Point de synthèse XIII. Le cable
p. 177-183
Texte intégral
1Le câble est souvent présenté comme un concurrent du satellite ; sa technique et sa destination en font un média très complémentaire.
A. Quelques données techniques
2• Les câbles bifilaires, composés de deux fils électriques gainés et torsadés, sont capables de transmettre un canal de télévision sur une courte distance. Les fils sont ainsi spiralés l’un autour de l’autre pour des raisons de protection contre les perturbations électriques ambiantes. Le fil de cuivre est entouré d’une gaine isolante de matière synthétique. Cette gaine peut être ou non, blindée. Les câbles de paires torsadées contiennent une paire ou un multiple de paires.
3• Les câbles coaxiaux, les plus répandus, sont en cuivre ou en cuivre et aluminium1 ; leur capacité oscille entre 15 et 70 canaux de télévision2.
4• Les câbles à fibres optiques (ou fibre de verre) (pour un câble de 30 fibres), peuvent transmettre jusqu’à 120 canaux. La fibre optique, un fin cheveu de verre très pur (à la limite une matière synthétique), permet la transmission d’ondes lumineuses3 à une vitesse supérieure à celle des électrons dans un conducteur. Et comme, plus la quantité d’information par seconde à transmettre est grande, plus la fréquence de la porteuse doit être élevée, quand on sait que la fréquence des ondes lumineuses atteint 300 milliers de milliards de Hertz, la fibre optique apparaît en théorie prometteuse4. Les signaux à transmettre sont de type analogique, c’est-à-dire à variation continue entre deux valeurs extrêmes, ou de type numérique, et alors ils s’apparentent à une succession d’impulsions brèves. Les débits, en terme numérique, y sont couramment de 2 Mbits/s (30 voies téléphoniques) à 2400 Mbits/s (36 000 voies téléphoniques ou 30 canaux de télévision ou 16 canaux de TVHD). Aujourd’hui, on dispose de fibre optique à débit de 565 Mbits/s mais la mise au point de supports de 2 Gbits/s est envisageable vers 19955.
Le premier câble en cuivre reliant la France et l’Angleterre date de 1891 ; le premier câble reliant l’Europe et l’Amérique, de 1857 à 18656. Le premier câble transatlantique « moderne » date de 1956, le TAT-1 (48 circuits analogiques). L’utilisation du Gutta-Percha, une gomme extraite du latex d’arbres de la famille des sapotacées avait permis au milieu du XIXe siècle de résoudre le délicat problème de l’étanchéité des fils immergés7. Plus de 650 000 Km de câbles sous marins étaient utilisables pour les transmissions en 1930.
Le premier câble optique entre les EU et l’Europe est long de 6400 km : le TAT-8 (1988). Depuis le 2 août 1991 un câble sous marin en fibre optique TAT-9 reliant le continent américain à la France, l’Espagne et le Royaume Uni, est exploité depuis mars 1992 et offre une capacité de transmission de 22 680 circuits téléphoniques8. Le TAT-10 relie en 1992 directement les Etats-Unis à l’Allemagne et aux Pays-Bas. Le TAT-11 dessert la France et l’Angleterre en 1993, peut acheminer 80 000 conversations téléphoniques simultanées... En 1993, quatre grands opérateurs sont capables de mettre en service ce type de liaisons : l’américain ATT, le britannique Northern Telecom, le français Alcatel, un ensemble d’entreprises japonaises dirigées par NEC. En 1995, le TAT-12 permet jusqu’à 600 000 conversations téléphoniques simultanées entre les Etats-Unis et la France9.
5• La structure en « arbre » d’un réseau est constituée d’un ensemble de dérivations successives qui finissent chez l’abonné sans qu’il y ait retour possible. La structure en étoile, permet une interactivité10. La loi du 30 septembre 1986 laisse aux collectivités locales le choix du constructeur du réseau. Les techniques actuelles de construction d’un réseau s’appellent : Télédis, RC2, Visicâble, Eurocâble et proposent des types de réseaux : « OG » (utilisation du fil de cuivre et de la fibre optique), « 1G » (pour le tout optique)11.
