IV. Le désintéressement ou la question de l’esthétique
p. 83-100
Texte intégral
1La théorie transmue ses objets en sa propre substance, c’est-à-dire en objets théoriques : concepts, définitions, lois, etc. Nul ne saurait lui reprocher de procéder de la sorte, si l’on entend par là qu’elle ne fait rien de plus et rien de moins que le travail que l’on est en droit d’attendre d’elle. Toutefois, quand elle confond ses constructions artificielles avec la réalité, quand elle prend ses concepts pour les objets eux-mêmes, elle manifeste une faiblesse d’autant plus inquiétante qu’on serait plutôt enclin, au départ, à lui reprocher sa tendance à prendre trop de distance avec la réalité, à trop soigneusement opérer le discernement entre ce qui relève de l’esprit et ce qui lui est extrinsèque. Il n’est pas de thème plus révélateur de cette tentation de la théorie que le grand leitmotiv qui parcourt obstinément l’esthétique : le désintéressement.
2Selon Jerome Stolnitz, non seulement cette idée est, en effet, un thème obligé de la théorie esthétique (Kant, Schopenhauer, Croce, Bergson, etc.), non seulement elle est aussi un thème caractéristique de la conception moderne de l’art (corrélatif à l’idée de l’autonomie de l’œuvre), mais encore son émergence fut le signe même de l’avènement de la pensée esthétique : l’« idée motrice » de la réflexion des philosophes britanniques du XVIIIe siècle (Shaftesbury, Burke, Allison, etc.) qui inventèrent l’idée de l’esthétique, à défaut du mot lui-même1. Ligoter aussi serré le désintéressement et l’esthétique, c’est vouloir, bien entendu, conforter le sentiment que l’esthétique se définit par un point de vue qui lui est propre et que ce fondement lui assure une légitimité inexpugnable. Mais l’art a-t-il quelque chose à voir avec ce point de vue ? Autrement dit, la problématique de l’intérêt esthétique est-elle ce qui doit nous guider lorsque nous nous intéressons à l’art ? La question essentielle n’est donc pas de savoir si l’intérêt esthétique est une notion séminale de la philosophie de l’art, mais de savoir quelle sorte d’attitude on adopte à l’égard d’un objet d’art et, accessoirement, s’il est utile de nommer esthétique cette attitude. George Dickie a développé une quantité d’arguments convaincants contre ce qu’il nomme le « mythe de l’attitude esthétique »2 ; à mon sens, toutefois, il n’a pas été assez loin dans sa critique. Il ne s’est pas demandé d’où vient ce mythe et à qui il profite – un peu comme on demande : « A qui profite le crime ? »
Nous ne pouvons pas comprendre la théorie esthétique moderne, écrit Jerome Stolnitz, sans comprendre le concept de « désintéressement ». Si une quelconque conviction est la propriété commune de la pensée moderne, c’est qu’un certain mode d’attention est inséparable et distinctif de la perception des belles choses3.
3On voit clairement, d’entrée, que ce que l’auteur appelle « théorie esthétique moderne » et qu’il définit aussitôt comme la théorie de la « perception des belles choses », nous serions tous d’accord pour l’appeler spontanément la théorie esthétique traditionnelle. Les expressions « théorie esthétique moderne » et « pensée moderne » pourraient donner à croire que l’on veut dénoter univoquement les formes actuelles de la réflexion sur l’art ; mais, en réalité, il ne s’agit ni de réflexion portant strictement sur l’art ni des formes actuelles de cette réflexion. On se méprendrait à juger que je cède ici à la manie d’ergoter, que le flou conceptuel n’est pas plus coupable à cet égard qu’il ne l’est dans nombre de textes pourtant ardus – ce serait faire bon marché d’autres flous qui entachent le propos de l’auteur.
4Lorsqu’il s’efforce d’accréditer l’hypothèse que la notion de désintéressement est une idée moderne largement partagée, il s’appuie sur cet argument :
La signification du « désintéressement » n’est pas (...) limitée à la théorie esthétique à proprement parler. A travers le prisme de la critique d’art et de l’appréciation ordinaire sur l’art et la nature, l’idée a également transformé les habitudes de la vision et du jugement. A notre propre époque, c’est devenu un tel lieu commun que l’œuvre d’art et l’objet esthétique sont généralement « autonomes » et « autosuffisants », et qu’ils doivent être appréhendés en tant que tels, que nous devons reprendre nos esprits.
