René Char, le poète et ses livres
p. 217-235
Plan détaillé
Texte intégral
Une bibliothèque éclatée
1Contrairement à nombre d’écrivains de son temps (Larbaud, Saint John Perse ou Breton) qui ont possédé une riche bibliothèque précisément classée, René Char n’avait rien d’un archiviste et dans ses divers logements – souvent des lieux exigus – les livres débordaient d’un unique meuble-bibliothèque et s’entassaient sans ordre, empilés sur son bureau ou par terre.
2Aujourd’hui, il est impossible d’avoir une vision complète de ce que fut sa bibliothèque. De son vivant, en effet, celle-ci était déjà partagée entre son studio de la rue de Chanaleilles (Paris 7e), loué de 1954 à 1979, sa modeste maison des Busclats, près de L’Isle sur Sorgue (où il vécut principalement de 1965 à 1987) et un appartement d’Avignon appartenant à sa compagne Anne Reinbold, où il conservait une grande partie de ses propres livres. C’est là aussi qu’il fit rapatrier ceux de son studio parisien quand le propriétaire le vendit en 1979; il les confia tous à Anne Reinbold qui, en 1986, les réunit dans sa maison du Vaucluse où une pièce-bibliothèque était réservée à René Char.
3Après la mort de Char, en février 1988, ses livres se sont trouvés séparés entre sa veuve, Marie-Claude Char, qui exposera brièvement (2003-2009) ceux restés aux Busclats au musée Campredon1 de L’Isle-sur-Sorgue, et Anne Reinbold, qui a procédé au catalogage minutieux de ceux que le poète lui avait confiés, puis donnés, jusqu’en 1986. Après avoir consulté tous les livres de Char conservés dans des cartons par Anne Reinbold et avoir participé à leur recensement, j’ai pu repérer des ensembles significatifs: les ouvrages des années 1930 (correspondant à la période surréaliste et à ses prolongements) et ceux des années 1960-1970. On peut aussi en tirer des observations sur la façon de lire du poète et sur certains livres qui ont compté pour lui.
4Ce catalogage est d’autant plus précieux que, contrairement, par exemple, à l’œuvre de Camus éditée dans «La Bibliothèque de la Pléiade», le volume des œuvres complètes de Char dans cette même collection2 ne livre pratiquement aucune information sur ses lectures, et c’est une de ses nombreuses lacunes. Dans la chronologie de «La Pléiade», Char indique seulement à l’année 1930: «Lecture des présocratiques, après celle de Rimbaud, de Lautréamont, et des grands alchimistes». (ŒC, p. lxvii). Le lecteur ne peut que s’étonner de l’absence de Sade, qui pourtant imprègne son œuvre à cette époque, de même que de celle de Nerval qui entre en dialogue avec Artine3. Cette démarche est habituelle chez Char, qui consiste à ne pas mentionner des textes essentiels pour lui, et à les masquer en quelque sorte.
5L’ouvrage signale quelques parutions, mais ne mentionne pas d’autres lectures. On trouve seulement à l’année 1947: «Parution de La Peste, d’Albert Camus», et mis en relief, à l’année 1969: «Article 58 de Varlam Chalamov, un livre atrocement inoubliable, paraît chez Gallimard». (ŒC, p. lxxxiii), puis, à l’année 1976, qui est celle de la mort de Heidegger: «Acheminement par la parole est édité chez Gallimard». (ŒC, p. lxxxv)4 L’indigence des indications de lecture ne permet pas d’en faire un commentaire pertinent. Il n’y a donc pas lieu de survaloriser5 la mention de ce dernier livre, cité là de façon neutre et sans doute parce qu’il paraît peu après la mort du philosophe et est dédié à Char.
La bibliothèque d’un autodidacte
6Cette bibliothèque est à l’image du poète; d’une part, c’est celle d’un autodidacte, d’autre part, celle d’un homme qui circule beaucoup, entre ses propres habitations, mais aussi entre des maisons louées ou prêtées et celles où des amis l’invitent. Son viatique se limite souvent à quelques livres, livres-clés qui nourrissent sa réflexion pendant une période donnée. Char se construit ainsi une bibliothèque éclectique, avec des passions et des manques, des choix marginaux, un peu à la façon des surréalistes qui privilégient le hasard de la rencontre.
7En effet, contrairement à nombre de poètes du xxe siècle, Saint-John Perse, Yves Bonnefoy, Philippe Jaccottet par exemple, Char n’a pas fait de longues études; il a quitté le lycée en classe de seconde, puis, après avoir vendu des fruits et légumes à Cavaillon, a suivi – de façon assez relâchée – une année de cours dans une école de commerce de Marseille. C’est donc un autodidacte dont le savoir n’est pas construit par les études, de façon organisée et systématique, chronologique, mais par des pratiques de lectures au coup par coup liées au hasard, aux découvertes dans des bibliothèques d’autrui, et aux amitiés. Ce mode de rencontre avec les livres, par la grâce du hasard, de l’amour ou de l’amitié, leur confère souvent une valeur sensible et intellectuelle particulière; certains de ces ouvrages jouent un rôle décisif dans son œuvre poétique, leur révélation se muant en adhésion ou complicité profonde, nourricière toute sa vie.
