La création des cabinets de gravures en province, sous la Troisième République : un exemple de décentralisation artistique
p. 197-211
Texte intégral
1Au moment de la mort d’Alphonse de Rothschild, le 26 mai 1905, la revue L’Art dirigée par Paul Leroi consacre un très important article au fils aîné de James de Rothschild, à ses collections et surtout au rôle fondamental qu’il a joué dans le développement des musées de province1. Dans un précédent article, publié il y a une dizaine d’années, nous avions mis en valeur le rôle essentiel de ce mécène, membre de l’Institut, qui a offert plus de 1 500 œuvres d’art contemporain (dont un tiers d’estampes), à plus de 150 musées de province, en une vingtaine d’années (1885-1905)2. Nous voudrions revenir sur cette action exemplaire qui constitue un acte de mécénat sans précédent dans l’histoire des musées au XIXe siècle, en nous intéressant plus particulièrement aux dons d’estampes, au rôle fondamental de son agent artistique, Paul Leroi, et surtout en inscrivant ces donations dans le renouveau de l’intérêt pour la gravure dans les années 1880, qui suscita la création d’un certain nombre de cabinets en province3.
2Nous avons longtemps cru en effet que l’idée de ces grandes donations appartenait personnellement à Paul Leroi, personnage clé du marché de l’art de la seconde moitié du XIXe siècle, sur lequel nous reviendrons, mais la paternité doit en être plutôt attribuée à d’autres acteurs du monde artistique des années 1870, comme Charles Blanc qui offre en 1872 au musée de Saint-Étienne, une soixantaine d’eaux-fortes du graveur Charles Jacque et des membres de la Société des aquafortistes4. Mais c’est surtout le rôle de Félix Buhot, avec lequel le marchand belge était lié, qui semble avoir été déterminant pour Leroi5. Une comparaison de leurs démarches permettra de mieux comprendre les intentions de ce dernier.
3Le 9 novembre 1884, le peintre et graveur français Jean-François Raffaelli publie dans le journal L’Événement, une étude sur la création d’un musée de photographies au Louvre et demande au journal L’Art, fondé par Paul Leroi, et financé en grande partie par Alphonse de Rothschild, de le soutenir dans sa campagne6. Il mentionne également l’idée de transformer le cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale de Paris en un musée des estampes, « ce qui donnerait un grand essor à la gravure, pour [laquelle] L’Art a tant fait depuis 10 ans »7. Cette dernière idée va être relayée à la même époque par le Journal des Arts, sous la plume de son directeur, Auguste Dalligny, et surtout par le graveur Félix Buhot, ami de Bracquemond, qui entreprend dans la foulée, le 21 novembre de la même année, une vaste campagne de presse en faveur de la création de salles d’estampes dans les musées de province8. La France, de ce point de vue, paraît être en retard par rapport à d’autres pays étrangers : notamment l’Angleterre qui fait figure de modèle avec les récents aménagements des salles d’estampes au South Kensington Museum ou au British Museum et dont la référence est omniprésente dans les journaux de l’époque9. En France, malgré les vœux pressants de son directeur Etienne Arago, il n’y aura pas de galerie d’estampes au musée du Luxembourg avant 189710.
4Si Raffaelli était surtout favorable à la création d’un établissement parisien, Buhot va défendre l’idée de décentralisation artistique avec l’installation de cabinets de gravures en province11 : « C’est là surtout en province que la création de musées d’estampes établis sur le modèle de celui dont M. J.-F. Raffaelli proposait récemment l’établissement au Louvre rendrait de féconds, d’immenses services et hâterait la marche de cette décentralisation artistique à laquelle des expositions départementales ont déjà fait faire depuis quelques années des progrès sensibles ». Buhot partait d’un triple constat : d’une part l’absence en province de collections publiques de gravures12, d’autre part, le manque d’accessibilité de « tous ces trésors innombrables dans les bibliothèques qui devraient acquérir une portée plus étendue que la satisfaction si noble qu’elle soit de quelques rares curieux »13, et enfin la rareté et l’insignifiance de dons de l’état.
5Volonté éducative et promotion de l’art contemporain français sont au cœur des préoccupations d’un certain nombre d’artistes, dont Félix Buhot et d’une certaine bourgeoisie soucieuse de démontrer l’efficacité de l’initiative privée face à l’intervention de l’état.
Si l’estampe est d’un enseignement si précieux que la première collection de tableaux au monde ait besoin de son concours, comme l’a démontré J.-F. Raffaelli, écrit Buhot, pour donner au public une conception juste et complète des arts du dessin, combien à juste raison ce mode d’enseignement devrait s’imposer à la sollicitude de tous ceux, Conservateurs ou Sociétés d’art, qui président aux destinées des musées de Province où les tableaux de maîtres sont si rares quand ils ne manquent pas absolument ! (...). Les moyens d’éducation artistique manquent aux villes de province, alors [qu’autrefois]chacune d’elles avaient sa vie propre, son originalité, ses écoles d’industrie d’art (...) et pouvait dans une certaine mesure suffire à ses besoins intellectuels et artistiques. Un cabinet des estampes installé dans chaque musée, qui comprendrait à la fois des pièces exposées et des pièces en portefeuille pourrait, dans une certaine mesure, combler cette absence.14
6Pour concrétiser ses idées, qui seront reprises par Paul Leroi, mais à une beaucoup plus grande échelle, Félix Buhot propose d’utiliser les ressources de la Chalcographie du Louvre, « ce vaste magasin d’estampes », propriétaire des cuivres gravés et qui pourrait fournir des gravures de reproduction à bas prix15. La seconde demande ira, écrit Buhot, tout droit à M. Henriquel, Président de la société de gravure, [que] nous prierons de favoriser une entreprise naissante par le don de quelques pièces prises dans le portefeuille de cette société, qui fondée en 1868 par Émile Galichon, Président de La Gazette des Beaux-Arts, a produit par le burin des œuvres de grande valeur (François Gaillard, Huot, Rousseau) »16. Le troisième appel devra se faire enfin, par l’intermédiaire du Journal des Arts, en direction des artistes et de trois grands éditeurs parisiens17.
