Matériaux pour une approche philologique de l’herméneutique de Schleiermacher
p. 43-69
Texte intégral
I. La place de l’herméneutique de F.D. Schleiermacher dans une perspective scientifique, historique et systématique
1En 1805, Schleiermacher note : « De la nécessité d’une herméneutique générale »1.
2En 1819 : « L’herméneutique en tant qu’art de comprendre n’existe pas encore sous forme générale »2.
3En 1828, la formule développée est la suivante : « L’herméneutique et la critique, toutes deux des disciplines philologiques, toutes deux des méthodes (Kunstlehren), vont ensemble car l’exercice de chacune présuppose l’autre. L’herméneutique est, d’une façon générale, l’art de comprendre correctement le discours d’autrui, principalement le discours écrit, la critique l’art de bien juger de l’authenticité des écrits et des écrivains et d’en dresser le constat à partir de témoignages et de données satisfaisants »3.
4Les éléments récurrents de ces propositions, « herméneutique » et « générale », désignent clairement ce qui est emphatique. La formulation de 1819, où « générale » est en allemand un prédicat, marque la volonté de Schleiermacher de souligner l’absence d’une herméneutique générale. Si Schleiermacher avait toutefois eu l’occasion, durant ses études à Halle (1787-1789)4, de suivre les cours de F.A. Wolf sur l’encyclopédie de la philologie (cours régulier de 1785 à 1807)5, s’il avait alors été initié par Wolf, directeur de la bibliothèque et grand connaisseur de livres, à la littérature disponible sur l’herméneutique, s’il avait dès lors entendu parler du Versuch einer allgemeinen Auslegungskunst de G.F. Meier, tout comme Wolf professeur à Halle, il aurait alors appris que Meier est « peu satisfaisant » et qu’Ernesti et Morus, bien qu’auteurs d’une hermeneutica sacra, étaient recommandés par Wolf aux étudiants en philologie6. Schleiermacher ne prit connaissance des ouvrages d’Ernesti et de Morus qu’à travers J.C. Gass alors qu’il prépare, en collègue de Wolf à Halle, en décembre 1804, son cours sur l’herméneutique7.
5Wolf, qui conçoit et pratique la philologie, qu’il appellera seulement plus tard science de l’Antiquité8, comme une science philosophique et historique, part de l’herméneutique philosophique, de la théorie des principes généraux de l’interprétation, conformément à l’usage linguistique de l’époque où « philosophique » désignait une « théorie des fondements généraux ». Cette théorie est générale dans la mesure où elle cherche à tout déduire à partir d’un genre suprême d’objet, à savoir le signe en tant que tel. Elle définit ainsi l’art de l’interprétation comme « l’art d’expliquer tous les genres de signes, c’est-à-dire l’art de comprendre ce qui est désigné par les signes, c’est-à-dire saisir les idées qu’un autre avait rattachées aux signes »9. Dans cette théorie, signe et langue sont identifiés au point de pouvoir être utilisés comme synonymes. Pour distinguer alors la langue au sens propre et la langue comme signe, Wolf use de l’expression « langue de mots »10. Wolf a le regard de ses contemporains qui conçoivent avant tout la langue comme la somme de tous les mots11. Il partage la perspective de l’herméneutique de l’Aufklärung qui postule un rapport rationnel et univoque entre le mot (le signe) et des idées ou objets (le désigné)12. Les différences entre les langues sont des différences entre les réserves respectives de signes (et au sein de chacune d’entre elles, entre les usages individuels de chaque utilisateur des signes)13 qui permettent d’indiquer les représentations que le locuteur se fait des objets. Mais puisque ces représentations sont pensées comme étant indépendantes de la langue, elles ne sont pas dépendantes des signes linguistiques14. Lorsque ces signes sont étrangers à la langue, comme ceux de la langue grecque, il est nécessaire d’apprendre leur forme phonétique pour accéder librement aux représentations de celui qui use des signes.
« L’herméneutique, en tant qu’art de l’explication, nous apprend à comprendre et à expliquer les pensées d’un autre à partir de ses signes. On ne comprend quelqu’un qui propose un signe que lorsque ces signes suscitent en nous les mêmes pensées, représentations et sentiments que ceux qui étaient présents à l’âme de leur auteur »15.
6Conformément au programme de la science de l’Antiquité, dont l’histoire de l’art fait partie depuis J.J. Winckelmann, de telles idées, représentations et sensations peuvent également être transmises par d’autres signes, par exemple des œuvres d’art. Ils relèvent eux-mêmes de la nature humaine universelle et sont reproductibles dans leur identité (« les mêmes »).
7Cette reproduction est assurée par la relation univoque entre le signe et les désignés (univoque au sens, par exemple, d’un alphabet morse). C’est pourquoi elle est la condition de l’affirmation de Wolf selon laquelle l’interprète doit fonder en nécessité la raison pour laquelle un signe ne peut viser qu’une chose déterminée16. La compréhension et la faculté d’explication non-scientifique et scientifique se distinguent en conséquence :
« Ce faisant, il y aura des cas où la compréhension est assurée lorsqu’on peut donner des raisons exactes et claires. Dès qu’on commence à le faire, on se rapproche de l’exposé scientifique »17.
8Trois aspects marquent l’appartenance de l’exposé de Wolf au cadre de l’herméneutique de l’Aufklärung :
- l’herméneutique envisagée comme science fondamentale18 ;
- la conception de la relation univoque entre le signe et le désigné19 ;
- l’idée de la langue comme d’une réserve de signes qui, telle une valeur monétaire, sert le commerce (la communication) et peut, sans changer sa « contre-valeur », être remplacée par un autre système monétaire20.
9C’est pourquoi Schleiermacher, qui pouvait connaître la conception de Wolf dès 1807 dans l’Exposition de la science de l’Antiquité, mais n’en prit activement connaissance qu’autour de 182821, vise moins Wolf en tant qu’auteur de l’« exposition », mais atteint tant ce dernier que le traducteur lorsqu’il critique, dans son discours prononcé à l’Académie en 1813 sur « Les différentes méthodes de la traduction », la conception de la langue et par conséquent de la traduction formulée par Wolf, avec la clarté qui lui est propre, dans l’Encyclopedia philologica.
10Pour Schleiermacher aussi, la langue est encore un concept sémantique ; elle ne se réduit toutefois plus à la langue de mots (le lexique), mais englobe tous les contenus linguistiques, du mot au texte (au « discours »), en passant par la proposition et en s’étendant même jusqu’aux genres littéraires. L’adjectif qui s’y rapporte chez Schleiermacher est « grammatical »22, l’usage de « grammaire » chez Schleiermacher étant par conséquent contraire à son usage moderne qui distingue, par la « grammaire », l’aspect formel (découvert entre-temps par Humboldt) de la langue, à savoir la morphologie et la syntaxe, de son contenu, c’est-à-dire de la sémantique en tant que sémantique des mots et des textes. Le concept très large de la langue chez Schleiermacher peut être caractérisé par la définition suivante : la langue désigne chez lui « le corpus de tous les discours effectivement tenus et toujours possibles, s’étendant des mots ayant un contenu ou une fonction aux genres littéraires »23. Ce concept large est au fondement du « Discours sur les différentes méthodes de la traduction » de Schleiermacher, ainsi que de toutes les phases de son herméneutique. Dans le « Discours sur la traduction », Schleiermacher distingue cependant entre eux les divers usages de la langue dans des discours différents (en terminologie moderne, des textes de genres différents) pour montrer que la relation de la langue au sujet dont elle parle n’est pas toujours unique et surtout pas toujours « univoque »24. Car d’après Schleiermacher, cette univocité ne se rencontre que là où le discours se réfère à des phénomènes extérieurs soumis aux formes universelles de l’existence et de l’intuition que sont l’espace et le temps, par exemple dans des relations de voyage25 ; la « vie des affaires » est un autre champ de désignations univoques, puisque la pratique du commerce a su fixer le discours dans des désignations claires26. Schleiermacher décrit ici le cas où la langue comme moyen de communication – dans notre métaphore, comme une pièce de monnaie – fixe la valeur d’échange de la chose, « comme si les éléments de la langue étaient des signes mathématiques qui, par addition et soustraction, peuvent être ramenés à une même valeur »27. Il existe toutefois des domaines où les catégories de l’intuition ou les fixations de la pratique n’ont pas cours : le discours peut être forgé à partir de la libre combinaison subjective. Ces genres de discours constituent le domaine de la science et de l’art, distingué du domaine des affaires. A cette distinction correspond celle de deux sortes de « traduction » : si Schleiermacher range dans le premier domaine la « traduction immédiate ou l’interprétariat » (Dolmetschen) qui a pour seule tâche de remplacer les valeurs d’une langue par des contre-valeurs comparables de l’autre, le second cas exige la traduction (Übersetzen)28. Cette dernière se distingue de l’interprétariat dans la mesure où elle doit être précédée par la compréhension29 ; il faut d’abord la rechercher, alors qu’elle est instantanée dans le premier cas où « percevoir égale comprendre », comme le dira Schleiermacher dans son discours prononcé à l’Académie en 1829. Dans ce type de discours, les valeurs linguistiques (c’est-à-dire le contenu conceptuel des mots, le discours et le genre dont il relève) ne sont plus simplement fixées par convention, mais elles sont transformées créativement par la libre combinaison subjective de l’individu :
« Mais de l’autre côté tout homme pensant librement, intellectuellement autonome, forge lui aussi la langue. Car comment serait-elle devenue autrement que par ces influences, et comment aurait-elle passé de son premier état brut à la formation achevée dans la science et l’art ? C’est donc en ce sens la force vivante de l’individu qui produit de nouvelles formes dans la matière malléable de la langue [...] » et « tout discours qui peut être identiquement produit par mille organes est condamné à se perdre bien vite ; seul le discours qui constitue un moment nouveau dans la vie de la langue même peut et doit demeurer plus longtemps »30.
