Chapitre 2. Les acteurs officiels du commerce du tableau
p. 37-100
Texte intégral
Les formes de la pratique commerciale
1Dans l’histoire du commerce du tableau au XVIIIe siècle, on peut distinguer, de manière un peu arbitraire, trois périodes qui correspondent approximativement à trois types d’acteurs et de pratiques. La première (1700- 1750) se caractérise par la survivance des pratiques en usage dans les lieux traditionnels du commerce de l’œuvre peinte durant la période précédente ; les boutiques du pont Notre-Dame et les échoppes des foires Saint-Germain et Saint-Laurent. La seconde, de transition (1750-1760), voit l’apparition puis l’affirmation des marchands-experts. On constate une évolution qui se précipite à partir des années 1760 et qui bénéficia de l’exemple d’un véritable marchand entrepreneur Edme-François Gersaint (1694-1750). Celui-ci, en adoptant les méthodes mais aussi la mentalité des marchands hollandais, sut révolutionner la pratique du marché de l’art parisien. On peut parler d’un « effet Gersaint », comme d’une descendance Gersaint, avec l’apparition de marchands experts tels Rémy, les Joullain ou Basan. Avec eux, on passe à une forme « moderne » du commerce du tableau dont le lieu de prédilection est la salle de vente. Une troisième période enfin, celle des entrepreneurs, correspond à la génération des années 1770-1780. Paillet, Le Brun, Lenglier, Donjeux, en sont les principaux représentants. Elle coïncide avec l’apparition des collectionneurs spéculateurs. Le passage de l’une à l’autre de ces pratiques est plus subtil et moins net qu’il n’y paraît. La seconde moitié du siècle voit cohabiter des formes de commerce et surtout des niveaux de pratique très différents. Ceux-ci se distinguent essentiellement, en plus de l’envergure donnée au commerce, par le lieu d’exercice de la profession. Comme pour le commerce de l’estampe, il existe trois lieux de vente traditionnels : l’étalage, la boutique et la vente en appartement. La démarcation entre ces deux dernières n’étant pas toujours aisée à fixer, même si l’on constate, dans les années 1780, une plus grande affirmation de la visibilité du commerce du tableau par l’aménagement de lieux de ventes, parfois prestigieux, qui consacrent l’entrée du tableau parmi les objets de luxe.
2Un constat s’impose, le monde du commerce du tableau est extrêmement hétérogène. À l’instar des marchands merciers, corps dont un certain nombre de nos marchands sont issus, il existe au sein de la profession, une partition assez nette entre un groupe restreint de marchands détenant le monopole du commerce du tableau de qualité et qui, du même coup, accapare le meilleur de la clientèle, les grands collectionneurs, et les autres marchands de tableaux, groupe beaucoup plus nombreux, qui se partagent la marchandise moyenne, voire ce que l’on appellerait aujourd’hui le bas de gamme.
3Tous les niveaux de la pratique marchande sont donc représentés, du plus bas, avec les vendeurs à l’étalage en plein air, les marchands fripiers et les brocanteurs, au plus élevé avec les marchands tenant boutique, les peintres-experts-marchands, conseillers des collectionneurs. Notons cependant qu’à une époque où l’on constate une spécialisation grandissante du commerce, il n’est pas toujours aisé d’établir une démarcation nette entre des corps de métiers qui se livrent occasionnellement au commerce du tableau, notamment les marchands fripiers et les brocanteurs, qui se distinguent parfois difficilement des vrais marchands de tableaux.
Marchands fripiers et brocanteurs
4Le commerce du tableau à un niveau modeste et le commerce occasionnel sont les plus difficiles à saisir. Gault de Saint-Germain évoque cette « classe d’hommes qui achète et vend sans connaissance le long des rues et des quais... ». Il ajoute : « De cette classe, il s’en élève une autre, exclue de toutes les classes par l’équité, qui fournit les brocanteurs ; dont le moindre des inconvénients serait le jargon et la bêtise, si elle n’était aussi nuisible que dangereuse par ses menées sourdes et clandestines...»1. Ce jugement sévère, porté au début du XIXe siècle par un fin connaisseur du marché, pourrait s’appliquer à la lettre à leurs ancêtres du siècle précédent, comme le montrent les nombreuses affaires dans lesquelles ils furent impliqués et le portrait en manière noire qu’en livre Watelet2. L’exercice de cette profession avait été réglementé par une déclaration royale du 29 mars 17783 astreignant les fripiers brocanteurs à l’inscription préalable « sur les livres de police » de même que sur ceux « tenus par le syndic de la profession ». Elle leur imposait, en outre, le port d’une « plaque ou médaille en cuivre numérotée » permettant de les distinguer et limitait l’exercice de leur activité à l’achat et à la vente « de marchandises de friperies, meubles et ustensiles de hasard, qu’ils porteront sur leurs bras, sans qu’ils puissent les déposer, ni étaler en place fixe ». Nous touchons ici à ce qui différencie ce corps des autres marchands. Il leur était en effet interdit « de tenir boutique, échoppe ou magasin de marchandises », de même que de faire leur commerce à leur domicile. Les lieux d’exercice de leur activité étaient donc « les rues, halles et marchés »4.
5Les fripiers brocanteurs se situent au bas de l’échelle du commerce de l’œuvre peinte. Bien qu’ils nous intéressent marginalement ici, les marchands fripiers doivent être cependant mentionnés, car il leur arrive de vendre des tableaux, comme le montre une Sentence de Police du mois de mars 1769, condamnant à 30 livres d’amende des marchands fripiers réunis chez un marchand de vin que l’on avait « surpris révidant [pratique de la révision] ensemble huit tableaux sous bordure dorée, dont un grand peint sur toile représentant Saint François...»5. C’est en effet dans les ventes modestes, souvent sans catalogue, que les fripiers se fournissaient et faisaient parfois d’excellentes affaires. L’un d’eux avait acheté pour une somme modique, dans une vente anonyme, au couvent des Grands-Augustins, une Foire de paysans flamands, peinte par Cornelis Dusart, dans le goût de David Teniers, qu’il revendit 300 livres à un marchand, le tableau ayant révélé entre-temps des beautés insoupçonnées6.
6Savary des Bruslons, évoquant les artisans du commerce de seconde main, établit une nette distinction entre les « Maîtres marchands frippiers » et les brocanteurs. De ces derniers il donne cette définition : « Se disoit dans le sens propre de celui qui faisoit profession d’acheter des tableaux pour les revendre : ce commerce étoit anciennement fort à la mode en Italie. Les marchands Génois, Vénitiens, & Florentins, commandoient au Guide, aux Carraches & à d’autres excellens peintres, des tableaux qu’ils achetoient de la première main & qu’ils revendoient ensuite en France, en Allemagne & même en Turquie. Mais aujourd’hui le mot de brocanteur ne convient qu’à ceux qui font commerce des choses concernant la curiosité, comme vases, médailles, bronzes, tableaux, mais particulièrement des tableaux des anciens peintres, dont ils savaient se défaire, non suivant leur valeur, mais suivant le degré d’entêtement qu’on a pour eux »7. Notons l’évolution du sens du mot brocanteur ; l’objet de leur commerce passe de la première à la seconde main. Vers la fin du siècle, Toussaint des Essarts donne sensiblement la même définition de cette profession8.
7Parmi les marchands rencontrés, nous n’en avons trouvé qu’un seul, qualifié de « brocanteur en tableau », Didelle, en 17749. Parmi les brocanteurs qui paraissent avoir pratiqué assez couramment le commerce du tableau, signalons dans les années 1770, le dénommé Blandinière, rue Saint-Martin. Il vend à plusieurs reprises des tableaux à Jean La Brousse, qualifié tour à tour de maître fripier et de marchand de tableaux10, ainsi qu’à Jean-Baptiste Poixmenu dont il sera bientôt question.
8Parmi les marchands fripiers chez qui le commerce du tableau paraît avoir occupé une place prépondérante, il y eut Jean-Adrien Denis, décédé en 1765, et qualifié en cette occasion de « Marchand fripier »11. Il demeurait et tenait boutique grande rue du Faubourg Saint-Antoine, paroisse Sainte-Marguerite. Dans sa maison, les tableaux, partout présents, appartiennent à tous les genres, sujets religieux, mythologiques, portraits, paysages et scènes de genre. En plus des quatre-vingt-un tableaux décorant les différentes pièces de son appartement, nous trouvons deux cent huit tableaux sommairement décrits comme « représentans differens sujets », remisés à cette date dans une chambre et un grenier de son logis, et prisés 448 livres12. Il s’agissait à l’évidence d’une marchandise modeste. En revanche, au moment de son décès, on ne trouve dans sa boutique que des vêtements en très grand nombre, ce qui pourrait laisser supposer que ces tableaux constituaient le reliquat d’un ancien commerce abandonné au profit d’un autre, jugé plus lucratif13 ; à moins qu’il n’ait dissocié ces deux activités, pratiquant le commerce du tableau « en chambre ».
9Plus intéressant encore est le cas de Jean La Brousse, marchand fripier14, demeurant rue de la Bucherie, paroisse Saint-Etienne-du-Mont. Une partie de son activité commerciale nous est connue par son Livre de commerce qui couvre la période 1773-177515. Notons qu’en 1772, ce personnage s’était mis en conformité avec la communauté des peintres et sculpteurs en louant à la veuve d’Antoine Toussaint de La Ruelle, maître peintre de l’Académie de Saint-Luc, son « droit et privilège [...] de vendre des tableaux, gravures et sculptures, dans la ville et faubourgs de Paris » pour une durée « de trois, six ou neuf années entières et consécutives » et ceci pour la somme de 60 livres par an16. Il est effectivement qualifié lors de sa faillite de « Marchand de Tableaux et Maître Frippier »17. À la lumière de ce livre de compte, nous pouvons situer l’activité commerciale de La Brousse à un niveau intermédiaire dans l’échelle de la pratique. Alors que notre fripier s’approvisionne, au cours des années 1773-1774, auprès de maîtres peintres (Bourgeois, Detouche) ou de certains de ses confrères, voire chez quelques particuliers, chez qui il acquiert des tableaux de faible valeur (ente 12 et 40 livres), à partir de 1775, il fréquente assidûment les ventes publiques. Ainsi, en mars 1775, il se porte acquéreur de trente tableaux « représentant divers sujets », pour un montant de 500 livres, à l’occasion d’une vente dirigée par Paillet aux Grands-Augustins. À cette date, il ne peut s’agir que de la vente du marquis de Felino18. La Brousse semble dès lors s’intéresser à une marchandise d’un niveau supérieur et de plus en plus souvent attribuée. Il achète ainsi en juillet 1775, un Intérieur d’église de Pieter Neefs, peintre alors très recherché, et deux « paisages et figure du Botte flamant »19. Dès lors, la qualité de son commerce évolue nettement. Il achète de plus en plus souvent des œuvres nordiques « dans le goût flamant », et ceci à des prix plus élevés, notamment lors de la vente de « Monsieur Demontigny, maître-peintre » en mai 177520. Son achat le plus conséquent se place en février 1776 ; il acquiert à un dénommé Cornillol [le marchand Claude-Marie Cornillion ?] pour 1.500 livres, un lot de neuf tableaux dont un Triomphe de Bacchus de Jordaens, une Madeleine d’après Fetti, un Ecce Homo « du Titien ou du Giorgeon », un Portrait de Louis XIV, deux tableaux de Netscher, deux tableaux flamands représentant des Bacchanales et une Entrée de Marie de Médicis21. Son Livre de Commerce témoigne de l’évolution d’un commerce et de l’ambition du marchand La Brousse de sortir de sa première condition. Pour le moins, il fut un marchand entreprenant ; en effet, pas moins de six cent trente tableaux passèrent entre ses mains par voie d’achat ou de troc de décembre 1773 à février 1776. Hélas, son affaire n’atteignit pas le seuil de la prospérité, puisqu’il fit faillite en 1777, laissant pour 8.905 livres de dettes passives théoriquement équilibrées par un actif s’élevant à 10.520 livres. Il déclare à cette date un stock « en marchandises de tableaux et autres » s’élevant à environ 6.000 livres22. Nous ignorons malheureusement quels étaient ces tableaux.
10Si parmi les marchands fripiers, les femmes occupent une large place, il n’en est pas de même pour le commerce du tableau qui demeure concentré entre les mains des hommes. Outre la veuve de Jean-Adrien Denis déjà évoquée, qui semble avoir pratiqué le commerce du tableau avec son mari, nous n’avons rencontré que deux femmes qualifiées de « marchande de tableaux ». La première, nommée dans un procès-verbal la « Dame Dieu », veuve de François Dieu, qualifié de Maître peintre, exerçait son commerce sur le quai de la Ferraille, en 1755. Elle était issue d’une dynastie de peintres marchands d’origine flamande, les Van Merle23. De la seconde, Louise Le Noire, « fille marchande de tableaux », nous savons seulement qu’elle était domiciliée rue du Coq Saint-Honoré, en 1780 et âgée de 25 ans24. Nous n’en savons pas davantage sur cette « demoiselle Drouet » à qui le maître-peintre Thurin avait confié peu avant son décès survenu en 1759, seize tableaux pour les vendre25.
11Au niveau le plus bas du commerce de tableau, en plus des marchands fripiers, on trouve les marchands ambulants dont l’activité est la plus difficile à connaître. Ce sont principalement des fripiers ou brocanteurs qui étalent leur marchandise de hasard à même le sol ou sur des plateaux portés par des tréteaux, sur les quais ou dans la rue. Un dessin de Philipe Meunier, conservé au Musée Carnavalet (fig. 1), illustre bien ce type de commerce. Nous y voyons des amateurs regarder des gravures et des tableaux à l’étalage des marchands installés sous le guichet du Louvre, dans les dernières années du XVIIIe siècle, alors qu’à l’extrémité droite de la composition, un portefaix emporte un tableau acheté par un client. C’est à l’étal de l’un de ces marchands ambulants, rue Saint Martin, que le graveur J.G. Wille, amateur au regard acéré, passant dans un fiacre, découvrit en 1769, parmi de « vieilles ferrailles » entreposées contre un mur, non pas un tableau, mais « un dessein en vieille bordure » de Louis Galloche, qu’il acquit pour une bouchée de pain26. Parmi ces marchands ambulants, nous trouvons Jacques Noblet. Il se qualifie lui-même de maître-peintre dans un procès-verbal dressé en 1742 où il joue le rôle de crieur lors d’une révision dans un cabaret. Dans sa déposition, il déclare vendre « des Tableaux le long des murs de l’hôtel de Toulouse »27. C’est le cas également de Jean-Baptiste Bailly, marchand d’estampes et de tableaux dont l’étalage se situait sur le quai du Louvre en 176928. Il semble qu’il faille ranger aussi à un niveau très modeste Nicolas Bauduin, mort brutalement en février 1762 aux Tuileries. Qualifié de « marchand de livres et de tableaux », il faisait son commerce dans une échoppe en bois, implantée dans la cour de l’Orangerie du palais des Tuileries. Commerce modeste comme le révèle son inventaire après décès29, dans lequel le livre occupait plus de place que le tableau30. Sept tableaux seulement, non attribués, dont une Descente de croix, une Adoration de l’Enfant Jésus, une Vierge tenant l’Enfant Jésus et un autre représentant « trois personnages », le tout prisé modestement 42 livres, constituaient le stock de ce marchand. Celui-ci était toutefois en relation avec un grand collectionneur, le comte de Caylus, son voisin, qui lui avait confié un « grand tableau peint sur bois... représentant Adam et Ève »31.
Fig. 1 – Philippe Meunier, Le guichet du Louvre avec les marchands d’estampes et de tableaux, dessin, Musée Carnavalet (Inv. D 07469),

Cliché Photothèque des Musées de la Ville de Paris-Roger-Viollet.
Les marchands de tableaux en chambre
12Il est difficile, pour ne pas dire souvent impossible, de distinguer parmi les marchands dont on ne possède pas l’inventaire après décès, s’ils effectuaient leur commerce en boutique ou en chambre. Rare chez les marchands d’estampes, la vente en appartement est plus largement pratiquée par les marchands de tableaux. N’étant pas soumis comme les précédents aux rigueurs de la Police de la Librairie, ils échappent aux contrôles officiels. Il arrive fréquemment qu’un jeune marchand débutant pratique dans un premier temps son commerce en chambre, pour des raisons d’économie. Pour d’autres, c’est un choix délibéré ; la discrétion étant la règle d’or dans ce métier. Le commerce sous cette forme permettait une mise en situation des œuvres plus favorable aux ventes que ne l’était le cadre plus anonyme d’une boutique. Le peintre-marchand Martin, de l’Académie de Saint-Luc, cité à propos d’une affaire judiciaire le montrant sous un jour peu flatteur32, avait établi son commerce vers la fin des années 1770 dans l’appartement qu’il louait dans la maison d’un ancien procureur au Parlement, rue du Cimetière, paroisse Saint-André-des-Arts. Il « avait garni tous ses appartemens de tableaux en très grand nombre, qui paroissoient aussy beaux que riches ; que beaucoup de personnes venoient voir souvent, tant pour en acheter que par curiosité...»33. Parmi ses visiteurs-clients figurait le prince de Conti, éminent collectionneur, à qui Martin vendit plusieurs tableaux. Il semble bien que Paul-Guillaume Ledoux, peintre de l’Académie de Saint-Luc, ait pratiqué lui aussi cette forme de commerce à son domicile de la rue Saint-Martin, sur la paroisse Saint-Josse. C’est en effet dans une chambre de ce logis qu’Henri Guillemard, déposant dans une affaire concernant Ledoux en 1756, « s’amusa à voir des tableaux qui y étoient », tandis que se traitait dans une salle voisine, le marché d’un tableau de Teniers, entre le marchand Ledoux et un dénommé Bentabole34.
13Au début de notre période, le peintre Jérôme-François Chantereau (début du XVIIIe siècle-1757), membre de l’Académie de Saint-Luc, fut surtout l’un des plus importants marchands d’art de Paris, sans qu’il ait toutefois donné une visibilité à son entreprise. Commerçant sans boutique il laisse à sa mort en 1757, dans sa maison de la rue Saint-Honoré, vis-à-vis de l’Oratoire, un stock de deux cent quatre-vingt-dix tableaux estimé 2.771 livres. Dans son inventaire, seuls apparaissent les noms de Poussin et de Trevisani35. Certains de ces tableaux lui avaient été confiés pour qu’il les vende36, ce qui constitue une preuve supplémentaire de son activité commerciale. Parmi ceux-ci nous trouvons des tableaux italiens de grande qualité dont il semble s’être fait une spécialité. Ils appartenaient à Jean Pigeon de Villemannoche, écuyer qui avait confié au défunt un « Fleuve » de Poussin, la Véronique de Lanfranco, une Descente de croix d’Annibal Carrache, un Saint François du même, un Saint Jérôme de Véronèse, un Christ sortant du cercueil de Ludovico Carrache, un Tobie du Titien, un Crucifix de Michel-Ange et une Didon sur le bûcher de Bourdon, ainsi qu’une Lucrèce de Guido Reni estimée 5.000 livres et une Scène de sacrifice de Jules Romain37. À cette époque, les œuvres de l’école italienne trouvaient moins facilement acquéreurs en France, et ce n’est sans doute pas un hasard si Chantereau entretenait des relations commerciales avec l’Angleterre, où l’on était plus amateur de la grande peinture italienne. Son scellé nous apprend qu’il avait fait vendre dans ce pays plusieurs tableaux appartenant au comte de La Vieuville, dont « deux petits tableaux de l’école de Polembourg »38. L’inventaire de Chantereau révèle également la présence de nombreux dessins et estampes en cahiers et en portefeuilles, ainsi que d’une trentaine de sculptures en plâtre et en terre cuite. À ce commerce, il joignait celui, plus traditionnel, des bordures. Le nombre des opposants à la succession montre un personnage vivant largement du crédit, toujours insolvable, et qui ne semble guère s’être préoccupé de rembourser ses dettes. Il avait ainsi emprunté 185 livres à Jean-Baptiste Rousset, ancien officier de la Connétablie en 1755-1756, « pour acheter un tableau qui a coûté 88 livres, qui est resté entre les mains dud. Deffunt sr Chantereau, sans préjudice de la moitié du proffit qui proviendra dud. Tableau »39. Ajoutons qu’il était « en société pour partye », avec l’un de ses confrères de l’Académie de Saint-Luc, François Dumesnil, maître éventailliste. Toutefois, ce dernier ayant fait seul l’avance des frais d’acquisition des tableaux et de « figures en terre cuite » assumait donc seul les risques et pertes le cas échéant. On voit ainsi combien Chantereau était prudent en affaires, à moins qu’il n’ait été impécunieux comme le montre l’état de ses dettes au moment de son décès. Son commerce, bien que remarquablement fourni, était loin d’être prospère. Parmi ces tableaux en société nous trouvons des œuvres dites d’Alessandro Turchi, d’Hermann Swanevelt, de « Boulongne », de Santerre, deux supposés Van Dyck, un « Jourdans » [Jordaens ?], et une Vierge au désert de Léonard de Vinci.
14Le dénommé Bréa, actif dans les années 177040, qualifié de « peintre en huile et en pastel », se targuait d’avoir découvert (après et comme beaucoup d’autres au XVIIIe siècle), le secret permettant de fixer le pastel. Il se livrait également au commerce en chambre dans son logement de la rue du Dauphin, à proximité de l’église Saint-Roch où « il avait toujours un très beau cabinet de tableaux italiens, flamands et français »41. C’est sans doute aussi le cas de Pierre-Marie Maugin, qualifié de peintre et marchand de tableaux bien que cette seconde activité paraisse l’avoir nettement emporté. Il demeurait au moment de son décès, en mars 1778, rue de Bourbon le Château, « susd. Faubourg Saint Germain ». Jean-Baptiste Piauger « premier peintre de S.A.S. Mgr le Prince de Salm » fut son exécuteur testamentaire. On lui confia l’inventaire et l’estimation des tableaux du défunt. Il est question dans le scellé de Maugin, de « la multiplicité des tableaux » trouvés dans deux pièces de son appartement42. Ce que confirme son inventaire après décès43 où sont inventoriés en lots, et malheureusement sans précisions de sujets ni d’auteurs, plus de trois cent soixante-dix tableaux estimés 881 livres, soit une moyenne de 2 livres 3 sols par tableau environ, ainsi que plusieurs portefeuilles de dessins et surtout d’estampes, prisés 179 livres. L’inventaire de Maugin, s’il confirme son activité commerciale, nous apprend fort peu sur son commerce. Il nous livre au moins le nom d’un de ses clients, le chevalier Zimerman et nous apprend qu’il se livrait également à la restauration des tableaux. Là encore, nous nous trouvons à un niveau très modeste du commerce du tableau.
Le commerce en boutique
15J. Chatelus a montré que chez les peintres marchands, la mention d’une boutique est de plus en plus fréquente lorsqu’on avance dans le siècle. Entre 1740 et 1764, dix-neuf inventaires sur cinquante et un, font état d’une boutique, sept d’une arrière-boutique, sept également d’un magasin44. S’y ajoutait, dans deux cas, la location de loges dans les foires Saint-Germain-des-Prés et Saint-Laurent. Pour la période suivante, de 1765 à 1789, treize inventaires sur trente-quatre signalent l’existence d’une boutique, trois une arrière boutique, deux une « petite boutique », sept un magasin, et même, cas plus exceptionnel, un « garde-meubles à tableaux ». Ces chiffres reflètent bien le fait qu’à Paris, la vente en boutique était la forme la plus fréquente de ce commerce. La situation parisienne est donc bien différente de celle de Londres, où le commerce des marchands en vente publique l’emporte pendant une bonne partie du siècle sur la vente en boutique45. ÀParis, peu de peintres marchands ou de marchands de tableaux étaient propriétaires ; la règle commune étant la location46. Le plus souvent, cet espace de vente se situe au rez-de-chaussée de l’habitation du marchand, bénéficiant ainsi d’une visibilité immédiate47. Ce n’est cependant pas toujours le cas. Une annonce publicitaire non datée [vers la fin du siècle], (fig. 2) nous apprend que Jean Constantin était établi quai de l’École, au premier étage d’une maison où se trouvait son « magasin de tableaux, dessins, gouaches, bronzes et autres curiosités...»48. En 1764, Thomas Bonvoisin, maître-peintre et doreur, possédait deux boutiques dont une sur la place du Vieux Louvre, à côté « du bureau de l’École militaire », vraisemblablement dans ce qui devait être des appentis49. Il avait pour l’aider dans son commerce, « une fille apprentie ». Jacques Maillard, maître peintre de l’Académie de Saint-Luc, qui faisait commerce de « tableaux, musique, livres » et de curiosités naturelles, partageait son activité entre plusieurs boutiques, l’une rue Planche Mibray, dans la paroisse de Saint-Gervais, où il demeurait, les autres au port Saint Nicolas50. Toutes proportions gardées, la situation n’était guère différente pour les plus grands peintres-marchands de la période. S’ils semblent avoir fait une grande partie de leur commerce en salle de vente, ils eurent néanmoins une boutique qui apparaît nécessaire à la publicité de leur activité. L’expert Pierre Rémy avait la sienne rue Poupée. Augustin Ménageot, dont la personnalité a été tirée de l’ombre par N. Willk-Brocard, avait son « échoppe » rue Saint-Martin où il reçut la visite de Sir Josuah Reynolds, en 176851. Parmi les autres marchands œuvrant en boutique, l’abbé Le Brun mentionne en 1776, Boileau, qui tenait « magasin de Dessins & de Tableaux des trois écoles » sur le quai de la Mégisserie, Le Brun, rue de l’Arbre-Sec, Dalmon, rue Croix-des-Petits-Champs, Donjeux, rue des Fossés-Montmartre, Duclos, cul de sac du Coq, rue Saint-Honoré, Hamon, établi dans le cloître de Saint-Germain-l’Auxerrois, ainsi que de Montigny, Joullain père et fils, quai de la Mégisserie à l’enseigne de La Ville de Rome, et Lenglier, leur voisin. Ajoutons à ces noms Beauvarlet dont le « Magasin de tableaux », signalé par l’Almanach parisien de 1776, était situé rue Saint-Jacques. Les inventaires contemporains nous décrivent des installations qui n’ont rien de somptueux et G. Glorieux a démontré combien l’Enseigne de Gersaint de Watteau relevait du mythe52. Dans la seconde moitié du siècle, la plupart des marchands de tableaux n’étaient guère mieux logés que le célèbre marchand du pont Notre-Dame.
Fig. 2 – Étiquette commerciale de Jean Constantin, marchand de tableaux, lithographie, Paris, BnF, Département des Estampes et de la photographie,

Cliché BnF.