7Quels choix faire au sein de la Chalcographie ? Pour Félix Buhot, le nouveau musée d’estampes devra être didactique et encyclopédique :
Il s’agit d’abord de donner aux visiteurs et spécialement aux étudiants, aux artistes, aux amateurs, une idée générale de l’Histoire de l’art, du caractère spécial aux écoles, de ce qui constitue leurs différences essentielles en un mot de faire connaître par l’Estampe les principaux maîtres de chaque pays dans leurs compositions les plus complètes, les plus caractéristiques (...). La Chalcographie possède aussi 322 planches reproduisant en fac-similé les dessins, et croquis parmi les plus grands noms des écoles italiennes et françaises (...). Cette collection est l’une des ressources les plus précieuses pour nos cabinets d’estampes en province. On sait combien sont devenus rares les dessins de maîtres (...) et tous les cabinets d’estampes en province devraient avoir cette collection complète.18
8Quant à l’absence à la Chalcographie d’œuvres originales de Rembrandt, de Dürer (et de leurs précurseurs), « ces deux grandes gloires de la gravure, dont la présence est indispensable dans tout cabinet de gravure », ce n’était pas un problème pour Buhot qui recommandait tout simplement « d’aller puiser dans les belles collections d’estampes des Dutuit de Rouen, du baron Edmond de Rothschild de Paris, des Leroy Latteux d’Amiens »19 ; son vœu sera d’ailleurs partiellement exaucé. Mais cet ambitieux programme, qui donnait une mission nationale à la Chalcographie, ne verra que très partiellement le jour, et les envois de l’État en province resteront peu significatifs.
9Face à l’absence d’épreuves d’artistes ou d’épreuves avant la lettre, Buhot se tourne vers les artistes pour contribuer à la création de salles d’estampes modernes20. Sa première intervention date du 27 novembre 1884, lors de la réunion de la Société des aquafortistes ; elle remporte un vif succès, puisque « plusieurs des aquafortistes présents (Aglaüs Bouvenne, Courtry, Lerai, Monziés, Prunaire, Vion, Bracquemond et Bellenger) offrent spontanément une épreuve d’artiste à celles des villes de province qui ouvriraient la première dans son musée une salle d’estampes portant cette inscription Cabinet des estampes »21. Plusieurs villes se montrent d’emblée intéressées par la création d’un cabinet d’estampes : La Rochelle, Amiens et Rouen22. C’est cette dernière qui finalement gagna le concours, sans doute sous l’impulsion de Félix Buhot (originaire de la ville) ; il avait souligné la place qui y serait attribuée aux artistes contemporains, mais aussi insisté sur l’impact touristique qu’aurait une exposition permanente d’estampes « dans une ville visitée en été par les étrangers et surtout les Anglais »23. La galerie, inaugurée en 1888, est une réussite, par l’ampleur des dons qu’elle a su susciter24. Elle se veut également un manifeste des idées de Buhot, tant par ses envois, que par l’aménagement de la collection. Trois sections la composaient. La première était consacrée à l’histoire locale, la seconde à la gravure ancienne et la troisième aux estampes modernes ; cette dernière avait été constituée exclusivement grâce à des dons : 23 pièces provenant de la Chalcographie, 12 épreuves avant toute lettre du journal L’Art, et une cinquantaine d’épreuves données par une vingtaine d’artistes ou des amateurs. Dans cette liste éditée en août 1885 par le Journal des arts, qui concerne les estampes modernes25, figurent à la fois des artistes proches de Buhot, membres de la Société des aquafortistes et ardents propagateurs de l’eau-forte (Félix Bracquemond, Philippe Burty, Léopold Desbrosses ou Léon Gaucherel qui faisait ici figure de doyen), des amateurs comme Arthur Chasseriau, Mademoiselle Galimard, le comte d’Etampes, Lestrels qui avaient des attaches avec la ville de Rouen, des éditeurs, Delorière, Dumont, ou Henri Béraldi. Toutes les estampes devaient être encadrées. Le nom du donateur marqué en bas du cartel indiquait clairement la suprématie d’une élite intellectuelle qui défend l’art moderne, mieux que l’État.
10Félix Buhot s’intéresse avant tout aux gravures originales, qu’il juge supérieures aux estampes d’interprétation, ce qui explique la présence ici de nombreuses épreuves d’artistes méritant d’être signalées : la place d’honneur a été donnée à l’eau-forte de Bracquemond, Boissy d’Anglas, d’après Eugène Delacroix26, mais on note également d’Henri Somm, Japonisme, (pointe sèche), de Norbert Goeneutte, Parisienne, (pointe sèche), de Jules Dupré, Paysage, de Jules Jacquemart, La canne de Mr Balzac, de Bracquemond, Portrait d’Edmond de Goncourt, de Falguiére, Les lutteurs, d’Hédouin, Collection de 13 eaux-fortes originales pour illustrer les Confessions de Rousseau, et l’envoi d’un certain nombre de lithographies grâce à Fantin-Latour, Rheingold, ou Philippe Burty. On constate que les donations semblent privilégier l’art national et que seules sont présentes deux estampes d’artistes étrangers, l’épreuve d’artiste Intérieur d’atelier du hongrois Munckacsy, et la lithographie Le chien devant la glace du peintre belge Alfred Stevens, deux artistes bien connus des milieux parisiens. Les gravures d’interprétation d’après les maîtres anciens, données par les artistes, sont peu nombreuses (Calcar, Frans Hals ou Raphaël sont les seuls artistes représentés). La plupart des gravures d’illustration données par la direction des Beaux-Arts avaient été réunies dans un cabinet à part, séparé de la galerie, et concernaient principalement l’histoire de France, ou des sujets ruraux – deux types de sujets absents des choix de Buhot qui privilégie les scènes de genre, les paysages et les portraits27.
11Le projet ambitieux de Félix Buhot ne sera poursuivi ni par les artistes de la Société des aquafortistes qui n’enverront (mis à part Buhot) aucune autre épreuve originale en province, ni par l’État dont les dons de gravures à cette époque sont peu significatifs28. Toutefois, il sera repris à une échelle nationale et même internationale par Paul Leroi qui obtiendra le soutien du mécène et collectionneur Alphonse de Rothschild29. Leroi, comme Buhot, est convaincu du rôle que peut jouer l’initiative privée : « Il est très douteux que le remède au déplorable état des choses puisse venir d’en haut – ministre, sous secrétaire d’État, directeur des Beaux-Arts sont en butte à trop d’intrigues, pour qu’ils puissent jamais rompre les mailles. C’est de l’initiative privée qu’il faut attendre le remède… »30.
