Postface. Manuels à l’usage de l’histoire : constellation ou galaxie
p. 353-366
Texte intégral
Le terme de transfert n’a pas, à l’exclusion de son emploi en psychanalyse de valeur prédéterminée. Mais il implique le déplacement matériel d’un objet dans l’espace. Il met l’accent sur des mouvements humains, des voyages, des transports de livres, d’objets d’art ou bien d’usage courant à des fins qui n’étaient pas nécessairement intellectuelles. Il sous-entend une transformation en profondeur liée à la conjoncture changeante d’une structure d’accueil. (…) C’est la mise en relation de deux systèmes autonomes et asymétriques qu’implique la notion de transfert culturel. Les besoins spécifiques du système d’accueil opèrent une sélection : ils refoulent des idées, des textes et des objets, qui demeurent désormais dans un espace où ils restent éventuellement disponibles pour de nouvelles conjonctures.
M. Espagne, L’horizon anthropologique des transferts culturels, Paris, 2004
1Cela pourrait commencer par la comparaison des ouvrages diffusés dans les principales bibliothèques qui sont davantage des manuels que des usuels. Il serait illusoire de séparer l’histoire du livre d’art de celle de la gravure ou de l’illustration. De la rareté scientifique et patrimoniale à la vulgarisation à l’usage du badaud, de telles histoires appartiennent à un même corpus, celui d’un horizon de lecture imprécis. Les histoires de la gravure se ressemblent, manuels ils se perdent un peu dans la technique, essais ils s’égarent dans un vague poétique. La plupart du temps, les formules belles ou arbitraires, alternent ouvertures poétiques pour les uns, échancrures pour les autres, qui, dans le temps, paraissent un peu trop ornées, datées. Les histoires de la gravure s’imitent les unes les autres parce qu’elles se reproduisent.
Notre information, quoique nous fassions, reste donc fragmentaire, et peut-être un chef-d’œuvre inconnu changera-t-il l’horizon de l’estampe lorsqu’on le retrouvera dans 20 ans. Un autre élément rend les conclusions difficiles : l’incohérence des travaux sur la gravure, les rares comptes rendus d’exposition, des articles et interviews parus au hasard dans la grande presse, les catalogues destinés à accroître la valeur commerciale. D’autre part les expositions désireuses de faire connaître la gravure à l’extérieur du pays où elles ont été exécutées, étant officielles ont apporté, semble-t-il, parfois l’aspect le plus conformiste sans assez rechercher l’originalité1.
2L’ouvrage de Jean Adhémar sur la gravure originale au XXe siècle a eu une fortune critique qui dépasse largement le but visé par cette publication, chez Somogy en 1967 ; en tous les cas par son exemple, il a inscrit d’emblée qu’écrire sur la gravure revenait à réhabiliter autant un patrimoine graphique que pointer les raisons d’un incohérent dédain. Les causes (leurs origines) pourraient être moins intéressantes que les conséquences (leur originalité). Dans un autre ouvrage sous sa direction sobrement intitulé L’estampe, qui s’adressait surtout à l’amateur, celui-ci n’apparaissait pas identique aux autres lecteurs d’histoire de l’art. Le connaisseur avait une perception beaucoup plus fine de celle-ci et délibérément plus anarchique, encore que moins orientée, comme si l’amateur d’estampe dans ces vastes territoires de l’histoire du goût, de « la norme et du caprice »2, avait des difficultés à ne pas recopier, en gauchissant, à ne pas suivre l’étymologie de l’estampe qui « résulte d’une déformation imposée à une matière par une pression calculée »3.
La gravure, écrit Malraux, lutte avec force contre le réel ; non seulement parce que, refusant la couleur (pas un artiste de génie n’a aimé la gravure en couleurs avant l’art moderne) elle implique plus brutalement que la peinture la rivalité de l’artiste et du monde, mais encore parce que ses matières comme celles de la mosaïque, ont une valeur spécifique, à laquelle le spectacle représenté est étranger. L’eau-forte en tant qu’art est presque aussi différente du dessin que de la peinture. Le graveur sur bois, le buriniste voient ce qu’ils gravent ; l’aquafortiste ne le voit guère. La matière à laquelle il attache tant d’importance n’apparaît qu’à l’épreuve ; il grave un négatif et au lieu de faire un tableau doit l’imaginer4.
