V. Un test de style : Montaigne et son « Exercitation »
p. 163-187
Texte intégral
1 Blaise Pascal appelle Montaigne l’auteur « incomparable » de « l’art de conférer » (III, ix). Dans ce chapitre, Montaigne énumère les façons dont il a composé les Essais comme travail de style. Nous sommes, dit-il, « sur la maniere et non sur la matiere du dire » (928). Il montre comment il a tissé un ouvrage de figures, qui révèlent l’esprit, au moyen d’un style soulignant la grâce de la touche, de l’allégresse, et le « tact » ou le toucher de l’écriture ; en d’autres mots, il traite du maniement de sa manière. L’essai est un des dialogues les plus prismatiques avec l’interlocuteur imaginaire qui le lit. Le lecteur, c’est l’ami adversaire de Montaigne. Plus loin dans l’essai Montaigne nous dit qu’il préférerait que son fils apprenne l’art de la conversation dans les tavernes que dans les « escholes de la parlerie » et que, malgré toutes ses bonnes intentions, même un classique tel que Tacite se lit de façon maladroite : la touche du langage « tacite », la façon de s’exprimer sur lui-même et autrement y manquent. Pour contraster immédiatement avec le latin de cet historien un peu maladroit, Montaigne nous donne de la légèreté, de la sprezzatura, sur la page, devant nos yeux. Et il le fait avec des tactiques graphiques si simples qu’elles peuvent changer la pensée en mouvement en insérant un n à la place d’un t, transformant la matière en manière, et le matériel brut en une forme d’écriture vivante. Le style de Montaigne apparaît souvent dans les caractères de l’écriture, qui sont une de ses meilleures inventions.
2On peut lire les Essais comme une expérience sans fin de forme et d’expression. Ils soulèvent des questions sur le mouvement verbal né du montage et du déplacement des lettres imprimées. Puisque les essais évoluent en un autoportrait, nous devons nous demander exactement quand et où l’idée de Montaigne de s’étudier coïncide avec la naissance de son esprit graphique. Si, comme Pierre Villey l’a constaté, Montaigne passe d’un point de vue sceptique sur sa vie et son époque à une crise mystique avant de découvrir un humanisme épicurien et mûr, comment révise-t-il, met-il en scène, ou même masque-t-il cette évolution dans les textures de l’écriture ? Et si les Essais sont composés, comme Michel Butor et d’autres l’ont montré1, selon un modèle pictural et allégorique de centres elliptiques et de circonférences, comment se plient-ils dans les lignes du cadre qui les enclôt ? L’auteur donne l’impression de découvrir les éléments de son style au fil de l’écriture des Essais-, mais quand et comment le fait-il de façon simultanée et comment articule-t-il un style qui est aussi matériel et protéen qu’il le souligne dans « De l’art de conférer »2 ?
3Voilà quelques questions que des lectures même ordinaires ou routinières des Essais mettent en place. La première partie de l’éventail des deux chapitres qui suivent abordera les Essais par rapport à ce que Montaigne semble développer dans la feinte découverte de son propre style, l’autoportrait par l’art de la lettre imprimée. Jusque-là, tant que l’essai entreprend de discuter des conventions de l’écriture emblématique, son attrait apparemment croissant pour la visibilité demande à y être étudié3. Un style pictural et verbal est mis en relief, tout spécialement en 1588 et dans les années suivantes, mais à bien y regarder, il envahit le travail des deux premiers volumes publiés en 1580. On peut entrevoir les manœuvres verbales dans les fragments offerts au lecteur, particulièrement quand Montaigne se souvient du temps où il a échappé à la mort. À ce moment-là, développé dans le récit de sa chute accidentelle de cheval, « De l’exercitation » (II, vi), un style graphique secret émerge. Son jeu de lettres y devient crucial dans les articulations obliques et cachées d’hiéroglyphes qui sont à la fois autobiographiques et politiques.
4On peut qualifier les Essais d’« hiéroglyphe », non seulement parce qu’un langage secret d’anciens dieux ou d’âmes mortes est invoqué, mais parce que le mode de composition s’y développe selon des axes divisés de figure et de texte. Une force de significations jaillit à partir d’une simultanéité de différence et d’identité dans l’inscription graphique, de forme visuelle et de signification4. Voilà comment l’articulation apparaît dans l’écriture de Montaigne ; elle travaille entre les différents registres cognitifs ou « traces »5. Le style des Essais est façonné à un certain degré à partir des combinaisons qui transforment la voix ou le discours qualifié d’uni à l’écriture. Il utilise aussi des montages pour faire tourner les lettres en des formes étrangères et projeter un dessin visuel changeant à travers les trois volumes6.
5« Le parler que j’ayme, c’est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu’à la bouche » (171). Dans cette remarque (I, xxvi) sur son écriture, on entend le message, mais il se trouve congelé dans les caractères sur la page imprimée. Une confusion voulue entre le papier et le corps dirige nos yeux vers des identités forgées à partir de la vue et du son. La force proverbiale du style semble en grande partie prendre son origine dans les figures condensées, mais ces dernières sont si mercuriales que les réseaux des lettres prennent corps, paraissent bouger et changer de position ou de registre à l’intérieur d’un champ sémantique fixe. À travers les deux premiers volumes (publiés en 1580) l’auteur teste — il essaie, filtre, équilibre, ou « essaye »7 — ses sujets dans un équilibre d’analogies traitées en ressemblance et en opposition. Les mots sont des écheveaux de figures cachées, et en même temps révélées par l’intermédiaire de marques visibles récurrentes formées le long du discours. La signification de la dimension grammaticale est parfois secondaire et se déplace vers une autre, inconsciente, que ce soit dans les dessins alphabétiques ou pictographiques. Des formes non sollicitées surgissent quand des traits visuels jettent tous leurs feux à travers une signification ostentatoire et qu’ils illuminent le travail de façon imprévisible.
