1 Voir notamment P. Ricœur, « La crise : un phénomène spécifiquement moderne », Revue de théologie et de philosophie, 1988, p. 1-19, pour une analyse des différentes spécialisations ou « concepts régionaux » de crise. Pour un aperçu de la polymorphie de cette notion dans les sciences humaines, voir R. Starn, « Métamorphoses d’une notion, les historiens et la crise », Communication, 25, La notion de crise, 1976, p. 4-18.
2 On peut citer, sans prétendre à l’exhaustivité, les analyses importantes de Rechenauer, Le règne de la critique, 1979 (1959) et F. Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expérience du temps, Paris, 2013. Plus récemment, M. Revault d’Allones, La crise sans fin, Paris, 2012 du côté de la philosophie.
3 L’usage de la notion de crise est fréquent pour l’étude de l’antiquité grecque. Pour ne citer que quelques exemples, voir E. Elmer, The Poetics of Consent, 2013, à propos de l’Iliade, dont l’intrigue reposerait sur une « crisis of exception » dans le pouvoir politique (cf. notamment le chapitre 3). Voir aussi P. Judet de la Combe, « La crise selon l’Iliade » dans Mères et maternité en grèce ancienne, Métis, N. S. 11, 2013. La notion est aussi utilisée pour Thucydide, voir notamment, G. Rechenauer, dans son Thucydides und die hippokratische Medizin, Zurich, 1991. Thucydide y est qualifié d’historien des « crises ». La notion de « crise » au sens épistémologique a aussi des usages pour commenter le corpus platonicien, voir notamment, G. Roggerone, La crisi del platonismo nel Sofista e nel Politico, 1983.
4 La crise sans fin, Paris, 2012, notamment p. 19-31.
5 R. Koselleck, Le Futur passé, Paris, 1990 (1979). La « crise » serait notamment la conscience par l’historien et des acteurs d’une société de l’écart qui s’accroît soudainement entre « espace d’expérience » politique et « horizon d’attente » promu par les utopies, dans le « siècle des révolutions » qu’est le xviiie siècle. Voir l’analyse que fait Ricœur de ces « deux transcendantaux de la conscience historique » que dégage Koselleck dans « La crise : un phénomène spécifiquement moderne », Revue de théologie et de philosophie, 1988, p. 15. Koselleck a analysé par ailleurs dans le Règne de la critique, Paris, 1979, la crise comme le fruit de la critique de la société bourgeoise contre l’absolutisme, qui permet d’ouvrir l’espace des possibles politiques et de disjoindre ces deux transcendantaux de la conscience historique. Voir l’appendice de son livre, avec un point de sémantique historique sur les mots critique et crise, p. 164-167.
6 Histoire de la guerre du Péloponnèse, Ι, 23. « Dans les faits antérieurs, l’événement le plus important fut la guerre médique : celle-ci, cependant, fut promptement tranchée (ταχεῖαν τὴν κρίσιν ἔσχεν) par deux combats sur mer et deux sur terre ; cette guerre-ci, au contraire, se prolongea considérablement et comporta pour la Grèce des bouleversements comme on n’en vit jamais dans un égal laps de temps. » Trad. J. de Romilly.
7 En IV, 20, 2, le conflit autour de Pylos est qualifié d’interminable (ἔτι δ’ ὄντων ἀκρίτων). L’ultime page des Helléniques de Xénophon VII, 5, 26-27, offre un tableau stupéfiant de la guerre qui se termine sans vainqueur ni vaincu, où chacun se comporte avec arrogance. Pour Xénophon, un dieu a fait en sorte que chacun puisse ériger des trophées. Le dieu devient le garant de cet état incertain de suspension du combat. Le trouble et l’ἀκρισία sont encore plus grands qu’auparavant en Grèce. La guerre a accouché d’un désordre qui se prolonge sans fin.