Lectura in factura
3À la lecture des principales histoires de la gravure, les points communs ne parlent pas d’eux-mêmes. La référence à Dürer est un passage obligé, peu d’histoires de la gravure contemporaine y échappent car, dans le fond, elles ne le désirent pas, attirées comme les écrivains par ces œuvres gravées et ces noms frappés comme des monogrammes5. Les remarques de certains auteurs oscillent entre macrocosme et microcosme mêlant désir de miniaturisation et fantasme d’infinitude. Visionnaire d’une façon un peu cajoleuse, le ton de l’introduction La gravure contemporaine ou l’art de l’absolu est de préférence sentimentale. La gravure séduirait autant l’artiste que l’historien parce qu’elle l’autoriserait et l’exposerait à son propre style, étymologiquement sa pointe qui peut parfois se complaire, sous le couvert des images dans l’écriture, selon une analogie élémentaire entre le graveur et le scripteur, dans la métaphore d’une histoire à l’eau de rose. « Faire de la gravure, c’est écrire un roman d’amour avec une seule feuille »6 ou encore « le papier est amoureux de l’encre ». Entre formulations passablement surannées, contresens fructueux et érudition ingérable, peu d’auteurs échappent à l’hyperspécialisation (l’analyse d’un détail technique) ou la généralisation (un peu trop lâche), à la poésie et à la variation métaphorique. La séparation entre le graveur professionnel et l’artiste est exactement celle qui sépare l’historien de la gravure du généraliste. La spécialisation ne se traduit pas uniquement en termes de technique (ce serait trop compliqué) ni de concurrence (ce serait trop simple) et, la gravure, contemporaine ou non, risquerait toujours par avoir l’air d’appartenir à un « modernisme tardif »7 et véhiculer la nostalgie formaliste, le mythe de la trouvaille ou des conditions de vie et de recherche idéales (forcément visuelles et idéalisées) de l’historien de l’art. Seuls résistent, temporellement et spatialement, l’énigme iconographique et les moyens de lecture. Les gravures selon Gombrich sont conservées, la plupart du temps, pour leur sujet et non pour leur qualité8 ainsi leur étude échappe-t-elle plus facilement aux critères du jugement ; la gravure sert alors de libellé matériel à son époque, à son sujet et également de copie satirique sur la technique même9. L’imagerie en marge des représentations parachève la compréhension des œuvres d’art, particulièrement lorsque l’attention est attirée sur des usages qui n’ont jamais vraiment pu s’exprimer librement dans la peinture ou tout simplement prétendre avoir une place dans le tableau. L’hypothèse de Gombrich ne subordonne pas ni ne limite le travail du graveur au réalisme documentaire ou à la veine de la caricature, ceux-ci nourrissent néanmoins plusieurs niveaux iconographiques dont la qualité dépend de leur signification, de leur rareté ou plus encore, dans le sens d’une histoire antiquaire, de leur curiosité. L’œil de l’illustration ne se résume pas à celui de l’illustrateur, il est tributaire de la mémoire iconographique pour des raisons qui restent le plus souvent confuses ou arbitraires. Est-ce la matérialisation du changement du « rôle fonctionnel de l’image », la présence technique, presque palpable, de cette transformation ou n’est-ce pas plus exactement la relique de ce que Gombrich souligne dans une intuition précise encore qu’obscure : « Le plus grand des artistes doit pouvoir mieux que les autres disposer pour ses travaux de moyens d’expression idiomatiques »10.
4La technique ne suffit pas à sertir la parole résonnante de l’image imprimée, elle peut même aller à son encontre puisqu’elle limite ou imite un type de discours dans une sorte d’impasse ne sachant que se répéter (se reproduire) dans la comparaison. Une théorie de la gravure trouverait davantage sa place entre intuition et intelligence11. L’historien est forcé de constater que la gravure ne se suffit pas à elle-même ; aussi le contexte, les répliques, les versions, les séquences légitiment-ils complètement les excès et les digressions de l’érudition. Trop souvent réduites à la comparaison des versions entre elles ou du devenir d’un motif selon les époques, les styles et les pays, l’étude de la gravure gagnerait à passer, sous la forme d’assemblages et de constructions méthodologiques faisant appel à l’invention et l’à-propos de l’historien, à une utilisation révisée du comparatisme12. La gravure réclame un savoir large, celle du chineur ou du « collectionneur de collections », le rôle économique, le commerce de l’art, les débouchés de l’image surenchérissent sur ce qui semble manquer le plus à l’estampe, d’être mêlée à un courant plus généreux et généraliste. Une histoire de la gravure à la Mario Praz, n’est pas écrite alors que la charge des images dans la philosophie de la représentation vaut pour les « commentaires d’un problème de la critique, la relation entre forme et contenu »13. Les historiens de la gravure seraient tantôt tatillons, tantôt romantiques, parce que les gravures perpétuent une vision romantique de l’art, en se rassurant au métier et savoir-faire. La réception de l’estampe, lieu de refuge de la pratique de l’art et d’une certaine forme de passéisme, gagne en valeur au contact de « la restauration des psychologies »14 dont le prestige a un peu souffert du freudisme et du structuralisme, du donjuanisme du collectionneur dont « la manie n’est qu’un développement, une dégénérescence du besoin de projeter autour de soi une atmosphère » où « habiter signifie laisser des traces »15.
5Les historiens de la gravure ont voulu continuer à croire ou à se satisfaire d’une histoire peu spéculative, psychologique ou factuelle qui persisterait. Si peu visuel que soit l’essai La question de la technique, Heidegger souligne la difficulté « de prendre en main la technique » et sensibilise, à des fins spirituelles, aux distinctions entre causes et effets. La technicité de la gravure tout autant que sa reproductibilité la cantonnent à une « variété d’objet »16 et de l’objet ce qui, dans le domaine de la peinture et plus largement du discours moderniste, serait une entrave pour accéder au statut de « l’objet à conviction »17. L’image multiple en propageant les preuves des interprétations des historiens dévoilaient également leurs modes d’approche technique. La gravure relèverait du domaine des causes, car l’artiste lorsqu’il grave est plus impliqué dans les causes que lorsqu’il peint. Or, en utilisant la gravure l’historien se borne le plus souvent à constater les effets, à commencer par ceux d’une image sur l’autre. La conclusion de Heidegger qui s’appuie sur le paradigme de la coupe d’argent dessinée par l’orfèvre conforte la relation inconsciente entre son texte et la nature même de l’acte de graver. La coupe d’argent produit l’effet qui prime toujours les causes alors que l’important devrait être l’acte, puisque le graveur doit pouvoir répondre et en répondre. Le texte de Heidegger peut se lire pour interpréter techniquement l’acte de graver, indépendamment du fait que certains des plus grands graveurs appartenaient à des familles d’orfèvres (même si l’héritage d’un tel tropisme joue forcément un rôle) mais parce que, plus que les autres pratiques de l’art, la gravure relève de la production (pro-duction) : pro de profession et duction de ductile « tout ce qui peut apparaître au sein du produit »18. La technique n’est pas seulement un procédé, elle se convertit en un objet au mode de dévoilement complexe, capable de révéler la trace des moyens et des méthodes, des bonnes et mauvaises manières des images, de la nuance presque imperceptible entre produire un effet et faire de l’effet.