B. La politique du câble
6• Le plan câble, en France, a été conçu en 198212. Il prévoit la séparation des propriétaires et des exploitants des réseaux. Le 3 novembre 1982, le ministre des PTT, Louis Mexandeau, faisait adopter en Conseil des Ministres un plan de développement des réseaux câblés de vidéo communication, le plan câble. La DGT (Direction Générale des Télécommunications) assurait la maîtrise d’œuvre de l’ouvrage et l’exploitation était assurée par des sociétés d’économie mixte (SLEC). Cette politique n’existe plus. La Mission câble est remplacée par l’Agence câble depuis 1986, un département du service juridique et technique de l’information (SJTI), service mis à la disposition du Premier Ministre par le Ministère de la communication13.
7• Les rapports de la Cour des Comptes en 1989 et 1991 émettent de fortes critiques à l’engagement des finances publiques dans la réalisation des réseaux câblés dans la mesure où « les 25 milliards de francs prévus, dont 18 engagés n’ont permis un taux de raccordement que de 10 %, ce qui ne permet pas une rentabilisation de l’opération »14. Le rapport élaboré par Alain Auclair et Christian Giacomotto fin 1991 vise à proposer « un plan d’ensemble pour le sauvetage du câble, et pas seulement une série de remèdes ponctuels à des problèmes isolés »15.
8• Selon les chiffres collectés par le Service juridique et technique de l’information (SJTI), fin 1992, on compte, en France, près d’un million d’abonnés raccordés, sur presque 4,5 millions de logements raccordés répartis entre les 195 réseaux (contre 553 000 abonnés sur les 136 réseaux en 1991). A terme, le parc sera de plus de 7 millions de prises et le SJTI avait prévu 1,3 millions fin 1992 pour 5,9 millions de prises installées16. Trois grands opérateurs en 1992 dominent le marché du câble en France17 : 1) Lyonnaise Communication – Lyonnaise des Eaux – Dumez (145 702 abonnements en janvier 1992) ; 2) Compagnie générale de vidéo-communication-Générale des Eaux (307 552 abonnements en janvier 1992)18 ; 3) Communication Développement – Caisses des Dépôts) (236 028 abonnements en janvier 1992)19 Lyonnaise-Communications, l’opérateur du câble parisien et sa filiale Paris TV Câble lancent en mars 1991 une opération commerciale significative de la stratégie commerciale des nouvelles modalités de distribution des chaînes de télévision20. On propose au public trois types de tarification : 1) un abonnement de 15 à 25 francs permet d’avoir les 6 chaînes nationales plus la SEPT en D2 Mac ; 2) un abonnement de 70 à 98 francs permet d’obtenir en plus 8 télévisions étrangères ; 3) un abonnement à 183 francs permet d’obtenir en plus les chaînes thématiques câblées. Le groupe américain Time-Warner annonce son intention de lancer des réseaux câblés à 150 canaux utilisant la fibre optique pour diffuser de la télévision et des services inter actifs : télé achat, services bancaires téléinformatique, télécopie... Time-Warner est le second réseau câblé aux EU après TCI ; il gère 6,5 millions d’abonnés dans 36 Etats21.
Le piratage du câble est important. Une société de maintenance du câble aux Etats-Unis a volontairement envoyé un virus22 sur le réseau rendant l’écran blanc. Les téléspectateurs ont téléphoné croyant à une panne et les réparateurs en soulevant le couvercle de raccordement ont découvert les pirates23 !
C. L’utilisation du câble
9• TV5 Europe est un programme francophone associant cinq chaînes publiques : une belge (RTBF), une suisse, une canadienne, deux françaises. Elle propose une sélection de leurs meilleures émissions ou divertissements24. TV5 est la réalisation d’une volonté du Ministère français des Affaires étrangères ; en 1984, elle n’émettait que 3h30 de programmes par jour, et 24 heures par jour en septembre 1992 pour un nombre d’abonnés de 21,750 millions en 1991. Au 1er septembre 1988 émet TV5 Québec Canada, puis en octobre 1992 TV5 Afrique25 et Amérique Latine selon le slogan de la chaîne : « TV5, une seule langue, plusieurs regards »26.
10• Le groupe Murdock lance aux Etats-Unis, une « chaîne du rire » cryptée, « Comedy Channel », née de la fusion de « Comedy Central » (lancée en novembre 1989 par HBO, une filiale de Time-Warner) et « Ha ! », lancée le 1er avril 1990 par MTV Networks du groupe Viacom27.