8 Il est sans doute possible de situer un moment important de cette transition au xviiie siècle. Rousseau offre un exemple intéressant, lui qui connaît bien la notion médicale et qui est un des premiers à utiliser la notion de crise politique (Contrat social, II, 8-10). La crise est alors encore positive et exprime la possibilité qu’il sorte du bien des révolutions populaires. Dans le même temps, les bienfaits d’une telle révolution sont difficiles à conjecturer dans les grands États modernes. La crise se charge du sème de l’incertitude par son inclusion dans un contexte politique particulier, celui des révolutions. Cf. Émile, éd. Classiques Garnier d’après l’édition de 1762, p. 224. « Nous approchons de l’état de crise et du siècle des révolutions. Qui peut vous répondre de ce que vous deviendrez alors ? ». Pour d’autres analyses des usages modernes de la notion de crise en relation à l’antiquité, je me permets de renvoyer à V. Longhi dans Anabases 2019, 29, « La crise, une notion politique héritée des Grecs ? », p. 21-35, avec plus de bibliographie sur la question.
9 Voir J. Jouanna, « Causes et crises chez les historiens et les médecins d’époque classique », dans Fondements et crises du pouvoir, Bordeaux, 2003, p. 217-235. Il montre que κρίσις au sens de crise n’apparaît pas chez Thucydide. Cela semble aussi vrai, d’après nos recherches d’Homère à Aristote : il n’y a pas de métaphore sociale ou politique de la κρίσις médicale. Sans préjuger de ce qui se produit ensuite, on constate que chez Plutarque, dans des passages où Solon, par exemple, est décrit comme médecin de la cité, il n’est aucunement fait mention d’une quelconque crise pour expliquer la guérison de l’État. Cette absence de la métaphore de la crise interroge.
10 Par exemple, la maladie de l’âme du Phèdre, 250-252 se résout (251 e 4 λύειν), sous l’effet de l’amour, par un échauffement général et une fluidification des pertuis de l’âme, une pousse de ses plumes. C’est une forme de regénération aux nombreuses connotations médicales. Mais κρίνειν n’est pas employé.
11 É. Benveniste, Problèmes de linguistique générale, 2 vol. Paris, 1967 et 1974, formule cette exigence différemment et la nomme méthode de la « reconstruction formelle » vol. II, p. 98 et 227. Benveniste oppose la stabilité de la signification dans la langue d’un mot ou lexème et les variations de son sens selon les références où il apparaît. La signification dans la langue subsume des variations sémantiques (ou « types ») dans la référence, cf. Problèmes de linguistique générale, II, p. 98. La « reconstruction formelle » de Benveniste semble alors consister à classer différents emplois sous une formulation générale dont leur sens puisse dépendre logiquement. Voir. P. Demont « La polysémie d’un verbe grec : τρέφω : “cailler, coaguler, nourrir, élever” (Homère, Hésiode, Aristote, Meteor, 354 b 36) », Études de littérature ancienne, 2, 1982, p. 12-13, pour une analyse de la méthode de Benveniste.
12 Voir toujours P. Demont, « La polysémie d’un verbe grec : τρέφω : “cailler, coaguler, nourrir, élever” » qui attire l’attention sur le fait que la méthode de reconstruction formelle peut tendre à négliger la polysémie, quand bien même elle aurait été perçue comme telle par les locuteurs. La reconstruction formelle, nécessairement générale, peut aussi en venir à être insuffisamment discriminante, et subsumer d’autres « formes » que celle qu’elle vise à définir. Il faut peut-être adopter une voie moyenne entre la reconstruction et le simple constat de la polysémie : attirer l’attention sur des réseaux de relation entre des sens différents, qui permettent de circonscrire des faits culturels ou des « universaux de culture », p. 117. « Ainsi, en définissant par un prédicat générique l’ouverture sémantique de τρέφω, on donne une idée des “ressemblances de famille” (Wittgenstein) entre ses emplois et de la “catégorie de la langue grecque” (Benveniste) qu’est ce verbe » (je souligne).
13 Il note l’importance de deux composés qui ont pris une signification particulière, ἀποκρίνομαι, au sens de « répondre », ὑποκρίνομαι, répondre des songes, d’où interpréter puis déclamer. Les sens particuliers de ces deux mots sont documentés. Voir la bibliographie donnée notamment dans l’article du Lexikon des frühgriechischen Epos d’O’Sullivan, s.v. κρίνειν. Pour Ὑποκρίνομαι, on peut voir aussi H. Patzer, Gnomon 42, 1970, p. 641-652, dans son compte rendu sur Ὑποκριτής. Origine e storia del termine, Brescia, 1963, par Bruno Zucchelli. Le mot se rencontre quelque fois chez Homère dans la lecture du sens des songes, mais, dans le corpus que j’ai choisi, pas au sens d’acteur.