8On peut ainsi rappeler l’impact de sa découverte des Souvenirs entomologiques de Jean-Henri Fabre (publiés de 1879 à 1910), dans la bibliothèque de ses correspondants quand il était interne au lycée d’Avignon, au début des années 1920. Char – qui le cite en épigraphe de Moulin premier en 1936 – est, toute sa vie, resté un lecteur admiratif de ce naturaliste à l’âme de poète, qui pose un regard humaniste et sensible sur les vies minuscules des insectes de la Provence. Selon Anne Reinbold, Char en connaissait des passages par cœur: certains de ses visiteurs l’ont ainsi entendu déclamer des extraits des Souvenirs de Fabre que, parfois, il mimait même. Plusieurs de ses textes poétiques font écho à cette œuvre, partageant avec Fabre la finesse de l’observation scientifique et un même élan lyrique pour chanter l’innocence des insectes: ainsi, on peut rapprocher l’observation de l’entomologiste sur le bonheur de vivre du grillon – qui «célèbre le soleil qui le visite, le gazon qui le nourrit, la paisible retraite qui l’abrite. Dire les félicités de la vie est le premier mobile de son archet» – de ce fragment de Feuillets d’Hypnos:
Le peuple des prés m’enchante. Sa beauté frêle et dépourvue de venin, je ne me lasse pas de me la réciter. Le campagnol, la taupe, sombres enfants perdus dans la chimère de l’herbe, l’orvet fils du verre, le grillon moutonnier comme pas un, la sauterelle qui claque et compte son linge, le papillon qui simule l’ivresse (ŒC, p. 217).
9Après-guerre, on retrouvera cette veine bucolique dans Le Soleil des eaux et Les Matinaux (par exemple, dans le poème «Complainte du lézard amoureux») mais aussi dans les dessins de cigale ou de grillon dont Char illustra certains de ses textes6.
10De même, c’est tout jeune que Char découvre dans la bibliothèque de sa marraine, Louise Roze (et de sa sœur Adèle), descendantes du notaire de Sade, les textes des alchimistes7 et de Sade8, des lectures qui seront renforcées et complétées quand il intègrera le mouvement surréaliste en 1929. Olivier Belin voit d’ailleurs en Artine une nouvelle «héroïne de Sade9», de même que Bengt Novén10. La question du Mal qui traverse de façon lancinante la réflexion de Char et son œuvre poétique, des années 1930 aux années 1960, avec des valeurs qui se renversent, de la jubilation dans les recueils de jeunesse à l’angoisse (parallèlement à la montée du nazisme), puis à la désillusion (après la Libération), puise à cette source première.
11Autre exemple de livre décisif, celui des Poèmes11 de Friedrich Hölderlin, offert à Char par Greta Knutson en 1932. La poésie d’Hölderlin ne le quittera plus. Pendant la guerre, en 1939, Char en recopiera des passages et sélectionnera des poèmes à Diotima dans un carnet12 qu’il reprendra à son retour à L’Isle-sur-Sorgue en 1940. Char possédait plusieurs ouvrages de ce poète dont on ne peut actuellement dresser la liste. Il mentionne lui-même les Poèmes de la folie, dans la traduction de Pierre Jean Jouve (édition Fourcade, 1930). Dans sa bibliothèque conservée par A. Reinbold, figure aussi la Correspondance complète de Hölderlin, traduite par Denise Naville, exemple parmi d’autres de l’intérêt que Char porte aux biographies et aux correspondances des écrivains qu’il aime: en effet, comme l’écrit la traductrice dans la préface de cet ouvrage, «C’est toute la vie de Hölderlin qui se déroule dans ce livre, sans le moindre voile»13. Ces lectures personnelles ont ensuite été relayées par les études critiques sur le poète allemand, notamment celles de Maurice Blanchot14 et de Martin Heidegger15. Hölderlin se trouve mentionné à plusieurs reprises dans l’œuvre de Char, dans La Parole en archipel (ŒC, p. 399) et dans Recherche de la base et du sommet (ŒC, pp. 711, 723 et 732) et Corinne Bayle en rappelle quelques étapes majeures qui le désignent comme une «figure tutélaire capitale, symbole de la résistance du poète, au-delà de toute souffrance»16.
12Le mouvement surréaliste sera pour Char – et bien que ce soit paradoxal pour un mouvement contestataire – une école décisive, lui donnant accès à des livres rares et notamment à ceux du romantisme allemand. Si les critiques citent, rapidement, parmi ses lectures, les contes d’Achim von Arnim, celui intitulé Isabelle d’Égypte mérite qu’on s’y arrête, puisque Char en place un extrait en épigraphe d’Artine dans l’édition de 1930. En effet, Bella, l’héroïne de ce récit – repris en 1933 dans les Contes bizarres avec une préface d’André Breton –, entretient une grande proximité avec le personnage d’Artine. L’héroïne de Von Arnim, est comme Artine, une jeune femme nocturne («Bella … apparut à la lueur de la lune»17) qui, parce qu’elle est pourchassée, doit se cacher et ne se déplace que la nuit. C’est aussi une orpheline et une Tzigane dont le souvenir s’imposera de nouveau à Char quand il croisera à Céreste, en 1943, une Bohémienne en qui il verra une nouvelle incarnation d’Artine. Comme Artine, Bella est douée de pouvoirs magiques qui relèvent de l’alchimie: elle se plonge dans la lecture des ouvrages de sciences occultes laissés par son père et le narrateur indique que «Bella abandonna[it] de mauvaise grâce son livre où il y avait de remarquables histoires de magie18», ce qui rappelle «le livre ouvert sur les genoux d’Artine». Dans ces traités d’alchimie qui comportent, dit Von Arnim, «des dessins auxquels elle ne comprenait rien, […] pour fabriquer de l’or19», on peut reconnaître le Mutus liber, traité d’alchimie composé d’images énigmatiques, dont l’édition originale parut à La Rochelle en 1677. Les livres que lit Bella stimulent son désir de métamorphose et lui procurent le pouvoir de transformer une racine de mandragore en homme. Ce conte, que Breton avait annexé au surréalisme, reste présent à la mémoire de Char jusqu’à la fin de sa vie et resurgit dans un recueil tardif, Chants de la Balandrane, avec le poème «Souvent Isabelle d’ Égypte».
