La pseudépigraphie dans le corpus paulinien. Une illustration de la pratique herméneutique de Schleiermacher
p. 237-254
Texte intégral
1La pratique de l’interprétation inaugurée par Schleiermacher n’a eu juqu’à présent qu’une faible résonance dans les recherches sur l’herméneutique moderne. Le fait est étrange, et appelle explication ; car s’il est une œuvre qui présente un riche matériel permettant d’étudier les relations entre l’élaboration de la théorie et la pratique herméneutique, c’est bien celle de Schleiermacher. Dans l’œuvre scientifique du grand théologien, l’interprétation du Nouveau Testament n’a pas été un produit secondaire. On sait que, conformément aux habitudes de son époque, qui ne connaissait guère encore la division en différentes disciplines, Schleiermacher a travaillé sur tous les domaines de la théologie, à l’exception de l’Ancien Testament. Or l’interprétation du N.T. passait encore avant la dogmatique, la doctrine morale chrétienne, la théologie pratique, l’encyclopédie, l’histoire de l’Eglise et la statistique ecclésiastique (l’état des données relatives à la confession). Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que la plus grande partie de son œuvre posthume, qui se trouve dans les Archives de l’Académie des Sciences de R.D.A., consiste en exégèses du N.T.
2Seule une petite partie de ces études a été imprimée du vivant de l’auteur. Citons notamment : Sur la prétendue première épître de Paul à Timothée (1807), Sur les écrits de Luc. Essai critique (1817), « Sur l’épître aux Colossiens I, 15-20 » (1832) ainsi que « A propos des témoignages de Papias sur nos deux premiers Evangiles » (1832)1. La première section des Œuvres complètes contient d’autres matériaux, en particulier l’Introduction au Nouveau Testament et la Vie de Jésus, mais elle ne satisfait plus aux exigences modernes en matière d’édition2. Tant que l’édition critique des œuvres complètes ne sera pas arrivée aux textes exégétiques, toute étude du travail exégétique de Schleiermacher sur le N.T. devra rester consciente de ses limites et se référer essentiellement aux textes édités du vivant de l’auteur et portant, de ce fait, le sceau de l’authenticité.
1. Piété chrétienne et herméneutique
3La « conscience de soi de la piété chrétienne » procède de l’être et de l’esprit de Jésus-Christ et tire sa solidité et sa clarté du fait d’être constamment ramenée à cette donnée fondamentale. Comme Schleiermacher l’écrit dans sa célèbre lettre à F.H. Jacobi du 30 mars 1818, c’est à la Bible que revint le privilège d’être « la traduction originale du sentiment chrétien, et, pour cette raison, d’être si inébranlable qu’on peut seulement la comprendre et la développer de mieux en mieux »3. Schleiermacher était convaincu que les écrits du N.T. présentaient de façon authentique les paroles et les actes du Jésus historique, dans la spécificité de sa conscience divine. En outre, les morceaux historiques et narratifs, kerygmatiques et didactiques, offraient, dans leur très grande variété, différents reflets de la conscience divine communiquée par Jésus-Christ, et ce sous une forme inaltérée, parce qu’initiale et originelle. Avec l’expansion historique du christianisme, son unité intérieure devait se manifester à travers des situations de plus en plus complexes, qui exercèrent une influence sur la conception d’ensemble de la foi chrétienne. Ce n’est que dans l’état primitif que « son essence propre s’était donnée à voir de la manière la plus pure »4. Même si Schleiermacher se réservait, en tant que théologien protestant, de faire évoluer « la traduction originelle » grâce au progrès continuel de la compréhension, le caractère indépassable de la donnée fondamentale pour toute « conscience de soi de la piété chrétienne » restait inébranlable. Schleiermacher fut un théologien de l’Ecriture au sens strict et n’a jamais mis en question la dignité du témoignage néotestamentaire au profit d’un christianisme planant librement sans attaches.
4Dans cette perspective, interpréter le N.T. était un souci foncièrement théologique. Pour parvenir aux sources inaltérées du christianisme et à la particularité qui s’y exprime, Schleiermacher a tracé deux lignes de démarcation fondamentales entre les deux pôles que sont la lettre et l’esprit. La première était dirigée contre toutes les tentatives de s’approprier l’esprit en dehors et au-delà de la lettre. Cette ligne de démarcation visait aussi bien certaines pratiques de l’exégèse piétiste (« l’exégèse emphatique »)5 que des modèles herméneutiques plus anciens admettant un sens pluriel de l’Ecriture ou encore, du côté de la philosophie idéaliste, certaines stratégies spéculatives visant à annexer l’essence du christianisme. La seconde était dirigée contre la doctrine orthodoxe de l’inspiration verbale et la pratique interprétative correspondante. La lettre, c’est-à-dire la langue, était certes la manifestation matérielle de l’Esprit, et à ce titre était incontournable, mais on ne pouvait pas pour autant en conclure, en vertu des théorèmes de l’inspiration verbale, à sa divinité propre. Dans ces conditions, la recherche historique et critique sur le N.T. pouvait mettre en œuvre sans aucune limitation tous les procédés réguliers de l’herméneutique en vigueur pour les autres textes. « C’est bien pourquoi je pourrais participer en toute tranquillité et avec bonne conscience à toute recherche critique..., et avec moi quiconque n’est pas adepte de l’idée étrange que le christianisme ne peut tirer son caractère divin que de manière dérivée, à travers quelqu’autre forme de divinité, celle de l’Ecriture »6. Le christianisme était contenu dans l’Ecriture, sans s’identifier à elle.
5A l’opposé de la tentation théologique et dogmatique consistant à unifier le N.T. en tant que témoignage de l’être et de l’esprit du Christ (viva vox Evangelii) ou même à le coucher de force dans le lit de Procruste des préalables dogmatiques, qui rabaissaient les textes au niveau de simples confirmations, Schleiermacher avait une conscience extrêmement développée des défis herméneutiques que recelait le N.T. Sur chaque point, la compréhension doit être « voulue et recherchée »7. De même que les manifestations de l’histoire et de la pensée ne pouvaient pas être ramenées à un concept de généralité indifférenciée, de même les manifestations du religieux – en l’occurrence de la conscience de soi de la piété chrétienne – ne devaient pas être subsumées sous un terme général, parce qu’il ne pouvait y avoir que des individuations de l’identique. Celles-ci représentaient, dans la mesure où il ne s’agissait pas de la divinité de Jésus-Christ au sens strict, un universel individué, tirant son individualité du caractère propre du sujet religieux. C’était la langue elle-même qui, en tant qu’« universel individuel » (M. Frank), déterminait les manifestations de la conscience religieuse et les rendait possible. A la diversité des formes individuelles d’actes langagiers dans la sphère religieuse, qui, dans le cas des écrits du N.T., avait aussi recours à des textes de différente nature, correspondait la multiciplité de perspectives des témoignages religieux. Le devoir de l’herméneute et du théologien consistait à les déchiffrer sous leur forme particulière et à les rapporter au fait religieux fondamental qui les soutenait. Pour mettre en relation ces différences individuelles et la cohérence circulaire des textes du N.T., il fallait un jugement également exercé dans les questions d’herméneutique et dans les problèmes théologiques, et à même d’établir ce qui était l’expression authentique du christianisme et possédait de ce fait valeur canonique.