14 Voir G. Striker, « Κριτήριον τῆς ἀληθείας », Essays on Hellenistic Epistemology and Ethics, Cambridge, 1996, p. 22-76. Selon elle, le mot prend le sens technique de « critère » dans la philosophie hellénistique. Il signifie encore « moyen de jugement » chez Platon.
15 L’étude déjà mentionnée de Koselleck, Le Règne de la critique (Kritik und Krise), p. 164-167, rapproche les notions de crise et de critique, mais c’est dans le cadre d’une reconstruction intellectuelle qui veut expliquer un nouveau concept d’histoire sociale, la crise comme le fruit de l’esprit critique de la société bourgeoise. La proximité établie relève du jeu de mot heuristique.
16 Des enquêtes sémantiques ont démontré l’intérêt d’une mise en relation des textes épiques et scientifiques pour comprendre le lexique médical. Voir, par exemple, P. Demont et J. Jouanna, « Le sens d’ἰχώρ chez Homère (Iliade V, 340 et 416) et Eschyle (Agamemnon, 1480) en relation avec les emplois du mot dans la Collection hippocratique », dans Revue des études anciennes, 1981 (83), p. 197-209, ainsi que P. Demont, « Remarques sur le sens de τρέφω », Revue des Études Grecques, 91, 1978, p. 358-384.
17 Le traité du Régime est exemplaire de cette proximité, comme le rappelle entre autres, l’enquête d’H. Bartŏs, Philosophy and Dietetics in the Hippocratic On Regimen. A Delicate Balance of Health, Leiden-Boston, 2015. Voir aussi le collectif de P. Pellegrin et R. Wittern, Hippokratische Medizin und antike Philosophie, Hildesheim/Zürich/New York, 1996.
18 Voir notamment M. Vegetti, La medicina in Platone, Venezia, 1995, S. B. Levin, Plato’s Rivalry with Medicine : A Struggle and Its Dissolution, Oxford, 2014 et P. Demont : « Remarques sur le tableau de la médecine d’Hippocrate » chez Platon dans Ancient Concepts of The Hippocratic, Leiden 2016, p. 61-82.
19 Voir d’abord L. Gernet, Recherches sur le développement de la pensée juridique et morale en Grèce, Paris, 1917, p. 445 sq.
20 Gernet relève que κρίνειν est utilisé dans la Loi de Gortyne pour un jugement à l’intérieur du γένος, et non pas dans le droit interfamilial. L’opposition entre les deux verbes a pu être contestée. Voir M. Talamanca, qui remet en cause la distinction de Gernet parce que selon lui la différence entre les deux verbes n’est pas visible dans l’épopée comme elle l’est dans la loi de Gortyne, « Dikazein e krinein nelle testimonianze greche più antiche », Symposion 1974, Wien, 1978, p. 103-133.
21 Voir F. Ruzé, Délibération et pouvoir dans la cité grecque de Nestor à Socrate, Paris, 1997. Pour la décision individuelle, voir R. Sharples, « “But Why Has My Spirit Spoken with Me Thus ?” Homeric Decision-Making », Greece and Rome, 1983, 30-1, p. 1-22, ainsi que C. Gill, Personality in Greek Epic, Tragedy, and Philosophy, The Self in dialogue, Oxford, 1996. Voir aussi D. F. Elmer, The Poetics of Consent, Collective Decision Making and the Iliad, Baltimore, 2013, p. 63 pour une bibliographie sur cette question de la décision politique dans l’épopée.
22 D. Elmer, The Poetics of Consent, Collective Decision Making and the Iliad, Baltimore, 2013, p 59 et p. 66-67.
23 P. 74 : « I use the term “crisis” (from Greek krisis, “decision, judgment”) to emphasize that what is at stake in both cases is a decision : not any longer the decision on the exception but the consequent decision of the community to how to respond. That decision is embodied in Achille (I, 188-92) ». D. Elmer analyse la scène où Achille hésite à tuer Agamemnon comme scène de décision à prendre, de krisis, (I, 188-92). Mais le mot κρίνειν n’y est pas employé.
24 Il s’agit de « l’indécision » des Troyens devant la mise en branle de l’armée achéenne, qui ne parviennent à prendre de décision (ἄκριτοι μῦθοι, II, 796), voir Elmer, p. 134 sq. et note 6 p. 263.