13Les critiques ont signalé à propos de L’action de la justice est éteinte le rôle des lectures de Freud pratiquées par Breton et le groupe surréaliste. Il est donc intéressant de découvrir que les livres de Freud se trouvaient dans la bibliothèque de Char; plusieurs ont sans doute été achetés et lus, comme les dates de publication de ces ouvrages le laissent pressentir, à l’époque de son appartenance au groupe surréaliste et peu après. Ainsi, même si Char refuse de voir dans l’inconscient du poète un point de départ ou une clé pour la poésie, il n’ignore pas des ouvrages qui s’interrogent sur l’inconscient. Voici des livres qui faisaient partie de sa bibliothèque: Sigmund Freud, La Psychopathologie de la vie quotidienne20 (Payot, 1926); Freud, Essais de psychanalyse21 (Payot, 1927); Clara Malraux, Journal psychanalytique d’une petite fille22 (Gallimard, 1928).
14Alors que ses lecteurs ont gardé en mémoire les critiques ou prises de distance émises par Char à l’encontre de la psychanalyse – ce dont témoignent ses conversations avec Jean Pénard et Jean-Claude Mathieu (par exemple, à Jean Pénard: «Quant à nos rêves érotiques, à quoi les attribuer? Proust est là-dessus beaucoup plus fort que Freud»23) –, on remarque que d’autres essais sur la psychanalyse intègrent sa bibliothèque dans les années 1950-1960: Freud, Le Rêve et son interprétation (Gallimard, 1951); Freud, Psychologie collective et analyse du moi suivi de Cinq leçons sur la psychanalyse24 (Payot, 1962); Georg Groddeck, Au fond de l’homme, cela25 (Gallimard, Nrf, 1963) – et sur la couverture de cet ouvrage, au crayon, Char a remplacé «cela» par «ça» –, Freud, L’interprétation des rêves26 (Presses Universitaires de France, 1973).
15Selon J.-C. Mathieu, «Char, qui préférait la psychanalyse sauvage de Groddeck, avait noté en marge du chapitre de sa propre thèse sur Les Cloches sur le cœur et la mort du père: «Père Freud, qui êtes aux cieux, ne nous protégez pas!»27.
16Par ailleurs, dans son carnet d’adresses de l’époque, on sera peut-être surpris de découvrir que figurait l’adresse de Freud à Vienne mais Anne Reinbold nous indique que Char lui avait envoyé Artine.
17On peut sans doute rattacher à ses amitiés surréalistes qui perdurent et à cet intérêt pour l’inconscient et la folie, la présence dans sa bibliothèque du journal de Leonora Carrington, En bas28, commencé le 23 août 1943. L. Carrington écrivit son récit, encouragée par Jeanne Mégnen, l’épouse de Pierre Mabille, auteur de l’anthologie Le Miroir du merveilleux. Récit stupéfiant et bouleversant de la narratrice, qui s’adresse au psychiatre le «plus clairvoyant29» et lui relate sa fuite en Espagne lorsque son compagnon Max Ernst fut arrêté dans le Sud de la France et interné au camp des Milles, près d’Aix-en-Provence: «Je commence donc au moment où Max fut emmené pour la deuxième fois dans un camp de concentration, les fers aux poignets, à côté d’un gendarme armé d’un fusil (mai 1940)»30. Sous le choc, elle plonge dans la folie et raconte la terrifiante expérience de son internement dans un asile espagnol dont elle s’évadera: «Il y a maintenant trois ans, j’étais internée dans la clinique du Dr Moralès, à Santander (Espagne) considérée […] comme folle inéluctable»31: «Je me réveillai dans une chambre très petite […]. J’avais mal et me rendis compte que j’avais les mains et les pieds attachés par des courroies de cuir»32. Se succèdent les étapes de son expérience: le corps qui se coince, l’exaltation irrépressible, les épisodes délirants, l’arrivée à Santander «à l’état de cadavre», les piqûres de Cardiazol, la catalepsie, l’entente magique avec les animaux, et la peur, la solitude…: «un de ces voyages dont on a peu de chances de revenir et qu’elle a relaté dans En bas avec une précision bouleversante»33, témoigne André Breton qui retient ce récit dans sa réédition de l’Anthologie de l’humour noir en 1950 – et c’est la seule femme surréaliste à y figurer.
18Le journal de Leonora Carrington entre en résonance avec la voix d’autres femmes étranges ou proches de la folie – réelles ou imaginaires – auxquelles Char était sensible, que ce soit celle de Lola Abbat dans sa jeunesse, de la Bella de Von Arnim, de la Nadja de Breton ou de la Silvia de David Garnett dans La Femme changée en renard – une nouvelle fantastique que Char aimait particulièrement34 – et avec d’autres expériences de la folie, relatées dans des correspondances qui l’ont marqué, celles de Hölderlin et de Van Gogh notamment.
19Si l’on poursuit l’observation des lectures de l’époque surréaliste, il faut rappeler qu’une phrase de Théodore Jouffroy35 figurait sur la couverture du Marteau sans maître dans l’édition de 193436: «Alors s’élève l’esprit d’examen». Cette brève citation est le seul indice d’une lecture approfondie de deux essais de Jouffroy que Char a beaucoup annotés et soulignés au crayon: Le Cahier vert – Comment les dogmes finissent – Lettres inédites37, (Paris, 1924) et Nouveaux mélanges philosophiques38 (Paris, 1861). Avec la citation: «Alors s’élève l’esprit d’examen», Char place Le Marteau sans maître, recueil de la révolte et de l’insoumission, dans la lignée de la pensée politique et critique de Jouffroy, qui a assisté à la fin de la royauté en France et analyse la venue des révolutions:
Quand un dogme touche à la fin de son règne, on voit naître d’abord une indifférence profonde pour la foi reçue. […] puis le moment vient où le dogme ne gouverne plus qu’en apparence, parce que tout sentiment de sa vérité est éteint dans les esprits. La foi n’est plus qu’une routine indifférente qu’on observe sans savoir pourquoi, et qui ne subsiste que parce qu’on n’y fait pas attention.
Alors s’élève l’esprit d’examen. Étonnés de leur docile attachement à des formules qu’ils ne comprennent point, entourés d’un peuple qui partage leur ignorance et leur crédulité, quelques hommes se demandent si l’on doit croire sans motif, et trouvant au fond de leur conscience une invincible répugnance à une foi aveugle, commencent à regarder de près la vérité du dogme qui règne sans se donner la peine de justifier de ses droits39.
