Présentation de « Philologie de la littérature mondiale » d’Erich Auerbach
p. 15-23
Texte intégral
1« Philologie der Weltliteratur » (1952) demande à être lu en relation avec les deux autres traités de méthode qui accompagnent et prolongent la publication de Mimésis (1946) : « Epilegomena zu Mimésis » (1953) et « Über Absicht Und Method » (1958)1. Des volets de ce triptyque, seul le premier n’avait pas encore bénéficié d’une traduction française. C’est un signe parmi d’autres de l’incuriosité du public français à l’égard d’un article dont la fortune a été grande ailleurs. Traduit en anglais par Marie et Edward Said en 1969, « Philology and Weltliteratur » – c’est le nom qui lui est donné outre-Atlantique – doit, en effet, à la lecture qu’en a proposée l’auteur d’Orientalism, d’avoir pris rang parmi les textes fondateurs des postcolonial studies2. Si Auerbach fait partie des très rares historiens de la littérature à jouir dans toutes les parties du monde occidental d’un statut de « classique », si aucune scène littéraire ne l’ignore, sa présence est, bien sûr, plus ou moins discrète ou insistante ; elle se colore différemment en fonction des intrigues locales, des rencontres, des admirations. Ici son œuvre se resserre, là elle se ramifie selon que Mimésis, l’ouvrage qui en constitue l’Acropole, est considéré isolément ou comme le carrefour d’où rayonne un cheminement d’articles. En Italie, tout autant que l’auteur de Mimésis, Auerbach est celui des mémorables Studi su Dante, très largement ignorés de la critique francophone, tout au moins jusqu’à une date récente, puisque la situation éditoriale a considérablement évolué au cours de la dernière décennie : Marc André Bernier et Robert Kahn, dans la revue Po & sie puis dans la collection « L’Extrême contemporain » des éditions Belin, Diane Meur pour les éditions Macula, ont accru, dans des proportions considérables, la part de l’œuvre d’Auerbach traduite en français, ménageant ainsi des perspectives inédites, assurant une visibilité nouvelle à des textes susceptibles désormais d’excéder le cercle restreint de l’attention savante, redéploiement tardif d’une œuvre à la fois prestigieuse et méconnue, qui n’est pas sans signification ni sans incidence sur l’état actuel du souci littéraire en France3.
2Mimésis ne peut être considéré, Auerbach lui-même y insiste, détaché des circonstances qui ont présidé à sa rédaction et qui engagent une partie de son sens ; prétendre les ignorer, ce serait en effet méconnaître la dimension irénique de l’ouvrage, profession de foi envers une civilisation occidentale déchirée qu’il s’agit de rassembler autour de ce qui fait la plus précieuse, la plus lumineuse part de son héritage4. Publiée en 1946, cette synthèse historique dont l’intrigue court de Homère à Virginia Woolf a été écrite, rappelons-le, entre mai 1942 et avril 1945, à Istanbul – ville qui incarne mieux qu’aucune autre, parce qu’elle fut l’un des foyers de l’Occident, ce sentiment d’intime altérité que recueille et condense l’idée d’Orient ; Auerbach, destitué par l’administration nazie de sa charge d’enseignement à l’Université de Marburg, y trouve refuge en 1936, succédant à Leo Spitzer dans la chaire de « romanistique » qu’il occupera jusqu’en 1947, date à laquelle il gagne les États-Unis, où il enseigne jusqu’à sa mort – dix ans plus tard. Dans Mimésis, Auerbach se montre remarquablement avare de déclarations d’intention : l’ouvrage se construit en avançant ; seules la « Postface » et quelques très rares digressions, situées pour l’essentiel dans le dernier chapitre, participent d’une dimension réflexive qui prend la forme du regard jeté par dessus l’épaule5. En 1952, dans « Philologie der Weltliteratur », le regard se fait prospectif. Adossé à une tradition de critique historiste, celle de la philologie romane qui envisage autant que les littératures nationales l’englobant qui les tient ensemble, Auerbach examine les conditions d’exercice d’une « philologie mondiale » puisque, désormais, constate-t-il, c’est la terre qu’il faut considérer comme « notre patrie philologique ».
