«Les» bibliothèques de Bernard Quemada… et de son élève
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Texte intégral
1Une anecdote tiendra lieu d’introduction… Au cœur de la «Bibliothèque Bernard Quemada» de l’Université de Cergy, dans le laboratoire Lexiques, Dictionnaires, Informatique (Umr 71 87) où est justement donné le cours de Master en lexicologie, je laissais lire il y a peu par un étudiant, à haute voix, la définition du mot «bibliothèque», définition extraite du Trésor de la langue française (Tlf) qu’a dirigé Bernard Quemada et qui fut publié entre 1971 et 1994.
2Voilà ce que j’entendis: «Bâtiment sale où sont déposées, rangées, cataloguées diverses collections de livres, périodiques et autres documents que le public peut, sous certaines conditions, consulter sur place ou emprunter…». Bâtiment sale! L’espace d’un instant, chacun fut surpris, avant de percevoir qu’une virgule avait échappé au lecteur dont la diction était manifestement fautive: il fallait bien sûr lire «Bâtiment, salle où sont déposés…» les livres. L’étudiant avait de surcroît omis de signaler qu’il ne s’agissait que de la définition A. dudit article, et qu’un peu plus loin venait donc la définition B.: «Pièce, cabinet de travail privé qui renferme une collection de livres». Puis C.: «le Meuble à rayonnages destiné au rangement et au classement de livres ou autres documents». Enfin, par métonymie, vient la «collection de livres» et, par suprême métonymie, «le savant, l’érudit, dont la mémoire est très étendue». C’est de tout cela dont il est question ici: le contenant, le contenu et les personnalités qui y sont liées.
3Belle occasion cependant de rappeler auparavant quelques traits de l’histoire du mot «bibliothèque». En fait, lorsque le mot «bibliothèque» est attesté en langue française, en 1493, c’est en tant que «collection de livres» qu’il s’installe et il faudra attendre la fin du xvie siècle, pour que naisse la notion de «meuble renfermant des livres», le tout étant issu, comme on le sait, du latin «bibliotheca», salle où sont enfermés des livres, dixit Cicéron. Quant à la personne considérée comme une «bibliothèque vivante», c’est en 1647 qu’on dispose semble-t-il de sa première attestation, illustrée dans le Discours de réception à l’Académie française destiné à Pierre Corneille. On y évoquait en effet les érudits capables de citer de mémoire beaucoup d’auteurs: «Ce sont des bibliothèques vivantes, prêtes à fournir diverses recherches sur tout ce qui peut tomber en dispute». Indiscutable.
4Nous voici donc au cœur des préoccupations stimulantes qui justifient nos réflexions communes sur les bibliothèques d’écrivains, véritable invitation au voyage entre livres et érudits, avec pour réceptacles ces bibliothèques qui nous font rêver. Un article de dictionnaire, aussi complet soit-il à propos des «bibliothèques» ne peut d’évidence pas tout exprimer, il occulte en particulier ce qui relève de l’intime, en somme de la psychologie, et ce faisant des fonctionnalités mystérieuses, inconscientes, d’un tel lieu. On en soulignera deux: d’une part, le plaisir de la découverte aléatoire dans le foisonnement; d’autre part, en utilisant un terme sans doute un peu fort, la procréation livresque propre à la recherche organisée au cœur d’une bibliothèque.
5Une belle bibliothèque a tout d’abord en effet quelque chose de la caverne d’Ali Baba: c’est un lieu de plaisir, celui incomparable de la découverte. Ainsi, le poète traducteur Pétrus Borel en témoigne-t-il talentueusement lorsque dans ses Rhapsodies, publiées en 1831, il décrit avec gourmandise ses pulsions littéraires au sein d’une bibliothèque:
J’aime à bouleverser une bibliothèque,
Fouiller un chroniqueur qu’on a laissé moisir,
Déchiffrer un latin, quelque vieille ode grecque,
Essayer un rondeau, peindre un ange à loisir.
6La jouissance est bien en effet au rendez-vous dans cet alambic euphorisant que représente une bibliothèque, la nôtre et celle des autres.
