Chapitre 3. Les acteurs officieux du commerce du tableau
p. 101-117
Texte intégral
Les académiciens et le commerce du tableau : les ambiguïtés de l’institution
1Si l’interdiction pour les académiciens de se livrer au commerce n’est pas inscrite dans les statuts de l’Académie royale, tout au moins avant 17771, elle figure néanmoins dans la requête adressée au roi par Martin de Charmois qui demande « de faire très expresses inhibitions et deffenses ausdits Maistres soy disans peintres et sculpteurs de prendre à l’advenir cette qualité tant qu’il tiendront boutique ou seront du dit corps… »2. L’Académie entendait par là distinguer « l’état honorable d’académicien avec l’état mécanique et mercenaire des maîtres de la communauté »3. Pourtant, dans la réalité, on constate quelques entorses à ce vœu. Déjà sous le règne de Louis XIV, certains académiciens tels Antoine Benoist, Alexis-Simon Belle, Nicolas de Largillière ou Jean Forest, son beau-père, ou bien encore Charles Hérault, marchand notoire, se livraient ouvertement au commerce sans que l’Académie trouve à y redire ; celle-ci préférant fermer les yeux sur les activités de certains de ses membres, pour autant qu’elles ne soient pas trop visibles. On envisagea même en 1684 de libéraliser la pratique en accordant « à l’avenir à ceux qu’elle jugera à propos, la liberté de pouvoir vendre publiquement des tableaux »4, ce qui revenait somme toute à la légaliser. C’était cependant risquer l’amalgame avec la maîtrise de Saint-Luc, la vieille rivale de l’Académie et on préféra ne pas donner de suite favorable à ce projet, jugé périlleux pour la réputation de l’institution. À défaut de commerce déclaré, certains de ses membres, et non des moindres, se livraient régulièrement à la pratique de l’expertise, ce qui les liait au commerce d’art. Un avis inséré dans l’Avant-Coureur du lundi 18 juillet 1768, mais également dans l’Année Littéraire et le Mercure de France, vient confirmer ce fait de manière troublante : « M. Boucher, premier Peintre du roi & Directeur de l’Académie royale de Peinture, & M. Vien, professeur de la même Académie, préviennent ceux des Amateurs à qui l’on pourroit présenter des tableaux revêtus de leurs certificats, qu’ayant moins de loisir & d’habitude de voir des tableaux originaux, que les Marchands & Brocanteurs qui, par état, font de ces sortes d’examens & de comparaisons, leur unique affaire, ils se croyent obligés d’avouer qu’ils pourroient bien s’être trompés dans le jugement qu’ils ont porté. Ils n’en sont pas moins d’avis que ces Tableaux sont dignes des Maîtres à qui ils les ont attribués »5. Le doute n’est pas permis, il s’agissait bien d’expertiser des tableaux de maîtres anciens et non pas d’authentifier leur propre production. Si elle a le mérite de la sincérité, cette volte-face est néanmoins surprenante. Le portraitiste Jacques-André Joseph Aved, lui-même du sérail, et pratiquant ouvertement le commerce, comme nous le verrons, nous apporte la preuve du rôle joué par ses confrères dans les affaires d’expertise. Alors qu’il met en vente en 1761, certains tableaux dont le prix, lui est discuté, il écrit au banquier Eberts, l’agent de Caroline de Bade : « Vous savés que je n’ai point deux prix et que je pars d’après l’estimation juridique faite dans la plus grande connoissance de cause par Messieurs de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture »6. Dans une autre lettre le même Eberts invoquera pour preuve de l’authenticité de ces mêmes tableaux « l’aveu de dix Académiciens »7. Plus on avance dans le siècle et plus on a le sentiment que les académiciens deviennent réticents à assumer ce rôle d’arbitre qui leur est dévolu. En 1785, alors que les juges consuls renvoient devant l’institution académique un litige opposant deux marchands de tableaux, Hamon et Saint-Ligier, celle-ci délibère en déclarant son incompétence, invoquant son règlement : « Ne devant, par sa constitution donner son avis sur la Bonté des Productions des arts qu’elle professe, et croyant dans cette cause le plus ou moins de beauté du tableau absolument nulle dans la question, puisqu’il s’agit de savoir si ledit tableau a été vendu 400 livres, à forfait ou à convention, elle a dû s’abstenir de parler de cette affaire »8. En résumé, la contestation reposant uniquement sur des conventions de commerce, l’Académie se déclarait incompétente. Une affaire encore plus délicate, fut soumise à l’Académie en 17889. Un litige opposait le marchand Donjeux au négociant Druyer de Boncourt, installé en Allemagne, à propos de deux tableaux de Reni et de Rubens. Les peintres Doyen, Renou, puis Vernet furent amenés à se prononcer sur ces tableaux... sans les voir, puisque ceux-ci demeuraient introuvables ! Au-delà de l’anecdote, ce sont les réserves formulées par les experts qui nous intéressent ici. Doyen déclare « que quand bien même les Tableaux seroient sous nos yeux, nous ne pourions juger que de l’originalité & du degré de mérite qui se trouve dans le peintre qui souvent est inférieur à lui-même. Pour l’estimation du prix c’est une chose qui ne nous regarde nullement & qui est toujours ballotée par la passion des amateurs & l’intérêt des Commerçans de tableau »10. Vernet donna raison à ses confrères puisqu’il jugea que « les artistes ne sont juges que du mérite des ouvrages relativement aux beautés de l’art, et non pas de leur valeur pécuniaire dans le commerce, valeur sujette à des vicissitudes sans nombre ». Cette déclaration de principe ne l’empêcha pas, de même que Renou d’ailleurs, de se livrer à une évaluation pour le moins fantaisiste, car elle reposait sur des tableaux invisibles11 ; curieux exemple de déontologie. Néanmoins l’esprit de corps fonctionnait. On peut sans doute expliquer cette réserve des académiciens par le fait qu’ils avaient été confrontés quelques années plus tôt à une affaire déclenchée précisément par l’expertise de l’un des leurs, Jean-Baptiste-Marie Pierre, qui défraya la chronique vers la fin du siècle. Celle-ci rendit toute son actualité au vieux problème de la relation équivoque entre certains membres de l’institution académique et le marché de l’art.