20«L’esprit d’examen», c’est, comme le montre Jouffroy, une analyse rationnelle qui mène à s’interroger sur le pourquoi de telle ou telle croyance, c’est «un esprit de recherche», dit-il, qui ne se contente pas de la paresse et des formules toutes faites, d’un «assemblage informe de vieux symboles mutilés à travers lesquels le sens primitif ne perce plus, et de maximes despotiques ou superstitieuses ajoutées par l’ambition du pouvoir ou l’abrutissement du peuple»40, c’est un esprit qui recherche une conviction éclairée. Ceux qui «osent dire que le dogme régnant est faux, et remettent en circulation des mots qui n’avaient pas été employés depuis des siècles» sont les ferments des révolutions et du réveil du peuple. L’esprit d’examen s’oppose à l’esprit d’autorité.
21Jouffroy montre la résistance aux idées nouvelles, «les temps affreux» (passage souligné par Char) des luttes entre anciens dogmes et pensées neuves, la société dégradée, mais il interpelle les hommes de son temps en leur demandant d’espérer: «Ayez confiance, vous que la Providence fit naître dans ces tristes jours! Un germe d’avenir et de vie fermente au sein de cette corruption, et ce que vous prenez pour la mort n’est qu’une métamorphose»41.
22Les hommes éclairés par l’esprit d’examen ont sentiment de leur mission; «ils comprennent ce que leurs pères n’ont point compris, ce que leurs tyrans corrompus n’entendent pas; ils savent ce que c’est qu’une révolution» et, affirme Jouffroy, dans un autre passage entièrement souligné par Char, «À eux se dévoile l’énigme qui avait échappé aux autres; à eux le doute ne paraît plus la révolution, mais sa préparation. Ils […] sentent la nécessité de la vérité […]. Ils se sentent donc appelés, […] à chercher la vérité»42.
23Dans ce livre, abondamment annoté, Char a pu trouver un écho à ses propres réflexions, notamment quand il adhère au mouvement surréaliste et publie des textes marqués par la contestation des valeurs bourgeoises. Mais il est vraisemblable que ce livre ait continué à cheminer longtemps dans l’esprit de Char, plus qu’on ne l’a montré jusqu’à présent, et ce, bien après sa première lecture, qui est peut-être datée de 1929-1930. On peut ainsi former l’hypothèse que non seulement, il s’accorde avec l’esprit du Marteau sans maître mais que son influence perdure encore en 1936, perceptible dans le ton et le choix de la forme aphoristique que fait Char dans Moulin premier, son premier art poétique, écrit après qu’il a pris ses distances avec le mouvement surréaliste.
24Le titre même, Comment les dogmes finissent, peut apparaître à Char comme une réponse à sa propre critique du dogmatisme grandissant de Breton au sein du mouvement surréaliste. Les formules, «une foi aveugle», un «assemblage informe de vieux symboles mutilés à travers lesquels le sens primitif ne perce plus», des «maximes despotiques ou superstitieuses», peuvent ainsi être comprises dans un double sens, comme la critique d’une société finissante ou/et comme la critique du pouvoir dogmatique d’un chef, enfermé dans des mots d’ordre dont la légitimité est perdue aux yeux de Char. Des mots d’ordre qui ont perdu leur ferment vital. En outre, les aphorismes de Jouffroy sont numérotés et jouent de l’opposition et du renversement, non sans humour: «C’est une bonne ressource de se tuer quand on est malheureux mais c’est une ressource sans ressource», «On passe la moitié de sa vie à espérer le bonheur et l’autre moitié à regretter cette espérance» ou: «La constance est souvent une forme de l’impuissance» (Comment les dogmes finissent, aphorismes III, II, XI). On peut donc supposer que Char a aussi été très sensible au style de Jouffroy et à une forme aphoristique que lui-même emploiera toute sa vie – et déjà dans Moulin premier, où la métaphore vient renforcer la force d’insurrection de la formule: «L’esprit souffle, la main se plaint. L’humour entre eux comme un sextant écorché» (ŒC, p. 69); «La bêtise aime à gouverner. Lui arracher ses chances. Nous débuterons en ouvrant le feu sur les villages du bon sens» (ŒC, p. 73).
25Aux différents intertextes déjà relevés par les lecteurs de Moulin premier (Victor Hugo mis en évidence par Jean-Claude Mathieu43, Pascal analysé par Olivier Belin44), il faut donc sans doute ajouter les livres de Théodore Jouffroy. La formule de Jouffroy retenue en 1934, qui inscrit un changement annoncé, s’accorde en outre avec la conscience de l’Histoire très prégnante chez Char, comme l’atteste dans sa bibliothèque la présence de nombreux essais politiques.
Que nous apprend d’autre la consultation de la bibliothèque du poète?
La matérialité du livre et son usage
26La consultation des livres dans leur matérialité donne à voir leur état, leur édition, leurs dédicaces, mais aussi leur usage par le poète, indiquant si le livre a été très souvent pris en main ou non, annoté ou non. Si Char possède assez peu de livres, en abandonne ou en offre volontiers, on peut remarquer qu’il signe sur la page de garde ceux qu’il conserve. En ouvrant le livre, on observe ses annotations, mais aussi ce qu’il a retenu dans une étude sur un poète ou une anthologie. Ainsi, la page de garde de L’Amateur de poèmes de Jean Prévost (Nrf, 1940), un livre toujours à portée de main et souvent regardé selon A. Reinbold, porte mention au crayon de plusieurs pages qui correspondent à des poèmes de Federico García Lorca. On découvre aussi dans les études d’Hannah Arendt, l’intérêt de Char pour ses commentaires sur le «degré extraordinaire» de l’objectivité grecque qui, écrit-elle, apparaît pour la première fois dans l’Iliade quand «Homère décida de chanter les actions des Troyens non moins que celles des Achéens, et d’exalter la gloire d’Hector non moins que la grandeur d’Achille»45 ou lorsqu’elle commente la mort d’Hector et la façon dont Achille honore son ennemi, un passage que Char encadre de deux traits – ce qui correspond à la plus haute importance pour lui.