11Comprendre et traduire s’exercent donc dans un champ déterminé, délimité dans la langue en général. Mais comment peuvent-ils être possibles, s’il est vrai que la langue étrangère et la langue propre ne peuvent pas être immédiatement mises en relation par l’intermédiaire de valeurs normatives communes ?
12Schleiermacher répond à cette question en affirmant que le discours créateur lui aussi est d’abord lié aux valeurs linguistiques conventionnelles qui ont cours, qu’elles en constituent l’arrière-fond dont il se distingue par des écarts :
« Tout homme est d’un côté soumis à la puissance de la langue qu’il parle ; lui-même et toute sa pensée en sont un produit. Il ne peut rien penser en dehors d’elle de façon déterminée ; la configuration de ses concepts, le mode et la limite de leur liaison lui sont prescrits par la langue dans laquelle il est né et a été élevé, l’entendement et l’imagination sont liés par elle »31.
13Cet écart est réalisé par la nouvelle combinaison de valeurs linguistiques conventionnelles qui, lorsqu’elle devient classique (c’est-à-dire produit une histoire de l’efficience)32, crée de nouvelles conventions. C’est pourquoi le discours singulier, qui doit être l’objet de la compréhension et de la traduction, est à situer dans deux contextes dont il relève et non pas être mesuré à une valeur qui lui est étrangère : il faut le rapporter d’un côté à la langue empirique singulière dont il fait partie (c’est-à-dire à tous les discours qu’elle contient déjà), et de l’autre à la particularité du locuteur qui la produit, particularité qui constitue, à son tour, un contexte, celui de la vie intellectuelle33.
14Dans cette réponse, la langue tout comme le discours singulier sont considérés d’un point de vue génétique34 : les deux sont à la fois produits et producteurs. L’herméneutique de 1809 exprime ce rapport de la façon suivante :
« Pour tout individu la langue est principe directeur, non pas seulement négativement parce qu’il ne peut pas sortir du domaine de la pensée construite en elle, mais aussi positivement parce qu’elle dirige sa combinaison par les affinités qui se trouvent en elle. Tout individu ne peut donc dire que ce qu’elle veut et est son organe.
Tout individu dont le discours peut devenir un objet (de l’interprétation ; ajouté par moi-même, A.N.) travaille lui-même ou détermine la manière de penser d’une façon particulière. C’est de là que vient précisément l’enrichissement de la langue avec de nouveaux objets et de nouveaux pouvoirs qui partent toujours de l’activité linguistique d’hommes singuliers.
Ni la langue, ni l’individu en tant qu’il parle de façon productive ne peuvent subsister autrement que par l’imbrication des deux relations »35.
15Schleiermacher s’interroge donc, dans le cadre de l’interprétation du discours singulier, sur l’imbrication des valeurs linguistiques collectives et conventionnelles et des valeurs particulières et productrices. La langue et le discours singulier ne sont plus des représentants du concept général de « signe », mais des produits de deux producteurs ou forces ayant des structures distinctes : la structure de la langue qui, en tant que force, captive l’individu, se déploie en mots, propositions, liaisons de propositions, discours et genres de discours, et le discours singulier de l’individu se développant dans la « combinaison » spécifique de tous les éléments linguistiques disponibles. Il s’appuie sur la force de la spontanéité de l’esprit. Il se réalise comme combinaison de la pensée et devient alors l’objet de la dialectique ; il se réalise dans l’exposition de la pensée au moyen de la rhétorique et devient le thème de l’herméneutique36.
16A partir du moment où l’on envisage le discours comme produit par deux producteurs de genre différent, la tâche de l’interprétation doit se modifier. Si l’herméneutique de l’Aufklärung voulait déchiffrer les représentations indépendantes du langage et communes à tous les hommes à partir des systèmes de signes empiriques, on doit découvrir le mode de combinaison singulier propre à l’individu qui constitue alors, dans le champ de la langue, sa voie vers le savoir. Mais il ne peut être découvert qu’à condition de réeffectuer l’usage productif de la pensée linguistique singulière, de décomposer le discours singulier, en tant qu’acte créateur de la spontanéité, en ses éléments et leur nouvelle combinaison. Schleiermacher appelle cette nouvelle tâche la compréhension. A l’imbrication du discours conventionnel et du discours créateur correspond l’imbrication des deux tâches de la compréhension : l’interprétation grammaticale détermine le sens du discours à partir de la langue, l’interprétation technique le détermine à partir du locuteur37.
17A la différence de l’herméneutique de l’Aufklärung, ce n’est plus le concept de signe mais de produit (ou de producteur qui est également appelé « esprit ») qui est ce qu’il y a de plus général. Deux marques permettent avant tout de distinguer l’herméneutique de la production de l’herméneutique du signe :
- Schleiermacher considère exclusivement la langue du point de vue du discours (c’est-à-dire le corpus de tous les discours jusqu’à leurs éléments) et non pas des mots. C’est pourquoi il considère la langue même comme la manifestation de la productivité d’un esprit, de l’esprit d’une nation.
- En revanche le discours singulier est l’expression, liée à cette communauté, de l’usage libre et spontané de la langue. Il s’y révèle être un esprit conditionné, c’est-à-dire historique, qui utilise l’espace de la langue c’est-à-dire d’un savoir acquis à un moment historique donné, sans toutefois pouvoir franchir ses limites ultimes38.
18En cela son herméneutique est fidèle à la tradition qui considère la littérature d’un peuple comme une manifestation historique individuelle qui n’est pas liée à une valeur normative abstraite (Herder, les frères Schlegel)39. L’amitié avec Friedrich Schlegel laisse comme traces, dans les premières ébauches de l’herméneutique, une terminologie esthétique et littéraire40. Mais Schleiermacher s’oppose également expressément à ce mouvement dès qu’il s’agit de préciser le point de vue exclusif sous lequel il convient d’envisager le discours et la littérature. A la différence de Schlegel, l’attention de Schleiermacher se concentre sur les contenus41 : la littérature est pour lui moins une manifestation de l’art (esthétique) que de la pensée, et comme pensée discursive, la pensée se sert toujours de la langue42. Le discours devient l’objet de l’herméneutique non seulement dans la mesure où il confère à la pensée une forme rhétorique et esthétique, mais encore dans la mesure où, comme connaissance et intuition, il est lui-même pensée. Dans cette interprétation du discours, proche de J.G. Herder43, Schleiermacher se réfère à Platon : la phrase du Phèdre selon laquelle la pensée est une parole intérieure devient chez Schleiermacher l’affirmation que le discours est une pensée extérieure.
19L’interprétation de la structure de la phrase comme liaison des idées, telle qu’on la trouve dans le Sophiste de Platon, est interprétée par Schleiermacher comme le handicap que la langue impose à la pensée individuelle par ses propres liaisons. L’origine de la langue dans l’esprit, et par conséquent sa relation à la connaissance, est empruntée par Schleiermacher à la théorie du langage du Cratyle de Platon44.
20Voilà pourquoi, dans la perspective de l’histoire de l’herméneutique, Schleiermacher est dans une double opposition : il n’acquiesce ni à l’herméneutique de l’Aufklärung, ni à l’herméneutique romantique45. Ce n’est pas par hasard, du moins pas avec le hasard qu’il semble vouloir y mettre46, qu’en 1829 Schleiermacher articule par conséquent son herméneutique par rapport à deux théoriciens de l’herméneutique qui ont chacun exposé l’une des conceptions des tâches de l’herméneutique qu’il ne partageait pas : Wolf en tant que représentant de l’herméneutique de l’Aufklärung et Friedrich Ast qui, élève de Schlegel et de Schelling, omet précisément ce qui constitue le point central de l’herméneutique pour Schleiermacher : la reconstruction du discours individuel comme contenu de pensée et de connaissance individuel au moyen d’une interprétation grammaticale ( !) et technique rigoureuse.
21Ast vise la connaissance de l’« esprit de l’Antiquité » qui est, pour Schleiermacher, quelque chose de « nébuleux » qui doit se trouver d’une certaine façon, indéterminée (non-articulée), dans toutes les manifestations de l’Antiquité. Schleiermacher désire saisir cet esprit de manière déterminée, articulée dans la langue : l’herméneutique « ne peut toujours avoir affaire qu’à ce qui est produit dans la langue »47.
22Comme l’herméneutique esthétique de Winckelmann l’avait montré depuis longtemps48, elle peut parfaitement avoir affaire à des choses produites par d’autres moyens. Le « peut » de Schleiermacher est un « doit » ; car ce n’est que dans la mesure où le discours, c’est-à-dire une combinaison de propositions, est identique à la pensée discursive qu’on doit le considérer ; ce n’est que dans la mesure où il l’est que la compréhension, la double reconstruction de la combinaison, est réalisable comme unique tâche de l’herméneutique.
23L’herméneutique de Schleiermacher est donc un programme qui déclare avec rigueur que le contenu cognitif (le « sens ») du discours est le seul objet de l’interprétation. Sa généralité se fonde précisément sur cette limitation décisive49.