7Lieu de découverte, certes, mais aussi lieu de naissance, car une bibliothèque s’autoalimente, en étant assurément lieu de procréation de bien des livres. Les universitaires le savent parfaitement: il y a toujours dans leur bibliothèque quelques rayons nourris de leurs propres ouvrages. À cet égard, depuis le xviiie siècle, l’on a retenu le propos piquant de Chamfort, déclarant notamment dans ses Fragments inédits, ceux dévolus aux compilateurs, qu’«il y a des gens qui mettent leurs livres dans leur bibliothèque, mais M… met sa bibliothèque dans ses livres». Chamfort, tout en étant caustique, fait ici mine d’oublier tout d’abord que la compilation a aussi du bon, elle fut remarquable au Moyen Âge, et ensuite, qu’en termes de recherche les livres nourrissent les livres. Une bibliothèque se définit volontiers comme une corne d’abondance et un tremplin, où les écrivains, les chercheurs sauront découvrir de nouveaux liens, de nouvelles analogies, entre des œuvres isolées sur les rayons, parfois très éloignées les unes des autres, et quoi qu’il en soit, enserrées par définition dans la matérialité même du livre entre sa première et sa quatrième de couverture. Enfin, sujet même de notre réflexion: qu’est-ce qu’un dictionnaire si ce n’est la reprise organisée, structurée, alphabétisée et rendue accessible des savoirs contenus dans la plus vaste bibliothèque possible? Que dire alors d’une bibliothèque de dictionnaires! Ce n’est ni plus ni moins qu’un commando de livres au service du savoir, une véritable armurerie du sujet. À l’écrivain de choisir ses meilleures armes.
8Il est donc temps de présenter les bibliothèques «lexicographiques» qui y correspondent, avec pour aboutissement celle-là même qui a été baptisée Bibliothèque Bernard Quemada.
Trois bibliothèques…
9Évoquer Bernard Quemada et sa bibliothèque, c’est en ce qui me concerne raconter à grands traits mon existence, celle d’un étudiant qui en première année de Lettres à Clermont-Ferrand en 1967, passionné par la littérature, s’est trouvé fort déçu par un enseignement étroitement rivé à la thèse des professeurs et ne correspondant guère à son appétit, ce qui fit presque tout de suite de moi un étudiant ne se rendant pour ainsi dire jamais en cours. C’était à l’époque une liberté qui permettait de lire à son gré et de jouer de la guitare – ce détail incongru n’est pas innocent –, en somme une période de plein épanouissement. Et c’est ainsi que je passai un concours de professeur de lettre-histoire dans le Secondaire. Nommé à Taverny, je décidais de poursuivre à Paris 13, enchaînant sur une maîtrise et un doctorat. C’est là que je découvris un professeur d’université et un homme-bibliothèque enthousiasmant: Bernard Quemada. C’est à lui que je dois ma naissance universitaire. Il me fascina d’emblée: je venais de rencontrer le chercheur et l’homme moderne, sachant relier le passé et l’avenir, maître incontesté de la lexicologie et de la lexicographie, jouant par ailleurs de la guitare…, à la fois respectueux des institutions et très indépendant, une attitude à laquelle j’ai d’emblée profondément adhéré.
10Ma vie intellectuelle et professionnelle commençait donc: elle aura consisté à passer en trois décennies d’une formulation déférente, «Monsieur le Professeur Quemada», à une formulation affectueuse et toujours aussi respectueuse, «Bernard»; autrement dit à passer de «l’étudiant» offrant sa recherche à partir de cartes perforées, le nec plus ultra de l’époque, au «fils adoptif» dirigeant avec lui une collection chez Honoré Champion. Voilà qui est évidemment inoubliable.
11Le laboratoire qu’on m’a confié à Cergy a donc pour cœur une bibliothèque de dictionnaires et d’ouvrages métalexicographiques, lieu symboliquement fort inauguré en 2011 et dont le nom ne pouvait être autre que la «Bibliothèque Bernard Quemada». Comme la bibliothèque personnelle de Bernard Quemada et la mienne – celle de l’homme «aux dix mille dictionnaires» disent les journalistes – sont très intriquées, et que s’y ajoute donc celle de la bibliothèque du laboratoire Lexiques, Dictionnaires, Informatique, il s’imposait d’évoquer alternativement les trois bibliothèques, reliées par un dénominateur commun: les dictionnaires. La bibliothèque personnelle de Bernard Quemada, la mienne, et celle du laboratoire: trois entités en grande osmose. À tout seigneur tout honneur, on se doit d’en commencer la genèse et la description par Bernard Quemada.
Les bibliothèques «institutionnelles» de Bernard Quemada
12Évoquer l’homme s’impose, en tant que grand professeur, créateur d’institutions, lexicologue et lexicographe. Ajoutons d’emblée que Bernard Quemada a toujours été doté d’un appétit intellectuel et d’une générosité hors normes. Ces qualités ne correspondent-elles pas d’ailleurs aux concepts consubstantiels d’une bonne bibliothèque?