L’affaire Guillaume Martin : un « pavé » dans la mare académique
2L’affaire Guillaume Martin (1737-1800)12, qui éclate en 1780, dans des circonstances bien particulières, atteste le changement d’attitude du corps académique à l’égard du commerce, la pratique en ayant été interdite à ses membres à partir de ses nouveaux statuts de mars 1777. Elle a le mérite de montrer que cette interdiction fut mal acceptée par certains de ses membres et encore plus mal appliquée. L’affaire bien connue, est évoquée par Charles-Nicolas Cochin fils dans deux longues lettres adressées à son ami Jean-Baptiste Descamps13. Nous en rappelons ici les grandes lignes : le peintre Martin, agréé de l’Académie royale de peinture et sculpture en 1771, fit un jour l’acquisition auprès d’un « petit marchand de tableaux, nommé Meunier qui demeure au pavillon des quatre Nations », d’un tableau, qui une fois nettoyé et remis en état, se révéla être, de l’avis de plusieurs marchands, un original de Rubens. La rumeur de cette découverte se propagea et l’on répandit le bruit que ce tableau appartenait au duc d’Orléans à qui il avait été volé. Le scandale éclata et Pierre, premier Peintre du Roi, porta l’affaire devant le Lieutenant de Police. Démarche bien imprudente car l’enquête révéla que ce tableau avait été acheté à Saint-Cloud, dans un cabaret dont le propriétaire était frotteur au château. Une quinzaine d’années auparavant, celui-ci avait reçu ce tableau avec douze autres, de Pierre lui-même, alors premier peintre du duc d’Orléans. Il avait été chargé à ce titre, de donner son avis sur des peintures retrouvées dans le château après le décès de « Madame d’Orléans ». Le futur premier Peintre, les considérant comme des croûtes ou tout au moins de simples copies, s’en était débarrassé. Cette histoire risquant de le discréditer comme connaisseur sur la place de Paris et surtout au regard de ses confrères, Pierre se résolut à en faire porter la responsabilité à Martin qu’il dénonça comme marchand de tableaux, fonction considérée comme incompatible avec son état d’académicien. Pierre demanda donc, « en conséquence de l’article 34 des statuts »14, l’exclusion de Martin de l’Académie. L’affaire suscita un vif débat au sein de l’institution. D’ailleurs, ses membres ne voyaient pas le bien fondé d’une telle accusation, puisqu’il était de notoriété publique qu’un certain nombre d’académiciens se livraient de longue date à la pratique du commerce du tableau, sans qu’on ait cru nécessaire de s’en inquiéter, et d’en être choqué. La réaction du Premier peintre du Roi, piqué au vif dans sa fierté, fut malvenue. Martin appelé à se justifier, rédigea un mémoire qu’il soumit à ses confrères. Beaucoup étaient prêts à se ranger de son côté, sentant bien « que si l’on faisoit un crime d’acheter des Tableaux dans une occasion et de les revendre dans un[e] autre, il n’y aurait presque aucun de nous qui pût lui jetter la première pierre [...] »15. Parmi les plus ardents défenseurs de Guillaume Martin, il y eut Charles-Nicolas Cochin, qui avoue dans une lettre être l’inspirateur, voire le rédacteur de ce mémoire. Il prend fait et cause pour son confrère académicien, qu’il qualifie « d’homme actif, qui n’a nulle envie de rester dans la misère. Pour cet effet, lorsque dans une vente il trouve un tableau à un prix au-dessous de sa valeur, et qui n’est point au-dessus de ses facultés, il l’achète et le revend, s’il trouve à y bénéficier... ». Cochin ajoute : « Nous n’avons jamais regardé cela comme un peché. M. Aved le faisoit et il y a gagné du bien, et malgré la petitte jalousie que sa fortune donnoit à ses confrères, l’Académie ne lui a jamais cherché querelle sur cet objet. Ce n’est pas en effet selon moy, le commerce qui déshonore, c’est la manière de le faire ; or Martin le fait décemment [...] »16. Dans son acharnement à établir les preuves de la culpabilité de Martin, Pierre alla jusqu’à réclamer une enquête auprès de « huit ou dix des Marchands de Tableaux les plus connus, pour leur demander si M. Martin faisoit des affaires de commerce avec eux...»17. Les réponses ne répondirent pas aux espérances de Pierre ; « Touttes portaient qu’ils n’avoient jamais fait aucune affaire d’intérêt avec lui. Il s’ensuivoit qu’il n’étoit point lié avec eux, ni consequemment suspect d’avoir part à leurs basses révisions »18. Bien au contraire, cette démarche se transforma en tribune ouverte. Ce fut un tollé général contre l’Académie, ses prérogatives et contre certains de ses membres. Un marchand allant jusqu’à déclarer « qu’il valoit mieux vendre de bons tableaux qu’en faire de mauvais ». Assurément, l’institution académique et surtout le premier Peintre du roi n’en sortirent pas grandis. « L’affaire Martin » a cependant le mérite d’apporter la preuve indubitable que les maîtres de l’Académie de Saint-Luc, grande rivale de l’Académie royale, n’avaient pas l’exclusivité de l’exercice du commerce de l’œuvre peinte. Incontestablement Guillaume Martin se livra au commerce, même s’il se défend d’avoir « ni Etalage, ni boutique, ni Magasin ; les lieux où je tiens mes tableaux est le cabinet où je travaille ; je n’ai point d’adresse imprimée, mon Cabinet n’est point ouvert à tout venant comme l’est la boutique ou le magasin d’un marchand ; je n’ai jamais fait ni Estimation, ni prisée, ni Catalogue, ni vente pour qui que ce soit, c’est ce qui caractérise particulièrement les marchands de tableaux ; on ne m’a jamais vû en liaison de commerce avec eux, ni à ces révisions où l’on partage les bénéfices qu’on a usurpé sur les vendeurs, héritiers ou autres par des associations coupables qui ont pour bût de ne point porter les choses à leur véritable valeur ; ce qui caractérise les Brocanteurs et les avilis. Je n’ai point de livres de vente, je n’ai point de correspondance ni de comptes ouverts avec aucun marchand Étranger ni françois [...]. Je n’ai jamais acheté des tableaux en Société avec personne, ni marchand de tableaux, ni autre. J’ai acheté seul sans me cacher, j’ai acheté pour moi, j’ai l’amour des bonnes choses et j’en acquiers autant que mes faibles moyens me le peuvent permettre, j’achète, ainsi que tout le monde a droit de le faire. Il n’est point de curieux amateurs qui n’achète aux ventes publiques, il en est de même des artistes, il n’en est presque point dans l’académie à qui l’on ne puisse prouver qu’il a acheté dans les ventes publiques ou à des marchands et aux particuliers, ou qui n’ait fait des trocs de tableaux pour d’autres effets avec les marchands de tableaux, et même qui s’en est défait depuis avec avantage. C’est ce qui m’est arrivé avec plusieurs Seigneurs, comme ont fait plusieurs membres de l’académie et on ne les a pas traités pour cela de Brocanteurs ni de marchands de tableaux [...] »19. En dépit de ces protestations relatives à sa bonne foi, personne n’était dupe comme le montre la mention d’une autre main [Pierre ?] en marge du mémoire précité : « Malgré cette justification, il n’est pas moins vrai que M. Martin vend 20 fois plus de tableaux d’autrui que des siens, qu’il fait seulement ce commerce plus adroitement et moins ouvertement que les marchands ordinaires de tableaux et qu’il y a beaucoup gagné »20. Certaines affaires auxquelles le peintre fut mêlé laissent planer le doute sur son honnêteté21. Nous aurons l’occasion d’y revenir22. Qu’il ait été un collectionneur avide ou un véritable marchand, Guillaume Martin avait encore en sa possession au moment de son décès un important ensemble de peintures, principalement italiennes, qui furent dispersées en vente au mois d’avril 180223.
3« L’affaire Martin » ne devait pas être la dernière charge de l’Institution académique contre le commerce, comme le montre l’épisode de l’admission de Mme Vigée-Lebrun à l’Académie, le 31 mai 1783, en dépit d’une opposition marquée. Rappelons simplement que le comte d’Angiviller, directeur des Bâtiments avait cru nécessaire de rappeler au Roi que : « Dans les statuts donnés par Louis XIV à l’Académie de Peinture, il est défendu à tout Artiste de faire le commerce de tableaux, soit directement, soit indirectement »24. Dans ce texte, l’allusion à l’époux de Mme Vigée Lebrun, le célèbre marchand Jean-Baptiste Pierre Le Brun, est on ne peut plus limpide. La démarche de d’Angiviller a néanmoins quelque chose de paradoxal puisque de ce rappel de la législation ne découle en aucun cas la condamnation du commerce de l’art en tant que tel. Il convient de noter d’ailleurs que le Directeur des Bâtiments n’hésite pas à invoquer un article ne figurant pas dans les premiers statuts de l’Académie. Dès lors, on peut se demander s’il ne faut pas voir dans cette opposition, l’idée que des hommes comme Le Brun représentaient par leur commerce, qui encourageait la pratique spéculative, une menace. Le commerce de l’art ancien faisant une concurrence déloyale à la création contemporaine à laquelle le directeur des Bâtiments était si attaché, en détournant les amateurs des œuvres des artistes modernes, au profit des seuls maîtres anciens et pour le plus grand bénéfice du commerce. On n’est pas loin ici des thèmes récurrents de l’influence néfaste de l’argent et de la décadence des arts, souvent associés25. On connaît l’issue de cette affaire ; Mme Vigée-Lebrun entra à l’Académie nantie de la dispense royale26.
