14 Id. 1,p. 211.
15 Id. 1,p. 198.
16 Id. 1, p. 126. Le passage concerné est le suivant : « Je ne vois qu’un moyen de former un tribunal ferme et impartial qui ait la confiance publique et qui fasse parler la loi, c’est de le composer d’un membre de chaque district de la capitale choisi par la voie du sort, et d’un président choisi par la voie du scrutin ».
17 Notre description des journées d’octobre s’appuie sur les travaux de Akira Mizubayashi, Yoichi Sumi et Yuji Ueda (1989, 1992). Ces études ont essentiellement comme source la presse. Des éléments complémentaires, à la fois sur le plan archivistique et concernant l’évaluation du rôle décisif des femmes, se trouvent chez Michalik (1990).
18 En particulier le 6 octobre au matin, des groupes de femmes et d’hommes se heurtent aux gardes du corps sur les terrasses de Versailles, les massacrent, les décapitent, puis entrent dans les appartements royaux aux cris de « Mort à l’Autrichienne ! » et de « A Paris ! A Paris ! ».
19 Voir sa déposition au cours de la Procédure criminelle instruite au Châtelet de Paris sur la dénonciation des faits arrivés à Versailles dans la journée du 6 octobre, Paris, 1790. Les citations qui suivent sont extraites de ce témoignage.
20 Tome 2, page 11. Voir aussi les Archives parlementaires, 1re série, tome 9, p. 346-347.
21 Les témoignages des députés à l’Assemblée nationale sur les journées d’octobre sont analysées par Timothy Tackett (1996 : 197-199). Dans leur grande majorité, directement confrontés pour la première fois au peuple en mouvement, ils sont horrifiés par une telle irruption populaire. A vrai dire, cet événement a relativement peu d’impact sur la dynamique propre de l’Assemblée nationale qui manifeste ainsi l’une des limites de son discours à visée universaliste.
22 J. L. Austin (1970) précise qu’il importe, pour qu’une énonciation déclaratoire soit réussie que les circonstances dans lesquelles les mots qui l’expriment soient appropriées. Dans le cas contraire, l’énonciation est non pas fausse, mais malheureuse. A ce titre, Austin peut affirmer successivement que « l’énonciation performative ne dit pas, ou ne se limite pas à dire, quelque chose, mais qu’elle fait quelque chose ; q’elle n’est pas un compte-rendu, vrai ou faux, d’un phénomène », et que « si elle n’est jamais vrai ou fausse, elle est néanmoins sujette à la critique, qu’elle peut être malheureuse » (id : 57).
23 Florence Gauthier (1992 : 56-66) a montré l’importance de la loi martiale au sein du dispositif anti-populaire de l’Assemblée nationale. Nous reprenons son analyse.
24 Dans son intervention à l’Assemblée nationale au moment du vote du complément de cette « loi de sang », le 23 février 1790, il dit plus précisément : « Prévenons ce malheur, ne proclamons pas une nouvelle loi martiale contre un peuple qui défend ses droits, qui recouvre sa liberté. Devons-nous déshonorer le patriotisme en l’appelant esprit séditieux et turbulent, et honorer l’esclavage par le nom d’amour de l’ordre et de la paix ? […] Ne souffrons pas que des soldats armés aillent opprimer de bons citoyens, sous prétexte de la défendre » (Œuvres Complètes, Paris, PUF, tome VI, p. 239).
25 Voir notre analyse linguistique de cette opposition entre « du pain et des soldats » et « du pain et la liberté » dans Guilhaumou, Maldidier, Robin (1994 : 140-141).
26 Nous précisons les enjeux de la relation du massacre du Champ-de-Mars en tant que fiction idéalisante de la loi martiale à la fin du chapitre VII.
27 Voir l’extrait de cette requête en annexe 2 de ce chapitre.
28 Les héroïnes de Paris ou l’entière liberté de la France par les Femmes, Les femmes et la Révolution française, reprint Edhis, tome 1. Les italiques sont de notre fait.
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