13Qui est-il? Quelle est la formation de celui qui est à l’origine d’au moins trois bibliothèques? Bernard Quemada est né en 1926, en Espagne; son nom ne porte pas en effet d’accent aigu, bien que çà et là on le repère ainsi orthographié, une faute dont il n’a jamais pris ombrage. Son père est couturier, sa mère ne travaille pas, elle est française et a suivi son mari en Espagne. Lorsqu’il atteint dix ans, nous sommes en 1936, l’Espagne n’est pas forcément un lieu serein pour un père Républicain, le couple et leurs deux enfants partiront donc pour la France où ils s’installeront. C’est ainsi que Bernard Quemada, espagnol de naissance, longtemps de seule nationalité française, se retrouve à Paris. De cette enfance espagnole puis française, définitivement française, il faut retenir deux choses qui ne sont pas anodines: Bernard Quemada est profondément bilingue, biculturel, et tout aussi intensément fils d’un couturier.
14La profession de couturier et son intérêt marqué pour les vêtements ne sont pas neutres. Pour qui s’intéresse aux biographies, elle démarque en vérité quelques grands linguistes. Rappelons qu’historiquement celui qui, dans le village, cousait et fabriquait des vêtements savait parfaitement compter et lire, structurer, construire, prévoir. C’était en effet naguère pour ainsi dire le seul artisan du village à posséder des livres et qui souvent, l’hiver venu, apprenait à lire aux enfants. Or, au cours de la période structuraliste, qu’il s’agisse de Roland Barthes ou de Greimas, l’analyse précise du système vestimentaire a bel et bien fait partie de leurs recherches, une convergence qui s’explique: le vêtement n’est-il pas le premier langage sémiotique, le premier système? Quel objet au demeurant trône au milieu de la bibliothèque de Bernard Quemada, rue Beaurepaire où il habite? L’énorme paire de ciseaux de son père. Posée là sur la table basse au cœur des livres. Personne ne peut l’ignorer. Cet homme de fiches, de milliers de fiches accumulées au cours de son existence, avec un univers de fichiers puis de cartes perforées et enfin pionnier de l’informatisation des corpus, n’oublie pas ses origines, avec ce premier outil du «copier-coller» qu’est la paire de ciseaux.
15L’autre élément clé, c’est son parfait bilinguisme. Bernard Quemada parlait espagnol avec son père et français avec sa mère. Le constat est presque unanime: les auteurs de dictionnaires et les lexicologues sont pour plus de 80% d’entre eux des personnes soit bilingues, soit touchées à leur manière par la grâce des langues, par le bonheur de les apprendre et de les arpenter. Le principe de Goethe selon lequel on n’apprend bien sa propre langue qu’en en apprenant d’autres est ici parfaitement vérifié.
16Voilà pour l’enfance. On aime lire dans sa famille. Pour autant – et on me pardonnera de signaler qu’il en va de même pour ma petite personne – la bibliothèque exceptionnelle qu’il constituera chez lui n’a rien de familiale, elle est entièrement de son fait. Acquise volume par volume.
17Intéressons-nous d’abord au jeune homme qui fait de très bonnes études à Paris. Il est certes de nationalité espagnole, et cela ne l’empêche pas de décrocher une licence de lettres, à la Sorbonne, pour passer ensuite le diplôme de l’Institut des professeurs de français à l’étranger, celui-là même qu’il dirigera quand il deviendra professeur à Paris, en 1968. Il faut rappeler qu’il ne pouvait pas se présenter à l’agrégation n’étant pas de nationalité française, et qu’alors régnait une farouche confrérie d’agrégés qui ne permettait guère à ceux qui n’étaient pas dotés de ce diplôme de pénétrer au sein de l’Université. Comme on le sait cependant, le temple se moque de ses tenants frileux et protectionnistes et finit toujours par laisser passer les érudits. Et c’est en 1949, sous la direction du Professeur Robert Léon Wagner, que Bernard Quemada soutiendra sa première thèse, Le Commerce amoureux. Étude sur le vocabulaire de la galanterie dans les romans mondains (1640-1710), thèse de doctorat de l’Université de Paris. Voici le premier ouvrage nourricier de la bibliothèque se constituant par les œuvres mêmes de Bernard Quemada. La même année paraissait le Lexique de la langue de Molière, en collaboration avec Georges Matoré, aux éditions Richelieu. Et trois ans plus tard, en 1952, on n’est pas très loin du couturier, voici Les termes de mode dans la comédie des Mots à la Mode de Boursault, un article du Français moderne
18Paraissait ensuite en 1955, un in-octavo aux Belles Lettres, 198 pages consacrées à une Introduction à l’étude du vocabulaire médical (1600-1710): voici de manière patente la naissance d’un lexicologue ouvert à tous les lexiques, ceux d’hier notamment. C’est le moment où, dès la thèse passée, en 1949, il est chargé de cours à l’Institut des Professeurs de français à l’étranger et à l’Institut de Phonétique, à la Sorbonne, puis en 1950, le voilà assistant à la Faculté des lettres de Besançon, et cela jusqu’en 1957. Dans le même temps et jusqu’en 1958, il sera chargé de Conférences aux Ens de Fontenay et de Saint‑Cloud, puis deviendra à partir de 1957 Maître de conférence et enfin rapidement professeur à l’Université de Besançon, jusqu’en 1969.