4Une telle réaction était pour le moins paradoxale, car les exemples d’académiciens se livrant au commerce du tableau ne manquent pas. Le plus connu fut incontestablement, comme le rappelle Cochin dans sa lettre à Descamps, le peintre portraitiste Jacques-André-Joseph Aved (1702-1766) qui s’enrichit sans doute davantage dans cette pratique que dans celle de son métier. Il fut même accusé par l’Académie de Saint-Luc, comme n’appartenant pas à la communauté des peintres, d’exercice illégal de la vente et de concurrence déloyale27. Sa situation, d’ailleurs de notoriété publique, ne prête pas à discussion de la part des académiciens. Grimm évoque « Aved [qui] aimait plus le métier de brocanteur que celui de peintre. Il connoissait les vieux tableaux et il savait en faire le trafic d’une manière fort avantageuse pour lui »28. Seule la prospérité de son commerce semble avoir desservi l’académicien-marchand qui, au mois de juin 1763, se vit débouté de sa demande de pension du roi, l’argument avancé étant qu’il était « plus accommodé quant à la fortune d’entre ses confrères… ».29. Aved fut un commerçant avisé et réputé, parfait connaisseur des maîtres des écoles du nord, proposant des œuvres de grande qualité ramenées de ses voyages en Hollande et pratiquant des prix élevés, comme le montre la correspondance de Caroline de Bade où il apparaît fort âpre en affaires30. Mais la qualité des tableaux qu’il proposait était indiscutable ; il fallait bien, dans ces conditions, composer avec ses prétentions, fussent-elles élevées. Caroline de Bade lui acheta trois tableaux, un bouquet de Van Huysum ayant appartenu au prince de Carignan, vendu avec son pendant, une œuvre de même sujet de Maria Osterwyck, ainsi qu’un « un sujet d’histoire », par Frans van Mieris, pour un montant de 7.600 livres.
5Aved compta parmi ses clients l’élite des collectionneurs allemands. Nous savons par Eberts qu’il avait cédé avant la guerre de Sept Ans pour 60.000 livres de tableaux au roi de Prusse, auquel il envisageait de vendre le reste de son cabinet une fois la paix revenue31. Nous apprenons par la même source qu’il était également l’un des fournisseurs du landgrave de Hesse-Cassel, auquel il était lié par un contrat. Celui-ci spécifiait que, dans le cas où des tableaux seraient envoyés en Allemagne pour juger de leur qualité et d’un achat éventuel, il obtiendrait en sus du prix demandé « une douceur de 5 pour cent sur le prix de l’estimation des morceaux qu’on renverrois »32, soit une indemnité pour le dérangement occasionné. S’il est fréquent alors d’envoyer des œuvres par la diligence à un acheteur éventuel, il est en revanche exceptionnel que cette mesure s’assortisse d’une telle indemnité, ce qui montre combien Aved était attentif à la prospérité de son commerce. Au moment de son décès, en 1766, il possédait encore un riche cabinet (ou un stock ?), à forte dominante nordique avec des œuvres de premier ordre de Gérard Dou, Rembrandt, Gaspard Netscher, Adrien van Ostade, Gérard de Lairesse, etc..., de quoi satisfaire le plus exigeant des connaisseurs33. La vente connut d’ailleurs un certain succès.
6Une autre solution s’offrait pourtant aux académiciens qui souhaitaient se livrer au commerce du tableau, sans risquer d’encourir les foudres de l’Académie, celle de former une société avec un marchand. Jean-Baptiste Leprince avait opté pour cette formule, en contractant une « société verballe » avec Jean-Baptiste Feuillet, sculpteur et ancien directeur de l’Académie de Saint-Luc, notoirement connu comme marchand. Ils avaient acheté au président de Chazelles, pour la somme de 2.000 livres, quatre grands tableaux de Parrocel, représentant des « Batailles et marche de troupes ». À l’occasion de son opposition au scellé de Leprince, le sculpteur fit d’ailleurs valoir le fait que ce dernier n’avait jamais réglé la part qui lui revenait dans cette acquisition34.
Faux (ou vrais) collectionneurs et vrais marchands
7Les marchands patentés exerçant leur commerce en boutique ou en salle des ventes ne représentent que la part la plus visible du commerce du tableau. Nombreux sont alors ceux qui dissimulent leur activité de marchand derrière le titre honorable de collectionneur. Ces marchands officieux, pour faire vivre leur propre collection, ou par pur esprit de lucre, exercent à plus ou moins grande échelle cette activité, comme le montre un témoignage de François Metra : « Tous se mêlent de brocantage, il n’est guère d’homme à collection qui ne vende et ne troque, soit par inconstance dans ses goûts, soit pour multiplier ses jouissances, soit par amour du gain, soit pour se dédommager sur quelque dupe plus novice, du déplaisir de l’avoir été soi-même »35. Le collectionneur achète et vend aussi, par nécessité ou par goût et très souvent le brocantage devient l’école de la Curiosité. Le président Haudry mentionne ainsi un « monsieur de Champgrands, chevalier de Saint-Louis », militaire, qui « a commencé par être dupe et croutier comme sont à peu près tous les amateurs commençans, mais il en a bien rappelé et a fini par être un brocanteur très fin et très délié et n’a point crû sa croix de St Louis deshonorée de réviser avec les autres marchands »36. De même, si le prince de Conti achetait beaucoup, il lui arrivait également de vendre37. Il n’est guère de peintre, de graveur ou autres qui ne pratiqua ce commerce parallèle à un moment de sa carrière38. Parmi ceux-ci, le graveur J.-G. Wille ne s’en priva pas pour enrichir sa collection. En 1763, il cède à un gentilhomme anglais, « M. Grew », deux tableaux de Dietrich39 et à une date indéterminée, il se sépare, au profit d’un amateur allemand inconnu, d’une Tête de jeune femme de Greuze, commandée à l’artiste en 1760, avec son pendant, jugeant qu’elle était inférieure en qualité à la seconde tête qu’il avait conservée40. Nous croyons voir une preuve de son activité commerciale dans le fait qu’il prend soin de préciser dans son Journal, à propos de tableaux achetés en vente que « ces pièces seront pour mon cabinet »41, les distinguant ainsi d’autres acquisitions. De même, nous ne trouvons plus trace dans le catalogue de la vente de son cabinet, en décembre 1784, de plusieurs tableaux dont il mentionne pourtant l’achat dans son Journal. En dépit de ces exemples, Wille se défend d’être un marchand. Il conseille en avril 1765, à un amateur allemand qui voulait lui envoyer un cabinet de tableaux pour le vendre à Paris, de s’adresser plutôt au banquier Eberts, arguant « Que personne ne cherchait des tableaux chez moi, n’étant nullement connu sur le pied d’en faire commerce […] »42. Le collectionneur semble bien l’avoir emporté sur le marchand, en effet, Wille n’était pas prêt à consentir à tous les sacrifices. Il refuse ainsi de céder au vidame d’Amiens, en 1760, « plusieurs tableaux ou desseins magnifiques », invoquant son « attachement pour de telles choses ». Son fils, pratiqua lui aussi occasionnellement le commerce ; il vend par exemple, en 1779, à Pierre-Louis Eveillard de Livois un tableau de Snyders connu sous le titre Le chien écrasé (Angers, musée des Beaux-Arts)43. Comme l’a montré G. Faroult, cet amateur angevin recourut fréquemment aux artistes auxquels il achetait des œuvres, pour lui servir de rabatteurs.