25 N. Loraux mentionne en passant le rôle d’Arès qui « tranche » la bataille, dans « Le lien de la division », Le cahier du collège international de philosophie 4, 1987, p. 113-14. Les usages de κρίνειν dans le contexte du tri pastoral et militaire sont observés par A. Macé et A.-L. Therme, dans le cadre d’une comparaison avec Anaxagore : « Anaxagore et Homère : trier les moutons, trier les hommes, trier l’univers », dans La sagesse présocratique : Communication des savoirs en Grèce archaïque : des lieux et des hommes, Paris, 2013, p. 235-262.
26 Voir J. Russo pour cette alternance, « How and What, Does Homer Communicate ? The Medium and Message of Homeric Verse », Communication Arts in the Ancient World, 1978. Voir encore, pour les cosmogonies épiques, W. Burkert, « The Logic of Cosmogony », dans From Myth to Reason ? Oxford, 1999, p. 87-106.
27 Trois études sont à citer : V. Langholf, Medical Theories in Hippocrates, Berlin, 1990 ; L. Bourgey, Observation et expérience chez les médecins de la Collection hippocratique, Paris, 1955 et J. Pigeaud, La crise, Nantes, 2006.
28 Langholf, Medical Theories, p. 112 sq. et 219 sq.
29 Il rappelle l’origine du terme judiciaire, Commentaire au Pronostic d’Hippocrate, livre III, c. 1, dans Galeni opera Omnia, vol. XVIII b, p. 231, éd. Kühn : « le jugement qui concerne les maladies a été transporté (μετενηνεγκται, de μεταφέρω) à partir de ceux qu’on voit dans les tribunaux, et désigne le changement brusque (ὀξύρροπον μεταβολήν) qui se fait dans les maladies, survenant selon trois modes (τρόπους) ». Cf. aussi Des crises, livre III, c. 1, Galeni opera Omnia, vol. IX, 2 éd. Kühn, p. 704. Voir J. Pigeaud, La crise, 2006, p. 10-15 qui cite ces textes.
30 Il y a là typiquement le genre d’explications par le « vraisemblable », familières des anciens lexicographes, que Benveniste refuse d’utiliser dans sa reconstruction formelle, « Problèmes sémantiques de la reconstruction » (Problèmes de linguistique générale I, p. 289). Voir Aussi G.E.R. Lloyd p. 8 de In the Grip of the Disease, studies in the Greek Imagination, Oxford, 2003, p. 8 : « I happen to believe that the notion of metaphora, taken as an analytic tool, is unhelpful. It is unhelpful because it sets up a rigid dichotomy between a supposed primary, literal, use and other deviant ones. » Voir aussi J. Derrida, « La mythologie blanche : la métaphore dans le texte philosophique », Poétique, 1971, p. 1-52 et N. Loraux, « La métaphore sans métaphore, à propos de l’Orestie », Revue philosophique de la France et de l’Étranger, 1990, 180, p. 247-268.
31 L’article de Dictionnaire étymologique de la langue grecque de Chantraine, dont je cite ici la fin, met en garde implicitement contre cette surdétermination du sens de « jugement » : « La racine signifiant “séparer”, s’est prêtée à des emplois divers : le sens de “cribler” n’est qu’exceptionnel en grec (cf. latin cribrum). Le sens de “juger” est une autre spécialisation qui a tenu une place importante en grec, mais en général, κρίνω et ses dérivés ne présentent pas le sens précis et juridique de δικάζω etc. »
32 Voir La Crise, p. 10 sq.
33 Voir Y. Lafrance, La théorie platonicienne de la doxa, Montréal, 1981. M. Dixsaut, Métamorphoses de la dialectique dans les dialogues de Platon, Paris, 2001.
34 Voir M. Heidegger, Introduction à la métaphysique (trad. G. Kahn), Paris, 1958 (c. 4 : « La limitation de l’être »), p. 122 et p. 186 notamment.
35 Voir A. Schmitt, Die Moderne und Platon, Stuttgart-Weimar, 2003, Cette pensée de la discrimination, parfois appelée krisis par l’auteur, serait à l’œuvre chez Platon et Aristote, distincts en cela des philosophes hellénistiques.