16Les temps cependant changeaient ; des marchands entreprenants tels Paillet et Le Brun, voire Basan, comprirent que le commerce de l’art nécessitait un nouveau standing pour s’adapter à une clientèle pour qui le paraître était une valeur essentielle. Ils réalisèrent d’importants investissements immobiliers, donnant plus de visibilité à leur entreprise, ce qui les mettait sur un pied d’égalité avec leur clientèle. Une nouvelle génération, celle du marchand-entepreneur, l’emportait désormais, imposant non seulement une nouvelle conception, mais également des formes renouvelées de commerce. Certains marchands bénéficiaient d’installations ou d’adresses plus prestigieuses. C’était le cas de Paillet qui tenait dans l’hôtel d’Aligre, rue Saint-Honoré, « magasin de dessins & de tableaux » ou bien encore de Pierre-François Basan, installé sur la rive gauche, dans l’hôtel Serpente dans la rue du même nom, surtout connu pour son commerce d’estampes et dans le magasin duquel on trouvait également « des Dessins & des Tableaux ». La fameuse boutique de l’hôtel Serpente est connue par une vignette de Pierre-Philippe Choffard53 (fig. 3). Nous y voyons plusieurs groupes d’amateurs évoluer dans un cadre assez luxueux où de nombreux tableaux sont présentés sur les cimaises de la galerie. Si elle n’était peut-être pas la mieux pourvue en tableaux, la boutique de Basan, dont le commerce fut toujours très orienté vers la gravure, était assurément l’une des plus remarquables. Pour peu qu’il corresponde à la réalité, ce décor est bien éloigné de la sobriété presque monacale de la boutique de François Joullain ouvrant sur le quai de la Mégisserie, dont l’ameublement est décrit dans son inventaire après décès de 177854. Mais il faut considérer que Joullain, en dépit de la prospérité de son commerce, était le représentant d’un monde déjà ancien, demeuré fidèle à un quartier qui n’avait plus la faveur du commerce d’art, alors que des marchands comme Paillet, Basan et Le Brun incarnaient une nouvelle génération. Ils avaient une autre conception du commerce et n’hésitaient pas à sacrifier au culte de l’apparence pour attirer, séduire et retenir une nouvelle race de collectionneurs, celle des années 1780. De tous ces marchands, c’est incontestablement J.-B. Pierre Le Brun qui, à l’extrême fin du siècle, donna à son commerce l’installation la plus somptueuse en faisant aménager dans sa maison de la rue du Gros-Chenet, par l’architecte Jean-Arnaud Raymond, une véritable galerie d’exposition dont la conception se situait à mi-chemin entre la galerie privée et le magasin, préfigurant ainsi les « show rooms » des grands marchands d’art des XIXe et XXe siècles. Vers la fin du siècle, non seulement les formes du commerce évoluent, mais également, le lieu de vente. Au Palais-Royal, nouveau cœur du commerce du luxe, le marchand Hamon « s’empresse à satisfaire le goût des Amateurs » qu’il reçoit désormais dans un « Salon de tableaux dont la décoration varie continuellement, offre tous les jours aux connoisseurs des objets agréables dans tous les genres de la Peinture & même souvent des morceaux précieux »55.
Fig. 3 – Pierre-Philippe Choffard, La boutique de P.-F. Basan à l’Hôtel Serpente, gravure, Paris, BnF, Département des Estampes et de la photographie.

Cliché BnF
Les niveaux de la pratique marchande
17C’est davantage par le niveau de leur pratique, révélé, à défaut d’autres critères, par la valeur de leur stock, estimé le plus souvent, au moment de leur décès ou à l’occasion de leur faillite, que par le fait qu’ils aient exercé leur activité en boutique ou en chambre, que les marchands de cette période se distinguent les uns des autres. Qu’en était-il de ces stocks ? Comme on pouvait s’y attendre, ceux-ci, très variables, révèlent les différents niveaux de l’exercice de la profession.
Marchands de modeste envergure
18Vers le milieu du siècle le stock du peintre Martin Hémery, inventorié à la suite du décès de sa femme en 1752, ne compte guère plus de quarante-quatre tableaux prisés 547 livres auxquels il faut ajouter trente-trois estampes estimées 60 livres. Les sujets inventoriés mettent en évidence une marchandise de faible prix à sujets plaisants (dominante de paysages et de sujets flamands). Si cet inventaire nous montre un marchand en activité, il révèle cependant que le commerce du tableau ne paraît pas avoir été son activité dominante, comme le laisse entendre une mention dans son inventaire : « dans les cas où il vend des tableaux, ce qui n’arrive pas d’ordinaire, il les vend argent comptant »56. Au moment de son décès, en 175757, son stock était quasi inchangé ; il se composait alors de cinquante-deux tableaux et de trente-huit estampes. Les œuvres à petit prix (de 1 à 10 livres) l’emportaient nettement (34,6 %), leurs thèmes se partageant entre paysages et scènes de genre qualifiés de flamands, auxquels il faut ajouter quelques sujets religieux et mythologiques. En revanche, la situation financière de Martin Hémery s’était nettement améliorée depuis 1752, puisqu’il détenait au moment de son décès, 4.944 livres en deniers comptants, ainsi qu’une argenterie estimée 1.978 livres. Bien que se situant à un niveau modeste du commerce, on peut évoquer à son sujet une certaine réussite professionnelle.
19Guillaume Bouclet, maître peintre de l’Académie de Saint-Luc, décédé en mai 1757, présente un cas assez différent. Le procès-verbal de scellés58 révèle une boutique et son arrière-boutique fort bien achalandées dans lesquelles se trouvaient soixante-six tableaux qualifiés de « vieux ou neufs » auxquels il faut adjoindre soixante-dix-huit « vieux tableaux de différents sujets et grandeurs » remisés dans une chambre située au quatrième étage de sa maison, rue de la Juiverie dans la Cité. Notons qu’il joignait à son commerce de tableaux celui des bordures et des crucifix d’ivoire ou d’os sans doute d’un débit plus facile.
20Joseph-Ferdinand Godefroy appartient, lui, à une véritable dynastie de peintres et de marchands de tableaux. Qualifié de « Peintre de Monseigneur le Prince de Carignan », il avait sa boutique, Cloître Saint-Germain-l’Auxerrois. Au moment de son décès, en 176259, les cent sept tableaux répartis entre sa boutique et son magasin et certaines pièces de son appartement sont estimés 1.431 livres (soit une moyenne de 13, 3 livres par tableau). Parmi ceux-ci, nous trouvons une Tête de femme de Van Dyck, une Architecture de Bibiena, un Paysage de Crépin, des Baigneuses de Dieu, un Patel, des scènes de chasse ou animalières de Vitry60, une Marine de « Bredel » [Bredael], un devant de cheminée représentant des chiens par Desportes, des œuvres d’après l’Albane, Poussin, Pierre, Lancret, Boucher, La Tour, Coypel, Oudry, et une copie d’un Teniers par Godefroy. Cette énumération ainsi que la présence de nombreuses copies d’après les maîtres contemporains indiquent un commerce assez largement tourné vers la peinture à fonction décorative.
21À un échelon également modeste se situe Denis Charles Buldet, peintre et ancien directeur de l’Académie de Saint-Luc, qui tenait boutique rue de Gesvres. La notice biographique de F.L. Regnault, l’expert de sa vente après décès en 1797, le présente comme un collectionneur frustré qui, « ses moyens [étant] peu d’accord avec ses goûts » choisit la voie du commerce « dans l’espoir de satisfaire son amour pour les productions dont il était l’admirateur »61. Bien qu’il soit déclaré marchand d’estampes, l’inventaire dressé en 1782 à la suite du décès de sa femme, montre le caractère mixte de son activité commerciale, avec 1.088 livres de tableaux, dont certains attribués à Lancret et Boucher, cent seize dessins prisés 610 livres et cinq sculptures évaluées 120 livres. Avant d’être un marchand de tableaux, Buldet est un marchand d’estampes. Celles-ci sont en effet très nombreuses dans sa boutique où l’on trouve, en particulier, quatre-vingt-quatre portefeuilles estimés 6.297 livres62. Bien qu’il ait cessé son commerce semble-t-il avant la Révolution, pour des raisons de santé, le catalogue de sa vente après décès précise qu’il s’agissait des objets composant son cabinet et son fonds de commerce63. Il est donc impossible de savoir si les quelques tableaux (Breenbergh, Lagrenée, Pau de Saint-Martin) mis en vente à cette date, provenaient de l’un ou de l’autre, de même que les nombreux dessins (dont un grand nombre de feuilles de Louis-Félix de Larue) inventoriés à cette date. À ce titre, il nous intéresse davantage ici comme exemple de peintre-marchand diversifiant son activité.
22Le marchand Pierre Vintugeol, dit La Pierre, installé vers le milieu des années 1770, rue des Cordeliers se situe également à un niveau moyen du commerce. Un litige avec l’un de ses clients, en 1776, nous le montre sous un jour peu favorable, comme un commerçant peu fiable et d’un tempérament violent64. D’ailleurs, ses affaires se portent mal comme le confirme sa faillite en 177965. À cette date, son actif est évalué à 25.844 livres 12 sols. Il dispose de 600 livres de mobilier et son stock « en marchandises de tableaux et histoire naturelle », évalué 3.000 livres, montre qu’il se livrait aux deux branches du commerce de la Curiosité, alors en faveur auprès des amateurs. Il pratiquait également le commerce des objets et vases en albâtre qui connaissaient alors un grand succès auprès des amateurs. Il semble avoir été moins chanceux dans ce domaine, puisqu’il accuse pour plus de 1.500 livres de pertes sur ces objets achetés à un certain La Motte pour 2.700 livres ; ceux-ci s’avérant de faux albâtres, « ce qui lui fait un tort considérable dans son commerce ». Sur ces malheurs inhérents aux hasards du commerce se greffaient des pertes dues à la maladie, la sienne et celle de ses six enfants. Son bilan indique qu’il était en affaires avec Le Roux, les époux Poixmenu, et le marchand La Brousse, ses confrères, et quelques particuliers dont un certain « M. Decéz Campanne » qualifié de gentilhomme, son plus gros débiteur avec 15.156 livres. Quant à ses dettes passives, elles s’élèvent à 12. 648 livres.
23Jean-Baptiste Poixmenu, marchand de tableaux, dont l’activité est attestée à partir des années 1770, décède en 1784. Il était lié au commerce de la mercerie par son frère Abel François Poixmenu, marchand mercier bijoutier installé sous les arcades du Palais-Royal, où sa boutique-salon décrite dans l’Almanach du Palais-Royal donnait le ton66. Locataire d’une maison rue Saint-André-des-Arts, dont une salle au rez-de-chaussée servait à son commerce67, il disposait également d’une autre boutique ouvrant sur la cour du Commerce. Marchand d’une certaine envergure, il employait deux garçons de boutique. Son inventaire après décès68 fait état d’un stock impressionnant de 4.691 tableaux (estimés 5.770 livres) répartis en cent cinquante-neuf lots, trois cent quarante-neuf bordures (estimées 628 livres) ainsi que de nombreux portefeuilles de dessins et d’estampes (149 livres).
24Il s’agissait d’une marchandise facile et à bon marché (soit une valeur moyenne de 1,2 livres par tableau), – les tableaux estimés entre 1 et 20 livres représentant 47,7 % de son stock –, inventoriée sommairement et rarement attribuée. Seuls quelques tableaux se détachent de la masse : un grand Apollon et Marsyas de Lagrenée (48 livres), trois tableaux d’Abraham Teniers, un Pan et Syrinx de « Craillere » [Gaspar de Crayer ?], un Paysage de Van Balen, une Bataille de Martin, une Scène de joueurs, de Valentin de Boulogne (40 livres). Notons que tous ces tableaux attribués et pourvus d’estimations bien supérieures à celles de la moyenne du stock, se trouvaient dans sa boutique au moment de son décès, comme s’il s’agissait de mettre en valeur le meilleur de son fonds. Poixmenu faisait une bonne partie de son commerce en vente publique comme l’attestent trois ventes qui eurent lieu en avril69, juin70 et août 177971. Il n’est cependant pas exclu qu’elles aient été motivées par sa faillite, en 177672. Son actif est estimé alors à 11.100 livres. Dans ce chiffre, les « Meubles et tableaux » ne comptent que pour 1.500 livres, ce qui est assez modeste. Les dettes passives du couple solidaire, se montent à 3.696 livres 9 sols. L’état du passif révèle les liens commerciaux du défunt avec deux grands marchands de tableaux de la période, Destouches et surtout Lenglier. Il était également en affaires avec Vintugeol, dit La Pierre, demeurant alors quai de l’École, avec Raboison, marchand de tableaux de la rue des Arcis, et Blandinière, un marchand de la rue du Marché neuf, trois des opposants aux scellés73.
25Les différents catalogues de vente mentionnés ci-dessus donnent l’image d’un commerce un peu plus florissant, puisqu’on y trouve une majorité de tableaux français du Grand Siècle ou de maîtres contemporains (49,43 %), de nombreux tableaux « flamands » (28,32 %) et presque autant de tableaux italiens (20,11 %). Certains, parmi eux, provenaient du prince de Conti, d’autres de la vente du marquis de Calvière74. La comparaison de ces listes avec les œuvres inventoriées en 1784 montre qu’un nombre important des tableaux présentés en vente publique ne trouva pas acquéreur. Poixmenu semble avoir exercé parallèlement au négoce de tableaux, de dessins, d’estampes et de bordures, l’activité de restaurateur, comme l’attestent les mentions de dépôt de tableaux « qui lui avaient été confiés pour restauration ou rentoilage », à moins qu’il n’ait sous-traité cette activité.
Le niveau intermédiaire du commerce du tableau
26Pierre Le Brun, le père du grand marchand Jean-Baptiste Pierre Le Brun, exerce son activité à un niveau bien supérieur. Établi rue de l’Arbre-Sec, paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois, dans un quartier où étaient regroupés des merciers ou d’autres commerces de luxe, il louait une maison depuis 1766, pour un montant annuel de 800 livres. Il partageait son activité de peintre marchand de tableaux entre un magasin situé au rez-de-chaussée sur cour, et une boutique entresolée jouxtant la porte cochère de cette maison. On trouve dans ces locaux, au moment de son décès en 1771, de nombreux tableaux et estampes « marchandises du commerce dudit feu Sieur Le Brun »75, ainsi que de nombreux objets de mercerie (mobilier, pièces de luminaire, bronzes dorés, porcelaines...), des sculptures et quelques dessins, le tout estimé 22.904 livres. Au regard de son stock, on doit considérer Pierre Le Brun comme l’un des plus importants marchands de tableaux parisiens de la décennie 1760-1770. Son fonds de commerce se compose à cette date de trois cent quatre-vingt-neuf tableaux estimés 15.329 livres, représentant 66,9 % en valeur du stock (soit une moyenne de 39,4 livres par tableau). On constate que l’école française (42,1 %) l’emporte largement sur les écoles du Nord (25,7 %). On peut se demander si la hausse du prix des tableaux nordiques, amorcée durant les années 1760- 1770, n’a pas orienté ce commerce vers des produits à meilleur marché. Parmi les artistes français, une priorité est accordée aux œuvres du Grand Siècle, avec deux grands favoris, Lubin Baugin (seize tableaux) et Sébastien Bourdon (sept tableaux), dont deux œuvres sont parmi les plus prisées de l’inventaire (1200 livres). Pour la curiosité, on mentionnera également « douze plafonds de Simon Vouette de la vie de notre Seigneur » (200 livres), vestiges d’un grand décor démembré. On relève parmi les français plus « modernes », deux scènes galantes de Lancret (300 livres), un Watteau « représentant la famille de Gersaint » (30 livres seulement), et un « Canard » de Chardin (100 livres). Parmi les œuvres italiennes (13,3 % du stock), nous trouvons « une femme qui se mire (sic) avec l’amour », donnée au Corrège (500 livres)76, un Luca Giordano (400 livres), plusieurs tableaux de Mola, et une Madeleine du génois Valerio Castello (100 livres). On notera, avec surprise, trois œuvres données au Caravage dont « Un ange qui vient annoncer la venue du Messy a des bergers », estimé modestement six livres. Mais qui connaît et apprécie alors ce maître ?
27C’est parmi les œuvres « flamandes » que l’on trouve la plus haute estimation avec 2.400 livres pour un Saint Sébastien de Van Dyck. Retenons également un Sacrifice d’Abraham de Rembrandt (500 livres) et un Rubens (150 livres). On soulignera enfin la présence de plusieurs tableaux de Jacob Jordaens et de Lucas van Uden, artiste fréquemment cité dans les inventaires du temps. Parmi les œuvres allemandes (0,7 % du stock), on remarque une Vierge à l’Enfant attribuée à Dürer, estimée trois livres seulement. L’œuvre était, il est vrai, de petit format, mais cette estimation va bien dans le sens de la désaffection de l’époque pour les œuvres des « primitifs » de cette école. Néanmoins, une « Tête » d’Holbein, est prisée 60 livres.
28En terme de valeur, les tableaux de moins de 10 livres représentent 29,56 % du stock. Ce sont toutefois les œuvres estimées entre 11 et 40 livres qui sont les plus nombreuses (32,13 %) alors que les tableaux prisés entre 41 et 100 livres forment 8,22 % du stock de Pierre Le Brun. Seuls trois tableaux dépassent les 1000 livres.
29Par la variété des produits proposés et la gamme très large des prix pratiqués (de 2 livres à 2.400 livres), Le Brun était capable de satisfaire une clientèle variée, allant du bourgeois souhaitant décorer sa demeure au véritable amateur. En revanche, il semble avoir accordé une place modeste au dessin ; nous n’en trouvons que trente, estimés 78 livres. Sans doute ne souhaitait-il pas rivaliser avec ses confrères spécialisés dans le commerce de l’estampe et du dessin. De plus, le négoce de Le Brun offrait déjà un éventail très large de produits. Comme nous l’avons dit, malgré cette priorité donnée au tableau, sa boutique était celle d’un véritable marchand mercier. Il proposait à la vente des objets de mercerie de grande qualité (porcelaines, girandoles, bronzes dorés) et surtout de très belles pièces de mobilier en marqueterie de Boulle. Le tout estimé à 5.861 livres, soit 25,5 % en valeur, du stock. La sculpture occupe aussi dans son commerce une place de choix avec trente et une pièces (bronzes, marbres, terres cuites) estimées 1.636 livres, ce qui représente 7,1 % de la valeur de son stock.
30En 1773, la veuve de Pierre Le Brun, Françoise Bouffé, épousa en seconde noce77, un autre marchand de tableaux, Nicolas Le Rouge, peintre de l’Académie de Saint-Luc. Celui-ci, qualifié de négociant, résidait alors rue de Cléry, paroisse Saint-Eustache. À la mort de son épouse, en mai 1787, l’inventaire des biens de la communauté signale la présence d’un petit groupe de tableaux (collection ou stock ?) inventorié par Antoine Charles Dulac78. Parmi ceux-ci, nous relevons deux portraits de Frans Hals (200 livres), deux « sujets de la fable » de Cazes (72 livres), deux Intérieurs de chambres par Benard (144 livres), une Jeune fille dans une étable d’Imbert (54 livres), une petite Marine de W. van de Velde (144 livres), deux Paysages de Pillement (60 livres), et deux autres de Willem de Heusch (60 livres). En 1799, Nicolas Le Rouge qui résidait alors place des Victoires, est qualifié d’« ancien négociant ». Il décida cette année-là de cesser tout commerce, et organisa une vente de son « Cabinet & fonds de marchandises »79. Dans le catalogue édité à cette occasion nous trouvons vingt lots de tableaux, dont quelques italiens (Romanelli, Sirani, Zuccarelli) et principalement des Hollandais ou Flamands dont quatre Jordaens, deux Ruysdael et des œuvres d’Adrien van der Werff, D. Seghers, P. Tyssens, D. Teniers, J.B. Weenix, G. ter Borch, J. Wijnants et enfin, quelques tableaux français (Van der Meulen, Champaigne, Hubert Robert). Ajoutons à ceux-ci, une œuvre de l’Allemand Dietrich. Comme nous le constatons, il s’agissait d’œuvres de maîtres alors recherchés qui atteignaient des prix importants.
31Jean-François Deberreyter était le fils d’un noble allemand, venu s’établir en Normandie où il « avait obtenu une place de Gablou dont il retiroit 300 de revenu »80. Après avoir exercé la profession de marchand de papiers peints, il se reconvertit dans le commerce du tableau, à une date inconnue, que l’on peut situer vers le milieu des années 1780 ou un peu avant. Installé rue d’Anjou Dauphine, paroisse Saint-André-des-Arts, il fait faillite en 1789 et déclare en cette circonstance : « [...] que son commerce se ressent par sa nature plus qu’aucun autre genre de commerce des circonstances fâcheuses du tems présent...»81. Pour faire face à cette situation, il réclame à ses créanciers un aménagement de sa dette qui s’éleve à 61.272 livres et le total de son passif à 90.362 livres. Parmi ses créanciers, nous trouvons le marchand-mercier Guillaume Duclos, qui se livrait par ailleurs au commerce du tableau. Nous trouvons également Jacques Lenglier à qui il devait 7.920 livres, « pour adjudication de tableaux faite en vente publique après le décès de feue D[am]e Lenglier » et achats effectués après cette vente. Son actif s’élève alors à 148.910 livres, y compris ses créances « tant bonnes que douteuses & perdues ». Ses biens immeubles consistant en terres, bois et bâtiments, situés sur la commune d’Effretty, achetés en 1783, sont estimés 27.000 livres, son mobilier 3.861 livres et enfin son stock de « marchandises de tableaux, dessins, estampes et bordures », 30.000 livres. Il faut y ajouter pour 10.000 livres de « marchandises en nature de meubles de Boulle, de Cressent, pendules et autres objets », qui montrent que son commerce ne se limitait pas à celui du tableau. Parmi ses débiteurs, nous trouvons plusieurs marchands, le peintre Fontaine (pour 16.875 livres), Stuberach Saint-Ange (pour 1.260 livres), Paul Carrier (524 livres) ainsi que Vallée, marchand d’estampes.
32Bien que le Livre de commerce de Deberreyter couvre une période un peu tardive pour notre propos, les années 1786-1793, il demeure intéressant en raison de la rareté de ce type de document. D’autant que ce marchand a pris soin de noter ses achats et quelquefois ses ventes, ce qui nous fournit des informations sur sa clientèle. En revanche, il n’a, semble-t-il, indiqué que les prix des objets vendus. Sur cent quarante-quatre tableaux recensés, cinquante et un sont dus à des artistes français (soit 35,41 %) en majorité du XVIIIe siècle, voire de maîtres très contemporains (Fontaine, Lavallée-Poussin, Dunouy), quarante-quatre sont des écoles du Nord (30,5 %) et deux seulement italiens (un Cagnacci et un Sebastiano Ricci), deux également sont allemands et un seul espagnol (Ribera). Les quarante-quatre restant sont anonymes (30,5 %). Un certain nombre de ces tableaux provenaient de la vente organisée par son confrère Lenglier, en 1786 à l’Hôtel de Bullion82 où il se porta acquéreur de huit tableaux. Son Livre de commerce révèle une réelle sensibilité artistique. Il écrit par exemple, à propos d’un tableau de Philipps Wouwerman représentant le Sacrifice de Jephté : « Ce tableau d’un effet mystérieux et friand offre une route [voüte ?] souterraine dont la gauche présente une percée de lumière, sur le devant se voient plusieurs femmes, la droite est occupée par le Roy et des soldats groupés sur les marches du bûcher. Ce morceau qui est bien fini inspire en le voyant un attendrissement et une frayeur qu’un pareil spectacle doit inspirer ». Ou bien encore, à propos d’une Scène de corps de garde de Le Ducq : « Ce tableau capital a été peint en 1655... Ce morceau joint à une touche franche une belle entente d’harmonie et on ne peut le regarder fixement sans être frappé, tant il y a de naturel »83. Il n’est pas exclu que le marchand ait tout bonnement recopié ces notices dans le catalogue de la vente de ces œuvres, car nous savons par son Livre de commerce qu’il achetait parfois en vente publique.
33Le dessin entrait pour une part importante dans le commerce de Deberreyter (cent vingt-sept feuilles) et représentait 46,8 % du total de son stock, contre 53,1 % pour la part du commerce du tableau. En matière de dessin, les Français contemporains apparaissent en bonne place, avec plusieurs feuilles de Parrocel, Fragonard, Boucher, Hubert Robert, Huet, Lavreince, Leprince, et quelques œuvres de Lantara et Thomas, représentants de la jeune génération. On trouve également des dessins de Lépicié, Casanova, Greuze, Carle Vanloo, de Troy, Moreau, et quelques feuilles des maîtres du Grand Siècle (Bourdon, Le Brun, Corneille). Parmi les Italiens, citons les noms de Titien, Palma, Carrache, Cavedone, Gimignani et pour le XVIIIe siècle, ceux de Ricci et de Tiepolo. Les Flamands et les Hollandais sont moins nombreux, avec néanmoins des feuilles de Van Dyck, Van Uden, Quellinius, Dusart, Wouwerman, Helmbrecker. Seuls deux dessins de Mayer représentent l’école allemande.
34Qui étaient les clients de Deberreyter ? Les noms de Servandoni, de M. de la Closerie, « M. le Curé des Fresils », du baron d’Achères, de M. Parizot, Villette, Pérart et de « Sperotti, rue St Honoré », grand amateur de dessins de Hubert Robert et plus encore de Lantara, sont fréquemment cités. La plupart d’entre eux apparaissent ici pour la première fois ; nous ne les avons pas rencontrés dans les ventes de la période précédente. Ils appartiennent à une nouvelle génération d’amateurs, semble-t-il plus modeste. D’après les indications portées sur son Livre de Commerce, Deberreyter aurait poursuivi son activité, en dépit de sa faillite, jusqu’en 1793 et connut une vie agitée durant la période révolutionnaire, en raison de ses engagements politiques. Qualifié d’« égorgeur du 4 septembre », terroriste et pilleur d’églises, il fut emprisonné plusieurs fois à la prison de la Force84.