19L’absence d’agrégation ne l’aura pas paralysé comme on le constate, il incarne en fait une génération montante particulière, celle des jeunes linguistes et littéraires, hors Paris, qu’affectionnait sans l’avouer tout haut le ministère de l’enseignement supérieur. La Sorbonne relevait en effet alors d’un certain hégémonisme très conservateur, et passait pour être particulièrement hostile à l’évolution du système universitaire, celui des doctorats notamment. Or les thèses énormes ne correspondaient plus aux besoins d’une Europe se modernisant et ayant besoin de jeunes cerveaux engendrant de nouvelles dynamiques. Ainsi, quelques universités de province sont-elles promues et perçues comme des lieux de renouveau, pouvant faire pièce à la Sorbonne. Ce sera le cas de Besançon, puis plus tardivement de Nanterre. Qui au reste se retournera contre le pouvoir… D’une certaine façon, il faudrait aussi procéder à l’inventaire de la Bibliothèque de Besançon, dans le rayon de la linguistique, pour mesurer la bibliothèque polymorphe et multi-sites de Bernard Quemada. Il ne faut pas oublier en effet que l’on se situe en pleine période des Trente Glorieuses, l’argent n’est pas un problème. De grandes bibliothèques universitaires se constituent pour épauler les cours et les recherches. Bernard Quemada n’est pas le dernier à les enrichir: on peut en réalité suivre sa trace de Besançon à Paris 13 en passant par la Sorbonne et in fine l’École Pratique des Hautes études et la Délégation générale à la langue française.
20Un point est à retenir: évoquer Bernard Quemada, pour tout conservateur d’une bibliothèque, c’est évoquer l’auteur d’un livre imposant paru en 1968 chez Didier, un ouvrage devenu introuvable. Il s’agit des Dictionnaires du français moderne (1539-1863), qui n’est ni plus ni moins qu’une impressionnante étude analytique et descriptive de nos dictionnaires jusqu’à Littré, en somme le catalogue presque exhaustif d’une «bibliothèque» française de nos dictionnaires. Bernard Quemada vient de soutenir en 1967 sa thèse d’État sous la direction de Georges Matoré, il se rapproche de Paris et le voilà Professeur titulaire de linguistique française à la Sorbonne, puis à Paris 13, dont il sera doyen. Pourquoi Paris 13? Parce que justement la bibliothèque de spécialité et les machines mécanographiques de Bernard Quemada nécessitaient de la place et le Ministre de l’Éducation nationale avait alors généreusement proposé au grand professeur moderne de disposer d’une aile entière des bâtiments en train de se construire. Sitôt évoqué, sitôt fait.
21C’est là que je rencontrai Bernard Quemada, ses dictionnaires et ses machines, et que je décidai de soutenir une maîtrise sous sa direction, en traitant à des fins onomasiologiques 30% du Dictionnaire du français contemporain (1966), de Jean Dubois, à l’aide de cartes perforées. On se trouvait alors à la pointe extrême du modernisme! Il restera à Paris 13 de 1969 à 1981, puis il sera détaché au Cnrs, dirigeant depuis 1977 le Trésor de la langue française, responsabilité qu’il assumera jusqu’à son achèvement en 1994, seize volumes au total. Parallèlement à ses hautes responsabilités, il est aussi directeur de l’École Pratique des Hautes Études pour le «Développement moderne de la langue française», fonction qu’il exercera jusqu’en 1995.
22Voici, rapidement brossée, l’existence professionnelle de Bernard Quemada, avec des bibliothèques semées au fur et à mesure de ses nominations et de ses implantations administratives: traces de son passage dans les universités de Besançon et de Paris 13, traces de son passage aussi à la Délégation générale à la langue française, et à l’École Pratique des Hautes Études. Mais aussi à Nancy au sein de l’Institut National de la Langue française. On ne saurait les oublier. Et on y ajoutera bien sûr la Bibliothèque du Ldi de l’Université de Cergy-Pontoise, puisque s’y trouvent, en tant que bibliothèque elle aussi institutionnelle, force ouvrages donnés par Bernard Quemada.