6Théologien principalement adonné à l’exégèse, Schleiermacher se situait dans la tradition des réformateurs, les Luther, Calvin et Zwingli, dont les œuvres avaient été, elles aussi, essentiellement consacrées à l’interprétation des écrits bibliques. Pourtant, Schleiermacher se distingue à bien des égards de ces grands modèles. La différence la plus nette est sa mise en question de la valeur canonique, pour le christianisme, de l’Ancien Testament. La chose est d’autant plus frappante que l’Ancien Testament occupait une position très élevée dans l’esprit de Calvin et de Zwingli, qui au sein de la Réforme, étaient à l’origine de la tendance à laquelle Schleiermacher appartenait. Schleiermacher voyait dans l’Ancien Testament un document de foi dépassé et d’une portée limitée à la nation juive. En cela, il se montrait un bon disciple de J.S. Semler, dont il est d’ailleurs de façon générale plus tributaire que les recherches sur Schleiermacher ne l’ont jusqu’à présent fait valoir8, mais il restait surtout dans la logique de la théorie des individualités religieuses qu’il avait défendue dès 1799 dans ses discours Sur la religion. Loin de nier les relations entre l’Ancien et le Nouveau Testament, d’autant que les textes se correspondaient parfois d’une façon évidente, Schleiermacher était convaincu que toutes les dérivations et analogies étaient impuissantes à expliquer ce que la piété chrétienne avait d’essentiellement nouveau, à savoir la suppression de la paroi séparant Dieu et l’homme en Jésus-Christ et l’élévation de l’homme, passant du statut de serviteur de Dieu à celui de fils de Dieu9. Sa position théologique à l’égard de l’Ancien Testament s’exprime sous différentes perspectives dans son encyclopédie, sa doctrine de la foi et son homilétique. Ce n’est qu’à titre de « livre auxiliaire » pour l’exégèse du N.T. que l’Ancien Testament restait une référence indispensable : on ne pouvait se passer de la connaissance du judaïsme ancien et moderne, de l’hébreu et de l’araméen, mais tout aussi peu des écrits juifs en dehors de l’Ancien Testament, des apocryphes néotestamentaires, des historiographes et des géographes de l’époque et de la connaissance de l’environnement du christianisme primitif10.
7Le théologien et l’herméneute peuvent regretter que Schleiermacher n’ait pas appliqué son ars interpretandi à l’Ancien Testament. La richesse littéraire des textes et de leurs formes aurait pu définir des tâches exégétiques et herméneutiques encore plus ambitieuses que celles que posait l’interprétation du N.T. Schleiermacher a plus d’une fois souligné le dénuement du N.T., dont la langue comme la composition manquent d’art et d’ornementation. Mais il faut surtout regretter que Schleiermacher soit, dans sa pratique de l’interprétation, resté très en deçà de ses propres exigences relatives à l’utilisation du « livre auxiliaire ». Il en résulte un rétrécissement de l’horizon de l’exégèse et de l’herméneutique, qui caractérise du reste aussi son utilisation de l’ensemble des dialectes sémitiques. Contrairement aux exigences qu’il a lui-même posées dans son encyclopédie, Schleiermacher n’est jamais véritablement entré dans le riche univers linguistique du Proche-Orient « pour progresser ainsi jusqu’à la compréhension parfaite du canon »11. C’était là un tribut payé aux carences de ses années d’études à Halle. L’interprétation de Schleiermacher a souffert d’une autre limitation importante des perspectives et des méthodes de l’exégèse, relative à « l’appareil historique » dont Schleiermacher aurait lui-même reconnu la nécessité pour l’interprétation au sens large du N.T., puisqu’il demandait que les écrits néotestamentaires soient remis dans leur contexte et soient situés dans l’horizon social, intellectuel et politique du christianisme primitif. Plus qu’il n’était besoin, et en dépit de ses propres déclarations programmatiques, Schleiermacher a mis l’accent sur la fermeture du N.T. (« l’ensemble forme un univers déterminé et autonome »)12 et ne s’est pas suffisamment rendu compte de l’imbrication effective du texte dans son temps. C’est pour cette raison qu’il ne mobilise « la connaissance de la situation intellectuelle et politique dans les régions dans lesquelles et pour lesquelles les textes du N.T. ont été écrits »13 qu’à l’occasion de certaines démarches herméneutiques partielles. D’où l’impression d’une exégèse primordialement immanente au texte, que la conscience de la perméabilité de la grammaire aux déterminations sociales et historiques, dans les étapes ultérieures de l’interprétation, ne compense que partiellement. Sa préférence pour l’analyse linguistique et théologique des textes au détriment des intérêts de l’investigation historique est indéniable. On peut y reconnaître, positivement, la volonté de s’opposer à la tendance, de plus en plus nette dans la recherche historique et critique de l’époque, à séparer l’investigation historique du christianisme primitif des intérêts de l’exégèse théologique.
2. Paul
8On souligne généralement la préférence particulière que Schleiermacher voue aux écrits de Jean ; elle correspondait à une tradition de spiritualité chrétienne qui s’était vue réactivée à la fin du XVIIIe siècle, surtout par G.E. Lessing, et se savait en opposition à la ligne pétrinienne et paulinienne de l’histoire du christianisme et de l’Eglise. La « révolution sacrée » du premier romantisme venait d’attribuer une place d’honneur au christianisme selon Saint Jean. On en trouve des traces dans les discours Sur la religion, qui contiennent de nombreuses citations littérales et des allusions indirectes au quatrième Evangile14. Pourtant les premiers travaux exégétiques de Schleiermacher, qu’il s’était senti appelé à rédiger du temps où il était professeur à Halle (1804-1806/1807), ne portèrent pas sur l’Evangile de Jean mais sur le corpus paulinien.
9En mai 1805, Schleiermacher informe son ami, le prédicateur Christian Gass (de Stettin), qu’il a l’intention de commencer sa « lecture cursive » d’hiver par les épîtres de Paul15. Nommé professeur depuis peu et ne s’accoutumant que très progressivement à ses fonctions, il s’interroge aussi sur la question de savoir quelle épître de Paul il traitera de façon plus approfondie. Il se décida pour l’épître aux Galates, jugeant qu’elle présentait d’une manière particulièrement belle et concise les caractéristiques pauliniennes. Cette épître posait en outre un certain nombre de questions délicates et semblait donc « faite pour servir d’exercice d’interprétation »16. Schleiermacher avait déjà eu affaire à cette épître dans sa jeunesse : pour son premier examen de théologie en 1790, il avait dû rédiger un devoir en latin sur son cinquième chapitre – ce qui a sûrement influencé son choix. Son cours fut très bien accueilli ; il eut jusqu’à 120 auditeurs et ce succès pédagogique encouragea Schleiermacher à participer, au cours de l’été 1806, au « cursus exégétique », entrant ainsi en concurrence avec ses collègues de la faculté luthérienne, J.A. Nösselt et G.C. Knapp, dont il n’estimait pas particulièrement les qualités d’interprètes. Le premier, pour citer son jugement, « flottait continuellement d’une opinion à l’autre » ; quant à Knapp, il lui reprochait que son érudition, par ailleurs reconnue, n’était pas vraiment efficace dans l’exégèse. Knapp pouvait difficilement entrer en profondeur dans « l’esprit de l’écrivain »17.