6Dans, par exemple, « De la ressemblance des enfans aux peres », Montaigne médite sur la généalogie de la ressemblance passée génétiquement du père au fils. Mais la marque du titre, un nombre irréductible, 37, est impair, à la différence du pair ou père. Impère, « De la ressemblance des enfans aux peres » n’est pas seulement mis contre les pairs et les impairs, mais il s’autoperpétue dans sa singularité, par rapport à la différence des premières figures reproductibles. Aux pères est aussi un verbe : la ressemblance du père aux enfants opère, illustrant ainsi une opération intellectuelle, physique ou même chirurgicale, dans une langue apparemment indépendante du contrôle de l’auteur. De même, « De trois commerces » couronne l’essai qui tourne sous le chiffre du volume (III) et du chapitre (iii). Le titre est encadré — deux fois divisé — par rapport à la première phrase qui tourne sur la tension de la lettre et de la figure. « Il ne faut pas se clouer si fort à ses humeurs et complexions » (818). Suivant les données de la médecine classique, le lecteur dirait qu’il est évident que toute personne est marquée par quatre complexions ou humeurs. Ce chiffre, ici indiqué dans l’incipit du chapitre, met en question le primat du trois signalé trois fois dans le titre. Et fort, à la fois deux (de furca, ce qui rappelle une bifurcation) et quatre (four, ou deux fois deux) fait basculer l’équilibre de l’ensemble des formes ternaires. Il en résulte une dissymétrie, un jeu de formes paires et impaires, dans les chiffres qui se voient à travers le discours. Dans le même chapitre, quand il indique son lieu d’habitation et de travail, l’auteur dit qu’en hiver, quand règne le froid, il passe son temps dans sa tour « moins continuellement ; car ma maison est juchée sur un tertre, comme dict son nom » (828). Il est entre trois et quatre, car, soit pour ou contre 4 (quart, même la forme visuelle de écart ou carré). Apparemment, le nom auquel il fait allusion est celui de « Montaigne » ou « montagne » mais aussi tertre, une trilogie dans la trilogie qui se divise en tt/ee/rr. Et dans « Des boyteux », Montaigne choisit III, xi pour chiffrer le chapitre sur la sorcellerie. Il se trouve que le nombre onze est celui du diable à cause de l’intègre 1 qui est doublé dans 11 ; mais quand l’auteur remarque que 10 jours ont été ajoutés au calendrier grégorien en octobre 1582, le numéro peut être compté comme 10 ou 77 jours, le nombre s’accorde à la tension « bissextile » du chapitre. Quand il argumente pour la paix dans « De la phisionomie » (III, xii), le nombre douze du chapitre a été choisi pour fournir un rébus de « douceur », de calme ou de repos souhaités. Par certains côtés, tout particulièrement le sien, « il y a des beautez non fieres seulement mais aygres : il y en d’autres douces, et encores au delà fades... » (1059, mes italiques). D’autres chiffres de sons, lettres, ou nombres abondent, chacun indiquant que le style dépend des tensions générées dans l’espace hétérogène de la page imprimée8. L’expression semble bouger entre l’inscription, les lettres, les nombres, et le discours. Des fragments poétiques d’un processus « primaire » d’association libre coupent l’aspect fini d’une prose en des figures secrètes, ou des « testes » en miniature, des lettres qui se mêlent et bougent de façon atomique dans les essais. Un inconscient se voit à travers les fossés et les trous ouverts par l’art visible de l’écriture9.
7Où que l’inconscient soit appréhendé dans son évidence graphique, nous trouvons, au seuil de sa mort, les premières traces de l’autoportrait de Montaigne. Le conte exemplaire qui domine « De l’exercitation » rappelle la chute de Montaigne de son cheval. L’auteur quitte sa maison un jour et s’aventure « à une lieu de chez moy, qui suis assis dans le moiau de tout le trouble des guerres civiles de France » (373). A son retour, montant un cheval non entraîné, Montaigne est dépassé par un coursier qui le désarçonne et l’étend par terre. Pamé, meurtri, il reste inconscient. Son valet aperçoit son corps inerte, présume de sa mort, et le porte dans son domaine. Après plusieurs jours, l’auteur se lève de son doux coma et retourne aux douleurs accablantes de la vie. Flottant dans une béatitude entre la vie et la mort — une condition presque imaginée, ombilicale — soudain il est perclus de douleurs. Le retour à la vie et au langage mime la mémoire fictive des origines de la naissance du langage, car en vie, mais paralysé et immobilisé, pris dans un rêve, l’auteur ne peut faire le moindre geste pour avertir ses domestiques autour de lui.
8La crise le surprend véritablement. Ce conte exemplaire mène l’essayiste à passer de la rêverie à la spéculation. À travers le chapitre, la texture verbale est impliquée entre, nous le notons toujours, le registre de la représentation d’un zombie et celle d’un auteur fabulant sa condition de paralysie. L’exemple de l’accident ne devrait pas être perdu ; celui-ci doit être utilisé ; par une forme sensée, emblématique ou numismatique, il devrait être détourné de son aspect conventionnel de délibération sur la mort. Il doit se forger ou s’imprimer pour apporter aux lecteurs une conscience capitale d’eux-mêmes et produire également des droits d’auteur. Ici, la dimension graphique de l’essai montre comment Montaigne met en scène les débuts de son autoportrait. Ce qui émerge est une poussée individuelle possessive, celle de produire un discours portant sa propre signature ; de faire le juste milieu des relations entre la confession, la « révision secondaire », et les réalités politiques pour obtenir la postérité et la gloire ; feindre la psychogenèse dans une « cure d’écriture » autostylée, et freudienne avant la lettre, qui engage le processus de régression vers un langage pictographique aux origines de la conscience ; mais non moins également créer une image qui donne le spectacle de lui-même écrivant les caractères imprimés, que nous voyons imprimés, devenant l’équivalent de son essence10.
9« De l’exercitation » reprend la tâche de styliser ce qui ressemble à une carence d’expérience vécue, entendons la vie qui n’est pas marquée ou « testée » par la figure de la mort, en d’autres mots, celle de l’écriture imprimée. Un flux de sensations qui passe en dehors du langage constitue le registre immémorial et ineffable de la vie que les essais ramènent à la dispersion des lettres. La tâche de l’auteur entraîne en réaction un « style d’inscription » tautologique, brossant le portrait des événements qui sont à la fois originaires (suivant un chemin pour la première fois) et secondaires ou hautement reconnaissables (c’est-à-dire préconçus et visiblement tirés de sources familières). Le texte doit revivre ce qui est « vécu », soit le manque de symbolique qui s’appuie sur le langage à travers ses veines de chiffres indicibles.
10L’essai reprend des parties de « Que philosopher c’est apprendre à mourir » (I, xx), mais édite maintenant la pose scholastique de cet essai en inversant sa composition du sujet, qui avait aligné l’ars moriendi avec le memento mori. La réécriture suggère maintenant que « “mourir”, c’est apprendre à “philosopher” ». Le style d’une approche de la mort constitue une « exercitation » sportive, ou une sorte d’exercice militaire qui demande de la mesure, du rythme, et du tempo dans l’écriture. Expirer avec style apporte à l’auteur le bonus de faire des va-et-vient de la vie à la mort. En empruntant ou en hypothéquant les événements pris de sa vie, l’essayiste peut s’investir et se protéger dans son livre pour acquérir des bénéfices futurs. Son accident peut être monnayé quand il est articulé entre l’allégorie et l’autoportrait naissant.
11La mort est figurée comme une marque immobile, ou une lettre brute qui remplace la vie, que l’essai anime au moyen de son art du montage. Terence Cave a montré que la mort envahit les Essais comme « une sorte d’architopique » [« a kind of arch-topic »], qui « fournit à la fois une mesure » [« both provides a measure »] pour le but et la valeur d’autres sujets, « et les nivelle ou les vide au moyen de sa propre neutralité » [« and levels or empties them by means of its own total neutrality »] et « une absence sur laquelle le langage de la vie essaye de s’organiser elle-même » [« an absence in view of which the language of life attempts to organize itself »]11. Gisèle Mathieu-Castellani spécifie que la mort, sujet préféré pour les emblématistes et pour Montaigne, engage la réunion du visible et de l’invisible ou ce qui se refuse à la réduction de la représentation12. La même opacité ou absence de vertu figurative semble, dans « De l’exercitation », s’investir dans des marques typographiques. Les lettres sont inertes, de la matière morte. Elles doivent être ranimées par les traits de l’esprit graphique. Ce dernier apporte la vie à la lettre, en articulant le mouvement et de nouvelles combinaisons au niveau du signifié.