8Nombreux furent au XVIIIe siècle les « faux collectionneurs, vrai marchands », pour reprendre l’expression de B. Gady et G. Glorieux44 appliquée au bijoutier Agard. Dans ses Réflexions, F.-Ch. Joullain dénonce ce qu’il appelle « la classe la plus condamnable d’amateurs [...] Je veux dire cette classe d’amateurs qui, n’ayant de goût décidé pour aucune chose, s’attachent à tout par esprit de spéculation, achètent et brocantent pour vendre et brocanter »45. Ce monde fluctuant et difficile à saisir nous est quelque peu connu par les annotations manuscrites portées en marge de certains catalogues de ventes. Les abbés-brocanteurs semblent avoir dominé ce petit monde. Parmi eux, l’abbé de Gévigney (1729-1808), écuyer, garde en survivance des titres du Cabinet du roi, personnage pour le moins curieux et quelque peu aventurier46, se distingue par l’ampleur de son « commerce » que nous connaissons par les mentions portées en marge des « inventaires » successifs de sa « collection », à trois reprises, en 1769, 1773 et 177647. Ceux-ci révèlent une véritable activité commerciale et une « collection » s’apparentant davantage au stock évolutif d’un marchand qui réalise de substantiels bénéfices. L’abbé de Gévigney demande ainsi 246 livres pour une Vierge dite d’Albert Dürer achetée 12 livres seulement ; un Festin des dieux de Rottenhamer payé 500 livres, est « revendu en vente 2.000 » ; un Portement de croix de Rubens, payé 139 livres 4 sols, estimé 1.000 livres, est cédé par contrat 3.000 livres, et nous pourrions multiplier les exemples. Gévigney n’hésite pas à payer de gros prix dans les ventes dont il est un familier sous le nom de « l’abbé Guillaume » : en témoignent les 6.005 livres donnés face à une forte concurrence, à la vente Jullienne en 1767, pour obtenir les Noces de Cana de Murillo, artiste alors très recherché48, ou bien encore les 5.000 livres qu’il dut payer pour se faire adjuger lors de la même vente, la Charité romaine de Rubens. Il emporte aussi pour 5.131 livres, deux paysages en pendants de N. Berchem49. Notons que ces achats prestigieux ne doivent pas cacher la réalité de l’intervention de Gévigney dans cette vente. Il semble qu’il ait servi en cette occasion de prête-nom au prince de Conti comme le montre un autre exemplaire annoté du catalogue de cette vente célèbre50. De plus, les trois œuvres citées se retrouvent dans la vente Conti de 1777. Comment expliquer dans ce cas leur inscription sur le « livre-inventaire » de Gévigney, sinon par une gestion rigoureuse de son commerce. Nous pouvons saisir une partie du volume des transactions de ce curieux abbé-brocanteur, par l’un de ses « inventaires » qui inscrit une dépense s’élevant à 247.247 livres (en valeur d’achat) pour les seuls tableaux51, ce qui signale assurément un commerce de grande envergure. D’autres mentions montrent qu’il étendait son commerce aux bronzes et vases montés, alors très recherchés. Nous remarquons quatre bronzes venant de la vente de Blondel de Gagny, trois grands vases craquelés (des céladons), provenant du marchand Lenglier et « deux grands Enlevements de bronze sur pieds de bronze dorés », achetés 1.200 livres et revendus le même prix, « à M. Verrier »52, sans doute le marchand du même nom. Il s’agit là d’un échantillon significatif du commerce de l’abbé de Gévigney. Celui-ci dispersa ce qui semble devoir être considéré, au moins en partie, comme son fonds de commerce, à l’occasion de deux ventes publiques, l’une anonyme, le 18 mai 176953, la seconde, la plus importante, en décembre 1779, par les soins de l’expert Paillet54. Notre abbé ne renonça pas pour autant à toute forme de curiosité, puisqu’il estime encore à 110. 961 livres les tableaux en sa possession le 2 janvier 178055.
9À n’en point douter, il dut y avoir de nombreux « Gévigney » actifs sur ce marché alors florissant de l’œuvre peinte. Parmi les autres « abbés-brocanteurs » de la période, il convient de mentionner l’abbé Jean-Bernard Le Blanc (1707-1781), historiographe des Bâtiments du Roi, critique d’art56, collectionneur et surtout marchand sans patente. Il est fréquemment cité en marge des catalogues de ventes de la période. Bien introduit dans le cercle des grands amateurs de la seconde moitié du siècle dont il est le conseiller, il achète notamment pour le compte de Gaignat à l’occasion de la vente du duc de Tallard, et n’hésite pas à jouer le voyageur de commerce, en se rendant à Dresde, en 1755, pour y négocier auprès de la cour d’Auguste III, alors très active sur le marché français, le cabinet de tableaux flamands du fermier général La Bouexière57.
10Un autre ecclésiastique fut un habitué des salles des ventes de la Capitale, l’abbé Reynouard, « Chanoine de la cathédrale de Cambray »58, collectionneur sans doute, marchand incontestablement. C’est ainsi qu’il est perçu par ses contemporains. En 1780, dans une lettre à son ami Desfriches, le président Haudry, parle de la vente à venir « d’un certain abbé Renoir [Reynouard] dont vous avez probablement entendu parler. Après avoir fait pendant trente ans [ce qui nous conduit aux années 1750] le métier de brocanteur, il se retire en bon ordre avec 25m. l[ivres] de rente. Il a pris une route nouvelle pour parvenir à la fortune. Chargé de former les cabinets de nos seigneurs les évêques, les tableaux qu’il leur a fourni ont été payés, dit-on, en bénéfice ! De cette manière toutes les parties ont été contentes : le vendeur y trouvoit son compte et l’acheteur avoit à bon marché »59. L’abbé Reynouard fut l’un des principaux acheteurs à la vente de Merval, en 1768 où il se fit adjuger douze lots, principalement de tableaux flamands60. De même, en 1777, lors de la dispersion fleuve du cabinet du prince de Conti, il se porte acquéreur de trente-sept lots de tableaux dont certains d’un prix relativement élevé.