24En tant que manifestation de la pensée discursive visant le savoir, le discours est un phénomène humain universel. Il avait été rappelé à cette fonction qui est sienne dès 1795/9650 par W. von Humboldt, en 1799 par Herder dans sa métacritique de la critique du chapitre sur le schématisme de la Critique kantienne51, et enfin par Schlegel52. Mais ce n’est que Schleiermacher qui en tire les conséquences systématiques, c’est-à-dire intègre pour la première fois la technique de l’herméneutique rapportée au discours à la systématique philosophique : l’herméneutique doit être pratiquée comme une discipline philosophique et fait avant tout partie de la triade dialectique-herméneutique-rhétorique : la rhétorique rend possible la transmission de la pensée singulière à la communauté des penseurs53, son discours use des formes de composition objectives. L’herméneutique, au contraire, doit reconstruire, à partir de la décomposition de cette composition, la combinaison individuelle de celui qui, à chaque fois, pense, et à partir de cette dernière, reconstruire l’intuition individuelle du détail des choses, c’est-à-dire son savoir ; la dialectique, enfin, a pour tâche de décrire le devenir du savoir qui ne peut prendre naissance que dans la communauté des penseurs. L’humanité est le sujet de ce savoir, non pas en tant que « je » abstrait et transcendantal, mais en tant que « je » concret et empirique de ceux qui, commerçant les uns avec les autres, s’entendent sur ce qu’on peut savoir. La triade herméneutique-rhétorique-dialectique conduit ainsi à remplacer la question de la condition de possibilité par celle de la réalité du savoir.
25Cette question confère un rang philosophique à l’histoire du savoir qui s’extériorise dans la philosophie, la science et la poésie. La philosophie doit alors toutefois travailler de façon empirique, c’est-à-dire historique. Ce qui présuppose qu’au moyen d’une critique philologique, elle lève les doutes quant à l’authenticité de la transmission d’un discours ; ce qui présuppose en outre qu’elle maîtrise les lois linguistiques, puisque tout savoir se réalise et s’extériorise dans la langue54. Voilà pourquoi l’herméneutique relève d’un double ensemble : philosophique dans sa visée, elle est à placer aux côtés de la dialectique et de la rhétorique, empirique et historique dans sa méthode, elle constitue, avec la critique philologique et la grammaire, une nouvelle triade qui fait œuvre philologique, d’une philologie d’ailleurs davantage conçue dans le sens de Schlegel55 que dans celui de F.A. Wolf. La philologie existante représentée par l’école de Wolf n’est pour Schleiermacher qu’une discipline spéciale devenue positive qui se contente d’un moment subordonné, le moment rhétorique et esthétique, ou des conditions du discours, l’histoire. Une telle philologie recherche l’art des écrivains de l’Antiquité comme artistes du discours, alors qu’elle tient leur contenu pour définitivement dépassé56. La philologie philosophique de Schleiermacher au contraire cherche à découvrir les contenus des écrits et discours anciens et modernes comme contenus d’une pensée étrangère de façon à considérer jusqu’à la forme linguistique, la composition, comme étant l’expression de la forme et des contenus de pensée, le dialogue platonicien par exemple comme pensée philosophique57. Son but est l’interprétation conceptuelle58.
26La particularité de l’« herméneutique générale » de Schleiermacher exige donc qu’on voie dans cette dernière le programme d’une nouvelle philologie, d’une philologie philosophique. Elle n’a pas pour but de saisir conceptuellement une pratique scientifique généralement reconnue et éprouvée, mais pose une exigence, ou même brosse l’image de la façon dont devra à l’avenir être réalisée en général une nouvelle pratique : « La solution parfaite de cette triple tâche (c’est-à-dire de la grammaire, de la critique et de l’herméneutique) n’est possible, par approximation, qu’en liaison les unes avec les autres, par ces philologues parfaits à une époque philologique »59.
27Une telle exigence appelle une fondation publique explicite. Schleiermacher l’expose en 1829 dans son discours prononcé à l’Académie, c’est-à-dire après avoir développé pendant près de vingt-cinq ans sa théorie de l’interprétation dans des cours et après avoir rendu publique sa propre solution pratique de la tâche de la compréhension (il s’agit de sa traduction de Platon dont la troisième partie avait paru un an auparavant).
28Certes, la signification de cette théorie de l’interprétation n’est pas encore déterminée avec précision dans une perspective historique et systématique. Cette question relève elle-même de l’interprétation puisque la théorie de Schleiermacher, comme toute théorie, se présente sous forme de « discours » qui exige lui-même un traitement philologique, à savoir l’étude de l’usage linguistique (d’après Schleiermacher : de la « grammaire »), de la critique de ce qui est transmis et de l’« interprétation », si tant est qu’on veuille prendre Schleiermacher au sérieux non seulement en tant qu’objet de l’interprétation, mais encore en tant qu’auteur des normes de la juste interprétation. L’interprétation n’est pas possible sans la grammaire et la critique ; l’essayer seule constitue la difficulté spécifique à laquelle se heurtera tout futur interprète de cet ensemble théorique.
29Nous ne disposons toujours pas d’une édition critique de l’herméneutique de Schleiermacher60. C’est pourquoi les remarques sur une « grammaire » et une critique de Schleiermacher qui vont suivre prétendent avant tout rendre compte de l’état présent. La parution de l’édition critique devrait les rendre inutiles. A la lumière de la question de savoir quelle pratique philologique l’herméneutique a pour tâche de fonder, elles aimeraient surtout répondre à la question de savoir pourquoi c’est le discours prononcé à l’Académie en 1829 qui présente et explicite la théorie de l’interprétation comme programme de la pratique scientifique à venir. C’est pourquoi cette dernière servira de modèle à l’interprétation qui va suivre.
II. De la « grammaire » et de la « critique » de l’herméneutique
1. De la grammaire – l’usage linguistique de Schleiermacher
30Ce qui fait le plus cruellement défaut pour comprendre les « discours » de Schleiermacher, c’est la concordance de sa langue. Ce postulat s’impose à partir de l’expérience de deux phénomènes que nous illustrerons chacun par un exemple :
- Schleiermacher use de la langue en créant des significations et non pas des mots ; on a déjà signalé la transformation du mot « grammatical ». Ce faisant, la nouvelle signification se révèle être un spectre rarement réductible à un seul terme. On peut prendre, à titre d’exemple, le mot central « herméneutique ». En tant que ars interpretandi, il désigne chez les prédécesseurs de Schleiermacher l’« art de l’interprétation » au sens de « savoir-faire » et la description de ce savoir (donc le manuel des règles de ce faire). Schleiermacher reprend le mot dans l’extension de sa signification, mais remplace le « faire » par des mots comme « technique herméneutique », « exégèse », « interprétation » ou « compréhension », et réduit toujours davantage l’« herméneutique » à la formulation du savoir (c’est-à-dire à la théorie de la compréhension). Conformément à son exigence selon laquelle la théorie doit être scientifique, l’« herméneutique » devient, au sens strict, la théorie de l’interprétation exposée sous forme scientifique, c’est-à-dire un système de prescriptions déduites à partir de quelques principes61. Schleiermacher a structuré ses cours en ce sens, de sorte que lorsqu’on parle d’« herméneutique » au sens strict de Schleiermacher, on doit entendre exclusivement le système exposé dans ses cours. En tant que système, elle forme un « tout » dont les éléments ne peuvent être interprétés que les uns par les autres. Ce principe de Schleiermacher a été et est constamment oublié par ses interprètes.
- L’usage linguistique de Schleiermacher se constitue nouvellement à chaque fois, conformément à la langue du partenaire avec lequel il dialogue. A la différence de Wolf, Schleiermacher ne lit jamais que quelques livres, mais de façon si approfondie qu’il pénètre leur usage linguistique et l’adopte. Ainsi perçoit-on dans les premières ébauches du système de l’herméneutique les traces des interlocuteurs que sont Ernesti et Morus62, ou dans le dernier cours de pédagogie celles de la lecture de Platon63. La discussion ultérieure avec l’herméneutique philologique des sciences de l’Antiquité de Ast et de Wolf modifie elle aussi l’usage linguistique de Schleiermacher. C’est ainsi qu’il reprend la métaphore consistant à se « mettre à la place de l’auteur », sans toutefois lui conférer le même sens : chez Wolf il s’agit d’une réalité à laquelle on peut atteindre et qu’on atteint, chez Schleiermacher du postulat d’approximation d’un but jamais atteignable en sa totalité64.
31Ce facteur de l’usage linguistique devrait être statistiquement fixé par une concordance et être exploité par l’interprétation. Il livre en particulier des indications importantes pour dater des manuscrits non datés. Virmond en a en partie tenu compte, sans bien sûr toujours respecter le premier facteur, à savoir la variation de la signification alors que le mot restait le même65.
2. De la « critique » de l’herméneutique
32La critique doit déterminer :
- quand, où et comment Schleiermacher a pensé ou parlé de l’herméneutique ;
- quels documents disponibles sont à mettre en rapport avec des événements historiques lorsque cette mise en relation n’est pas elle-même assurée par des documents.
33Le résultat de la première série de questions a été communiqué par Virmond dans ses « Prolégomènes à une édition critique »66 où il a collectionné et classé toutes les informations relatives à l’activité d’enseignement de Schleiermacher. Je reproduis ces résultats dans le tableau ci-dessous. Je l’ai complété par les événements qui se rapportent aux cours. L’ensemble se trouve dans la colonne C ; les événements significatifs pour le développement de l’herméneutique constituent la colonne B ; la colonne A indique les dates relatives à l’activité de Schleiermacher interprète de Platon.