12Si dans les deux cas on trouve une volonté de décentralisation, le projet de Leroi diffère de celui de Buhot dans sa réalisation, qui de facto n’a pas connu de prolongement après Rouen. Celui de Leroi, en revanche, s’inscrit dans un projet plus large de décentralisation artistique incluant également des dons de peintures et de sculptures, et ce sur une très large période d’une vingtaine d’années de 1885 à 1905. Il s’agit de la mise en place d’une véritable politique culturelle à l’attention des provinces, même si, comme on le verra, stratégie, mécénat et promotion personnelle sont intimement liés chez l’habile marchand. Enfin, pour Leroi, les musées ne sont pas non plus les seuls endroits possibles pour l’enseignement et les écoles pouvaient être aussi des lieux d’éducation du goût, rejoignant par là les idées de Paul Mantz sur les musées d’art scolaires31, mais ce projet ne semble pas avoir été réalisé32. Enfin, il ne s’agissait pas tant d’offrir des épreuves originales, forcément en nombre limité, que de diffuser l’œuvre d’artistes contemporains par des gravures d’illustrations, et surtout faire une large place à la peinture étrangère contemporaine33.
13Leroi (qui se cache souvent sous des pseudonymes divers : Léon Mancino, Florent Willems ou Léon Gauchez) est un homme d’influence, efficace et rapide. Ancien industriel belge, reconverti dans l’achat et la vente de tableaux, puis dans la critique d’art, il joue un rôle essentiel dans la vie artistique française et internationale, et sait tisser, par ses différentes fonctions, des liens étroits avec un certain nombre de conservateurs et de collectionneurs privés34. Collaborateur à la Revue de Bruxelles, il joue dans les années 1860 un rôle très actif dans l’organisation des salons triennaux de la capitale belge35. Correspondant de l’International Society of Fine Arts de Londres, il connaît bien l’Angleterre, fréquente les artistes anglais et les artistes français expatriés après la guerre de 1870, et est présent dans toutes les grandes ventes anglaises. Fondateur et collaborateur de la revue L’Art depuis 1875, et du Courrier de l’Art depuis 1880, il est lié à de nombreux artistes dont il achète et place les œuvres36. Son intérêt pour la gravure est ancien, comme en témoignent ses nombreux articles dans L’Art ou dans L’Indépendance Belge, et les liens étroits qu’il a tissés avec Philippe Burty dans les années 1870, ou avec Jules Jacquemart. Il place les œuvres de ce dernier aux expositions de Bruxelles et il le charge en 1876 de lui fournir une collection d’épreuves d’artistes des grands aquafortistes pour un amateur. Il fut un collectionneur d’estampes boulimique comme le montre le catalogue de la vente après décès de sa collection en 1907, qui fait état de 120 000 estampes anciennes et modernes et de 1 300 cuivres gravés37.
14La campagne de décentralisation est lancée officiellement le 4 août 1885, date à laquelle Leroi prie « tous les artistes, collaborateurs, ou amis de lui adresser soit des épreuves de leurs gravures ou de leurs lithographies ou des dessins, ou des études (qui seront offerts) en leurs noms aux musées de province »38. Les dons seront faits en grande partie en son nom propre, en celui de la revue L’Art ou au nom d’Alphonse de Rothschild qui le soutient39. Mais le rôle de ce dernier, dans les dons de gravures, est difficile à cerner tant est grand l’intérêt du marchand pour l’estampe. Le résultat sera à la mesure de son effort : une cinquantaine de musées se partageront environ cinq cents gravures. Mais, ainsi que nous l’avons dit, cette politique décentralisatrice, ambitieuse, unique par son ampleur et sa durée, servira au moins autant les musées que l’intérêt personnel du marchand ou des collectionneurs. Si des cabinets de gravures avaient été formés au XIXe siècle, à Rouen, Amiens, La Rochelle, par des collectionneurs passionnés, Leroi ou Alphonse de Rothschild ne s’identifient pas à un musée particulier, et couvrent la France entière de leurs dons. Pas un musée naissant ne sera laissé pour compte. C’est une véritable croisade que mène Leroi en faveur des musées : il fait campagne, visite toutes les institutions naissantes, notant leurs forces et leurs faiblesses. Il a surtout des correspondants dans toute la France, qui lui signalent les musées qu’il faut aider40. Si Alphonse de Rothschild voit surtout dans les musées « un élément civilisateur important », Leroi accorde davantage d’importance au débat entre art et industrie qui est à l’ordre du jour, et dont le journal L’Art s’est fait dès sa création le plus ardent défenseur41. Il ne s’agit pas uniquement de « ranimer le sentiment du beau et de propager les connaissances artistiques non seulement à tout homme instruit mais aussi à tout artisan qui veut devenir artiste », mais surtout de provoquer « une véritable renaissance des industries d’art, qui ont été dans le passé son honneur et sa richesse », écrit Leroi à propos du musée de Saintes42. En évoquant le musée de Cambrai, il souligne que « le musée est un des mieux en situation de prêcher le progrès puisqu’il possède à côté de lui une école de dessin dont il ne s’agit que de faire une annexe du musée en étendant son cercle d’action, de manière à assurer surtout la prépondérance aux applications de l’art et de l’industrie »43. Ainsi ses premiers envois sont pour les localités où étaient implantées d’anciennes industries : Calais, Vannes, Douai, Laon, Cambrai, Lunéville44…
15En l’absence de tout inventaire et de récolement, il est difficile de tirer des conclusions générales, mais il est cependant intéressant de mettre en avant certains points. Leroi, tout en critiquant ouvertement le rôle néfaste de l’état dans le domaine artistique, va finalement mener une politique équivalente. La Chalcographie ne jouant pas son rôle, Leroi, qui possède un nombre très important de plaques de cuivres, va fournir essentiellement des gravures d’interprétation à un nombre conséquent de musées. Il a même le projet de reprendre l’idée de Buhot sur les collections en fac-similé des dessins des grands maîtres pour les envoyer dans les écoles, mais apparemment il y renoncera.
16Quels sujets, quels artistes a-t-il retenus ? Si dans les musées étrangers, comme celui de Haarlem, il cherche à renforcer l’identité régionale du musée, en ne donnant que des œuvres d’artistes originaires de la ville45, il en sera tout autrement en France, où ses envois reflètent les choix qu’il défend dans les revues comme L’Art ou le Courrier de l’Art. Esprit cosmopolite, il cherche, d’une part à faire connaître les tableaux des grands maîtres des musées européens qu’il connaît bien (le Prado, musée de La Haye, de Munich…), les collections privées, et d’autre part les œuvres d’artistes étrangers contemporains. Critiquant la politique timide du musée du Luxembourg en matière de peinture étrangère, Leroi va favoriser dans ses envois les tableaux anglais, américains, espagnols, ou belges46. Anglophile enthousiaste47, il va non seulement favoriser les gravures d’interprétation d’après les peintres anglais célèbres du XVIIIe siècle, comme Reynolds dont il acquiert de nombreuses reproductions48. Il s’intéresse aussi à des artistes moins connus tels John Hoppner49, ou Georges Morland50, mais surtout aux artistes anglais contemporains, dont il cherche à faire la promotion en France, comme William Quiller Ochardson, George Watts, Benjamin William Leader51. Là encore, aucune gravure originale, à l’exception d’un Paysage et des Bergeries – soleil couchant de Constable qui seront données au musée de Perpignan.