Deux bibliothèques privées
23Quittons les bibliothèques instituées et institutionnelles, et passons aux bibliothèques privées, en constatant au préalable que la frontière est grande ouverte du privé en direction de ce qui est public, les ouvrages acquis à titre personnel rejoignant en effet bien souvent l’institutionnel. Ainsi, une partie de la bibliothèque métalexicographique de Bernard Quemada a-t-elle été offerte à la bibliothèque du laboratoire Ldi-Cergy (la «Bibliothèque Bernard Quemada») de même que tous les doubles de ma bibliothèque personnelle, plus d’une centaine de dictionnaires, ont été également légués à la même bibliothèque.
24Ce n’est pas un mystère: une bibliothèque personnelle spécialisée résulte presque toujours de la passion tôt éveillée de la personne qui l’édifie, en vérité toujours plus digne de la qualification de «spécialiste» au fur et à mesure que s’écoulent les années. Ainsi, Bernard Quemada n’a que 23 ans lorsque sa première thèse est soutenue en 1949. Que se passe-t-il alors, dans les années 1950 sur les Quais de la Seine, où fleurissent les bouquinistes? Aucun doute, les dictionnaires anciens foisonnent à des prix plus que raisonnables. En fait, au cours des décennies qui achèvent les Trente Glorieuses, Bernard Quemada porte toute son attention aux dictionnaires, petits et grands, de la période classique et de la première moitié du xixe siècle. Il va donc, sans être Crésus, se procurer tout d’abord nombre de dictionnaires français dans leur première édition. Les pionniers, Robert Estienne, Jean Nicot et leurs dictionnaires sont évidemment de la première fournée. Puis suivent les œuvres majeures de la période classique et ce seront, chronologiquement, le Dictionnaire françois (1680) de Pierre Richelet, le Dictionnaire universel (1690) d’Antoine Furetière, accompagné de ses différentes éditions, et forcément la première édition du Dictionnaire de l’Académie française (1694), bientôt suivie des autres éditions jusqu’à la cinquième (1798). Puis le Dictionnaire des Arts et des sciences (1694) de Thomas Corneille, le Dictionnaire universel, dit de Trévoux dans ses différentes éditions, de 1721 à 1771. L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (1751-1772), le Dictionaire [avec un seul n] critique de la langue française (1787) par l’Abbé Féraud. Ou encore, petit volumes, le Dictionnaire néologique (1726) de Desfontaines et le Dictionnaire de synonymie (1736) de l’abbé Girard…
25S’imposent aussi les ouvrages de la première moitié du xixe siècle, les Dictionnaires respectifs de Boiste (1800), Gattel (1813), Laveaux (1820), Napoléon Landais (1834), Bescherelle (1843), La Châtre (1856), Dochez (1859), Poitevin (1869)… Et cela avant que ne naissent le Dictionnaire de la langue française (1863-1873) d’Émile Littré et le Grand Dictionnaire universel du xixe siècle de Pierre Larousse. On vient en somme ici de citer les monuments essentiels du corpus qu’il exploitera pour sa thèse d’État, couvrant la lexicographie de 1539 à 1863. S’y ajouteront bien sûr une foule de petits dictionnaires, notamment à partir du xviiie siècle.
26Bernard Quemada tirera de l’analyse méthodique de ces ouvrages une classification première qui reste efficiente, distinguant entre autres les «Dictionnaires de langue», la définition y étant centrée sur l’usage du mot recensé, les «Dictionnaires encyclopédiques», dans lesquels la définition est alors plutôt centrée sur le référent, souvent assorti d’illustrations, les «Encyclopédies», alphabétiques ou thématiques, qui traitent des thèmes davantage que des mots, avec force renvois, les «dictionnaires spécialisés de la langue», comme les dictionnaires d’orthographe, de synonymie, d’antonymes, de rimes… et les «dictionnaires de spécialité», à la manière des dictionnaires de cuisine, d’architecture, de mathématiques, de médecine. On lui doit en fait bien d’autres distinctions, dont on aura un aperçu en consultant Les Dictionnaires français, outils d’une langue et d’une culture (Ophrys, 2006) qui reçut le Prix de l’Académie française.
27Ainsi, la bibliothèque personnelle de Bernard Quemada est-elle riche de dictionnaires in-folio et in-quarto, et d’une foule d’autres dictionnaires depuis les origines du genre, au xvie siècle, jusqu’à ceux du xixe siècle, avant le nouveau souffle apporté par Émile Littré et Pierre Larousse. Il va sans dire que les monuments du xxe siècle ne peuvent manquer à l’appel et que, par sa fonction même, Bernard Quemada recevait systématiquement tous les ouvrages théoriques, métalinguistiques et métalexicographiques de la seconde moitié du xxe siècle. Ce sont ceux-là mêmes qui ont rejoint la «Bibliothèque Bernard Quemada». Enfin, il faut signaler un véritable trésor: quelques milliers de microfiches lisibles sur lecteur correspondant à presque tous les dictionnaires de cette période consultable sur écran, avec l’appareil dont nous avons fait l’acquisition. Avant l’ère révolutionnaire de la numérisation, Bernard Quemada s’était en effet montré pionnier dans ce domaine et il nous a légué en 2012 ce capital historique inestimable.