27Les dédicaces constituent un genre de l’éloge souvent convenu, mais elles permettent aussi de fixer la date d’entrée d’un livre dans la bibliothèque du poète, d’en montrer l’expéditeur (auteur, traducteur, critique, ami…) et de faire apparaître la circulation des livres entre amis. Par exemple, Éluard offre à Char Hélène de Pierre Jean Jouve – que ce dernier lui avait dédicacé en juin 1936. Gilbert Lely lui dédicace un exemplaire des Chants de Maldoror 46 de Lautréamont, le 22 septembre 1938. Le Journal 47 de Kafka, lui est dédicacé et envoyé par sa traductrice, Marthe Robert, en 1954.
28Pour Char, pas de sacralisation du livre; il utilise aussi bien «Le livre de poche» que l’édition de la «Bibliothèque de la Pléiade». Les tomes d’À la recherche du temps perdu sont lus et relus de préférence dans «Le livre de poche»; souvent annotés, très usés, voire en morceaux, avec des pages qui se détachent, ils attestent d’une fréquentation assidue. Autre pratique courante: Char relève sur la page de garde les pages où il a souligné des passages, moyen de retrouver aisément ceux-ci, dont l’importance apparaît ainsi doublement (dans le texte et sur la page de garde). Ses annotations sont portées au crayon, des passages sont soulignés ou plus souvent encadrés d’un ou deux traits, ce qui indique son accord avec l’auteur. Les livres importants restent à portée de main et c’est pourquoi certains figurent en plusieurs exemplaires dans sa bibliothèque, signe qu’ils étaient nécessaires au poète dans ses différents lieux de séjour: c’est le cas des œuvres d’Homère, Hölderlin, Rimbaud48, Baudelaire49, Proust ou du livre d’Hannah Arendt, La Crise de la culture50.
Une réévaluation des lectures: la place des romans et des essais politiques
29Contrairement à ce qu’il a pu affirmer, Char se révèle un grand lecteur de romans. Si son attachement à l’œuvre de Proust et sa familiarité avec les personnages d’À la recherche du temps perdu ont déjà été soulignés51, il faut aussi relever qu’il a lu tous les romans de Joseph Conrad (qui figurent dans sa bibliothèque dans l’édition de «La Nouvelle Revue Française» datant de la fin des années 1920) dont il parle volontiers à ses visiteurs. Comme toujours quand il aime un auteur, il se documente sur l’œuvre, s’intéresse aux traductions et aux nouvelles éditions; ainsi, devant Jean Pénard, il critique vivement l’édition de Joseph Conrad dans «La Bibliothèque de la Pléiade»: «Alors que beaucoup de ses livres avaient été excellemment traduits, on trouve le moyen de ne pas les respecter tels que nous les connaissons et de les remplacer par des médiocrités qui sont peut-être plus près du texte mais laissent la poésie en chemin52» déclare-t-il, et il poursuit: «On retraduit Histoires inquiètes sous le titre insipide d’Inquiétudes. L’admirable fin de Lord Jim: «‘c’était l’un des nôtres’ se dénature en: ‘c’était l’un de nous’» […] je suis honteux de ce gaspillage mental53».
30Comme pour Melville dont Char avait également lu tous les textes, on ne peut dater précisément ces lectures54. Il en est de même pour Knut Hamsun, qui n’a jamais été cité par les visiteurs de Char (on n’en trouve aucune mention dans l’ouvrage de J. Pénard, qui n’évoque pas non plus Thomas Hardy que Char avait lu aussi) et dont tous les romans figurent pourtant dans sa bibliothèque.
31Lecteur de romans, Char est aussi très attentif aux essais qui abordent des questions politiques. On sait qu’après la Libération, il avait éprouvé le dégoût des manœuvres politiciennes et le désir de s’éloigner de l’action pour se consacrer entièrement à la poésie. Mais dans les années 1960, avec le projet d’installation de missiles sur le plateau d’Albion, il renoue avec l’action: il faut se battre pour sauver cette terre. Le terme «Histoire» revient dans l’œuvre (ŒC, p. 382); «L’Histoire échoue […], le Temps se fourvoie, la fission est en cours» (ŒC, p. 466). Le nombre des ouvrages portant sur l’histoire politique qui entrent dans la bibliothèque de Char – ouvrages qu’il lit avec intérêt – durant les années 1960-1970 et un peu après, montre que son interrogation sur les systèmes politiques et l’évolution de la société, sont plus que jamais présents à sa pensée. Dans les années 1970, c’est la science, nouvelle «barbarie experte» (ŒC, p. 516) à laquelle acquiesce «la nature saccageuse des humains» (ŒC, p. 467) que ses poèmes dénoncent. Pour Char, il importe de sauver la terre que les hommes ne savent plus aimer, de la sauver par l’art. Cette nouvelle réflexion sur l’histoire et la condition de l’homme moderne, pris entre «la subordination ou la terreur» (ŒC, p. 517), traverse Aromates chasseurs, publié en 1975. Dans ce recueil et le suivant, Char condamne violemment un nouvel esclavage – «Staline est perpétuellement imminent» (ibidem) – et «Les utopies sanglantes du xxe siècle» (ŒC, p. 579).