17Les préférences de Leroi vont également à l’école américaine dont il est l’un des fervents défenseurs. Ses liens avec les États-Unis remontent aux années 1870, où il établit des contacts avec des collectionneurs américains : Samuel Avery et William Blodget, président du premier comité exécutif du Metropolitan Museum of Art52. Il joue alors un rôle prépondérant non seulement pour l’acquisition des tableaux du premier musée américain, mais aussi pour sa diffusion, comme en témoigne l’une de ses publications Etchings of pictures in the Metropolitan Museum, gravée par Jules Jacquemart (1871)53. Ce grand recueil, commandé par Leroi, aurait dû comporter une centaine de planches, mais il resta inachevé. En mettant en valeur les toiles que Leroi avait fait acheter pour le musée de New York, ce recueil n’en devenait pas moins un formidable outil de communication et de promotion personnelle, version moderne finalement du prestigieux catalogue de peintures établi par Lebrun, l’éminent marchand de tableaux de la fin du XVIIIe siècle54.
18C’est grâce à sa carrière de critique d’art dans la revue L’Art que Leroi fait la connaissance et encourage la carrière de nombreux jeunes artistes américains, expatriés et peut acquérir un certain nombre de leurs œuvres55. Ses préférences vont à des artistes comme John Ames Mitchell, Walter Mac Ewen, John Sargent ou encore Georges Hitchcock, dont il acquerra plusieurs dessins. Certains seront donnés au musée d’Ixelles en Belgique56. À une date où, en 1880, les achats de peinture américaine sont encore pratiquement inexistants au musée de Luxembourg, les envois de Leroi de gravures avant la lettre d’œuvres américaines en province sont à souligner57.
19L’autre centre d’intérêt de Leroi est l’Espagne, qu’il connaît bien pour y avoir fait plusieurs voyages et surtout pour avoir acquis plusieurs toiles notamment à la vente des frères Pereire en 1872. Il offrira en 1884, au nom de L’Art, au musée du Louvre, un tableau de Juan de Arellano, Couronnes de fleurs, oiseaux et papillons58. Dans ses envois de gravures d’après les maîtres, Vélasquez demeure son unique référence pour représenter l’art espagnol (Les fileuses, Ésope et Ménippe, Portrait du pape Innocent X), ce qui est étonnant de la part d’un marchand dont la vision sur l’art de ce pays était plus large. En revanche, il favorise les artistes espagnols contemporains : Luis Jimenez, Baldonero Galofre, les catalans Antonio Casanova et Antonio Fabrés. Leurs œuvres sont peu connues en France, mises à part celles de Jimenez, qui seront diffusées par la maison Goupil.
20Sa vision de l’art français est essentiellement contemporaine : quelques œuvres d’après les grands maîtres français des XVIIIe et XIXe siècles (Prudhon, Moreau de Tours, Watteau, Pater, Greuze), qu’il collectionnait lui-même, mais surtout des scènes réalistes d’artistes consacrés par le salon : Jean Paul Laurens, Délivrance des emmurés de Carcassonne ; Rosa Bonheur, Labourage nivernais, Ponies écossais ; E. Delaunay, Clorinde ; Théodule Ribot, Le vieux marin, Le mendiant Brestois, Le chat malade ; Jean Béraud, Autour du piano ; M. Eliot, Visite à l’atelier ; Chartran, La vision de saint François d’Assise ; Fromentin, Le camp arabe… Si les scènes d’histoire ou religieuses sont pratiquement absentes, les portraits sont nombreux. Leroi avait applaudi à la création par le ministre des Beaux-Arts, Émile Turquet, en 1885, d’une galerie des portraits à l’exemple de celle existant à Florence. Il reprend cette idée en commandant, au sculpteur Ringel d’Illzach, des médaillons représentant les personnalités contemporaines, qu’il distribuera largement59, et en donnant en province plusieurs séries de portraits d’après Bonnat60.
21Comme nous le notions au départ, la frontière entre sa carrière de marchand, de collectionneur et de mécène est ténue. Son mécénat devient un véritable outil de publicité lorsqu’il n’hésite pas à mettre en valeur certaines collections d’amateurs ou des musées avec lesquels il est en contact. Plus d’une fois, on retrouve dans ses envois des gravures d’après des tableaux acquis par les collectionneurs célèbres ou par les musées qu’il conseille : ainsi Les Premiers pas par Millet, de la collection d’Alphonse de Rothschild61, Habitation saharienne par Guillaumet de la collection de la Baronne Nathaniel de Rothschild, dont il était très proche62, Une lecture chez Diderot par Meissonnier, de la collection Edmond de Rothschild, L’île enchantée par Watteau, de la collection Georges Wilson, dont il est l’agent63, La fillette qui rit par Vermeer, de la collection Léopold Double, etc. Parfois ce sont des musées qui sont mis en avant, comme le Musée Royal de Belgique, pour lequel Leroi achètera une soixantaine d’œuvres dont La songeuse par Nicolas Maës, reproduit par Daniel Mordant et envoyé au musée de Belfort64 et La folie d’Hugo van der Goes, par Wouters. C’est aussi le cas du musée de Lille, pour lequel il avait favorisé la donation du Portrait de Sauvage par Donvé et le Portrait d’un architecte par Sébastien Bourdon. Figurent également dans ses envois des gravures d’après les tableaux de la collection du Prince Paul Demidoff à San Donato (Hiver par Philippe Wouwermans), dont Leroi avait orchestré en coulisses la vente à Florence en mars 1880, ou provenant encore de la galerie du Prince Galitzin (Portrait de Monsieur et Madame Vrydags Nan Vollenhoven), pour lequel il était l’un des experts avec Leroy en Belgique65.