28Il me faut dire maintenant un mot de ma propre bibliothèque. Elle a commencé sa croissance dès lors que j’ai rencontré Bernard Quemada, à vingt-deux ans. Je hantais alors les ventes aux enchères et les brocantes, en caressant confusément l’idée de devenir brocanteur-antiquaire. Je revins notamment de ces expéditions avec le Trévoux et d’autres ouvrages, fiertés du jeune doctorant. Puis commença une sorte de frénésie consistant à récupérer – sauver? – tous les dictionnaires petits et gros que je trouvais en brocante. Il me fallut vingt ans environ pour bénéficier par exemple de tous les Petit Larousse depuis 1905 en y ajoutant deux ou trois-cents autres ouvrages de la Maison Larousse, année d’édition après année d’édition, par exemple pour les Larousse classique, Larousse élémentaire, Larousse des débutants… mais aussi pour une quarantaine d’exemplaires de millésimes distincts du Nouveau dictionnaire de la langue française, depuis 1856, jusqu’à ses différents avatars, avant que ne naisse le Petit Larousse illustré.
29Dans le même temps, tous les grands dictionnaires du xixe siècle et du xxe siècle y passaient, la boulimie livresque aidant, en y ajoutant les fascicules parfois trouvés par piles d’un mètre, car qu’il s’agisse du Nouveau Larousse illustré, ou du Grand Dictionnaire universel, ils furent, ce que l’on ne sait pas assez, publiés fascicule par fascicule, 524 par exemple pour le Grand Dictionnaire universel du xixe siècle. Si je dispose de tous ces grands dictionnaires sous leur forme connue et respectable, c’est-à-dire sous la forme de beaux volumes verts ou rouges, je ne possède hélas pas tous les fascicules qui les ont précédés, mais j’en détiens suffisamment pour que l’on comprenne le rôle très important de leur quatrième de couverture par exemple, riche de nombreuses publicités du moment, à propos de tel ou tel autre dictionnaire.
30Pareille folie n’est pas vaine. Un exemple peut suffire à le faire comprendre. Ainsi, pour le simple attrait d’une reliure différente, croyais-je, je dispose de trois éditions du Dictionnaire de la langue française de Littré, éditées donc à la fin du xixe siècle, dictionnaire qui, il faut le souligner, est réputé pour être identique, intangible dans son contenu, quelle que soit l’édition, y compris à titre posthume: en effet l’épouse de Littré puis sa fille refusèrent constamment que l’on touche à l’œuvre du maître, de sorte qu’il fallut attendre les 75 ans rituels nécessaires pour passer dans le domaine public et pouvoir disposer de l’œuvre en la mettant à jour, tentative d’ailleurs peu réussie. Il se trouve qu’un matin, à la faveur d’une chronique que je rédigeais sur le mot cyclone, je consultais la définition du Littré le plus proche de moi, et je découvrais que le grand lexicographe donnait le mot au féminin: «une» cyclone. Ce qui me surprit, mais pouvait s’expliquer, l’usage du mot cyclone ne datant que de 1860 et le premier volume du Dictionnaire de la langue française ne paraissant qu’en 1863. J’achevais ma chronique lorsque, voulant vérifier au dernier moment un détail, je consultais à nouveau l’article mais dans l’édition voisine, plus proche de l’endroit où je me trouvais. Quelle surprise! Le mot était donné cette fois-ci au masculin, avec une remarque de Littré, signalant qu’il avait d’abord relevé «cyclone» comme féminin mais que l’usage récent semblait désormais le consacrer au masculin. Comment était-ce possible, puisque chacun affirmait qu’il n’y avait jamais eu de variante dans les différentes éditions du Dictionnaire de la langue française? Eh bien, voilà qui était faux et s’explique en réalité facilement: entre le moment où le fascicule a été rédigé et l’impression du volume complet, Littré a relu et apporté quelques modifications, que personne n’a repérées, ce qui me faisait découvrir au passage que le volume que je consultais correspondait sans aucun doute à la reliure en volume des fascicules patiemment accumulés par son premier propriétaire. C’était en fait une pratique courante offerte par les maisons d’éditions: on reliait à la fin de l’abonnement les fascicules en volumes identique à ceux vendus en une seule fois.