Le passé d’un stéréotype
6La comparaison entre musique et lettres serait de l’ordre « des déplacements avantageux »19 ou du débordement lyrique et du marivaudage si la redondance du topos ne cachait pas autre chose qu’une simple coïncidence. Plusieurs histoires de l’estampe comparent celle-ci à la musique grâce à des points communs qui viennent également de la façon dont les gravures ont autant de mal à devenir un sujet à part entière qu’à se départir de la spécialisation. La proximité est analysée dans les ouvrages les plus courants ou les plus pointus. L’histoire de la gravure de Michel Randon, délibérément technique, met en relation eau-forte et piano forte qu’il rapproche d’ailleurs du vernis mou arguant un peu arbitrairement le son mat ou sa sonorité un peu amortie ; ses hypothèses reposent sur des coïncidences chronologiques des plus vagues mais la métaphore, souvent relayée dans ce genre d’ouvrages, finit par sonner juste. Randon associe clavecin et manière noire, mezzoforte et mezzotinto. Il ne se risque pas à expliquer pourquoi le vocabulaire du graveur sonne comme celui du musicien, il précise simplement que le terme de Manière noire « désignait un mode rythmique en musique » et fait référence à Denis Diderot. Davantage qu’aux Salons c’est précisément à la lumière du Clavecin de Diderot de René Crevel que l’enjeu d’une telle association, entre gravure et érudition musicale20 se mesure. De même qu’une partition, ce moyen de reproduction permettrait de rejouer constamment les motifs et de se les approprier autrement même si « cette ébauche d’une grammaire commune à la peinture et à la musique doit provisoirement rester une ébauche »21.
7Ce thesaurus inconscient résonne dans un autre usuel sobrement appelé La gravure contemporaine22. De même que la précédente histoire de la gravure était technique, celle-ci se fait plus conceptuelle, de sorte que l’auteur pour se détacher de la gravure et suivre finalement l’inspiration de compositeurs plus spéculatifs ou conceptuels (principalement Webern, Schonberg, Berg, Stockhausen ou Boulez et Cage) indique comment intégrer des notions musicales (oscillation, indétermination, direction, hasard) opérantes sur l’histoire du multiple dans leurs résonances, encore qu’insaisissables, et séduisantes encore que désuètes. La gravure et la musique suivent des lois indicatives et de sérialité qui n’ont que peu à voir aussi directement que celles de la peinture, pas de point ni de contrepoint dont la définition ne soit également valable sur l’une ou l’autre des disciplines. Une telle histoire de la gravure exigerait une étude iconographique et une vraie connaissance des arts décoratifs pour répondre aux lois (c’est ainsi que le XVIIIe siècle l’a parfaitement compris sans honte ni scrupule) et aux règles de l’arbitraire, en lien avec l’aménagement intérieur et la philosophie de l’ameublement. Ces histoires de la gravure, entre vulgarisation et spécialisation, ne sont pas des ébauches au style flottant, elles sont construites autant que codifiées (ce qui leur donne l’aspect un peu figé et peu naturel du souvenir d’une forme d’érudition corporatiste), et ne peuvent pas être d’un seul tenant, ne serait-ce qu’intrinsèquement, parce qu’une histoire de la gravure d’un seul passage, pour reprendre un terme de graveur, n’est pas pensable et peut-être peu souhaitable.
Histoires parallèles
Tout ce que trouva l’imprimerie se résume sous le nom de Presse ; jusqu’ici élémentairement dans le journal : la feuille à même, comme elle a reçu empreinte, montrant au premier degré, brut, la coulée d’un texte. Cet emploi immédiat ou antérieur à la production close, certes apporte des commodités à l’écrivain, placards, joints bout à bout, épreuves qui rendent l’improvisation. (…) Jusqu’au format, oiseux et vainement concourt cette extraordinaire, comme un vol recueilli mais prêt à s’élargir, intervention du pliage ou le rythme, initiale à cause d’une page fermée contienne un secret (…). Oui, sans le reploiement du papier et les dessous qu’il installe, l’ombre éparse en noirs caractères, ne présenterait une raison de se répandre avec un bris de mystère, à la surface dans l’écartement levé par le doigt23.