36 Un sondage dans les ouvrages consacrés à ces thématiques politiques chez Platon laisse voir que le mot κρίσις n’est pas l’objet de commentaires spécifiques. Ainsi A. Balansard, dans Technè dans les dialogues de Platon, l’empreinte de la sophistique, Sankt Augustin, 2001, ne relève pas il me semble le motif de la κρίσις des artisans. Le thème du « jugement » des arts poétiques est abordé par S. Halliwel, « The Republic’s Two Critiques of Poetry », Platon : Politeia, Sankt Augustin, 1997, p. 313-332, ainsi que par L. Mouze, Le législateur et le poète, Une interprétation des Lois de Platon, Villeneuve d’Ascq, 2005, mais sans étude du mot κρίσις. De nombreuses remarques sur les procès sont faites par L. Gernet dans son introduction à Platon, Œuvres complètes. Les Lois. Livres I et II, Paris, 1951, mais sans non plus d’étude sémantique de κρίσις. Des remarques sur le « tri » et son lien à l’organisation collective de la cité se trouvent chez A. Macé dans « Platon et le pastorat politique », Philosophie antique 2017.
37 M. Dixsaut, « Le plus juste est le plus heureux », dans Études sur la République de Platon, Paris, 2005, p. 327-352, relève l’importance du thème de la krisis dans la République.
38 Sous ces derniers traits la κρίσις pourra être rapprochée de la purification. Les liens sont nombreux entre les deux notions. Voir W. Burkert, Greek Religion, 1985, notamment, p. 75-83, pour qui la purification repose sur des pratiques d’exclusion et de séparation. Le vent, le feu et l’eau, principaux moyens de purification sont aussi des éléments qui apparaissent dans certaines représentations de la κρίσις. Voir aussi R. Parker, Miasma, Pollution and Purification in early greek Religion, 1983, qui insiste sur l’idée que la purification est une « science de la division » (p. 18-31), rituel qui permet la formation de cercles ou d’aires sacrées, de distinguer des individus parmi d’autres et assure ainsi la rénovation et la réorganisation de la communauté. La purification est aussi étudiée comme notion médicale, p. 213 sq., ce qui la rapprocherait encore de la κρίσις.
39 Voir pour l’association antithétique des notions verbales de séparation et de lien, mais à propos du mot στάσις, l’article de Loraux, « Le lien de la division », 1987.
40 Cette recherche est engagée par J. Pigeaud, pour la crise médicale, dans La crise. Pour lui, la temporalité de la crise est liée au καιρός. Il se fonde sur des analyses de M. Trédé, Kairos : l’à-propos et l’occasion, le mot et la notion, d’Homère à la fin du ive siècle, 1988. Pour des pistes de réflexion générale sur la temporalisation ou construction du temps chez différents auteurs anciens, cf. C. Darbo-Peschansky (dir.), Constructions du temps dans le monde grec ancien, Paris, 2000.
41 J’emprunte les termes entre guillemets à I. Meyerson, Les fonctions psychologiques et les œuvres, Paris 1948, p. 22-24 : L’auteur insiste sur les « conduites de commencement et de terminaison » qui construisent un certain rapport psychologique à un acte, et qui se rencontrent dans la société mais aussi dans les représentations artistiques : « On ouvre une séance, on présente quelqu’un, on inaugure un monument, on pose la première pierre : ces rites veulent marquer que les choses ne se passent pas n’importe comment, à leur manière ; ils leurs donnent une surexistence : une existence d’action, et non seulement de fait ; même les participants les moins actifs doivent au moins être avertis ou autorisés à s’apercevoir que quelque chose se passe ; dans les cas un peu renforcés, c’est la notion de solennel. Il s’agit en somme de créer des points de condensation du vouloir, ou au moins de l’attention. Les actes de clôture sont moins développés, mais il est peut-être encore plus remarquable qu’on annonce aux gens : “c’est fini”. Le meneur de jeu organise les moments de tension et de détente. À un moindre degré que le début et la fin, les autres moments de l’action sont aussi soumis à un réglage, ils sont rythmés. »
42 Le plan suivra l’ordre chronologique des trois corpus étudiés que sont l’épopée, la médecine hippocratique, et enfin la philosophie de Platon. Seul le court chapitre sur la κρίσις de Parménide apparaît après les médecins pour être rapproché de l’étude des dialogues de Platon. Les traductions sont personnelles sauf mention contraire pour des passages où le lexique qui constitue le sujet de l’étude n’est pas présent.