5Or, revenons à la fameuse origine assignée par l’auteur à l’esthétique. Comme il l’a abondamment montré, il semble légitime de créditer Shaftesbury de la révélation du désintéressement, notion qui se définit au sein de différents domaines de l’activité humaine, notamment l’éthique, avant de s’appliquer à l’esthétique ; dans ce dernier cadre, il ne s’agit pas spécifiquement de l’œuvre d’art, mais de toute sorte d’objet artificiel ou naturel. Exemple, l’océan : en substance, le plaisir que l’on pourrait avoir à imaginer que l’on possède cette immense étendue marine à l’instar d’un amiral est « très différent de celui qui s’ensuivrait naturellement de la contemplation de la beauté de l’océan » (p. 134), en ce sens que dans le premier cas, il y a désir, tandis que, dans le second cas, le spectateur ne relie l’objet à aucune sorte de dessein qui le détournerait de l’acte de perception lui-même. Or, il semble tout aussi légitime de créditer Shaftesbury d’une autre révélation : l’autonomie du tableau. Le philosophe britannique affiche sa préférence pour le tableau par rapport aux peintures incrustées dans un environnement architectural, dans la mesure où le premier, encore nommé tablature, se caractérise par son autonomie en tant que tout, « en raison des relations mutuelles et nécessaires qu’entretiennent ses parties, comme il en va des membres d’un corps naturel »4. On entrevoit un lien possible entre désintéressement et autonomie : la propriété qu’a le tableau d’isoler son monde de l’environnement offre à l’activité de perception de la peinture des conditions privilégiées pour réussir sa concentration sur l’objet. Mais cela tendrait à signifier que la détermination de l’attitude réside plutôt dans l’objet que dans le sujet ; il s’agirait moins d’une manière de se comporter vis-à-vis de l’objet que d’une adaptation à ses conditions propres. Or, ces conditions du tableau ne sont pas celles de toutes les œuvres d’art, et encore moins celles de ce que Stolnitz appelle l’objet esthétique. L’autonomie de ce dernier, l’océan par exemple, procède d’une attitude de l’esprit, non point de sa configuration propre.
6C’est la question de la rationalité artistique qui affleure ainsi. On confond la rationalité propre à l’œuvre avec celle d’une attitude éventuellement capable de traiter un objet échappant à cette rationalité, mais qu’il est loisible de traiter comme s’il y participait. Le désintéressement
(...) signifie que nous ne regardons pas l’objet avec le souci d’un objectif ultérieur quelconque auquel il peut servir. Nous n’essayons pas d’utiliser ou de manipuler l’objet. Il n’y a pas d’autre objectif qui régisse l’expérience, si ce n’est celui justement d’avoir cette expérience. Notre intérêt réside dans l’objet seul, de sorte qu’il n’est pas pris pour le signe d’un événement à venir, comme la cloche du dîner, ni pour le signal d’une activité future, comme le feu de signalisation5.
7Cette définition appelle deux formules, l’une négative, l’autre positive : d’une part, le désintéressement élimine toute une gamme d’objectifs que l’on peut avoir vis-à-vis d’un objet ; d’autre part, le désintéressement a pour objectif unique la concentration sur un objet donné. Il élimine notamment les objectifs pratiques : utiliser l’objet, le prendre pour le signal d’une action. Jusque là, me permettra-t-on de noter toujours par souci d’exactitude plutôt que par maniaquerie, il n’est nullement question d’esthétique ni d’art. L’attitude du désintéressement semblerait être plutôt une disposition générale de l’esprit applicable à tout objet possible. Outre que la cloche du dîner est aussi bien un signal que le feu de signalisation (dans la citation de Stolnitz, le distinguo signe-signal ne semble guère recouvrir une antinomie précise6), il n’y a aucune raison pour qu’elle ne fasse pas aussi l’objet d’une attention désintéressée, sinon à devoir penser à nouveau que le désintéressement est lié à des propriétés de certains objets plutôt qu’à une certaine sorte d’attitude.
8« De nombreuses sortes d’“intérêt” sont exclues de l’intérêt esthétique » (p. 106). C’est cette simple formule qui, sans autre forme de procès, rétrécit le désintéressement à l’esthétique. Et ce sont les exemples qu’elle introduit qui accentuent le rétrécissement sur l’art. On en est encore à la face négative de la définition du concept. Le désintéressement élimine l’objectif qui répond à ce que j’appelle, pour ma part, un intérêt antiquaire :
(...) l’intérêt à posséder une œuvre d’art par souci d’orgueil ou de prestige. Un bibliophile, en voyant un manuscrit, n’est souvent intéressé que par sa rareté et son prix d achat, non par sa valeur en tant qu’œuvre littéraire. (Il y a des bibliophiles qui n’ont pas lu les œuvres qu’ils possèdent !).
9Comme je l’ai remarqué précédemment, le théoricien privilégie les exemples qui conviennent à sa théorie. L’idée de l’intérêt antiquaire met utilement l’accent sur la différence qui existe entre l’aura antiquaire et l’aura proprement artistique ; mais ce qui est vrai du livre, à savoir que la valeur littéraire de la Recherche du temps perdu est, à peu de choses près, autant perceptible dans un livre de poche que dans le manuscrit ou l’édition originale, ne l’est pas d’une œuvre plastique dont la valeur artistique semble inséparable de sa matérialité et donc de son statut d’original. Les connaisseurs penseront à juste titre que plane encore sur cette remarque l’ombre de Walter Benjamin.
10Le désintéressement élimine un autre objectif, celui que commande l’intérêt cognitif, ainsi dénommé par Stolnitz lui-même, soit
l’intérêt pris à acquérir une connaissance à propos de l’objet. Un météorologiste se soucie non de l’apparence visuelle d’une formation saisissante de nuages, mais des causes qui l’ont amenée. De même, l’intérêt que le sociologue ou l’historien manifeste pour une œuvre d’art, est cognitif. De plus, quand la personne qui perçoit l’objet, le « percevant », a l’intention de prononcer un jugement sur cet objet, son attitude n est pas esthétique. (...) l’attitude du critique d’art diffère de manière significative de l’attitude esthétique.