11• On assiste au rapprochement entre les industriels du câble et du téléphone28 et à l’utilisation de l’interactivité. Un accord entre Telecommunications Inc. (TCI), le plus gros câblo-distributeur américain et US West, une des plus importantes compagnies régionales de téléphone (Bell Atlantic) proposent en 1991 aux abonnés du câble, deux nouveaux services de télévision à carte. Un système de paiement, propose 15 films par jour, une télé vidéothèque interactive permettant à l’abonné de choisir le film qu’il désire regarder dans une liste de 1000 titres ; Bell Atlantic annonce le 13 octobre 1993 le rachat de TCI pour fournir plus de 500 canaux de télévision, dont nombre de canaux interactifs29 Le système Video-way, de la société canadienne Vidéotron30 permet aux téléspectateurs, dès 1989, au Québec de choisir certaines émissions entre 4 types d’images d’une simple pression sur un bouton de télécommande31. L’originalité de vidéoway est qu’il renferme à la fois dans une boite plate et peu encombrante, un sélecteur de câble, des décodeurs pour la télévision payante, le vidéotexte, le télétexte, la télévision interactive ainsi qu’une mémoire d’une capacité de 256 k. Le plus proche concurrent du vidéoway est le terminal Alex du géant Bell Canada, largement inspiré du Minitel français. La possibilité de diffuser sur le câble des vidéogrammes réalisés par des non professionnels apporte une novation dans l’influence potentielle du câble32.
Notes de bas de page
1 L’un des deux conducteurs est central, pendant que l’autre l’entoure concentriquement ; on appelle « âme » la partie axiale du câble ; le câble est entouré de « blindage ».
2 En utilisant pour cela la technique du multiplexage en fréquence qui consiste à transporter ensemble plusieurs émissions en les juxtaposant au départ et en les triant à l’arrivée.
3 Et donc pas les variations de potentiel électrique comme les câbles métalliques.
4 Une conversation téléphonique a une fréquence de 3500 Hertz, celle d’une chaîne haute fidélité, 20 000 Hertz, une transmission télévisée, 6 milliards de Hertz.
5 Pour une présentation, « Les Télécommunications par fibres optiques », in PluriSciences, 1979, Encyclopaedia Universalis, p. 361. Cf. aussi Balle, 1990, p. 146 ; « 2005... les fibres optiques », Michel Tréheux, in Sciences et Avenir, numéro spécial, 1983, p. 76 ; Télécoms & Réseaux International, novembre 1991, p. 36 ; cf. le dossier « le câblage et sa gestion » in Télécoms & Réseaux, décembre 1992, p. 20, notamment p. 25 sur le tout optique et numérique chez TF1. La fibre optique peut même permettre la lecture des disques 78 tours ! in Science et Vie, septembre 1992, p. 124.
6 « Le premier câble transatlantique comportait, au centre, une âme composée d’un toron de sept fils de cuivre pur, gainé de trois couches de gutta-percha. Cette âme d’un diamètre extérieur de près de 12,2 millimètres, était revêtue d’une mince couche de toile goudronnée et armée de dix-huit torons formés chacun de sept fils de fer » in Carré, 1991, p. 45.
7 Procédé mis au point par J. Brett vers 1850.
8 Télécoms & Réseaux International, octobre 1991 p. 28 ; Télécoms & Réseaux International, avril 1992, p. 10.
9 Le Courrier International, 16 septembre 1993, p. 65.
10 Sur la notion d’interactivité, cf. Lelu, 1985 ; des procédés comme le « Multipoints » (depuis le 15 mars 1993, cf. Sciences et Avenir, juin 1993, p. 82 ; cf. Science et Vie Higb Tech, n° 6, p. 34) ou « Hugo Délire » (environ 30000 appels chaque soir en 1993) de France 2 et France 3 permettent une interactivité pour les jeux sur le réseau hertzien, in S VM mars 1993, p. 37, en utilisant le réseau RTC.
11 Science et Vie, octobre 1991), p. 122.
12 La première transmission câblée de télévision date de 1927 aux Etats-Unis ; pour une rapide présentation, cf. Décisions Médias, juillet 1992, p. 46.