34De cette vue d’ensemble, il ressort :
- à quel point la pratique de l’interprétation et la théorie sont parallèles ;
- qu’elles s’étalent sur plus de trente ans ;
- que ce n’est qu’en 1826, soit vingt et un ans après le premier cours, que Schleiermacher fait un cours sur l’herméneutique et la critique. A ce phénomène se joint un second : ce n’est qu’en 1830 que Schleiermacher fait de la critique philologique le sujet d’une conférence à l’Académie. La signification de ce fait ne pourra être saisie que lorsqu’on aura répondu à la seconde question, celle de savoir comment dater les documents afin de pouvoir les étudier en tant que témoignages des phases en question.
35Les notes manuscrites de Schleiermacher en vue de ses cours sont présentées par Kimmerle67. Retenons-en l’essentiel :
36Le cours de 1819 est documenté par le ms. III (Herm. K, 75-105). Cet écrit est un manuel systématique constitué d’une introduction générale (IG), d’une interprétation grammaticale (Igr) et le début d’une interprétation technique appelée ici « psychologique » (It/ps). En 1828 et 1832 Schleiermacher joint des notes marginales à l’IG et l’Igr, reproduites par Kimmerle en partie en notes en bas de page, en partie sous forme de nouveau texte (Herm. K, 75-105, Herm. K, 159-166 ms. VI). Kimmerle a réparti les manuscrits restants (ms. I, II, II’, III’ et IV) entre les années 1805 et 1822, suivant en cela les datations de Hermann Patsch68. Or après les recherches de Virmond, il convient de supposer que tous les manuscrits, à l’exception du ms. III et de ses notes marginales, relèvent du premier cours sur l’herméneutique de 1805. Ce dernier ne serait donc pas documenté par les seules notes prises dans le cahier de 1805, mais dans toutes ses parties (IG = Herm. K, 55-57, Igr = Herm. K, 57-70, It/ps = Herm. K, 113-120 = ms. IV, Herm. K, 70-72 = ms. II’ et Herm. K, 106-110 = ms. III’). Nous disposons ainsi du système, du moins dans son esquisse systématique, de 1805 que j’appelle l’« herméneutique de Halle ».
37Virmond rapporte qu’après avoir déménagé à Berlin, Schleiermacher élabora un cahier de cette première ébauche en vue de sa publication. La malchance veut qu’il le perdit avant 1819. Une circonstance heureuse a fait resurgir une copie de ce cahier (par Twesten) datant de 1811, ce qui signifie qu’il ne s’agit pas là de notes prises à ses cours (et dont les qualités ne pourront être évaluées que sur la base de l’édition critique), mais de la copie d’un exposé écrit du système de l’herméneutique de Halle prêt pour l’impression. En tant que source, sa valeur est donc la même que celle d’un manuscrit original69. Elle sera, par la suite, citée « Herméneutique de 1809 » (= Herm. V).
38Après avoir perdu ce qu’il destinait à l’impression, Schleiermacher se remit à fixer l’ancienne herméneutique en vue de sa publication. On trouve ainsi l’IG et l’Igr et le début de l’It/ps soigneusement élaborés dans le manuscrit de 1819. Cette nouvelle fixation par écrit est, malgré la transformation de la terminologie, encore entièrement orientée sur la première ébauche70. Dans le premier système, Schleiermacher opposait simplement « grammatical » à « technique ». A présent il substitue « psychologique » à « technique » (en 1818 Schleiermacher fait son premier cours de psychologie), mais son contenu, à savoir l’orientation sur le style, reste identique à celui de l’herméneutique de Halle71.
39Les cours de 1822 et 1826 ne sont documentés que par des notes d’étudiants72. Puisqu’il n’y a pas de traces écrites de ces années dans les manuscrits, on peut en déduire que Schleiermacher s’en est largement tenu aux anciens cahiers de Halle. Il a même encore annoté en marge le ms. IV, l’exposé de l’interprétation technique de 1805 (cf. Herm. K, 11, 12, 13), en 1832/33 pour ce qui est de l’interprétation psychologique. Il ajoute cependant la critique au cours de 1826. Ce qui permet de conclure qu’il ne rangeait plus alors, comme il le faisait encore dans l’herméneutique de Halle, l’herméneutique dans l’« ensemble » des disciplines philosophiques, la dialectique et la rhétorique, mais aussi dans celui des disciplines philologiques, la grammaire et la critique73.
40Les notes de 1828 et 1832 témoignent clairement de l’« évolution » de l’herméneutique : à cette époque, Schleiermacher élargit son « dialogue » avec les théoriciens de l’herméneutique parmi lesquels il compte les philologues Wolf et Ast74. Afin de joindre l’herméneutique à la philologie, il tient compte à présent du caractère écrit (essentiel pour la critique)75. Le discours prononcé à l’Académie en 1829 est le fruit de cette discussion qui se répercute à son tour sur les cours. Lücke rapporte qu’en 1832/33, Schleiermacher a remplacé son introduction générale (telle qu’on la trouve dans le ms. III de 1819) par un dialogue avec Wolf et Ast76. Ce cours n’est également conservé que par des notes d’étudiants que Lücke et Frank ne communiquent que partiellement. Les notes marginales manuscrites de Schleiermacher ne permettent pas de retrouver la nouvelle forme de l’introduction ; on peut en revanche se faire une idée du degré de modification en constatant qu’elles figurent bien en marge du ms. III de 1819, mais ne s’y rapportent plus77.
41Ce constat permet de conclure qu’aucune des éditions existantes de l’herméneutique n’en donne une image adéquate. L’édition de Kimmerle n’en livre que des fragments qui défigurent totalement l’image de l’herméneutique par des datations inexactes. L’édition de Lücke est un amalgame de textes originaux et de notes d’auditeurs relevant de phases tout à fait différentes de l’herméneutique. Le texte tel qu’il est publié n’a jamais été exposé par Schleiermacher selon cet agencement et cette structure ! On se trouve ainsi dans une situation paradoxale où le texte qui fait de l’attachement de toute pensée à la langue le principe d’une science nouvelle, l’herméneutique précisément, est utilisé par ses interprètes en allant contre les perspectives qu’il développe. C’est pourquoi l’authentique interprète de ce texte est renvoyé aux exigences de la « critique » que Schleiermacher a établies dans un autre discours (sur la critique philologique) prononcé à l’Académie. Il doit ainsi établir le vocabulaire auquel il est en droit de se référer. Conformément à l’état actuel de la recherche, il est en droit de constater que l’herméneutique de Schleiermacher existait dans deux ébauches :
- l’ébauche systématique de Halle, documentée par la transcription de Twesten et des notes manuscrites de Schleiermacher ;
- l’ébauche systématique de Berlin, plus tardive, documentée par un passage du discours prononcé à l’Académie, par les notes marginales de Schleiermacher de 1832/33 et des transcriptions d’auditeurs éditées, partiellement seulement, par Lücke.
42La nécessité de parler de deux ébauches du système résulte de la signification du système comme forme scientifique de l’herméneutique pour Schleiermacher78 ; ce n’est que par le système que l’herméneutique devient une théorie scientifique. Ce système manifeste clairement l’empreinte platonicienne : il est constitué de couples conceptuels dichotomiques qui sont pensés comme déduction de concepts suprêmes, comme par exemple le « discours » et la « compréhension »79. Ce n’est pas la variation du vocabulaire, mais la transformation systématique de la signification des mots qui est le critère permettant seul d’établir l’évolution de l’herméneutique : dans l’herméneutique de Halle, « psychologique » peut être remplacé par « technique » qui est son synonyme. Le contenu conceptuel s’épuise dans les concepts subordonnés de « composition » et d’« usage linguistique »80. Dans l’herméneutique de Berlin, au contraire, le concept premier « psychologique » se divise en deux concepts subordonnés, « psychologique pur » et « technique ». Dans les deux systèmes, « psychologique » reste le concept qui s’oppose à « grammatical ». En revanche le concept de « style », jusqu’alors central, disparaît puisque l’interprétation technique se décompose en « méditation » et « composition », mais que la composition ne comprend pas le style81.
43La question de la signification de cette transformation du système, dont on a des témoignages évidents malgré l’état déficient de la documentation, ne pourra trouver de réponse définitive qu’après une édition satisfaisante des sources des deux ébauches du système.
44Pour l’instant, il convient de recourir au discours prononcé à l’Académie qui constitue un tournant entraînant la transformation tant de la forme que des contenus de l’exposé :
- l’introduction est développée dialectiquement dans un débat avec Ast et Wolf ;
- le système global est élargi et en même temps modifié par l’introduction du concept de « psychologique pur ».
45Ces deux modifications ont, à mon avis, un rapport interne que nous ne développerons ici que sous forme d’hypothèse : dans l’herméneutique de Halle, Schleiermacher fait valoir de manière critique sa nouvelle conception de la langue et de la littérature, résultant de sa rencontre avec Schlegel, face à l’herméneutique restreinte, grammaticale et historique, d’un Ernesti. L’évolution de l’herméneutique dans le cadre de la science de l’Antiquité nouvellement constituée par Wolf et Ast le conduit par la suite non seulement à déclarer l’herméneutique, élargie par la grammaire et la critique, comme étant elle-même philologie, mais encore à la distinguer de la philologie des sciences de l’Antiquité qui n’ont qu’un but restreint. L’herméneutique a pour visée intime la langue, l’usage linguistique et le style, c’est-à-dire des valeurs linguistiques objectivement représentées. Le domaine d’objets correspondant est principalement constitué par la littérature classique et le Nouveau Testament. Ce point est, dès l’herméneutique de Halle, contredit par le fait que tout discours présentant une pensée doit être un objet de l’herméneutique, et donc également les discours dont les formes ne sont pas des phénomènes de style objectifs, mais l’expression immédiate de la subjectivité pure de la pensée, par exemple les formes de la littérature moderne qui laissent transparaître le subjectif pur auquel correspond le psychologique pur. C’est là, d’après la constatation expresse de Schleiermacher, quelque chose qu’on ne découvre pas facilement chez les Anciens82.