10L’étude du corpus paulinien s’insérait dans le cadre d’autres travaux philologiques et herméneutiques ; Schleiermacher, pendant cette période d’enseignement à Halle, continuait notamment à traduire Platon avec énergie. La nécessité pratique d’élucider les bases théoriques et les instruments de l’activité herméneutique résultait de ses obligations d’enseignement dans le domaine du N.T., mais Schleiermacher aspirait, au-delà, à une herméneutique générale. Il abandonna son projet initial, fortement soutenu par Gass, de développer une herméneutique des textes sacrés, ne la considérant plus que comme un cas d’application particulière de l’ herméneutique générale. On peut se demander s’il n’y a pas une relation entre les caractéristiques propres aux écrits de Platon et de Paul, et les canons herméneutiques de Schleiermacher, et donc si un certain nombre d’accents dans la théorie de l’interprétation, tant grammaticale que psychologique et technique, ne s’expliquent pas par le contexte d’expériences faites à propos de ces deux auteurs anciens. Si cette question était approfondie, la genèse de la théorie herméneutique de Schleiermacher en serait éclairée ; il faudrait d’ailleurs élargir cet horizon en remontant dans la profondeur de l’histoire de la tradition herméneutique, telle qu’elle s’est constituée depuis le περὶ ἑρμηνείας d’Aristote18.
11L’œuvre de Paul, du point de vue de l’exégèse herméneutique, se présente comme une heureuse exception. A la différence des autres ensembles constituant la tradition néo-testamentaire, elle se présente comme une masse textuelle qu’il n’est pas trop difficile de mettre en rapport avec la personne de son auteur, les circonstances de sa vie et le cercle de ses destinataires, autrement dit avec des facteurs possédant une signification herméneutique constitutive. Il est probable que le choix de Schleiermacher a été largement déterminé par ces considérations ; il était plus difficile en effet de faire ses preuves sur des textes résultant de traditions différentes, où la signature de l’auteur et l’indication des destinataires étaient moins claires ; ce que révèlent d’ailleurs la peine que l’interprétation de la tradition synoptique lui a donnée. En travaillant sur l’œuvre d’un auteur particulier, relativement simple à situer historiquement, qui se détachait par la cohérence de sa pensée et la précision de sa langue du reste des écrits néo-testamentaires, il poursuivait la pratique herméneutique mise en œuvre à propos de sa traduction de Platon. L’intérêt qu’il portait à Saint Paul est décelable jusque dans son projet, auquel il commença à réfléchir en 1807, de réaliser une édition critique des écrits de Paul. Pour rendre justice à l’apôtre, il fallait encore des travaux préparatoires, « surtout une édition convenable des écrits de Paul, qui permettrait de déterminer de façon précise la langue de cet auteur...»19. Cette idée ne se réalisa pas, mais on sait par une lettre de l’hiver 1814 que Schleiermacher avait rédigé des travaux préparatoires en latin ; et il devait par la suite rester fidèle au projet20. Sa proximité avec Paul, dont témoignent tous ses plans d’exégèse et d’édition, était pour une part non négligeable due à des considérations philologiques, et néanmoins on ne peut pas méconnaître qu’un penchant intérieur le poussait vers l’apôtre de Tarse. A travers les textes de Paul, l’esprit s’exprimait de manière immédiate, ainsi que le don fait par le Christ de la conscience du salut. Schleiermacher y retrouvait mieux sa propre identité religieuse que dans les écrits narratifs du N.T. ou la tradition anonyme des épîtres. La conscience de sa mission d’apôtre s’exprime chez Paul avec une vie et une éloquence qui n’est pas sans rappeler le texte écrit par Schleiermacher en 1799 sur la « vocation intérieure » de l’homme religieux. Paul représentait à ses yeux un homme qui, « profondément pénétré par l’idée du salut et de sa mission apostolique, rapportait exclusivement à celle-ci tous les événements de sa vie, fondait sur elle tout son amour et le ramenait toujours à elle »21.
12Les études sur Paul que Schleiermacher a achevées et publiées se réduisent à deux : l’une porte sur la première épître à Timothée et l’autre sur l’hymne au Christ de la première épître aux Colossiens (1, 15-20), qui est devenu, chez les savants modernes, un objet privilégié de recherche dans le domaine de l’histoire des formes. Schleiermacher n’était pas à même de reconnaître que la spécificité de cet hymne au Christ relève d’une tradition de formules hymniques préexistantes à l’intérieur du monde hellénistique. Il n’a pas non plus douté de l’authenticité de cette épître. Le premier à avoir reconnu le caractère deutéropaulinien de l’épître devait être E.Th. Meyerhoff en 1838, six ans après la parution de l’essai de Schleiermacher.
3. La première épître à Timothée : un écrit pseudépigraphique
13L’étude critique de Schleiermacher sur cette épître constitue une partie de ses travaux sur l’apôtre entrepris pendant son séjour à Halle. Lors d’une rencontre avec son ami, Joachim Christian Gass, il avait émis des doutes au sujet de la paternité de Paul, qui était alors communément admise. Le scepticisme manifesté par Gass à l’égard de cette thèse aurait poussé Schleiermacher à l’étayer sur des bases solides. Informant son ami par lettre de l’état de ses recherches, il écrit, le 30 novembre 1806 : « le jour même de votre départ, si je ne me trompe, nous sommes allés chez les Steffens. Le dimanche d’après, je me suis remis sérieusement au travail et, depuis, j’ai bien avancé dans Platon et dans ma recherche sur la première épître à Timothée que je veux éditer, dès que les libraires se rappelleront qu’ils doivent penser à leur métier »22. Le 6 avril 1807, il écrit à son ami de Stettin qu’il lui reste « encore quelques feuillets du Banquet de Platon et que Timothée n’est pas terminé non plus ». Le 1er mai, il pouvait déjà lui annoncer le résultat de sa recherche23.
14Le commentaire de l’épître se présente comme une « lettre critique » ouverte adressée à Gass. Jeter le doute sur la paternité littéraire d’un texte de Paul n’était pas sans comporter quelques risques, étant donné l’état des recherches néo-testamentaires à cette époque et la conscience ordinaire de la théologie ecclésiastique. Schleiermacher autorisait Gass, le destinataire de la lettre, pour ne pas se mettre dans une situation difficile, à prendre ses distances par rapport à l’esprit et aux résultats de cette « entreprise hardie ». Schleiermacher développe une argumentation pour prévenir le reproche d’avoir rédigé son traité en allemand et non en latin, ce qui révèle bien l’importance des risques que l’on prenait à déclarer que la première épître à Timothée était un faux dans le corpus paulinien. Les termes de sa réponse étaient les suivants : c’est l’honnêteté qui lui avait commandé de ne pas user de stratégies scientifiques ésotériques pour l’exégèse du N.T., car le profane démuni de formation critique ne devait pas se contenter de versions édulcorées. Cette recherche sur la première épître à Timothée qui, sous sa forme imprimée de 1807, ne comporte pas moins de 239 pages, est en quelque sorte un modèle de la pratique herméneutique de son auteur, une démonstration ad oculos de l’interdépendance entre interprétation grammaticale et interprétation psychologique et technique. Naturellement, il serait erroné de penser qu’un texte particulier puisse mettre en jeu toutes les ressources d’un projet de théorie herméneutique. Le caractère exemplaire du travail de Schleiermacher doit donc s’entendre compte tenu des limites et de la particularité qui sont celles de la pratique herméneutique. Ce n’est que dans les systèmes théoriques structuralistes que celle-ci peut à la rigueur se présenter comme l’application parfaite d’une théorie universelle, alors que les interprétations particulières relèvent toujours de l’unicité spécifique d’une démarche interprétative. Poussée dans ses dernières conséquences, cela signifie qu’« une « théorie de l’interprétation » doit accepter d’être confrontée à une difficulté spécifique, en ce qu’on ne sait jusqu’à quel point l’interprétation, qui est une affaire individuelle, peut être conduite selon une démarche théorique et abstraite »24.