11Me frappe à nouveau dans cette citation l’ambiguité qui entachait la question du tableau ou celle de la cloche du dîner. Il y a une évidente dissymétrie entre l’exemple du météorologiste et le cas du critique : certes, l’un et l’autre ont une attitude à la fois pratique et intellectuelle envers leur objet ; certes, on peut imaginer que le désintéressement puisse s’appliquer autant aux nuages qu’à une œuvre d’art ; mais, tandis que le météorologiste n’est aucunement concerné par l’aspect esthétique de son objet, il est patent que le jugement du critique porte principalement sur la qualité esthétique du sien. De même, l’attitude de l’historien ou du sociologue n’est jamais totalement étrangère au fait que l’objet considéré est une œuvre d’art, c’est-à-dire un type d’objet qui est censé susciter de manière essentielle une relation de type esthétique.
12Outre l’intérêt pratique et l’intérêt cognitif, Stolnitz fait mention de l’intérêt que l’on peut nommer idéologique et qui comprend la morale, la religion ou la politique. Investir son intérêt idéologique dans la relation esthétique, c’est superposer à l’objet des valeurs positives ou négatives qui bloquent tout accès à la « qualité individuelle » de cet objet :
Il se peut qu’un Mahométan dévot ne soit pas capable de s’astreindre à regarder très longtemps une peinture de la Sainte Famille, à cause de son animosité envers la religion chrétienne (p. 107).
13Stolnitz donne d’autres exemples, comme l’adhésion à certaines valeurs morales ou intellectuelles qui bloquent l’appréhenion d’un roman : dans pareil cas, dit-il,
Nous n’avons pas lu le livre esthétiquement car nous avons interposé des réponses morales ou autres, qui nous sont propres, et qui lui sont étrangères. Nous ne pouvons dès lors dire que le roman est esthétiquement mauvais (...).
14Certes, mais nous avons lu le livre et celui-ci comporte vraisemblablement l’exposé de valeurs qui sollicitent une réaction de notre part sur leur propre plan. Ainsi, la relation esthétique pure ou bien supposerait un type d’œuvre neutre, ce qui est empiriquement invraisemblable, ou bien consisterait en une neutralisation de tout jugement de valeur, ce qui, dans le cas, au contraire probable, où l’œuvre prend parti affectivement, idéologiquement ou moralement, introduit une inutile discordance entre elle et son récepteur. C’est pourtant cette solution que l’auteur adopte résolument : « Nous devons (...) inhiber toutes les réponses qui sont “dénuées de sympathie” pour l’objet, lesquelles aliènent l’objet ou nous rendent hostiles à son égard. »
15Par parenthèse, non seulement on peut douter que la relation à l’œuvre exige ou laisse possible semblable épuration, mais encore on peut se demander s’il est pertinent de ramener la valeur esthétique à un contenu pur et unique. Car chaque fois qu’il s’agit, dans un cadre théorique, de définir purement quelque chose, le processus de définition prend le pas sur le contenu à définir – et cela occasionne, en l’occurrence, un renversement pour le moins spectaculaire. Lorsque Platon définit l’idée du Beau dans le Banquet non seulement il en est réduit à une démarche apophatique (le Beau n’est pas ceci, n’est pas cela, etc.), mais encore c’est l’idée d’idée qu’il définit en fait, c’est-à-dire un schème applicable au bon, au juste, au bien tout autant qu’au beau. De même, lorsque Stolnitz définit la valeur esthétique, il accumule les négations qui l’expurgent de tout contenu parasite, complexe ou contradictoire, en sorte que son schème de définition pourrait bien être applicable à la valeur en général, à l’idée de valeur, et, par voie de conséquence, aux valeurs cognitives, pratiques, morales, en tant qu’elles participent de la notion générale de valeur.
16A propos d’une discussion sur le mode d’attention ou de perception qui caractérise l’appréhension esthétique, il réfute l’idée qu’il serait une sorte de « regard vide, comme celui d’une vache » ; et d’ajouter : « Il est facile de tomber dans cette erreur quand nous trouvons la perception esthétique décrite comme une affaire de “simple regard”, sans aucune activité ou aucun intérêt pratique » (p. 108). On peut être surpris de voir ressurgir ici l’intérêt pratique, comme on sera surpris aussitôt après de voir inclure dans l’attitude esthétique un comportement cognitif. En fait, il convient de distinguer deux niveaux : celui de l’intérêt esthétique qui exclut les intérêts pratique et cognitif étrangers à sa propre préoccupation et susceptibles d’aliéner l’objet ; celui de l’attitude qui satisfait l’intérêt esthétique, laquelle engage pratiquement (et même corporellement) le sujet et nécessite une activité intellectuelle vis-à-vis de l’objet. Loin d’être un moment faible, la perception esthétique est une tension du corps et de l’esprit qui vise au « discernement » (p. 109) de l’objet isolé ; le corps se met au service d’une attitude analytique :
Si on a eu la chance d’étudier la littérature avec un professeur capable, on sait comme une pièce ou un roman peuvent devenir pleins de vitalité et d’attrait quand on apprend à chercher les détails auxquels on était auparavant insensible.