12Le signifié est soigneusement enchâssé, cependant, dans une image narrative. Au premier abord, l’essai montre cinq séquences qui dérivent de l’enquête initiale de Montaigne concernant la valeur de l’étude sur la mort (1). La croyance et l’instruction nous conduisent à l’action avec une grande résistance de notre part. Les philosophes ont souvent pris un « chemin » qui mène au seuil de la mort, mais aucun d’entre eux n’est allé dans le monde d’ombres, « de myrthe », et n’est revenu pour en faire un rapport modeste. Néanmoins, les vrais philosophes abandonnent ou se découragent face aux problèmes ultimes qui les hantent. Mais (2) la philosophie n’est qu’un mince exemple adéquat de l’activité humaine ou méditative par rapport au fait inéluctable qu’est la mort. Les mots sont fugaces et même sans signification, là où la mort marque leur origine ultime et leur finalité. Tout de même, confesse Montaigne, (3) il a eu l’occasion d’essayer la mort plus directement que les philosophes en raison de la nouveauté insolite de son exercice, puisque, suggère-t-il, il est doué d’un style que leur discipline n’a que rarement. Les récits de son sommeil et de ses rêves lui permettent de s’atteler à la tâche. (4) Lors des guerres civiles récentes, un accident surprenant est arrivé. Une rencontre récente avec la mort lui donne maintenant la possibilité d’estimer directement la valeur de la vie. L’autoportrait (5) qui découle de la narration de l’événement devient une espineuse entreprise (378) et donne plus de poids à son expérience qu’il ne le voulait au départ. Personne, affirme-t-il fièrement, ne s’est fait lui-même de façon si vigoureuse ou avec un tel zèle apparemment si inutile.
13C’est ce que la narration semble nous dire. Mais l’essai trahit une composition opposée, dans laquelle les vocables et les lettres se dispersent au moment où l’auteur tombe de son cheval. Suivant un dessin qui se reflète lui-même, la « tête » de l’essai — son titre et le nombre, le volume deux, le chapitre six ou « sis » — s’assied sur le haut de sa masse graphique qui se concrétise en miniature. L’essai commence donc à désagréger les lettres du titre, d’une façon tout aussi apparente que l’accident crée le corps de l’essayiste, écrivant sur l’impact du traumatisme, et en déduisant des implications dans les causes politiques. Le texte ne nous dit vraiment jamais pourquoi Montaigne s’aventure hors de sa maison ; mais nous sommes invités à croire que le voyage a pu être occasionné par un tumulte religieux. De l’extérieur, le substantif du titre, exercitation, se juxtapose à son verbe analogue, essayer : « Mais à mourir, qui est la plus grande besoigne que nous ayons à faire, l’exercitation ne nous y peut ayder. On se peut, par usage et par experience, fortifier contre les douleurs, la honte, l’indigence et tels autres accidents ; mais, quant à la mort, nous ne la pouvons essayer qu’une fois » (371, je souligne). Les mots sont équilibrés, pesés, triés, recherchés et testés : eux — et leurs caractères — constitueront la preuve ultime de l’expérience et de la mort, là où le monde empirique sera perçu en dialogue avec leur mouvement.
14L’essai dévalue la véracité de sa dimension empirique, en feignant non seulement l’oubli du laps exact de temps qui s’est écoulé depuis l’accident13, mais aussi celui du nombre de gens transportant l’auteur dans l’endroit plus douillet de sa maison. Avec l’oubli des faits, un sens de vérité ne surgit que lorsque des lettres fixent la mémoire du sujet. Dans ces moments-là, il « s’essaye » à la mort à travers les caractères minuscules de son style :
Pendant nos troisiesmes troubles ou deuxiesmes (il ne me souvient pas bien de cela), m’estant allé un jour promener à une lieue de chez moy, qui suis assis dans le moiau de tout le trouble des guerres civiles de France, estimant estre en toute seureté et si voisin de ma retraicte que je n’avoy point besoin de meilleur equipage, j’avoy pris un cheval bien aisé, mais non guiere ferme. À mon retour, une occasion soudaine s’estant presentee de m’aider de ce cheval à un service qui n’estoit pas bien de son usage, un de mes gens, grand et fort, monté sur un puissant roussin qui avoit une bouche desesperée, frais au demeurant et vigoureux, pour faire le hardy et devancer ses compaignons vint à le pousser à toute bride droict dans ma route, et fondre comme un colosse sur le petit homme et petit cheval, et le foudroier de sa raideur et de sa pesanteur, nous envoyant l’un et l’autre les pieds contre-mont : si que voilà le cheval abbatu et couché tout estourdy, moy dix ou douze pas au delà, mort, estendu à la renverse, le visage tout meurtry et tout escorché, mon espée que j’avoy à la main, à plus de dix pas au-delà, ma ceinture en pieces, n’ayant ny mouvement ny sentiment, non plus qu’une souche. C’est le seul esvanouissement que j’aye senty jusques à cette heure. Ceux qui estoient avec moy, apres avoir essayé par tous les moyens qu’ils peurent, de me faire revenir, me tenans pour mort, me prindrent entre leurs bras et m’emportoient avec beaucoup de difficulté en ma maison, qui estoit loing de là environ une demy lieuë Françoise. (373)
15Au fur et à mesure qu’il s’éloigne de son domaine, Montaigne s’approche du centre qu’il a justement quitté, c’est-à-dire son « siège » au moiau des guerres civiles. Le mouvement en arrière de sa mémoire est déterminé par une répétition sérielle exacte, par laquelle les troisiesmes (3) et deuxiesmes (2) des guerres conduisent à une lieuë (1), un site privilégié du corps de Montaigne, un lieu de calme au centre de la tempête. Allégoriquement, moyau encercle le nœud par son allusion : un milieu ; un moyen, entendons, le moyen, ou le va-et-vient ; le monnayage des caractères retraçant l’histoire ; le déplacement du moi hors de lui pour un autre endroit (moi-au ou moi... au... delà). Le cauchemar de Montaigne sur la mort apparaît être un fantasme, lorsque par faute de moyens d’écriture ou de style — son cheval, son épée, sa selle, son accoutrement ou ses « effets » — il est laissé démuni. Immobilisé dans un coma lui permettant d’éprouver des sensations, tout en étant incapable de les communiquer au moyen du langage, il remarque, « Je n’imagine aucun estat pour moy si insuportable et horrible, que d’avoir l’ame vifve et affligée, sans moyen de se déclarer » (375). Son exercice dépendra du style qui éperonne assez le mouvement pour déclarer ces impressions là où, dans le silence de l’écriture, elles ne peuvent être déclarées. Ici la lettre lui permet d’aller au-delà de l’expérience, mais à l’intérieur des mots qui marquent les périmètres de la sensation. En termes de caractères visibles qui établissent les axes géographiques du conte, moy est poussé à l’extérieur, vers la circonférence ou les limites extrêmes du chapitre, à la fois au-delà et non au-delà, libre mais arrêté dans le tourniquet d’un pas au-dela. Le mouvement centrifuge (qui vient en complément de la spirale centrale vers le centre du moi en émoi) est marqué de cadences visibles de là (« voilà... douze pas au delà... à la renverse... à la main... à plus de dix pas aude/à ») et du monogramme proclamant la lettre de la mort (« moy... mort...meurtry... la main... ma ceinture... n’ayant ny mouvement ni sentiment »)14. À dix ou douze pas de son accident, jeté à terre comme les lettres sur une page, son armement éparpillé, Montaigne est presque mort. Seulement le rythme du pas au-delà, l’écriture imprimée à l’intérieur et au-delà de l’événement lui-même, retient l’œil au centre de l’essai où l’auteur est sain et sauf.