11Doit-on compter l’abbé Dessalles, qui défraie la chronique judiciaire en 1756, parmi ces pseudo-collectionneurs, mais vrais marchands, ou bien n’a-t-il pas plutôt sa place au sein du monde interlope des intermédiaires ?61 À cette date, cet abbé brocanteur, flairant une proie facile, proposa à l’avocat romain Henri Oberty (ou Auberti), venu à Paris pour négocier sa collection de dessins, de lui vendre un tableau représentant Alphée et Aréthuse, « qu’il lui dit être un morceau unique, original de Guido Reni, qu’il avoit l’occasion de lui faire avoir à bon compte ». Auberti soupçonneux, fit valoir que « ne se connaissant pas en tableaux, il ne vouloit point se décider avant qu’il l’eût fait voir au moins à une personne connoisseuse ». Cette requête suscita d’abord la réserve de l’abbé qui déclara « qu’il eût à se donner de garde de le faire voir, parce que les tableaux perdoient beaucoup de leur prix lorsqu’ils avoient couru », puis devant l’insistance de son client, l’abbé accéda à sa demande. Sur les conseils d’un nommé Fabien, marchand de tableaux qui avait son échoppe à proximité de son logement, Auberti désigna « le sieur Lallemand », connu « comme expert dans la connoissance des tableaux ». Celui-ci, pourtant médiocre connaisseur, ou peut-être complice de l’abbé, rendit un jugement favorable : « Il se récria sur la beauté [du tableau] et dit que c’étoit un véritable original de Guide », proposant à l’avocat qu’il croyait être (ou feignait de croire) le propriétaire de l’œuvre, que s’il voulait s’en défaire, « il lui en feroit trouver 20.000 francs ». L’abbé Dessalles, entendant ce beau discours qui abondait dans son sens, n’attendit alors que le départ de l’expert, pour proposer le tableau désormais auréolé du sceau de l’authenticité à Auberti, pour le prix alléchant de 150 louis. L’affaire fut conclue et le tableau payé en six lettres de change. Le piège de l’abbé brocanteur avait parfaitement fonctionné car le tableau était connu sur la place de Paris. On avait déjà dû maintes fois le proposer ; ce qui explique, rétrospectivement, la réticence de l’abbé Dessalles à le montrer, et ce qui semble bien prouver la collusion du vendeur et de l’expert. Un « négociant américain », amateur d’art, en visite à Paris, le Sieur Desangues, avec qui Auberti était en relation, lui dévoila la tromperie, en lui déclarant d’entrée : « Vous vous êtes donc laissé attraper pour ce tableau de l’abbé Dessalles ». Il demanda alors une contre-expertise confiée aux académiciens Cochin, Boucher et Pierre qui déclarèrent unanimement que le tableau « n’étoit ni original, ni copie de Guide, et qu’il ne valoit pas plus de 4 à 500 francs ». Auberti porta plainte devant le commissaire Chenon père, en avril 1756. Cette malheureuse affaire dresse un tableau peu édifiant du commerce parallèle, mais prouve au moins que la peinture italienne était encore recherchée vers le milieu du siècle.
12Les abbés n’eurent pas, cependant, le monopole de cette pratique. On peut ainsi se demander quel rôle joua un curieux personnage, François Le Roy de la Faudignère, « Chirurgien dentiste de S.A.S Monseigneur le Prince Palatin, Duc régnant des Deux Ponts ». Qualifié par Bachaumont de « brocanteur, intrigant »62, il fit courir le bruit en 1772, qu’il avait découvert un Raphaël. Ses activités de collectionneur-marchand sont attestées par ailleurs par la mise en vente de deux « collections », la première aux enchères, en 1776, la seconde à l’amiable en 178263.
Le monde fluctuant et cosmopolite des intermédiaires
13Le monde des intermédiaires est le plus difficile à saisir. Qui était par exemple cet Auguste Morga qui, en 1779 se plaint de Paillet auprès du comte d’Angiviller, l’accusant d’avoir négligé la restauration de certains tableaux ? J. Edwards a montré qu’il s’agissait d’une sorte de courtier, jaloux de la confiance dont bénéficiait Paillet auprès du Directeur des Bâtiments, qui proposait parfois des tableaux à la surintendance des Bâtiments. Il paraît également en avoir offert de forts discutables à Paillet lui-même64. Un autre exemple nous est fourni par Pie Ignace Victorien Campana, qualifié en 1786, de « Peintre ordinaire du cabinet de la Reine »65. Il était en fait peintre en miniature, tout comme sa femme Marie Christine Vagliengo. Tous deux étaient originaires du Piémont. Son inventaire après décès, dressé le 4 novembre 1786, se borne à énumérer vingt tableaux dont une Jeune fille à mi-corps du vénitien Giambattista Piazzetta, un Nid d’oiseau par Verlin, deux tableaux de fleurs « par la Signora Gili », deux petits Paysages de l’Allemand Mayer, et une Vénus allaitant l’Amour de l’école italienne. Il mentionne surtout des copies d’après Ostade, Léonard de Vinci, Watteau et Greuze, peut-être réalisées par le peintre lui-même ou sa femme, d’après des œuvres connues par la gravure ou vues dans le cabinet de quelque amateur, pour servir de modèles pour des miniatures. Un second inventaire, rédigé curieusement quelques jours avant celui auquel nous venons de faire allusion, nous éclaire opportunément sur les activités réelles du personnage. Il y est question de tableaux et de gravures, confiés en vue de leur vente par différents particuliers66. Le peintre Esprit Antoine Gibelin, professeur honoraire de l’Académie royale des Beaux-Arts de Parme, demeurant à Paris, lui avait remis deux ans auparavant, deux paysages d’Anthonissen67, et cinq estampes de Porporati ainsi qu’une gravure anglaise. Il avait été convenu que Campana devait lui « en procurer la vente et lui en remettre le prix à mesure qu’il le recevroit lui-même ». Joachim Traversa, qualifié de « Secrétaire de la Principauté de Lambesc », lui avait confié sept tableaux, « dont deux représentants la Justice et la Clémence d’après Raphaël », sans doute des copies des fresques des chambres du Vatican, un « Bacchus porté par des jeunes satyres par Rubens », un autre représentant « la maîtresse de Raphaël, par Léonard de Vinci », deux « de Comédie de Watto [Watteau] », et une scène de tabagie d’Isaac van Ostade. De telles mentions nous permettent de lever un peu le voile sur ce commerce parallèle qui dût être florissant. On remarque que le peintre Campana recrutait ses clients parmi ses compatriotes, se constituant ainsi un petit réseau.
14À la catégorie des intermédiaires « officiels » appartiennent les conseillers acheteurs des cours princières allemandes, tels que Mettra et Eberts, tous deux issus du monde de la finance et en relation étroite avec les pays germaniques. Ils jouèrent au XVIIIe siècle le même rôle que le banquier Jabach et Alvarez sous le règne de Louis XIV. Grands brasseurs d’affaires ils consacrèrent une partie de leur activité au commerce du tableau de collection. Lorsque Louis-François Mettra, écuyer, ancien échevin de Paris, meurt le 3 mai 1763, à son domicile de la rue Quincampoix, son inventaire révèle qu’il était l’agent du roi de Prusse. On trouve en effet à cette date parmi ses biens, sept tableaux de Rubens et une œuvre de l’Albane, ainsi que deux groupes sculptés, « l’un de plâtre, l’autre en terre cuite, représentant le dieu Mars fait par Adam..., acheptés par led.deffunt Sr Metra pour le compte de Sa Majesté prussienne et qui doivent être envoyés »68. À cette époque, son fils également appelé Louis-François qui porte aussi le titre d’écuyer, et dont le curateur était l’abbé Jean-Baptiste Mettra « prêtre docteur en théologie de la maison et faculté de Sorbonne » est déclaré « mineur émancipé ». Il succéda à son père dans le titre et la fonction d’agent du roi de Prusse, tâche dont il s’acquitta avec zèle comme nous le montre la correspondance qu’il échangea entre 1764 et 1770 avec Frédéric II69. Très actif sur le marché parisien, son nom est souvent cité dans les ventes publiques. Il écrit par exemple en juillet 1766 « Je n’épargne aucun soin pour procurer au Roi les meilleurs marchés possibles comme les plus beaux morceaux...»70 et on le voit acheter plusieurs lots à la vente de Merval en 1768. Mais la fonction d’agent du roi de Prusse n’était pas de tout repos et quand il n’essuyait pas les reproches du monarque, il devait attendre souvent très longtemps avant d’être remboursé des avances qu’il avait consenties. Il avait formé une société avec la banque Eberts et commerçait avec toute l’Europe, particulièrement les états du Nord et principalement avec Amsterdam. Lorsque cette société fait faillite, en juin 1773, le bilan fait état de 145.525 livres de dettes de « Sa Majesté le roi de Prusse »71. Nous ignorons s’il fut remboursé, d’autant que les achats de Frédéric II se firent rares après 1770. Parmi ses principaux créanciers, nous trouvons le marchand Vincent Donjeux, auquel Mettra devait 40.000 livres depuis 1770, sans doute pour la fourniture de tableaux. À notre connaissance, sa dernière mention dans un acte remonte au mois de novembre 1777. Il réclame à l’occasion des scellés du peintre Gabriel Briard, professeur de l’Académie, le 18 novembre 1777 « un tableau sur toile, copié d’après Rubens, représentant des Femmes combattant sur un pont, ou la Bataille des Amazones » qu’il avait confié au défunt72. Malheureusement, nous ne savons pas dans quel but et pour qui ce travail avait été réalisé.