8Stéphane Mallarmé ne croyait pas si bien dire. Bien que l’estampe puisse se suffire à elle-même dans le monde de la production close, le déplacement entre sujet et technique rend acceptable l’analyse des sources indirectes et aléatoires, respectivement celles d’un sociologue (Marshall Mac Luhan), celles d’un écrivain (Francis Ponge) ou d’un psychanalyste (Jacques Lacan) dont il dépend à chacun de fixer la pertinence. Le prologue de La Galaxie Gutenberg affirme clairement que l’analyse de l’expression (une pression hors du commun) grâce à l’ex-tension de la relation médias et images ou la contiguïté de ses modes de production relie toutes les formes de l’impression de l’estampe au débat relatif à l’information et à la rapidité des réponses de l’image imprimée. L’estampe peut-elle, en dépit des nostalgiques et des corpus savants ou de son développement grâce aux nouvelles technologies, faire partie des médias et des moyens permanents de communication de l’art ? Doit-elle s’aligner sur la rapidité ou au contraire revendiquer une sorte de dépassement par rapport à ses définitions d’origine ? Mac Luhan retrouve dans la gravure l’ex-tension du conflit de la multitude des composantes de l’image imprimée, où les forces figurales et scripturales mises en présence s’affrontent selon les factures ou les protocoles, la pression exercée, la mise sous tension ou au contraire l’indétermination effarée. La gravure, finalement pour Mac Luhan, est la zone où s’établit une interaction entre les modes écrits et oraux, où perdure l’utopie d’une re-tribalisation du monde moderne. Elle conserverait les restes des civilisations, des instincts, du primitivisme perdu dont les manifestations seraient les caricatures, les gravures absurdes et le non sens24. L’estampe rend le passé et son écriture à nouveau possible dans le présent.
9Les histoires de la gravure hésitent entre deux excès, la perte du sens commun (l’absurde cultivé) et du sens figuré (l’image double). Lorsque l’historien néglige « le dynamisme des prolongements techniques », il peut perdre de vue une signification qui occupe le premier plan de l’image et induit une certaine forme de lecture. La gravure, en tant que sujet, placerait l’historien face à une aporie puisque la gravure joue (en tant que message) davantage de sa matérialité d’objet que le dessin ou les croquis qui, même s’ils sont des techniques, se laissent beaucoup plus facilement dépasser et ne réclament pas une expertise de même nature. La gravure procède par « délégation d’autorité », délestant l’auteur des responsabilités face à l’iconographie, à bien des tropismes de garanties, elle devient alors un comparable25 de ce tourment allographique et autographique d’une société qui, effectivement, passe et mêle constamment rôle et tâche, fonction et mission, se privant (ou se satisfaisant) des distinctions trop nettes, préférant les fondus enchaînés ou la décomposition des pratiques ce qui ne vaut guère mieux.
10La galaxie Gutenberg se substitue à la plupart des théorisations de la pratique de l’estampe26, parce que les concepts sont nombreux et les appellations pertinentes. La gravure pour Mac Luhan est l’art de produire « des effets et des énoncés picturaux »27 et d’emmagasiner (le terme est de l’auteur) l’information qui doit être consommée. Plus la verbalisation est difficile, plus le truchement visuel devient favorable. Le message de l’estampe et de la photographie, qui sont de l’ordre de la répétition, compensent la perte de netteté des mots dans le langage quotidien et prolonge « l’énergie sociale »28 de l’art en tant que groupe. Lorsque Mac Luhan introduit l’idée qu’il n’y aurait plus vraiment de fossé entre l’action et la réaction, il se demande si la beauté, en prenant étrangement appui sur les personnages de Beckett, ne se réduit pas à une résistance, à une notion d’indifférence ou de lenteur résignée. Plus le média est étranger à la réaction, plus il peut prétendre devenir dans le présent le lieu de l’achèvement d’une inaction qui serait une sorte de luxe de l’attente et du faire attendre. L’estampe, en établissant une valeur de prolongement et de continuité, préserve ainsi dans l’œuvre le souvenir des procédés et des processus prolongeant le travail inlassable et protéiforme de l’iconographie.
11L’alphabétisation de la gravure ne se résume pas à sa pulsion scopique, elle demande d’être traitée à l’égal d’un texte et, par conséquent, qu’elle soit lue. La gravure, selon un préjugé ancien, fondé néanmoins et véhiculé par les manuels à l’usage de…, serait davantage tributaire des principes de manipulation. Il suffit d’observer les chineurs d’estampe dans les caricatures, dans les salles des ventes, sur les marchés aux puces ou sur les trottoirs, lors des braderies, dans leur obsession maniaque ou fétichiste, leur façon de les toucher, de les retourner, de les ausculter (ce n’est pas une attitude propre aux collectionneurs d’estampes) mais ces postures, souvent stigmatisées, ont créé un imaginaire à la spécificité indissociable de la collection d’estampes qui n’est pas le même (et pas seulement d’un point de vue iconographique ou technique) que celui du collectionneur ou amateur de peintures. Que la gravure se soit plu à mettre en abîme le spécialiste des estampes qui, finalement, cache certainement ainsi combien il peut (et a le droit) d’être un mauvais lecteur fonde finalement la culture visuelle anarchique ou injuste du curieux. Tout cela serait finalement assez simple si l’estampe au XXe siècle n’avait pas subi l’assaut des techniques mixtes, mobilisant plusieurs modes de lecture et si toute catégorisation par support n’était pas devenue aussi contestable que risquée. Les images n’émettent pas des signes égaux, et, certaines ne les produisent qu’en fonction d’une méthode ou même du souvenir de son protocole de production, véritable éponge mémorielle de ce que les techniques ont pu être. L’estampe sert à Mac Luhan pour éprouver la pertinence ou la spéciosité des ruptures historiques : « la continuité de l’art grec et de l’art médiéval tient au lien entre la caelatura, ou gravure, et l’enluminure. (…) En latin, poursuit Mac Luhan, on appelait caelatura l’ensemble des arts qui consiste à estamper, ciseler ou graver l’or, l’argent, le bronze, l’ivoire ou les pierres précieuses »29. L’art du graveur (la toreutique) impliquait davantage le tactile que le visuel30, aussi est-il délicat de passer outre les manuels qui sont aussi les livres des métiers manuels et des modes d’emploi de la duplication.