16Que le moi de Montaigne soit dès le début le moyen et l’axe (moyeu ou moyau) de l’essai est clair. Que les combinaisons des graphèmes et des vocables en fournissent la preuve l’est moins. Peu d’essais chez Montaigne apparaissent tourner autour d’un seul mot de façon si persistante. Les réapparitions de la marque du moy sont si fréquentes que trois inscriptions surgissent encore dans d’autres constellations de signes fragmentés. Le sommeil, la figure qui commence l’exercice de la mort, domine l’essai, mais contient également le moi dans son orthographe (sommeil). « Ce n’est pas sans raison qu’on nous fait regarder à nostre sommeil mesme, pour la resemblance qu’il a de la mort » (372). Il ajoute, « A l’adventure pourroit sembler inutile et contre nature la faculté du sommeil qui nous prive de toute action et de tout sentiment, n’estoit que, par iceluy, nature nous instruit qu’elle nous a pareillement faicts pour mourir que pour vivre » (372). Prise dans la vue de son corps tâché du sang qu’il a vomi, la première impression de cette chute de cheval était « meslée à cette douceur que sentent ceux qui se laissent glisser au sommeil » (374).
17Montaigne glisse dans l’oubli par le flux de son discours. Il affirme que la vie « ne me tenoit plus qu’au bout des lèvres » (374). Il ne vomit plus ; il ferme les yeux pour se protéger de la souffrance de la vie. L’approche de la mort était comme « le beguayement du sommeil » (375). L’essai se ranime quand Montaigne, son âme « comme lechée seulement et arrosée par la molle impression des sens » (376), évoque le retour à l’ordre symbolique, c’est-à-dire à l’histoire de sa renaissance. De la même façon, sommeil se lève de son inertie grâce au lecteur, qui mime le style de Montaigne, dévoilant d’autres mots dans sommeil. Moi, un pronom qui réapparaît souvent dans l’essai, semble lié à la vue de la mort15. Pour donner des preuves de véracité à sa rêverie, il offre l’exemple de ces âmes stoïques qui ont eu leurs yeux arrachés, ou leurs membres virils coupés, « de peur que leur service, trop plaisant et trop mol, ne relaschast et n’attendrist la fermeté de leur ame » (371). La douceur, ou mollesse, génère le sommeil de la mort grâce à la figure marquante de son contraire, qui dans les lettres des mots s’y unit visuellement. Comme dans la poésie de Ronsard, les mots décrivent une chose, mais leur forme montre un autre dessein à travers le miroir qui les renverse. La plupart des gens, note Montaigne, d’après l’expérience apparente sur les champs de bataille de la guerre civile, que « nous voyons ainsi renversez et assopis aux approches de leur fin... ou blessez en la teste, que nous oyons rommeller et rendre par fois des souspirs trenchans » (374) fascinent nos yeux. Le son et la vue s’alignent, puis se séparent quand le grommeler plus conventionnel (Cotgrave : « to grumble, repine, murmure, mutter between the teeth » [« grommeler, se plaindre, murmurer, marmonner entre ses dents »]) est remplacé par rommeller (« gronder, grommeler, grogner »). Le sommeil est évincé en un murmure de ce qui se glisse en un sommeil, en passant de l’assoupissement à la douceur, ou à la mollesse (glisser au sommeil), et se déplie silencieusement en un murmure visible. Quand l’auteur note qu’il a ressenti une peine dans son corps qui lui signalait son retour à la vie, cela fut, Dieu merci, grâce à ses « membres tous moulus et froissez de ma cheute » (377), mais aussi grâce à la ressemblance de mollesse au sommeil par les surfaces glissantes de l’anagramme.
18L’écrivain réussit à faire un essai sur la mort, dans lequel il déborde de vie par le passage en va-et-vient des lettres imprimées. Par la façon dont il coud et forme les figures à travers leurs configurations orthographiques. Le style visuel des caractères — les nombres — de la méditation construit des liens et des ruptures entre la vue et le son ; ceux-ci produisent à leur tour l’essai ou « l’effet » de la mort16, annoncé alors dans la naissance de l’inconscient. À cet égard, plusieurs groupes de lettres paraissent esquisser le dessein général de l’essai. L’un, noué autour de sommeil et de mollesse, se courbe vers la mort connotée. Ses effets viennent doucement à Montaigne, dans son sommeil, pour la bonne raison que ces groupes se forment par l’intermédiaire de la ressemblance graphique, et pas de la syntaxe. Un ordre souple mais visible de connexions, une syntaxe de rêves, sont mis en scène. Chaque jeu de lettres devient un point de fuite de quelque sorte, ou un centre de tension qui produit un contexte environnant, là où d’autres viennent en avant et se mettent aussi en retrait. Les points sont partout et peuvent se multiplier selon la disposition de la lecture. Mais ici, en déplaçant l’histoire de cette chute vers sa conséquence morale, Montaigne glorifie l’entreprise qui fera la parade de son corps mort en public. « Je m’estalle entier ; c’est un skeletos, où d’une veuë, les veines, les muscles, les tendons paraissent, chaque piece en son siege » (379). L’écriture imprimée, vue sur la page du livre, devient à la fois le corps vivant, pris du passé, et un signe de postérité biologique pour l’avenir17. Dans ce contexte, selon la tradition biologique héritée de la science médiévale, son corps fonctionne, en vertu d’un processus d’analogie que l’on peut lier à l’hydraulique, où les pressions s’exercent et se relâchent ; ou de correspondances dynamiques, à des degrés de ressemblance qui corrigent les imperfections, grâce à la comparaison du corpus avec les effets du monde, dans des équilibres sans fin de signes et de mouvements18. Le corps met en circulation des lettres qu’il échange avec le travail de l’organisme, qui les avale et les digère. Par rapport à mollesse, sommeil, et skeletos, le corps scriptural de Montaigne n’agit pas différemment : les lettres circulent d’un mot ou d’une partie de la phrase à une autre, mais elles suivent toutes la cohérence dynamique du corps que la somme des mots et des figures produit et sert à restructurer selon des contextes changeants.