15Si les écrits de Paul sont de loin les plus anciens du N.T., cela ne signifie pas qu’ils représentent la tradition chrétienne la plus ancienne. Les paroles de Jésus rapportées dans les Synoptiques sont bien antérieures. Schleiermacher a réalisé plus tard son désir de pénétrer jusqu’aux couches les plus profondes du christianisme afin d’y trouver l’expression la plus pure de son essence, lorsqu’il a interprété les Synoptiques et tenté de présenter la vie de Jésus. Comme il était conscient du fait que le christianisme était dès l’origine pris dans un processus d’évolution, il en a conclu qu’on pouvait admettre deux séries de considérations, la première consistant à traiter le christianisme primitif comme « une série de moments, l’autre s’attachant uniquement à ce qui, fût-il tiré de moments différents, permet de présenter le pur concept du christianisme »25. Les épîtres du N.T. forment un ensemble à part dans la tradition néo-testamentaire. Les Evangiles et les Actes des apôtres sont les seuls textes qui ne se présentent pas comme des lettres, ce qui traduit la prédilection de l’Antiquité tardive pour l’épistolographie. Ces épîtres sont, pour cette raison, plus directement liées à l’histoire littéraire que les Evangiles, dont la forme littéraire est également une création du christianisme. Cet aspect d’universalité épistolographique et de spécificité des contenus, expression et reflet de la conscience de soi de la piété chrétienne, ont dû contribuer à la décision fondamentale de Schleiermacher de délaisser l’herméneutique sacrée au profit d’une herméneutique générale, qui ne pouvait jamais se concevoir et s’appliquer au N.T. que dans une relation particulière.
16Il y a pourtant épître et épître. Certains écrits, sont d’emblée soigneusement conçus en forme d’épître (par exemple la seconde épître aux Thessaloniciens), alors que, pour d’autres, il ne s’agit que d’éléments du genre épistolaire superficiellement rapportés. Les épîtres du N.T. présentent un spectre complet de possibilités, allant de la lettre à la non-lettre. Schleiermacher considérait Paul comme un auteur extrêmement conscient des exigences propres du genre épistolaire. La critique littéraire ou (selon les cas) stylistique portant sur les aspects techniques de l’interprétation était donc un élément essentiel de la vérification de l’authenticité de la première épître à Timothée. Schleiermacher commence par détruire les arguments traditionnels en faveur de la paternité de l’épître. La tradition considère que Polycarpe de Smyrne était l’un des Pères apostoliques qui citait des passages de la première épître à Timothée. Schleiermacher objectait à cela que l’expression ἀρχὴ δὲ πάντων χαλεπῶν ϕὶλαργυρία, qui revient sans cesse sous la plume de Polycarpe, ne coïncide pas avec le passage analogue de la première épître à Timothée aussi littéralement que l’exige une maxime de ce genre. Cette observation, et d’autres indices, ont amené Schleiermacher à la conclusion que Polycarpe n’a pas connu cette lettre. Il contestait également les emprunts des autres Pères apostoliques, notamment d’Irénée de Lyon. Ce qui donnait d’ailleurs à réfléchir, c’est le fait que Marcion, alors qu’il était « hyper-pauliniste » et que l’œuvre de Paul était la seule qu’il voulût canoniser au même titre que l’Evangile de Luc, n’avait pas admis la première épître à Timothée dans sa collection. En ce qui concerne les déclarations d’Eusèbe de Césarée, historien de l’Ancienne Eglise, sur l’étendue et la composition du N.T., Schleiermacher, commentant ce passage de l’Histoire ecclésiastique où les épîtres de Paul étaient manifestement considérées comme un tout, estimait que cela prouvait uniquement que « la collection était depuis longtemps constituée sous la forme que nous connaissons, et d’autre part qu’on n’y appliquait aucun esprit critique »26. Ce n’est pas en invoquant l’autorité de la tradition qu’on pouvait sauver l’authenticité de l’épître et prouver ainsi l’ancienneté de sa rédaction, puisque les témoignages étaient si douteux. Mais il y avait surtout des « signes internes » qui engendraient la suspicion ; ils sont au point de départ de l’analyse exégétique et herméneutique de Schleiermacher, dont nous allons dégager les étapes essentielles.
17Dans la logique de son propre canon herméneutique, Schleiermacher commence par délimiter le contexte linguistique de l’épître. Il considère les lettres pastorales, à savoir les épîtres à Timothée et l’épître à Tite, comme un ensemble cohérent à plusieurs égards. A la différence des autres épîtres du N.T., elles sont adressées à des personnes bien définies. Une autre particularité, comme Schleiermacher l’observait, venait du fait qu’elles présentaient des affinités du point de vue de leurs caractéristiques lexicales. A y regarder de plus près, la langue de la première épître à Timothée se distinguait pourtant nettement de celle des deux autres lettres pastorales. « Elle contenait certains mots et tournures qu’on ne retrouve pour la plupart ni dans ces dernières, ni dans aucun écrit de Paul, ni dans le N.T. en général »27. Pour démontrer ses assertions, Schleiermacher entreprit une étude linguistique approfondie des trois lettres pastorales. L’application méthodique de cette démarche était loin d’être courante à l’époque dans la pratique exégétique néo-testamentaire. Schleiermacher découvrit plus de quatre vingts passages faisant apparaître des différences frappantes dans l’utilisation de la langue. Il en identifia certains comme des hapax legomena, par exemple ἑτεροδιδασκαλεῖν, διώκτης, βαθμός. Ceux-ci posaient des problèmes sémantiques pour lesquels Schleiermacher proposa des solutions en se référant à des textes de la littérature ecclésiastique rédigés en grec (par exemple pour καυτηρὶάζω). Pour préciser le sens d’autres termes, il s’appuya également sur la Septante, se servant par ailleurs de l’édition in folio en deux volumes du N.T. grec de Johann Jakob Wettstein (1693-1754). Cette édition comportait un textus receptus établi par Wettstein, un riche apparat critique et surtout une importante collection de parallèles, pour la forme et le contenu, tirés des littératures talmudique, gréco-latine et patristique. Le style de Paul était bon, mais son vocabulaire assez peu étendu. L’accumulation de termes rares ou non usités, frappante dans la première épître à Timothée, était une preuve sérieuse de son caractère pseudépigraphique. Un certain nombre d’éléments linguistiques permirent d’autre part à Schleiermacher de situer ce texte à une époque plus tardive, et de reconnaître, dans la recherche avide de néologismes, la main d’un compilateur, qui, ayant péniblement rassemblé tout ce qu’il pouvait de ses maigres sources, témoignait d’une certaine indigence et d’une tendance à la répétition. Les différences entre la première épître à Timothée et l’ensemble de l’œuvre de Paul – ainsi qu’avec tous les écrits néo-testamentaires – étaient donc évidentes28.