13 LM900602, p. 16, câble plan.
14 LM910628, p. 13, câble.
15 LM911123, p. 15, câble. La loi du 29 décembre 1990 apporte de profondes modifications sur les règles applicables aux réseaux, aux services et aux équipements de télécommunications ; cf. la plaquette, publiée à la Documentation française dans la série « références » : Perspectives pour les télécommunications, par Martine Georges et Alain Vallée, 1992 ; cf.aussi le regard critique de Lucien Sfez, « le câble est un concept sans image » in le supplément LMRTV du 15 juin 1992, p. 16.
16 LM901003, p. 2, abonnés câblés et LM910205, p. 15, réseaux. Les Etats-Unis comptent en 1990, 41 millions d’abonnés, in Sciences et Avenir, n° 530, p. 38 ; d’après l’AVICA (Association Nationale des VIlles CAblées), la France compte exactement en janvier 1993, 4 686 390 prises installées pour 1 056 233 abonnés (dont 745 895 abonnés individuels et 310 338 abonnés collectifs) à l’un des 151 réseaux câblés recensés, soit une pénétration totale de 22,55 % .
17 Sur 14 ; France Télécom devient le 4e grand avec la reprise des réseaux en fibre optique de la Générale des eaux avec plus de 600 000 prises potentielles fin 1992 ; cf. aussi LM920602, p. 38, câble (dossier) ; cf. aussi Décisions Médias, juillet 1992, p. 50.
18 Qui gère par sa filiale, Générale d’images, des chaînes régionales de télévision, Télé-Toulouse (1988), Télé-Lyon-Métropole (1989), Télé-Monte Carlo (née en 1954 et relancée en 1990) ; in LM910918, p. 24, réseau.
19 Qui a créé sur chaque site d’exploitation une filiale « Cité Vision » ; cf aussi LM91052, p. 14, opérateurs ; en mai 1993, six sociétés de télévision par câble (Disca france, Est Vidéocommunication, Reflex, Réseaux câblés de France, Télécolombus eurocâble, Videopole), s’associent dans l’Association des nouveaux opérateurs constructeurs de réseaux câblés (ANOC) et regroupent une centaine de réseaux sur les 251 réseaux autorisés en France en 1993 ; in LM930513, p. 10 nouveaux. Les déficits croissants et la fuite des abonnés laissent présager des difficultés immédiates pour les réseaux câblés ; in LM910910, p. 22, cri d’alarme ; cf. aussi les difficultés des télévisions locales, par exemple BB Com (Boulogne Billancourt Communication) in LM930228, p. 21, fonds. Cf. « Les réseaux câblés : techniques en présence » in Le Haut Parleur, octobre 1991, p. 36. En août 1993, la Générale des eaux avait 344 337 foyers câblés, la Caisse des dépôts, 316 532, la Lyonnaise des eaux, 211 389, France Telecom câble, 108 290.
20 LM910309, p. 2,5 chaîne culturelle.
21 LM910311, p. 9, Time-Warner. John Malone crée au milieu des années 1950 TeleCommunications Inc. (TCI) à Inglewood, banlieue de Denver (Colorado) et devient en 1992 le plus gros câblo opérateurs des Etats-Unis, contrôlant près de 13 millions sur les 65 millions foyers câblés ; cf. LM930518, p. 31, malone.
22 Sur la notion de virus en informatique, cf. PcExpert, septembre 1992, p. 458 ; cf. aussi InfoPc, janvier 1993, p. 245 ; InfoPc, mai 1993, p. 97 pour un panorama dans le monde Ms-dos.
23 LM910429, p. 9, pirates.
24 TV5 Europe, une nouvelle race de télévision », Florence Gaillard, in Médias Pouvoirs, janvier-février 1991, p. 15 ; cf. aussi LM930328, p. 10, francophone.
25 LM921002, p. 16, Afrique.
26 Cf. les 20 premières chaînes du câble en France in Décisions Médias, juillet 1992, p. 49 et 60.
27 LM910925, p. 27, comédie.
28 LM910507, p. 30, câble téléphone.
29 Libération931014, p. 13 ; LM931015, p. 22, Bell.
30 LM910515, p. 26, interactive ; cf. aussi les résultats du colloque « Communications 93 », Montréal, in LM930603, p. 22, Montréal.
31 Le premier téléviseur doté d’une télécommande est le Sony KV-18 01R en 1971 au Japon ; la télécommande modifie la pratique télévisuelle forgeant le mot « zapping ».
32 Accès Public, La Révolution » in Vidéo Caméra, novembre 1991, p. 82.
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