35Paul Carrier se situe lui aussi, par les dates de son activité, aux limites extrêmes de notre période. Nous le connaissons par sa déclaration de faillite en 1789. Bien qu’il soit qualifié de peintre en cette circonstance, son nom n’apparaît pas dans la liste des membres de l’Académie de Saint-Luc. Il demeurait rue Plâtrière, où il semble avoir exercé son activité. Il rédigea en une seule occasion le catalogue d’une vente publique, en 1787, celui du cabinet de l’ancien fermier général, Tavernier de Boullogne, qu’il avait peut-être contribué à former85. Sa déclaration de faillite montre qu’il confiait des tableaux à certains de ses collègues parisiens, ou tout au moins à des courtiers, car c’est la première fois que nous rencontrons les noms de Renaud, Sanson et Coutant. Il commerce également avec la province, où il a des correspondants, comme Polinceaux à Rouen ou Le Feivre, dans une ville non nommée. À ce dernier, il avait confié « pour vendre », un paysage de Nicolas Berchem et une « Marche d’animaux de Mayer », peintre allemand. Carrier se fournit quelquefois dans les ventes publiques dirigées par Le Brun, Constantin ou Boileau86. En 1787, il acquiert ainsi cinq tableaux et deux dessins (de Vernet), à la vente du chevalier Lambert, neuf à celle du marchand Saubert, sept à la vente Peters au cours de la même année 1787. L’année suivante, il se fait adjuger quinze tableaux, deux vases et un bas-relief d’ivoire lors de la vente Lenglier. Mais surtout, Carrier apparaît étroitement dépendant du commerce en boutique ou en chambre, réalisant de très régulières et importantes acquisitions auprès de ses confrères, comme le montre la liste de ses créanciers qui rassemble tous les marchands de tableaux du moment. Certains appartiennent à l’ancienne génération, d’autres sont des nouveaux venus. Soit quatorze noms, parmi lesquels ses plus gros créanciers Donjeux et Lenglier (pour 5.500 et 4.550 livres), mais également Constantin, Fontaine, Parizeau, Dubois, Saubert, Destouche, de Viere, de Deberreyter, etc. Une liste intitulée « Livre contenant tous mes engagements pour l’année 1787 souscrit pour raison des tableaux achetez à différentes ventes, qu’achats de la main à la main, chez les différents M[archan]ds... », tenue à jour jusqu’en 1790, soit au-delà de sa faillite, nous donne une idée précise du volume de ses acquisitions. Ce document étend encore le monde des marchands avec lesquels Carrier est en affaire. Nous y trouvons en effet Le Brun, Blandinière et Saint-Ange87 qui ne figurent pas parmi ses créanciers. Les dépenses de Carrier pour ses achats de tableaux entre 1787 et 1789 se montent à 62.810 livres. Ceux-ci ont été réalisés auprès de soixante-trois fournisseurs ; les principaux étant, par ordre d’importance : Donjeux (8.650 livres), Lenglier (7.881 livres), Constantin (6.317 livres), Fontaine (5.680 livres), Duclos (4.677 livres), Parizeau (2.298 livres) et Le Brun (2.200 livres), soit les plus gros brasseurs d’affaires de la période. Malheureusement, l’objet de la transaction n’est jamais précisé. C’est tout le jeu complexe du commerce entre marchands, l’une des composantes essentielles du négoce du tableau que nous laisse entrevoir cette liste. On comprend mieux dès lors, qu’en dépit d’un volume d’affaires qui apparaît plus qu’honorable, Carrier accumula les dettes atteignant, en 1789, un montant total de 25.350 livres 10 sols dont 20.410 livres pour les seuls marchands identifiés (soit 80,5 % du montant de ses dettes).
36À cette date l’actif de Carrier s’élevait à 29.193 livres réparties en 6.950 livres de « meubles meublants, linge et hardes, argenterie, bijoux, objets de curiosité », 3.759 livres « en créances dues par billets », 300 livres en caisse, et 18.184 livres en « marchandises de tableaux ». Le stock du marchand était constitué de quatre-vingt-dix tableaux, dont vingt-huit avaient été « donnés en confiance pour vendre » aux dénommés Renaud, Sanson et Coutant et onze autres envoyés en province. Ces tableaux étaient en majorité français (47,7 % du stock). Nous y trouvons des œuvres des artistes les plus recherchés par les amateurs, soit Vernet (Une Tempête estimée 1.500 livres), Greuze, Hubert Robert, Trémolières, Carle Vanloo, Lagrenée le Jeune, Le Moyne, ainsi que des paysages ou scènes de genre des représentants de la jeune école française (Taunay, Boguet, Demarne, Bilcoq), mais également de Fragonard « dans le goût de Ruisdal ». Au second rang arrivent les Flamands (25,5 % du stock), avec des œuvres de Crayer (un « sujet de Sainteté » estimé 1.200 livres), de Berchem, Teniers, Isaac van Ostade, Pynacker, Cuyp (720 livres) ; puis les Italiens (13,3 % du stock), notamment des paysages de Zuccarelli et une œuvre de Pellegrini. Ajoutons enfin, un Paysage de l’Allemand Mayer ; les œuvres anonymes constituant le reste. En terme de valeur, 28,1 % des tableaux sont prisés entre 101 et 200 livres, 33,7 % entre 201 et 600 livres et 5,6 % au-dessus de 601 livres. C’est donc un commerce tout à fait honorable par la qualité des tableaux proposés, que pratiquait Paul Carrier. La composition de son stock révèle un marchand dont les achats suivent au plus près les goûts de la clientèle des années 1770-1780, avec une spécialisation marquée pour la peinture française, et une ouverture très nette à la nouvelle école paysagiste nationale.
37Augustin Ménageot (ca. 1700-1784) est sorti de l’ombre grâce à N. Willk-Brocard88. Cet auteur a sans doute raison de l’identifier avec l’« Adrien Ménageau » reçu à l’Académie de Saint-Luc en 172389. En 1724, Ménageot travaille pour la Manufacture de Beauvais, puis il s’installe à Londres vers 1741-1742, sans doute grâce à la protection de William Draper, pour lequel il joue le rôle de conseiller parallèlement à son activité de peintre. De cette époque date sa première mention comme courtier en œuvres d’art90. À l’occasion de ce séjour, son fils, François-Guillaume, le futur peintre d’histoire, naît en 1744. Quatre ans plus tard, Augustin Ménageot s’installe à Dunkerque, d’où il continuera à entretenir des relations avec le marché anglais. C’est d’ailleurs à Londres qu’eut lieu une vente Ménageot en 1755. Vers 1759, il retourne à Paris où il est toujours désigné comme « peintre »91, même s’il se livre alors essentiellement au commerce. Sa première intervention attestée dans une vente publique remonte à la dispersion du cabinet du comte de Vence en 1761. Dès lors, il appartient au monde des familiers du commerce du tableau et participe à la plupart des ventes publiques. Le niveau de ses acquisitions montre que sa situation financière s’est nettement améliorée. Il bénéficie d’une image favorable, tant auprès de la Direction des Bâtiments du Roi qui fait appel à lui en 1764, qu’auprès des amateurs. Ses connaissances en art ancien sont reconnues et appréciées ; à ce titre, à l’occasion de la vente Gaignat en 1769, il est chargé par l’entremise de Diderot, de commissions pour la Cour de Russie. Il sera également le conseiller de Diderot, lors de l’acquisition du cabinet Crozat de Thiers, par Catherine II. Comme un certain nombre de marchands de sa génération, ses affaires connaîtront une mauvaise passe à la suite de la vente du prince de Conti en 1777. L’année suivante, il fut contraint de revendre une partie des œuvres acquises mais non réglées92 ; ce qui montre qu’il ne limita pas son activité à celle de commissionnaire. Il semble avoir eu des difficultés à assainir sa situation financière, sa dernière apparition dans une vente publique remonte à la dispersion du cabinet Poullain en 1780. Augustin Ménageot, sans pouvoir prétendre rivaliser avec certains des grands acteurs du marché de l’art, doit être considéré comme un exemple type des nombreux marchands dont le volume d’affaires les situe à un niveau intermédiaire de la pratique.
Les marchands-entrepreneurs
38Au sommet de la hiérarchie du commerce du tableau, il faut placer cinq marchands dont les noms reviennent fréquemment parmi les acheteurs des ventes publiques des années 1770-1780. Ils apparaissent, certes à des niveaux un peu différents, comme de véritables entrepreneurs, pratiquant le négoce du tableau à une plus grande échelle et travaillant souvent en réseau ou en collaboration. Grands brasseurs d’affaires et d’argent, certains parmi eux, tels Le Brun et Lenglier, constituent le sommet de cette pyramide.
39L’éphémère associé dePaillet, Charles-André Mercier (néen1741 – ?), qualifié en 1778 de « marchand mercier à Paris, faisant le commerce de Tableaux »93, ambitionnait de trouver sa place au niveau supérieur du commerce du tableau. Il semble avoir eu peu de dispositions pour cette forme du commerce. En effet, dans sa déclaration de faillite du 6 avril 1778, sa femme précise que « son mari se seroit livré plus par goût que par connoissance mercantile au commerce des tableaux dans lesquel il a éprouvé les pertes les plus considérables...»94. Cependant Mercier justifie l’état de ses affaires par une lettre à ses créanciers envoyée de Bologne, où il s’est réfugié, disant que « la cessation de mes payements n’a d’autre cause qu’une suite de pertes successives sur la vente des tableaux, achetés partie en argent comptant partie à crédit a mes créanciers, que cette perte est venue d’autant plus considérable depuis le nombre de ventes après décès du prince de Conti, de M. de Boisset et de Gagni et autres venu en même temps et tout à coup, que les opérations que j’ai faites pour sortir d’embaras eprouvant les Caprices auquel ces sortes de marchandises sont sujettes ont eu des suittes si malheureuses qu’il me force a cesser ce genre de Commerce »95. Le montant de ses dettes passives est éloquent ; il s’élevait à 169.589 livres. Il avait contracté d’importants emprunts auprès de Joseph François de Varenchan « Maître d’hôtel de Madame », à qui il devait 23.100 livres et auprès de son frère, Mercier l’aîné, avocat au Parlement, le célèbre auteur du Tableau de Paris96, et également son principal créancier (pour 39.000 livres). Ce lien familial explique sans doute la connaissance intime qu’avait le littérateur, du commerce du tableau qu’il fustigea dans ses ouvrages. Dans la masse des dettes de Mercier, les marchands comptent pour 61.486 livres, soit presque 36,25 % du total. Ces chiffres révèlent l’importance du commerce entre marchands, l’une des caractéristiques de la période. Parmi ses créanciers, nous trouvons tous les marchands de quelque importance : Basan, Quesney, Saubert, Le Rouge, Dulac, Duclos, et Duclos le jeune, Jean-Baptiste Pierre Le Brun, Charles René Silvestre, Vincent Donjeux et Jacques Lenglier. Mercier avait de hautes ambitions, il acheta beaucoup et à des prix élevés en ventes publiques où son nom apparaît fréquemment. Se trouvant dans l’impossibilité de rembourser ses créanciers, il leur abandonna son stock, en mars 1778, ce qui nous permet de connaître les orientations de son commerce. Parmi les cent onze tableaux inventoriés, une grande partie (soixante-quatorze, soit 66,6 %) sont malheureusement non attribués. Parmi les trente-sept œuvres dont les auteurs sont précisés, dix-huit appartiennent à l’école française (soit 48 %), treize à l’école flamande (35,13 %), quatre seulement à l’école italienne (10,8 %), et deux à l’école allemande (5,4 %), dont une œuvre attribuée à Dürer. Nous trouvons des tableaux de La Hyre, Le Sueur, Vouet, Claude Lorrain, Poussin, Dufresnoy, de Troy, Boullogne, La Fosse, Jouvenet, Bertin, Théaulon, Deshays et Fragonard. Notons parmi les « flamands » des pièces de Rubens, Rembrandt, Wouwerman, G. ter Borch, Weenix, Van Goyen et Van de Velde et pour l’école italienne, les noms de Grimaldi, Mola, Guerchin. L’état des effets « abandonnés par Mercier à ses créanciers » nous apprend qu’il attendait en outre plusieurs caisses de tableaux d’une provenance inconnue. En revanche, nous en connaissons le contenu : vingt-quatre tableaux, dont des œuvres attribuées au Guerchin, à Puget, Bril, Apshoven, à Wouwerman, et « à Francastel [Frans Hals ?], ou « dans le genre de » Vernet, Le Prince, ou de l’école italienne, ainsi que vingt dessins. Nous apprenons également que Mercier avait confié des tableaux « à diverses personnes pour en procurer la vente » dont certains étaient des correspondants de province notamment un « M. Eupelier de Bordeaux »97. Il est possible que les caisses mentionnées ci-dessus aient un lien avec l’un de ces dépôts. L’honneur de Mercier était presque sauf car l’affaire aurait pu tourner plus mal. En effet, fort de la plainte de l’un des créanciers, Boisson, « négociant établi quai des Quatre Nations » qui réclamait le paiement de 600 francs, somme minime au regard de celles dues aux autres créanciers, un huissier menaçait de saisir les tableaux « pour les faire vendre sur le pont St Michel »98. Basan, l’un des « directeurs » de la réunion des créanciers, voyant que cette procédure et cette vente expéditive risquaient d’être préjudiciables à l’ensemble des créanciers, avança la somme réclamée. En dépit des protestations de Boisson, cette solution fut acceptée à la plus grande satisfaction de tous, y compris de l’infortuné Mercier. Finalement, son expérience du commerce du tableau se solda le 1er octobre 1778, par la mise en vente de son stock par les soins de Basan99.
40Mercier offre l’exemple d’un homme arrivé sans expérience et tardivement dans la profession du commerce du tableau, stimulé sans doute par l’euphorie du marché et victime de ce même phénomène100. En effet, de nombreux marchands furent comme lui en cessation de paiement au lendemain de la vente du prince de Conti en 1777. Ils avaient constitué des stocks trop importants, sans pouvoir en trouver la vente ; le marché étant alors saturé. Notons à ce propos, que la plupart des billets souscrits par Mercier auprès de ses créanciers remontent précisément à l’année 1777, qui précipita sa ruine. La vente Conti, aboutissement d’un long processus de saturation, devait d’ailleurs sonner le glas de cette période faste.
41Louis-François Saubert, ou Sobert, marchand de la rue Dauphine, fait son apparition dans l’Almanach de Le Brun en 1777101. Pourtant, nous savons par son Journal de ventes qu’il était déjà en activité en 1774102. Il comptait parmi ses clients le bijoutier Jean Corneille Landgraff, à qui il vendit à une date indéterminée, un « grand tableau d’Isaac Ostade très capital » et « un Rubens représentant un général d’armée ». Ces deux tableaux révèlent le niveau de son commerce103. Saubert appartient à un groupe de marchands qui, travaillant visiblement en association, font faillite au lendemain de la seconde vente du prince de Conti, en 1779, incapables d’honorer le montant de leurs importantes acquisitions. Lorsqu’il dépose son bilan en 1779104, alors que ses actifs s’élèvent à 36.002 livres dont 21.975 livres en marchandises de tableaux, il est le débiteur de presque tous les marchands de Paris de quelque importance : Verrier, Paillet, Le Rouge, Boileau, ainsi que Destouches et Lenglier. Ses dettes passives se montent à 22.615 livres, dont 13.436 livres pour ces seuls marchands. Ses plus gros créditeurs étant Destouches (pour 4.820 livres) et Lenglier (pour 4.600 livres). Malgré sa faillite, Saubert exercera son activité jusqu’à la Révolution. À cette époque, il organisa une vente de ses tableaux dont il confia la dispersion à Paillet105. Nous pouvons nous faire une idée de son commerce au travers de son Journal qui couvre les années 1774 à 1778 et révèle son dynamisme. Durant cette période, il acquiert et vend deux cent quarante et un tableaux. Parmi ceux-ci, les œuvres des artistes français dominent (49,79 %). Viennent ensuite les Flamands (39,83 %), les Italiens (8,71 %) et enfin les Allemands (1,2 %). Les prix indiqués sont naturellement les « prix coûtant », ce qui nous fournit les informations suivantes sur les acquisitions de Saubert durant cette période : cent quarante-huit tableaux sont payés moins de 100 livres, quatre-vingt-un entre 101 et 500 livres, huit entre 501 et 1000 livres et quatre au-dessus de 1001 livres.
42Le peintre Vincent Donjeux fut reçu à l’Académie de Saint-Luc le 15 octobre 1755. Il demeurait à cette époque rue Michel-le-Comte106. Au cours de la même année, il est mentionné parmi les acheteurs de la vente Pasquier comme « Md de tableaux »107. Il semble bien avoir été avec Colins et Boileau, l’un des fournisseurs de Frédéric II. Son nom apparaît en effet en 1766, au sujet de certificats d’authenticité produits par ces trois peintres marchands, relatifs à des œuvres de Corrège et de Raphaël proposées par Mettra au roi de Prusse108. Tout laisse à penser que ces trois marchands en étaient propriétaires. En 1776, il est signalé « rue des Fossés Montmartre », où « il tient magasin de Tableaux »109. J.-G. Wille le qualifie de « marchand de Tableaux et raretés, très galant homme rond et franc », recommandant à ses amis allemands de voir chez lui « son Lodovico Caracci, son Ostade, Prete Genovese110, Fetti, Guercino, St Jean qui dort, Bart. Breemberg, Pietro da Cortona, Terburg, &, &, &, il n’y qu’à lui nommer mon nom..., il n’est chez lui qu’entre 11 et 12 heures du matin, c’est un de mes amis vrais »111. Ce portrait flatteur contraste avec une autre image du personnage que nous laissent entrevoir différentes procédures. L’une opposa Donjeux en 1767 au comte de Lauraguais112, l’autre, beaucoup moins claire, à Druyer de Boncourt en 1786. Un procès conclut cette affaire113, nous y reviendrons. Durant la période révolutionnaire, et peut-être avant, Donjeux pratiqua aussi le prêt sur gage. Un contrat, qui le lia en 1790 au bijoutier-collectionneur Jean Corneille Landgraff, auquel il prêta la somme de 32.000 livres en nantissement de sa collection de tableaux, en apporte la preuve114.
43Donjeux mourut le 10 mars 1793, rue de Cléry115. Il laisse alors un fils, commandant de la garde nationale de Gentilly. Lors de sa succession, une contestation opposa Donjeux fils à une comédienne de la Comédie-Italienne, célèbre dans le monde de la galanterie, dont Vincent Donjeux était le protecteur. Voyant ses anciens « bailleurs de fonds » disparaître à la faveur de la Révolution, la belle Adeline avait trouvé dans l’« honnête négociant » de la rue de Cléry, l’homme providentiel qui se ruinerait pour elle. Elle réclamait au fils ce que son père lui avait promis par un acte du 28 janvier 1793, à savoir différents meubles dont un lustre en cristal de roche d’une valeur de 21.000 livres, des bijoux et un service de toilette en vermeil. Donjeux fils fut condamné à livrer les objets à la demoiselle Adeline ou à lui verser la somme de 68.200 livres116. Le fonds de commerce du marchand décédé avait été dispersé dès le 29 mars 1793117. L’avant-propos du catalogue dresse de lui ce portrait laudateur : « Vincent Donjeux s’adonna de bonne heure au commerce ; il mérita bientôt la confiance des premiers amateurs de son tems ; alors, il possédoit les chefs-d’œuvre des maîtres les plus fameux. Une grande activité dans le commerce, et le besoin qu’il avoit contracté de faire continuellement quelque marché, le rendirent bientôt l’un des premiers marchands. Cette activité dont je viens de parler, se soutint jusqu’aux derniers moments de sa vie ; aussi quoiqu’il se soit défait, peu de jours avant sa mort, d’objets de premier ordre, on trouvera encore dans sa collection, un assemblage précieux de tableaux des trois écoles, des marbres, des bronzes, des porcelaines, des meubles magnifiques... ». Et les experts d’ajouter, « son crédit et sa fortune le mettoient à même de se procurer les plus belles choses dans tous les genres...»118. C’est assurément le portrait d’un marchand prospère et ayant réussi que nous livrent les auteurs de cette notice. Ce que confirme l’acquisition par Donjeux, vers 1775, de la « terre et seigneurie » d’Arcueil près de Paris, pour la somme de 34.000 livres ainsi que celle d’une maison située à Paris, rue des Fontaines, pour 24.500 livres. Le marchand possédait déjà à cette date, une « Grande Maison et jardin très orné » située à Gentilly, d’une valeur de 60.000 livres. Il jouissait en outre, en 1775, d’une rente de 1.000 livres « au principal de 25.000 livres » du prince de Conti dont il avait été l’un des fournisseurs, d’une autre rente de 3.000 livres au principal de 60.000 livres de M. de Nicolay père et surtout de 5.000 livres de rente, au principal de 100.000 livres sur M. de Montribloud, Trésorier de la Ville de Lyon119. Pourtant, au moment de son décès sa fortune paraissait bien écornée ; elle se composait de 1.100 francs de rente perpétuelle sur le prince de Salm, transportée sur Donjeux par « le citoyen Damery » ; de 560 francs de rente perpétuelle sur Lefèvre de Caumartin, soit un montant total de 1.660 francs de rente au denier 20, au capital de 33.200 francs120. La protection généreusement accordée à Mademoiselle Adeline avait sans doute davantage contribué à réduire la fortune de l’entreprenant marchand que la Révolution.
44Claude-Florentin Sollier, peintre de l’Académie de Saint-Luc, est qualifié de « négociant en tableaux »121. À la différence de Pierre Rémy, fait assez exceptionnel, il n’était pas issu du milieu artistique. Son père, Pierre Sollier était commis au Trésor royal. Il épousa, en avril 1763, Blanche René Boudin, dont le père était « employé es affaires du Roy »122. Comme Donjeux, il appartient au cercle étroit des marchands les plus actifs de la place de Paris, qui font une grande partie de leur commerce en salle de vente et dont on peut dire qu’ils ont acquis une certaine aisance par leur commerce. Son nom apparaît fréquemment en marge des catalogues de ventes. En 1781, il confia à Pierre Rémy la dispersion d’une partie de son stock123. Celui-ci consistait en vingt-trois lots de peintures italiennes, cent trente-neuf de l’école des Pays-Bas, quatorze de l’école française. La vente ne semble pas avoir été un succès, car un certain nombre de ces tableaux se retrouveront dans l’inventaire dressé après le décès du marchand, survenu le 23 janvier 1784. Ce document révèle la présence d’un stock important de tableaux, de dessins, d’estampes, de bronzes « et autres objets curieux » dans son appartement de la rue de la Monnaie, ainsi que dans un garde-meuble et « une pièce de magasin ». Les experts, Rémy et Donjeux, recensent quatre-vingt-treize tableaux attribués pour la plupart, dont quelques œuvres italiennes, de Sebastiano del Piombo (une Mise au Tombeau)124, Carrache, Sacchi, Turchi, Trevisani ; l’essentiel du fond étant composé d’œuvres hollandaises et flamandes de Netscher, Ruysdael, Wouverman, Van Goyen, Both, Dusart, Swanevelt, Brueghel, Kalf, Molenaer, Rottenhamer, Van Dyck, Lairesse, Steen, Crayer, etc... Les Français sont peu représentés avec seulement un paysage donné à Poussin et une Tête de fille par Greuze. Ce stock est évalué pour les seuls tableaux à 4.442 livres, soit une moyenne de 47 livres 76 sols par tableau. On est loin des prix obtenus en vente publique par les œuvres des maîtres inventoriés ici. Un Portrait de Van Dyck (600 livres) et un Rottenhamer (450 livres), peintre alors très apprécié des amateurs, bénéficient des plus hautes prisées. Le choix des experts peut s’expliquer dans le cas présent, par la recherche d’une certaine confidentialité ; en effet l’inventaire des papiers montre que le défunt était en relations d’affaires avec eux125.
45Avec Jacques Lenglier (ou Langlier), nous touchons au niveau le plus élevé du commerce du tableau. Il apparaît comme l’un des plus gros acheteurs dans toutes les ventes importantes des années 1770-1780. Il figure déjà parmi les acquéreurs dans les ventes de Merval en 1768 et Prousteau en 1769126. Pourtant, le personnage reste peu connu. Son père, Juste Lenglier était un marchand de Sainte-Mairre-en-Beauvaisis. Il épousa en 1763 la fille d’un marchand bonnetier parisien, Marie Françoise Thomazet, qui lui apporta 8.000 livres de dot, lui-même amenant de son côté pour 10.000 livres de « meubles et marchandises ». Il réside alors rue de la Grande-Friperie, paroisse Saint Eustache127. De cette union naquit un fils, Antoine Juste Lenglier128. Lors de son mariage, Jacques Lenglier est qualifié de « Marchand Bonnetier ». Nous ignorons comment, et à quelle date, il passa de la bonneterie au commerce du tableau. À moins qu’il n’ait été influencé dans son choix par Jacques Bailly « dessinateur et garde général des Tableaux du cabinet du Roy », l’un des témoins de la mariée. Lenglier figure très tardivement (1789), dans la liste des membres de l’Académie de Saint-Luc, sans que nous en sachions davantage sur sa formation artistique129. Dans un acte de 1786, il est même qualifié de « Marchand Mercier et marchand de tableaux »130, mais le plus souvent, seul le titre de négociant sert à le désigner. Il s’installe dans un premier temps quai de la Mégisserie, où il se livre au commerce du tableau et du dessin131, puis, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, paroisse Saint-Merry. À la différence de certains de ses confrères, il ne pratiqua l’expertise qu’exceptionnellement. Ainsi, en 1789, il est appelé pour donner son avis sur les tableaux trouvés au domicile d’un « maître fleuriste en peinture », Jean-Louis-Joseph Martus132. Il eut aussi la confiance de certains collectionneurs importants. Pour M. de Saint-Morys, il acquiert à la vente Conti, près d’un tiers des dessins133. À nouveau, en 1779 à la vente Dézallier d’Argenville, il emporte quatre-vingt-quatre des 555 lots dispersés134. Son commerce fut l’un des plus florissants de la Capitale ; Wille recommande la visite de sa boutique à deux voyageurs allemands, en 1781, en ces termes : « M. Langlier, Marchand de tableaux, pour 1 million de Tableaux, remarquez-y le beau Weenincks à 300 Louis »135. Cependant, il faut bien admettre qu’il exerça son commerce sans s’embarrasser de scrupules. Ses acquisitions dans les ventes sont toujours très importantes et il ne se soucie guère de les régler. Ainsi en 1786, il devait aux héritiers Nourri 21.000 livres, pour des tableaux achetés à la vente après décès de ce conseiller au Parlement, en février 1785136. Il devait également au comte de Saint-Morys, 19.000 livres pour solde des acquisitions faites lors de la vente volontaire organisée par ce personnage au mois de février 1786, ainsi que 20.500 livres à Le Brun pour « des acquisitions à crédit » lors d’une vente que celui-ci avait dirigée137. D’un commun accord, afin d’éviter des poursuites judiciaires, créanciers et débiteurs signèrent une convention de remise en vente d’une partie de ces acquisitions. Cette convention précisait, que si les créanciers le souhaitaient, ils pouvaient se porter adjudicataires des lots qui leur convenaient, jusqu’à concurrence de la somme qui leur était due. La vente, dirigée par Le Brun eut lieu le 14 avril 1786, à l’hôtel de Bullion138. On appréciera ces mots de l’avertissement à cette vente : « [...] nous les prevenons [les Amateurs] qu’il n’auront point sous les yeux, de ces Tableaux désagréables par les sujets, & dont la possession ne peut être chère qu’à ceux qui ont lié, pour ainsi dire, une connoissance intime avec l’Art de la Peinture. Le Propriétaire de cette collection, en appréciant le goût du Public, n’a rassemblé que tout ce qui pouvoit être, à la fois, agréable & piquant ». Dans cette vente se trouvaient trente-quatre tableaux italiens, quatre-vingt-quatre de l’école « flamande » et trente tableaux français, ainsi que des sculptures en terre cuite (Pajou, Clodion, De la Rue) ou en marbre, des bronzes, des porcelaines du Japon et de la Chine. Lenglier fut toujours polyvalent dans son commerce, il acheta aussi bien des tableaux que des dessins ou des sculptures ainsi que des objets d’ameublement.