15Le second de ces intermédiaires, Jean-Henri Eberts, lié comme nous l’avons vu au précédent, est mieux connu depuis l’article d’E. Dacier73. Personnage curieux, ancien banquier devenu commissionnaire vers 176974, collectionneur, marchand, éditeur d’estampes75 et lui-même graveur, il est originaire de Strasbourg et se fixe à Paris vers 1756. Il est avec le graveur Wille, l’un des rouages du commerce de l’art mettant en relation la Capitale avec les pays germaniques. C’est par l’intermédiaire de la banque Eberts et de son relais strasbourgeois, que les acquisitions faites pour les cours allemandes sont réglées, ainsi que l’expédition des œuvres et marchandises diverses. Eberts joue, en fait, le rôle de rabatteur pour plusieurs collectionneurs principalement étrangers ; la margrave de Bade n’étant que sa plus illustre cliente. La correspondance échangée avec cette dernière, nous permet d’entrevoir son réseau. En 1762, alors qu’il propose une suite de dix tableaux de Le Moyne à Caroline de Bade, il lui dit : « J’attends ses ordres & a son refus, je les offre à deux amateurs de Londres & d’Amsterdam qui s’en accomoderont indubitablement »76. Souvenons nous qu’en 1765, Wille avait conseillé à M. Kreuchauf, amateur allemand qui désirait envoyer son cabinet à Paris pour le vendre, de s’adresser plutôt à Eberts77. De même, à propos de la vente La Live de Jully, en 1770, Eberts dit avoir acheté un Van Dyck qu’il destine à un amateur hollandais, ainsi qu’un Amour de Falconet, « beau comme l’antique », pour la Suisse78. Les pièces de la « collection » du banquier étaient toujours disponibles pour qui savait y mettre le prix. En témoignent ses tentatives pour se défaire d’un tableau de Gérard de Lairesse représentant Antioche et Stratonice qu’il finit par vendre à Caroline de Bade. Eberts fait néanmoins davantage figure de courtier, travaillant à la commission, que de véritable marchand.
16Nous ne saurions oublier dans cette évocation des intermédiaires allemands, le graveur Johann-Georg Wille (1715-1808). Son rôle est bien connu depuis la publication de son Journal et de ses Mémoires, ainsi que de sa correspondance79. Ces documents montrent bien son rôle fondamental dans l’enrichissement de certaines collections allemandes (notamment le cabinet du banquier Gottfried Winckler à Leipzig80ou bien encore la galerie de la margrave de Bade-Durlach), et également des collections françaises, et surtout dans la diffusion de la peinture de l’école allemande contemporaine en France. Il fait figure d’importateur exclusif des œuvres de Christian Wilhelm Ernst Dietrich (1712-1774) qu’il se charge de redistribuer81. Au rôle d’intermédiaire, il faut donc ajouter celui de marchand occasionnel ; Wille, comme les autres collectionneurs, ne rechigne presque jamais à céder une œuvre à qui le sollicite. Ainsi, en 1760, il vend pour 960 livres deux tableaux de Dietrich à Randon de Boisset82 et envisage de céder à l’évêque de Callinique, résident à Mâcon, « deux de très anciens Dietrich pour la somme de 572 livres, y compris les bordures »83. De même, à une date indéterminée, vraisemblablement vers 1767, il fournit à Caroline de Bade un tableau de Teniers que celle-ci considère comme « le plus fin et le plus fini que je connoisse »84. Il est également en relation avec le marchand d’Amsterdam, Fouquet85. Des amateurs et collectionneurs de province ou de l’étranger lui adressent régulièrement des tableaux à vendre sur le marché parisien, ou sollicitent simplement son avis86. On peut présumer que l’activité de Wille comme marchand s’étendit bien au-delà de ce que laissent entrevoir ces quelques exemples. Le célèbre graveur allemand mérite en effet d’être tenu pour l’un des principaux rouages non officiels du marché de l’art parisien.
17Mais Diderot n’est-il pas l’archétype du grand courtier d’art de cette époque ? Il est le « grand entremetteur », celui par qui le scandale arrive, celui que l’on accuse, non sans raison, de saigner la France à blanc, en favorisant la fuite de ses trésors vers les terres froides de la Neva ; ce qui lui vaut l’opprobre de ses contemporains. À la faveur de certaines lettres, il apparaît comme un véritable mercenaire de l’art. Mais parler de Diderot revient à évoquer le nom, non moins célèbre, de Grimm. Il se qualifie lui-même de « brocanteur impérial » dans une lettre à Catherine II, au moment où il envisage de clore sa carrière en ce domaine en faisant acheter à la tsarine le cabinet du bailli de Breteuil, et ceci pour, dit-il, « la paix de ma pauvre conscience »87. Mme Geoffrin, ne joue-t-elle pas elle aussi ce rôle « d’entremetteuse » des artistes auprès des collectionneurs ? Conseillère éclairée des collectionneurs français, elle l’est également des grands amateurs étrangers qui lui accordent les pleins pouvoirs pour passer des commandes en leur nom à des artistes renommés tels que Vernet. C’est le cas, parmi d’autres, de lord Themistocle, le fils du duc de Bedford qui s’en remet à elle pour obtenir du célèbre peintre de marine au carnet de commande surchargé, un paysage « à la Salvator » [Rosa]88. Plus encore, elle est l’oreille et les yeux de Stanislas Poniatowski, roi de Pologne, qu’elle fournit en maîtres modernes ou anciens. On peut d’ailleurs se demander si elle n’y trouva pas son compte, ne se contentant pas toujours d’un rôle désintéressé, comme l’a pressenti avec justesse J. Chatelus89.
Notes de bas de page
1 Comme l’a rappelé A. Schnapper (2004, p. 131), c’est en effet seulement « après la réforme des maîtrises en 1776 et la reprise en main de l’Académie que tout commerce fut interdit aux académiciens en vertu des nouveaux statuts de mars 1777 ».
2 L. Vitet, 1861, p. 207, et A. Schnapper, 1994, p. 83.
3 Relation, publ. P. Lacroix, p. 20, cité dans A. Schnapper, 2004, p. 131.
4 A. de Montaiglon, éd., 1875-1892, II, p. 291-292 et p. 351. Ces faits sont rappelés par A. Schnapper, 1994, p. 83.
5 L’Avant-Coureur, Feuille hebdomadaire, f° 451-452, n° 29 du lundi 18 juillet 1768.
6 G.A.K, F-A., Papiers de Caroline de Bade, 5A n° 96, lettre d’Aved à Eberts, Paris, 30 mai 1761.
7 Ibidem, 5A n° 41, lettre d’Eberts à Caroline de Bade, Paris, 27 novembre 1760.
8 Arch. de la Seine, D6 B6, carton 14, 6 décembre 1785.
9 Voir ici p. 167-168.
10 A.N., T. 714, Papiers Doyen, « Pièces concernant un arbitrage dont le Sr Doyen étoit chargé pour estimer la valleur de deux tableaux appartenant au Sr Druyer de Boncour », [1788].