3Dans la correspondance qu’il entretient, dans les années 1930, avec Walter Benjamin, Auerbach, acteur et spectateur d’un processus qu’il désapprouve, voit dans la modernisation brutale que le mouvement kemaliste impose à la Turquie, au risque de la couper d’un passé déjà devenu presque illisible pour la jeune génération, un symptôme de l’uniformisation accélérée de la planète dont il est à craindre qu’elle n’aboutisse, « d’une manière douloureuse et sanglante », une fois les différences culturelles arasées, à l’avènement de « l’Internationale de la trivialité » et de « l’espéranto de la culture »6. Auerbach tire des années de guerre, ce « séminaire pratique d’histoire mondiale » que les années 1950 continuent sous une autre forme – litote à la fois tonique et douloureuse –, la certitude de vivre « en un kairos de l’historiographie intelligente ». En effet, si la diversité est une condition de la littérature mondiale telle que la conçoit le romantisme allemand – comme une « fécondation réciproque du divers »–, alors l’unification de la planète, si elle rend possible, dans un premier temps, l’invention d’une notion humaniste comme celle de Weltliteratur, constitue, à terme, une menace mortelle pour un tel idéal. Pour Auerbach, il est à craindre que l’ère dont Goethe annonçait l’avènement soit près de se refermer : la Weltliteratur aura duré peu de temps mais dans l’intervalle le gain aura été immense. La conscience que nous avons de la diversité des passés-présents de la planète littéraire apparaît, en effet, sans commune mesure avec celle que Goethe ou Hegel pouvaient en avoir. En même temps que s’inventait une co-présence littéraire, l’historisme romantique enrichissait l’humanité de mondes neufs : ces littératures oubliées que la philologie a su inventer en se donnant les moyens de les pénétrer et, plus important encore, de les mettre en valeur dans une histoire qui rende à la fois justice à l’unité et à la diversité de l’aventure humaine. Si le temps présent est un kairos, c’est donc parce qu’il offre un promontoire sans précédent sur les passés de la planète, mais c’est aussi parce que l’heure presse et que le moment est proche où le regard se brouillera. La conjonction de l’accroissement exponentiel des connaissances et du processus d’uniformisation planétaire s’accompagne, en effet, comme mécaniquement, d’un recentrage de l’attention lettrée sur les strates superficielles du passé : le recul des humanités classiques, qui constituaient le socle de « la civilisation humaniste et bourgeoise tardive », ouvre la voie à l’avènement d’une culture anhistorique. Plus dommageable encore, l’équilibre précaire qui fécondait mutuellement l’effort de synthèse et le travail de spécialisation risque de se trouver bientôt rompu du simple fait de la masse de matériaux accumulés.
4Aussi n’y a-t-il de tâches plus hautes ni plus urgentes que d’empêcher que la fenêtre, ouverte à si grand peine, d’où le philologue est en position d’embrasser l’« histoire intérieure de l’humanité », ne se referme tout à fait. C’est qu’il existe pour Auerbach comme un devoir de synthèse et s’y refuser ce serait accepter que se perdent en l’homme « la richesse et la profondeur des courants intellectuels des derniers millénaires ». La synthèse historique qu’il appelle de ses vœux devra être, dans ses plus hautes réalisations, à la fois une œuvre d’art et de science car s’il s’agit, bien sûr, de s’appuyer sur la discipline philologique et les acquis des sciences humaines ; une telle entreprise, pour « atteindre [son] effet », doit se présenter à son public comme une mise en intrigue, seule façon de rendre sensible, de rendre intelligible de l’intérieur, avec le sentiment d’intimité que cela suppose, « l’impétueuse et aventureuse marche de l’homme vers la conscience de sa condition et l’actualisation de ses potentialités ». Au travail cartographique, à la recension encyclopédique, entreprises collectives dont, à la différence d’Erwin Panofsky, il ne conteste pas l’utilité, Auerbach n’accorde toutefois qu’une fonction d’accompagnement. L’efficacité de la synthèse historique, l’action qu’elle est susceptible d’exercer sur les esprits, résultent en effet d’« une intuition personnelle » qu’aucun travail de groupe ne pourra jamais approcher. S’il se montre moins intransigeant que lui, Auerbach partage avec Panofsky, qu’il côtoie une décennie durant sur les campus de la Ivy League (comme en témoigne incidemment « Philologie de la littérature mondiale »), une même foi dans le primat de l’individu7. Conformément au protocole romantique, c’est à l’individu qu’il revient de relever le défi de la synthèse, parce que seul un individu est en mesure de donner à une telle entreprise l’unité rayonnante sans laquelle elle ne saurait habiter les mémoires avec cette chaleur qui est le propre de l’œuvre d’art authentique.