46Lorsque sa femme mourut en 1788, on ne fit aucun inventaire des biens de la communauté. Mais une vente publique, organisée à cette date, nous renseigne très précisément sur les objets d’art qui appartenaient alors au couple et qui constituaient sans doute leur fonds de commerce139. Y figuraient deux cent soixante-dix-huit lots de tableaux dont un grand nombre d’œuvres italiennes, des miniatures, des sculptures et du mobilier. Il faut attendre le 1er Germinal an X pour que les biens de la communauté soient inventoriés dans la maison de la rue de la Convention, occupée à cette époque par Jacques Lenglier140. Cet inventaire nous livre l’image d’un homme qui a mieux traversé la Révolution que son confrère Rémy. Lenglier avait réalisé d’importants investissements immobiliers ; il était propriétaire d’une ferme et de 80 arpents de terre au Ménil, dans le département de l’Oise, et de terres sur la commune de Saint-Maur, dans le canton de Gravilliers, lui venant de son père. Il avait été également propriétaire d’une maison située au Petit Bercy, qu’il avait vendue cinq ans auparavant. Sa situation financière était cependant loin d’être saine ; le montant de ses dettes exprimé en livres puis en francs, s’élevait en effet à 95.805 livres (ou 20.650 francs). Parmi ses créanciers, relevons les noms de Hazard « Marchand de tableaux demeurant à Paris, rue des Moineaux » (pour 350 livres) et de Quellat, également marchand de tableaux, demeurant « au bout du pont des Tuileries » à qui il devait une somme de 7.800 livres141. Ajoutons à ceux-ci, le nom de Deviers [De Viere], marchand de tableaux de la place des Quatre-Nations (pour 4.000 francs). Tous ces personnages qui appartenaient à la nouvelle génération de marchands actifs à l’extrême fin du siècle, poursuivirent leur activité au lendemain de la Révolution. L’importance des emprunts contractés par Lenglier conforte l’image d’un homme entreprenant, sans grands scrupules, comme l’atteste un document de l’an III où l’on rappelle qu’il « a fait faillite plusieurs fois et a toujours mal fait ses affaires »142. Lenglier vit largement du crédit, mais sa situation durant la Révolution le contraint à engager au Mont-de-Piété « cinq tableaux sur bois, cuivre et toile, une Descente de Croix, une Vierge tenant l’enfant Jésus, le Portrait d’un Cardinal et autres objets » en nantissement d’un prêt de 450 francs143. L’inventaire de ses papiers, dressé en l’an X, montre par ailleurs qu’il a fait l’objet de plusieurs poursuites et procédures « à fin de payement de billets et autres créances »144. À cette date, Lenglier était toujours en activité, bien qu’il soit déjà qualifié « d’ancien négociant », dans un acte de 1790145, comme l’atteste l’inventaire des marchandises réalisé par le peintre Guillaume Jean Constantin146. Son stock estimé 1.553 francs, se composait alors de deux cent soixante-quinze tableaux, dont plusieurs de grand format, de nombreux sujets religieux et mythologiques, ainsi que de scènes animalières flamandes et de peintures « de plafonds »147. Sur cet ensemble, seuls trente-quatre tableaux sont attribués, dont quatorze pour l’école française, autant pour l’école italienne et seulement six pour les Flandres. Parmi les artistes mentionnés figurent, Blanchard, Largillière (Portrait d’Adrienne Lecouvreur), Le Mettay, Le Moyne, La Fosse, Galloche, Boucher, Lanfranco, Sebastiano Conca, Boscoli, le cavalier Maltais, et plusieurs œuvres dans le goût de Bassan, de Véronèse, ou de « l’École de Rubens ». Ajoutons à ces tableaux plusieurs bustes d’empereurs ainsi qu’un buste de Louis XV en marbre blanc, et un « buste de forte nature en bronze », des gaines et des tables de marbre, et quelques autres pièces de mobilier. Lenglier déclara également à propos de dix bagues en agate, cornaline et améthyste, qu’elles ne dépendaient pas de la communauté, mais lui avaient été confiées depuis l’apposition des scellés, par le marchand de tableaux Saubert « à l’effet de lui en procurer la vente ».
47À partir de décembre 1792, Lenglier fut membre de la Commission temporaire des Arts du département de Seine-et-Oise, au même titre que Le Brun et Calendrin, avec le titre de « commissaire, estimateur des effets précieux et restaurateur de tableaux »148. En l’an III, ils furent tous trois dénoncés par le Comité d’Instruction Publique au Comité Révolutionnaire, accusés d’avoir « abusé de la confiance du Gouvernement pour dilapider les richesses nationales ». Ayant été désignés pour remplir une mission dont le but était d’estimer des tableaux destinés à être échangés par la République « pour se procurer des grains » auprès de la République de Gênes149, on considéra qu’il était dangereux d’employer des hommes qui « ne jouissent pas d’une réputation bien assurée ». On craignait qu’ils ne tirent profit de leur mission pour faire leurs propres affaires150. On voit donc que la réputation de Lenglier n’était guère meilleure vers la fin de sa vie qu’elle ne l’avait été durant sa période de pleine activité sous l’Ancien Régime.
48Quels enseignements pouvons nous tirer de ce tableau des acteurs du marché ? À quelques rares exceptions, les sources dont nous disposons pour connaître ceux-ci, nous éclairent peu sur la réalité de leur commerce. Seules leurs interventions en ventes publiques donnent une certaine lisibilité à leur pratique commerciale. Les plus importants marchands de la période, Rémy, Basan, et surtout Lenglier, Le Brun et Paillet font une grande partie de leurs affaires dans les ventes publiques. Mais là encore, la prudence s’impose : la mention du nom d’un marchand en marge d’un catalogue de vente ne signifie pas pour autant qu’il ait été le véritable adjudicataire. Très souvent, il n’est que le représentant d’un collectionneur qui souhaite garder l’anonymat. Peut-on entrevoir des domaines de spécialisation au travers des achats de certains marchands en vente publique et à la lumière de certains registres de commerce ? Il semblerait que le nouvel intérêt porté par certains collectionneurs à la peinture française moderne ait suscité l’orientation du commerce de quelques marchands. C’est le cas de Carrier et de Deberreyter, dont une bonne partie de l’activité est consacrée aux tableaux de l’école française moderne, alors que des marchands comme Rémy et Lenglier se portent souvent acquéreurs de tableaux italiens importants. En revanche, tous les marchands, aux différents niveaux de la pratique, font commerce d’œuvres nordiques.
49L’importance des transactions effectuées entre marchands, révélée notamment par les déclarations de faillites, est une des autres caractéristiques du commerce du tableau durant cette période. Certains marchands, comme Carrier, font figure de grossistes, recourant à un réseau de courtiers pour écouler leurs achats soit sur la place de Paris, soit en province, notamment à Rouen, voire en Angleterre. D’autres marchands parisiens, comme Verrier, vont eux-mêmes proposer leur marchandise aux collectionneurs de cette ville151. Rouen apparaît donc comme une plaque tournante de cette activité. Toutefois, les structures du commerce à une échelle locale ou régionale sont encore trop peu connues pour que l’on puisse apprécier avec justesse le rôle du commerce parisien dans la constitution des collections provinciales et ses relais. Ceux-ci sont en revanche mieux connus pour le commerce de l’estampe, comme l’ont montré C. Le Bitouzé, P. Casselle et plus récemment G. Aubert pour la Bretagne. Il est fort possible que certains relais du commerce de l’estampe aient joué occasionnellement le même rôle en matière de tableaux, certains marchands de gravures parisiens étant également, comme nous l’avons vu, marchands de tableaux. Le graveur Wille fait de fréquentes mentions dans son Journal d’envois en province, notamment à Bordeaux. Mais le plus souvent, en l’absence d’un négoce digne de ce nom, les élites locales se tournent vers leurs correspondants parisiens. Bien qu’il ne concerne pas le domaine des collections, l’exemple des Le Pelletier de Rosanbo s’adressant à un agent de la Capitale pour trouver un tableau destiné à leur chapelle de l’église de Guerlesquin, est éloquent : « Vous trouvres (sic) un tableau à bon compte à Paris. Il ne faut pas qu’il soit peint d’après Raphaël et ces fameux peintres de l’antiquité. Il suffira qu’il vienne de Paris pour que nous le trouvions beau ». Ils s’en expliquent d’ailleurs en disant : « Nous sommes plus enthousiastes que connoisseurs »152. Le « label parisien » suffit à garantir la qualité du produit ! En l’absence d’un marché local ou provincial, la Capitale demeure le plus souvent la grande pourvoyeuse des amateurs provinciaux, soit qu’ils résident une partie de l’année à Paris, soit qu’ils y aient des représentants. Un document comme le « Journal » de Henri-Marie Dupré de Geneste (1716-1801), premier secrétaire perpétuel de l’Académie Royale de Metz et collectionneur, révèle les relations de certains amateurs lorrains, notamment le prince de Salm, avec le marché parisien153. De même, c’est à Paris où il vit le plus souvent, que le Dijonnais Antoine Chartraire de Montigny, trésorier général des États de Bourgogne, achète les tableaux et les dessins destinés à son cabinet154. C’est également auprès des marchands parisiens Dalmon, Dubois, Dulac, Duclos et Hamon que le collectionneur angevin Pierre-Louis Eveillard de Livois acquiert une partie des œuvres de sa collection. En 1776, Duclos lui fournit deux tableaux d’Adriaen de Gryef, un Luca Giordano et un tableau de Jean-Baptiste Huet pour 1.400 livres, le marchand lui établissant pour cela un reçu dans lequel il « garantis originaux de chaque maistre » les œuvres vendues155. Il lui céda aussi un tableau « garanti de Bartholomée » [Breenbergh] pour 600 livres. À une date non précisée, Livois achète à Hamon une Sainte Cécile de Carle Vanloo, pour 600 livres et deux tableaux de Karel de Moor pour 240 livres, alors que Dulac lui cède un Boucher pour 600 livres156. Ses achats auprès des marchands de tableaux parisiens sont donc très suivis. À l’opposé, il semble avoir peu fréquenté, du moins comme acheteur, les ventes parisiennes. G. Faroult a trouvé la trace d’un seul achat, une esquisse de Fragonard payée 24 livres, lors d’une vente à l’hôtel de Bullion157. Pour ses acquisitions comme pour ses envois, Livois dispose à Paris d’un agent régulier en la personne du marchand Regnaud, sur lequel nous sommes mal renseignés158. En 1781, il lui annonce qu’il aura « quatre à cinq tableaux » à lui montrer, à l’occasion de son prochain séjour à Paris, outre un Teniers que Livois hésitait à lui payer le prix demandé, et qui pourtant, de l’avis du marchand, était supérieur à une œuvre du même artiste sur le même sujet (Les œuvres de Miséricorde) qui appartenait au duc de Chabot. Les tableaux proposés avaient cependant un handicap ; « ils sont grands, et il n’est pas sûr qu’ils vous plaisent »159. Livois envoie également à Paris les tableaux qui n’ont plus sa faveur. En 1781, il adresse à Regnaud, deux tableaux pour les mettre en vente publique, un ovale de Rembrandt dont le sujet n’est pas précisé [sans doute un portrait], ainsi qu’un autre tableau désigné sous le titre de « la pucelle d’Orléans »160.
50Les amateurs provençaux ne sont pas en reste. Le marquis de Calvière, collectionneur avignonnais, est très actif dans les ventes parisiennes et sans doute auprès des marchands de tableaux161. Il en est de même de Richard, un collectionneur lyonnais162. Très souvent, le séjour parisien de ces amateurs provinciaux coïncide avec la tenue du Salon. C’est l’occasion d’une double rencontre, avec la création contemporaine et l’art ancien vu dans les cabinets et les boutiques des marchands. Il en est ainsi de certains amateurs rouennais et orléanais tels que le baron de Saint-Victor et Aignan-Thomas Desfriches.
51Dans l’état actuel de notre connaissance, le seul marché « régional » à jouer véritablement un rôle de redistribution est celui de l’agglomération lilloise, en relation étroite avec la Flandre, où le peintre Louis Watteau, puis son fils, fournissent en tableaux des maîtres du Nord des amateurs comme Eveillard de Livois163. La situation est bien différente dans la Lorraine du XVIIIe siècle étudiée par G. Voreaux, qui a retrouvé la trace d’un seul libraire, brocanteur et marchand de curiosités se livrant également au commerce des tableaux, à Nancy entre 1776 et 1793164, alors que les collectionneurs étaient relativement nombreux dans ce pays. Les ventes publiques suppléaient fort heureusement à cette carence165. La situation n’était guère plus enviable dans le Midi de la France. Dans une ville comme Montpellier, le commerce d’art en était encore à ses balbutiements en 1778, d’après un témoignage du marchand d’estampes montpelliérain Abraham Fontanel166. Il reconnaît pourtant que l’on y : « trouve... d’assez beaux morceaux dans les cabinets des curieux ; mais ils viennent d’ailleurs que des artistes de la ville...»167.
Les marchands-experts, une catégorie à part
52La seconde moitié du XVIIIe siècle voit, à la suite de Gersaint, l’apparition du marchand-expert en vente publique. Joignant à son expérience professionnelle un solide esprit d’entreprise, il joue très rapidement un rôle de premier plan dans l’essor du marché de l’art parisien. Au sein de ce cercle restreint, quatre personnalités se distinguent, Pierre Rémy, François Joullain, Alexandre-Joseph Paillet et Jean-Baptiste Pierre Le Brun.
Pierre Rémy, « bon connoisseur » jalousé par ses confrères
53Pierre Rémy168 serait né vers 1715 ou 1716. Son père, Louis Rémy, est qualifié de « Maître Peintre de l’Académie de Saint-Luc, ancien Maître et Garde de la Communauté »169. Il est lié au milieu des marbriers du roi par son mariage en 1738 avec Marie-Edmée Adan, fille de Jean Adan « Maître sculpteur marbrier »170. Il devint également par cette union, le cousin par alliance de Gersaint171. Reçu maître peintre de l’Académie de Saint-Luc le 7 novembre 1749172, P. Rémy en devient l’un des quatre « directeurs gardes » le 19 octobre 1753. Très rapidement, son métier de peintre passe au second plan au profit du commerce de l’art. Dans l’avant-propos du catalogue de la vente Gaignat (en 1768), il rappelle que « C’est en 1737 que j’ai commencé mon Commerce : j’avais étudié sous les plus habiles connoisseurs...»173. Jacques Pingat, le peintre-marchand du pont Notre-Dame fut l’un d’eux. Par son testament, il institua Pierre Rémy son exécuteur testamentaire, le qualifiant alors de « mon ancien ami »174. On peut même penser que Pingat favorisa les débuts de Rémy dans le commerce du tableau. En effet, dans certaines affaires, Rémy semble lui avoir servi de prête-nom. Il lui doit sans doute ses débuts dans l’expertise par une sorte de cooptation. Nous reviendrons ultérieurement sur cet aspect majeur de l’activité de Rémy. Celui-ci reçut, dans un premier temps, ses clients dans sa boutique de la rue Poupée, « au coin de la rue Haute-Feuille », où il faisait commerce d’estampes et de tableaux175. Il paraît même s’être occupé, à ses débuts, principalement du commerce des estampes anciennes et modernes176. La vente qu’il organisa en 1772 à son domicile, était-elle celle de sa collection personnelle ou de son fonds de commerce ? Il est difficile de se prononcer. Néanmoins, la présence de planches gravées et d’épreuves, et le nombre important d’estampes, inclinent en faveur de la seconde hypothèse. Toutefois, il n’est pas impossible qu’œuvres de collection (dessins) et stock aient été mêlés. Le catalogue rédigé en cette occasion ne comprend pas moins de six cent vingt-sept lots ; les estampes (3725 soit 55,2 % du stock) et les dessins des « trois écoles » (121 lots soit 19,2 % du stock) l’emportant en nombre sur les tableaux (56 soit 19,2 % du stock)177. Parmi les cinquante-six tableaux mentionnés, quatorze étaient de l’école italienne, vingt-deux flamands ou hollandais et vingt français. Soulignons la présence de deux natures mortes de Linard, artiste alors peu connu178.
54C’est peut-être pour se procurer les liquidités nécessaires à sa nouvelle installation à quelques rues de là, rue des Grands-Augustins, dans une maison dont il fit l’acquisition en 1773179, que Rémy organisa cette vente. Le marchand, alors en pleine ascension, souhaitait sans doute se rapprocher du centre névralgique de ses affaires, le couvent des Grands-Augustins où se déroulèrent la plupart des ventes de la période et où il officia fréquemment. On notera également qu’il choisit de s’installer dans le quartier traditionnel du commerce de l’estampe. Il a alors pour proche voisin J.-G. Wille qui l’introduit auprès de certains amateurs allemands. C’est dans son ancienne boutique de la rue Poupée qu’il reçut en 1760 la visite du graveur, accompagné du duc de Deux-Ponts, un familier du marché de l’art parisien. Wille a consigné ce fait dans son Journal, à la date du 1er mars 1760 : « Je le menai [le duc de Deux-Ponts] chez M. Rémi, pour voir un tableau du Poussin qu’il acheta pour cent louis. C’étoit une Adoration des bergers. Ce tableau sera transporté à Mannheim, pour être mis dans le cabinet de l’Électeur Palatin »180. Le duc de Deux-Ponts fut satisfait, car nous savons qu’il lui acheta d’autres tableaux, et cette foisci pour sa propre collection181. Les deux hommes entretinrent des relations suivies ; Rémy adressant régulièrement au duc les catalogues des ventes dont il était l’expert182. Il entretint des relations privilégiées avec les marchands et les collectionneurs étrangers, comme nous le montrent ses nombreux achats en vente publique « pour l’Angleterre », ainsi qu’une allusion glissée dans les Dialogues sur la Peinture, en 1773, où on lui prête ces mots : « Comme je ne commerce qu’avec les étrangers, ils sont difficiles, ils veulent de l’Italien ou bien du vieux François ; ils aiment les substances en peinture »183. Nous sommes très mal renseignés sur les transactions opérées par Pierre Rémy dans le cadre de sa boutique. Nous savons tout au plus qu’il comptait parmi ses clients un illustre collectionneur, le marquis d’Argenson184, auquel il vendit, sans doute en 1756, une Adoration des bergers de Palma Giovane achetée à la vente Tallard, qui avait autrefois été dans l’église Saint-Leu à Paris185. Un autre grand amateur, Paignon-Dijonval, secrétaire du roi, lui acheta, vers la même date, deux Compositions d’architecture de Salucci avec des figures de Jean Miel186. Nous savons par les nombreux achats que Rémy faisait « pour luy »187 dans les ventes publiques, y compris dans celles dont il assurait la direction, que sa boutique devait être l’une des mieux achalandées de Paris. Dès les années 1750, sa réputation est bien établie. On le qualifie alors de « peintre et négotiant en tableaux, et autres curiosités, bon connoisseur »188. En 1776 dans l’Almanach de Le Brun, il est significatif qu’il n’apparaisse pas dans la rubrique des marchands mais parmi les collectionneurs, « possesseur d’un très riche Cabinet de Dessins », sans doute pour valoriser chez lui le connaisseur avant de préciser qu’il « fait ventes & prisées de Tableaux, Dessins, estampes et Histoire Naturelle »189. En étendant ainsi ses compétences aux curiosités naturelles, Rémy s’inscrivait dans la descendance commerciale directe de Gersaint.
55Nous sommes beaucoup mieux renseignés sur sa carrière d’expert, et l’on peut dire que Rémy arrive à un moment favorable. La disparition de Gersaint, survenue en 1750, laissait un grand vide en ce domaine. Marchand entreprenant, il s’imposa très vite comme l’homme providentiel et bénéficia de l’absence d’une réelle concurrence. À partir de 1751, Rémy apparaît fréquemment comme expert dans les inventaires après décès, principalement ceux de ses confrères de l’Académie de Saint-Luc ou d’autres artistes, sans oublier les plus grands amateurs de la période, s’octroyant une sorte de monopole que ses concurrents ne lui pardonneront pas. Dès lors, il ne compte plus ses succès et ses ennemis acharnés à le perdre, comme le montre sa réponse à ses détracteurs à l’occasion de la vente Gaignat en 1768 : « S’il ne me convient pas de [me] prononcer sur le rang que je puis occuper parmi mes concurrents, il doit du moins m’être permis de dire qu’après voir vu disparaître beaucoup d’Amateurs qui m’honoroient de leur confiance & de leur estime, j’ai eu le bonheur d’en retrouver d’autres qui daignent m’accorder les mêmes sentimens ; j’ajouterai que les personnes qui m’ont chargé de commissions, ou à qui j’ai vendu des tableaux, soit Étrangers, soit François, ne diront pas que je leur ai donné une copie pour un original, ou un Tableau d’un Maître pour être d’un autre, sans leur avoir fait part de mon opinion ou de ce qu’on m’en avoit dit. Quand j’ai vendu un Tableau pour être bien conservé, a-t-on trouvé des repeints ? Je ne crains aucun de ces repproches »190. Rémy eut assurément la confiance d’un grand nombre d’amateurs et non des moindres. On dresse de lui en 1787, ce portrait flatteur : « l’homme le plus plein de probité, jouissant de cette réputation entière et ayant été choisi pour nombre de ces opérations [d’expertise], notamment pour celles des tableaux des successions des sieurs Gagnat et de Gagni »191.
56Entre 1760 et 1770, Rémy est omniprésent ; il s’impose très rapidement comme l’expert à la mode ; aucune grande succession ne lui échappe et il monopolise pendant près de vingt ans les ventes les plus importantes. Le Mercure de France rend hommage à son savoir faire à l’occasion de la parution du catalogue du cabinet Gaignat, en 1768. Après avoir évoqué le rôle pionnier de Gersaint et la qualité des catalogues qu’il a rédigés, l’auteur de l’article poursuit en disant : « Ceux [les catalogues] de M. Rémy, peintre de l’académie de St Luc ne le sont pas moins, dans les descriptions qu’il a données des cabinets de M. le duc de Tallard & de M. de Jullienne, on a reconnu beaucoup d’intelligence dans toutes les parties de la peinture, une connoissance sûre des différentes écoles, & une appréciation juste du mérite particulier de chaque maître ; ce qui rend ces catalogues intéressans pour les amateurs & très utiles pour ceux qui veulent le devenir. Il est vrai qu’ils doivent déplaire à la classe nombreuse des brocanteurs que ces catalogues empêchent de profiter aux ventes des heureuses découvertes qu’ils pourroient devoir à leurs connoissances. La confiance publique dont M. Rémy a eu tant de preuves, auroit dû le dispenser de l’espèce d’apologie qui termine son avant-propos. Il est naturel que les talens excitent l’envie & que les succès l’irritent ; mais il ne l’est pas que les envieux ; qui rarement ignorent leurs torts, les reconnoissent. Ceux dont la malignité se plait à crier, crient encore plus fort toutes les fois qu’on leur démontre leur bassesse, & toute l’injustice de leur jalousie...»192. Nous possédons un autre témoignage de sa probité, celui de l’abbé Le Brun. Dans son Almanach, il écrit à propos de Rémy qu’il « doit à sa douceur et à l’honnêteté la plus scrupuleuse, la confiance de plusieurs grands seigneurs dont il entretient les cabinets »193. Le nombre et la qualité des ventes qu’il dirigea suffiraient à le considérer comme le plus grand expert de la période après Gersaint, dont il recueillit l’héritage, les méthodes et une partie de l’esprit d’entreprise. Il eut également la confiance de la Direction des Bâtiments du roi qui le chargea de commissions pour les collections royales lors des ventes Randon de Boisset et Conti, en 1777194, service pour lequel il perçut une gratification s’élevant à 1.200 livres. Pourtant, après cette date et l’échec retentissant de la vente Conti, qui sans doute sonna le glas de ses affaires, ses interventions en tant qu’expert et comme marchand se font plus rares, jusqu’à ce que progressivement, son nom disparaisse des catalogues. Néanmoins, bien qu’il déclare en 1787 « qu’il ne se mêlait plus de faire aucune de ces ventes...»195, alors qu’il est sommé par un client mécontent du marchand Martin, d’assurer la vente de ses tableaux, il poursuit ses activités, comme le montre le catalogue de la vente du financier Beaujon, qu’il dirige cette année-là. On peut d’ailleurs se demander si son intervention peu claire, en tant qu’expert dans cette affaire « Coutant contre Martin »196, n’a pas quelque peu terni sa réputation et fourni à ses concurrents l’occasion de mener une cabale visant à le discréditer. Ce qui expliquerait la nécessité de se défendre dans l’avant-propos de ce catalogue où il invoque : « Les mauvais propos qu’enfante la basse jalousie & les lettres anonymes adressées à M. Beaujon, [qui] n’ont jamais altéré la confiance qu’il avoit en nous, il nous a même honoré de sa protection la plus marquée, lorsque les occasions s’en sont présentées [...] »197. Toujours est-il qu’entre 1787 et 1791, il ne dirigea que cinq ventes ; les dernières auxquelles son nom est associé étant celles de Mme Bellanger, « de l’académie de Saint-Luc » épouse du marchand-mercier Flamand, en mars 1791 et celle de Du C[hartreaux] et [Savalet], en mai de la même année198. De même, son ultime apparition en tant qu’expert dans une succession remonte à l’année 1790199. Il est mentionné, pour la dernière fois dans un acte en 1791, la déclaration de faillite de François-Alexandre Plantier, peintre en miniature, où il apparaît son débiteur aux côtés de deux autres marchands, Duclos, son voisin de la rue des Grands-Augustins et Guérin, installé rue du Gros Chenet200. Pourtant Rémy se mêle encore occasionnellement du commerce du tableau, comme le montre une procédure intentée par le citoyen Savalette de Lange, commissaire de la Trésorerie nationale qui lui réclamait en 1793 la somme de « 10.170 livres de principal pour prix de la vente de tableaux »201. Rémy devait mourir quelques années plus tard, le 29 frimaire an VI (1797)202, dans sa maison située au n° 11 de la rue des Grands-Augustins. Son inventaire après décès203 ne nous éclaire guère sur son activité commerciale ; il arrive en effet trop tard, alors que le peintre, âgé, retiré des affaires depuis de nombreuses années, a vraisemblablement été ruiné par la Révolution. Cependant, la situation financière du ménage Rémy était loin d’être modeste, si l’on considère leurs placements immobiliers. En 1771, ils avaient racheté aux héritiers de la veuve Thibœuf, parente de la femme de Rémy, les parts d’une maison située rue de Bretagne « au Marais », et acheté en 1773, leur maison de la rue des Grands-Augustins, pour la somme de 32.500 livres. Le 5 Messidor an II, sans doute pour assurer leur vieillesse, ils avaient vendu moyennant 50.000 livres, leur « campagne », soit une « maison, cour, jardin et dépendances » avec douze arpents de terre située à Lays dans l’Oise, dont ils s’étaient cependant réservés l’usufruit. Ils possédaient également différentes pièces de terre sur la même commune. De plus, ils louaient à différentes personnes une bonne partie de l’immeuble de la rue des Grands-Augustins dont ils tiraient un revenu annuel de 1.184 livres. Au moment de son décès, les dettes passives de Rémy et de son épouse s’élèvent à 3.211 livres seulement. Toutefois, leur cadre de vie est modeste et ne conserve presque nulle trace de l’activité du collectionneur mentionné par l’abbé Le Brun, vingt ans plus tôt. Il y avait sans doute longtemps que Rémy s’était séparé de ses trésors d’art graphique. En revanche, il possédait encore quelques tableaux inventoriés par Claude-Marie Cornillon, marchand de tableaux de la rue des Fossés-Montmartre. Parmi ceux-ci se trouvait un grand tableau « dont les figures sont de grandeur naturelle », représentant « Une famille occupée à différents ouvrages domestiques », attribué à Crespi, « ou dans la manière de Murillo ». La veuve de Rémy déclarait à propos de ce tableau qu’il avait été vendu par le défunt, au citoyen Villeminot, qui n’en prit pas livraison « attendu qu’il n’avoit pas un emplacement convenable »204. Nous trouvons également un Passage du Rhin par les troupes françaises, attribué à Martin, Les Filles de Jéthro de Bourdon205, un « Sujet romain » de Julien de Parme, deux Paysages de Francisque Millet, un Portement de Croix « par le vieux Bruzelle [Brueghel] », des Ruines de Rome dans le style de Pannini, un Bouquet de fleurs par Blin de Fontenay, trois grandes toiles « traitant différents sujets », peints « dans le stile de Vanloo », deux esquisses anonymes représentant Saint Jean dans le désert et Bacchus et Ariane, des copies d’après le Dominiquin et une nature morte « dans le stile de Wanix [Weenix] ». S’il est difficile d’établir pour ces tableaux, une démarcation nette entre marchandises et vestiges d’une collection personnelle, on peut voir dans la présence de planches de cuivre gravées par Le May et Tardieu, ainsi que des épreuves « desdites planches », le reliquat de son activité commerciale. Nous trouvons également plusieurs portefeuilles de dessins et d’estampes qui pourraient bien être les invendus de la vente organisée par le peintre-marchand en 1772206.