11 G. Duplessis, 1872, p. 403.
12 E. Bellier de la Chavignerie (1865, p. 165) a complété la biographie de ce personnage. Elève de Vien, il fut agréé en 1771, mais il ne fut pas reçu à l’Académie. D’après Wille, il fut en effet refusé lors du scrutin du 5 avril 1789. Il exposa aux Salons de 1771, 1773, 1775, 1777, 1781, 1783, 1785, 1787, 1796 et 1798 et rédigea un « Avis à la Nation sur la situation du Muséum national », [non daté]. Voir également J.J. Guiffrey, 1873-2, p. 460. Cet auteur démontre de manière convaincante que Guillaume Martin et le peintre portant ce patronyme impliqué dans l’affaire Coutant en 1787 ne sont qu’un seul et même homme.
13 Ch. Michel, 1986, lettre LXVII, non datée mais écrite, d’après cet auteur, peu avant la séance de l’Académie du 25 novembre 1780 et lettre LXVIII du 3 décembre 1780. Ces faits sont brièvement rappelés également dans B. Fredericksen et B. Peronnet, 1998, vol. I (1800-1810), tome I, p 12, notice 25.
14 Allusion aux nouveaux Statuts de mars 1777.
15 Lettre de Cochin à J.-B. Descamps, Paris, 3 décembre 1780, citée dans Ch. Michel, 1986, p. 60, lettre LXVIII.
16 Lettre de Cochin à Descamps, non datée, citée dans Ch. Michel, 1986, p. 59, lettre LXVII.
17 Lettre de Cochin à Descamps, 3 décembre 1780, citée dans Ch. Michel, 1986, p. 60, lettre LXVIII.
18 Ibidem.
19 A.N., O1/1916, [f°367 r°et v°].
20 Dans le catalogue de la vente Arcambal du 22 février 1776, nous trouvons cette mention qui pourrait bien se rapporter à ce peintre, à propos du lot 95. « Martin. un tableau dont le sujet paraît être un soldat de retour dans sa famille [...]. Ce peintre dont on connoît peu de tableaux, s’est particulièrement attaché à rechercher ceux des anciens Maîtres, qu’il a placés dans différens Cabinets, au préjudice des siens, dans lesquels il y a des vérités de Nature, & beaucoup de soins dans le fini ».
21 L’affaire Montribloud en 1774. Voir A.N., Y. 11398, « Interrogatoire par le commissaire Chénon de M. de Montribloud », 3 mai 1774 et l’affaire Coutant », dans L. Courajod, 1873-2, p. 408-437 et J.-J. Guiffrey, 1873-2, p. 457-466.
22 Voir ici p. 179-181.
23 Burton B. Fredericksen et B. Peronnet, 1998, vol. I (1801-1810), t. I, p. 12, notice 24.
24 Mémoire présenté au Roy par M. le comte d’Angiviller », le 14 mars 1783, dans A. de Montaiglon éd., 1875-1892, IX (1889), p. 153, cité par E. Jollet, 1992, p. 150. Argument fallacieux, car, comme nous l’avons dit, c’est seulement dans les Statuts de mars 1777 que cette interdiction apparaît pour la première fois. Voir A. Schnapper, 2004, p. 130-131.
25 E. Jollet, 1992, p. 140.
26 Voir notamment E. Charavay et J. Guiffrey, 1890.
27 Ces faits sont rappelés par le vicomte du Peloux, 1930, p. 4 et par E. Duverger, 1967, p. 66.
28 Grimm, 1877-1882, VII, p. 25.
29 M. Furcy Reynaud éd., 1904, p. 268, lettre 351, de Cochin à Marigny, le 8 juin 1763.
30 G.A.K., F-A., Papiers de Caroline de Bade, 5A n° 96, lettre d’Eberts à Caroline de Bade, Francfort, 30 juillet 1761.
31 Ibidem, 5A n° 41. Lettre d’Eberts à Caroline de Bade, Paris, 27 septembre 1760. « [...] Il n’en veut pas rabattre la moindre chose parcequ’il sait que ses Tableaux sont originaux, & qu’aussitôt la Paix, il en traittera pour la Totalité avec le Roy de Prusse qui en a déjà eû pour L. 60.000 ».
32 Ibidem, lettre d’Eberts à Caroline de Bade, Paris, 11 septembre 1760.
33 P. Rémy, Catalogue raisonné de tableaux de différens bons maîtres des trois écoles…, Paris, 17 novembre 1766. Cette vente comprenait 193 lots.
34 J.J. Guiffrey, 1885, VI, p. 122-123.
35 F. Metra, 1787-1790, t. XIV, p. 162, le 5 mars 1783.
36 Lettre de Haudry à Desfriches, Paris, 3 février 1780, citée par P. Ratouis de Limay, 1907, p. 26.
37 C’est ce qui ressort de la « Plainte de Coutant contre Martin », 12 février 1787, dans laquelle il est dit à propos du marchand Martin : « que beaucoup de personnes venoient [le] voir souvent, tant pour en acheter [des tableaux] que par curiosité, et qu’entr’autres se trouvoient feu M. le prince de Conty à qui le Sr Martin en avoit vendu et acheté plusieurs... », dans L. Courajod, 1873-2, p. 415.
38 J.-G. Wille, 1857, I, p. 130, le 17 [février 1760].
39 Ibidem, I, p. 227, 22 juillet 1763.
40 Ibid, I, p 139, le 17 juillet 1760.
41 Ibid., I, p. 263, le 16 août 1764..
42 J.-G. Wille, 1857, I, p. 287, le 20 avril 1765.
43 G. Faroult, 1999 (2000), p. 144.
44 B. Gady et G. Glorieux, 1999 (2000), p. 83-105.
45 F.Ch. Joullain, fils, 1786, p. 114-115.
46 Sur ce personnage, voir J. Gauthier, 1902 et J. Laurent, 1928
47 J. Laurent, 1928, p. 1-33
48 Rémy, lot n° 83 « à l’abbé Guillaume », d’après Clément de Ris, 1877, p. 308.
49 Clément de Ris, 1877, p. 309, respectivement lots n° 97 et 178. L’auteur ne mentionne malheureusement pas la provenance de l’exemplaire du catalogue de cette vente duquel il a tiré ses informations.
50 Exemplaire du catalogue conservé à La Haye (RKD). C’est le nom du « Prince de Conty » qui apparaît en marge de ces lots.
51 J. Laurent, 1928, p. 29.
52 Ibid., p. 27-28.
53 Lugt, n° 1763. Une note portée sur l’ex. de ce catalogue appartenant à la Bibl. INHA-coll. Doucet, précise qu’il s’agit de la vente de « l’abbé Guillaume ». Cette vente se composait de 248 tableaux, 15 dessins, 5 estampes, 5 émaux, quelques bronzes, marbres, pierres gravées, etc...
54 Paillet, Catalogue de la vente de l’abbé de Gévigney, garde des Titres et Généalogies de la Bibliothèque du Roi, Paris, 1er décembre 1779.