22Malgré ses liens avec des artistes novateurs comme Félix Buhot, Félix Bracquemond, Norbert Goeneutte, Maxime Lalanne ou Lucien Gautier, les envois d’épreuves originales de Leroi ou de la revue L’Art, restent moins importants. Dans le Courrier de L’Art du 23 octobre 1885, Leroi remerciait les artistes qui avaient répondu à son appel et lui avaient envoyé des épreuves d’artistes : Félix Buhot (16), Léon Gaucherel, directeur artistique de L’Art (23), Théophile Chauvel (5), Gustave Greux (3), E. Ramus (5). On remarque ainsi au musée d’Abbeville, quatre paysages, eaux-fortes originales de Daubigny, et six vues de Marseille de Lucien Gautier, et aux musées d’Ajaccio et d’Amiens plusieurs œuvres originales de Félix Buhot66, une vue de Bordeaux de Maxime Lalanne au musée d’Amiens, Marcellin Desboutin au musée de Digne, mais ces épreuves restent marginales.
23Il est certain que Leroi désira rallier à sa cause d’autres mécènes ou personnalités du monde artistique. Alphonse de Rothschild est l’un des maillons essentiels de sa politique muséale, mais ce dernier se concentra sur les dons de peinture et de sculpture67. Il ralliera également de façon ponctuelle Thibaudeau, l’éditeur des eaux-fortes d’Alphonse Legros, qui offrira plusieurs eaux-fortes de l’artiste aux musées d’Abbeville, de Bergues, de Perpignan, de Valenciennes68… et Rodin, qui fera exécuter un certain nombre de plâtres d’après ses principales œuvres pour les donner en province (Musées de Cambrai, Vannes, etc.)69 et offrira également plusieurs pointes sèches70.
24À travers ces deux exemples, deux stratégies sont mises en place dans les années 1885, pour mieux faire connaître la gravure en province : l’une davantage tournée vers les artistes, et le goût de la belle épreuve, mais plus limitée dans l’espace et dans le temps, l’autre à l’échelle nationale, voire internationale, envisagée dans une perspective plus large d’enseignement artistique ; toutes les deux témoignent néanmoins de l’importance et de la vitalité de l’initiative privée face à la pesanteur et à la lenteur de l’État dans la mise en place de sa politique artistique à l’égard de l’estampe.
Notes de bas de page
1 Anonyme, « Le Baron Alphonse », L’Art, 1905, tome LXIV, p. 256-293.
2 P. Prevost-Marcilhacy, « Le mécénat artistique d’Alphonse de Rothschild », Archives Juives, n° 31/2, 1998, p. 29-41. Voir aussi notre ouvrage, Les Rothschild bâtisseurs et mécènes, Paris, 1995.
3 Cette étude s’appuie sur le travail que nous sommes en train de mener sur les donations Rothschild en France, à paraître 2008 (Somogy/éd. du Louvre/BnF).
4 Ville de Saint-Étienne, musée Municipal d’art et d’industrie, guide-livret dans les galeries et les salles diverse, Saint-Étienne, 1890. D’autres tentatives à l’époque sont lancées, à Châteauroux, par exemple, où un membre du conseil général prône, en 1872, un programme national de diffusion des arts. Voir P. Angrand, Histoire des musées de province au XIXème siècle, Olonne-sur-Mer, 1986, t. 4, p. 97. À Périgueux, en 1873, le député Martial Delpit réclame lui aussi pour son musée un exemplaire de chacune des gravures de la Chalcographie du Louvre « afin de populariser la connaissance des chefs-d’œuvre de nos musées et en particulier la grande école du XVIIe siècle ». 1 500 frs de gravures lui seront accordés.
5 Nous préparons un article plus complet sur le rôle de ce marchand belge qui effectua de nombreuses donations d’œuvres, notamment en France et en Belgique, et sur son rôle au sein du marché de l’art français et international. Sur Gauchez voir H. Wagner, « Die Briefsammlung Gauchez », Mitterlungen des Öesterreichische Staatsarchiv, 9, 1956, p. 573-588.
6 A. Dalligny, « Un musée d’estampes au Louvre, lettre de F. Buhot à J.-Fr. Raffaelli », Journal des arts, 21 novembre 1884, p. 1.
7 Vienne, Österreichisches Staatsarchiv, « Nachlass Gauchez », lettre de Jean-François Raffaelli à Jules Rouain, éditeur de L’Art, 9 novembre 1884. J.-Fr. Raffaelli, « Un musée des estampes au Louvre », L’Événement, 18 novembre 1884, p. 2. La revue L’Art publie deux éditions de grand luxe, la première, tirée à 100 exemplaires, est accompagnée de deux séries de planches (avant la lettre sur Hollande et avant la lettre sur papier Japon). La seconde, tirée à cinq exemplaires, est accompagnée de quatre séries de planches (sur Hollande, sur Japon, sur parchemin, sur Whatmann). Sur L’Art, voir P. Sanchez et X. Seydoux, Les estampes de l’Art 1875-1907, Paris, 1999. Notons également que la revue L’Art organisait depuis 1878 dans ses locaux, rue Lafitte, des expositions d’estampes.
8 Voir A. Mc Queen, « Félix Buhot et le culte de Rembrandt dans la France du XIXème siècle », dans J.-L. Dufresne, V. Sueur et A. Mc Queen, Félix Buhot, peintre graveur entre romantisme et Impressionnisme 1847-1898, Cherbourg, 1998, p. 165-173.
9 « La salle des estampes au British Museum », Journal des Arts, 5 novembre 1885, p. 2 ; A. Portier-Beaulieu, « La gravure est- elle un art ? », Journal des Arts, 16 avril 1885, p. 2.
10 De 1852 à 1857, une salle du musée fut consacrée à l’exposition d’estampes. Mais il n’y eut pas de galerie d’estampes avant 1891. La première exposition dans les galeries du musée national du Luxembourg eut lieu en juillet 1897 et fut dédiée à Bracquemond. J. Bailly-Herzberg, L’eau-forte de peintre au dix-neuvième siècle. La Société des aquafortistes 1862-1877, Paris, 1972 ; F. Buhot, « ÀMM. les graveurs », Journal des Arts, 6 mars 1885, p. 2 : « Je ferai dans le nouveau musée une place à la gravure qui n’en n’a aucune aujourd’hui dans le musée du Luxembourg, la France pouvant à bon droit s’honorer aussi des graveurs contemporains (...). La gravure moderne dont les expositions sont complètement sacrifiées dans les salons annuels n’a été représentée nulle part dans nos musées nationaux ».
11 F. Buhot, « Les salles d’estampes dans les musées de Province », Journal des Arts, 25 novembre 1884, p. 2 et 28 novembre 1884, p. 2 ; A.-D, « À MM. les conservateurs des musées de province », Journal des Arts, 2 décembre 1884, p. 2.