5Du fait de la démesure du matériau, toute prétention à l’exhaustivité apparaît dérisoire ; il s’agit donc de trouver une « prise » qui permette de prendre le tout en écharpe, en pratiquant dans l’épaisseur historique du champ considéré une « coupe transversale ». L’essentiel des réflexions méthodologiques qui ponctuent les dernières années de la vie d’Auerbach s’articule autour de la question de la bonne prise : comment choisir le bon point de départ (Ansatzpunkt), celui qui rendra possible l’illumination de la mise en forme ? Comme l’a souligné Wolfgang Holdheim, qui lui a consacré un article suggestif, la notion d’Ansatz est au cœur de l’œuvre d’Auerbach8. Le mot désigne à la fois ce qui est au commencement et le processus d’expansion qui s’y origine. La métaphore du rayonnement, qui revient souvent sous la plume du philologue, traduit au plus près l’étoilement de connotations qui entoure le terme allemand : « Ce point de départ doit être un ensemble de phénomènes nettement circonscrits, aisément saisissables ; et leur interprétation doit posséder un rayonnement qui le rende capable d’ordonner et d’interpréter par contagion une aire bien plus vaste que celle de départ. » L’Ansatzpunkt se définit à la fois par sa « concrétude » et par sa capacité de déploiement : c’est un fil d’Ariane que l’on « déroule », un « rayonnement partant de peu ». Si dans « Philologie de la littérature mondiale » Auerbach est avare d’exemples personnels, sa veine se fait plus autobiographique dans « Über Absicht und Method ». Il fait remonter au commencement des années 1930 la mise en œuvre consciente d’une telle démarche, dont le premier exemple pleinement abouti serait « La Cour et la Ville », article qui étudie le xviie siècle français envisagé du côté du public, de ses lignes de faille, des sous-catégories qui l’animent, qui s’imposent à l’attention de tous ceux qui lisent et écrivent, comme des protagonistes, à la fois abstraits et redoutablement incarnés, de la République des Lettres9. Le fil d’Ariane est ici lexical – l’expression qui donne son titre à l’article –, comme il le sera encore, cinq ans plus tard, dans Figura. Le point de départ peut être un ensemble de traits stylistiques. C’est le cas, pour une bonne part, de Mimésis dont les longues explications de texte, qui inaugurent chacun des vingt chapitres, sont comme autant de portes d’entrée invitant à pénétrer dans l’intimité d’une période donnée, mise en œuvre magistrale de l’hypothèse fondatrice de Vico selon laquelle il est possible d’embrasser l’unité d’une époque en considérant l’une quelconque de ses parties. C’est ce même principe épistémologique qui explique qu’Auerbach déconseille de prendre pour point de départ d’une enquête lexicale le nom des catégories historiographiques, presque toujours rétrospectivement imposées à une matière qui les déborde. C’est parce qu’une expression comme « la cour et la ville » est immergée dans l’« histoire interne » du xviie siècle qu’elle peut si efficacement nous servir de guide à travers les labyrinthes du classicisme français. Si le recours à l’explication de texte rapproche Auerbach de Leo Spitzer, sa visée est tout autre : il s’agit moins pour lui de caractériser la singularité d’un auteur que le monde dont il participe, monde qui se révèle à nous grâce à la force d’expansion de l’Ansatz qui articule, pour reprendre une distinction proposée par Albert Thibaudet, l’« attention à l’unique » et un certain « sens social de la République des Lettres »10. Si l’œuvre de Leo Spitzer s’éparpille en une profusion d’articles monographiques, d’une virtuosité, d’une légèreté de touche admirables, celle d’Auerbach opère une mise en récit qui fait éprouver quelque chose comme l’épaisseur de l’histoire. Les explications de texte de Mimésis s’enchaînent les unes aux autres, mises en mouvement par l’intrigue qui donne à l’ouvrage son unité paradoxale, l’Ansatz qui s’est révélé à Auerbach dans la conception antique des trois niveaux de style.
