Ouverture
p. 9-11
Texte intégral
1C’est pour moi un honneur et une grande joie de vous accueillir à la journée d’études qui va être consacrée à l’examen de la Correspondance générale de Flaubert, pour saluer la publication de son troisième tome dans la Bibliothèque de la Pléiade, en 1991, par les soins de Jean Bruneau. La lecture de cette œuvre importante – j’emploie à dessein le mot « œuvre », car nous aurons certainement l’occasion d’y revenir aujourd’hui – ne peut en effet que susciter des réflexions aux flaubertiens et plus généralement aux amateurs de correspondance.
2Je voudrais tout d’abord exprimer ma sympathie et mon admiration à Raymonde Debray Genette et à Jacques Neefs, auxquels on doit la création et la poursuite exemplaire d’un programme Flaubert dans le cadre de l’ITEM, depuis 1979. Spécialisée dans les études de genèse à partir des brouillons manuscrits de Flaubert, cette équipe couvre un vaste champ d’action et tient régulièrement des séminaires à l’ENS de la rue d’Ulm. Pour la première fois, Raymonde Debray Genette et Jacques Neefs ont voulu donner à leur séminaire les dimensions d’un colloque, afin de rendre hommage à Jean Bruneau. Je tiens à les remercier d’avoir organisé cette rencontre, au nom de tous ceux qui sont ici présents.
3Pour recevoir un public plus nombreux, la Bibliothèque Nationale a mis son auditorium à la disposition des participants, en raison des liens anciens qui unissent étroitement l’ITEM à la BN et plus particulièrement au Département des manuscrits.
4Il est vrai que le fonds Flaubert compte parmi les grands ensembles du xixe siècle conservés par cet établissement. Si le noyau initial en est le don de manuscrits de l’écrivain consenti par sa nièce, Caroline Franklin-Grout, en 1914, et complété par le legs de 1931, il n’a cessé de s’enrichir au cours des années grâce à des dons et à des achats de qualité.
5La Nationale a d’ailleurs prouvé son attachement au grand écrivain normand en organisant deux expositions en son honneur : l’une en 1957, à l’occasion du centenaire de Madame Bovary, l’autre en 1980, pour commémorer le premier centenaire de la mort de son auteur.
6On doit préciser que si le fonds de la BN est riche en manuscrits de Flaubert, il est relativement pauvre en matière de correspondance. À l’exception des papiers de René Descharmes qui avait amassé originaux et copies de lettres de Flaubert en vue de son « édition du centenaire », à l’exception aussi d’ensembles de lettres adressées à l’éditeur Georges Charpentier, aux Concourt ou à Tourguenev, ne sont guère conservées que des lettres isolées. Je profite de l’occasion qui m’est donnée ici pour signaler l’entrée, en 1991, grâce à une dation en paiement de droits de succession, des lettres de Flaubert à Michel Lévy, l’éditeur de ses œuvres majeures, que Jacques Suffel a publiées en 1965 et dont un bon nombre se retrouve déjà dans le tome III.
7Ce bref rappel n’a d’autre but que de souligner les difficultés que Jean Bruneau a rencontrées, ainsi que la plupart des éditeurs dignes de ce nom, pour retrouver la trace de lettres disparues et combler ainsi les lacunes des éditions précédentes. Dans ce tome III qui couvre les années 1859 à 1868, il a introduit soixante-quatorze lettres inédites parmi lesquelles figurent notamment vingt-six lettres à Ernest Feydeau dont le roman Fanny, un peu oublié de nos jours, connut, en 1858, un succès de scandale comparable à Madame Bovary. Cet apport de documents inédits marque une étape dans la connaissance de l’écrivain qui, au fil de la plume, se laisse parfois aller à des confidences sur ses préoccupations d’auteur ou simplement d’homme.
8L’édition des correspondances générales n’est pas un phénomène récent. Flaubert en fournit la preuve puisque, dès 1887, sa nièce Caroline avait lancé une première entreprise chez Charpentier. Mais, en un siècle, les exigences scientifiques pour l’établissement des correspondances, comme pour l’édition des textes en général, ont augmenté considérablement. Elles visent en effet à l’exhaustivité des documents connus, à l’intégralité des textes reproduits et à la fiabilité des datations.
9Ces objectifs sont ceux des grands éditeurs contemporains, qu’il s’agisse d’écrivains du xixe siècle, comme Balzac ou George Sand, ou du xxe siècle, comme Proust ou Martin du Gard. Les correspondances dont nous disposons maintenant doivent mettre à la disposition des chercheurs un outil de travail qui permette des approches diverses : biographique, génétique ou thématique, et qui donne des informations précieuses sur les destinataires.
10C’est dire que la poursuite de l’édition de la Correspondance de Flaubert dans la Pléiade est un événement qui mérité d’être signalé, d’autant que la Pléiade édite peu de correspondances en regard des œuvres elles-mêmes. Madame de Sévigné, Voltaire, Baudelaire y ont trouvé place. C’est tout dire.
11Mais il est temps que je laisse la parole aux flaubertiens dont les interventions seront suivies de discussions sur celui qui écrivait, non sans mélancolie, à Laure de Maupassant, le 8 décembre 1862, après la parution de Salammbô :
Je fais dire beaucoup de sottises. Les uns me dénigrent, les autres m’exaltent […] telle est la gloire littéraire. Puis on parle de vous de temps à autre, puis on vous oublie et c’est fini.
12Nous avons la preuve aujourd’hui qu’il n’en est rien.
Auteur
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