12 « Hors de Paris, point de cabinet national d’estampes, point de collections publiques de gravures ; beaucoup de collections particulières, car en province il existe un grand nombre d’amateurs érudits et persévérants. Il n’est guère de ville en France qui ne puisse s’enorgueillir d’une galerie particulière de tableaux ou même chose plus rare il est vrai, d’un cabinet d’amateur d’estampes. N’est ce pas en province que vit le Mariette de notre époque ? », F. Buhot, Journal des Arts, 6 mars 1885, p. 2.
13 F. Buhot, « Les musées-bibliothèques et le mémoire de M. Beaurain », Journal des Arts, 5 novembre 1885, p. 2 ; N. Beaurain, Estampes de la ville de Rouen. Collections de la Bibliothèque municipale. Ouverture d’une galerie des estampes dans les nouveaux bâtiments, Rouen, 1885.
14 « Ils ne peuvent acquérir l’éducation de l’oeil dans ces musées où quelques bons tableaux clairsemés se cachent parmi les croûtes aux attributions prétentieuses. Ils ne peuvent étudier la transformation des écoles, des mouvements successifs de l’art et nous avons vu qu’il ne faut pas compter sur les acquisitions annuelles pour combler les lacunes », F. Buhot, Journal des Arts, 25 novembre 1884, p. 2.
15 F. Buhot, « Les salles d’estampes dans les musées de province », Journal des Arts, 28 novembre 1884, p. 2.
16 F. Buhot, « Les salles d’estampes dans les musées de province », Journal des Arts, 19 décembre 1884, p. 2.
17 « Allez mes amis frappez aux portes : demandez avec cette assurance permise quand on travaille pour une œuvre utile au développement artistique de la patrie. N’oubliez pas de passer par la rue Saint Benoit et tâchez de voir M. Quantin, de le détourner de ces nombreux travaux. Ce mécène de l’édition moderne ne refusera pas son obole aux musées de province. Adressez-vous au journal L’Art dont l’initiative et l’impulsion ont développé une brillante école aquafortiste contemporaine », Ibid.
18 F. Buhot, « Les salles d’estampes dans les musées de province », Journal des Arts, 5 décembre 1884, p. 2, 9 décembre 1884 et 23 décembre 1884, p. 2 : « Si les épreuves ordinaires, même médiocres, même mauvaises d’une planche intéressante par elle-même peuvent encore servir à l’éducation de l’œil et de l’esprit, nous aurons soin de les bannir sévèrement de la salle d’exposition, et nous les réserverons pour les portefeuilles reliés contenant les séries relatives à l’histoire de l’art et qui formeront comme la pierre fondamentale de nos salles en province (...) soixante-dix pièces consacrées à la sculpture antique, cent douze à l’art décoratif chez les anciens formeront deux portefeuilles à consulter ». Voir aussi F. Buhot, « Le passé et l’avenir de la Chalcographie », Journal des Arts, 7 janvier 1887, p. 2.
19 F. Buhot, Journal des Arts, 19 décembre 1884, p. 2. Dutuit léguera sa collection au Musée du Petit Palais à Paris, et Edmond de Rothschild en 1936, ce qui formera le cabinet Edmond de Rothschild au musée du Louvre. En 1885, il fonde avec le duc d’Aumale, le duc de Devonshire, et le vicomte Henri Delaborde, la Société internationale chalcographique, qui « a pour but de faciliter l’étude de la gravure dans ses origines et de publier en fac-similé les estampes les plus rares du XVe et du XVIe siècle ».
20 A. Dalligny, « ÀMM. les conservateurs des musées de province », Journal des Arts, 2 décembre 1884, p. 2.
21 Journal des Arts, 28 novembre 1884, p. 2.
22 A. Dalligny, « Le musée des estampes à Rouen », Journal des Arts, 16 octobre 1885, p. 2.
23 F. Buhot, « À MM. les graveurs », Journal des Arts, 6 mars 1885, p. 2. Voir aussi Journal des Arts, 5 décembre 1884, p. 2 : « La ville se préoccupe de créer un cabinet des estampes. Elle possède déjà le premier fonds de cette collection à la bibliothèque de la ville : c’est un don de M. Dutuit qui forma le premier noyau de cette collection. Il serait à désirer que Rouen arrive premier dans ce steeple chase d’un nouveau genre et put ainsi recueillir et exhiber dans des salles qui seront achevées prochainement les belles épreuves d’artistes que plusieurs de mes collègues veulent bien offrir généreusement ».
24 A. Dalligny, « La galerie municipale des estampes à Rouen », Journal des Arts, 23 mars 1888, p. 2.
25 F. Buhot, « Première liste des dons envoyés au Journal des Arts pour le cabinet d’estampes de la ville de Rouen », Journal des Arts, 27 mars 1885 et 7 août 1885, p. 2.
26 Sur Bracquemond voir J.-P. Bouillon, Félix Bracquemond 1849-1859. Le réalisme absolu : œuvre gravé, catalogue raisonné, Paris, 1987.
27 A. Dalligny, « La galerie municipale des estampes à Rouen », Journal des Arts, 10 avril 1888. L’aménagement de « ce sanctuaire » de la gravure était dû à Ernest Chesneau, lié au conservateur du musée de Rouen, Michel Noël.
28 En l’absence d’inventaire et de récolement, il est difficile de connaître les envois de l’État. Le musée de Honfleur paraît avoir été bien doté : 14 gravures d’interprétation, essentiellement d’après les peintres français des XVIIIe et XIXe siècles (Pater, Ingres, Delacroix, Jean-Paul Laurens. Raphaël, Giorgione, pour la peinture italienne du XVIe siècle, Murillo, Van Dyck. Comme le musée de Digne, qui reçoit 30 œuvres de la Chalcographie.
29 Leroi fera plusieurs dons d’estampes à Anvers et à Laeken. Sur les dons de peintures, voir notre article, Op. cit. (note 2). J. Beulay indique « que L’Art était dirigé par Paul Leroy [sic] et subventionné par M. de Rothschild », dans Catalogue du musée de Châteauroux, 1910, p. 98. Voir aussi P. Leroi, « Le cabinet des estampes de la ville de Rouen », Courrier de l’art, 14 août 1885, p. 407.