18L’opération suivante consistait à mettre en évidence les différences d’ordre sémantique, dans le choix des termes et des tournures syntaxiques ; cette recherche débouchait déjà insensiblement sur la comparaison entre les theologoumena de Paul et ceux de cette épître. La logique propre des observations grammaticales aboutit à une comparaison des contenus et à la critique.
19L’importance de la place accordée aux considérations grammaticales dans cette recherche prouve l’inadéquation du jugement, imposé par Dilthey, selon lequel l’interprétation « psychologique », prise d’ailleurs dans un sens très restrictif, serait prépondérante dans cette étude. Cette représentation est le produit de toute une herméneutique de l’empathie qui, selon Dilthey, répondait à la théorie et à la pratique herméneutique de Schleiermacher29. D’ailleurs, les efforts déployés pour vérifier le lieu historique de la rédaction de l’épître dans la vie de Paul en fonction de la concordance des données historiques et géographiques, avant de traiter de la paternité à travers la médiation analytique de la nature du texte, montrent combien la démarche de l’interprète est prudente, même dans son interprétation psychologique et technique. Le résultat de ces vérifications fut négatif. Schleiermacher aligne une série d’observations prouvant que la première épître à Timothée ne pouvait s’insérer dans le cadre des voyages missionnaires de Paul, qu’elle n’avait aucun rapport avec les amis ou des situations communautaires connues de Paul à l’intérieur de la communauté et ne témoignait d’aucune connaissance « de la situation personnelle de l’apôtre ou de circonstances locales déterminées »30. L’auteur de l’épître ne pouvait donc même pas appartenir au cercle de Paul.
20Schleiermacher est parti, dans son interprétation technique de la question du genre littéraire, de l’épître didactique, qu’il définissait comme un produit intermédiaire « entre le discours religieux ou homélie et la lettre personnelle à proprement parler ». Le discours religieux a pour but d’expliquer quelque chose à un groupe déterminé de destinataires, alors que la lettre exprime de façon immédiate une relation d’amitié entre un locuteur et un destinataire. Ce mélange faisait davantage ressortir tantôt l’aspect didactique, tantôt la communication épistolaire. Mais même lorsque le premier domine, il subsiste une part de la liberté propre à la véritable lettre, c’est-à-dire un refus de se plier strictement ou exclusivement à l’ordre rigoureux imposé par le sujet. Là encore, la référence au contenu religieux réintroduisait un élément de généralité dans l’expression. Après avoir ainsi déterminé le caractère propre de ce genre littéraire, Schleiermacher revenait à la première épître à Timothée, pour aboutir à nouveau à une conclusion négative. Cette fois-ci, le problème était posé sous un angle technique : jusqu’à quel point l’auteur avait-il satisfait aux particularités de la lettre didactique – ou pouvait-il même y satisfaire, dans l’ignorance où il était des circonstances concrètes relatives aux destinataires et à son sujet ? « Mais si notre épître ne fait pour ainsi dire pas apparaître de relation familière et si, par ailleurs, la plupart des sujets sont traités sans aboutir à aucun résultat, comme pouvons-nous croire qu’elle a réellement été rédigée sous forme de lettre, et à plus forte raison par Saint Paul ? »31.
21Il n’était pas nécessaire, d’après Schleiermacher, d’approfondir la comparaison avec d’autres épîtres de Paul où, dans le cadre de la forme choisie, l’individualité de l’apôtre s’exprimait différemment selon le sujet, l’occasion et le cercle des destinataires. Il suffisait d’une compréhension globale des qualités épistolaires de Paul pour percevoir que la tentative d’imiter l’individualité langagière de son grand modèle était un échec. Les textes de Paul se caractérisent en effet par leur référence concrète au vécu et une mobilité intérieure résultant d’un engagement passionné. C’est dans l’épître aux Romains que Schleiermacher voyait la combinaison exemplaire de l’élément didactique et de l’élément amical et personnel.
22La première épître à Timothée fournissait cependant des indications plus révélatrices encore sur son auteur. Les règles de comportement pratique qu’il y développe – mise en garde contre les tendances judaïsantes à l’intérieur de la communauté, préceptes pour les hommes et les femmes, qualités des anciens dans la communauté, exhortations au bien en général – font de cette épître une sorte de « lettre d’affaires » à l’intérieur du genre de la lettre didactique. L’assemblage et l’enchaînement de ces divers lieux communs sont dépourvus de la logique et de la cohérence interne que les autres épîtres pauliniennes possèdent au plus haut point, malgré les apparences d’une souplesse calculée et d’une liberté dans la présentation. L’inadéquation de la composition, pour ce qui est de la matière, et son caractère de « lettre d’affaires », pour ce qui est du développement et de la composition, apportaient la preuve que cette épître n’est pas authentique. L’autre aspect de la lettre didactique, le ton de l’amitié familière, fait également défaut à la première épître à Timothée.
23Dans l’ensemble, on voit que les problèmes de la nature et du style relèvent indiscutablement de la partie technique de l’interprétation, et non de l’interprétation grammaticale. Cette distinction reflète la conception du style de Schleiermacher. Elle part du contexte de la pensée et de la vie de l’auteur pour observer dans un deuxième temps de quelle manière le genre du texte et sa forme stylistique y satisfont. Si, dans l’analyse de la première épître à Timothée, Schleiermacher, en exposant cette relation, commence par déterminer les caractéristiques générales du genre, avant de passer à l’explication du contexte, il ne faudrait pas en tirer des conclusions erronées. Les déterminations formelles, qui, de leur côté, sont formulées par référence à l’objet de l’analyse, ont toujours été anticipées par une opinion préalable sur les intentions ouvertes et cachées de l’auteur, sur son « dessein fondamental », sur les circonstances internes et externes de la genèse de l’œuvre. Ces présupposés, confrontés aux éléments matériels (forme de la présentation déterminée par le genre, style), sont alors ou bien confirmés ou bien infirmés. L’étroite imbrication entre l’interprétation « purement psychologique » et l’interprétation technique fait qu’ils coïncident finalement dans une exégèse qui est aussi bien psychologique que technique. Le caractère interchangeable des notions de « technique » et de « psychologique », qui, dans la reconstruction de la théorie herméneutique de Schleiermacher, a parfois été ressenti comme irritant, devient intelligible quand on le situe par rapport aux conditions de l’activité herméneutique. Il est vrai que l’imbrication entre l’intention de l’auteur et le produit final (le texte) présente une difficulté subtile, si on cherche à la suivre systématiquement à travers tous les éléments syntaxiques et sémantiques et toutes les idées principales et secondaires, car un facteur normatif s’insinue dans la genèse de l’œuvre. Peter Szondi a particulièrement attiré l’attention sur ce point32.