32À côté des moralistes, les essais politiques s’imposent massivement: textes anciens (de Jouffroy, de Chateaubriand55 et de Tocqueville56) où le poète trouve des analyses sur la fin des régimes politiques, la Révolution française, la démocratie américaine et l’évolution des démocraties occidentales, et livres des années 1960-1970, qui concernent aussi bien la civilisation grecque antique (essais de Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet, Harold Baldry, Marcel Detienne) que la Résistance en France, le totalitarisme57 et la société de consommation (ouvrages d’Hannah Arendt et de Cornelius Castoriadis58). Anne Reinbold atteste en outre que Char avait lu tous les écrivains de la dissidence soviétique (qui se retrouvent dans sa bibliothèque) en commençant par Varlam Chalamov et Ossip Mandelstam; ensuite, sa lecture des poètes s’est élargie aux romans, aux témoignages et aux essais politiques, dont: Anna Akhmatova, Requiem; Ossip Mandelstam, Contre tout espoir, Le Voyage en Arménie, Boris Pasternak, Alexandre Soljenitsyne, Biographie de Lénine, Andreï Sakharov, La Liberté intellectuelle en Urss et la coexistence (Gallimard, 1969), Mon pays et le monde (Seuil, 1975), Léonide Pliouchtch, Mémoires. Dans le carnaval de l’histoire (Seuil, 1977), Milovan Djilas, Une guerre dans la guerre. La révolution de Tito 1941-1945, (Laffont, 1979), Evguénia S. Guinzbourg, Le Ciel de la Kolyma, (Seuil, 1980).
33Parmi les livres qui ont beaucoup compté pour lui se trouvent ceux d’Hannah Arendt, Le Système totalitaire et La Crise de la culture (que Char possédait en trois exemplaires) dont le rôle dans la pensée et la poésie de Char a été jusqu’à présent sous-estimé du fait de la place accordée à Heidegger, qui a été, elle, au contraire extrêmement valorisée à la suite de leur rencontre organisée par Jean Beaufret, puis mise en exergue par ce dernier et ses amis, et utilisée ensuite pour leur servir de caution quand la critique et les nouvelles traductions de son œuvre mirent en lumière l’adhésion non démentie de Heidegger aux théories nazies.
34Alors que la relation entre Char et Heidegger a été mise sur le devant de la scène – Char s’y est d’ailleurs prêté –, le livre d’entretiens avec Jean Pénard ne mentionne qu’une fois Hannah Arendt mais ne dit rien sur son œuvre. Pourtant, sa bibliothèque montre que les livres d’H. Arendt sont lus de près par le poète et très annotés; des lectures qui révèlent l’importance de l’Histoire et de la pensée politique dans son œuvre et sa réflexion. Avec H. Arendt, c’est toute une analyse sur la modernité, les événements historiques majeurs du xxe siècle et la façon dont l’homme est nié par des systèmes totalitaires à laquelle acquiesce Char. Dans son exemplaire du Système totalitaire59, annoté au crayon en première page et référençant les pages à retenir, plus de trente pages sont soulignées. On y relève aussi des mentions manuscrites comme: «L’esprit totalitaire ne se trouvait-il pas déjà en promesse, quoiqu’en position d’inverti, dans le monde chrétien?»60. Tout le passage où Hannah Arendt commente le totalitarisme (Hitler comme Staline mais aussi, pour la philosophe qui a émigré aux États-Unis, l’impérialisme de la société de consommation) et montre comment il s’emploie à déraciner l’homme moderne, qui, une fois coupé de ses anciens repères, n’a plus de place dans le monde et devient une proie pour les régimes totalitaires, est encadré verticalement de deux traits forts par Char, qui signifie ainsi qu’il partage complètement cette analyse. Il importe de souligner qu’H. Arendt envisage l’homme dans une société donnée, que sa réflexion politique, économique et sociologique, s’appuie sur des données historiques précises: analyse de la Seconde guerre mondiale, du racisme anti-juif, du recrutement des S.S. (Char note d’ailleurs sur son livre «tout à fait exact» devant ce long passage) et que c’est précisément cette pensée de l’histoire (avec des prémonitions fulgurantes sur la société moderne) qui intéresse Char, une dimension qu’il est nécessaire de garder à l’esprit quand on aborde sa poésie.
35Hannah Arendt dialogue elle-même avec Char dans La Crise de la culture61. En effet, sa préface (huit articles regroupés en 1968 sous le titre Between Past and Future et traduit en 1972) s’ouvre sur le fragment 62 des Feuillets d’Hypnos: «Notre héritage n’est précédé d’aucun testament» qu’elle commente. Char qui lit la même année 1972 Le Système totalitaire et La Crise de la culture – qui lui sont envoyés par leurs traducteurs –, rejoint H. Arendt quand elle montre dans La Crise de la culture que la disparition progressive de la nature et de la prise en compte de l’histoire dans la civilisation moderne («le fil de la tradition est rompu», p. 262) fabrique une société d’hommes qui «vivent dans une séparation et un isolement sans espoir ou bien sont pressés ensemble en une masse»62, ou quand elle souligne dans son article «La conquête de l’espace et la dimension de l’homme moderne», le risque que les astrophysiciens préparent une disparition de l’homme et de notre planète «du fait de théories entièrement déconnectées du monde des sens»63. Ces analyses vont profondément marquer la réflexion et la poésie de Char et imprégner Aromates chasseurs64, recueil écrit de 1972 à 1975 dans lequel Char, tout en indiquant qu’il se détache de ses contemporains, dessine le cheminement à tâtons d’un poète souffrant qui lutte contre l’aliénation de l’homme moderne, cherchant des forces capables de réparer les liens perdus, grâce à l’écoute du monde sensible et à l’art.
36Si notre connaissance de la bibliothèque de Char reste encore parcellaire, elle permet cependant de faire apparaître des auteurs-références, des livres phares avec lesquels le poète dialogue, dans ses poèmes ou, tout particulièrement, dans ses suites aphoristiques. Dialogue parfois souterrain quand Char a peu ou pas mentionné ces ouvrages, mais qui resurgit subrepticement à l’occasion d’une citation ou d’un titre. La bibliothèque livre aussi des dates et indique des façons de lire; les livres aimés l’accompagnent: ils sont lus et relus, annotés, parfois présents dans plusieurs éditions, de luxe et de poche; les auteurs aimés sont lus intégralement, et Char cherche ensuite à entrer dans la démarche et la pensée de l’écrivain en lisant des études sur son œuvre, des témoignages, des biographies et des correspondances. Si la poésie tient une large place dans sa bibliothèque, les romans et les essais politiques représentent des massifs conséquents attestant de l’intérêt de Char pour la représentation des caractères humains et pour l’Histoire – qu’il ne sépare jamais de sa poésie.