6Auerbach en fait le constat : « il n’existe pas encore d’essai de philologie synthétique de la littérature mondiale ». Seul le monde occidental a connu l’ébauche de telles entreprises. Si le lecteur ne peut, bien sûr, manquer de penser à Mimésis, il n’y est jamais fait explicitement allusion dans l’article de 1952. La synthèse historique qui y est proposée en modèle est celle d’Ernst Robert Curtius, La Littérature européenne et le Moyen Âge latin, publiée en 1947, quelques mois seulement après la parution du livre d’Auerbach. Si les deux hommes appartiennent à la même tradition philologique, dont ils sont, avec Leo Spitzer, les plus illustres représentants, s’ils ne peuvent se défendre d’une admiration mutuelle, ils ne s’en opposent pas moins violemment l’un à l’autre : Curtius a une vision continuiste de l’histoire, Auerbach a le sens des ruptures, des fractures (la composition de Mimésis en témoigne, qui évoque le cloisonnement d’un polyptyque). Ainsi l’ouvrage de Curtius n’est-il donné en modèle que dans la mesure où il participe des mêmes principes méthodologiques que Mimésis. Pour le fond, Auerbach laisse à entendre qu’il n’est pas sans réserves : si Curtius construit son ouvrage autour d’un Ansatz – la tradition des topoi rhétoriques –, la question reste ouverte de savoir si le choix d’un tel point de départ est pleinement pertinent. Le ton se durcit, deux ans plus tard, dans « Epilegomena pour Mimesis ». Après l’examen de divers reproches et suggestions de son lectorat savant, Auerbach consacre plus de la moitié de l’article à répondre aux critiques de Curtius, dont la recension très polémique, publiée tardivement, en 1952, semble bien avoir précipité la rédaction de ce droit de réponse11. La controverse, qui touche à des questions d’érudition, porte essentiellement sur l’importance relative à accorder à la séparation des styles et sur le bien fondé de la conception figurative du réalisme chrétien proposée par Auerbach. Curtius est évoqué encore dans « Über Absicht Und Method » : Auerbach s’y avoue volontiers redevable à « l’immense livre d’Ernst Robert Curtius », tout en précisant n’être « presque jamais d’accord avec lui quant à l’évaluation de ce qui est significatif »12. On l’a vu plus haut, ce troisième volet du triptyque ne prend pas, contrairement aux deux premiers, la forme d’un texte isolé, mais d’une préface. Le texte introduit en effet au dernier livre d’Auerbach, Literatursprache und Publikum in der lateinischen Spätantike und im Mittelalter, livre posthume, constitué de quatre articles qui se présentent comme autant de « compléments de Mimésis », dont il s’agit de combler une lacune manifeste, cette ellipse d’un demi-millénaire, qui, escamotant l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, sépare le chapitre III (« L’arrestation de Pierre Valvomère ») du chapitre V (« Roland à la tête de l’arrière-garde »), lacune que le chapitre IV (« Sichaire et Chramnesinde »), consacré à Grégoire de Tours, ne faisait guère plus que souligner13. C’est une façon encore pour Auerbach de répondre à Curtius, en se situant dans l’espace que celui-ci a investi dans La Littérature latine et le Moyen Âge latin : l’Europe unie de la Christianitas, l’Europe d’avant l’éclatement en États-Nations, qui apparaît, observée à distance, au milieu des ruines de la bibliothèque de Bonn, comme un monde d’avant la chute. Si Curtius, depuis son exil intérieur des années de guerre, entreprend de se tourner vers l’Europe latine, c’est avec l’ambition de contribuer à « maintenir la civilisation