Les Joullain : père et fils
57La carrière de François Joullain (1697-1778) fut assez proche de celle de Pierre Rémy dont il est le contemporain. Il fut à la fois graveur, éditeur et marchand d’estampes et de tableaux207. Reçu à l’Académie de Saint-Luc le 13 août 1733, il en devint directeur le 19 octobre 1747208. Très vite, il délaissa le métier de graveur pour se consacrer au commerce de l’estampe et du tableau dans sa boutique du quai de la Mégisserie, à l’enseigne de la Ville de Rome, ainsi qu’à l’expertise et à l’organisation de ventes publiques. À la différence de P. Rémy, il consacrera l’essentiel de son activité à l’estampe. C’est d’ailleurs à cet aspect de son commerce qu’il doit sa réputation et d’être mentionné dans l’Almanach de 1776, comme « un des marchands de Paris, et peut-être de l’Europe, le plus curieux & le mieux assorti en portraits anciens, grands & petits, de toutes les Écoles, & les plus rares. Connaisseur éclairé, il fait des envois en Province… »209. Si son nom apparaît à l’occasion de quelques ventes de tableaux dont il fit également commerce, il fut surtout mandaté pour les ventes de dessins et d’estampes qui demeurent sa spécialité. L’inventaire dressé en juillet 1762, à l’occasion du décès de sa femme, Marguerite Gautrot, la fille d’un maître-peintre, nous fournit un état de son fonds de commerce210. Y sont mentionnés 867 portefeuilles d’estampes et un grand nombre de volumes, cahiers de gravures, et estampes en feuilles, ce qui révèle son activité dominante. Cent quarante tableaux sont inventoriés à la suite, avec notamment des œuvres de Blanchard, Besnard, Chardin, Lancret, Van der Meulen, Van Goyen, Teniers, Kalf, Louis Carrache, Claude Lorrain, Verdier, Procaccini, Loir, Monnoyer, Chantereau, Favanne, Boucher, Rosa, Champaigne (un Saint Augustin), Watteau (un petit paysage), Asselyn, Begeyn, ainsi que des œuvres d’après Rubens et des tabagies « dans le goût de Braor [Brouwer] », le tout estimé à la somme modeste de 1.747 livres. Il s’agit là encore d’une marchandise à petit prix : 21,4 % du stock étant estimé moins de dix livres et 24,2 % entre onze et quarante livres. Les estimations les plus hautes vont à un tableau de Blanchard (120 livres) et à deux pendants de Lancret (100 livres), alors que les tableaux de Chardin ne sont estimés que 24 livres.
58Cette liste et ces chiffres reflètent la variété mais également et surtout la relative modestie du commerce de tableaux de François Joullain. À cette époque, celui-ci était en relations d’affaires avec les marchands anglais, Boydell211 et Vivarès, vraisemblablement pour son commerce de gravures. Il était « en société » pour la vente de certains tableaux, avec ses confrères Colins et Boileau. Sa situation financière paraît avoir été relativement confortable puisqu’il disposait alors de 7.190 livres « en deniers comptant ».
59À son décès, le 5 octobre 1778, il laisse pour près de 20.000 livres de tableaux, estampes et planches gravées212. Ses marchandises se composent de plus de 40.000 estampes et de 1.049 dessins regroupés dans le magasin situé au second étage de sa maison. En rapport, les tableaux inventoriés à cette date sont peu de choses ; il y en avait cinquante que nous retrouverons dans la vente après décès du marchand. Cette fois encore, cet inventaire révèle bien les priorités commerciales de Joullain et montre qu’en matière de tableaux, son commerce se situait à un niveau moyen. Le tout fut dispersé en deux fois, les 17 mai et 27 septembre 1779. L’avant-propos de la première vente souligne les qualités de François Joullain, qualifié de « connoisseur... doué d’une grande probité, et [qui] jouissait de l’estime générale » ainsi que le caractère exceptionnel de l’ensemble laissé par le défunt213. Parmi les tableaux vendus se trouvaient des œuvres de Ribera, Marco Ricci, Carlo Maratta, Rosalba Carriera, Rigaud, Mauperché, Cazes ainsi que quatre tableaux par Dumont le Romain et enfin quelques œuvres hollandaises de qualité modeste. Comme on pouvait s’y attendre, ce sont les dessins (805 feuilles) et les estampes (plusieurs milliers) qui constituaient la part la plus importante et la plus précieuse des objets laissés par le marchand, dont il est difficile de départager ce qui pourrait relever d’une hypothétique collection personnelle et ce qui constituait le fonds de commerce, comme c’est souvent le cas pour les inventaires de marchands. Parmi les dessins, aux côtés de nombreuses feuilles « historiques » de Fra Bartolomeo, Rosso, Palma, Polidore da Caravaggio, Parmesan,A. Carrache, Sacchi, Reni, Cantarini, Testa, Rosa, le cavalier d’Arpin etc... et des feuilles des maîtres hollandais et flamands, figurent en grande quantité les œuvres des contemporains français avec qui Joullain fut en relation. La vente de la totalité de ses marchandises produisit 51.487 livres214.
60François-Charles Joullain, fils du précédent, fut également marchand et expert en ventes publiques215. Le contrat de mariage de François-Charles avec la demoiselle Leclerc, en 1758, montre que l’affaire Joullain était une affaire familiale. Une clause de cet acte précise en effet, que François Joullain et son épouse cèdent à leur fils « la partie de [leur] commerce qui concerne les encadrages pour en faire son profit tant qu’il demeurerait avec [eux] et qu’il [leur] donneroit ses peines et soins pour [leur] commerce »216. Pour l’aider à se lancer dans les affaires, ses parents lui avancèrent les fonds (3.425 livres) et les marchandises nécessaires. Parmi ces dernières, se trouvait la planche du portrait en pied de Bossuet, gravée par Drevet d’après Hyacinthe Rigaud. À ce premier prêt, François Joullain en ajouta un second de 14.575 livres, après la mort de sa femme en 1762. Les époux Joullain n’eurent qu’à se louer de cette collaboration, comme François Joullain le rappelle dans son testament : « Cet arrangement a eu son exécution parfaite, mon fils s’est livré aux affaires et opérations de mon commerce pour mon compte et celui de ma femme tant qu’elle a vécu [...] d’ailleurs, persévérant à demeurer avec moi, il sacrifiait à mon utilité des talens et des connoissances dont il auroit pu tirer un grand avantage en se livrant entièrement à ses affaires personnelles »217. C’est donc tout naturellement que François-Charles Joullain succéda à son père dans son commerce qu’il semblait avoir déjà diversifié, comme le montre un passage du testament de François Joullain. Il y est dit que son fils avait chez lui des « tableaux, estampes, mignatures, desseins, planches, porcelaines, pièces d’histoire naturelle et autres effets de curiosité de son commerce... ». Du vivant même de son père, François-Charles Joullain exerçait comme lui, conjointement à son commerce, les fonctions d’expert dans les ventes et son nom apparaît pour la première fois comme rédacteur d’un catalogue en 1763218. Stimulé sans doute par le grand essor des ventes aux enchères, il paraît avoir accordé une priorité à cette activité. Une liste jointe au catalogue Le Bas (1783) lui attribue la rédaction de cent trente-trois catalogues composés « seul, & en société »219. Il fut cependant moins chanceux, ou moins compétent dans son commerce que son père ; en effet il fit faillite en août 1783220, laissant pour 27.741 livres 12 sols de dettes « privilégiées, hippotequantes et chirographaires ». Parmi ses créanciers figurent son confrère Dulac, de la rue Saint-Honoré, les marchands d’estampes Alibert et Torré, le peintre Lucas Auger, A. de Peters, peintre en miniature, M. de Saint-Yves et l’huissier commissaire-priseur Florentin. Son actif évalué à 45.020 livres, se composait de 32.500 livres correspondant au montant de la vente de la maison familiale du quai de la Mégisserie, de 6.500 livres provenant de la vente de ses « Tableaux, dessins, estampes, planches et autres objets de curiosités » et de dettes actives à recouvrer pour un montant de 6.020 livres221. Parmi ses plus gros débiteurs, on notera le marchand Damon. C’est précisément au cours de cette année 1783 qu’il joignit à ses activités traditionnelles, celle de « théoricien » du marché de l’art en nous livrant ses Réflexions sur la peinture et la gravure, à un moment où celui-ci connaissait une mutation radicale. François-Charles Joullain mourut en 1790.
Paillet et Le Brun : deux experts entreprenants des années 1780
61Le cas d’Alexandre-Joseph Paillet est quelque peu différent. Nous devons à Jolynn Edwards d’être bien renseignés sur ce personnage. Né à Paris en 1743 et fils d’un maître tailleur, il ne descendait pas, semble-t-il, de la famille des peintres portant le même patronyme222. Paillet fut cependant lié au milieu des marchands merciers par sa sœur qui avait épousé François-Nicolas Giroust. Son frère, Pierre-François Paillet était huissier commissaire-priseur. On peut se demander si ce double parrainage ne contribua pas à orienter sa future activité. Toutefois, ainsi que l’a judicieusement proposé J. Edwards, les relations de voisinage ont pu être déterminantes ; sa famille demeurant à proximité de celle de Pierre Le Brun, qui exerçait précisément la profession de peintre-marchand. Paillet est reçu à l’Académie de Saint-Luc en 1771, sans que la qualité de peintre serve à le désigner. Il y apparaît seulement comme « marchand et expert »223, bien qu’il fût pourtant peintre, même si les traces de son activité en ce domaine sont rares224, et quelque peu restaurateur. Ses débuts dans le commerce d’art, traditionnels pour un membre de l’Académie de Saint-Luc, remontent en mai 1768, date de sa première mention en tant qu’acheteur dans une vente publique. Dès lors il sera désigné indistinctement avec les titres de « peintre », « peintre et négociant à Paris », « marchand de tableaux », de « marchand et expert » ou bien encore « marchand de tous objets curieux »225. Cette dernière appellation correspondant davantage à ses activités que les précédentes, puisqu’il ne se limita jamais au seul domaine du tableau, comme d’ailleurs la plupart de ses confrères.
62C’est en 1774 seulement que sa carrière prit une nouvelle orientation avec sa première participation à une vente publique comme expert. En avril 1775, il s’associait avec Charles-André Mercier et sa femme, pour prendre en location l’hôtel d’Aligre, rue saint-Honoré. Le bail stipule qu’ils obtenaient la jouissance d’une suite de pièces situées au premier étage du bâtiment, d’une cour et d’un magasin au rez-de-chaussée, ceci pour un loyer annuel de 1.500 livres et pour une durée de neuf ans226. L’existence d’une boutique dans ce lieu où Paillet organisa ses ventes publiques, est confirmée par l’Almanach historique et raisonné de Le Brun, de 1776227. L’association Paillet-Mercier devait s’avérer malheureuse et de courte durée, car Charles-André Mercier, non seulement n’acquittait pas sa part de loyer mais fut mis en faillite en avril 1778. Ne pouvant dès lors assumer seul cette location, et un autre locataire ayant repris le bail du bâtiment en son entier, Paillet se résigna à quitter l’hôtel d’Aligre pour s’établir à l’hôtel de Bullion. Il poursuivit ses activités de marchand-expert bien au-delà de notre période, puisqu’il mourut en janvier 1814.
63Jean-Baptiste Pierre Le Brun (1748-1813) hérita, quant à lui, d’une longue et solide tradition familiale grâce à son père, Pierre Le Brun, peintre miniaturiste et marchand de tableaux et de curiosités. Il reçut une formation de peintre passant successivement dans les ateliers de Boucher, puis de Jean-Baptiste Deshays. Il dut sans doute à la protection du premier, de figurer parmi les élèves de l’École du Modèle à l’Académie Royale de peinture et sculpture, entre 1766 et 1769228, date à laquelle il concourut pour le Grand prix de peinture, sans aller au-delà de l’épreuve de l’esquisse229. À la suite d’une nouvelle tentative malheureuse en 1770, il mit un terme à une carrière de peintre et d’académicien. Vers 1771, il présenta sa candidature à l’Académie de Saint-Luc230. Dans la préface de sa Galerie des peintres flamands, il rappelle comment, élève de Boucher et de Deshays, il dut délaisser la palette et les pinceaux pour la voie du commerce231. La disparition de son père, en 1771, l’appelait à la direction des affaires familiales, très développées et prospères. La qualité de peintre l’emporta cependant toujours chez lui sur la qualification de marchand, comme le montrent les actes officiels dans lesquels il est toujours désigné comme « peintre » ou « artiste peintre »232. Lui-même privilégia ce titre, lorsqu’il publia sa Galerie des Peintres, en 1792-1796233, et dans une lettre datée de l’an XI, il justifie ses raisons de ne pas payer de patente, en proclamant haut et fort : « Jay prouvé par des Tableaux d’histoire, de poterait (sic) et de Genre que j’étois artiste et non pas un Boutiquier ou magazinier [...] »234. Ce qui montre bien qu’il chercha toujours à faire reconnaître sa qualité de peintre comme son premier statut, s’inscrivant ainsi dans une continuité familiale, même s’il était parfaitement conscient de ses limites235. C’est d’ailleurs dans la pure tradition académique qu’il s’est représenté dans son Autoportrait de 1795 (coll. privée). En revanche c’est bien comme « peintre et marchand de tableaux » qu’il sera désigné dans le compte de sa succession236. Dans une lettre de 1808, Le Brun rappelle combien « aiant dès ma plus tendre enfansses (sic) été elevé au milieu des chef d’œuvres des plus grands maîtres tels que les Collection Croza Baron de Thiers que la France a perdu étant passée en Russie, ceux de Gagnie, Gagna et enfin du prince de Conti ; devenu premier peintre et directeur des Gallerie d’Orléans et d’Artois, tout ma vie c’est passée à la recherche de la Connoissance des Maîtres »237. Le Brun est sans doute, avec Gersaint et Paillet, le marchand qui a le plus retenu l’attention des historiens. L’homme et son activité sont bien connus depuis les travaux de G. Emile-Mâle238, de C.B. Bailey239, de F. Haskell240 et surtout la thèse de F. Camus241. Nous nous limiterons donc à quelques aperçus de ses activités professionnelles qui dépassent largement, par leur durée, les limites chronologiques de cette étude. Vers l’âge de vingt-trois ou vingt-quatre ans, il prend la direction de l’affaire familiale, mais il n’a pas attendu cette « majorité commerciale » pour intervenir dans les ventes publiques. On le voit ainsi acheter en 1770 dans la vente Fortier, une Sainte Famille d’après Raphaël, une Vierge à l’Enfant et un tableau ovale de Charles de La Fosse242. Son père, marchand de tableaux et de curiosités, l’avait peut-être associé à son commerce dès cette date, voire même avant. À moins qu’il n’ait débuté comme courtier selon la forme classique de l’apprentissage du commerce du tableau. Dès lors, il est présent dans la plupart des ventes de la période et se distingue très souvent par des achats aussi nombreux qu’importants, qu’il ne fut pas toujours en état d’acquitter. Ainsi, alors qu’il s’était porté acquéreur de vingt-six tableaux à la vente Blondel de Gagny, en 1776, l’année suivante, il enlève encore vingt tableaux chez Randon de Boisset et se trouve en difficulté pour régler le montant de ses acquisitions s’élevant à 194.050 livres. Quelques mois seulement après la clôture de cette vente, il dut rétrocéder une partie des tableaux achetés pour un montant de 52.800 livres. Il y ajouta La Rencontre de Jacob et Laban de Pierre de Cortone qu’il venait d’acquérir à la vente Conti pour la somme énorme de 36.001 livres ; soit un montant total de 88.800 livres. Le solde fut réglé en billets émis pour un montant de 105.250 livres qui n’étaient cependant pas encore acquittés en 1779243. Comme on le voit, une bonne partie du commerce de Le Brun reposait sur le crédit, pratique qu’il partageait avec ses deux confrères, Donjeux et Lenglier avec lesquels il régna en maître sur le marché du tableau à partir de la fin des années 1770 jusqu’au lendemain de la Révolution.
64Représentant d’une nouvelle génération de marchands-entrepreneurs, Le Brun a parfaitement conscience que la pratique du commerce du tableau est en train d’évoluer. Ambitieux et habile, héritier de surcroît d’une longue tradition commerciale, celle des marchands merciers, et bénéficiant de l’expérience de ses grands prédécesseurs, Gersaint, Rémy et Joullain, Le Brun arrive sur la scène parisienne alors que les ventes publiques sont en plein essor et en devient l’un des acteurs principaux. Il se distingue rapidement de la pratique paternelle, par l’envergure de ses affaires et le réseau qu’il met en place, de même que par ses relations avec les places étrangères. Il contribua incontestablement à transformer la pratique et à faire du peintre marchand un véritable entrepreneur, annonçant par là une évolution qui allait conduire aux grands marchands d’art des XIXe et XXe siècles. A-t-il mérité pour autant le jugement flatteur de F. Haskell qui voit en lui le : « ... dernier et peut-être le plus grand représentant de la distinguée et longue lignée des marchands amateurs français du XVIIIe siècle »?244 Il est vrai qu’il réunit les qualités du connaisseur, de l’entrepreneur et du théoricien et qu’à ce titre il fait figure de cas exceptionnel. Aux moyens traditionnels du commerce de l’art (expertise, organisation de ventes, publicité, réseau de relations), Le Brun sut ajouter une vie sociale très riche pour conquérir une nouvelle clientèle de collectionneurs. Le fondement de cette vie de société qui eut pour cadre l’hôtel de Lubert, rue de Cléry, fut son mariage, en 1776, avec Élisabeth Vigée, dont le talent commençait à être reconnu, bien que de nombreux amis aient essayé de la dissuader de ce qu’ils qualifiaient de « sottise »245. La (mauvaise) réputation de Le Brun était de notoriété publique ; débauché, il était également un joueur impénitent. E. Vigée-Lebrun rappelle à propos de son mariage une anecdote sur les dons de stratège de Le Brun : le marchand s’étant engagé auparavant à épouser la fille d’un marchand hollandais « avec lequel il faisait un grand commerce en tableaux », son union avait été quelque temps tenue secrète246. Il avait demandé à sa femme « de ne point le déclarer avant qu’il eût terminé ses affaires ». Le mariage on le sait ne fût pas heureux, d’autant que Le Brun, volontiers dépensier, révéla rapidement sa véritable nature. Un passage des Souvenirs de Mme Vigée-Lebrun, en dit long sur la tyrannie financière qu’exerçait le marchand sur sa femme. Celle-ci raconte que tous ses proches « savent que M. Le Brun s’emparait en totalité de l’argent que je gagnais, me disant qu’il le ferait valoir dans son commerce...»247
65Bien qu’il ait fait une grande partie de son commerce en salle des ventes, comme la plupart des grands marchands de la période, Le Brun ne négligea pas la vente en boutique, forme plus traditionnelle du négoce du tableau. Il était installé en 1776, rue de l’Arbre-Sec où il tenait d’après l’Almanach des Artistes un « magasin de Tableaux de toutes les Écoles, & de Dessins précieux ». L’auteur de cette notice publicitaire précise que « les recherches qu’il va souvent faire en Hollande & dans les Pays-Bas ont étendu son commerce, & l’ont rendu plus éclairé. Il fait prisées & ventes »248. Jean-Baptiste Pierre Le Brun joignit très tôt à ses activités celles d’expert et d’organisateur de ventes publiques. Il débuta sa carrière par la vente après décès de la collection de son père en 1771 et réalisa en 1774, en collaboration avec Pierre Rémy, la vente de la collection du comte du Barry. Rapidement, cette activité devint prépondérante et il éclipsa bientôt les représentants de l’ancienne génération, tels que les Joullain et P. Rémy qui avait sans doute favorisé ses débuts. Son seul rival fut désormais A.-J. Paillet. Le Brun devait ainsi, jusqu’en 1813, diriger cent cinquante-cinq ventes dont cent seize accordant une large place à la peinture249. Il présida aux dispersions les plus importantes des années 1780 : la vente Poullain qui eût lieu précisément cette année-là, et celle du comte de Vaudreuil en novembre 1784. On le voit, J.B.P. Le Brun illustre parfaitement les différentes facettes de la pratique des nouveaux marchands d’art.
Le statut social et économique du marchand
66On l’aura compris, pour s’assurer des revenus suffisants, mais également pour accéder à une certaine notoriété et acquérir des œuvres plus facilement, le marchand associe très souvent à son activité commerciale un certain nombre d’activités secondaires qui vont de l’expertise à la restauration et au conseil, voire, pour certains, à l’organisation de ventes publiques. Une annonce publicitaire de Constantin, marchand de la fin du siècle, résume bien les différentes facettes de cette activité lorsqu’il dit qu’il « tient magasin de tableaux, dessins gouaches, bronzes et autres curiosités, restaure et nettoye les tableaux, se charge de l’estimation et vente des cabinets ; il fait aussi la commission »250.
Les activités annexes des marchands : expertise, restauration, conseil
67L’expertise et l’estimation des œuvres sont des activités traditionnelles des membres de l’Académie de Saint-Luc, et plus particulièrement du peintre marchand, comme le montrent les scellés. Ces experts sont choisis parmi les « maîtres, peintres et jurez experts », comme le stipule Pierre Crozat dans son testament en 1740, car « en cette qualité leurs estimations sont crues en justice »251. La pratique de l’expertise est à n’en point douter une solution confortable pour le peintre, puisque, outre qu’elle lui procure un complément de revenu non négligeable, elle offre l’avantage encore plus grand de le mettre en relation avec certains collectionneurs ou leurs héritiers. Il se trouve ainsi dans une position privilégiée pour acheter des œuvres à plus ou moins bon compte.
68Pour nous limiter aux scellés d’artistes dépouillés jadis par J.-J. Guiffrey, les noms qui reviennent le plus fréquemment entre 1760 et 1780, sont ceux de Pierre Rémy, de Basan, de François Joullain, et surtout de son fils François-Charles Joullain, et de Jean-Baptiste Pierre Le Brun. Parmi les autres experts plus rarement cités, il y a Pierre-Charles Bidard, peintre marchand de tableaux, Jean-Baptiste Piauger, qui s’honore du titre de « 1er peintre du prince de Salm-Salm », et Buldet, chargé de l’inventaire de François Joullain, en octobre 1778. Alexandre-Joseph Paillet n’apparaît qu’une seule fois, pour l’inventaire de Nicolas Sébastien Adam en 1778. Nous trouvons enfin les noms de Pierre-Robert Tramblin et Raoul Toussaint Froissé, de Thomas-Claude Tramblin l’aîné, de Claude Baco père, de Jean-Louis Gaineau et Jean Regnault, de Jean-Joseph Martin, « peintre de St Luc », et de François-Bernardin Frey, tous maîtres-peintres. Exception faite des membres de la famille Tramblin, ils ne sont pas connus pour avoir pratiqué le commerce du tableau.