31On n’ira pas plus loin dans la justification d’une bibliothèque pouvant paraître démesurée et à dimension pathologique, mais c’est ainsi que l’on se retrouve en fin de carrière avec dix mille volumes patiemment collectés, avec parfois de curieux opuscules à côté des monuments. Par exemple, un petit lexique médical alphabétique vendu pendant l’Occupation, ou bien un dictionnaire de soixante pages publié par un coiffeur soucieux de transmettre son art et ses secrets, ou encore, en 1685, un in-18° relié en peau de porc, en l’occurrence l’Essai pour un Dictionnaire universel, par l’abbé Furetière. Quoi de plus émouvant en effet que ce petit ouvrage, plaidoyer de son auteur pour le gros dictionnaire à venir, pour lequel on l’accuse déjà de plagiat! Plaidoyer mais aussi en somme premier échantillon commercial.
32Que la maison Larousse m’adresse parfois des requêtes pour la consultation de telle ou telle édition, que des collègues universitaires me sollicitent pour savoir quand tel ou tel mot est apparu en premier dans un dictionnaire, un mot rare utilisé par Baudelaire par exemple, ou qu’un sociologue me demande quand le changement de sens de tel mot a été enregistré par un dictionnaire, voilà qui évidemment donne du sens et une utilité à une collection qui peut paraître obsessionnelle.
La «Bibliothèque Bernard Quemada» de l’Université de Cergy-Pontoise
33On l’a perçu, son contenu résulte de deux sources distinctes et complémentaires: la bibliothèque personnelle du grand professeur qui a dirigé le Tlf et la mienne. S’y ajoutent les dictionnaires acquis au fur et à mesure de leur parution, par exemple l’annuel millésime des maisons d’éditions Larousse, celui de la maison Le Robert, et du Hachette, précieux pour son supplément de néologismes, offert dans les pages bleues… Ainsi, année après année, s’installent depuis plus de dix ans ces paradigmes particuliers, témoins réguliers de l’évolution de la langue, que sont les différents volumes des collections chronologiques du Petit Larousse et du Petit Robert, offrant leur lot commenté par la presse de néologismes et de modifications orthographiques plus ou moins avouées, au fur et à mesure de l’évolution de la langue.
34Il faut aussi prendre en compte les nombreux ouvrages issus des membres du Ldi. Entendons par là, tous les dictionnaires nés de nos travaux, publiés tantôt chez Honoré Champion et aux éditions du Cnrs, tantôt encore dans d’autres maison érudites. Ils sont nombreux: plus d’une centaine. Citons entre autres le Dictionnaire des couleurs par Annie Mollard-Desfour, déclinant tous les deux ans environ une nouvelle couleur dans le cadre d’un volume, et plus de vingt ouvrages d’ordre métalexicographique relevant de la collection Lexica, citons aussi les travaux propres à la néologie, par Jean-François Sablayrolles, ou encore ceux relevant de l’histoire des dictionnaires, du côté de François Gaudin ou de moi-même, en passant par l’analyse du traitement lexicographique de l’orthographe, avec Camille Martinez.
35Il arrive également que des particuliers, sachant que nous sommes spécialisés dans la lexicographie, offrent leur collection ou quelques dictionnaires, heureux de savoir qu’ils seront consultés par des jeunes et des spécialistes. On bénéficie ainsi d’un dictionnaire de médecine en trente volumes. À dire vrai, ce dernier n’a pas encore été consulté, mais le propre des dictionnaires reste la patience: leur propriétaire peut demeurer presqu’une vie entière sans consulter tel ou tel, puis à la faveur d’une recherche ponctuelle en avoir expressément besoin. C’est alors l’heure de gloire dudit dictionnaire.
36Enfin, la chance, ou la convergence naturelle des talents, a fait qu’au sein même du Ldi, se retrouvent les directeurs de revues majeures ayant pour thème la lexicologie, la lexicographie, la néologie, ainsi que la linguistique appliquée. Avoir dans le sillage de Bernard Quemada piloté les Cahiers de lexicologie, puis dans un autre heureux sillage – celui de Robert Galisson – diriger depuis les années 2004 les Études de linguistique appliquée, est non seulement porteur de numéros spéciaux conduits par des spécialistes de tel ou tel domaine de notre discipline mais offre également des ouvertures magistrales pour un laboratoire. Nous disposons également de la revue «Langage» et de quelques autres. Enfin, une belle place est faite à la francophonie et aux créoles avec diverses revues et des ouvrages que l’on doit à Dominique Fatier.