46C’est pourquoi Schleiermacher veut, dans sa modification du système en 1832/33, rendre compte d’un élément qui distingue de façon décisive sa philologie de la philologie de la science historique de l’Antiquité. Il cherche à saisir le psychologique pur comme élément général de tout discours, tant dans ses versions anciennes que modernes, et développe pour ce faire un nouvel argument83 : tout discours est précédé par le jeu libre de la pensée. C’est là le psychologique pur, le subjectif individuel pur, mais on ne peut pas le saisir partout de manière identique. Sa saisie est cependant possible si on interprète tout d’abord l’idée, l’intentionnalité du discours selon son contenu, comme une « idée subite ». A la différence de l’« idée » qui renvoie à l’intuition et au savoir, l’« idée subite » remonte à l’élément vital du penseur. L’œuvre est ainsi moins interprétée comme une partie de la langue, du savoir commun d’une individualité nationale, que comme un moment d’une vie spirituelle intérieure. Par le moyen de la méditation et de la composition, celui qui pense transpose le monde de son intuition intérieure dans l’exposition externe de l’intuition84.
47Ainsi s’infléchit l’intention réelle de l’herméneutique : si l’herméneutique de Halle partait de la langue et la ramenait, avec l’« usage linguistique » et le « style », à la langue comme produit d’une transformation créatrice, l’herméneutique de Berlin ne réfère plus la formation objective de la langue par l’individu à la langue globale, mais l’interprète comme l’extérieur d’une chose toute intérieure. L’herméneutique de Halle cherche à comprendre le discours comme « intuition », comme expression d’une pensée individuelle, comme partie du savoir, alors que l’herméneutique de Berlin cherche à comprendre le discours et l’intuition s’exprimant dans le discours (l’interprétation grammaticale restant intégralement conservée) comme éléments de la vie spirituelle et psychologique individuelle.
48L’herméneutique comme partie de la philologie fait ainsi plus nettement figure de discipline philosophique, puisqu’elle réfère le discours non seulement aux conditions objectives de sa genèse historique, mais également aux conditions subjectives de sa genèse psychologique.
49Présenter sous ce jour l’herméneutique à un plus large public est l’objet du discours prononcé à l’Académie. Sa valeur particulière ne s’épuise pas dans le fait qu’il s’agit du seul discours authentique et complet de Schleiermacher sur l’herméneutique ; elle réside bien plutôt dans son contenu spécifique : alors que la systématique du cours est la théorie herméneutique scientifique voulue par Schleiermacher, il parle d’elle devant l’Académie, c’est-à-dire développe la théorie de la théorie. Ce statut « métathéorique » permet cependant de saisir les éléments de la théorie selon leur intention particulière. Voilà pourquoi je prendrai ce discours pour texte de base de l’interprétation de la théorie qui va suivre et qui s’interroge sur son contenu scientifique pratique.
III. Le discours prononcé devant l’Académie en 1829 comme programme d’une « technique herméneutique à venir »85
Remarque liminaire
50D’après Schleiermacher, un « discours » est un enchaînement achevé de pensées articulé dans la langue, se composant d’au moins deux propositions qui, prises ensemble et par-delà le sens de la proposition, constituent par leur combinaison le sens du discours86.
51Les 12 août et 22 octobre 1829, Schleiermacher a tenu des conférences formant un seul discours ayant pour titre : « Sur la notion d’herméneutique en référence aux indications de F.A. Wolf et au manuel d’Ast ». A la différence des dichotomies conceptuelles plutôt arides de la systématique, ce discours brille par ses étincelles rhétoriques qui découvrent l’orateur, le pasteur Schleiermacher, là où le développement systématique était le mode de traitement adéquat du sujet, conformément au contenu du discours. Mon exposé décrit tout d’abord le caractère rhétorique de l’ensemble (1), ce qui correspond à la compréhension « quantitative », comme compréhension de l’emphase, que Schleiermacher distingue de la compréhension qualitative dans le cadre de l’interprétation grammaticale87 ; la compréhension qualitative se rapporte au contenu qui rend la conception individuelle spécifique d’un domaine d’objets (ici de l’interprétation)88. Je vais paraphraser cette conception de Schleiermacher en reconstruisant l’enchaînement des pensées (2) avant de l’étudier dans la perspective de ses implications sur la pratique de la science et ses conséquences dans son histoire (3).
1. L’emphase rhétorique de Schleiermacher
52Le concept de l’herméneutique de Schleiermacher est, comme nous l’avons montré, la compréhension comme reconstruction active du discours qui doit être considéré comme construction de la langue et du locuteur. Jusqu’à l’époque de ses discours prononcés à l’Académie, Schleiermacher oppose, dans ses cours, ce concept aux théories de l’interprétation qui cherchaient à fixer et à modifier la pratique des sciences spéciales, la théologie protestante et la science critique de l’Antiquité de Wolf. L’horizon de cette discussion reste donc intérieur à la science.
53Le discours devant l’assemblée plénière de l’Académie89 s’ouvre tout autrement : présupposant, sans l’expliciter, l’identité de l’herméneutique et de la compréhension, Schleiermacher intègre désormais toute la pratique scientifique à un cadre plus large, à la pratique humaine en général. Dans cette perspective, comprendre est une activité humaine planétaire sur le fond de laquelle se dessinent deux formes particulières. A la compréhension mécanique du quotidien, c’est-à-dire les cas où comprendre s’identifie à percevoir, correspond l’herméneutique existante (le manuel de l’interprétation) comme première mise en forme théorique ; elle a collectionné les cas où la compréhension ne suit pas immédiatement la perception et propose des solutions pratiques et des « conseils » (Herm. K, 141). Schleiermacher lui oppose une théorie qui ne se contente pas seulement de réagir aux difficultés rencontrées, mais qui saisit, en tant que tel et dans son essence, le champ où les difficultés se rencontrent, et développe de manière déductive les difficultés qui lui sont propres à partir du concept (Herm. K, 123, 124, 127). Ces trois manières de comprendre ne forment pas seulement un ensemble systématique et synchronique, elles constituent également un tout « génétique », un tout téléologique que Schleiermacher développe à la fin de son premier discours en se référant à sa perspective initiale : l’herméneutique des conseils est le premier pas d’une prise de conscience de la problématique propre à la compréhension. Mais il est réservé à une théorie qui sait développer cette problématique à partir du concept de la pensée et de la compréhension de toucher au degré suprême de la conscience que Schleiermacher appelle, de façon emphatique, « l’esprit pensant qui se trouve lui-même » (Herm. K, 140-141). L’herméneutique scientifique devient ainsi le but final, l’achèvement d’un mouvement de l’humanité, elle est située dans l’histoire universelle de l’esprit.
54L’extension planétaire de l’herméneutique a pu être suggérée par l’herméneutique de Friedrich Ast. « Tout agir a ses propres modalités et sa méthode qui découlent de son essence, toute activité de la vie a ses propres principes sans la direction desquels elle se perd dans une orientation indéterminée »90 (souligné par moi-même, A.N.). Le modèle intellectuel de l’optique planétaire et téléologique de Schleiermacher doit cependant être recherché dans l’Antiquité. Dans l’introduction célèbre de sa Métaphysique, Aristote fait résulter le savoir (science, τέχνη = έπὶστήμη) que désirent tous les hommes, de deux premières étapes que sont la sensation et l’expérience, le savoir s’achevant dans la science des premières causes et premiers principes (Métaphysique, 980a-982a3). Aucun modèle ne met mieux en évidence ce que vise Schleiermacher dans l’idée de son discours : développer la forme et le contenu d’une science nouvelle, encore ignorée dans sa dimension planétaire, et la présenter comme le télos de l’histoire de l’esprit.
55Puisque cette science n’a jamais été présentée à un large public (l’exposé de Schleiermacher lui-même n’étant parvenu au public que de manière posthume), Schleiermacher doit tant défendre l’herméneutique et son existence planétaire là où sa possibilité même est remise en cause, comme chez F.A. Wolf qui a toujours été sceptique face à une théorie générale de l’herméneutique (Herm. K, 127)91, que la délimiter là où un autre, à savoir Friedrich Ast (Herm. K, 152-155), semble déjà avoir réussi non seulement à développer une telle théorie planétaire, mais encore à la rendre publique.
56C’est pourquoi Schleiermacher traite son sujet en choisissant toujours, chez Ast et Wolf, les propositions qui en partie soutiennent son projet par leur formulation ou leur contenu, en partie contiennent des thèses qui suscitent son opposition.