Notes de bas de page
1 Voir D. Leclair, Musée-Bibliothèque René Char, dans Dictionnaire René Char, D. Leclair et P. Née (dir.), Paris, éd. Classiques Garnier, 2015, pp. 384-385.
2 R. Char, œuvres complètes, Paris, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade» [1983], 1995, p. lxxxv (désormais ŒC suivi de la page).
3 Voir J. Sandberg Kleiva, Le silence de celle qui laisse rêveur. Apparitions et réapparitions de l’image d’Artine dans la poésie de René Char, imprimé par l’université d’Oslo, Hors Commerce, 2015.
4 Heidegger meurt le 26 mai 1976, Acheminement par la parole (trad. de l’allemand par J. Beaufret, W. Brokmeier et F. Fédier) paraît chez Gallimard en septembre 1976 dans la collection «Classiques de la philosophie».
5 Comme le fait Patrick Née qui considère à tort la mention de ce titre comme un «fait absolument unique dans toute la ‘chronologie’, s’agissant d’une œuvre qui n’est pas de sa plume [celle de Char]», René Char. Une poétique du retour, Hermann, 2007, p. 18.
6 Par exemple, dans R. Char, Trousseau de Moulin premier ou sur la couverture d’Élisabeth petite fille, édité par Pab, Alès, 1958.
7 Voir J.-C. Mathieu, La Poésie de René Char ou le sel de la splendeur, t. 1, Traversée du surréalisme, José Corti, 1984, p. 188, et Antoine Coron, qui cite des ouvrages qui se trouvent chez Anne Reinbold, dans le catalogue de l’exposition René Char, Paris, BnF-Gallimard, 2007, p. 29.
8 J.-C. Mathieu, Trente ans après, catalogue de l’exposition René Char, A. Coron (dir.), Paris, BnF-Gallimard, 2007, p. 247.
9 O. Belin, René Char et le surréalisme, Paris, Classiques Garnier, 2011, p. 205.
10 B. Novén, René Char. Interprétations, interrogations, Åbo, Åbo Akademi University Press, 2002, pp. 207-213.
11 L’ouvrage est aujourd’hui introuvable et on ne peut préciser son édition.
12 D. Leclair, René Char. Là où brûle la poésie, Bruxelles, Aden, 2007, p. 523. Dans le carnet manuscrit conservé à la Bibliothèque Littéraire Jacques-Doucet et offert à Yvonne Zervos en 1945, Char mentionne la date de cette petite anthologie de Hölderlin, L’Isle, 15 septembre 1940, et la traduction dont il s’est inspiré, celle d’Alzir Hella et d’Olivier Bournac.
13 F. Hölderlin, Correspondance complète, 5e édition. Traduction de D. Naville, Paris, Les Classiques allemands, 1948, p. 7 (exemplaire de Char).
14 M. Blanchot, La parole sacrée de Hölderlin, dans Id., La Part du feu, Paris, Gallimard, 1949, p. 115-132.
15 M. Heidegger, Approches de Hölderlin, traduit de l’allemand par H. Corbin, M. Deguy et J. Launay, Paris, Gallimard, «Classiques de la philosophie», 1962.
16 C. Bayle, Hölderlin, dans Dictionnaire René Char cit., pp. 297-298.
17 A. von Arnim, Isabelle d’Égypte (traduit par R. Guignard), Romantiques allemands, t. II, Paris, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», 1973, p. 462.
18 Ibidem, p. 468.
19 Ibidem, p. 477.
20 S. Freud, La Psychopathologie de la vie quotidienne, traduit de l’allemand par S. Jankélévitch, Paris, Payot, «Bibliothèque scientifique», 1926.
21 Id., Essais de psychanalyse, traduit de l’allemand par S. Jankélévitch, Paris, Payot, «Bibliothèque scientifique», 1927.
22 C. Malraux (adaptation de l’allemand par), Journal psychanalytique d’une petite fille, Paris, Librairie Gallimard, «Les Documents bleus n. 46», 1928.
23 J. Pénard, Rencontres avec René Char, Paris, Corti, 1991, p. 102.
24 S. Freud, Psychologie collective et analyse du moi suivi de Cinq leçons sur la psychanalyse, traduit par S. Jankélévitch et Cinq leçons de psychanalyse traduites par Y. Le Lay, Paris, Payot, «Bibliothèque scientifique», 1962.
25 G. Groddeck, Au fond de l’homme, cela, traduit de l’allemand par L. Jumet, préface de L. Durrell, postface du comte Keyserling, Paris, Gallimard, «Bibliothèque des idées», 1963.
26 S. Freud, L’Interprétation des rêves, traduit par I. Meyerson, nouvelle édition augmentée et entièrement révisée par D. Berger, Paris, Presses Universitaires de France, 1973.
27 J.-C. Mathieu, Trente ans après cit., p. 243.
28 L. Carrington, En bas, Paris, Fontaine, «L’Âge d’or», 1945. L’exemplaire de Char fait partie de l’édition originale tirée à 775 exemplaires. En bas est un récit d’abord fait oralement du 23 au 27 août 1943 à Jeanne Mégnen, épouse du psychiatre et écrivain Pierre Mabille.
29 Vraisemblablement Pierre Mabille: «Depuis ma rencontre fortuite avec vous, je me suis mise […] à réunir les fils qui auraient pu m’amener à traverser la première frontière de la connaissance. Je dois revivre cette expérience, parce que […] je crois aussi que vous m’aiderez à voyager de l’autre côté de cette frontière en me conservant lucide, […]», p. 17. L’édition originale de cet ouvrage ayant «mystérieusement» disparu de la Bibliothèque nationale de France, la pagination renvoie à sa plus récente réédition, celle de 2013, présentée par A. Le Brun, Le Vigan, L’arachnoïde.