55 J. Laurent, 1928, p. 33.
56 Il est l’auteur de la Lettre sur l’exposition des ouvrages de peinture, sculpture, etc. de l’année 1747.
57 Paris, Archives du Ministère des Affaires étrangères, CP, Saxe électorale 47, f° 14, lettre citée dans P. Michel, 2001-2, p. 162. Lettre adressée de Dresde au comte de Broglie, le 15 janvier 1755. On y signale l’arrivée à Dresde d’un certain nombre de français dont « M. l’Abbé Le Blanc connu par quelques ouvrages de littérature, l’objet de son voyage en cette Cours est d’y vendre le Cabinet de tableaux flamands de M. de La Boissière, fermier général. Il ne paraît pas jusques à présent qu’on les estime autant que le propriétaire et il y a apparence qu’ils lui seront renvoyés ».
58 D’après une annotation manuscrite portée sur l’ex. conservé à La Haye (RKD) du catalogue de la vente de Jean de Jullienne, 1767.
59 Lettre de Paris, le 3 février 1780, citée par Ratouis de Limay, 1907, p. 25-26.
60 P. Rémy, Catalogue de la vente de Merval, Paris, 1768.
61 « Vente d’un prétendu tableau de Guido Reni, représentant Alphée et Aréthuse (avril 1756) », dans E. Campardon, 1878, p. 181-183.
62 Bachaumont, 1784, VI, p. 225, 14 novembre 1772.
63 Un exemplaire de ce premier catalogue de vente de 1776 est conservé à la BPU de Genève (Ia 83/34) ; le second est intitulé Catalogue des tableaux et autres objets curieux qui composent la majeure partie de la collection de M. Le Roy de La Faudignère, Paris, 1er mars 1782.
64 On peut le déduire de la lettre-réponse de Pierre à d’Angiviller au sujet de la plainte contre Paillet : « Le Sr Morga n’est pas fondé à insinuer des reproches contre M. le Directeur général sur le choix de préférence momentanée pour le Sr Paillet qui n’a été annoncé que comme capable de rétablir et même procurer la vente des tableaux ; le Sr Paillet est marchand, et sçait son thème. De quels pays vient un homme qui pense qu’un marchand expert dans son commerce se prendra de belle passion pour son individu, lorsqu’il n’a que des croûtes à luy proposer pour cimenter le sentiment ? ». Extrait de M. Furcy-Reynaud, 1905, p. 262 (l’original est aux A.N. O1/1915, pièce 176).
65 A.N., MC, LXXXV, 704, Inventaire Campana du 11 novembre 1786.
66 Ibidem, Inventaire du 4 novembre 1786.
67 Hendrick van Anthonissen (Amsterdam 1606-id. 1655).
68 A.N., MC, CXIX, 368, Inventaire du 9 mai 1763. Les scellés du même personnage (A.N., Y 11004 a, du 3 mai 1763), précisent les sujets des sept tableaux de Rubens. Le premier représentait le « Mariage de Sainte Catherine de Sienne, le second quatre enfans et des fruits, deux autres des enfans jouant avec des oyseaux, le Cinq[uièm]e Vénus sortant du bain, le Six[ièm]e un (sic) esquisse representant des Saints et le Sept[ièm]e deux testes d’enfans endormis ». Quant au tableau de l’Albane, il s’agissait d’un Repos en Egypte. La statue de Mars à laquelle il est fait allusion ici, correspond au Mars en fureur de Lambert-Sigisbert Adam, achevé par Sigisbert Michel, le neveu du précédent.
69 Publiée par P. Seidel, 1900, p. 206-219.
70 Lettre de Mettra au roi de Prusse, Paris, 21 juillet 1766, citée par P. Seidel, 1900, p. 206.
71 Arch. de la Seine, D4 B6, carton 48, dossier 2859. Faillite Ebert-Mettra, 23 juin 1773.
72 J.-J Guiffrey, 1885, VI, p. 79, scellé CCXCVIII.
73 E. Dacier, 1950, p. 167-176. Voir également E. Dacier, 1931, p. 176-177.
74 D’après une lettre de Pachelbel au duc de Deux-Ponts, Paris, 5 janvier 1769, G.S.M., Kasten blau, n° 433/3, n° 3 : « M. Eberts a quitté le métier de Banquier qui lui a si mal réussi pour embrasser le métier de commissionnaire ».
75 Il fut le principal éditeur des trois Suites d’estampes pour servir à l’histoire des mœurs et du costume des Français dans le XVIIIe siècle, publiées respectivement en 1774-1775, 1777 et 1783.
76 G.A.K., F-A., Papiers de Caroline de Bade, 5A n° 41, lettre d’Eberts à Caroline de Bade, Paris, 15 avril 1762. Bien que les chiffres différent un peu, nous nous demandons s’il ne faut pas rapprocher cet ensemble des sept tableaux de Le Moyne qui appartinrent à Grimod de La Reynière et figurèrent en 1793 (lots 14 à 21, invendus), puis en 1797 dans la vente du cabinet de ce célèbre amateur.
77 J.-G. Wille, 1857, I, p. 287, le 20 avril 1765.
78 G.A.K., F.-A., Papiers de Caroline de Bade, 5A n° 42, lettre d’Eberts à Caroline de Bade, Paris, le 21 mai 1770.
79 E. Decultot, M. Espagne et M. Werner éd., 1999. Sur les activités de ce personnage voir P. Michel, 2007.
80 Voir par exemple, dans son Journal (1857, I, p. 121), à la date d’octobre 1759, des achats de dessins et estampes pour cet amateur, ou bien, à la date du 8 juin 1762, l’acquisition de « cinq tableaux, entre autres un Bega et un Teniers » (Journal, 1857, I, p. 197).
81 J.G. Wille, 1857, I, p. 134, le 18 avril 1760, il note avoir reçu « deux caisses de tableaux... arrivées d’Allemagne, tous par le célèbre M. Dietrich de Dresde. Ils sont au nombre de neuf, dont deux pour Mgr l’evêque de Callinique, et un pour M. Heilmann ; les autres pour moi... ».
82 J.G. Wille, 1857, I, p. 136, mai 1760. Il précise cependant qu’il a vendu ces tableaux au célèbre collectionneur, « par complaisance ».
83 J.-G. Wille, 1857, I, p. 134, le 18 avril 1760.
84 Lettre de Caroline de Bade à Wille, Karlsruhe, 23 mars 1767, publiée dans E. Decultot, M. Espagne et M. Werner, éd., 1999, p. 394, lettre 196.
85 J.-G. Wille, 1857, I, p. 348, le 3 avril 1767 : « M. Fouquet, marchans d’estampes et de tableaux, d’Amsterdam m’a apporté plusieurs desseins que M. Goll, fameux curieux de la même ville, m’envoye ; mais ce n’est pas grand chose, quoique par de bons maîtres ». Une autre lettre (ibidem, p. 373, 3 avril 1768), nous apprend que ce personnage était en fait « M. Goll van Franckenstein négociant à Amsterdam et fort curieux de dessins ». Il est question de ce collectionneur dans M. C. Plomp, 2001.
86 Voir par exemple, J.-G. Wille, 1857, I, p. 353, juin 1767.
87 Lettre de Grimm à Catherine II, 30 août 1782, dans L. Réau éd. 1931-1932 (2), p. 127, lettre 91.
88 L. Lagrange, 1864, p. 174.
89 J. Chatelus, 1987-2, p. 405.
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Formes de la maison
Entre Touraine et Flandre, du Moyen Âge aux temps modernes
Étienne Hamon, Mathieu Béghin et Raphaële Skupien (éd.)
2020
Lumières du Nord
Les manuscrits enluminés français et flamands de la Bibliothèque nationale d’Espagne
Samuel Gras et Anne-Marie Legaré (éd.)
2021