57Wolf, alors décédé depuis un an mais qui jouissait encore d’une grande considération comme membre de l’Académie et fondateur de la science de l’Antiquité, est traité avec respect par Schleiermacher. Ce dernier l’utilise avant tout comme autorité garante de sa propre pensée, quitte à interpréter les « indications » de Wolf non pas dans leur sens, mais dans celui qui lui est propre. Schleiermacher a beaucoup moins d’égards pour le lointain Ast dont l’herméneutique a une exigence analogue, bien qu’il fournisse la proposition qui va au cœur de la théorie de la compréhension comme construction, à savoir que « le détail doit être compris à partir du tout et le tout à partir du détail »92. C’est ainsi que Schleiermacher affirme que cette proposition de Ast n’est pas réellement une reconnaissance, mais une trouvaille dont il n’a donc pas conscience de la portée (Herm. K, 141). C’est pourquoi Ast « semble » seulement être meilleur que Wolf (Herm. K, 141). Cette assertion de Schleiermacher, à savoir que Ast ne serait tombé sur une proposition vraie que par hasard, est parrainée par Aristote : on sait qu’Aristote lui aussi fait toujours précéder son propre achèvement d’une discipline par des prédécesseurs dont il affirme qu’ils tombaient par hasard sur des vérités, sans en reconnaître toute la teneur. Ast et Wolf assument donc chez Schleiermacher le rôle de prédécesseurs dans une genèse téléologique pour mettre en valeur le centre emphatique, l’acte de fondation. Mais il se sert encore d’un autre et dernier moyen rhétorique, à savoir du climax dramatique auquel Schleiermacher parvient en interrompant son discours précisément là où l’auditeur attend le dévoilement d’une nouvelle figure inconnue. Car le 12 août, Schleiermacher termine sur une phrase qui fait dépendre la réalisation de son programme d’une et d’une seule condition :
« Une méthode (Kunstlehre) ne peut, il est vrai, comme cela semble résulter presque naturellement de ce qui a été dit, voir le jour que lorsque aussi bien la langue dans son objectivité que le procès de la production des pensées sont si parfaitement pénétrés comme fonction de la vie intellectuelle individuelle dans sa relation à l’essence de la pensée elle-même qu’on peut exposer avec une cohérence absolue, partant de la façon dont on procède pour combiner les pensées et les communiquer, la façon dont on doit procéder pour les comprendre » (Herm. K, 141).
58Avec cette énigme, Schleiermacher prend congé de ses auditeurs, non sans leur donner un second élément : que cette proposition peut être éclaircie par la proposition de Ast, à savoir « que tout détail ne peut être compris qu’au moyen du tout et que, par conséquent, toute explication du détail présuppose déjà la compréhension du tout » (Herm. K, 141). C’est là que, le 22 octobre, Schleiermacher reprend son discours sans récapituler ce qu’il avait dit le 12 août. Les passages qui concrétisent le contenu de la nouvelle science, à la fin et au début de chaque discours, ont donc une situation exponentielle.
2. La conception de l’herméneutique par Schleiermacher
59Le choix, apparemment arbitraire, de propositions de Ast et de Wolf ne suffit pas à nous faire oublier que Schleiermacher suit avec constance un enchaînement de pensées qui trouve certes son corrélat dans toutes les parties du système présenté par les cours, mais qui confère cependant un nouveau profil à ces mêmes éléments placés dans l’horizon de l’herméneutique comme « esprit qui se découvre lui-même ». Cet enchaînement de pensées est clairement structuré et peut donc être restitué par une série de théorèmes.
1er théorème : (= 11e théorème) Herm. K, 124-128 | L’herméneutique comme « art » fondé scientifiquement n’existe pas encore, car les herméneutiques précédentes ne satisfont pas encore aux exigences de la science. |
2nd théorème : Herm. K, 128-131 | Une herméneutique scientifique doit d’abord établir le champ de son application. Celui-ci est « la gêne de la compréhension dans la perception de l’expression des pensées de quelqu’un d’autre » (Herm. K, 128). |
3e théorème : Herm. K, 131-137 | Le caractère scientifique de la compréhension ne se fonde pas sur la nécessité logique de son explication, mais sur la « certitude » résultant d’une opération, celle de la divination comme reconstruction (renvoi à Schlegel). |
4e théorème : Herm. K, 137-139 | La divination est le procédé fondamental de la compréhension qui doit toutefois, pour réaliser la compréhension parfaite et sûre, toujours être complété par la comparaison. |
5e théorème : Herm. K, 139-141 | Le procédé scientifique se manifeste ainsi comme l’accomplissement conscient d’une activité humaine élémentaire, l’acquisition de la langue et de la pensée au moyen de la compréhension chez l’enfant ; il convient de le considérer comme « l’esprit pensant qui se découvre lui-même ». |
6e théorème : et cœur du discours Herm. K, 141 | C’est pourquoi l’herméneutique comme science n’est possible que « lorsque aussi bien la langue dans son objectivité que le procès de la production des pensées sont si parfaitement pénétrés comme fonction de la vie intellectuelle individuelle dans sa relation à l’essence de la pensée elle-même qu’on peut exposer avec une cohérence absolue, partant de la façon dont on procède pour combiner les pensées et les communiquer, la façon dont on doit procéder pour les comprendre » (souligné par moi-même, A.N.). |
7e théorème : fin du premier et début du second discours Herm. K, 141-147 | Le premier « devoir » (règle) de la compréhension est (proposition de Ast) : comprendre le détail à partir du tout et le tout à partir du détail. Justification à partir des rapports de fait : le discours (communiquer) n’est que l’aspect extérieur de la pensée (voir Herm. K, 139)93. La pensée est un mouvement entre le détail et le tout. Son expression, le discours, manifeste ce mou vement dans la combinaison des éléments linguis tiques dans un tout, le discours singulier. |
8e théorème : Herm. K, 147-152 | Le rapport de fait entre la partie et le tout subsiste par-delà le discours singulier : la vie intellectuelle d’une nation forme un tout ; la vie intellectuelle de l’individu forme un ensemble cohérent. C’est pourquoi on peut appeler la « plus grande construction historique », celle qui comprend la vie de la nation, et la petite construction qui comprend « l’espace restreint de la vie individuelle », une compréhension « portée à la plus haute puissance » (Herm. K, 147-149). Les procédés fondamentaux de la compréhension, la divination et la comparaison, resurgissent dans les deux, sans pour autant constituer le contenu d’une science nouvelle qui, ayant pour but la pensée, l’esprit se découvrant lui-même, n’a affaire qu’au discours singulier de l’individu (Herm. K, 149-52). |
9e théorème : Herm. K, 152-153 | Puisque son but est de féconder le moi de l’interprète et de ses lecteurs (Herm. K, 151), son champ ne « peut » être ni la reconstruction de l’esprit de l’Antiquité (d’après Ast), car elle devrait alors dépasser les témoignages linguistiques, ni l’interprétation grammaticale historique d’un Wolf. |
10e théorème : Herm. K, 153-155 | L’unité et l’extension découlent du domaine (tout discours formulant des pensées) et du but (la fécondation intellectuelle et linguistique du moi) de l’herméneutique. L’herméneutique ne contient que la compréhension, son exposition n’étant que sa communication externe ; dans le discours, elle s’en tient à un seul point de vue, celui du sens du discours, résultat de la parole pensante. C’est pourquoi elle doit relier la compréhension grammaticale et psychologique dans un seul acte, la compréhension du sens. |
11e théorème : fin du discours Herm. K, 156 | Seule la formulation de cette compréhension dans un ensemble systématique élève l’herméneutique au niveau d’une science et met un terme au « chaos » de cette discipline94. |
3. Implications pratiques et conséquences historiques de l’herméneutique au plan scientifique
60Le discours prononcé à l’Académie par Schleiermacher formule le programme d’une systématique de l’herméneutique, comme plusieurs formulations de ses cours cherchent à l’exposer. Cette systématique n’est pas un mode d’emploi permettant de savoir comment il faut approcher le discours singulier, mais développe, comme l’exige selon Schleiermacher la scientificité de la science, une « méthode pour découvrir des difficultés » inhérentes au domaine lui-même. La méthode doit cependant en même temps prendre l’ascendant sur la pratique en délimitant avant tout le domaine exigé par une telle méthode. Schleiermacher appelle ce champ la « compréhension du sens », point de vue unique et exclusif dont la compréhension doit s’occuper. Face à la multiplicité bariolée des façons de procéder en présence de discours ainsi qu’à la multiplicité de procédures d’interprétation existantes, esthétique, grammaticale, historique, allégorique ou dogmatique, l’exigence de Schleiermacher a des implications au niveau de la pratique scientifique que l’on peut décrire en parlant de réduction et d’extension du champ, ainsi que d’uniformisation des procédés et des formes d’exposition.
Réduction et extension du champ
61C’est uniquement le sens du discours qu’il s’agit de comprendre. Il faut reconstruire avec ce seul aspect le contenu d’exposition du discours. Les côtés esthétiques, pragmatiques et expressifs du discours, dont fait partie sa valeur d’expression historique, sont à écarter. En même temps, on veut découvrir le sens des discours de tous les temps. L’attachement contemporain de l’herméneutique aux textes bibliques et anciens dans le cadre des intérêts de la connaissance de l’histoire ancienne et de la théologie sont évacués au profit d’un but philosophique : tous les discours, de ceux des contemporains à ceux des Anciens, sont considérés comme des textes quasi philosophiques, comme étant la communication extérieure d’une pensée autre.
Uniformisation des procédés et de leurs formes d’exposition
62Les herméneutiques de Wolf et d’Ernesti englobaient la compréhension et l’interprétation. Ils séparent néanmoins les deux procédés, l’interprétation étant liée à un changement de rôle, l’explication pour un tiers (élève, étudiant, profane)95. Aux formes de l’interprétation correspondent des genres de textes scientifiques déterminés : le commentaire, la paraphrase, la traduction, etc. Schleiermacher exclut l’interprétation de la systématique de la compréhension en alléguant que l’exposition de l’interprétation est elle-même un discours et donc un objet de l’herméneutique, non l’herméneutique. Un manuel d’herméneutique ne peut, par conséquent, avoir affaire qu’au seul problème du sens ; il n’a pas à donner des instructions sur la rédaction des commentaires.