30 P. Leroi, « Le musée de Béziers », Courrier de l’art, 11 septembre 1885, p. 82-383.
31 Paul Mantz avait proposé de créer une imagerie scolaire appliquée pour les musées de l’école primaire. Certaines de ces reproductions avaient été exposées lors de l’exposition de Londres en 1884 et à Paris en 1889.
32 Le 6 mai 1904, le sculpteur Carl remercie Gauchez pour « le magnifique don [de gravures] qu’il a fait aux écoles de Saint-Dié, même si le maire de la ville ne peut plus moralement engager la ville de Saint-Dié dans les dépenses de frais d’encadrement, ayant perdu sa place », Vienne, Österreichisches Staatsarchiv, Nachlass Gauchez ; de même, le bourgmestre de la ville d’Anvers écrit à Leroi dans les mêmes termes, « Je trouve votre projet d’enseignement au moyen d’estampes à placer dans les écoles judicieux en tout point, et je vais dès aujourd’hui en séance collégiale proposer que la ville d’Anvers profite de votre œuvre généreuse », Vienne, Österreichisches Staatsarchiv, Nachlass Gauchez.
33 « Les musées sont les seuls foyers de l’art accessibles au plus grand nombre, les seuls éducateurs possibles en ce moment du goût public. Il faudrait faire pour les musées départementaux ce qu’on a essayé de faire avec tant de succès pour les écoles spéciales de Beaux-Arts et de dessins », Courrier de l’art, 21 janvier 1887.
34 C. Heesterbeek-Bert, « Léon Gauchez, marchand d’art de la seconde moitié du XIXe siècle : ses rapports avec les musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Quelques révélations puisées aux archives du musée », Bulletin des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, 1994 1-4-1995/1-4, p. 183-225.
35 Gauchez incita de nombreux artistes français dans les années 1860, comme Boudin ou Jongkind, à figurer aux salons triennaux de Bruxelles : « Je reçois la demande officielle de faire tous mes efforts pour décider le plus grand nombre d’artistes français de talent à prendre part à l’exposition de Bruxelles qui s’ouvre en septembre. Voulez-vous [me] faire le plaisir d’exposer eaux-fortes et aquarelles et d’engager nos nombreux amis à exposer. Je serai très certainement chargé de l’expédition générale dont l’État belge supportera les frais aller et retour… ». Lettre de Gauchez à Jacquemart, 17 juillet 1878, Paris, Bibliothèque de l’Inha, carton 94, n° 83676-83677.
36 Il était très lié aux sculpteurs, notamment Auguste Rodin et Jules Dalou ; sur ce point voir notre article, Op. cit. (note 2).
37 « Succession de M. Paul Leroi [Léon Gauchez] », vente du 9-12 décembre 1907, Paris Hôtel Drouot.
38 P. Leroi, « La Bibliothèque et le musée de Honfleur », Courrier de l’art, 4 août 1885, p. 406. et P. Leroi « le musée de Honfleur », Courrier de l’Art, 7 août 1885, p. 370.
39 « Désireux d’aider à populariser l’excellente idée d’un de ses collaborateurs, Félix Buhot qui est un des aquafortistes les plus originaux de ce temps, L’Art, offre dans le but d’ouvrir une section de gravure et de lithographie au musée de Honfleur, six portraits de Bonnat », Ibid.
40 Ces rapports seront publiés dans le Courrier de l’Art entre 1880 et 1885.
41 La revue avait toujours défendu l’idée d’un musée des arts décoratifs ; voir L’Art, 2e année, t. III, p. 186 et suivantes.
42 « Musée de Saintes », Courrier de l’Art, 14 août 1885, p. 395. Leroi prendra une autre initiative qui rejoint partiellement l’envoi de gravures : il s’impliquera personnellement dans la commande de médaillons à Ringel d’Illzach qu’il distribuera dans toute la France, moyen pour lui « d’aider au relèvement d’une industrie d’art, la fonte à cire perdue ». Lettre de Gauchez, du 28 juin 1884, à M. Kaempffen, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, Paris, Archives du Louvre, L8.
43 P. Leroi, « Le musée de Cambrai », Courrier de l’Art, 18 octobre 1885, p 515-516.
44 « Nous sommes convaincus que la plus grande erreur du point de vue de la vitalité nationale consiste à laisser sommeiller la province au lieu de stimuler sans cesse son initiative dans la voie féconde des applications de l’art et de l’industrie par exemple (...). La prospérité du pays est dans le relèvement des anciennes industries d’art locales », Courrier de l’Art, 15 octobre 1885, p. 299. Et plus loin, à propos du musée Vivenel de Compiègne : « Aujourd’hui on est d’accord pour voir dans les musées non pas des institutions de luxe mais de puissants foyers d’enseignement, de formation du goût et d’impulsion imprimée aux applications de l’art et de l’industrie, renaissance qui sera à l’honneur de la fin du siècle », Courrier de l’art, 23 septembre 1887, p. 226.
45 « Chaque ville ayant à notre avis le plus grand intérêt à réunir dans son musée le plus de reproductions possibles d’oeuvres d’artistes éminents à qui elle a donné naissance, nous avons offert les eaux-fortes suivantes au musée de Haarlem : six eaux-fortes d’après Ruisdaël et quatre d’après Wouwermans », Courrier de l’art, 12 août 1887, p. 249.
46 Au début de la Troisième République, la collection étrangère des artistes vivants installée au Luxembourg est embryonnaire. Léonce Bénédite procédera à quelques acquisitions à partir de 1889.
47 C’est à lui que l’on doit l’entrée en 1885 au Louvre de six tableaux anglais (Sir William Beechey, Fréres et sœurs ; Constable, The Glebe Farm ; Georges Morland, La halte ; William Mulready, L’abreuvoir ; John Opie, La femme en blanc ; Ramsay, Portrait de Charlotte Sophie de Meklenbourg), ainsi que l’achat par Edmond de Rothschild, en 1892, de Master Hare de Reynolds. Ce tableau a été acheté en Angleterre par Gauchez pour Edmond de Rothschild pour la somme de 2 656,10 livres, mais passera dans la collection d’Alphonse de Rothshild qui le donnera en 1905 au musée du Louvre. Leroi donne également au musée de Lille le Portrait du Comte de Kellie de David Wilkie. Il s’intéresse aussi à l’aquarelliste anglais Emile Hoetericks dont il offre plusieurs oeuvres au musée d’Abbeville (Saturday Afternoon in London). Voir L. Gauchez, « L’école anglaise en 1882 », L’Art, vol. 31, n° 4, 1882, p. 267-274.