17L’inhibition qui fonde l’intérêt esthétique introduit donc une attitude intellectualiste, en sorte que le simple lecteur du roman se distingue du critique, non pas par son mode de relation à l’œuvre, mais par le fait que son intention est différente : il l’analyse sans avoir l’intention de l’analyser7 ou plus exactement sans chercher à tirer de son analyse d’autre profit que la communion (empathy) avec l’objet.
18Au bout du compte, le noyau de la conception de Stolnitz réside dans l’idée que toutes les espèces d’intérêts possibles, hormis l’intérêt esthétique, se caractérisent par le fait que leur objectif consiste à viser un objet impur,
eu égard à ses origines et à ses conséquences, à ses interrelations avec d’autres choses. En revanche, l’attitude esthétique « isole » l’objet et se concentre sur lui – l’apparence des rochers, le son de l’océan, les couleurs de la peinture (p. 106).
19Cette énumération d’objets possibles du désintéressement est significative : d’une part, elle amalgame des objets naturels, y compris l’exemple de Shaftesbury, avec l’œuvre d’art ; d’autre part, concernant celle-ci, elle détache un aspect du tableau (par exemple), les couleurs, sans tenir compte de la spécificité du cadre qui surdétermine cet aspect – et, en l’occurrence, du fait que ce cadre au sens large est précisément un cadre au sens strict (de la limite du support, voire de l’encadrement). Pourtant, l’auteur vient d’affirmer que, sous l’obédience de l’attitude désintéressée, « l’objet n’est pas vu de manière fragmentaire ou passagère, comme il l’est dans la perception “pratique” (...). On insiste sur toute sa nature et sur son caractère. » Au vrai, le désintéressement est un processus d’abstraction dont la finalité reste volontairement floue. Doit-on considérer le cadre du tableau comme l’une des « interrelations avec d’autres choses », auquel cas le processus d’isolement consisterait à abstraire la peinture de son support ? Ce qui constitue la globalité de la « nature » d’une peinture n’est-ce pas justement son conditionnement spécifique, vis-à-vis duquel les couleurs ou tout autre ingrédient n’est qu’un aspect parmi d’autres ? L’objet artistique est, en général, un objet complexe qui comporte déjà en lui-même toute une série d’interrelations d’aspects différents. De deux choses l’une : ou bien l’intérêt esthétique porte sur l’un de ces aspects, et il n’est pas globalisant ; ou bien il embrasse leur globalité, et la concentration de l’esprit est déterminée par la rationalité qui détermine cette globalité.
20La définition du désintéressement comporte un autre paradoxe que l’on a effleuré plus haut. La privation d’intérêt qu’indique le préfixe dés- (du latin dis-) caractérise l’ascèse qui délie l’objet de toute adhérence pratique, de tout intérêt extrinsèque, mais ne rend pas absolument raison de l’attitude esthétique qui est une certaine forme d’intérêt, putôt que l’absence de tout intérêt.
Il devrait être clair, écrit Stolnitz, qu’être « désintéressé » est très loin d’être « in-intéressé ». Au contraire, comme nous le savons tous, nous pouvons nous absorber intensément dans un livre ou un film, de sorte que nous devenons beaucoup plus « intéressés » que nous ne le sommes habituellement au cours de notre activité « pratique » (p. 106-107).
21Fidèle à sa démarche, l’auteur joue une fois de plus sur l’équivoque que j’ai déjà pointée à plusieurs reprises. Il est clair, en effet, que le fait d’être absorbé par un livre n’a rien à voir avec un rapport esthétique à cet objet ; si nous lisons un ouvrage scientifique difficile, nous cherchons à nous concentrer le plus possible, accueillant avec agacement les parasites extérieurs qui viendraient nous déranger, mais cela ne qualifie aucunement notre attitude comme esthétique. On en revient à l’idée que la définiton de Stolnitz dénote une attitude générale de l’esprit, dont l’esthétique n’est qu’une variante possible (et cela revient à dire qu’il ne donne de cette dernière aucune définition spécifique). Cette attitude se définit par abstraction vis-à-vis de tout ce qui pourrait l’altérer, par focalisation sur un objet déterminé à l’exclusion de tout autre et, en fin de compte, elle n’a d’autre contenu que son intensité. En fait, le désintéressement serait le comble de l’intérêt, un intérêt qui se renferme en lui-même pour atteindre l’intensité maximum, un intérêt exclusif, absolu.