69Pour un marchand de tableaux, surtout lorsqu’il était maître-peintre, le fait de joindre à son commerce l’activité de restaurateur relevait de ses compétences traditionnelles. Cette pratique connaît même au XVIIIe siècle une extension remarquable, comme l’atteste une déclaration de Watelet qui constate combien « Les marchands & raccomodeurs de tableaux se sont multipliés en proportion des amateurs »252. Les scellés après décès de Thurin, maître-peintre et marchand de tableaux de la rue des Boucheries, en 1759253, révèlent qu’on lui avait confié vingt-huit tableaux « à l’effet de les raccommoder ». Sa clientèle était constituée de marchands (François Debernard, Augustin Menageot), de peintres (Charles-Bernard Mercier) et de quelques particuliers (un prêtre Minime de la place Royale). Un autre marchand, Nicolas-François-Jacques Boileau, était un restaurateur réputé254 ; ce qui lui valut d’ailleurs d’être chargé de l’entretien des tableaux du Palais-Royal et du cabinet du prince de Conti. Jean-Baptiste Slodtz, « peintre de Son Altesse le duc d’Orléans », fut en société pour le commerce de tableaux avec Rémy et également restaurateur255. Les plus grands parmi les marchands ne négligèrent pas cette source de revenus et les opportunités qui pouvaient en découler. J.-B. P. Le Brun se vit ainsi confier en 1780, par l’hôpital royal des Quinze-Vingts, le soin de rentoiler et restaurer dix tableaux. Il s’associa dans cette entreprise au peintre Poincelot256. De même, le fournisseur parisien de Livois, le marchand Regnaud restaurait des tableaux pour lui257. C’était semble-t-il également le cas de Jean-Baptiste Poixmenu. L’inverse peut se rencontrer parfois. Ainsi la veuve Godefroid, célèbre restauratrice de la période, chargée de l’entretien et de la restauration des tableaux du Roi, poursuivant une tradition familiale, se livrait au commerce du tableau, comme le montre son inventaire après décès en 1775258. Celui-ci indique, parmi les « marchandises dépendant du commerce fait par lad.te dame V[euv]e » inventoriées par Rémy et Donjeux, cent quatre-vingt-treize tableaux estimés 1.665 livres (soit une moyenne de 8,60 livres par tableau), qui se trouvaient alors dans sa boutique du Cloître de Saint-Germain-l’Auxerrois, dans la maison du doyenné. Il s’agissait pour l’essentiel d’une marchandise à bon marché, destinée davantage à la décoration qu’à un cabinet d’amateur. En effet, sur les cinquante-trois tableaux attribués, nous trouvons quarante et une œuvres d’après Boucher, Vanloo, La Fosse, Vernet, Pater, Lancret et l’Albane ainsi que des dessus de porte ou des devants de feu. Les seuls tableaux qui n’entrent pas dans cette catégorie sont « un sujet de Bacchante de la première manière du Poussin », un Bourdon, un Patel, un Vignon, un Noël Coypel, un Boullogne, un Hutin, un Crépin, un Fieravino et un Lucas Giordano. Les cent quatre-vingts tableaux restaurés ou en attente de restauration appartenaient à presque autant de clients dont les noms sont le plus souvent indiqués. Leur nombre donne une idée de l’importance de l’atelier. Parmi ceux-ci, relevons M. de Saint Yves, le marquis de Marigny, le duc de Nivernais, Le Blanc de Verneuil, M. de La Reynière, M. de Crillon, le peintre Bachelier, la duchesse de Chaulnes, Sollier [le marchand ?], etc... À ceux-ci on peut ajouter tous les grands amateurs des années 1760, Jean de Jullienne, La Live de Jully, Gaignat, Blondel de Gagny et surtout le baron de Thiers dont la veuve Godefroid s’enorgueillit, en 1760, d’avoir « accomodé 4 cent tableaux »259, notamment « son baus Raphaël ». Nous savons par ailleurs qu’elle restaura trois tableaux pour Michel-Ange Slodtz260.
70À la différence des précédentes, l’activité de conseil auprès des collectionneurs apparaît comme relativement nouvelle. Elle témoigne de la place grandissante du marchand et surtout de sa reconnaissance comme connaisseur261. Dans ces deux rôles, il se substitua progressivement à l’artiste. Blondel d’Azincourt recommande à celui qui aspire à former un cabinet de ne « pas toujours s’en rapporter à ses propres lumières pour acheter des tableaux »262. Le plus souvent, les conseillers du collectionneur étaient des artistes, connaisseurs reconnus tels le peintre Hyacinthe Rigaud vers 1730- 1740263 ou bien P.-J. Mariette et le graveur J.-G. Wille pour notre période. Nous voyons ainsi Maître Chariot, huissier-priseur et collectionneur, consulter ce dernier, à propos de « quelques petits tableaux dont il avoit fait emplettes » ou bien encore M. de Livry, solliciter son avis, en 1769, sur un tableau qu’il envisage d’acheter264. Wille fait donc figure d’expert officieux. Mais le plus souvent, ce sont les marchands qui jouent ce rôle de conseiller. L’un des facteurs de leur réussite était en effet de gagner la confiance d’un grand collectionneur, de « s’en assurer la pratique » en devenant son conseiller et son fournisseur habituel. Cette formule offrait l’avantage de lui procurer des revenus réguliers par des ventes presque assurées, et lui conférait une certaine respectabilité, puisqu’il pouvait faire état d’un titre tel que « fournisseur ou garde des tableaux de x ». Boileau fut ainsi le « garde des tableaux du prince de Conti » et Le Brun devint, en 1784, « garde des tableaux du comte d’Artois », avant d’obtenir, en 1787265, la charge encore plus convoitée de garde des tableaux du duc d’Orléans, grâce à « ses connoissances en peinture, à son talent et à sa longue expérience comme artiste réparateur ». Paillet eut encore davantage l’occasion d’être jalousé par ses confrères car il eut la confiance de la Direction des Bâtiments du Roi, devenant le principal agent de d’Angiviller qui le chargea à ce titre de plusieurs acquisitions prestigieuses266.
71Les collectionneurs font souvent appel au même marchand pour enrichir leur cabinet. Jacques Pingat, l’un des marchands les mieux fournis du milieu du siècle, était l’un des fournisseurs et des acheteurs du duc de Tallard267, de même que Jean-Baptiste Glomy268. Louis François Colins, peintre et marchand de tableaux d’origine bruxelloise, également connu pour avoir restauré les Rubens de la Galerie du Luxembourg, contribua à la formation du cabinet de Gaignat269. Dans l’avant-propos du catalogue de cette vente, Rémy rend un hommage appuyé à Colins, disant que Gaignat « ne pouvoit pas choisir un meilleur Connoisseur »270. Effectuant de fréquents voyages en Flandre et en Hollande, il fut également le conseiller et l’acheteur du marquis d’Argenson, amateur réputé271. Pierre-Charles-Alexandre Helle, grand connaisseur en dessins et en estampes, contribua à la formation de plusieurs cabinets célèbres. Le marchand Dubois fut l’un des acheteurs du duc de Choiseul dans les années 1760272. Pierre Rémy fut, quant à lui, le conseiller de plusieurs collectionneurs majeurs de la période, le duc de Deux-Ponts, Jean de Jullienne, Ange de La Live de Jully, la présidente de Bandeville, le duc de Choiseul dont il fut le « brocanteur », selon l’expression de Diderot273, et le duc de Praslin qui de son propre avis « a bien voulu nous marquer son contentement des services que nous avons pu lui rendre, en nous donnant des preuves de sa générosité », comme il le rappelle dans le catalogue de la vente Beaujon274, en 1787. Rémy y énumère ces collectionneurs prestigieux pour répondre aux attaques de ses détracteurs. Il fut également l’artisan de la formation de l’un des plus riches cabinets du XVIIIe siècle, celui de Randon de Boisset. L’avant-propos du catalogue de la vente de cette collection, tourne au panégyrique de l’expert ; il y est rappelé comment Randon de Boisset le « consultait dans toutes ses acquisitions… », et comment « Il ne pouvoit, dans le désir qu’il avoit de former un Cabinet distingué, accorder sa confiance à un homme d’une probité plus reconnue », digne d’être mis « au rang des premiers connaisseurs en peinture »275. Gageons que Rémy dut apprécier cet éloge publicitaire de ses talents qui arrivait au moment de sa plus grande faveur, puisque c’est entre 1776 et 1777 qu’il fut amené à diriger trois des ventes les plus prestigieuses de la période276. Seul, ou presque, le prince de Conti, collectionneur boulimique, fit appel à la presque totalité des acteurs du marché parisien pour constituer sa galerie. Il eut toutefois un conseiller principal, en la personne du marchand Boileau, chargé par ailleurs de l’entretien de sa galerie.
72Une familiarité et une relation de confiance s’établissent entre le marchand et son client. Charles Cressent, ébéniste du duc d’Orléans et grand collectionneur, était un client régulier de Jean-Dominique Goudailliez, peintre, marchand de tableaux à Paris, demeurant, « rue du Four, au coin de la rue de l’Egout », à qui il devait la somme de « 1.777 livres, 15 sols, restant de plus grande somme à lui due par led. feu sieur Cressent pour ventes et livraisons de différents tableaux et ouvrages de sculpture » qu’il lui avait « vendus et livrés pendant les années 1764, 1765 et 1766...»277. Tous les marchands n’ont cependant pas la réputation d’être de bon conseil pour les collectionneurs et Eberts, qui craignait sans doute la concurrence, déconseille à Caroline de Bade de recourir aux services des « intriguans, Marchands, Brocanteurs », car, dit-il, « [...] c’est une race d’hommes dont on ne sauroit trop se défier »278.
73Néanmoins, l’une des avancées les plus caractéristiques de cette période est la place occupée désormais par le professionnel aux côtés du collectionneur. K. Pomian279 a parfaitement montré comment le marchand s’est substitué au connaisseur dans le contrôle de la « curiosité », plaçant ainsi le collectionneur dans une situation de dépendance à l’égard du marchand qui réunit désormais une double compétence ; la connaissance des œuvres et celle du marché. Il détient désormais un réel pouvoir, influant à la fois sur le marché et son évolution et sur le client et ses goûts, ce qui n’est pas sans présenter quelques risques. François-Charles Joullain, parfaitement conscient de ces nouveaux enjeux, expose ainsi ses doutes : « L’amateur préféreroit de se conduire par les conseils d’un artiste éclairé et impartial ou d’un marchand connoisseur et désintéressé. Je me plais à croire que c’est du moins son sentiment naturel. Mais où trouver cet artiste impartial ? Où découvrir ce marchand désintéressé ? Trop souvent la victime d’une confiance aveugle, l’amateur a essayé de se livrer lui-même à ses goûts...»280 .
La fortune du marchand de tableaux : un leurre ?
74Le commerce du tableau enrichit-il le marchand ? Il est difficile de répondre à une telle question. Il semble que les marchands dont la réussite est attestée par le volume des biens laissés à leur décès, la doivent davantage au commerce de l’estampe qu’à celui du tableau. C’est le cas de P.-F. Basan dont la fortune était considérable281 et de François Joullain. Pierre Casselle a estimé la masse des biens de la communauté Basan en 1789 à 754.344 livres, ce qui représentait après déduction des dettes, un actif de 512.630 livres282. Les inventaires peu nombreux dont nous disposons, ne nous permettent pas de tirer des conclusions d’ordre général. J. Chatelus, qui a plus particulièrement étudié la situation matérielle des peintres marchands de tableaux au XVIIIe siècle, a constaté, durant la période de 1765 à 1789, l’amélioration de leur condition qui se mesure à l’augmentation en valeur de l’ensemble de leurs biens mobiliers. À partir de l’analyse de trente-quatre inventaires, il montre que dans les biens inventoriés, les bijoux entrent pour une valeur moyenne de 556 livres 4 sols, alors que les deniers comptants sont en très nette hausse, puisque l’on atteint la moyenne de 4.843 livres contre 2.849 livres pour la période précédente (1740-1764). La valeur d’ensemble des biens mobiliers ayant plus que doublée puisqu’elle est passée de 3.115 livres en moyenne à 6.705 livres pour la période considérée283. Il n’est cependant pas toujours aisé d’isoler dans la masse successorale la part du revenu du commerce.
75Lorsque Pierre Rémy meurt, en l’an VI, son niveau de fortune n’a vraisemblablement rien à voir avec sa situation financière d’avant les événements révolutionnaires. L’inventaire de ses biens284 se monte à 298 francs en deniers comptants, et 4.400 livres de biens mobiliers dont 553 livres d’argenterie. Il est fait état également de 11.185 livres de dettes actives et de 10.166 livres de dettes passives. Au moment de son décès, Pierre Rémy détenait en biens immobiliers, sa résidence de la rue des Grands-Augustins, une maison située rue de Bretagne « au Marais », chacune en partie louées, qui lui procuraient un revenu annuel de 2.646 livres. Les époux Rémy possédaient également une maison avec jardin et des terres labourables à Lays, qu’ils avaient vendues en l’an II, sous réserve d’usufruit, pour un montant total de 50.000 livres. C’est dans les années 1770, à l’époque de sa grande prospérité, alors qu’il était un marchand expert à la mode, que Rémy réalisa d’importantes acquisitions immobilières. C’est vraisemblablement dans la perspective de l’achat de sa résidence de la rue des Grands-Augustins qu’il vendit en 1772 sa collection (ou plutôt son fonds de commerce), dont il retira 12.639 livres, ce qui est modeste285. Ajoutons aux sommes mentionnées, trois rentes perpétuelles, l’une d’un montant de 320 livres, une autre de 240 livres et la troisième de 480 livres, sur le duc d’Orléans. Ainsi, même au lendemain de la Révolution, si Rémy n’avait pas fait fortune, son niveau de vie restait confortable, en dépit des aléas et pertes subies durant cette période. Nous serions tentés de situer presque sur le même plan Alexandre-Joseph Paillet dont la situation matérielle est bien connue grâce à l’étude de J. Edwards. Au moment de la mort de son père, il avait hérité de 15.518 livres 8 sols286, – dont une bonne part concédée sous forme d’avances –, qui avait déjà été utilisée au moment de la liquidation de la succession. À l’époque de son mariage avec la fille d’un « officier toiseur des bâtiments de sa Majesté », en 1773, qui lui apporta 6.000 livres en dot287, ses biens sont estimés à 44.000 livres et son stock de marchandises évalué à 6.000 livres. Le niveau de fortune de Paillet était donc relativement élevé. Les difficultés financières commencèrent à la suite de son association malheureuse avec Mercier à l’hôtel d’Aligre et surtout à la suite de l’acquisition en 1778 d’une partie de l’ancien hôtel de Bullion. Ainsi, la période de sa plus grande gloire fut également celle de ses plus grandes difficultés. En dépit du succès de ses affaires, ses multiples emprunts et son procès pour non paiement des travaux réalisés à l’hôtel de Bullion, en 1781, révèlent que Paillet fut confronté à de graves problèmes financiers288. Il parvint cependant à les surmonter puisque, dès le mois de janvier 1784, il avait soldé ses dettes aux entrepreneurs, s’élevant à la somme importante de 109.000 livres289. Le couple Paillet n’était pas pour autant sorti d’affaire ; le montant de leur dette à l’égard de la dame Roulleau, l’ancienne propriétaire des annexes de l’hôtel de Bullion, n’ayant pas été acquitté selon les termes convenus, le bâtiment fut mis en vente en 1793, privant Paillet d’un instrument de travail prestigieux, devenu l‘enseigne de ses affaires. Une partie de la somme qui revint alors aux époux Paillet fut investie dans l’acquisition de biens fonciers dans la région parisienne, dont une maison à Clichy-la-Garenne. Le marchand y fixa dès lors sa résidence jusqu’à la mort de sa femme en l’an X, époque où cette maison fut vendue290. Paillet reçut alors 16.685 francs, correspondant à la moitié des biens de la communauté. Il réorienta ses activités qui connurent un nouvel essor du fait de son association avec le Mont-de-Piété. Malgré ses difficultés, le marchand n’a pas été acculé à la faillite, ce qui nous prive d’indices sur le niveau de sa fortune à l’apogée de sa carrière, soit dans les années 1780. Son inventaire après décès, rédigé en 1814291, permet d’entrevoir une situation encore confortable, même si son niveau de fortune n’a rien à voir avec ce que l’on attendrait chez l’un des grands entrepreneurs de la période. Il laissait à sa mort 2.145 francs 95 en deniers comptants, une argenterie estimée à 582 francs et une collection (ou un stock) de cinquante-huit tableaux ainsi que quelques dessins prisés 13.744 francs. Nous rencontrons parmi les tableaux quelques œuvres remarquables, notamment de maîtres hollandais et flamands : Gerard Dou (estimé 3.000 francs), Schalcken, Steen, Cuyp, Coques, Hobbema, P. van der Werff, van der Heyden, J.B. Weenix, G. ter Borch, deux Rubens, ainsi qu’une Etude pour le paralytique de Greuze, une version de la Rome antique et de la Rome moderne de Pannini et un Portrait du cardinal Rezzonico de Mengs. Parmi les dessins, les maîtres modernes l’emportent : Fragonard et Hubert Robert notamment. Cette fois encore, dans l’appréciation du niveau de fortune de Paillet, il faut tenir compte du fait que les événements révolutionnaires avaient sans doute contribué à mettre à mal son patrimoine.
76Le cas de Jean-Baptiste Pierre Le Brun est bien différent. Au dire de sa propre épouse, il n’avait pas attendu la Révolution pour se ruiner : « ... sa passion effrénée pour les femmes de mauvaises mœurs, jointe à la passion du jeu, ont causé la ruine de sa fortune et de la mienne, dont il disposait entièrement, au point qu’en 1789, lorsque je quittai la France, je ne possédais pas vingt francs de revenu, après avoir gagné pour ma part plus d’un million. Il avait tout mangé »292. On doit cependant se garder de juger l’homme sur le seul témoignage d’une épouse bafouée. L’histoire de la relation des époux Le Brun est sans doute beaucoup plus complexe. Ajoutons à cela que Le Brun menait grand train, recevait beaucoup et achetait bien au-delà de ses possibilités, vivant très largement du crédit et multipliant les spéculations hasardeuses.
77Force est de constater, à la lumière de ces exemples, que les négociants de la seconde moitié du siècle ne firent pas davantage fortune que leur illustre devancier, Edme-François Gersaint293. Le plus souvent, le marchand laisse à ses héritiers une succession obérée par de nombreuses dettes, quand il n’a pas fait faillite. Celles-ci sont particulièrement fréquentes chez les marchands de tableaux, vers la fin des années 1770, surtout lorsque, comme Charles-André Mercier, on déclare s’être livré à ce commerce « plus par goût que par connaissance mercantile »294. On peut sans doute mettre ce phénomène en relation avec l’état du marché parisien, saturé de tableaux de qualité, à la suite de la mise en vente de collections prestigieuses (Blondel de Gagny, Randon de Boisset, prince de Conti).
Négoce et niveau de culture
78Que doit-on penser du fameux dialogue de la Confession publique du brocanteur (1776) entre le marchand Ferre-la-Mule et Madame de Saint-Firmin qui l’interroge sur la nature de ses activités : « Peut-on vous demander, Monsieur, si vous êtes dans les affaires, ou si vous êtes de commerce ?... Ho ! d’affaires ! je ne sçais ni lire, ni écrire : je suis Marchand de Tableaux. Comment ? — Marchand de Tableaux, & vous ne sçavez ni lire, ni écrire...»295. L’image du marchand de tableaux était-elle si déplorable qu’on ait cru nécessaire de le brocarder ainsi sur son niveau de culture ? Nous avons conscience que nous abordons ici une question délicate. Les inventaires après décès dont nous disposons sont en effet trop peu nombreux, et souvent trop imprécis, pour nous en faire une idée même approximative. Pourtant, les conclusions de J. Chatelus, dans son étude sur la culture des peintres296, laissent peu de place au doute et une phrase de Gautier peut la résumer : « La bibliothèque de nos peintres n’est certainement pas bien considérable »297. Nous retrouvons là une situation assez comparable à celle des peintres du Grand Siècle298. Si les bibliothèques des académiciens, sauf exception, n’étaient pas toujours très brillantes, que penser de celles de nos peintres-marchands, pour peu qu’elles aient existé ?299 La culture du marchand, de par ses origines sociales et surtout professionnelles, est assimilable à celle du peintre300. Or, traditionnellement, le marchand, qui est encore au XVIIIe siècle, comme nous l’avons dit, le plus souvent un peintre, ne passe pas pour un lettré. L’auteur du Journal de Trévoux du mois d’octobre 1750, signale comme une exception le marchand Gersaint, qui, précisément, n’était pas peintre, mais marchand mercier et dit : « [qu’] il saisissait d’un coup d’œil toutes les finesses d’un Tableau, plus lettré que ne sont d’ordinaires les Marchands, il sçavoit en faire sentir toutes les beautés, dans les Catalogues qu’il composoit, à l’occasion des ventes dont il avait la conduite »301. Il aurait été du plus grand intérêt de connaître la place réservée aux manuels ou ouvrages consacrés aux Arts dans les bibliothèques de nos marchands. Nous trouvons pourtant chez un modeste peintre marchand de tableaux, Thurin, décédé en 1759, six livres dont une « Vie des peintres en trois parties »302 qui pourrait bien être l’ouvrage de Dezallier d’Argenville. La présence d’un tel livre à un niveau si modeste de la pratique pourrait laisser quelque espoir ! L’un des plus grands marchands de la période, Jacques Lenglier possédait cent quarante ouvrages malheureusement très sommairement décrits « tant in douze que grand et petits in quarto reliés, dont Esprit des Loix, œuvres de Rousseau, de Voltaire, de Corneille et autres ouvrages prisé le tout ensemble 120 francs »303. Cette bibliothèque qui témoigne d’un esprit ouvert aux « Lumières », ne reflète cependant en rien les curiosités artistiques de son propriétaire. Les rédacteurs des inventaires ont une lourde part de responsabilité dans cette approximation ; seules les bibliothèques d’une réelle importance ou d’une qualité reconnue sont bien décrites, car on fait appel alors à un libraire. L’inventaire de la bibliothèque du célèbre marchand Le Brun est sur ce plan tout aussi décevant304; sur 978 volumes, seuls vingt-cinq titres sont mentionnés, dont La Vie des Peintres Flamands de J.-B. Descamps, l’Abrégé de la Vie des Peintres, les Erreurs des Peintres, et l’Art de Peindre, et cent quatre-vingt-cinq catalogues de ventes regroupés en quatre lots305, pour nous limiter au domaine qui nous intéresse. Nous retrouvons avec Pierre-François Basan une situation identique. L’inventaire dressé en 1788, à la suite du décès de sa femme, reste vague quant à la composition de sa bibliothèque. Pourtant on avait fait appel à l’un des grands libraires du moment, Guillaume Debure, venu en voisin et en ami. Les 850 volumes ne sont pas détaillés et ne peuvent donc être d’aucun secours pour envisager les curiosités intellectuelles et surtout artistiques du célèbre marchand306. En regard, la bibliothèque de Pierre Rémy, pour peu qu’elle puisse mériter ce titre, paraît bien modeste. Il n’y a guère à tirer de la mention générique faite dans son inventaire en l’an VI, de « vingt-cinq volumes de livres, traitant sujets de dévotion et autres, ne méritant description » qui garnissaient alors quatre étagères de son cabinet307. La bibliothèque de son rival, Jean-Baptiste Glomy, paraît en comparaison très riche avec ses 395 volumes, malheureusement trop sommairement décrits. Parmi les quelques livres identifiés, nous retiendrons aux côtés de nombreux ouvrages de littérature (dont la Pamela de Richardson), et de voyages (Le Voyage d’Italie en six volumes308), quelques rares ouvrages relatifs aux Beaux-Arts : une Description de Versailles, la Description des Arts [l’Encyclopédie ?] et une Vie des peintres Espagnols309. Seule la bibliothèque de P.-J. Mariette se distingue ; mais n’oublions pas que, s’il lui est arrivé de se mêler d’expertise, voire occasionnellement de commerce, il n’appartient pas, en dépit de ses origines familiales, au monde des marchands qui nous occupe ici, mais plutôt au cercle des connaisseurs dont il est l’archétype.
79En ce qui concerne les peintres-experts en vente publique, nous pouvons avoir une idée de leurs lectures professionnelles, par les références qu’ils font dans leurs catalogues à tel ou tel ouvrage. Les titres qui reviennent le plus fréquemment sont ceux de Jean-Baptiste Descamps et de Dezallier d’Argenville, avec parfois quelques incursions dans le domaine étranger. Remy et Paillet font ainsi référence au Dictionnaire Anglais de Pilkington (Londres, 1770), dans sa traduction française310. Rappelons que tous deux étaient très liés au marché anglais. L’auteur anonyme du catalogue du baron de Banckeim (1747) a eu recours pour rédiger ses courtes notices biographiques d’artistes, principalement à La Vie des Peintres des Pays-Bas, de Weyerman311; il fait également référence à la Teutsche Academie de Sandrart, à Félibien et De Piles ainsi qu’à l’ouvrage de l’abbé F. Titi, Studio di Pittura, Sculture, ed Architettura nelle chiese di Roma (1674). Ce catalogue de vente remarquablement documenté, fait figure d’exception à cette date312.
80Il ne faut cependant pas perdre de vue que la formation du peintre-expert est alors essentiellement empirique. Brocardé pour son manque de culture, le marchand fait à cette époque une entrée remarquée et remarquable dans le domaine littéraire.
Le marchand de tableaux : une figure littéraire maltraitée
81Au XVIIIe siècle, la littérature s’empare de la figure du marchand de tableaux attestant l’importance nouvelle de ce personnage. Toutefois ce n’est pas pour lui donner le beau rôle ; bien au contraire, le marchand de tableaux, pas plus que le pseudo-connaisseur, n’a bonne presse. Il n’échappe pas au mépris général des élites sociales ou intellectuelles à l’égard de la gent négociante. Le regard porté sur lui est souvent sévère et méprisant313. La Vision du Juif Ben-Esron, fils de Sépher [noter le jeu de mots : sais-faire !], Marchand de Tableaux, texte de 1773, relate l’histoire d’un marchand de tableaux qui, en songe, visite le « Palais des rois » [le Salon], introduit par une femme « dont le regard étoit doux & sévère ; elle tenoit d’une main une balance d’or, elle portoit dans l’autre une règle de bois de cèdre [...]. Elle lui dit : « Non, fils de Sépher, répliqua la femme au regard doux & sévère, vous n’avez pas besoin de mon secours pour apprécier la valeur des ouvrages qui ornent la Salle du Palais des Rois. Le sentiment du beau, exercé par l’habitude de voir & de comparer les chefs-d’œuvre de mes anciens serviteurs, un peu de goût & de sens commun ; voilà tout ce qu’il faut pour juger sainement. Vous qui aimez les arts, & qui êtes marchand de Tableaux. À ces mots je me prosternai trois fois devant ma conductrice, & je me relevai pour examiner les chefs-d’œuvre qui ornaient le Palais des Rois selon qu’il m’avoit été ordonné [...] Et la femme disparut ; & dans le même instant, je vis que j’étois dans ma chambre, entouré de mes tableaux, qui ne sont pas des chefs-d’œuvre mais que je vendrai comme tels. Telle fut la première vision de Ben-Esron, fils de Sépher »314. De ce texte, il faut tirer au moins deux enseignements ; d’une part la reconnaissance du marchand de tableaux comme censeur et donc comme connaisseur ; d’autre part la persistance de l’a priori contre le marchand de tableaux à l’honnêteté fort discutable, soit le revers à la médaille.