24Schleiermacher fournit une masse écrasante d’indices exégétiques et herméneutiques à l’appui de sa démonstration du caractère pseudépigraphique de la première épître à Timothée. Il restait encore à dégager de tous ces emprunts et assimilations dilettantes ce qui appartenait en propre à l’auteur pseudonyme. Il ne suffisait pas de démasquer le faussaire en se référant au critère de l’esprit individuel du locuteur, tel que la « divination » l’établissait à propos des autres épîtres de Paul : il fallait à présent retrouver l’individualité de l’auteur de la lettre. Cette entreprise ne disposait que d’une marge de manœuvre très limitée, parce qu’il n’y avait pas moyen de contourner les fictions relatives aux circonstances vécues (considérées comme « pauliniennes »), qu’elles soient internes ou externes. Schleiermacher eut une fois de plus recours à l’interprétation grammaticale et notamment aux remarques sur les particularités syntaxiques de la lettre. L’interprète tombait à chaque pas sur des expressions linguistiquement mal agencées, ce dont il déduisait que les notions théologiques et les représentations doxologiques de Dieu de leur auteur étaient confuses33. Le faux Paul n’avait réussi ni à « vraiment saisir un moment de la vie de l’apôtre » ni à développer d’une manière originale la moindre de ses grandes idées. Le « manque de tenue » caractérisant ce texte s’expliquait par un « manque de vocation intérieure »34. Dès lors, à la suite de ces nouvelles conclusions, il ne restait à l’auteur de l’épître qu’une seule qualité : il avait exposé quelques idées estimables sur le mariage chrétien, la situation des veuves et des vierges dans la communauté. Il s’était manifestement inspiré de la pratique des communautés chrétiennes de l’époque, probablement conforme à la tradition de l’apôtre lui-même ou de ses élèves immédiats.
4. Pseudonymité et canonicité
25Dans son encyclopédie, Schleiermacher a fait de la détermination de l’étendue et des limites du canon néo-testamentaire une tâche permanente de la théologie et de l’herméneutique. Il pose pour principe que « la théologie protestante ne peut admettre aucune conception du Canon qui exclurait cet art (c’est-à-dire l’herméneutique générale fondée sur la nature de la pensée et du langage – K.N.) de l’étude de celui-ci »35. L’intelligence critique du protestantisme interdisait d’établir ou de faire valoir des critères de canonicité qui ne seraient pas issus de la chose même, comme la preuve par la tradition ou les décisions doctrinales. La chose elle-même, c’était l’essence du christianisme, devant être identifiée par l’application de l’art et de la théologie. Par conséquent, il était inévitable de décider de la canonicité ou de la non-canonicité de cet écrit. Parmi les textes que Schleiermacher avait pu lire, l’Introduction du N.T. de J.E.C. Schmidt était le seul ouvrage à exprimer un doute sur l’authenticité de cette épître. Comme à l’époque on assimilait apostolicité et canonicité, c’était là un premier pas prudent sur la voie de la mise en question de la valeur canonique de la première épître à Timothée36. Même pour le fondateur des sciences introductives au N.T., Johann David Michaelis, qui avait réellement approfondi le problème du Canon et déclaré que ni les Synoptiques ni les Actes des Apôtres n’en faisaient partie en raison de leur manque de dignité apostolique, les notions d’apostolicité et de canonicité étaient indissociables. Par conséquent à partir du moment où Schleiermacher contestait le caractère apostolique de l’épître – position scandaleuse, eu égard aux doctrines prédominantes – son statut de texte canonique était sérieusement en jeu. Contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, Schleiermacher n’a pas utilisé mécaniquement l’équation apostolicité = canonicité pour en donner une application contraire : l’interprète théologien a su donner à ce problème un tour plus constructif. Paternité apostolique ou non – c’était finalement là un critère externe. Schleiermacher n’envisageait pas non plus d’adopter le point de vue de Semler, qui jugeait que l’appartenance au Canon était une convention historique à laquelle il n’était pas nécessaire de toucher, parce que tout chrétien menant une « recherche libre » sur le Canon devait pouvoir choisir les textes dont la signification religieuse lui convenait. Il était indispensable de trouver les critères internes permettant de décider de la dignité canonique d’un texte et de savoir s’il faisait partie des formes d’expression de la conscience de soi de la piété chrétienne. On pouvait négliger le mensonge naïf et bien intentionné du pseudo-Paul « car il a manifestement écrit sans vanité méprisable et n’a pas pris perfidement le masque du plus grand des apôtres pour s’introduire subrepticement dans l’Eglise »37. Si l’on tenait compte de ses considérations sur le mariage, la virginité et le veuvage, on pouvait tolérer sa présence dans le Canon. C’était un cas-limite, mais la marque du christianisme originel y était indéniable.
5. Récapitulation et perspectives
26C’est à Schleiermacher que revient la gloire d’être le premier dans l’histoire de la recherche du N.T. à avoir démontré le caractère pseudépigraphique de la première épître à Timothée. Dans un compte rendu approfondi de 1807, M.L. de Wette exprima le jugement suivant : « ce rejet de la première épître à Timothée est le premier exemple, dans la critique de l’Ancien et du Nouveau Testament, où l’on voit coïncider l’idée de départ et l’intégralité de la démonstration »38. Toujours est-il que de Wette n’a pas adopté entièrement le point de vue de Schleiermacher, ce qui montre à quel point le terrain sur lequel évoluait une méthode herméneutique libre de toute entrave était dangereux. Schleiermacher se vit bientôt confronté à des tentatives de réfutation de ses thèses, notamment de la part de Heinrich Planck (Göttingen) et de J.A.L. Wegscheider39.
27Mais ce n’est pas dans les tentatives de réfutation que réside le principal intérêt de ce premier grand exemple de la pratique exégétique néo-testamentaire de Schleiermacher avec l’imbrication cohérente entre interprétation grammaticale d’une part, interprétation psychologique et technique d’autre part. Dans le troisième volume de son Introduction au Nouveau Testament, publié en 1812, le grand exégète J.G. Eichhorn alla plus loin que Schleiermacher en prouvant que les deux autres lettres pastorales n’étaient pas non plus authentiques. Les recherches ultérieures ont démontré la pertinence de ses affirmations. Or Schleiermacher n’avait-il pas précisément fondé sa démonstration sur la comparaison lexicographique de son épître, tant pour le lexique que pour le contenu, avec les deux autres épîtres pastorales considérées comme « pauliniennes » ? Il y a plus. Malgré la série de preuves cohérentes apportées par Eichhorn, Schleiermacher n’a pas pu admettre que la deuxième épître à Timothée et l’épître à Tite étaient également pseudépigraphiques. Il a imperturbablement continué à soutenir, dans leur cas, la paternité de Paul40. A la lumière de ce refus, sa propre démonstration, menée selon toutes les règles de l’art exégétique et herméneutique sur la base de prémisses partiellement erronées, nous invite à méditer sur la proximité entre connaissance et erreur dans l’art de l’interprétation.
28Par ailleurs, les résultats du travail de Schleiermacher démontrent à l’évidence qu’un système de règles herméneutiques et une interprétation particulière sont de natures différentes, même si, dans l’accomplissement de la pratique herméneutique, ils se déterminent mutuellement et entretiennent des relations plus ou moins étroites. Fort des découvertes du XIXe et du XXe siècle, on n’aurait pas de mal à reprocher à Schleiermacher une foule d’erreurs dans son interprétation du N.T. On ne s’en est d’ailleurs pas privé dans l’histoire de la discipline, et d’une façon souvent peu équitable. Dans l’appréciation de la Vie de Jésus, on est allé jusqu’à une véritable flagellation théologique de Schleiermacher, parce que l’étude reposait sur l’hypothèse de la justesse historique des informations contenues dans l’Evangile de Jean. Ses présupposés dogmatiques l’auraient conduit à projeter l’interprétation dans le texte « exégétiquement » plutôt que de l’en extraire « exégétiquement ». Pour ne donner qu’un exemple éminent de ce type de verdict, on citera ici le jugement d’Albert Schweitzer sur cette Vie de Jésus. Schweitzer reproche à Schleiermacher d’avoir donné de Jésus une représentation non pas historique, mais purement « dialectique », résultant d’une opération intellectuelle dogmatique : « dès qu’on touche cette dialectique subtile, elle se brise entre vos doigts ». Schweitzer ne pensait pas non plus que cette dialectique théologique si brillante fût viable dans sa substance. On était en présence d’une dialectique impropre à « accoucher de la réalité », à la différence de celle de Hegel. C’était une représentation artificielle, mais Schleiermacher « s’avère le plus grand maître qui ait jamais existé de cette dialectique esthétique »41.