63Au sein de la compréhension aussi, Schleiermacher ne veut plus avoir affaire qu’à un seul procédé : la reconstruction du discours comme mouvement de la pensée. L’exposé du discours prononcé à l’Académie ne réalise pas explicitement ce que Schleiermacher promet : dériver la compréhension du déroulement de la pensée et de son expression (voir plus haut, 6e théorème). Lorsque, au lieu de cela, il introduit le « cercle herméneutique » et l’illustre par la relation du tout et des parties des éléments linguistiques, en partant du mot et en allant jusqu’au sens du discours, il présuppose, comme il le fait à plusieurs reprises explicitement dans sa systématique, que la pensée en tant que construction est elle aussi un cercle, le « cercle constructif »96. Ce présupposé en appelle un autre, celui de ne considérer le discours que comme l’aspect extérieur de la pensée, de concevoir la composition comme une conséquence de la combinaison. En revanche, le discours prononcé à l’Académie met en lumière, plus clairement que la systématique, une autre implication, non fondée, de l’interprétation du discours et de ses éléments comme mouvement de la pensée : à la différence de la systématique, Schleiermacher ne considère pas ici la pensée comme une pensée discursive (en tant que « parole intérieure » et conformément au modèle platonicien), mais également comme un discours formateur de concepts. Il fait ainsi coïncider les thèmes organisant le discours singulier (qu’il nomme « idées » dans la systématique) avec les « grands mots » (Herm. K, 144), les concepts : « Car il y a pour toute structure plus rigoureusement liée de propositions [...] d’une façon ou d’une autre un concept principal qui les domine ou, comme nous pouvons le dire aussi bien, qui en est le mot » (Herm. K, 143-144).
64La réduction de la compréhension à la compréhension des « grands mots » privilégie cependant un genre de texte, ou mieux, ce genre est le modèle de référence secret de ce qui est visé : le texte philosophique et son exposé objectif, systématique, qui est l’étalon de tous les moments subjectifs de la pensée et de l’exposition.
65Dans son exposition du « discours » comme totalité linguistique en 1829, Schleiermacher décrit pour la première fois ce qu’on doit appeler l’« interprétation » du contenu conceptuel d’un discours : puisque du savoir se manifeste dans la pensée conceptuelle, il s’agit là du contenu de savoir ou de connaissance d’un texte97. Il convient ici de rappeler les intérêts personnels et les expériences de Schleiermacher : le domaine de la traduction et de la compréhension, encore désigné comme science et art dans le discours sur « Les différentes méthodes de la traduction » de 1813, n’est pas intégralement devenu un champ d’activité pratique de l’interprète Schleiermacher, l’interprète du Nouveau Testament et de la philosophie antique.
66Schleiermacher tente d’uniformiser la compréhension comme compréhension de la formation individuelle de concepts de deux manières :
- en réduisant le discours à son contenu individuel et conceptuel ;
- en excluant la compréhension « portée à une plus haute puissance », la reconstruction de la cohérence génétique du développement intellectuel d’une nation ou d’un individu, de la systématique de l’herméneutique dans la mesure où elle n’a pas elle-même à exposer les règles de cette construction98.
67Ces entités ne constituent que la toile de fond de la pensée spécifique présente dans un discours. Elles deviennent des moyens pour la comprendre en tant que telle, c’est-à-dire fournissent les éléments de la comparaison qui rend certaine la divination, la reconstruction du discours singulier (Herm. K, 135). Cela permet d’écarter du système de l’herméneutique tant l’interprétation historique, où le discours est la source d’autre chose que lui-même, par exemple d’un fait (Faktum) dans le cadre de l’histoire de la philosophie, que la considération esthétique et rhétorique qui recherche non pas le contenu pensé mais la forme de l’exposition, par conséquent l’interprétation de la science de l’Antiquité de Wolf qui veut mettre en évidence le modèle formel des Grecs tant dans l’art que dans la science. Mais quelles formes prend la pratique scientifique lorsqu’elle développe cet unique objet et ce procédé unifié de la compréhension grammaticalo-technique, c’est-à-dire lorsqu’elle devient elle-même discours et objet de l’interprétation ?
68Elle ne peut être ni un commentaire historique, ni biographique, ni grammatical, ni rhétorique, mais uniquement une description continue de l’enchaînement des pensées de l’autre. Les introductions de Schleiermacher à Platon doivent passer pour le premier modèle de cette nouvelle forme d’exposition de l’interprétation. Elles s’efforcent de reconstruire, à partir du déroulement du discours et de la composition des dialogues singuliers, la combinaison particulière de la pensée et le contenu pensé qui en résulte, de reconstruire les « grands mots », les « idées » du texte singulier. Vues de l’extérieur, les introductions de Schleiermacher relèvent de la tradition qui, des Argumenta de M. Ficin en passant par J. Serranus, J.F. Kleuker et D. Tiedemann, place des introductions avant les discours des auteurs antiques. Mais ce n’est qu’avec les introductions de Schleiermacher que l’on peut parler de cet exposé scientifique que Schleiermacher lui-même appelait « interprétation » et qui doit s’appeler aujourd’hui encore, face à l’herméneutique littéraire99, interprétation du contenu conceptuel.
69Les conséquences au plan de l’histoire de cette science confirment cet acte fondateur réalisé par Schleiermacher en tant que théoricien de l’herméneutique et praticien de l’interprétation des philosophes antiques entre 1804 et 1833 : il inaugure l’histoire moderne de l’interprétation des dialogues platoniciens et une nouvelle écriture de l’histoire de la philosophie qui s’attaque, à l’aide de l’interprétation de « discours » singuliers, à la « grande construction historique » (Zeller, Brandis et autres)100. L’école historique répond immédiatement à l’herméneutique de Schleiermacher, qui est à comprendre comme une opposition à l’art de l’explication « historique » de l’école de F.A. Wolf : August Boeckh et J.G. Droysen se rattachent positivement au concept de la compréhension de Schleiermacher et érigent ainsi l’histoire en science compréhensive, c’est-à-dire herméneutique101. Ils étendent cependant la compréhension à la compréhension de la totalité de la réalité historique. Ainsi le contenu du concept de compréhension se transforme, étant placé dans de nouveaux contextes auxquels Schleiermacher ne pensait pas102.
Notes de bas de page
1 Herm. K, p. 55, p. 32 de la traduction française (par Ch. Berner), Paris/Lille, 1987.
2 Herm. K, p. 75, trad. franç., p. 113.
3 Herm. L, p. 3 = Herm. Fr. p. 71.
4 W. Dilthey, Leben Schleiermachers, I/1, p. 37-45.
5 A. Neschke, « Le texte de Platon... », dans ce volume, p. 204 s.
6 Vorlesungen über die Altertumswissenschaft, J.D. Gürtler (éd.), I, Leipzig, 1831, p. 271.
7 W. Virmond, « Neue Textgrundlage zu Schleiermachers früher Hermeneutik », dans ISK, 1, p. 581.
8 A. Neschke, « Le texte de Platon... », n. 38, dans ce volume p. 204.
9 Vorlesungen, p. 271.
10 Vorlesungen, p. 273.
11 H. Arens, Sprachwissenschaft. Der Gang ihrer Entwicklung von der Antike bis zur Gegenwart, vol. 1, Fribourg/Munich, 1969, p. 156.
12 H. Birus, « Zwischen den Zeiten. Friedrich Schleiermacher als Klassiker der Hermeneutik », dans H. Birus (éd.), Hermeneutische Positionen, Schleiermacher, Dilthey, Heidegger, Gadamer, Göttingen, 1982, p. 24.
13 Vorlesungen, p. 276-283.
14 Pour la théorie du langage qui est à l’arrière-plan de cette doctrine, cf. K.O. Apel, Die Idee der Sprache in der Tradition des Humanismus von Dante bis Vico, Bonn, 1963, p. 297-317.
15 Vorlesungen, p. 272.
16 Vorlesungen, p. 273, 279 s.
17 Vorlesungen, p. 273.
18 Sur ce point, voir aussi H. Birus, « Zwischen den Zeiten... », p. 21.
19 G.F. Meier, Versuch einer Allgemeinen Auslegungskunst, Halle, 1767, réédition Düsseldorf 1965, avec une introduction de L. Geldsetzer, p. 37 s. Cf. aussi P. Szondi, Einführung in die literarische Hermeneutik, Francfort, 1975, p. 106 s. (trad. franç. Introduction à l’herméneutique littéraire, Paris, 1989, p. 74 s.).
20 H. Arens, Sprachwissenschaft, vol. 1, p. 80 s. ; K.O. Apel, Die Idee der Sprache..., p. 304 s.
21 Voir plus bas, p. 57 s.
22 Autrement Birus, « Zwischen den Zeiten... », p. 24-26 et, du même, « Schleiermachers Begriff der technischen Interpretation », ISK, 1, p. 596 s.
23 Herm. V, p. 1276-1290, trad. franç., p. 78-91. M. Frank prend le concept dans un sens trop large (Schleiermacher, Hermeneutik und Kritik, Francfort, 1977, p. 32). Cela correspond à son idée fausse selon laquelle l’universalisation de l’herméneutique consiste dans sa mise en rapport avec toutes les expressions de la vie (ibid., p. 7 s.).
24 Herm. V (E2), p. 1271, trad. franç., p. 73.
25 « Übersetzen », p. 210 = p. 285 de la traduction française (A. Berman) dans Les Tours de Babel, Mangevin, 1985. A la différence de Kant, l’espace et le temps sont, pour Schleiermacher, des catégories de l’être. Cf. aussi H. Kimmerle, Die Hermeneutik Schleiermachers im Zusammenhang seines spekulativen Denkens, Heidelberg, 1955, p. 73.