82Les Dialogues sur la Peinture, autre écrit anonyme publié à l’occasion du Salon de 1773, met en scène trois personnages qui incarnent peut être trois types de connaisseurs : un Anglais désigné sous le titre de Milord, un supposé Italien, Mgr Fabretti et un marchand de tableaux qui n’est autre que l’expert Pierre Rémy. Le rôle de mentor conféré à ce dernier, clairement désigné comme « le seul juste au milieu de Babylone »315 consacre la reconnaissance du « marchand-connaisseur » et ce n’est pas un hasard si ce choix s’est porté sur « l’expert à la mode ». La portée de ce texte va cependant bien au-delà d’un simple commentaire du Salon puisque Rémy y conduit ses visiteurs « depuis l’atelier des Peintres jusqu’aux boutiques des marchands »316. Il s’y livre à un exposé exhaustif du fonctionnement de la vie artistique parisienne. Ce texte n’est pas le seul à mettre en valeur, peut-être par dérision, le marchand en tant que critique. Pidansat de Mairobert fait allusion, dans L’Espion anglais, à une brochure intitulée Observations sur les ouvrages exposés au Sallon du Louvre, ou lettre à M. le Comte de ***, publiée en 1775 et attribuée à « un Sieur Colson, brocanteur, barbouilleur de toile, et de papier, mais disant des choses judicieuses, surtout quand il parle d’après les connoisseurs [...]»317. On peut se demander si le recours au marchand-brocanteur, auteur supposé de ces écrits qui fleurissent à l’époque, ne constituait pas un moyen commode de tourner en dérision les pseudo-connaisseurs (fig. 4). Le plus souvent la critique du marchand l’emporte dans les écrits contemporains, comme le montre La Confession publique du brocanteur, pamphlet anonyme de 1776, déjà mentionné, qui apparaît comme l’antithèse des Dialogues sur la Peinture. Son auteur y met en scène deux personnages, le narrateur et un passager désigné de manière fort évocatrice par le sobriquet de Ferre-la-Mule, qui se qualifie de « marchand de tableaux », embarqués en 1769 sur un vaisseau venant « de l’Amérique », à destination de Saint-Malo. Mettant à profit ce long voyage, nos deux hommes lient connaissance. Le dénommé Ferre-la-Mule déclare avoir entrepris ce « voyage à l’Amérique » pour tenter de retrouver un escroc à qui il avait vendu des tableaux de Wouwerman, Dou, Berchem, « & bien d’autres », sans avoir été payé. Intervient alors un troisième personnage, Madame de Saint-Firmin, qui a des comptes à régler avec les marchands de tableaux artisans de la ruine de son mari qui « aimait passionnément les Tableaux... », passion qui lui avait coûté 80.000 livres en dix-huit mois ! Désireuse de se venger, elle lie connaissance avec le marchand, qu’elle entreprend de ridiculiser publiquement, en faisant éclater au grand jour son ignorance. Elle déclare ainsi : « [...] Hé ! mais, mon cher Monsieur, ne sçachant ni lire ni écrire, vous ne pouvez pas manquer de vous tromper, & de tromper les autres |...] »318. Argument auquel Ferre-la-Mulle réplique en ces termes : « Il suffit, Madame, que je scache, ou que l’on m’ait assuré qu’un Tableau est fait par un habile homme, pour en juger ; voilà toute notre science ». En d’autres termes, la connaissance du marchand de tableaux est celle des autres ; ce que Madame de Saint-Firmin appelle par dérision « la science par infusion »319. Cette critique du savoir ou plutôt de l’ignorance du marchand, clôt le 1er acte de cette histoire. Le second acte met en scène Ferre-la-Mule, victime d’un accident survenu lors de la traversée : se croyant à l’article de la mort, il entreprend de se confesser à l’aumônier présent à bord, d’où le titre de cet opuscule. S’ensuit alors un véritable catalogue des pratiques douteuses du commerce du tableau et des ruses des marchands pour tromper les amateurs320.
Fig. 4 – Comte de Caylus, d’après Trémolières, Assemblée de brocanteurs, 1727, gravure, Paris, BnF, Département des Estampes et de la photographie.

Cliché BnF.
83Les publications que nous venons d’évoquer, Les Dialogues sur la Peinture et la Confession publique du brocanteur, sont complémentaires et illustrent bien les deux faces de l’activité du marchand de tableaux, la lumière et l’ombre.
Notes de bas de page
1 Gault de Saint-Germain, 1835, p. 34-35.
2 Watelet et Lévesque, 1792, I, p. 268, article « Brocanter, Brocanteur, brocante, brocantage » : « Le Brocanteur est regardé en général comme étant à peu-près, à l’égard des tableaux dont il fait commerce, ce que le Cabaretier & le Maquignon sont à l’égard du vin & des chevaux. Le Brocanteur est donc taxé justement ou injustement de vendre ou de troquer le plus adroitement & le plus avantageusement qu’il le peut, des marchandises souvent déguisées & frelatées [...] ».
3 « Déclaration du roi portant règlement pour les fripiers-brocanteurs, du 29 mars 1778, registrée le 22 mai suivant ». Collection officielle des ordonnances de Police imprimées par ordre de M. le Préfet de Police, t. III, Appendice, 1re partie (1445-1860), Paris, Chaix, 1882, p. 122-123, n° 107.
4 D’après T. Des Essarts (1786, I, p. 437), les fripiers-brocanteurs font partie des communautés supprimées qui pouvaient exercer librement leur commerce.
5 Paris, B.N.F., Recueil Z Le Senne 104.
6 [P. Rémy], Catalogue d’une collection de beaux tableaux peints en huile qui se vendront à Paris en l’une des Salles des Grands Augustins, le 1er mars [1758]. Note manuscrite sur l’exemplaire de ce catalogue conservé à Paris, Bibl INHA-coll. Doucet, lot 3.
7 Savary des Bruslons, éd. 1761, I, p. 667.
8 Des Essarts, 1786, II, p. 306.
9 Il est qualifié ainsi dans un acte du 8 septembre 1774 (A.N., Y. 11399 a. Il doit s’agir de Balthazard Didelle qui eût des démêlés avec la justice en 1773 (A.N., Y 9535) et qui est qualifié dans un acte du 10 octobre 1774 (A.N., Y 11591) de « Marchand de Tableaux, peintre de l’Académie de Saint- Luc, demeurant rue de Bussy ».
10 Arch. de la Seine, D5. B6, 5276. Livre de commerce de Jean La Brousse.
11 Guiffrey, 1885, V, p. 369, scellés du 31 juillet 1765.
12 A.N., MC, CXXI, 403, I.A.D.du 6 août 1765. Des extraits de son scellé en date du 31 juillet 1765, ont été publiés par J.-J. Guiffrey, 1885, V, p 364-368.
13 Jean-Adrien Denis avait obtenu sa lettre de maîtrise de marchand fripier en 1754 comme le révèle l’inventaire de ses papiers. Que penser de la mention qui figure dans les scellés de ce personnage en date du 31 juillet 1765 (J.J. Guiffrey, 1885, V. p. 367-368) : « En procédant, lad. Veuve Denis nous a représenté un registre couvert de parchemin, en teste duquel est mention de la délivrance que nous lui en avons fait le 10 mai 1758, à l’effet par elle d’y inscrire les marchandises d’hazard qu’elle achepte… ». Ce qui laisse entendre qu’elle aussi avait obtenu des lettres de maîtrise.
14 Notons que dans « l’État des dettes passives du sieur Jean La Brousse » dressé à l’occcasion de sa faillite de 1777, il est question d’une reconnaissance de dette de 1.800 livres de ce marchand au profit du chevalier de Camfort, à raison « de la Reception de maître frippier dud. La Brousse surquoy a été payé environ 800 livres compte a faire, reste dud. environ 1000 » (Arch. de la Seine, D4B6, carton 65, dossier 4241).
15 Arch. de la Seine, D5 B6, registre 5276.
16 A.N., MC, XCI, 1101, Bail de privilège de Maître Peintre, 18 mai 1772. La procédure paraît assez étonnante. Toutefois, comme le rappelle A. Schnapper (2004, p. 27), il existait des échappatoires à l’entrée dans la maîtrise par les voies normales. En effet, les lettres de maîtrise pouvaient se vendre, bien que l’on ait peu d’exemples de telles transactions pour le XVIIe siècle.
17 Arch. de la Seine, D4B6, carton 65, dossier 4241. Bilan du 28 novembre 1777.
18 Cette vente eut lieu le 27 mars 1775.
19 Vraisemblablement Pieter Bout (Bruxelles, 1658-1719).
20 Il s’agit sans doute de Louis Thibault Montigny qui fit faillite l’année suivante (Arch. de la Seine, D4 B6, carton 59, dossier 3767).
21 En l’absence d’autre précision, il pourrait s’agir soit d’une copie réalisée d’après le célèbre tableau de la Galerie du Luxembourg, soit d’une esquisse de Rubens pour cette galerie.
22 Arch. de la Seine, D4 B6, carton 65, dossier 4221. Bilan du 28 novembre 1777.
23 A.N., Y.11328, Procès-verbal du 18 novembre 1755. Déposition pour le vol d’un paquet.
24 A.N., Y. 11415, 15 et 19 juin 1780, Enquête pour le Sr. De et Dlle Bezodin (?) C[ontr]e la f[emm]e Rullière ». Elle dépose à l’occasion d’une enquête de voisinage qui n’a rien à voir avec l’objet de son commerce.
25 J.-J. Guiffrey, 1885, V, p. 289. Celle-ci remet à la succession en plus de 16 tableaux non vendus, 21 livres « provenant de la vente de quelques autres dont elle étoit aussi chargée ». Le dénommé Thurin, peintre des plus modestes, exerçait l’activité de restaurateur de tableaux comme le montrent plusieurs réclamations de particuliers ou de marchands qui lui avaient confié des tableaux « pour racomoder » ou « pour metre sur toile ». Il n’est pas exclu qu’il se soit également livré au commerce du tableau.
26 J.-G. Wille, 1857, I, p. 400, le 4 mars 1769.
27 A.N., Y. 9499, Châtelet de Paris. Sentence de Police du 23 novembre 1742.
28 A.N., Y. 11373. Procès-verbal de visite du commissaire Pierre Chénon, avec le Sr D’Hemery, Inspecteur de la Librairie chez différents marchands d’estampes au sujet de l’affaire du vol à la Bibliothèque du Roi, en 1769.
29 A.N., MC, CXIII, 411, I.A.D. de Nicolas Bauduin, 9 fevrier 1762.
30 Celui-ci fait état de 570 volumes et 75 brochures « de differens journaux ».
31 A.N., V3/90 n° 23. Constat de décès survenu aux Tuileries le 4 février 1762.
32 Voir ici p. 179-181.
33 L. Courajod, 1873-2, p. 415.
34 « Plainte du Sr. Ledoux, maître peintre et marchand de tableaux, au sujet de la vente d‘un tableau de Téniers (janvier 1756) », dans E. Campardon, 1878, p. 179.
35 A.N., MC, XXXIII, 524, I.A.D. du 15 décembre 1757.
36 Comme le révèlent les oppositions au scellé pour remise de tableaux confiés au défunt. Voir J.-J. Guiffrey, 1885, V, p. 237-239.
37 Ibidem, p. 245-246.
38 Ibid, p. 243.
39 J.-J. Guiffrey, 1885, V, p. 239.
40 Il figure parmi les acheteurs lors de la vente du duc de Choiseul, en 1772 (d’ap. l’ex. annoté de ce catalogue, La Haye, RKD). Toutefois, la confrontation de ses acquisitions avec le catalogue du prince de Conti montre que Bréa n’était à la vente Choiseul que l’un des nombreux prête-noms du prince.
41 Annonces, Affiches et Avis divers, 7 janvier 1771, p. 15 et 2 mai 1771, p. 375, cité dans Trudon des Ormes, 1906, p 11.
42 A.N., Y. 14563. Scellé du Sieur Maugin, peintre rue de Bourbon le Château, 16 mars 1778.
43 A.N., MC, VIII, 1232, I.A.D, Inventaire du 26 mars 1778.
44 J. Chatelus, 1987-2, p. 1210.
45 Situation mise en évidence par N. De Marchi et H. J. Van Miegroet, 2000, p. 152.
46 Chatelus, 1987-2, p. 1194. Voir également G. Glorieux, 2002-1, p. 64-67, à propos des boutiques du pont Notre-Dame.
47 Toutefois, le commerce du tableau semble avoir moins bénéficié de signes de reconnaissance extérieurs (enseigne), que celui de l’estampe, dans le Paris de la seconde moitié du siècle, exception faite des marchands qui joignaient le commerce de l’œuvre peinte à celui de l’estampe (Basan, Joullain).
48 Dans un recueil factice sur les arts conservé à Paris, Bibl. Nat., Est., Kc 164, II, signalé par J. Chatelus, 1987-2, p. 33
49 A.N., Y 11352, « Plainte du Sr Bonvoisin », 28 février 1764.
50 Arch.de la Seine, D4 B6, carton 48, dossier 2898, faillite du 4 août 1773. Il estime à cette date la valeur de ses marchandises à 3600 livres.
51 N. Willk-Brocard, 1998, p. 164.
52 G. Glorieux, 2002-1, p. 70-72.
53 Vignette placée en tête du catalogue du fonds de Henry-Louis Basan (1802), reproduite dans P. Casselle, 1982, pl. III. On peut toutefois se demander quel est le degré de fidélité d’une telle représentation.
54 A.N., MC, XXIV, 901, I.A.D. de François Joullain, 12 Octobre 1778 : « Un petit Comptoir, une banquette de paille avec son coussin rempli de bourre et couvertes de vieille tapisserie a l’aiguille, deux petits bas d’armoire à un volet chacun sur lesquels sont posés une planche servant de table, douze aulnes de Bergame rayée servant de tenture, un comptoir à six volets fermans à coulisse, six planches et deux montants, un corps de six planches et deux montants, un miroir de quinze pouces sur vingt sept dans sa bordure de bois doré uni prisés ensemble 15 livres ».
55 L’Almanach du Palais-Royal utile aux voyageurs, pour l’année 1786, Paris, chez Royer, 1786, livre IV, p. 252.
56 J. Chatelus, 1987-2, p. 1217.
57 A.N., MC, XXI, 406, I.A.D. de Martin Hémery, 3 mars 1757.
58 J.-J. Guiffrey, 1885, V, p. 231-232.
59 A.N., MC, XXIV, 782, I.A.D. de Joseph-Ferdinand Godefroy (ou Godefroid), 29 décembre 1762.
60 Il s’agit vraisemblablement de Pierre-François Vitry, peintre de fruits et de gibier qui demeurait rue de la Tixanderie et qui prit part aux Salons de l’Académie de Saint-Luc (d’après M. et F. Faré, 1976, p. 296).
61 F.-L. Regnault, Catalogue de tableaux, dessins encadrés et en feuilles, nombreuses collections d’estampes... composant le Cabinet & le fonds de commerce de feu le C [itoy] en Buldet, ancien Marchand d’estampes, Paris, 4 décembre 1797, p. iii.
62 A.N., MC, LXXXII, 589, Inventaire du 27 avril 1782 et J. Chatelus, 1987-2, p. 1222- 1223.
63 F.L. Regnault, op.cit. Paris, 4 décembre 1797.
64 A.N., Y 11404, Plainte pour le chevalier de La Haye contre La Pierre, 11 août 1776.
65 Arch. de la Seine, D4 B6, carton 72, dossier 4719, bilan du 12 mai 1779.
66 N. Coquery, 1998, p. 81.
67 A.N., Y 15009, Scellé après le décès de Jean-Baptiste Poixmenu, marchand de tableaux, 26 mars 1784.
68 A.N., MC, LXVI, 668, I.A.D du 16 avril 1784.
69 Lugt n° 2984. Vente du 8 avril 1779. « Poismenu, brocanteur » d’après une note manuscrite portée sur l’exemplaire de ce catalogue conservé à Paris, Bibli. INHA-coll. Doucet.
70 Lugt n° 3010. Vente du 2 juin 1779 et jours suivants. « Poismenu et autres brocanteurs » d’après une note sur l’exemplaire de ce catalogue conservé à Paris, à la B.N.F.
71 Lugt n° 3039. Vente du 26 août 1779. « M. de Poismenu » d’après une note sur l’exemplaire de ce catalogue conservé à Paris, Bibl. INHA-coll. Doucet.
72 Arch. de la Seine, D4 B6 n° 56, dossier 3576, bilan du 16 janvier 1776.
73 A.N., Y. 15009, Scellé après le décès du Sr Poixmenu, 26 mars 1784, f° 3, oppositions n° 12, 19 et 23.
74 Vente du cabinet du marquis de Calvière, 5 mai 1779 (Lugt n° 2996), lots 8 (Schut), 10 (Teniers), 12 (Both), 16 (Vollerdt), 17 (Roeser), 18 (Maitre flamand), 23 (Barbier). Il s’agit d’achats de modeste envergure. Il figure également parmi les acheteurs lors d’une vente anonyme, à l’Hôtel d’Aligre, le 15 novembre 1779.
75 A.N., MC, XXIV, 858, I.A.D. de Pierre Le Brun, 26 juin 1771.
76 Vraisemblablement une Vénus au miroir
77 Contrat de mariage du 16 mai 1773, passé devant Me Giard, signalé dans l’inventaire après décès de Françoise Bouffé, veuve de Pierre Le Brun et femme de Nicolas Le Rouge, 7 mai 1787 (A.N., M.C. XXIV, 957, 7 mai 1787).
78 A.N., MC, XXIV, 957, I.A.D de Françoise Bouffé veuve de Pierre Le Brun et femme de Nicolas Le Rouge, 7 mai 1787.
79 Catalogue de tableaux précieux des trois écoles, très-beaux meubles de Boulle, vases et figures de marbre... et autres objets curieux. Le tout provenant du Cabinet & Fonds de marchandises du citoyen Le Rouge, Paris, 22, 23 nivôse an 7.
80 A.N., F7/4594, plaquette 10. Comité de surveillance de la section de l’Unité.
81 A.N., MC, LII, 634, Attermoiement, 3 décembre 1789. « Led. De Berreyter et ses créanciers ».
82 Le Brun, Catalogue de tableaux des écoles d’Italie, de Flandres, de Hollande et de France..., 24 avril 1786, Paris, 1786. Lots n° 27 (Ricci), 33 (Peter Neefs), 49 (Rembrandt), 98 (Van der Neer), 97 (Le Ducq), 120 (Bourdon), 125 (« Mon Belliard »), 128 (Blanchet).
83 Arch. de la Seine, D5 B6, n° 2436, respectivement f° 27, article n° 278, et f° 26, article n° 276.
84 A.N., F 7/4594, plaq. 10, f° 35, « Mémoire [de la femme Debereytter] aux représentants du Peuple membres du Comité de Sureté Générale », Paris, 5 Pluviôse an III.
85 Catalogue de tableaux des écoles d’Italie, de Flandres et de France, dessein..., provenans du Cabinet de feu M. de Boulogne, ancien fermier-Général..., par Paul Carrier, peintre, Paris, 22 novembre 1787.
86 A défaut d’être connue par les annotations manuscrites des catalogues de ventes où son nom n’apparaît pas, sa participation à des ventes publiques est confirmée par son Livre de Commerce qu’il tient jusqu’en 1790 (Arch. de la Seine, D5 B6, n° 2435. Carrier, marchand de tableaux).
87 Il s’agit en fait de Stuberach Saint-Ange, peintre de l’Académie de Saint-Luc qui demeurait rue du Gros-Chenet (J.-J. Guiffrey, 1915, p. 457.)
88 N. Willk-Brocard, 1998, p. 161-181.
89 Ibidem, p. 161. D’ailleurs, il est qualifié de « Me Peintre de l’Académie de Saint-Luc » dans l’inventaire après décès de son frère Pierre Ménageot en mars 1768, où il assure la prisée des tableaux (Willk-Brocard, 1998, p. 165).
90 N. Willk-Brocard, 1998, p. 162. Le 3 octobre 1741, il propose à William Draper un tableau de Rembrandt.
91 À l’occasion du scellé du maître-peintre Thurin, 20 septembre 1759, dans J. Guiffrey, 1885, V, p. 288, 9e opposition : « d’Augustin Menageot, peintre, rue S. Martin ».
92 Vente « Ménageau et autres » des 16 et 17 mars 1778. Citée par N. Willk-Brocard, 1998, p. 175.
93 A.N., MC. LXXXV, 666, « Abandonnement du Sr. Mercier à ses créanciers », 17 mars 1778.
94 Ibidem.
95 Arch. de la Seine, D4 B6, carton 67, dossier 4364, Faillite Mercier, 6 avril 1778.
96 L.-S. Mercier, éd..1994, I, p. viii.
97 Arch. de la Seine, D4 B6, carton 67, dossier 4364, faillite Charles-André Mercier, 6 avril 1778.
98 A.N., Y 11501 (a), du 18 avril 1778, « P. V[erb]al Bazan, Choquet, et Dufresne ».
99 Lugt n° 2893. « Mercier après faillite », d’après une annotation sur l’exemplaire du catalogue appartenant à la B.P.U de Genève.
100 Mercier était un graveur amateur comme l’a montré E. Dacier, 1929.
101 [Abbé Le Brun], 1777, p. 170.
102 Arch. de la Seine, D5 B6, registre 3690. Saubert, marchand de tableaux. « Journal 1774-1778. Liste des tableaux achetés. Inventaire des tableaux en sa possession et état de ce qui lui est dû ».
103 A.N., MC, XVI, 885, Obligation. M. Landgraff à M. Donjeux, 13 décembre 1790. Ils figurent avec la mention « provenant de M. Saubert » parmi les tableaux offerts en nantissement d’un prêt par Landgraff au marchand Donjeux.
104 Arch. de la Seine, D4 B6, n° 73, registre 4812. Saubert, 24 juillet 1779, « État géneral des dettes actives et passives du Sieur Louis François Saubert, Marchand de tableaux rue Montorgueil ».
105 Paillet, Catalogue d’une collection de tableaux précieux des Trois écoles..., dont la vente se fera..., le mardi 17 mars 1789 et jours suivans.., à l’Hôtel de Bullion, Paris, 1789. Une annotation portée sur la page de titre de l’exemplaire de ce catalogue conservé à Paris (Bibl. INHA-coll. Doucet), précise que cette vente est celle « de MM. Saubert et Desmaret ». Du fait de l’existence de deux vendeurs, il nous est impossible de distinguer ce qui appartenait à Saubert.
106 J.-J. Guiffrey, 1915, p. 267.
107 Catalogue de la vente Pasquier..., Paris, 1755 (ex. annoté La Haye, RKD). Notons qu’il s’agit d’achats modestes qui signalent sans doute un marchand à ses débuts.
108 P. Seidel, 1900, p. 207, lettre 10, de Mettra à Fréderic II, Paris, 1er septembre 1766.
109 [Abbé Le brun], 1776, p. 221.
110 Bernardo Strozzi (Gènes 1581/2-Venise 1644).
111 A.N., 219 AP (1), Papiers Wille, dossier (6). « [Recommandations de J.-G. Wille à Messieurs les B.B. de Beroldingen] », vers 1781.
112 A.N., Y 10893 b, Plainte contre Donjeux, 30 avril 1767
113 A.N., T. 714. Papiers Doyen.
114 A.N., MC, XVI, 885, Obligation M. Landgraff- M.Donjeux, 13 décembre 1790.
115 Arch. de la Seine, Déclaration de succession, registre 1716, f° 150, d’après J. Stern, 1923, p. 274, note 1.
116 J. Stern, 1923, p. 273-275. Jugement rendu le 3 Vendémiaire an IV.
117 Catalogue des objets précieux trouvés après le décès du Citoyen Vincent Donjeux, ancien négociant de Tableaux et curiosités..., par les citoyens Lebrun et Paillet.., lundi 29 avril et jours suivans.., en la grande salle rue de Cléry, Paris, 1793.
118 Ibidem, Avant-Propos
119 A.N., MC., XXIX, 552, Constitution du 19 décembre 1775.
120 Arch. de la Seine, Déclaration de succession, registre 1716, f° 150, cité dans J. Stern, 1923, p. 274, note 1.
121 Il est qualifié ainsi dans son scellé du 23 janvier 1784. Voir J. Guiffrey, 1885, VI, p. 159. Peintre de natures mortes, il présenta en 1774 « de la volaille, une gibecière, un fusil et différents attributs de chasse », tableau que l’artiste remit à l’Académie lors de sa réception. Il fut nommé en 1775, « adjoint à professeur ». D’après M. et F. Faré, 1976, p. 297.
122 A.N., MC, LXXXIII, 496, Mariage de Claude Florentin Sollier et de Blanche Renée Boudin, 23 avril 1763.
123 P. Rémy, Catalogue de tableaux peints par des Maîtres très renommés dans les trois ecoles... dont la vente se fera le mardi 3 avril 1781, & jours suivants.., à l’ancien Hôtel de Bullion, Paris, 1781. L’exemplaire du catalogue de cette vente conservé à la B.N.F., Est. (Yd. 906 (5), in 8°) porte sur le titre « Vente de Solier, Md de tabl[eaux] », ce qui est confirmé par d’autres exemplaires annotés.
124 D’après le catalogue de la vente Sollier de 1781, ce tableau présenté alors sous le n° 1 viendrait du « Cabinet de M. le Président de Tugny Grozat dont la vente a été faite en 1751 ».
125 A.N., MC, XVII, 1025, Inventaire du 3 février 1784.
126 Il y achète plusieurs tableaux.
127 A.N., MC, XVI, 757, Contrat de mariage, le 27 juillet 1763.
128 A.N., MC, XLIII, 616, I.A.D. de la D[am]e Lenglier, 1er germinal an 10.
129 J.-J. Guiffrey, 1915, p. 342.
130 A.N., MC, LIV, 1024, Conventions, Lenglier, M.M. Le Brun, de St Morys, 20 avril 1786.
131 [Abbé Le Brun], 1776, p. 223.