Je crois en effet, écrit Gombrich, que les écrivains de l’Antiquité, qui s’émerveillaient encore de la capacité de l’homme à tromper l’œil, vinrent plus près de comprendre cette conquête que bien des critiques après eux… mais si nous rejetons la théorie de Berkeley sur la vision, selon laquelle nous voyons un espace plat et construisons un espace tactile, nous pouvons peut-être arracher l’histoire de l’art à son obsession de l’espace et donner de l’importance à d’autres découvertes, comme par exemple l’illusion de la lumière et de la texture, ou la maîtrise de l’expression physionomique31.
Éponge : matière et mémoire
12Si l’estampe n’est certainement pas une technique « à la portée de tous » ni même une pratique, elle semble pourtant rendre la lecture de l’histoire de l’art à la portée de tous, elle peut échapper aux bornes et à l’orthodoxie des mouvements. Le champ littéraire qui sous-tend l’histoire de la gravure se décrypte mieux grâce à la théorie littéraire légitimant dans ce domaine spécifique Gérard Genette et, dans une certaine mesure, Roland Barthes. Si, techniquement, le mode opératoire agit presque involontairement sur d’autres moyens de perception (le cinéma ou la photographie) la gravure malgré l’association de Gérard Genette entre celle-ci et le photonique se distingue moins dans la technique que dans l’essence même de celle-ci32. Considérer la gravure comme le commentaire décomposé d’un motif ou d’une image ne pose pas les mêmes problèmes que s’il s’était agi de peintures ou de sculptures. La technique qui se laisse facilement saisir par l’iconologie peut être considérée comme une donnée iconographique de l’histoire culturelle. La typographie, quant à elle, est fondamentalement iconographique, non en ce qu’elle demande pour la comprendre de retrouver les sources ou les récits qui ont servi de modèle ou l’insu des références appartenant tantôt à celles de l’auteur et tantôt à celles de l’artiste, davantage parce qu’elle est le lieu où les images se structurent indépendamment de l’iconographie textuelle ou généalogique. Le sujet répond aussi à des présupposés allographiques dont l’introduction dans le régime autographique de l’image transforme la gravure par conversion en ready made des empreintes mnésiques des différentes « épaisseurs d’art »33. Sensible à l’anamorphose, plus perméable encore à la stimulation analogique, l’image gravée engendre des comparaisons. L’un des textes, à cet égard manifeste, est celui que Francis Ponge a intitulé Matière et mémoire. La référence à Bergson est suffisamment explicite pour imaginer qu’il y aurait peut-être dans Matière et Mémoire, dans l’ambiance même du texte des éléments pour comprendre la relation de la gravure à la mémoire. La comparaison entre la pierre lithographique (l’épitaphe) et tombale (le cénotaphe) reconstitue le dépôt lapidaire d’une « victoire en profondeur »34 sans objet où l’image se dédouble dans les fosses, grottes ou anfractuosités du sujet ou du support. Le geste du lithographe, la volonté de pénétrer à l’intérieur selon la progression laborieuse ou ralentie, en gros plan de la matière de la mémoire indique explicitement que, malgré l’agitation, l’empreinte du corps, son poids ou la trace de son passage refait toujours surface.
Voilà que s’y donnent à voir fortement grossis, magnifiés comme s’ils étaient vus à la loupe, des doigts et ongles au tracé caractéristique. (…) Mais s’il en est ainsi, l’argument de l’ongle dans le grossissement délibéré dont il fait ici l’objet, doit être pris en compte, et comme un signe, parmi d’autres, de ce qui se joue dans ce tableau, et de ce qui se joue aussi bien à l’intérieur des limites tracées par celui qui a procédé à la mise en jeu qu’en dehors de ses limites, hors jeu, hors de son jeu, hors du jeu du sujet35.