22Dans les premières pages du livre qu’il consacre à l’esthétique de Kant8, Olivier Chédin réfute la célèbre critique nietzschéenne de la théorie du désintéressement et, ce faisant, développe, au profit de l’auteur de la Critique du jugement des arguments comparables à ceux de Stolnitz et, en particulier, à sa réfutation de la confusion entre désintéressement et in-intéressement. Rappelons à cette occasion, le très beau texte de Nietzsche :
Schopenhauer a mis à profit la conception kantienne du problème esthétique, – quoiqu’il ne l’ait certainement pas regardée avec des yeux kantiens. Kant pensa faire honneur à l’art lorsque, parmi les prédicats du beau, il avantagea et mit en évidence ceux qui font l’honneur de la connaissance : l’impersonnalité et l’universalité. (...) Kant, comme tous les philosophes, au lieu de viser le problème esthétique en se basant sur l’expérience de l’artiste (du créateur) n’a médité sur l’art et le beau qu’en « spectateur » et insensiblement a introduit le « spectateur » dans le concept de « beau ». Si du moins ce « spectateur » avait été suffisamment connu des philosophes du beau ! – s’il avait été chez eux un grand fait personnel, une expérience, le résultat d’une foule d’épreuves originales et solides, de désirs, de surprises, de ravissement sur le domaine du beau ! Mais ce fut toujours, je le crains bien, tout le contraire : en sorte que, dès le principe, ils nous donnent des définitions, où il y a, comme dans cette célèbre définition du beau que donne Kant, un manque de subtile expérience personnelle qui ressemble beaucoup au gros ver de l’erreur fondamentale. « Le beau, dit Kant, c’est ce qui plaît sans que l’intérêt s’en mêle. » Sans intérêt ! A cette définition comparez cette autre qui vient d’un vrai « spectateur » et d’un artiste, Stendhal, qui appelle une fois la beauté une promesse de bonheur. En tout cas nous trouvons récusé et éliminé ici ce que Kant fait ressortir particulièrement dans l’état esthétique : le désintéressement9.
23Pour Chédin, ce texte ne vise pas la bonne cible et ses flèches sont truquées. S’appliquant plutôt à Schopenhauer et se méprenant sur les positions de Stendhal10, la critique nietzschéenne serait une caricature de la théorie de Kant. En effet,
Désintérêt [pour Kant] signifie seulement et précisément que sous le « charme » du beau je ne m’intéresse à rien d’autre qu’à l’effet de plaisir ou de peine que produit sur ma subjectivité (état de l’esprit) la perception actuelle de la forme de l’objet. (...) Désintérêt signifie donc que l’appréhension esthétique néglige toute sorte d’intérêt (pathologique, théorique, pratique) qui pourrait s’interposer, s’entremettre (inter-esse) entre moi-même et le plaisir que j’éprouve à me représenter la forme de l’objet – à me la (re)présenter immédiatement, c’est-à-dire sans médiation d’aucun « intérêt ». C’est l’exclusion de tout intermédiaire qui me détourne de considérer autre chose que le pur plaisir ressenti en moi-même. C’est donc très clairement le refus que tout autre espèce de critère que le plaisir puisse décider le jugement de goût11.
24On appelle ordinairement désintéressement, l’attitude qui consiste à agir sans chercher un profit personnel ; l’homme désintéressé est en quelque sorte possédé par l’objet de son activité, il se met tout entier à son service, il fait don de lui-même à cet autre. Ce n’est pas cette finalité altruiste qui est prise en compte par Kant, puisque, pour lui, au contraire, le spectateur désintéressé viserait à profiter absolument du plaisir que lui procure l’objet esthétique. On retrouve chez Stolnitz l’idée d’une relation à l’objet qui exclut toute médiation d’un quelconque intérêt autre que celui qui s’investit dans cette relation, mais sa position diffère significativement de celle de Kant : il ne développe pas explicitement la dimension subjectiviste de l’attitude esthétique, sa théorie de l’inhibition recommandant plutôt l’isolement de l’objet sur ses qualités propres que la recherche, à travers lui, d’un plaisir pur. « Pour maintenir l’attitude esthétique, nous devons laisser l’objet nous guider et répondre de concert avec lui12. »
25Quoi qu’il en soit de l’honnêteté intellectuelle de Nietzsche, sérieusement remise en cause par le thuriféraire de Kant, son propos conserve une force incomparable en ce sens qu’il contient une critique précise, par-delà le contenu de la thèse du désintéressement, du point de vue à partir duquel elle est produite. Bourdieu n’a pas manqué d’être sensible à cet aspect, le commentant en ces termes :
L’intellectualisme, écrit-il dans le Sens pratique, est inscrit dans le fait d’introduire dans l’objet le rapport intellectuel à l’objet, de substituer au rapport pratique à la pratique le rapport à l’objet qui est celui de l’observateur13.
26Plus finement encore, Nietzsche nous décrit la tentation du théoricien qui, non seulement adopte le point de vue du spectateur, non seulement interpose entre lui et son objet l’attitude du spectateur, mais encore construit le concept de cet objet suivant le modèle de cette attitude. C’est, somme toute, parce que le point de vue philosophique exige du philosophe qu’il aborde l’art, entre autres objets, avec détachement, qu’il doit produire une définition de l’art, de prime abord négative, où celui-ci est caractérisé comme un objet de détachement. On rétorquera que, pour Kant, le jugement de beauté, indifférent à l’existence de l’objet jugé, s’identifie au plaisir pur que suscite la relation subjective que nous contractons avec lui, à l’exclusion de toute médiation supplémentaire14. En fait, Kant donne à « intérêt » un sens tout particulier, « la satisfaction que nous lions avec la représentation de l’existence d’un objet » ; mais le sens profond que l’on peut induire de la remarque de Nietzsche, c’est que le point de vue même du théoricien contredit l’isolement sur le seul intérêt esthétique qu’il préconise en introduisant sa propre médiation théorique dans la construction de la notion d’intérêt esthétique. Aussi bien le rejet de tout intérêt impur que la notion d’un plaisir pur caractérisent la forme d’esprit du théoricien qui n’a pour seul intérêt envers l’objet que de maîtriser conceptuellement le mode de relation supposé définir son appréhension.