29Que reste-t-il encore après cela du travail herméneutique réel accompli par Schleiermacher sur le N.T. ? D’un point de vue théologique, on ne rend pas justice à sa reconnaissance de la puissance de création conceptuelle du christianisme en matière religieuse et à son effort permanent de saisir dans les écrits du N.T. ce qui est essentiellement chrétien, c’est-à-dire l’expression unique et absolument originale de la relation entre l’homme et Dieu. Son herméneutique n’ a-t-elle pas contribué à aiguiser le regard qu’on portera après lui sur les conditions externes et internes de la production des textes religieux, et à donner à ses successeurs une conscience du problème qui se manifestera lorsque, du haut du progrès des recherches historiques et critiques, on marquera la limite de la valeur de son œuvre d’interprète ? En 1863, Adolf Hilgenfeld pouvait encore traiter d’une manière assez approfondie l’interprétation que Schleiermacher avait donnée du N.T.42. Mais un quart de siècle plus tard, G. Heinrici, dans un grand article sur l’herméneutique biblique de la Realencyclopädie protestante, mentionnait à peine son nom, tandis qu’il rendait hommage au projet d’une « philologie biblique » émanant de l’un de ses disciples, Friedrich Lücke43. L’essort immense de la conscience critique des méthodes depuis le premier tiers du XIXe siècle (D.F. Strauss, Ecole de Tübingen) a manifestement rendu caduques plus tôt qu’ils ne le méritaient, les qualités incontestables des travaux de Schleiermacher. La théologie doit donc se tourner vers d’autres disciplines, surtout la philosophie et la théorie littéraire, pour saisir de nouveau l’importance de l’herméneutique de Schleiermacher. L’avenir décidera de l’usage qu’elle en fera. Mais on est loin d’avoir accordé à cet auteur l’importance qui lui revient dans la théologie linguistique et narrative, alors qu’il pourrait enrichir réellement le discours actuel. On gagnerait beaucoup à abandonner les notions fausses ou superficielles qu’on a de l’herméneutique intuitive, associées d’une manière très imprécise au terme d’« interprétation psychologique »44.
Notes de bas de page
1 « Über den sogenannten ersten Brief des Paulos an Timotheos. Ein kritisches Sendschreiben an J.C. Gass, Consistorialrath und Feldprediger zu Stettin », Berlin, 1807 (SW, I/2, p. 223- 320) : « Über die Schriften des Lukas, ein kritischer Versuch. Erster Theil », Berlin, 1817 (SW, II2, p. VIII-XI et 1-220) : « Über Koloss. 1, 15-20 » ; Theologische Studien und Kritiken, 5, 1832, p. 497-532 (SW, I/2, p. 361-392) : « Über die Zeugnisse des Papias von unsern beiden ersten Evangelien », Theologische Studien und Kritiken, 5, 1832, p. 735-768 (SW, I/2, p. 321- 360).
2 Einleitung ins Neue Testament (d’après les manuscrits posthumes de Schleiermacher et des copies de ses cours, avec une préface de Friedrich Lücke), édité par G. Wolde (SW, I/8) ; Das Leben Jesu (Cours à l’Université de Berlin de 1832. D’après les manuscrits posthumes de Schleiermacher et les notes de ses auditeurs), édité par K.A. Rütenik (SW, I/11).
3 Lettre de Schleiermacher à F.H. Jacobi. Communiquée par B. Jacobi, dans Der Kirchenfreund für das nordliche Deutschland, vol. 2, 1837, cahier n° 5, p. 373-378 ; ici, p. 376.
4 Kurze Darstellung des theologischen Studiums, 2e édition revue et corrigée, Berlin, 1830, § 83.
5 Le livre de base de l’exégèse littérale « emphatique », placée sous le signe de la subtilitas applicandi, était les lnstitutiones hermeneuticae sacrae de Rambach (1723). Dès 1728, J.A. Turrettini avait déjà fait valoir contre elles le postulat de l’absence de détermination préalable dans son Tractatus bipartitus de sacrae scripturae interpretandae methodo (imprimé à Berlin en 1766). Il écrit notamment : Animus vacuus, ut ita dicam, ad eam (scripturam) afferendus, debet esse instar tabulae rasae, ut verum et genuinum sensum scripturae percipiat (p. 378).
6 SW, I/2, p. 296.
7 Herm. K, p. 82 (trad. franç., p. 123).
8 G. Hornig a montré cette relation avec insistance dans « Schleiermacher und Semler. Beobachtungen zur Erforschung ihres Beziehungsverhältnisses », ISK, 2, p. 875-897.
9 R. Smend, « Die Kritik am Alten Testament », dans D. Lange (éd.), Friedriech Schleiermacher. Theologe - Philosoph - Pädagoge, Göttingen, 1985, p. 106-128, cite l’exemple d’un prêche de Schleiermacher sur l’épître aux Hébreux, 3, 5 s. (SW, 11/2, p. 299-313) illustrant l’opposition entre la servitude représentée par Moïse et la filiation représentée par le Christ. On trouvera dans cette étude d’autres indications bibliographiques relatives à l’attitude de Schleiermacher envers l’Ancien Testament. Pour la position de Schleiermacher à l’égard du judaïsme de son époque, voir K. Nowak : « Schleiermacher und die Emanzipation des Judentums am Ende des 18. Jahrhunderts in Preussen », dans Briefe bei Gelegenheit der politisch-theologischen Aufgabe und des Sendschreibens jüdischer Hausväter, von einem Prediger ausserhalb Berlin (Berlin, 1799), édition fac-similé, Berlin, 1984, p. 67-86.
10 Kurze Darst., § 141.
11 Kurze Darst., § 129.
12 Herm. L, SW, 1/7, p. 247.
13 Cf. Kurze Darst., § 141.
14 Cf. H. Timm, Die heilige Revolution. Das religiöse Totalitätskonzept der Frühromantik. Schleiermacher – Schlegel – Novalis, Francfort/Main, 1978 ; K. Nowak, Schleiermacher und die Frühromantik. Eine literaturgeschichtliche Studie zum romantischen Religionsverständnis und Menschenbild am Ende des 18. Jahrhunderts in Deutschland, Weimar/Göttingen, 1986.
15 Lettre de Schleiermacher à J.C. Gass de mai 1805, dans Schleiermacher als Mensch. Sein Wirken. Familien-und Freundesbriefe, 1804 bis 1834, H. Meisner (éd.), Gotha, 1923, p. 34.