132 J.-J. Guiffrey, 1885, VI, p. 219. Voir M. et F. Faré, 1976, p. 297.
133 F. Arquié-Bruley, J. Labbé et L. Bicart-See, 1987, p. 139-140.
134 Ibidem, p. 139.
135 A.N., 219 AP (1), Papiers Wille, dossier (6).
136 Dans cette vente figuraient 4175 dessins. Le fonds de cette collection provenait de la vente Crozat.
137 A.N., MC, LIV, 1024. Conventions. Sr. Lenglier, MM. Le Brun, de St Morys, 20 avril 1786.
138 Le Brun, Catalogue de tableaux des écoles d’Italie, de Flandres, de Hollande et de France.., provenans d’un Cabinet connu, Lundi 24 avril.., à l’hôtel de Bullion, Paris, 1786.
139 Catalogue des tableaux des écoles florentine, romaine, lombarde, vénitienne, napolitaine, de Flandre, de Hollande, d’Allemagne et de France, gouaches, miniatures, émaux, terres cuites, figures & bustes de marbre & de bronze.., après le décès de Madame Lenglier, par MM. Le Brun, ainé et jeune..., dont la vente se fera le lundi 10 mars 1788, Paris, 1788 (B.N.F., Est., Yd 188-2).
140 A.N., MC, XLII, 616, du 1er Germinal an X.
141 Pour le remboursement de cette somme, Quellat avait obtenu la condamnation de Lenglier cinq ou six ans auparavant (A.N., MC, XLII, 616, du 1er Germinal an X).
142 A.N., F7 4631, dossier 3 : « Comité d’Instruction publique. Dénonciation contre les C.C. Calandrin, Le Brun et Langlier.. », 18 Nivôse an III.
143 A.N., MC, XLII, 616, du 1er Germinal an X, Inventaire des papiers, côte 2.
144 Ibidem, Inventaire des papiers, cote 8.
145 A.N., MC, XIII, 460, Transport. Le Sr Langlier au Sr Le Brun, 8 janvier 1790.
146 La seule mention de document se rapportant à son commerce dans l’inventaire de ses papiers (A.N., MC, XLII, 616, du 1er Germinal an X) est très laconique. Elle se trouve sous la cote 5, « Vingt trois pièces qui font état et reconnoissances de dessins et tableaux, desquelles pièces il n’a été fait également un plus ample détail... ».
147 À cette date, c’est en effet le franc qui est devenu la monnaie courante.
148 Voir A. Leclair, 1999 (2000), p. 172 et p. 191.
149 A.N., F7, 4631, dossier 3.
150 Ibidem.
151 Lettre de Michel Waldemar à Thomas-Aignan Desfriches, 1er juin 1784 (coll. de Rostolan) : « Le Sr Verrier Md de tableaux de Paris étoit à Rouen ces jours derniers avec quelques jolis tableaux, il a presque tout vendu, et c’est de lui que M. de St Victor a achetté ce petit Ruysdael... ».
152 Exemple cité par G. Aubert, 2002-1, p. 74.
153 G. Voreaux, 1990, I, p. 632.
154 Cat. expo., Dijon, 2000, p. 41.
155 G. Faroult, 1999 (2000), p. 158, pièce n° 4.
156 Ibidem, p. 163, note 23 (non datée).
157 Ibidem, p. 164, note 24. (non datée).
158 Ibidem, pp. 143-145.
159 Ibid., p. 159, lettre 10, Regnaud à Livois, de Paris, le 22 décembre 1781.
160 Ibid., p. 159, lettre 10, Regnaud à Livois, Paris, 22 décembre 1781.
161 Sur ce personnage, voir O. Cavalier, 2002, p. 62-69. Nous savons notamment qu’il était en relation avec Joullain fils qui enchérit pour lui lors de la vente Mariette.
162 Son nom « Richard de Lyon », apparaît parmi les acheteurs à l’occasion de la vente du prince de Conti en 1777.
163 G. Faroult, 1999 (2000), p. 144, et R. Planchenault, 1933, p. 149-158.
164 G. Voreaux, 1990, I, p. 627. Ce marchand, dont le nom est demeuré inconnu a tenu un « Journal de raison » qui révèle qu’il était actif dans le dernier tiers du siècle.
165 G. Voreaux, 1990, I, p. 629-631.
166 Mémoire d’Abraham Fontanel adressé aux administrateurs du département de l’Hérault le 30 floréal an IV (Archives départementales de l’Hérault, L. 2495), document découvert par D. Larédo et cité par A. Chevalier, 1994 (1995), p. 170 : « Vers le milieu du mois de novembre 1778, vers midi, un ou deux amateurs s’étant portés dans mon magasin me demandèrent si le commerce des tableaux et des gravures allait bien. Je leur répondis qu’il fallait un commencement à tout et que le plus difficile était de former des amateurs. Que cependant je voyois avec plaisir le goût des arts et de la curiosité s’établir, mais que pour y bien réussir il manquait à la Ville de Montpellier une école de dessin... ».
167 J. Berthelé, Montpellier d’après un manuscrit anonyme inédit, Montpellier, 1909, p. 54-55, cité par A. Chevalier, 1994 (1995), p. 170.
168 Nous renvoyons à S. Darroussat, 2001 (2002), p. 103-123. Cet auteur publie en annexe l’inventaire après décès de P. Rémy. Voir également P. Michel, 2001-1, p. 328-336.
169 A.N., MC, XXXVIII, 297, I.A.D. de Louis Rémy, 15 avril 1738.
170 A.N., MC, XXXVIII, 298, Contrat de mariage du 11 mai 1738.
171 Sa belle-mère, Edmée Thibœuf était la cousine de Gersaint. Ces liens de parenté sont signalés par G. Glorieux, 2002-1, p. 343.
172 A.N., Y. 9326, f° 187v°, et non le 17 octobre comme l’indique J.- J. Guiffrey, 1915, p. 437.
173 P. Rémy, Catalogue de la vente Gaignat, Paris, 1768, p. x.
174 Cité par J. Chatelus, 1987-2, p. 1231.
175 Mercure de France, janvier 1772, p. 176. Annonce d’une gravure de Moreau le Jeune, d’après une peinture de Deshays, représentant le pouvoir de l’Amour, mise en vente chez P. Rémy.
176 F. Lugt, 1921, I, p. 404-405.
177 Catalogue ou indication des desseins, estampes & tableaux de bons Maîtres, figures de bronze, terre cuite & autres objets, dont la vente se fera le mardi 30 juin 1772, rue Poupée, Paris, chez Musier père, 1772. Notons qu’il s’agit d’une vente anonyme ; c’est seulement une indication manuscrite portée sur plusieurs exemplaires de ce catalogue (dont un à la B.N.F, 8°-V - 34083), qui précise qu’il s’agit de la vente « de M. Rémy » ce que confirme d’ailleurs le lieu de vente. L’éditeur était également un proche voisin de Rémy.
178 Lot 556.
179 Acte passé devant Me Boulard, le 31 août 1773, pour la somme de 32.500 livres. Acte mentionné dans A.N., MC, XXXVIII, 767, I.A.D. de Pierre Rémy, 21 Nivôse an VI.
180 J.-G. Wille, 1857, I, p. 131. Le tableau dont il s’agit est très vraisemblablement l’œuvre mise en dépôt par la Pinacothèque de Munich au château de Schleissheim, que P. Rosenberg considère toutefois comme « une bonne copie ancienne » (A.Mérot, 1990, p. 262, n° 57).
181 G.S.M., Kasten Blau n° 433/3. Correspondance de Pachelbel, ministre du duc de Deux-Ponts à la Cour de France. Année 1767, n° 17, Lettre de Paris, le 15 mars 1767 : « J’ai paié au Sr Remy la somme que Votre Altesse Serenissime lui devoit pour emplette de tableau », et G.S.M., Gesandtschaft 221, lettre du duc de Deux-Ponts à M. de Pachelbel, son ministre à la Cour de France, de Mannheim, 14 février 1769 : « Je dois au Sr Remy les 1800 livres qu’il réclame, c’est le prix d’un tableau qu’il m’a envoyé, remboursés le plustost que vous pourrez, sa demeure est rue Poupée ».
182 Il lui adresse ainsi, en 1766, le catalogue de la vente Aved (G.S.M., Kasten Blau n° 433/3, n° 25. M. de Pachelbel au duc de Deux-Ponts, Paris ce 18 octobre 1766).
183 [Renou ?], 1773, Dialogue II, p. 2.
184 Marc-René Voyer, marquis d’Argenson (1722-1782).
185 D’après une note manuscrite portée en marge du lot n° 113 de l’exemplaire du catalogue de la vente Tallard conservé à La Haye (RKD).
186 Ibidem. En marge du lot n° 122.
187 Précision apportée dans les catalogues de ventes annotés qui permettent de distinguer les nombreuses commissions dont était chargé le marchand, de ses achats personnels.
188 Annotation manuscrite en marge du lot n° 1 de l’exemplaire du catalogue Tallard conservé à La Haye (RKD).
189 [Abbé Le Brun], 1776, p. 206.
190 P. Rémy, Catalogue de la vente Gaignat., Paris, 1768, p. x.
191 L. Courajod, 1873-2, p. 417.
192 Mercure de France, novembre 1768, p. 111-113. A propos du catalogue Gaignat.
193 [Abbé Le Brun], 1776, p. 206.
194 Sur ces achats, voir J.J. Guiffrey, 1879, p. 424-432
195 L. Courajod, 1873-2, p. 419.
196 Voir ici p. 180-181.
197 P. Rémy et C.F. Julliot, Catalogue de la vente Beaujon., Paris, 1787, p. viii-xi.
198 Lugt n° 4694 (21 mars 1791), et Lugt n° 4722 (2 mai 1791)
199 A.N., MC, XXVII, 499, I.A.D. de Dlle Honorée Agnès Adam, épouse de M. Charles Simphorien Jacques, « entrepreneur général de la Manufacture Royale de fayence et porcelaine, établie au Bourg la Reine », 30 avril 1790.
200 Arch. de la Seine, D4 B6, carton 112, dossier 7989, déclaration de faillite de François-Alexandre Plantier, 28 rue du Bouloi, du 12 mai 1791. Dans l’inventaire après décès de Pierre Rémy (A.N., MC, XXXVIII, 767), il y a parmi les papiers inventoriés une pièce concernant « le Citoyen Planté, peintre » qui devait faire référence à cette dette.
201 A.N., MC, XXXVIII, 767, I.A.D de Pierre Rémy, 21 Nivôse an VI. Inventaire des papiers.
202 Il avait rédigé son testament le 24 Prairial an V (A.N., MC, XXXVIII, 767. Dépôt du testament de P. Rémy, le 1er Nivôse an VI.
203 A.N., MC, XXXVIII, 767, 21 nivôse an VI.
204 Ce personnage était vraisemblablement l’avocat au Parlement, de Villeminot, dont le cabinet de tableaux fut dispersé à l’hôtel d’Aligre, précisément par les soins de Rémy, entre le 4 et le 6 mars 1776 (Lugt 2496).
205 Ce tableau pourrait correspondre au Moïse et les Filles de Jéthro, conservé aujourd’hui à Barcelone, dans une collection privée (J. Thuillier, 2000, p. 332, n° 197, repr).
206 Dans l’inventaire après décès, la description de ces portefeuilles est suivie de mentions telles que : « deuxième vacation », « quatrième vacation » etc…
207 M. Préaud, P. Casselle, M. Grivel, C. Le Bitouzé, 1987, p. 182.
208 J.-J. Guiffrey, 1915, p. 334.
209 [Abbé Le Brun], 1776, p. 223. Malgré l’allusion à un père qui l’avait précédé dans ce commerce, il s’agit bien ici, comme l’indique d’ailleurs l’abbé Le Brun, de « Joullain père ».
210 A.N., MC, XXXI, 173, I.A.D. de la dame Joullain, 22 juillet 1762.
211 Le graveur-marchand John Boydell. Sur ce personnage et son activité, voir S. Bruntjen, 1985.
212 A.N., Y 11409, Scellé de François Joullain du 5 octobre 1778, et A.N., M.C, XXIV, 901, I.A.D.de François Joullain, dressé à partir du 12 octobre 1778.
213 D. C. Buldet, Catalogue de quelques tableaux, dessins, et d’une nombreuse & belle Collection d’estampes encadrées, en feuilles et en recueils provenans de la succession de M. Joullain, graveur et Marchand, Paris, Hôtel d’Aligre, 17 mai 1779 et jours suivans, Paris, 1779, p. 1.
214 A.N., M.C, XXIV, 901. « Résultat du Compte général de la vente de M. Joullain », annexé à l’inventaire après décès du 12 octobre 1778.
215 M. Préaud, P. Casselle, M. Grivel, C. Le Bitouzé, 1987, p. 182-183
216 Contrat de mariage du 13 septembre 1758, passé devant Me Mathon. Cette clause est rappelée par François Joullain dans son testament du 23 juillet 1757, déposé le 30 mars 1778 (A.N., MC, XXIV, 898).
217 A.N., MC, XXIV, 898, dépôt du testament de F. Joullain, 30 mars 1778.
218 Catalogue des dessins, tableaux, estampes, bronzes, porcelaines & livres du cabinet de M. D***, Paris, 27 juin 1763 (Lugt n° 1306). Il s’agissait en fait de la vente Nattier.
219 Liste placée à la fin du catalogue Le Bas, 1783.
220 Arch. de la Seine, D4 B6, carton 87, dossier 5951, « Faillite Charles Joullain », du 8 août 1783.
221 Cette vente eût lieu en 1783.
222 On n’a en effet pas pu établir s’il existait des liens familiaux avec trois artistes portant ce patronyme, actifs entre la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle. Voir J. Edwards, 1996, p. 15-16.
223 J.-J. Guiffrey, 1915, p. 408.
224 Une « tête de Saint Pierre par Paillet » est mentionnée dans son inventaire après décès (J. Edwards, 1996, p. 15).
225 J. Edwards, 1996, p 17.
226 A.N., MC, XXIII, 736, Bail à loyer du 10 avril 1775.
227 [Abbé Le Brun], 1776, p. 224.
228 Paris, E.N.S.B.A., Ms 45. Liste alphabétique des élèves de l’Académie royale de Peinture et Sculpture, depuis le 1er octobre 1758 jusqu’en 1776, f° 93 et 96.
229 A. de Montaiglon, éd., Procès-verbaux de l’Académie royale, 1875-1892, t. VIII, 1888, p. 3 et p. 6.
230 Le nom de Le Brun figure sur la liste générale des maîtres peintres de l’Académie de Saint-Luc (J.-J. Guiffrey, 1915, p. 348), mais il est utile de rappeler que celle-ci est en fait une reconstitution et que des erreurs ont fort bien pu, de ce fait, s’y glisser. Il est en effet étrange que dans une lettre du 25 Brumaire an 11, Lebrun dise : « Avant la révolution, je n’ai jamais été d’aucune communauté et certes les sindics de la Communauté de St Luc ne m’eussent pas laissé échapper si j’eusse été un gibier à maîtrise... » (Institut Néerlandais, Fondation Custodia, 7111 a, lettre de Le Brun). Il est pourtant qualifié de « peintre de l’Académie de Saint-Luc » dans une rente que lui constitua le prince de Conti en 1773 (Arch. nat. MC, Et. CXII, 756 bis, Constitution, 30 juin 1773).
231 J.B.P. Le Brun, 1792-1796, I, Discours préliminaire.
232 C’est le cas dans son inventaire après décès (A.N., MC, IX, 982, 13 août 1813). À partir de 1782, il exposa au Salon de la jeunesse, place Dauphine, mais il cessa d’y présenter des œuvres à partir de 1784 et jusqu’à la Révolution, laissant dès lors son activité commerciale prendre le pas sur ses ambitions de création personnelle.
233 Ainsi que dans ses autres écrits : Les Observations sur le Muséum national, Paris, 1793 et Quelques idées sur la disposition, l’arrangement et la décoration du Muséum national, Paris, an III [1795].
234 Paris, Institut néerlandais, Fondation Custodia, Lettres d’artistes, Lettre de Le Brun, de Paris le 25 Brumaire an 11 (7111a).
235 Comme le montre sa déclaration dans Quelques idées sur la disposition, l’arrangement et la décoration du Muséum national, Paris, an III [1795], p. 5 : « Né artiste, mais n’ayant point assez d’amour-propre pour croire que mon talent comme peintre puisse mériter des encouragements nationaux et trop avancé dans ma carrière pour reprendre cet art avec succès... ».
236 Paris, Bibl. INHA-coll. Doucet, Papiers Tripier-Lefranc, carton 51, s.d.
237 Lettre de Le Brun à M. Boccolari, peintre de l’Académie de Modène, de Milan, le 26 novembre 1808, Paris, Bibl. INHA-coll. Doucet, Papiers Tripier-Lefranc, carton 52.
238 G. Emile-Mâle, 1956.
239 C.-B. Bailey, 1984, p. 35-46.
240 F. Haskell, 1986, p. 35-48.
241 F. Camus, 2000.
242 P. Rémy, Catalogue de la vente Fortier, Paris, 2 avril 1770 (Lugt 1822), lots 3 (17 livres 1 sol), 12 (1000 livres) et 32 (6 livres sol)
243 G. Mazel, 1987, p. 44-46
244 F. Haskell, 1986, p. 36.
245 E. Vigée Le Brun, éd. [1926], p. 41.
246 Ibidem, p. 40.
247 Ibid. p. 66.
248 [Abbé Le Brun], 1776, p. 220.
249 J. Edwards, 1996, p. 39.
250 B.N.F., Est., Kc 164, t. II, cité par J. Chatelus, 1987-2, p. 38.
251 Testament de Pierre Crozat, 21 mai 1740 (note annexée), cité par M. Stuffmann, 1968, p. 33.
252 Watelet et Lévesque, 1792, V, p. 278.
253 A.N., Y.13522, Scellé du 20 septembre 1759, repr. partiellement dans J.-J Guiffrey, 1885, V, p. 286-289, CLXXXIV.
254 Une note manuscrite en marge de l’exemplaire du catalogue Tallard conservé à La Haye (RKD) évoque « Boileau peintre et md. de tabl.x qui rétablit fort bien », à propos du lot n° 128.
255 A.N., MC, LXXXIII, 464.
256 G. Emile-Mâle, 1956, p. 390.
257 G. Faroult, 1999 (2000), p. 159, lettre 13, Regnaud à Livois, Paris le 13 septembre 1782.
258 A.N., MC, XXIV, 885, Inventaire de la D[am]e Van Merlen [Van Merle], Vve Godefroid, 6 décembre 1775.
259 G.A.K., F-A, Papiers de Caroline de Bade, 5A n° 39, lettre de la Vve Godefroid à Eberts, Paris, 14 novembre 1760.
260 Elle les réclame en octobre 1764 à l’occasion du scellé de cet artiste. Voir J.-J. Guiffrey, 1885, V, p. 355.
261 Sur cette question voir K. Pomian, 1987, p. 181-182
262 C.-B. Bailey éd., 1987, p. 446.
263 Dezallier d’Argenville (1762, t. IV, p. 317) évoque ce rôle de conseiller.
264 J.-G. Wille, 1857, I, p. 408, « le 1er [juin 1769].
265 B.N.F., Mss, N.a.fr., 20157, f° 42, lettre de J.B.P. Le Brun au Premier Consul, n.d. [1802].
266 J. Edwards, 1996, p. 20 et surtout p. 79-138.
267 Il achète pour lui, notamment lors de la dispersion du fonds de commerce de Gersaint en 1750, un tableau de Rubens représentant Méléagre et Atalante (lot 310) pour 300 livres, d’après une note portée sur le catalogue appartenant à la BPU de Genève (Ia 85/ 33).
268 Paris, Institut néerlandais, Fondation Custodia, Ms 9578, « Journal des ouvrages... de J.B. Glomy ».
269 E. Dacier, 1909-1921, XI. Catalogue de la vente L.-J. Gaignat (1769), p. 30. Une note manuscrite en marge du lot n° 202 précise que « M. de Gaignat avoit laissé cette bague a Colins peintre qui lui avoit formé son Cabinet, or Colins est mort avant le testateur ».
270 P. Rémy, Catalogue de la vente Gaignat., Paris, 1768, p. vi.
271 Marc-René Voyer, marquis d’Argenson (1722-1782).
272 Poitiers, B.U., Archives d’Argenson, P. 100, lettre du marquis de Voyer à Watelet, Paris, jeudi matin aoust 1763 (?). Dubois, mandaté par le duc de Choiseul, vient voir deux tableaux de Teniers chez le marquis d’Argenson qui souhaitait les vendre.
273 Lettre de Diderot à Catherine II au sujet de la collection Gaignat, 1768, dans Diderot, 1875-1877, XVIII, p. 293. Cité par S. Jugie et M.Roland Michel, 1993, p. 62.
274 P. Rémy et C.-F. Julliot, Catalogue de la vente Beaujon, Paris, 1787, p. x-xi.
275 P. Rémy, Catalogue de la vente Randon de Boisset, Paris, 1777, Avertissement, p. x.
276 L’Avertissement du catalogue Randon de Boisset précise que « Les anecdotes suivantes nous ont été données par M. de Sireuil, ami de M. Randon de Boisset pour servir d’Avertissement ».
277 Scellé de Charles Cressent, 10 janvier 1768, dans J.-J. Guiffrey, 1885, V, p. 418 et pp. 422-423.
278 G.A.K., F-A., Papiers de Caroline de Bade, 5A n° 42, Eberts à Caroline de Bade, Paris, 18 mars 1770.
279 K. Pomian, 1987, p. 181-182.
280 F.-Ch. Joullain, 1786, p. 117.
281 P. Casselle, 1982, p. 142-51.
282 Ibidem, p. 142. Cet auteur note « qu’une part importante de cette fortune était constituée d’immeubles et de rentes… ».
283 J. Chatelus, 1987-2, p. 1203.
284 A.N.., MC, XXXVIII, 767, I.A.D. du citoyen Rémy, 21 Nivôse an VI.
285 D’après des notes manuscrites portées sur l’exemplaire du catalogue de cette vente conservé à Paris, B.N.F. (V. 34083).
286 A.N., MC, XXIV, 862, Inventaire de Pierre Paillet, 3 février 1772, et XXIV, 864 : « Liquidation et partage, la dame veuve Paillet et ses enfants », 26 mai 1772. Son père était décédé en fait depuis le 19 février 1769. Voir J. Edwards, 1996, p. 18.
287 A.N., MC, CXIII, 469, « Mariage Alexandre-Joseph Paillet et Marie-Félicité-Thecle Soisson », 9 mai 1773, cité dans J. Edwards, 1996, p. 19.
288 J. Edwards, 1996, p. 22-23.
289 Ibidem, p. 23.
290 A.N., MC, XXXV, 999, I.A.D. de Mme Paillet, 24 germinal an X, cité dans J. Edwards, 1996, p. 24.
291 A.N., MC, LXXII, 591, I.A.D. du 21 janvier 1814. En ce qui concerne le niveau de fortune de Paillet et sa succession, le livre de J. Edwards ne nous est d’aucun secours ; curieusement, l’auteur n’y aborde pas ce sujet.
292 E.Vigée-Lebrun, éd. 1869, I, lettre 4, citée pr G. Emile-Mâle, 1956, p. 378.
293 G. Glorieux, 2002-1, p. 455. Cet auteur écrit : « Si son commerce fut prospère et a connu une croissance considérable en vingt-cinq ans, le niveau de fortune du marchand n’a pas suivi. Il faut en convenir, Gersaint n’était pas riche ».
294 A.N., MC, LXXXV, 666, Abandonnement du Sr Mercier à ses créanciers, 17 mars 1778.
295 La Confession publique du brocanteur..., 1776, p. 11.
296 J. Chatelus, 1987-2, p. 148-152.
297 Gautier [d’Agoty], 1753-1754, p. 83.
298 Schnapper, 2004, p. 267.
299 On doit toutefois faire une exception pour Ch. N. Cochin dont la bibliothèque comptait 2283 volumes révélant ses intérêts multiples. Sa bibliothèque était également professionnelle, puisqu’on y trouve une bonne part des textes importants sur les beaux-arts. Voir Ch. Michel, 1993, p. 191-192.
300 Toussaint, auteur de critiques de Salons, porte sur celle-ci dans ses Observations périodiques, ce jugement très orienté : « Il ne faut pas gronder l’ignorance des peintres, parce qu’elle est en quelque sorte indispensable ; occupés de leur art dès l’enfance, pour ainsi dire, ils ne peuvent se livrer à des études de littérature ». Cité par J. Chatelus, 1991, p. 137.
301 Journal de Trévoux, octobre 1750, p. 2298.
302 J.-J. Guiffrey, 1885, V, p. 287, scellé du peintre Thurin, 20 septembre 1759.
303 A.N., MC, XLIII, 616, I.A.D.de la D[am]e Lenglier, 1er Germinal an X.
304 A.N., MC, IX, 982, I.A.D. de J.B.P. Le Brun, 13 août 1813.
305 Ces catalogues pourraient correspondre à ceux qui sont conservés aujourd’hui à la Bibliothèque Publique et Universitaire de Genève.
306 P. Casselle, 1982, p. 149.
307 A.N., MC, XXXVIII, 767, I.A.D. du Citoyen Remy, 16 Nivôse an VI.
308 Sans doute le livre de l’abbé Richard
309 A.N., MC, LXXXVI, 847, I.A.D. de Jean-Baptiste Glomy, 5 juillet 1786.
310 Rémy dans le catalogue Blondel de Gagny (1776) et Paillet dans le catalogue Blondel d’Azincourt (1783). Ces deux références à cet ouvrage sont faites à propos du Charlatan de Karel Dujardin.
311 Jacopo Campo Weyerman, De Levens-beschryvingen der Nederlandsche Konst-schilders en Konst-schilderessen, met een uythreyding over de Schilderkonst der Ouden, La Haye, 1729.
312 Catalogue des tableaux du baron de Banckeim, Paris, 12 avril 1747, p. 47.
313 Voir G. Benrrekassa, 1999, p. 589 et sq..
314 B.N.F., Est., coll. Deloynes, vol. X, pièce 152.
315 [Renou ?], 1773, p. 121. Ce texte a été attribué sans fondements, comme nous l’a aimablement dit Christian Michel, à Antoine Renou et réédité sous ce nom par Minkoff (1973).
316 Ibidem, p 124.
317 Pidansat de Mairobert, 1785, VII, p. 130, lettre V. « Suite du Coup d’œil sur l’École française ».
318 La Confession publique du brocanteur, Amsterdam, 1776, p. 11.
319 Ibidem, p. 13.
320 Ibid, p. 27-42.
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