27Ce qui caractérise, par contraste, l’esprit artistique, celui de l’artiste ou du spectateur possédant une authentique expérience de l’art, c’est non seulement qu’il s’investit dans l’objet avec une intensité incomparablement plus forte que celle que le théoricien décrit – elle engage son corps autant que son esprit –, mais surtout que son investissement caractérise une espèce déterminée d’intérêt dont la définition a toutes les chances d’être mieux illustrée et mieux défendue par les artistes, par-delà le caractère approximatif de leurs discours, que par les théoriciens. Chédin termine son livre sur ce bel aveu :
(...) peut-être n’a-t-on pas suffisamment réfléchi aux raisons qui ont dû conduire Kant à privilégier la beauté naturelle comme à désigner les œuvres les plus futiles (mais aussi les plus « abstraites ») de l’art décoratif comme prototypes de beauté libre. On s’apercevrait alors que son esthétique n’a pas eu l’art qu’elle méritait et qu’elle a su, fort heureusement, se tenir à distance d’un art contemporain excessivement « artistique »15.
28L’aveu est, en effet, somptueux ! D’un côté, on reconnaît que l’exemplification du théoricien est entachée d’une imperfection chronique ; de l’autre, on retourne le défaut à son profit, en laissant entendre que l’art n’est pas à la hauteur du fantasme théorique construit par le philosophe pour son propre compte...
29Globalement, le débat entre Kant-Stolnitz, d’un côté, et Nietzsche, de l’autre, concerne le sens du terme esthétique. Pour les premiers, il s’agit d’un terme très général désignant une attitude susceptible de s’appliquer à toute chose : « (...) n’importe quel objet peut être appréhendé esthétiquement, écrit Stolnitz, c’est-à-dire qu’aucun objet n’est intrinséquement inesthétique16. » Cette idée introduit une discussion sur le jugement de goût, en ce sens qu’à une conception, dite traditionnelle par l’auteur, selon laquelle le prédicat esthétique sélectionne certains objets en vertu de leur obéissance à certaines règles (par exemple, les règles du beau, de l’harmonie, de la perfection), se substitue une conception, disons moderne, selon laquelle l’attribution de ce prédicat ne serait pas prédéterminée par des règles, en sorte que son extension est ouverte. L’art nous apporte la « meilleure preuve de l’élargissement » du domaine de l’esthétique (p. 111), dans la mesure où son concept s’est étendu à de nouveaux objets (aussi bien par ses propres objets que par les sujets qu’ils représentent). Mais cela ne veut pas dire qu’il soit un objet privilégié du domaine esthétique, pour lequel celui-ci serait essentiellement construit. En suivant l’optique nietzschéenne, on peut concevoir, au contraire, l’esthétique comme une théorie essentiellement centrée sur l’art, sur la rationalité artistique, l’intérêt esthétique étant, dans ses conditions, identifié à l’intérêt artistique. A l’idée que l’artistique serait une spécification possible de l’esthétique s’oppose donc l’idée que l’esthétique serait une spécification possible de l’artistique. De ce second point de vue, l’élargissement du domaine de l’art n’est pas nécessairement un élargissement corrélatif de l’esthétique. C’est ainsi que pour les tenants de l’art conceptuel, comme Sol Le Witt par exemple, l’effet esthétique de l’œuvre est un épiphénomène vis-à-vis de l’idée qui préside à cette œuvre, l’idée étant « la machine qui fait l’art »17 ; il ne s’agit pas de demander que chacun partage cette conception, mais de constater qu’elle explore un possible qui soustrait l’art au tribunal du jugement esthétique, du moins pour ce qui regarde le point de vue de la création.
30Dans le même ordre d’idées, j’ai montré ailleurs18 qu’il convenait de se méfier de l’amalgame entre le désintéressement des esthéticiens et la façon qu’a Duchamp de traiter l’esthétique du readymade. Parce que le choix de ce dernier n’est, selon l’artiste, « jamais dicté par quelque délectation esthétique » mais toujours « fondé sur une réaction d’indifférence visuelle »19, on l’interprète parfois comme une manifestation moderne du désintéressement. C’est un lourd contresens que Dickie met maladroitement en évidence à travers sa réflexion sur les propriétés physiques de Fontaine. Il ne s’agit ni de réhabiliter comme esthétiques (au sens traditionnel) les propriétés plastiques de l’objet ordinaire ni de plaider pour une sorte d’anesthésie générale vis-à-vis d’elles, puisqu’elles doivent rester ce qu’elles sont globalement, à savoir ordinaires (par delà le beau et le laid). En mettant essentiellement en avant l’ordinaire Duchamp veut lutter contre le luxe esthétique de l’art, contre les chefs-d’œuvre produits en série ; le peintre qui produit sans arrêt et uniformément, pense-t-il, « se condamne au remplissage de chaque jour »20, si bien qu’il s’enferme dans un goût. Or, cette prétention à la valeur esthétique, fondée sur une standardisation du goût, ne doit pas être confondue avec la garantie d’une attestation artistique, ce que démontre, en quelque sorte par l’absurde, le choix d’un objet quelconque, prélevé paradoxalement dans une série manufacturée dont les éléments sont insignifiants, indistincts, esthétiquement neutres, et promu au rang de l’art par le simple fait que celui qui opère cette action, étant artiste, a le pouvoir ou l’opportunité de tenter cette opération. On comprend aussi qu’il abandonne le readymade aussitôt qu’il constate que s’instaure un goût du readymade ; il s’ensuit de la promotion comme art du readymade que l’effet esthétique de la série artistique le menace à son tour : un goût du readymade risque de s’instaurer, et il faut donc interrompre la série... Fondamentalement, il s’agit de ranimer sans cesse l’authenticité du geste artistique, en dénouant l’artiste de tout assujettissement esthétique.