19Des mouvements involontaires et inconscients pointent à travers la peau des caractères devant les yeux du lecteur. Le skeletos projette la figure du corps de l’auteur de façon plus immédiatement graphique que le squelette. L’écho du grec dans skeletos fait plus qu’évoquer le terme officiel ou médical. Le mot étranger s’attache au langage propre de Montaigne par les moyens de la présence de l’os et de la chair, chair et os, dans l’écriture imprimée. Le skeletos est passé, trié et essayé. Le passage du grec à l’alphabet français convient à ce dessin bien mieux que l’original (ou la traduction française, dans squelette) en raison de la présence visuelle du -os qui marque le suffixe. Donc, au moyen de l’os, os, caché dans sommeil, qui glisse maintenant vers la mollesse, le cauchemar de Montaigne surgit de ses rêves et vient en scène avec le temps. Le skeletos de l’écrivain semble rappeler la tradition emblématique du memento mori, la danse macabre des illustrations anamorphotiques de Holbein dans les Simulachres de la mort (1538), ou les alphabets historiés de l’artiste, dont les lettres servent de jeu pour les squelettes. Montaigne continue à revivre la mort lorsqu’il voit sa signature et ses caractères tracés dans rommellement, le dernier soupir du soldat venant d’au-delà de la mort, mais figés dans le montage des caractères le traduisant. Les mots miment et parodient des formes picturales communes de la mort.
20Comme partout dans les Essais, la pensée de « l’approche » de la finalité est beaucoup plus pénible que le fait dans sa forme fixée. Au moment de l’accident, Montaigne « meurt » avant d’avoir eu le temps d’y penser (ou, feint-il, de l’écrire). Il n’a jamais eu assez de temps pour avoir peur. Ainsi, effaçant le fossé entre l’appréhension et l’accident, la constellation des lettres qui mène sa pensée tourne l’effect de la mort vers l’intérieur des causes, en anticipant ce qui a déjà été épelé.
21D’autres sujets de simultanéité tournent du cœur de l’os, du sommeil, du skeletos et de la mollesse. Le verbe estonner montre des dispositions contiguës dans la paragrammaire. Estonnement prend place dans le continu des travaux quotidiens, donc dans une sorte d’inconscient juste au-dessous du régime de la connaissance. « Voicy que j’espreuve tous les jours : suis-je à couvert chaudement dans une bonne sale, pendant qu’il se passe une nuit orageuse et tempesteuse, je m’estonne et m’afflige pour ceux qui sont lors en la campaigne ; y suisje moymesme, je ne desire pas seulement d’estre ailleurs » (372). En reconnaissant son « étonnement » dans l’exercice de style qui isole les causes des effets — ou qui inverse l’ordre temporel — Montaigne invite le lecteur à déchiffrer son registre verbal comme une extension de l’emblème. Le texte apprend que l’esprit réside « enseveli et endormy ». « Et ne pouvois croire que, à un si grand estonnement de membres et si grande défaillance des sens, l’ame peut maintenir aucune force au dedans pour se reconnoistre » (375, mes italiques).
22À travers la variation sur estonner, Montaigne sent ou « teste » la noirceur de chaque jour, ou « tous les jours », de façon à ce que l’activité diurne devienne bizarrement nocturne. Dans cette séance presque cinématographique de la nuit américaine [day for night], et en raison de l’effet souligné de estonner, le contexte de l’orage étend une métaphore (« il se passe une nuit orageuse et tempesteuse ») qui évoque le son du tonnerre. Je m’estonne sonne comme un orage, une révolte, un éclair, et du soufre, tandis que la formule résonne de figures visuelles produisant des images à l’intérieur du champ sémantique et au-delà. En plaidant la cause de l’utilité de la beauté, Montaigne compare la description qu’il fabrique de lui-même à des cosmétiques, qui mettent en valeur ou embaument un corps écrit. « Encore se faut-il testoner, encore se faut-il ordonner et renger pour sortir en place. Or je me pare sans cesse, car je me descris sans cesse » (378). Le contexte dicterait que l’étrange verbe, testoner, est proche de la signification que Cotrave donne à « to curtle, entramell, frizle » [« friser, griller, grésiller »]. Mais estonner retentit à travers l’essai dans d’autres mots, et son écho fait que des significations limitées de testonner commencent à vaciller. Un teston était le nom donné à une pièce de monnaie à l’effigie des rois de France ; elle était en circulation quand François Ier avait fait frapper la pièce pour commémorer les campagnes milanaises ; elle était toujours en circulation à l’époque de Montaigne et le resta jusqu’au règne de Louis XIII.
23Maintenant, se mettant sans cesse en valeur, Montaigne frappe sa propre image sur le revers de la pièce, c’est-à-dire la monnaie même de son livre. Il se valorise lui-même par les moyens de son médaillon lettré de style, qui acquiert une valeur monétaire. Du grondement de tonnerre à la figure de la pièce, le projet d’autoportrait contracte la « frappe » — le son et l’image du même coup — d’une tête moulée en relief sur une surface héraldique. L’argent du livre permettra à son roi, en conséquence l’auteur, d’accroître une valeur symbolique sans avoir besoin de quitter son royaume ou risquer de tomber de son cheval. En raison du réseau d’associations générées par les combinaisons de estonner et testoner, la naissance de l’entreprise, presque numismatique, devient évidemment autobiographique.
24Mais en même temps, estonne peut se suivre à travers l’attrait particulièrement graphique d’une variété de significations. Le verbe du XVIe siècle vient de estonuer (au XIIe siècle), et signifie « se mettre en forme » dans un sens physique. Le verbe dérive du latin vulgaire extonare et du classique attonare et de adtonare, qui veut dire « être frappé du tonnerre ». Au centre du mot latin et de sa variante française, le lecteur peut voir le ton grec, qui signifie l’extension, la mise en valeur, et l’action de faire du tonnerre. Les deux significations se côtoient dans le contexte orageux de « l’exercitation », et quand on en tire les conclusions, le mot s’ouvre sur l’inconscient de l’essai. Extonare et estonner incluent dans leur famille le verbe anglais astony, un verbe de sens tel que « paralyser », ou « frapper d’un bruit sourd »19.
25Il serait tentant de voir la cause de l’estonnement dans la matérialité pierreuse de la sensation de la mort, comme si elle s’inscrivait ou était marquée dans le chapitre. Dès le début, Montaigne note qu’il a écrit ses essais par intervalles, dans des moments de plaisir survenus entre des moments de souffrance due à la gravelle dont il était sujet. « Ce fagotage de tant de diverses pieces se faict en cette condition, que je n’y mets la main que lors qu’une trop lasche oisiveté me presse, et non ailleurs que chez moy. Ainsin il s’est basty à diverses poses et intervalles, comme les occasions me detiennent ailleurs par fois plusieurs moys » (758). Montaigne testonait peut-être, ou « testait » et « festonnait », ses essais quand il ne souffrait pas de calculs urinaires ou, par extension, quand la signification des mots ne se congèle pas en une fixité osseuse ou pierreuse. Son livre devient le simulacre d’un enfant à naître — celui qui sera son seul héritier mâle dans la ligne généalogique et qui remonte à Pierre Eyquem. Un élément bizarre de l’essai peut être entraperçu dans le jeu de la dette due à Pierre, le synonyme de pierre, dont l’auteur, en tant que fils ne peut jamais s’acquitter, quelle que soit la production des signes écrits en mémoire de son père. Le premier accueil de l’essai doit se faire ambigu de façon suprême : un bibelot sans valeur et silencieux, une pièce d’argent sans monnaie, ou une forme sans code. Voilà comment on peut se figurer le portrait de l’auteur à demi-paralysé — estonné — par la douleur de la gravelle. En terme caché dans les travaux symboliques de l’essai, Pierre serait l’équivalent de l’argent et de la généalogie, n’étant seulement valable que par la spéculation générée elle-même sur un futur, issu d’un passé enseveli dans les caractères imprimés. Or, comme il l’écrit également dans l’essai sur la ressemblance des enfants aux pères (II, xxxvii),
Il est à croire que je dois mon pere cette qualité pierreuse, car il mourut merveilleusement affligé d’une grosse pierre qu’il avoit en la vessie. (763, Je souligne.)