30 L. Carrington, En bas, précédé de A. Le Brun, Dévoilé autant que possible cit., p. 18.
31 Ibidem, p. 17.
32 Ibidem, pp. 38-39.
33 A. Breton, Anthologie de l’humour noir, dans Œuvres complètes, t. II, éd. M. Bonnet et É.-A. Hubert, Paris, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», 1992, p. 1163.
34 Et qui figurait dans sa bibliothèque.
35 Théodore Jouffroy est un philosophe né en 1796, étudiant puis maître de conférences à l’École normale supérieure. Nommé ensuite professeur au Collège de France puis à l’université de Paris, Jouffroy sera aussi un homme politique, élu député du Doubs 1831 à 1842, en tant que libéral – sous la monarchie de juillet.
36 Voir J.-C. Mathieu, La Poésie de René Char, t. I, p. 154, note 4 et O. Belin, (René Char et le surréalisme cit., pp. 308-309) qui précise que Jouffroy est une référence de Breton – qui le cite en 1925 dans sa réponse à une enquête sur le suicide.
37 T. Jouffroy, Le Cahier vert – Comment les dogmes finissent - Lettres inédites, Paris, Les Presses françaises, «Bibliothèque romantique», H. Girard (dir.), 1924 [édition utilisée par Char]. Comment les dogmes finissent fut publié pour la première fois le 24 mai 1825 dans Le Globe et connut un grand succès pendant tout le xixe siècle.
38 Id., Nouveaux mélanges philosophiques, Paris, Librairie de L. Hachette et Cie, 1861.
39 Id., Comment les dogmes finissent cit., p. 60.
40 Ibidem, p. 61.
41 Ibidem, p. 72, passage encadré de traits verticaux par Char.
42 Ibidem, pp. 74 (Passage souligné par Char) et 75.
43 J.-C. Mathieu, La Poésie de René Char cit., t. I, pp. 293-300.
44 O. Belin, René Char et le surréalisme cit., pp. 362-365. Nous pouvons préciser que l’ouvrage de Pascal, Pensées, Paris, A. Lemerre «Petite collection rose» (sans date), figurait dans la bibliothèque de Char.
45 H. Arendt, Le concept d’histoire, La Crise de la culture. Huit exercices de pensée politique [Between Past and Future], Paris, Gallimard, 1972; rééd. «Folio essais», n. 113, 1989, p. 70.
46 Lautréamont, Les Chants de Maldoror, Paris, Éditions de la Sirène, 1920; dédicacé à Char par Gilbert Lely le 22 septembre 1938.
47 F. Kafka, Journal - texte intégral 1910-1923 (traduit et présenté par M. Robert), Paris, Grasset, 1954. Envoi de Marthe Robert en novembre 1954.
48 A. Rimbaud, Vers et prose, Paris, Mercure de France, 1924; Id., Œuvres complètes, Paris, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», 1954; Id., Œuvres, éd. de René Char, Club français du livre, 1957.
49 C. Baudelaire, Les Fleurs du mal, Paris, Poulet-Malassis et De Broise, 1861; Id., Les Fleurs du mal, éd. critique de J. Crépet et G. Blin; refondue par G. Blin et C. Pichois, Paris, Corti, 1968.
50 H. Arendt, La Crise de la culture [Between Past and Future], traduit de l’anglais sous la direction de P. Lévy, Paris, Gallimard, «Collection Idées», avril 1972; un exemplaire est dédicacé à R. Char par P. Lévy et Barbara Cassin en avril 1972.
51 D. Leclair, notice Proust, Marcel, dans Dictionnaire René Char, D. Leclair et P. Née (dir.), Paris, Classiques Garnier, 2015, pp. 455-457.
52 J. Pénard, Rencontres avec René Char cit., p. 258.
53 Ibidem.
54 Anne Reinbold témoigne cependant que Char avait lu Melville, Conrad et Hamsun bien avant sa rencontre avec le poète, qui date de 1965.
55 F.-R. de Chateaubriand, Œuvres complètes (t. XIX: Mélanges politiques), Paris, Pourrat frères, 1834.
56 A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique et L’Ancien régime et la Révolution, dans Id., Œuvres complètes publiées par Madame de Tocqueville, t. IV, Paris, Michel Lévy frères, 1866.
57 D. Desanti, Les Staliniens, une expérience politique 1944-1956, Paris, Fayard, 1975.
58 C. Castoriadis, L’Institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975 et Les Carrefours du labyrinthe, t. I, Paris, Seuil, 1978. Il est à noter que l’intérêt de Char pour ce penseur de l’histoire de la Grèce antique et de la société contemporaine a été pratiquement occulté par la critique. Voir cependant: D. Leclair, La Grèce en source: fraternité de Char avec Homère, dans Id., René Char 2. Poètes et philosophes. De la fraternité selon Char, D. Leclair et P. Née (dir.), Paris-Caen, Minard, 2007, pp. 9-52, et notice Vidal-Naquet, Pierre, dans Dictionnaire René Char cit., pp. 601-603.
59 H. Arendt, Le Système totalitaire, traduit de l’anglais par J.-L. Bourget, R. Davreu, P. Lévy, Paris, Seuil, 1972. Dédicacé à Char par P. Lévy et R. Davreu le 6 octobre 1972; annoté au crayon par René Char en première page, puis sur de nombreuses autres pages référencées en page de garde.
60 Id., Le Système totalitaire cit., p. 227.
61 Voir note 45.
62 Id., La Crise de la culture. Huit exercices de pensée politique cit., pp. 119-120.
63 Ibidem, p. 345.
64 Voir D. Leclair, Aromates chasseurs, Dictionnaire René Char cit., pp. 43-46.
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Université Paris Descartes, Cnrs - Université Sorbonne nouvelle
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