31Évidemment, récepteur et créateur n’occupent pas la même position, en sorte que leurs expériences et leurs attitudes respectives ne sauraient être absolument confondues. Dans la position du récepteur, il ne semble pas possible de faire abstraction du point de vue esthétique, lors même que l’objet proposé procède d’une manipulation strictement sérielle ou conceptuelle. Mais cela ne signifie pas que le récepteur soit en mesure de considérer esthétiquement l’œuvre d’art comme n’importe quelle sorte d’objet naturel ou artificiel, c’est-à-dire abstraction faite du contexte artistique (cadre de présentation, institution) où elle est perçue et qui est comme le système de référence de sa philosophie implicite. Par ailleurs, chacun sait que l’artiste qui veut produire une œuvre doit mettre, comme on dit, la main à la pâte, mais qu’alternent aussi avec cette activité manuelle des moments de réception, où il prend plus ou moins de distance vis-à-vis de l’objet qu’il façonne, interrompant le processus de création pour en évaluer le résultat transitoire ou définitif. Ainsi, l’activité artistique contient un moment esthétique ou, en d’autres termes, l’esthétique de la réception commence avec la création elle-même. Il ne s’agit donc pas d’opposer une esthétique de la réception à une esthétique de la création (ou, dans les termes de Valéry, l’esthésique à la poïétique). Il s’agit de considérer que le pôle central de la théorie de l’art c’est l’artiste, bien entendu créateur, mais déjà récepteur, en sorte que, par son biais, la raison artistique spécifie la raison esthétique. Une fois cette spécification opérée, il devient possible de penser la dimension esthétique au sein de la philosophie de l’art.
32Si la théorie du désintéressement échoue à rendre compte de la relation à l’art, c’est qu’elle construit une représentation de l’attitude du récepteur des œuvres qui est d’emblée et radicalement dissociée de l’attitude spécifiquement artistique d’où procèdent ces œuvres. Corrélativement, la théorie du désintéressement transforme la réception en attitude théorique concentrée sur le bénéfice pur qu’elle tire de sa concentration en elle-même. Le lien entre cette forme de concentration et celle qui correspond à la conscience de l’autonomie de l’œuvre est ténu. Depuis Shaftesbury, on se montre sensible au fait que le tableau, en tant qu’objet transportable et espace fermé, appelle une focalisation particulière de l’attention qui définit l’œuvre d’art comme monde autosuffisant. Si cette condition de réception appelle, comme le dit Stolnitz, « une absorption et un intérêt consciencieux » (p. 110), pourquoi vouloir la recouvrir obstinément par la notion de désintéressement qui implique à tout coup la dénégation de la privation que son nom indique : non, le désintéressement, qui est une absence d’intérêt, n’est pas l’absence de tout intérêt ! On tourne inévitablement dans un cercle vicieux à définir le désintéressement comme la concentration de la réception sur le seul intérêt de cette concentration. N’importe quoi peut y satisfaire, mais aucune situation pratique ne semble le rendre possible. Lorsque « l’attitude esthétique isole l’objet et se concentre sur lui », c’est que, dans le cas de l’art, l’objet est isolé lui-même et, simultanément, inclu dans un contexte spécifique qui fonde cet isolement. Nous communiquons avec un objet distingué dans un environnement qui assume cette fonction. Entrons-nous jamais en communication avec une œuvre d’art sans passer par la médiation d’un conditionnement spécifique qui détermine notre attitude de réception ? Par ailleurs, les conditions institutionnelles de ce conditionnement sont communes à l’artiste et au récepteur.