26L’objet concret, le livre, deviendrait le moyen, l’argent ou la monnaie de style, et aussi, la médiation entre la santé annoncée au début de l’essai — « J’ay passé une bonne partie de mon aage en une parfaite et entière santé : je dy non seulement entiere, mais encore allegre et brouillante » (372) — et la figure émaciée et mortelle du skeletos de la fin.
27 Skeletos marque le coin inférieur du cadre de l’essai et revient à estonnement du commencement. Étendue comme un sonnet rapporté des Amours de Ronsard, la fin du chapitre reprend les lettres des phrases du début, comme si elle pliait le skeletos en un estonnement. L’étonnement à la vue du squelette se réfère à l’effet de la vue de la mort précipitée par l’intermédiaire des mots que l’auteur essaye dans sa narration. Des similarités graphiques commencent à révéler comment l’éthique et la pratique du style trouvent leurs origines dans l’exercice du visible, caché dans l’écriture cachée. Différentes façons de signifier naissent dans l’expression de ce qui semble être annoncé clairement. Le style est mis en relief presque inconsciemment, avec une force bizarre, qui prend virtuellement le lecteur dans le montage des caractères. Quand Montaigne décrit comment il a recouvré la santé après le traumatisme de son accident, il redécouvre le sens de son style, qui est nécessaire pour façonner son portrait verbal :
Mais long temps apres, et le lendemain, quand ma memoire vint à s’entr’ouvrir et me representer l’estat où je m’estoy trouvé en l’instant que j’avoy aperçeu ce cheval fondant sur moy (car je l’avoy veu à mes talons et me tins pour mort, mais ce pensement avoit esté si soudain que la peur n’eut pas loisir de s’y engendrer), il me sembla que c’estoit un esclair qui me frapoit l’ame de secousse et que je revenoy de l’autre monde. Ce conte d’un évenement si legier est assez vain, n’estoit l’instruction que j’en ay tirée pour moy ; car, à la verité, pour s’aprivoiser à la mort, je trouve qu’il n’y a que de s’en avoisiner. Or, comme dict Pline, chacun est a soymesmes une très-bonne discipline, pourveu qu’il ait la suffisance de s’espier de près. (377)
28Le mouvement de sa réflexion commence avec l’allusion au tonnerre et à celle de l’éclair. Après l’orage de la guerre évoqué au commencement du chapitre, là où Montaigne craint pour ceux qui n’ont pas d’abri à l’extérieur, la boule de feu se mêle maintenant avec la figure de l’épée et du stylet, émergeant des dernières phrases dans le contour d’un emblème naissant. Des formes garnies de pointes, dentelées et pointues, donnent à l’essai un tranchant accidenté, et montrent comment l’auteur glisse d’une considération sur la mort à une méditation en rhapsodie sur le style et l’autoportrait. Le cheval qui a désarçonné l’auteur est venu comme un éclair, un esclair. Le texte fait allusion à Pline l’Ancien (Histoire naturelle, XXII, 24) comme les éditeurs connaisseurs l’ont indiqué. Pourtant, en même temps, autant d’auteurs anciens pourraient être cités pour illustrer le même point. « Pline » est cité tant pour le jeu de caractères que comme référence à son Histoire naturelle. En raison de la rime de pline et de discipline, Montaigne marque exactement où et comment il fait pour tirer l’épée de style de son fourreau des auteurs anciens. Toutes les connotations de profondeur et d’opacité qui circulent avec la mort se tournent en un jeu de surfaces annulant les paradoxes, les réflexions et les réfractions abondantes au sein des caractères qui dansent à travers les mots :
Or, comme dict Pline, chacun est à soymesmes une
très-bonne discipline,
29montre comment la discipline de la méditation s’investit dans le jeu entre les noms propres et les noms communs, dans la paranomase, mais surtout dans la ressemblance visible qu’une disposition de lettres partage biologiquement avec une autre. Juste comme s’avoisiner altère s’apprivoiser, l’autorité de Pline (« dict Pline ») en fait autant et se plie à l’art de la discipline..., entendons celle, cachée, d’une citation intérieure obtenue de la perception de soi-même en tant qu’ensemble de caractères interchangeables ; si Pline le dit ici, dict ci pline, lorsque l’origine de l’autoportrait se crée et s’épie à l’intérieur de son propre nom20.
30Si Pline dicte l’ordre d’une discipline, le jeu de sa signature révèle où et comment le tranchant du style s’attache au sens de la vue. Dans le syntagme d’un ordre sériel abondant,
de s’espier deprès,
31 s’espier tend à paralyser le mouvement dans son identité visible avec de près. Sa combinaison de la figure sur une épée (cachée) et la confiance de l’œil qui plonge tout près (espée de près) nous attire vers une méditation « plus intense », se déplaçant des effets de surface marqués sur la page. La relation des voyelles et des consonnes occlusives et sibyllines élève ce coup typographique au niveau de la poésie. La cadence des phrases n’est donc pas un simple effet d’allitération ou d’assonance ; elles font partie d’un mode emblématique, dont le style se développe à partir du langage vu et de celui audible, tous deux autonomes. C’est la différence donnée qui met en scène les emblèmes, et dans ce sens, l’épée que Montaigne perd au cours de sa chute est reprise dans l’allégorie qui se déploie ; elle reflète les dimensions inconscientes de la force, de la crainte, mais aussi la volonté de s’accorder l’immortalité sous la forme de sa propre identité, comme étant le corps de l’écrivain posé dans des codes de caractères imprimés.
32Dans la célèbre addition au texte, dont le tour de phrase essaye au sens propre le moi lui-même, les mêmes emblèmes verbaux pénètrent la surface des mots exactement là où ils gardent l’œil focalisé sur la configuration accidentelle de l’écriture. « C’est une espineuse entreprinse », note-t-il, « et plus qu’il ne semble, de suyvre une alleure si vagabonde que celle de nostre esprit ; de penetrer les profondeurs opaques de ses replis internes ; de choisir et arrester tant de menus airs de ses agitations » (378). L’espineuse entreprinse reflète ce qu’elle prend à s’espier de près. Selon le travail des anagrammes21, l’espineuse entreprinse reflète la figure de s’espier de près, engageant la figure visuelle de l’épée, les deux étant comme un éclair frappant et un trait d’écriture qui s’enfoncent dans les profondeurs de l’être. L’esprit se conçoit ici non seulement comme un concept ou une idée, mais aussi comme une allure de style, ou même comme celle d’un mannequin dans une série d’autres figures ayant une assonance visible. « C’est une espineuse entreprinse, et plus qu’il ne semble, de suyvre une alleuresi vagabonde que celle de nostre esprit » : avec un style ancré et fondé dans les tours récurrents et les barres de ses lettres, Montaigne entraperçoit l’immortalité de son âme dans un domaine qui n’est ni caché ni sujet aux révélations par l’intermédiaire de la connaissance. Une mesure, une cadence, une syncope : voilà comment apparaît l’esprit ; il semble faire partie intégrante d’un montage poétique de formes physiques.