occidentale » en manifestant, « au moyen de méthodes nouvelles » (l’étude des topoi), « l’unité de cette tradition dans le temps et dans l’espace »14. On voit bien ce que les deux hommes ont en commun – une même foi dans la vertu irénique de la synthèse historique –, et ce qui les sépare : alors que Curtius s’est réfugié dans le passé, gagné par une mélancolie qui le fait douter de ses admirations de critique jadis attentif aux formes les plus novatrices de la littérature contemporaine15, Auerbach réaffirme sa volonté d’écrire l’histoire en marche, saisie dans le mouvement de détermination croisée qui unit le passé et le présent. Si, en raison de son caractère « prénational », la culture médiévale nous apparaît riche d’enseignements au moment où le monde s’uniformise, le regard d’Auerbach se veut libre de nostalgie. Il y trouve moins un refuge que la force d’affronter l’avenir.
Notes de bas de page
1 Ces trois textes sont reliés entre eux par des formules, des citations qui reviennent, modulées, déplacées, mises en perspective autrement. Ainsi de cette phrase de saint Augustin, qui sert d’épigraphe à l’article de 1952 et qu’Auerbach cite à nouveau dans les dernières lignes de celui de 1957 : « Nonnulla pars inventionis est nosse quid quaeras. »« Philologie der Weltliteratur » paraît tout d’abord dans Weltliteratur. Festgabe für Fritz Strich, Francke, Berne, 1952, avant d’être repris dans E. Auerbach, Gesammelte Aufsätze zur romanischen Philologie, Francke, Berne-Munich, 1967, p. 301-310. « Epilegomena zu Mimésis » a été publié dans Romanische Forschungen, vol. 65 (1/2), 1953, p. 1-18. Traduction française par R. Kahn : « Epilegomena pour Mimésis », Po & sie, n° 97, 2001, p. 113-122. « Über Absicht Und Methode » (« Intention et Méthode ») fait fonction de préface au livre posthume d’Auerbach, Literatursprache und Publikum in der lateinischen Spātantike und im Mittelalter (Francke, Berne, 1958), dont R. Kahn a donné une traduction française : Le Haut Langage. Langage littéraire et public dans l’Antiquité latine tardive et au Moyen Âge, Belin, « L’Extrême contemporain », Paris, 2004.
2 « Philology and Weltliteratur », trad. E. et M. Said, Centennial Review 13, n° 1, 1969, p. 1-17. Sur la façon dont E. Said a contribué à configurer la fortune américaine d’Auerbach voir H. Lindenberger, « On the Réception of Mimesis », dans Seth Lerer (éd.), Literary History and the Challenge of Philology. The Legacy of Erich Auerbach, California, Stanford University Press, Stanford, 1996, p. 207-208 et p. 294 [la note 45 propose un relevé des références de Said à « Philology and Weltiteratur », article qu’il cite et commente tout au long de son œuvre, depuis Orientalism (1978) jusqu’à Culture and Imperialism (1993)]. Voir également Kathleen Biddick, « Corning out of Exile : Dante on the Orient (alism) Express », American historical Review, 105/4, 2000, p. 1234-1249.
3 Les traductions de R. Kahn ont été signalées dans la note 1. D. Meur a constitué, traduit et préfacé deux recueils d’articles : Le Culte des passions (Essais sur le xviie siècle français) et les Écrits sur Dante (Macula, « Argo », Paris, 1998 et 1999). Elle a également donné une nouvelle traduction de l’important essai qu’Auerbach a consacré à la lecture figurative de la Bible : Figura. La Loi juive et la Promesse chrétienne, avec une préface de la traductrice et une postface de Marc de Launay, Macula, « Argo », Paris, 2003 [1938]. Marc André Bernier en avait donné une première traduction en 1993 (Belin, « L’Extrême contemporain », Paris).