33« C’est l’attitude que nous prenons qui détermine notre façon de percevoir le monde » affirme Stolnitz pour commencer (p. 103). Dont acte. Mais l’attitude que nous prenons est préalablement déterminée par les conditions sociales et historiques dans lequelles nous communiquons avec un fragment du monde, et ces conditions comportent elles-mêmes des suggestions plus ou moins contraignantes envers les façons possibles de percevoir un tel fragment, surtout quand, au lieu de s’offrir librement à notre regard à la manière d’un coin de nature, il est enchâssé dans un cadre formel et dans un cadre institutionnel déterminés. On identifie évidemment dans la dénégation de ce double enchâssement, dans l’effacement de toute condition externe interposée entre l’objet et son contemplateur, une attitude d’intellectualisme absolu visant à installer le philosophe, destinataire privilégié de cette vision des choses, dans un monde tout offert au plein usage de son libre-arbitre. On pourrait croire que ce schème permette, en tout cas, de penser la conception de l’art qui, analogiquement, demande l’installation de l’artiste dans un monde séparé où son autosuffisance puisse s’exercer absolument : l’art pour l’art. Cette croyance justifierait, par exemple, que l’on affirme, comme Lucien Stéphan, que « La notion d’art pour l’art est la vulgarisation de la notion kantienne de finalité sans fin »21. Il paraît peu probable que l’auteur ait voulu employer le mot « vulgarisation » dans le sens strict de l’adaptation volontaire de connaissances spécialisées à un public de non spécialistes, voire au mythique grand public ; mais on n’aurait pas moins de mal à admettre que l’art pour l’art se limitât à n’avoir été que la version naïve d’une idée dans l’air du temps dont la philosophie eût préalablement donné l’exacte traduction. A l’aune du thème du désintéressement, on comprend justement que la revendication d’autosuffisance avancée par les tenants de l’art pour l’art, au lieu de viser une attitude de contemplateur cherchant à s’isoler dans la pureté de la relation esthétique à l’œuvre, soit l’attitude philosophique de Kant ou Stolnitz, vise une attitude de créateur cherchant à se concentrer dans l’intégrité de la relation artistique à l’œuvre — en bref, on comprend qu’elle recherche l’ultime, et sans doute inaccessible, degré où se manifeste l’intérêt artistique spécifique.
Notes de bas de page
1 « On the Origins of “Aesthetics Disinterestedness” », Journal of Aesthetics and Arts Criticism, vol. XIX-XX, 1961, p. 131 sq.
2 « Le mythe de l’attitude esthétique » (« The Myth of the Aesthetic Attitude », The American Philosophical Quaterly, I, 1964, p. 56-65), in Philosophie analytique et Esthétique, op. cit., p. 115-134.
3 « On the Origins of “Aesthetics Disinterestedness” », op. cit., p. 131.
4 « A Notion of The Historical Draught or Tablature of the Judgment of Hercules » (1712), cité par Michael Fried, la Place du spectateur, Esthétique et Origines de la peinture moderne, trad. par Claire Brunet, Paris, Gallimard, Coll. « nrf Essais », p. 91 (Absorption and Theatricality. Painting and Beholder in the Age of Diderot, Berkeley, Los Angeles, London, University of California Press, 1980, p. 89).
5 « Le mythe de l’attitude esthétique », op. cit., p. 106-107.
6 Le signal est une variété de signe qui indique une action : celui qui entend la cloche et qui l’interprète comme signal du dîner, se lève et se dirige vers le lieu ad hoc, de même que celui qui voit le feu passer à l’orange ralentit.
7 Ibid., p. 110 : bien que l’emploi du mot « contemplation » soit problématique, note Stolnitz, eu égard à la vigueur de l’attention esthétique, il signale que « la perception est orientée vers l’objet tel quel et que le spectateur ne se soucie pas de l’analyser ou de poser des questions à son sujet ».
8 Sur l’esthétique de Kant et la théorie critique de la représentation, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, Bibliothèque d’histoire de la philosophie, 1982, p. 7 sq.
9 Généalogie de la morale, trad. Henri Albert, Paris, Gallimard, nrf, Coll. « Idées », 1964, Troisième Dissertation, § 6, p. 153-154. (Zur Genealogie des Moral, Leipzig, 1895)
10 Dans de l’Amour, note Chedin (op. cit., p. 20), Stendhal ne dit pas « “la beauté est une promesse de bonheur”, mais “la beauté n’est que la promesse de bonheur” » (Paris, Garnier-Flammarion, Livre I, chap. XVII, note, p. 64). Et de gloser sur le ne... que qui serait restrictif. Or, dans l’Histoire de la peinture en Italie (éd. H. Martineau, Paris, Le Divan, 1931, t. I, p. 131) Stendhal dit : « La beauté est l’expression d’une manière habituelle de chercher le bonheur ; les passions sont la manière accidentelle. »
11 Op. cit., p. 18. Si le désintérêt se définit ainsi, n’est-il pas mal nommé ? Il y a désintérêt vis-à-vis de la gamme des intérêts exclus, mais il y a intérêt vis-à-vis du plaisir.
12 Philosophie analytique et Esthétique, op. cit., p. 107.
13 Paris, Éditions de Minuit, Coll. « Le sens commun », 1980, p. 58.
14 Critique de la faculté de juger, Première Section, Livre I, § 2, trad. A. Philonenko, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 1974, p. 50-55. (Kritik der Urteilskraft, 1790.)
15 Op. cit., p. 286. Souligné par moi.
16 Philosophie analytique et Esthétique, op. cit., p. 110.
17 « Paragraphs on Conceptual Art », op. cit., p. 166.
18 Cf. « Langue philosophique et théorie de l’art dans les écrits de Marcel Duchamp », les Cahiers du musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, no 33, automne 1990, p. 40-53 ; cf. aussi ma thèse et le Concept d’art.
19 Duchamp du signe, op. cit., p. 191.
20 Ingénieur du temps perdu, entretiens avec Pierre Cabanne, Paris, Pierre Belfond, 1967-77, p. 121.
21 L’Art africain, op. cit., p. 51.
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