37Qu’en est-il du classement? Il est relativement transparent: les ouvrages sont rangés par sous-domaines et selon une logique tantôt chronologique tantôt thématique, assez aisée à radiographier. Mais, avouons-le, on manque d’un inventaire précis. Pour l’heure, on n’en a pas les moyens, deux ans de travail seraient effectivement nécessaires pour répertorier précisément l’ensemble des six ou sept mille ouvrages en notre possession. Qu’importe… l’ivresse est là, partagée par les étudiants qui travaillent au cœur de la bibliothèque. Un jour viendra où cet inventaire sera fait.
38Un tout dernier point mérite d’être évoqué: la fonction patrimoniale d’une bibliothèque comme celle du Ldi-Cergy. En effet, deux sources documentaires nous ont été remises. Tout d’abord, les milliers de fiches de néologismes constituées par Bernard Quemada, lorsqu’il dirigeait le laboratoire Cnrs de Paris 13, qui ont une valeur historique et testimoniale. Deux murs entiers de fichiers nous sont arrivés en 2000, désormais conservés en lieu sûr dans un sous-sol de la bibliothèque générale de Cergy. Nous avons cependant gardé dans la «Bibliothèque Bernard Quemada» les revues – plus de 500 – dans lesquelles les néologismes ont été traqués, soulignés, au fur et à mesure de leur parution dans les années 1970. Voilà qui constitue encore un beau corpus possible de recherches. Ensuite, nous ont été également offerts divers fichiers ayant appartenu au linguiste Maurice Tournier, décédé en 2013.
39En toute fin, il convient aussi d’évoquer les ressources informatiques. Nous possédons tous les cédéroms correspondant à des dictionnaires informatisés, dans la vogue des années 1990 où l’on numérisait sur cédéroms les grands dictionnaires contemporains (Le Grand Robert, le Tlf, par exemple) et d’anciens dictionnaires (Le Grand Dictionnaire universel du xixe siècle, la première édition du Dictionnaire de l’Académie française…). Cependant, presque tous sont désormais disponibles gratuitement sur la toile et de fait nos cédéroms feront bientôt figure de témoignages pour illustrer les technologies anciennes. Il en va ainsi d’une bibliothèque: ce sont parfois les dernières acquisitions, assez coûteuses, qui sont le plus rapidement obsolètes. En revanche, les dix volumes in-quarto du Larousse mensuel illustré restent de pleine actualité et n’ont pas été numérisés. Peu de bibliothèques en sont d’ailleurs bénéficiaires. Comme son intitulé l’indique, ce dictionnaire correspond au rassemblement, pour chaque volume, de trois ans de la revue alphabétique mensuelle «Larousse», et cela de 1907 à 1957.
40Au terme de cette trop rapide évocation, on démentira donc Chamfort: on peut sans aucun doute mettre «une» bibliothèque dans des livres, et corollairement ne cesser de la vivifier par, d’un côté, les travaux d’hier à recueillir et, de l’autre, des livres à écrire, irrigués par ceux de la bibliothèque. Tout en ne cessant de la mettre à jour, en suivant en l’occurrence très attentivement la production lexicographique et métalexicographique mois après mois sur papier et sur supports électroniques. Ce sont assurément des gages d’avenir. Faire vivre une bibliothèque, c’est rester aux aguets de toutes les nouveautés, contenants et contenus.
Pour conclure: la bibliothèque à nos trousses!
41Difficile de conclure, si ce n’est par une pirouette. Avec par exemple le fait qu’une bibliothèque, qu’elle soit personnelle ou propre à un laboratoire, si elle bénéficie d’une bonne santé, se double d’une vocation étrange et inquiétante: tendre à expulser les êtres humains qui l’animent et la fréquentent. Elle ne cesse en effet de croître naturellement dans une surface qui reste identique et il vient toujours ce moment délicat, dangereux voire angoissant, où toutes les ressources en volume et surfaces ont été exploitées! Il ne reste plus alors qu’à prendre de grandes décisions et partir en chasse de nouveaux mètres carrés, annexer les surfaces voisines, si c’est possible. Et être parfois même obligé de déménager. Pour la bibliothèque personnelle, c’est la solution choisie. Pour celle de l’université, il faudra prendre des mesures avant la fin de la décennie…
42Bernard Pivot, maître ès livres, n’a pas manqué d’être confronté au problème de ce corps livresque qui grandit sans fin dans des vêtements rapidement trop petits. Il a ainsi résumé la situation auprès de Pierre Nora dans l’ouvrage qu’il a fait paraître en 1990 sur Le métier de lire: «La vraie ambition des livres est de chasser les hommes des bibliothèques et de leurs maisons et d’en occuper tout le territoire pour une grandiose et solitaire jouissance». Pour notre part, préserver une jouissance partagée des livres, en parfaite harmonie avec nos bibliothèques, c’est la grande ambition. Exaltante.
Auteur
Université de Cergy-Pontoise
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