33De la même façon, nous sommes tentés de discerner un autre rythme dans le travail de l’amphibologie. Si comme Montaigne le souligne, on doit avoir assez de pouvoir pour s’espier de près, on doit alors regarder de près cette formule, telle qu’elle est imprimée, au pied de la lettre : déjà vue et entendue, voici ses pieds de près où la vue des pieds fait alllusion à la mesure et au rythme des pas. Dans la couche « c » de 1593, le texte prolonge la métaphore en insistant sur la déambulation de l’essai de la mort : « Nous n’avons nouvelles que de deux ou trois anciens qui ayent battu ce chemin » (377). Le rythme de l’entreprise de style se lance sur une énumération qui relie les « deux ou trois » âmes qui ont essayé la mort dans le propre contexte de Montaigne, celui des guerres civiles, des « deuxièmes » ou « troisièmes » — il ne peut se souvenir exactement — guerres civiles qui sont à l’origine de l’expérience intérieure de Montaigne.
34Vu ainsi, l’essai relie ses éléments visuels, graphiques, sonores qui s’associent dans ce contexte. Deux ou trois années renvoient sur la figure de deux ou trois essais pour produire un certain style. Par rapport aux détails et à la substance de la configuration, naît un portrait, mais aussi, comme nous le découvrirons, une politique des lettres. « De l’exercitation » contient en lui-même sa propre dynamique, consciente et inconsciente, et trace une manière de présence élégante d’une écriture autoréflexive, qui dominera au troisième livre. Des effets non voulus, et de nouvelles veines de signification, se produisent par l’intermédiaire d’une syntaxe de particules graphiques qui se déplacent le long de l’ordre sémantique22. Le texte invite le lecteur à glisser à partir de sa surface et à la comparer à l’impression de mouvement venue de la signification scandée dans la grammaire. Les complexités qui en résultent sont alors devenues étrangement infinies, mais leur processus reste toujours clair. Les lettres et les figures sont prises dans un montage que l’on pourrait comparer à une architecture mouvante. La tâche que l’on doit accomplir n’implique pas alors le besoin d’en fixer les principes ou celui d’en formuler les lois stylistiques. Maintenant que nous avons dégagé un ordre dans ce mouvement, il nous faut voir comment l’opération autoréférentielle de l’écriture visible affecte les questions idéologiques et historiques que posent les Essais.
Notes de bas de page
1 Dans ses Essais sur les « essais », Gallimard, Paris, 1968 ; Patrick Henry, Montaigne in Dialogue, Anma Libri, Stanford, 1987, p. 90. Dans Le Texte de la Renaissance, François Rigolot étudie les marges propres de Montaigne au point où l’écrivain passe vers les marges de sa propre page. « Montaigne traduit sa prédilection non seulement dans l’ordre de ses images, mais aussi pour la structure de ses livres. Paradoxalement, il choisit le centre de ses livres pour affirmer son goût d’excentrer » (224).
2 André Tournon se demande aussi comment et où les formes étranges du livre de Montaigne prennent leur source. Quelques-uns de ses traits, souligne-t-il, peuvent se reconnaître dans les gloses de « leçon », et les centons où l’érudition et la sagesse de l’Humanisme se dispersaient. Dans La Glose et l’Essai, Presses Universitaires de Lyon, Lyon, 1983, p. 10.
3 Claudie Balavoine a entrepris ce travail initial dans « Une écriture emblématique » dans Frank Lestringant (sous la direction de), Rhétorique de Montaigne, Champion, Paris, 1985, p. 59-72. Les figures Sententiae sont en quasi-parataxe, comme le sont les titres et les suscriptions, qui promulguent un « jeu associatif » de figures. Au-delà de l’identification des tropes, il faut établir une comparaison plus importante sur le style emblématique orienté vers le montage verbal. On peut également faire appel à la critique de Jacques Derrida sur les schémas fixes dans « Force et signification », dans L’Écriture et la Différence, Seuil, Paris, 1968, 3 ff.
4 La théorie de la division inhérente de l’emblème est développée dans Robert Klein, La Forme et l’intelligible, Gallimard, Paris, 1970. Barry Lydgate traite de la différence dans les formes de l’essai et celle de l’imprimerie dans « Mortgaging One’s Work to the World : Publication and Structure of Montaigne’s Essais », PMLA no 96, mars 1981, p. 210-223.
5 Dans Le Texte divisé, PUF, séries « Écriture », Paris, 1981, Marie-Claire Ropars-Wuilleumier brosse une image théorique de l’écriture « hiéroglyphique » grâce au concept de Freud de Zusammensetzungen, l’idéogramme filmique de Eisenstein. à la figure des langages « plastiques », et au concept de différance de Derrida. Elle montre comment un style hiéroglyphique peut s’appuyer « sur une démotivation virtuelle de l’image par rapport à l’objet qu’il représente ; une dissociation, alors, de la figure et de sa signification » (71), qui franchit le seuil de la division. Une multiplication de significations surgit du fossé ouvert entre traces vocales et celles imprimées. La dimension subversive du signe divisé en une figure et une inscription est étudiée dans Écraniques ; le film du texte, Presses Universitaires de Lille, Lille, 1990, p. 26-29. Madeleine V. David dans Le Débat sur les écritures et l’hiéroglyphe aux XVIIe et XVIIIe siècles et l’application de la notion de déchiffrement aux écritures mortes, SEVPEN, Paris, 1965, fournit un complément historique au même problème.
6 À travers The Matter of my Book, University of California Press, Berkeley, 1977, Richard Regosin montre comment le style de Montaigne est une transformation matérielle voisine de la mutation du sujet de l’écriture, le Je, dans le temps et l’espace du travail. Plus récemment, le même auteur a traité du thème de la transformation du moi par une lecture de figures généalogiques qui constitue une espèce de crible pour l’ensemble des Essais. Voir Montaigne’s Unruly Brood, University of California Press, Berkeley, 1996. Nous remarquerons que les hypothèses de Regosin sont entérinées par le travail graphique du style.
7 Floyd Gray étudie la définition protéenne de l’essai en termes de gravité et de changement dans Montaigne et la balance ; exagium/essai, Nizet, Paris, 1982.
8 J’ai essayé des lectures plus détaillées de III, iii et III, xi dans « Montaigne’s Gascoigne : Textual Regionalism de “Des boyteux” », ML N no 92, 1977, p. 710-723, et « De capsula totoe : lecture de “trois commerces” », L’Esprit créateur, no 28.1, printemps 1988, p. 5-12.