13Ponge (pas davantage que Damisch) ne croit pas à l’iconographie pure et stable de la gravure ni à son histoire littérarisée ou poétisée car elle fluctue, elle se reforme et se déforme, elle s’oublie constamment, malgré le protocole technique. La lithographie même demande d’aller « chercher » plus loin, de saisir la notion même d’approfondissement. Le rendu vient de suffisamment loin pour qu’il ne s’agisse plus que d’une esthétique nécessairement rhétorique : « la gravure, dit-il, est l’effet superficiel d’une division profonde »36. La partie consacrée au nettoyage de la pierre appelée « l’enlevage »37 semblerait éloigné de toute préoccupation interprétative de l’estampe si le geste, par analogies avec celui du graveur dont l’attention se porterait davantage au démaquillage, « est fait pour la priver du trop plein de visibilité », l’endroit où l’image chavire d’un univers à l’autre, là où elle fluctue, bouge, se reforme et se déforme, coule à pic et tombe à point. Francis Ponge évoque les termes de réemploi, d’enregistrement, d’éponge et réinvestit l’idée spectrale ou romantique d’une lithographie qui revient à la surface « comme le souvenir d’un amant ». La pierre « rend son baiser »38 comme si une image pouvait rendre l’âme. La mémoire pour Francis Ponge n’est pas une faculté, réaction facultative, la pierre répond car elle est capable de se souvenir en prémunissant la mémoire de et dans la matière. Les réponses de la pierre (et de l’estampe) sont alors, et d’une manière absolue, mnémotechniques.
14Lorsque Ponge évoque le caractère capricieux des gravures dans le sens où Goya l’entendait, c’est-à-dire une image qui suit son idée et qui n’en fait qu’à sa tête, il le fait pour rappeler que l’artiste n’est jamais tout à fait le maître. En départageant technique « cette faculté d’agir sans réagir »39 et sentiment (réagir sans agir), Mac Luhan ne pense probablement pas au coup porté à Focillon, il met simplement fin aux clivages trop surs d’eux. L’histoire des médias pas plus que celle de la gravure ne saurait s’écrire comme un roman de Jane Austen40 même si celle-ci exige la compréhension, l’image gravée ainsi que la page imprimée n’est pas pensive, elle est compréhensive. Sondant « l’âge d’or des créations cycliques et des difformités », Focillon accumule dans Les maîtres de l’estampe, les saillies spéculatives qui, si elles ne se limitaient qui au Piranèse, qui à Dürer, qui à Elsheimer ou qui à Jacques Callot cantonneraient l’ouvrage à la place des essais démodés (ce qui est une qualité littéraire), raisonnablement romantiques encore qu’inconfortables, indescriptibles. Il n’y aurait pas plus de maîtres de l’estampe qu’il n’y aurait une estampe des maîtres remisée par la spécificité de l’histoire dans une acception corporatiste, hagiographique ou évènementielle. L’anthropomorphisme de la technique et du protocole qui comparent l’impression d’une lithographie à « un phénomène vasculaire » se prête particulièrement bien à la lithographie, par son innervation intrinsèque. Regarder une estampe ne peut se faire qu’en repérant dans son passé sa technique, ses contraintes, ses doubles ou ses répliques qui ne savent jamais exactement ce qu’ils figurent réellement. La lithographie garde en mémoire d’autres images et les restitue par transfert, scripta manent se mêle graphiquement avec immanent, ce concept qui exige le sol, le poids, l’attraction ou le terre à terre de la vanité peut également servir de moyen pour entretenir les oublis, pour ralentir le cours de l’histoire. La pierre et la minéralité sans jamais basculer ni dans la géologie ni dans la gemmologie sont des matériaux et des ornements récurrents dans l’écriture de Ponge mêmes les êtres, les auteurs, les artistes, les amis finissent par être intégrés dans le texte pour traduire une attraction vague, physique ou terrestre et finir en savoir archéologique.
15Tout cela risquerait de confiner au bon fauteuil si Mac Luhan n’avait pas eu l’intuition de préciser que le paradigme du fauteuil au XXe siècle, c’était davantage celui de Freud autre faux-monnayeurs et expert de l’absolu que celui de l’éditorialiste. Le rôle et les outils herméneutiques de la psychanalyse ne devraient pas être négligés pour comprendre média et médium et surtout appliquer, à rebours, de nouvelles données théoriques. Sans prétendre à l’exhaustivité, l’historien, l’amateur seraient frappés de constater qu’il n’est jamais frontalement question de psychanalyse dans les histoires de la gravure stricto sensu, excepté chez les tangents, les pêcheurs de perle41 (Warburg ou Benjamin) ou d’entailles (Didi-Huberman) parce que pour ouvrir la représentation et « ne plus voir que la belle face des choses, il faut détruire »42, il ne peut y avoir de travail de l’encoche sans destruction. L’histoire de la gravure n’en a pas terminé avec la psychologie de l’art et de la forme alors qu’entre technique et sentiment, entre incision et transfert ; l’historien, le chineur, l’amateur, l’amoureux auront toujours raison de choisir la moins scientifique des raisons : la sensation et le temps passé.