4 Voir l’adresse au lecteur des dernières lignes de Mimésis : « Puisse mon ouvrage rencontrer ses lecteurs, aussi bien mes amis de jadis qui vivent encore que tous les autres auxquels il est destiné. Puisse-t-il contribuer à réunir de nouveau ceux qui ont conservé sereinement dans leur cœur l’amour de notre histoire occidentale. » (Mimésis. La représentation de la réalité dans la littérature occidentale [Mimesis. Dargestellte Wirklichkeit in der abendländischen Literatur], trad. Cornélius Heim, Gallimard, « Tel », Paris, 1968 [Francke, Berne, 1946], p. 553.)
5 Ibid., p. 543 et p. 548-553.
6 Lettre du 3 janvier 1937, traduite par R. Kahn in « Figures d’exil. Cinq lettres d’Erich Auerbach à Walter Benjamin », Les Temps modernes, n° 575, juin 1994, p. 60.
7 Voir William S. Hecksher, « Erwin Panofsky : un curriculum vitae », dans E. Panofsky, Trois Essais sur le style, trad. B. Turle, Le Promeneur, Paris, 1996, p. 213.
8 W. Wolfgang Holdheim, « The Hermeneutic Significance of Auerbach’s Ansatz », New Literary History, vol. XVI, n° 3, Spring 1985, p. 627-631. Sur la notion d’Ansatz voir également E. Said, Beginnings : Intention and Method, Basic Books, New York, 1975.
9 Le Haut Langage, op. cit., p. 26-27. « La Cour et la Ville » a été recueilli dans Le Culte des passions, op. cit., p. 115-179, de même que « De la Passio aux passions » qui relève du même type d’enquête lexicale (ibid., p. 51-81).
10 A. Thibaudet, « Attention à l’unique » [N RF, avril 1936], dans Réflexions sur la critique, Gallimard, Paris, 1939, p. 243-248.
11 E.R. Curtius, « Die Lehre von den drei Stilen in Altertum und Mittelalter (zu Auerbachs Mimesis) », Romanische Forschungen, 64,1952, p. 57-70. Auerbach avait été plus prompt à réagir ; il rend compte de la publication du livre de Curtius dès 1948 : « Ernst Robert Curtius : Europäische Literatur und Lateinisches Mittelalter », recueilli dans Gesammelte Aufsätze zur romanischen Philologie, op. cit., p. 330-338.
12 Le Haut Langage, op. cit., p. 32.
13 Ibid., p. 30.
14 E.R. Curtius, La Littérature européenne et le Moyen Âge latin, trad. J. Bréjoux, PUF/Presses Pocket, « Agora », Paris, 1956 [1947], p. 19.
15 Voir Deutsch-Französische Gesprdche, 1920-1950. La correspondance de E.R. Curtius avec André Gide, Charles Du Bos et Valery Larbaud, H. et J.M. Dieckmann (éd.), Vittorio Klostermann, Francfort-sur-le-Main, 1980, p. 145. Dans une lettre adressée à Gide, datée du 21 septembre 1946, Curtius avoue la déception qui l’envahit en relisant de « vieux auteurs qui autrefois l’enchantaient » : il s’agit de Balzac et de Proust, auxquels Curtius a consacré, en 1923 et en 1925, les monographies mémorables que l’on sait. Les années de guerre ont terni l’admiration du critique : « je trouve dans les deux bien des choses mauvaises ». En 1946, seuls les classiques gréco-latins semblent devoir échapper tout à fait au noir du temps.
Auteur
Christophe Pradeau est maître de conférences à l’Université Paris 13. Il a publié un livre sur Jean Giono (Ellipses, 1998), des articles sur les cycles romanesques des XIXe et XXe siècles et sur la critique littéraire de l’entre-deux-guerres, ainsi qu’un roman, La Souterraine (Verdier, 2005).
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