9 Nicolas Abraham note que n’importe quelle œuvre d’art — c’est-à-dire œuvre réelle de l’art — a une dimension inconsciente. Les éléments qui trahissent ou contredisent les phrases à l’intérieur de leur propre énonciation mènent à de riches paradoxes. « Un travail inauthentique n’a pas d’inconscient », souligne-t-il dans L’Écorce et le Noyau, Aubier-Flammarion, Paris, 1978, p. 18. Pour lui, les rythmes ineffables de la parole se plient en une littérature authentique ; nous devrions souligner que ces rythmes doivent beaucoup à la scansion des formes visibles qui travaillent avec et contre le flux du discours.
10 Des études informatives concernant le style et le portrait incluent Floyd Gray, Le Style de Montaigne, Nizet, Paris, 1958 ; les remarques d’Albert Thibaudet sur les métaphores de Montaigne dans la dernière section de son Montaigne posthume, Gallimard, Paris, 1997 rééd. ; Michel Beaujour, Miroirs d’encre, Seuil, Paris, 1980 ; Marc-Eli Blanchard, Trois portraits de Montaigne : essai sur la représentation à la Renaissance, Nizet, Paris, 1990. Fa pictogrammaire et la psychogenèse sont traitées dans Aulagnier, Un interprète, tandis que la création de soi est le sujet de Stephen Greenblatt, Shakespearean Negotiations, Clarendon Press, Oxford, 1988, p. 3-20.
11 The Cornucopian Text, p. 298.
12 Dans les Emblèmes de la mort (p. 155-156), elle note que Montaigne montre un jouir du mourir dans II, vi, et que le processus engage la vie et la mort autant que chacun représente l’autre dans les rôles alternatifs de l’image et du texte (p. 166). La relation touche la poésie, ajoute-t-elle dans Montaigne : l’écriture de l’essai, quand la signification va « au-delà » de la simple signification des vocables (p. 96).
13 Il est bon de rappeler que dans À la recherche du temps perdu, le narrateur demande au lecteur d’évaluer la signification d’un événement en faisant attention au signe verbal qui emblématise le conte suivant. Toujours, parfois, souvent, le samedi ou une fois, marquent les débuts de paragraphes dans Combray. Une fois est toujours un moment capital dans la recherche du temps perdu. De façon tout aussi complexe dans sa représentation d’un événement traumatique, Montaigne cache l’unité de son exemple en le cadrant à l’intérieur d’une mémoire soi-disant « fautive » que son projet livresque a généralement forcée à l’oubli. Pour Montaigne, le signe d’une « mauvaise mémoire » indique que le moment est souvent signalé avec une exactitude étrange : le livre est une machine à mémoire qui retrace toute perte expérimentée dans les mots écrits et les images. Donc, toute mémoire est consignée aux caractères imprimés sur la page.
14 Il serait redondant de comparer les identités que la formule de Montaigne partage avec les spéculations de Maurice Blanchot sur la mort et l’écriture dans Le Pas au-delà, Gallimard, Paris, 1973. Un auteur est la variante de l’autre. Blanchot a déjà encodé l’ordre du mouvement et celui de la visibilité de Montaigne dans « Parler, ce n’est pas voir », L’Entretien infini, Gallimard, Paris, 1969, p. 46 ff.
15 Montaigne préfère toujours la « douceur » d’une mort sereine à des morts moins attractives ou plus humaines. La mort naturelle qui vient de l’affaiblissement et de la maladie « me semble molle et douce », note-t-il plus tard (mais avec la même tournure de style), par rapport à celle que donne l’épée ou un feu d’arquebuse (harquebousade) (« De la vanité », 983).
16 Après « De l’exercitation », Montaigne établit souvent une identité de l’essai avec un effet, non seulement dans la logique brisée qu’il utilise (telle qu’esquissée par Éric Auerbach dans Mimesis) mais aussi dans l’amphibole visible et multiple due à la ressemblance du s médian au/dans l’épellation de effai et effect et dans leur orthographe. « De conclure par la suffisance d’une vie particulière quelque suffisance à l’usage public, c’est mal conclud ; tel se conduict bien qui ne conduict pas bien les autres et faict des Essais qui ne saurait faire des effaicts » (992, mes italiques). L’effet de l’essai est lié au titre de sa cause.
17 Dans ce sens, l’écriture est mystique, là où la signature ou le style du texte est une preuve du corps absent de l’écrivain. Voir Michel de Certeau, La Fable mystique, 14 ff, ou sa « lecture absolue », dans Problèmes actuels de la lecture, Clancier Guénaud, Paris, 1982, p. 76. La leçon anatomique que Montaigne offre se retrouve dans les livres illustrés qui se sont répandus de Holbein dans les années 1530 à Amboise Paré à la fin du siècle. Quelques-unes des relations verbales et visuelles du genre sont développées dans Devon L. Hodges, Renaissance Fictions of Anatomy, University of Massachusetts Press, Amherst, Massachusetts, 1985, p. 1-19.
18 Voir François Jacob, La Logique du vivant, Gallimard, Paris, 1970, chapitre 1.
19 Le Vieux Testament, rapporte Webster, vérifie le sens physique de astony : « Then Daniel was astonied for one hour » [« et puis Daniel fut étonné pendant une heure »] (Daniel, 4 : 19) ; « I rent my garment and mantle... and sat down astonied » [« Je déchirai mon habit et manteau... et m’assis étonné »] (Ezra : 9 : 3). Astonish est identique : « Enough, Captain, you have astonished him » [« Cela suffit Capitaine, vous l’avez assez étonné »] (Shakespeare) et « he had his wits astonished with sorrow » [« il avait ses esprits étonné de douleur »] (Sidney). Le verbe contient des significations lapidaires. Les origines extensives de estonnement se motivent dans les chiffres pliés dans le mot, du moins dans la présence de l’élément étranger, comme la vertu de la langue de Saussure, contenue dans l’orthographe de Montaigne. Serait-il légitime de voir le mot anglais stone (pierre) dans estonner ? Est-ce que l’œil interprétant va « trop loin » ou trop au-delà, au-delà des limites de la diction de Montaigne en cherchant un fragment pierreux de l’anglais enterré dans l’histoire gasconne de teston ? La diction tendrait à montrer qu’en fait la ramification des significations est permise.
20 La conséquence psychoanalytique du choix d’un nom propre à partir d’un ensemble arbitraire de lettres ou de caractères modifie la relation des noms aux choses dans les Essais. Piera Aulagnier nous rappelle que l’histoire de tout sujet se fait quand il ou elle crée la fiction d’une non-interchangeabilité. Quand le sujet ne fabrique pas une histoire pour évincer l’indifférence humaine, il ou elle risque de s’atrophier. La santé dépend de la création d’une fiction faite de figures sélectionnées, de métaphores, de relais, et même de caractères pour en désigner la différence. Le lecteur de Montaigne suit la naissance du sujet et son histoire d’une façon qui est développée dans L’Apprenti-historien et le Maître-sorcier, op. cit., p. 8-11.
21 Noté dans l’introduction ci-dessus, mais dépendant des notes de Saussure éditées par Jean Starobinski, dans Les Mots sous les mots, Gallimard, Paris, 1974.
22 La façon dont l’écriture de Montaigne articule un montage est étudiée de manière plus détaillée dans mon « Montaigne en montage : Mapping “De la vanité” » (III, ix), Montaigne Studies, no 3, 1991, p. 208-234, ou dans le chapitre 7 du Self-Made Map.
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