VIII. La « fenêtre Johari »
p. 203-207
Texte intégral
1. Une représentation du degré de lucidité dans les relations interpersonnelles
1Comme le mille-pattes insouciant, beaucoup de personnes se débrouillent très bien dans leur travail avec les autres sans jamais se demander quel pied avancer. Mais quand les difficultés surgissent, quand les méthodes habituelles sont inefficaces, quand nous désirons apprendre davantage, il n’y a pas d’autre choix que d’examiner notre propre comportement par rapport aux autres. Ce qui – entre autres – complique la tâche est la difficulté de trouver la façon appropriée de réfléchir à ces problèmes, surtout pour ceux qui n’ont pas de formation poussée dans les relations humaines.
2Quand INGHAM et LUFT75 ont présenté pour la première fois la « fenêtre JOHARI », qui illustre les relations interpersonnelles selon leur degré de lucidité, ils furent surpris de constater que beaucoup de non-professionnels, aussi bien que d’universitaires, utilisaient et s’inspiraient de ce schéma. Cette représentation semblait se prêter, en tant que dispositif heuristique, à une meilleure compréhension des relations humaines. Il était facile de se représenter visuellement les quatre quadrants qui composent la fenêtre Johari.

3Fonctionnement et lecture de LA FENÊTRE JOHARI
4Quadrant I. – L’aire d’activité libre s’applique aux comportements et aux motivations qui sont connus de soi-même comme des autres. C’est ce qui à un moment donné d’une relation circule ouvertement entre deux êtres. « Ce que j’envoie et reçois, ce qu’il envoie et reçoit ».
5Quadrand II. – L’aire aveugle où les autres peuvent voir en nous des choses que nous ignorons nous-mêmes. « Il y a des aspects de moi sur lesquels je ne suis pas lucide et qui sont perçus par autrui ».
6Quadrant III. – L’aire évitée ou secrète représente ce que nous savons mais ne révélons pas aux autres (par exemple : un dessein secret ou des questions, des thèmes à l’égard desquels nous sommes particulièrement sensibles).
7C’est l’aire de notre jardin secret.
8C’est aussi le territoire personnel que je ne souhaite pas partager à un moment donné de la relation.
9Quadrant IV. – L’aire d’activité inconnue. Ni l’individu lui-même, ni les autres ne sont conscients de certains comportements ou motivations. Pourtant nous pouvons supposer leur existence car dans certaines circonstances certains d’entre eux viennent à la surface (symptômes, actes manqués, rêves, somatisation...).
10Dans une relation nouvellement constituée, le quadrant I est très petit, il y a très peu d’interactions libres et spontanées. À mesure que la relation se développe et devient plus confiante (ce qui veut dire moins défensive), le quadrant I s’agrandit proportionnellement, ce qui veut habituellement dire que nous sommes plus libres d’être nous-mêmes et de percevoir les autres tels qu’ils sont véritablement. Le quadrant III se rétrécit à mesure que le quadrant I s’étend. Nous trouvons moins nécessaire de cacher ou de nier ce que nous savons ou ressentons. Dans une atmosphère de confiance réciproque croissante, il y a moins besoin de cacher des pensées ou sentiments pertinents.

11Le quadrant II met plus longtemps à se réduire car il y a d’ordinaire de « bonnes » raisons, d’ordre psychologique, à notre refus de voir ce que nous sentons ou faisons.
12Le quadrant IV diminuera au fur et à mesure de la remontée à la surface des souvenirs enfouis, cela en fonction du succès de la relation d’aide ou de la liberté retrouvée de l’Aidé à se dire.
13La fenêtre Johari peut être appliquée aux relations « inter-groupes »76.
14Le quadrant I désigne les comportements et les motivations connus du groupe et aussi d’autres groupes.
15Le quadrant II représente une aire de comportements auxquels le groupe est aveugle, mais dont d’autres groupes sont conscients, par exemple l’esprit de « chapelle » (de références à des croyances ou à des préjugés).
16Le quadrant III, l’aire secrète, a trait à ce que le groupe sait de lui-même mais ne dévoile pas aux autres groupes.
17Le quadrant IV, l’aire inconnue, indique qu’un groupe ignore certains aspects de son propre comportement, que les autres groupes ignorent aussi. Ultérieurement, quand le groupe acquiert de nouvelles connaissances sur lui-même, il y a réduction du quadrant IV au profit de l’un des autres quadrants. Dans les relations personnelles intimes ou professionnelles voici quelques principes sur les changements que subit la fenêtre toute entière :
Un changement dans n’importe quel quadrant affectera tous les autres.
Le fait de cacher, de nier ou de ne pas voir le comportement qui se manifeste au cours de l’interaction demande une dépense d’énergie.
L’insécurité tend à diminuer la lucidité, la confiance réciproque à l’augmenter.
La prise de conscience forcée (le dévoilement) n’est pas à rechercher et se révèle habituellement inefficace. Il y a un temps de maturation et de « mise à jour » nécessaire et variable pour chacun.
L’apprentissage de la relation interpersonnelle entraîne un changement qui a comme conséquence l’extension du quadrant I et la diminution d’un ou plusieurs des autres quadrants.
La mise en commun et la « productivité » sont facilitées par une aire suffisamment étendue d’activité libre. Cela veut dire que les ressources et les compétences des membres peuvent se consacrer plus pleinement au travail en cours (au lieu d’être mobilisées à contrôler les autres quadrants).
Plus le quadrant I est petit, plus la communication est limitée ou chargée de malentendus et de distorsions.
Il existe une curiosité universellement répandue au sujet de l’aire inconnue, mais cette curiosité est tenue en échec par les coutumes, par l’apprentissage social, par des craintes variées et aussi par le pseudo-respect qui nous fait nous replier sur les aires connues.
La sensibilité signifie la prise en considération des aspects voilés du comportement, dans les quadrants II, III et IV et le respect du désir d’autrui de les maintenir ainsi à certains moments de la relation.
L’apprentissage de l’ouverture du quadrant I contribue à l’accroissement de la lucidité (reconnaissance de soi) dans sa totalité aussi bien que celle de l’autre.
L’échelle des valeurs d’un individu et le sentiment d’affirmation peuvent être estimés d’après la façon dont s’affrontent les inconnus dans la relation (accepter de ne pas garder le contrôle de la relation, reconnaissance des différences, bonne distance...).
Un mille-pattes est peut-être parfaitement heureux sans être conscient de ce que fait chacune de ses pattes, mais, après tout, il se limite à ramper sous des pierres, à chercher une compagne ou à échapper à un prédateur...

18S’étant familiarisé avec ce schéma, chaque personne peut apprendre à l’utiliser pour parvenir à une compréhension plus claire des événements significatifs qui se produisent dans une relation.
Le commencement de l’interaction dans une relation nouvellement formée.
Aboutissement possible d’une relation inter-personnelle ouverte.
Apprendre à dire ce que l’on ressent permet de changer de position. « Je cesse d’être victime ».
Je cesse d’être une victime
* Quand je parle de moi à l’autre (et non sur lui)
* Quand je cesse de pratiquer la relation klaxon
* Quand j’invite l’autre à parler de lui (et non sur moi).
Notes de bas de page
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