16Ce que Lacan a appelé le transfert correspond probablement, sous la forme d’un « comparable »43, à un outil intime et cache une méthode. Serait-ce un peu trop personnel que de suivre le séminaire de Lacan sur le transfert, de dire et de repérer dans ces pages tout ce qui peut rappeler l’acte de graver. Seuls quelques points prolongent la réflexion au-delà des limites temporelles vastes lorsque Lacan décrit les personnages dans le théâtre d’Aristophane selon les courbes et les dessins « de la dérision de la sphère »44, obtenus par le plat et l’aplatissement, comme une caricature qui diffère, depuis Bachelard, du masque, cette pression ne serait pas exercée sur des supports de toute nature, elle ne reviendrait pas à autre chose que chercher sa moitié, son double et dupliquer ce mythe de fusion avec la matière, matrice pour la faire apparaître. Le concept lacanien devient redoutable lorsqu’il évoque la sexualisation et la libido qu’il compare avec surimpression et surimposition, autopsie de l’éros sur des supports multiples. À l’aune de ce séminaire, un véritable texte sur la gravure est forcément ou également un texte absent, qui se cache et qui se dérobe en parlant d’autre chose qui s’applique par impression sur un autre objet. Cependant, au fil de la lecture, son idée de la trace et du tracé qui sont des procédés pour « sauver les apparences » et qui répondent à « la dialectique de la réversibilité »45 prennent une toute autre signification pour le chercheur. Tout ce que Lacan écrit sur la nuance entre le transfert et l’automatisme d’exécution, le transfert positif et le transfert négatif, la collection et la répétition induit que le transfert est un élément hautement reproductible, contaminant les champs disciplinaires voisins. La technique est un besoin évacuant le sentiment que les images sont sujettes aux pathologies et névroses du temps, à l’empathie et à la discorde libérées dans l’espace presque rassurant du savoir faire. Présence en acte presque agressive, une reproduction est toujours mue par un désir non pas de mimétisme ni même d’identification, mais par une pulsion substitutive. La pulsion mimétique est toujours une violence, c’est toujours pathétique (dans le sens pathosformel) de vouloir ressembler à de la peinture, à de la sculpture, à du dessin. Au-delà de l’association psychanalytique, la gravure se prêterait docilement à une autre forme d’intégration dans le champ de la sociologie telle que Pierre Bourdieu avait pu la définir dans La reproduction46. Aux analyses de la gravure qui, contrairement à la photographie et malgré sa surenchère utopique, n’est pas un art moyen et n’est pas même un moyen de l’art, celles-ci (les analyses) pourraient être réemployées en raison de la photogénie de la gravure comme Panofsky dans un texte sur la relation entre les originaux et l’iconologie, savait qu’il ne pouvait y avoir d’iconologie qu’à l’endroit de l’enchevêtrement47.
17L’estampe défend les images contre la propre faiblesse des représentations, contre leur capacité à se simplifier la vie ou les choses. La gravure offre l’opportunité pour l’historien de l’art généraliste de trouver en lui-même le sens qu’il veut donner à ce qu’il voit, à ce qu’il a vu et à ce qu’il écrit, à nuancer ses théories, à trouver certaines confirmations dans ce qu’il pense savoir déjà, alors qu’il pourrait se dire que son excursion dans un corpus si vaste est aussi une occasion inespérée de faire ressortir (de transférer c’est-à-dire de ramener à la surface ou suivre le déroulement d’un déplacement) ce qu’il ne sait pas encore ou ce que, probablement, il ne saura jamais.
Notes de bas de page
1 J. Adhémar, La gravure originale au vingtième siècle, Paris, 1967, p. 7.
2 Fr. Haskell, « Le goût et les historiens », dans La norme et le caprice – Redécouvertes en art, (Londres, 1976), traduc. R. Fohr, Paris, 1986, p. 145 et sq.
3 É. Souriau, « Estampe », dans Vocabulaire d’esthétique, Paris, (1990), 1999, p. 689.
4 A. Malraux, Saturne. Le Destin, l’Art et Goya dans J.-Y. Tadié (dir.), Œuvres complètes, vol. IV, Écrits sur l’art, t. 1, Paris, Gallimard, 2004, p. 68.
5 De ce point de vue, l’ouvrage de H. Focillon Maîtres de l’estampe, Paris, 1969, n’a cessé d’être une des principales références. Le parcours de Dürer à Manet peut se lire comme une évolution non seulement du statut de l’estampe mais également de son interprétation vers une unité qui échappe constamment et résiste à la synthèse. Même si elle finit par former un tout, il n’en demeure pas moins que cette histoire est écrite par bribes, nominativement. Focillon conclut cependant sur l’évolution de la gravure vers la capacité de celle-ci « de s’emparer de l’univers, de la fixer avec soudaineté, d’en éveiller d’un trait hardi la poésie inattendue et profonde » (p. 191) .
6 M. Randon, La gravure contemporaine - La gravure ou l’art de l’absolu, p. 13.
7 M. Puchner, « À l’arrière-garde du modernisme Wyndham Lewis », dans W. Marx (dir.), Les arrière-gardes au vingtième siècle l’autre face de la modernité esthétique, Paris, 2004, p. 181.
8 E.-H. Gombrich, « L’art et l’imagerie à la période romantique », dans R. Woodfield (éd.) Écrits sur l’art et la culture, Paris, 2003, p. 529.
9 Ibid., p. 536.
10 Ibid., p. 538.
11 P. Francastel, Art et Technique au XIXe et XXe siècles, Paris, (1956), 1967, p. 94-95.
12 M. Bayard, « Les enjeux du comparatisme en histoire de l’art », dans M. Bayard (dir.), L’histoire de l’art et le comparatisme. Les horizons du détour, Paris, 2007, p. 13 et p. 14-15.
13 E.-H. Gombrich, « L’humour de Saül Steinberg », dans Op. cit. (note 8), p. 541.
14 F. Dosse, Histoire du structuralisme. Le champ du signe 1945-1966, Paris, (1992), 2006, vol. I, p. 326.
15 M. Praz, « Philosophie de l’ameublement », dans L’ameublement – Psychologie et évolution de la décoration intérieure, Paris, 1964, p. 26.