16 Lettre de Schleiermacher à Gass du 6 septembre 1805 (Meisner, p. 43).
17 Lettre de Schleiermacher à Gass de l’été 1806 (Meisner, p. 64-66 ; ici p. 66). Cette lettre contient en outre un pronostic optimiste : « J’espère comprendre bientôt l’apôtre aussi bien que Platon lui-même ».
18 Sur les apories de la recherche en cette matière, cf. la polémique de W. Hübener dans « Schleiermacher und die hermeneutische Tradition », ISK, 2, p. 561-574.
19 Cf. SW, I/2, p. 318.
20 Lettre de Schleiermacher à L.G. Blanc du 27 décembre 1814 (Meisner, p. 214-216 ; ici, p. 214 s.) ; à F.H.C. Schwarz du 15 avril 1815 (Meisner, p. 220-222, ici p. 221).
21 Cf. SW, I/2, p. 279 s.
22 Lettre de Schleiermacher à J.C. Gass du 6 avril 1807 (Meisner, p. 89 s. ; ici p. 89). La remarque sur les libraires s’explique par la désorganisation de la vie à Halle, liée à l’occupation des troupes françaises.
23 Lettre de Schleiermacher à J.C. Gass du 30 novembre 1806 (Meisner, p. 75 s. ; ici p. 75), et du 1er mai 1807 (ibid., p. 90 s. ; ici p. 90).
24 Cf. B. Willim, Urbild und Rekonstruktion. Zur Bedeutung von Schleiermachers Konzept der Literaturauslegung in der aktuellen Diskussion um eine materiale Hermeneutik, Francfort/Main-Berne, 1983, p. 39. Du même auteur : « Problemüberlagerungen im Konzept der technisch-psychologischen Interpretation », ISK, 2, p. 613-621.
25 Cf. Kurze Darst., § 84.
26 SW, I/2, p. 229.
27 SW, I/2, p. 233.
28 SW, I/2, p. 247-253. Il faut ici renoncer à reconstruire le matériel dont Schleiermacher disposait pour l’histoire de la transmission de la première épître à Timothée, éditions du Nouveau Testament, commentaires et autres auxiliaires de la critique textuelle. Il appartiendra à l’édition critique des Œuvres complètes de faire la lumière sur cet aspect de la recherche de Schleiermacher. Certains éclaircissements sur l’état de la recherche néo-testamentaire, sur l’appréciation des éditions séparées (entre autres la Complutensis, celle de Th. de Bèze, la Polyglotte de Londres, celles de J.J. Bengel, de Wettstein, de J.J. Griesbach) figurent dans les conférences d’introduction au Nouveau Testament (SW, I/8, 111 ss.). Pour la classification des manuscrits, voir ibid., p. 96-102.
29 Cf. H. Birus, « Zwischen den Zeiten. Schleiermacher als Klassiker der neuzeitlichen Hermeneutik », dans le livre édité par le même auteur, Hermeneutische Positionen. Schleiermacher-Dilthey-Heidegger-Gadamer, Göttingen, 1982, p. 15-58 ; voir aussi, du même auteur : « Hermeneutische Wende ? Anmerkungen zur Schleiermacher-Interpretation », Euphorion, 74, 1980, p. 213-222.
30 SW, I/2, p. 268.
31 SW, I/2, p. 277.
32 Cf. les passages que P. Szondi consacre à Schleiermacher dans Einführung in die literarische Hermeneutik, J. Bollack et H. Stierlin (éds), Francfort/Main, 1975 ; trad. franç., par M. Bollack, Paris, 1989.
33 SW, I/2, p. 315.
34 SW, I/2, p. 317.
35 Kurze Darst., § 134.
36 « Pour être précis, je ne suis pas le premier à avoir eu des doutes à ce sujet. Peut-être est-il le seul (du moins je n’en connais pas d’autre) ; mais l’un des savants les plus méthodiques et les plus critiques d’entre les théologiens de notre époque, J.E.C. Schmidt a vraiment exprimé ce soupçon d’une manière assez précise, à la page 260 de son introduction au Nouveau Testament, pour quiconque veut bien y prêter attention » (SW, I/2, p. 230). Schleiermacher se référait ici à l’ouvrage de J.E.C. Schmidt, Historisch-kritische Einleitung in das Neue Testament, Giessen, 1804/1805 ; il s’appuyera encore par la suite sur l’histoire du Nouveau Testament du même auteur, Kritische Geschichte des Neuen Testaments, 2 vol., Giessen 1810 (18152 ; 18183). Dans ses leçons d’introduction au Nouveau Testament, Schleiermacher disait de l’introduction de Schmidt que c’était « un livre qui, se présentant comme un compendium, stimule plus qu’il ne mène à terme des recherches intéressantes ; son caractère stimulant rend sa lecture très recommandable » (SW, I/8, p. 25). Pour la vie et l’œuvre de Schmidt, voir l’Allgemeine Deutsche Biographie, 31, 1890, p. 743-745.
37 SW, I/2, p. 318.
38 Jenaische Allgemeine Literatur-Zeitung, 1807, vol. 4, col. 217-232 ; ici p. 232.
39 Cf. H. Weisweiler, Schleiermachers Arbeiten zum Neuen Testament, Diss. théol. Bonn, 1972, p. 235, note 64. – Malgré le caractère borné de son horizon et une confiance excessive dans les modèles méthodologiques de la recherche historique et critique prévalant au début des années soixante-dix, cet ouvrage inédit a le mérite de s’être attaqué à un thème complètement négligé.
40 Dans ses leçons d’introduction au Nouveau Testament, Schleiermacher observe : « Eichhorn a mis en doute l’authenticité de toutes les trois épîtres pastorales, mais il a en partie cherché à réfuter mes doutes sur celle de la première épître à Timothée, dans la mesure où il ne veut admettre que ceux qui portent sur l’ensemble des trois lettres. Lorsqu’on porte ce jugement, il faut prendre en considération le caractère général des écrits de Paul. En ce qui concerne les hapax legomena, ce n’est pas leur nombre qui compte, car ils sont tout aussi nombreux dans les autres épîtres de Paul, mais leur qualité » (SW, I/8, p. 170).
41 A. Schweitzer, Von Reimarus zu Werde. Eine Geschichte der Leben-Jesu-Forschung, Tübingen, 1906, p. 61.
42 A. Hilgenfeld, Der Kanon und die Kritik des neuen Testaments in ihrer geschichtlichen Ausbildung und Gestaltung nebst Herstellung und Beurteilung der Muratorischen Bruchstücks, Halle, 1863, p. 147 ss. ; on peut toujours consulter également J. Conradi, Schleiermachers Arbeit auf dem Gebiet der neutestamentlichen Einleitungswissenchaft, Niederlössnitz/Dresden, 1907 (Diss. théol., Leipzig).
43 Cf. l’article de G. Heinrici, « Hermeneutik, biblische » dans la Realenzyklopädie für protestantische Theologie und Kirche, Leipzig, 19113, vol. 7, p. 718-750.
44 P. Ricœur souligne également que l’interprétation psychologique « ne se borne jamais à une affinité avec l’auteur : elle implique des motifs critiques dans l’activité de comparaison : une individualité ne peut être saisie que par comparaison et par contraste ». On assiste aussitôt alors au déploiement complet de l’outillage herméneutique, où se croisent les interprétations grammaticale, psychologique et technique, la divination et la comparaison, Du Texte à l’action, Paris, 1986, p. 80 s.
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