26 « Übersetzen », p. 211, trad. franç., p. 287.
27 « Übersetzen », p. 217, trad. franç., p. 297. C’est là une idée qui s’oppose à la mathesis universalis d’un Leibniz. Sur ce point, voir K.O. Apel, Die Idee der Sprache..., p. 306.
28 « Übersetzen », p. 209, trad. franç., p. 283.
29 « Übersetzen », p. 215, trad. franç., p. 293.
30 « Übersetzen », p. 213, trad. franç., p. 291.
31 Ibid.
32 Herm. K, p. 79, trad. franç., p. 118.
33 Pour Schleiermacher, la vie est essentiellement vie intellectuelle et intuition. C’est Dilthey qui rapporte la vie à l’expérience psychique interne. Sur le concept de vie chez Dilthey, cf. G. Scholtz, « Schleiermachers Dialektik und Diltheys erkenntnistheoretische Logik », Dilthey-Jahrbuch, 2, 1984, p. 184.
34 Herm. V (E17) p. 1273, trad. franç., p. 75. Autrement H. Birus, « Hermeneutische Wende ? », Euphorion, 74, 1980, p. 184.
35 Herm. V (E15) p. 1273, trad. franç., p. 75.
36 Dial. A, p. 17, p. 55 ; Herm V, (II 2 ; II 5), p. 1296, trad. franç., p. 97, 98.
37 Herm. K, p. 113 (1805), trad. franç., p. 49. Herm. V, p. 1272 (1809/10), trad. franç., p. 74, 75. Herm. K, p. 76 (1819), trad. franç., p. 114.
38 Schleiermacher est proche, ici, de W. von Humboldt. En supposant cependant une pensée en dernière instance libre du langage dans la raison (cf. Dial. A, p. 16), il est plus proche de Platon et de Leibniz que de Humboldt (voir note 50).
39 Dilthey, Leben Schleiermachers, I/1, p. 183-207, 219-259 ; E. Behler, dans : Schlegel, KA, VIII, 1975, p. LXIX-CVII.
40 Herm. K, p. 49 (1809-1810), trad. franç., p. 69.
41 Herm. V (E23) p. 1274, trad. franç., p. 76. Sur Schlegel, cf. E. Behler, KA, VIII, p. XXVII s.
42 Un concept plus large de la pensée dans la Dialektik, Dial. O, p. 5, Herm. Fr, p. 412.
43 Herder, SW (Suphan), XXI, p. 113-125 ; cf. K. Pohl, « Die Bedeutung der Sprache für den Erkenntnisakt in der Dialektik F. Schleiermachers », Kantstudien, 46, 1954/55, p. 329.
44 K. Pohl, « Die Bedeutung der Sprache... », p. 304-328.
45 C’est surtout H.G. Gadamer qui a compté Schleiermacher parmi les romantiques. Cf. H.G. Gadamer, Wahrheit und Methode, Tübingen 19652, p. 172-185 ; du même, avec G. Boehm, Seminar : Philosophische Hermeneutik. Francfort, 1979, p. 31-34 ; du même, article « Hermeneutik » du Historisches Wörterbuch der Philosophie.
46 Cf. la remarque Herm. K, p. 124, trad. franç., p. 156.
47 Herm. K, p. 152, trad. franç., p. 184.
48 Wolf, Kleine Schriften, II, Halle, 1869, p. 852.
49 Autrement M. Frank qui omet, dans son « Introduction », que pour Schleiermacher l’herméneutique est une discipline philologique.
50 W. von Humboldt, Über Denken und Sprechen, Werke, p. 97-99.
51 Herder, SW (Suphan), XXI, p. 113 s.
52 Cf. H. Nüsse, Die Sprachtheorie Friedrich Schlegels, Heidelberg, 1962, p. 24 s. et 54.
53 Herm. K, p. 76 (§II.4), trad. franç., p. 114 s.
54 Voir K. Pohl (loc. cit., note 44).
55 KA, III, p. 299.
56 A. Neschke, « Le texte de Platon... », dans ce volume p. 206.
57 A. Neschke, « Platonisme et tournant herméneutique », dans ce volume, p. 121.
58 Pour ce concept, voir plus bas, p. 67.
59 Herm. L, p. 4 = Herm. Fr, p. 72.
60 D’après W. Virmond, on ne peut pas compter sur elle dans l’immédiat.
61 Herm. V, p. 1309, trad. franç., p. 109 s.
62 W. Virmond, « Neue Textgrundlage... », p. 578.
63 Cf. N. Vorsmann, Die Bedeutung des Platonismus für den Aufbau der Erziehungslehre bei Schleiermacher und Herbart, Ratingen, 1968, p. 27.
64 Herm. K, p. 78, trad. franç., p. 116 s.
65 Herm. V (II 6), p. 1297 (trad. franç., p. 98), on rencontre le mot « méditation ». Il reprend cependant simplement le terme allemand Denken (penser), sans avoir une valeur particulière d’un point de vue systématique.
66 W. Virmond, « Neue Textgrundlage... », p. 588 s.
67 Herm. K, p. 10-13.
68 H. Patsch, « Friedrich Schlegels Philosophie der Philologie und Schleiermachers frühe Entwürfe der Hermeneutik. Mit Exkurs zur Datierung der frühen Hermeneutik-Entwürfe Schleiermachers », Zeitschrift für Theologie und Kirche, 1966, p. 434-467.
69 W. Virmond a indiqué oralement que Twesten a laissé des blancs en présence de passages indéchiffrables chez Schleiermacher. Voilà qui confirme qu’il s’agit d’une copie, et la valeur, en tant que source, de celle de Twesten.
70 Autrement Kimmerle qui indique justement une transformation de la conception de la langue par Schleiermacher (Die Hermeneutik Schleiermachers..., p. 91 s.). On ne saura dans quelle mesure cela a eu un effet dès 1819 sur la systématique de l’herméneutique qu’après une nouvelle édition des sources, notamment après le déchiffrage de toutes les notes prises à ses cours.
71 Herm. V (II, 7), p. 1297, trad. franç., p. 99. Herm K, p. 104, trad. franç., p. 149.
72 Ces derniers se trouvent encore, inexploités, au Zentralarchiv de Berlin Est.
73 Herm. K, p. 159, trad. franç., p. 191.
74 Herm. K, p. 75, note*, trad. franç., p. 113, note*.
75 Jusqu’en 1819, l’écriture est subsumée sans problème sous le « discours ». A présent en revanche, le caractère écrit pose un problème propre (cf. Herm. K, p. 76).
76 Herm. L, p. 8 = Herm. Fr, p. 99, note 3.
77 Herm. K, p. 11.
78 Dilthey l’avait déjà souligné, Leben Schleiermachers, II/2, p. 691.
79 Cf. aussi H. Birus, « Zwischen den Zeiten... », p. 35 s.
80 C’est là une objection à la thèse de Kimmerle.
81 Herm. Fr, p. 178-185 ; p. 209 s.
82 Herm. Fr, p. 178-179.
83 Herm. Fr, p. 180 s.
84 Herm. Fr, p. 178 et 185.
85 Herm. K, p. 150, trad. franç., p. 181.
86 Herm. V, p. 1296, trad. franç., p. 97 ss.
87 Herm. K, p. 100, trad. franç., p. 144. Herm. V, p. 1290, trad. franç., p. 92.
88 Herm. V, p. 1279 et 1290, trad. franç., p. 81 et 92. Herm. K, p. 86-100, trad. franç., p. 127- 144.
89 Herm. K, p. 122 et 123, trad. franç., p. 155 ss.
90 Friedrich Ast, Grundlinien der Grammatik, Hermeneutik und Kritik (Landshut, 1808), dans H.G. Gadamer/G. Boehm (éds), Seminar : Philosophische Hermeneutik, Francfort, 1976, p. 111.
91 Cf. supra, p. 43.
92 Ast, Hermeneutik, p. 119.
93 Cette pensée peut être interpolée.
94 Schleiermacher répète ici le geste pathétique de Kant dont la critique de la raison pure veut conduire la métaphysique sur la voie sûre de la science.
95 A. Neschke, « Le texte de Platon… », dans ce volume, p. 2045.
96 Voir déjà Schlegel, KA, IX, p. 19 et VIII, p. XLIII.
97 Sur ce point, voir aussi A. Neschke, Die Poetik des Aristoteles, Francfort, 1980, p. 13 s.
98 Ce serait là la tâche d’une histoire du savoir d’une individualité nationale, dont Schleiermacher donne un échantillon dans son cours sur l’histoire de la philosophie ancienne (cf. G. Scholtz, Die Philosophie Schleiermachers, Darmstadt, 1984, p. 90-93, et aussi L. Braun, Histoire de l’histoire de la philosophie, Paris, 1973, p. 320-323).
99 P. Szondi, Einführung, p. 9 ss. (trad. franç., p. 7 ss.).
100 Sur ce point, voir G. Scholtz, « Die griechische Philosophie bei den Schülern Hegels und Schleiermachers », dans Philologie und Hermeneutik im 19. Jahrhundert, H. Flashar, K. Gründer et A. Horstmann (éds), Göttingen, 1979, p. 298-311.
101 Cf. A. Neschke, « Platonisme et tournant herméneutique... », dans ce volume, p. 112.
102 Cf. les contributions d’A. Horstmann et d’U. Muhlack dans ce volume, p. 257 ss. et 281 ss.
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