16 M. Fried, « De l’antithéâtralité », dans Contre la théâtralité. Du minimalisme à la photographie contemporaine, (1998), Paris, 2007, p. 163.
17 Ibidem.
18 M. Heidegger, La question de la technique, repris dans Essais et conférences, Paris, 1958, p. 17.
19 S. Mallarmé, « La musique et les lettres », dans B. Marchal (éd.), Oeuvres complètes, Paris, 2003, p. 55-62.
20 On a pu dénombrer que certaines histoires de la gravure se trouvent mêlées à celles de la lutherie. Un lecteur qui sélectionnerait pour une recherche le terme estampe tomberait aussi bien sur la correspondance, les partitions, les écrits de Debussy qu’au milieu d’une liste infinie de catalogues de vente ou raisonnés. La coïncidence serait de l’ordre de la curiosité.
21 M. Heidegger, Op. cit. (note 18), p. 15.
22 J. Siblik, La gravure contemporaine, Paris, 1971. Si dans l’ouvrage précédent, le plan suivait les différentes techniques dans celui-ci la table des matières se segmente par mouvements et par catégories très vagues moins soucieuses des écoles que de former des ensemble : Figurations / Graphisme / Couleurs / Formes / Structures et Signes / Constructivisme. Malgré des titres quasi-similaires, bien que le deuxième soit moins emphatique et que le texte ait une tonalité un peu moins affectée et affective, la comparaison avec la musique est analogue.
23 S. Mallarmé, Op. cit. (note 19), p. 225.
24 E.-H. Gombrich, « La tentation de la régression », dans La préférence pour le primitif. Épisodes d’une histoire du goût de l’art en Occident, Paris, (2002), 2004, p. 243-244.
25 Dans le sens où l’entend M. Detienne le définit dans « L’art de construire des comparables. Entre historiens et anthropologues », Critique internationale, n° 14, janvier 2002, p. 68-78.
26 Ce qui fait de La galaxie Gutenberg un ouvrage essentiel pour l’historien doit sans doute à sa lecture sous-jacente, libre et subtile de Gombrich. Venant d’une autre discipline, Mac Luhan n’a pas les préventions contre le positivisme un peu gênant de l’historien de l’art, il est donc plus à l’aise que bien de ses confrères de sa génération pour jouer avec des concepts comme l’imitation visuelle ou l’interprétation. Mac Luhan consacre, dans Pour comprendre les médias. Les prolongements de l’homme technologique, (1964), Paris, 1968, un chapitre intitulé « L’estampe, quelque chose à trouver », et un autre sur l’imprimé au sous-titre curieux : « L’architecture du nationalisme ».
27 M.. Mac Luhan, Op. Cit. (note 26), p. 178.
28 Ibid., p. 194. Il utilise cette expression à propos de l’imprimé.
29 Ibid., p. 77 et p. 79.
30 Ibid., p. 67.
31 G. Didi-Huberman, « Pensée par image, pensée dialectique, pensée altérante. L’enfance de l’art selon Georges Bataille », Cahiers du Musée national d’art moderne, n° 50, hiver 1994, p. 10, et sur les notions d’altération et de répercussion, p. 21.
32 G. Genette, « La gravure », dans L’œuvre de l’art. Immanence et Transcendance, Paris, 1994, vol. I, p. 56-58.
33 M. Melot, Une brève histoire de l’image, Paris, 2007, p. 86, et p. 87 sur la notion de conversion développée par G. Didi-Huberman.
34 Fr. Ponge, Matière et Mémoire, dans B. Beugnot (dir.), Œuvres poétiques complètes, Paris, 1999, p. 119.
35 H. Damisch, « S. Freud en voyage vers Londres », dans Fenêtre jaune cadmium ou les dessous de la peinture, Paris, 1984, p. 246 et p. 248.
36 Fr. Ponge, Op. cit. (note 34), p. 121 sur le trop de visibilité.
37 Ibidem.
38 Ibid., p. 123.
39 M. Mc Luhan, Op. cit. (note 26), p. 195.
40 Nous faisons allusion au titre du roman de Jane Austen Pride and Prejudice, traduit en français par Orgueils et Préjugés. La comparaison s’arrête là en tous les cas ; il est probable même si de tels binômes étaient fréquents que H. Focillon ait pensé un de ses écrits les plus importants Technique et Sentiment comme un titre de roman.
41 L’expression est d’Hannah Arendt dans Vies politiques, Paris, 1986. L’expression est utilisée pour Walter Benjamin, p. 291 et suivantes.
42 G. Didi-Huberman, L’image ouverte. Motifs de l’incarnation dans les arts visuels, Paris, 2007, p. 58.
43 Le terme de transfert n’a pas échappé non plus à M. Bayard dans son article « Les enjeux du comparatisme en histoire de l’art », 0p. cit. (note 12), p. 13 et p. 14.
44 J. Lacan, Le transfert. Le séminaire Livre VIII, Paris, (1991), 2001, p. 99-118. Texte du séminaire du 21 décembre 1960.
45 G. Bachelard, Le droit de rêver, Paris, 1970, p. 105.
46 P. Bourdieu, La reproduction, Paris, 1970.
47 B. Buettner, « Panofsky à l’ère de la reproduction mécanisée. Une question de perspective », Cahiers du Musée national d’art moderne, n° 53, automne 1995, p. 59 et p. 60.
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