48 Fillette et son chien, ou encore The ladies Waldegrave, par Charles Courtry, eau-forte avant la lettre (musée de Belfort)
49 John Hoppner (1758-1810), La Princesse Matilda of Gloucester.
50 Georges Morland, Intérieur d’écurie.
51 Benjamin William Leader (1831-1923), February Fill-Dyke (ou Un soir de novembre après la pluie, Birmingham 1881), gravure avant la lettre, considérée comme l’une des œuvres les plus importantes du naturalisme préraphaélite. Sir William Quiller Ochardson, Le décavé, Bouderie, Portrait de Madame Winchester Clowes, Master Baby sont les planches les plus courantes envoyées par Leroi aux musées d’Abbeville, d’Angers. Georges Watts, Orphée et Eurydice (Royal Academy).
52 M. Fidell Beaufort et J.-K. Welcher, « Some Views of Art buying in New York in the 1870’s and 1880’s », The Oxford Art Journal, 1982, vol. 5, n° 1, p. 48-55. J. -A. Martin Bienenstock, dans cat. exp., The Forgotten Episode : Nineteenth Century American Art in Belgian Public Collections, Bruxelles, The American Culture Center, 1987, p. 26-31.
53 Ce grand recueil composé de dix eaux-fortes, reproduisant les principales œuvres du XVIIe siècle hollandais ou flamand qui venaient d’entrer dans les collections du Metropolitan, s’inscrivait dans un projet plus vaste de publication mené par Gauchez, par livraison de dix planches des cent principaux tableaux du musée. J. Megumi, « Un musée de papier relié au marché de l’art : Léon Gauchez et Etchings of Pictures in the Metropolitan Museum », Journal of the Japan Art History Society, 2003, n° 155, p 48-55 ; J. Megumi, « The Rise of Images in Art Dealing, Léon Gauchez (1835-1907) and Auction Catalogues », Studies in Western Art, 2002, n° 8, p. 139-155.
54 Sa galerie de peintres nordiques.
55 Il acquit de nombreux dessins de Georges Henry Boughton, de Gari Melchers, ou de Daniel Ridgway qui furent donnée au musée d’Ixelles en Belgique.
56 Histoire de revenant, épreuve d’artiste avec remarque de Ch. Giroux, d’après le tableau de Mac Ewen (musée de Bergues) ; Maternité, épreuve d’artiste avec remarque de Ch. Giroux, d’après le tableau de Georges Hitchkock (musée de Bergues, musée d’Angers) ; John A. Mitchell, Le nouvel opéra (musée d’Abbeville, d’Amiens, de Bergues) ; E. Bocourt, Danse de gitanos, d’après Sargent (musée de Béziers).
57 V. Weisinger mentionne une peinture d’Henry Mosler, en 1879, Le retour, et en 1889, Le Bénédicité de Walter Gay. Voir son article « La politique d’acquisition de l’État Français sous la Troisième République en matière d’art étranger contemporain : l’exemple américain (1870-1940) », Bulletin de la société d’Histoire de l’Art français, 1993, p. 263-280.
58 F. Gros, Les collections de peintures espagnoles des frères Pereire, mémoire de maîtrise, Sorbonne Paris IV, 1998, dir. V. Gérard-Powell et A. Mérot. Gauchez avait acquis à la vente Pereire le n° 77, Couronnes de fleurs, pour la somme de 720 frs et Goya, Portrait d’enfant à la Gwendoline, pour la somme de 12 800 frs.
59 « Je voudrais contribuer à la formation d’une collection nationale de portraits, et c’est dans ce but que j’ai l’honneur de vous demander d’accepter au nom de L’Art un exemplaire à cire perdue des médaillons en bronze de M. Rodin et de M. Lhermitte », lettre de Gauchez à M. Kaempffen, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, 28 juin 1884, Paris, Archives du Louvre, L8.
60 Paul Rajon, Portrait de Madame Pasca, d’après Bonnat (musée d’Abbeville), Léopold Flameng, Portrait de Puvis de Chavannes, d’après Léon Bonnat, Portrait d’Auguste Saint Gaudens, Portrait d’Henri Dagrin et Portrait d’A. Viniot, épreuves avant la lettre de Camille Victor Vergnes (musée de Bergues).
61 Le dessin de Millet est acquis par Alphonse de Rothschild en 1880.
62 La Baronne Nathaniel, peintre, collectionneuse et mécène a soutenu à ses débuts l’entreprise décentralisatrice de Leroi. Ce dernier diffusera par ailleurs largement ses œuvres qui seront gravées par Théophile Chauvel. Sur la Baronne Nathaniel voir notre article, « Charlotte de Rothschild, artiste, collectionneur et mécène », dans B. Jobert (dir.), Mélanges Bruno Foucart, Paris, 2008, p. 252-265 et 570-576.
63 Leroi avait constitué la collection du riche collectionneur John Wilson dont il orchestra aussi la vente à Paris en mars 1881.
64 Acquis de Gauchez en 1885, pour la somme de 60 000 frs. Cf. C. Heesterbeek-Bert, Op. cit. (note 34), p. 187. La gravure avant la lettre de Daniel Mordant sera envoyée au musée de Belfort. Voir aussi, « Les grands lamas du musée », La Jeune Belgique, X, n° 7, juillet 1891, p. 261-264.
65 Les deux portraits sont entrés en 1885 dans les collections de Charles Delagrave et les eaux-fortes avant la lettre de Charles Waltner envoyées au musée de Béziers.
66 Musée d’Ajaccio : Félix Buhot, Une jetée, pointe sèche lavée d’aquatinte, et Félix Buhot, Débarquement en Angleterre, musée d’Amiens.
67 Alphonse de Rothschild donna un certain nombre de gravures d’illustration, mais qui sont les mêmes que celles offertes par Leroi.
68 Il s’agit essentiellement des Portraits de Sir Frederic Leighton, et du Cardinal Manning. « Edmond Yon, qui vient d’être nommé chevalier de la légion d’Honneur, nous a adressé tout un portefeuille d’épreuves de choix de ses gravures pour être offertes par nous, aux musées de province : nous le remercions d’avoir suivi l’exemple de Léon Gaucherel, F. Buhot, Th. Chauvel, Greux, Ramus, Ringel, Rodin, et Thibaudeau », Courrier de l’art, 30 juillet 1886, p. 356-357.
69 Courrier de l’art, 9 octobre 1885 et 23 octobre 1885, p. 513-516.
70 Le portrait de Victor Hugo sera donné au musée d’Abbeville et d’Ajaccio. Courrier de l’art, 9 octobre 1885, p. 489-492.
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