Le contexte de l’œuvre d’art à l’épreuve du lieu
p. 131-152
Texte intégral
Qu’est-ce qu’un contexte ?
1Texte et contexte sont habituellement tenus pour indissociables l’un de l’autre, le contexte étant défini comme le champ dans lequel s’enlève et se découpe le texte. Les deux notions opèrent de manière étroitement corrélative à deux niveaux distincts, ou plutôt selon deux coupes complémentaires, l’une qui relie dans l’horizontalité syntagmatique un segment quelconque d’une œuvre à son environnement verbal, c’est-à-dire aux énoncés qui le précèdent et qui le suivent, l’autre qui connecte transversalement ce segment ou l’œuvre en sa totalité à son environnement situationnel, lui-même appréhendé à travers ses aspects culturels, historiques, sociaux, économiques, institutionnels, etc. Si la distinction entre contexte verbal (parfois appelé co-texte) et situation pragmatique (ou contexte) est usuelle dans le domaine des sciences du langage et des études littéraires, elle ne saurait en aucun cas être considérée autrement que comme un artefact critique : le geste qui consiste à découper un contexte en appelle à un certain nombre de décisions et de critères qui ont pour effet, comme on le sait depuis Michel Foucault et Jacques Derrida, d’une part de reporter indéfiniment, et donc de diluer la coupure qui sépare un texte d’un contexte (en sorte qu’il deviendrait impossible de savoir où l’un et l’autre commencent et finissent), d’autre part, et ceci explique cela, d’articuler les catégories cognitives, les schèmes attentionnels et pré-attentionnels, les cadres interprétatifs constitutifs d’une culture ou d’une période à des formations discursives, à un système d’énoncés, à un Texte1.
2Le propre d’un contexte serait donc d’être indéfiniment extensible, ce pourquoi aucune définition appropriée n’en serait possible. Cette propriété paradoxale (où se déclare son impropriété foncière) fait du contexte un concept susceptible d’être transféré à d’autres domaines que celui des œuvres verbales, comme le montrent en particulier ses applications en histoire de l’art. La nature même des œuvres artistiques et des objets visuels en général lui imprime toutefois une portée spécifique, seule demeurant constante l’acception pragmatique : dans le champ de la peinture, de la sculpture et de l’architecture, comme dans celui des textes, le contexte d’une œuvre implique l’ensemble des facteurs et des attentes qui spécifient les conditions de sa production et de sa réception. En revanche, par rapport à tel élément visuel fonctionnant comme un détail, la notion de contexte iconique ou plastique n’a de pertinence que dans les cas très particuliers où elle permet de rendre compte des variations fonctionnelles ou sémantiques sur lesquelles cet élément jouerait. Alors que la variation contextuelle est au principe même du fonctionnement discursif (tel mot, dans un énoncé donné, « prenant » son sens du contexte verbal dans lequel il est employé), le fonctionnement sémiotique qui s’en rapproche le plus dans les systèmes non verbaux n’intervient que là où sont en jeu les alternatives perceptibles à l’intérieur d’un répertoire donné2. Inversement, rapportée à la nature particulière des objets visuels, la notion de contexte est susceptible de s’appliquer également à l’environnement, matériel, physique, spatial, au lieu dans lequel l’œuvre considérée est située, information totalement dénuée de pertinence dans le cas des textes. Avant d’être installée en 1754 par Auguste III de Saxe à la Gemäldegalerie de Dresde, où elle est toujours visible (et où Winckelmann, les frères Schlegel, Freud, entre autres, purent la voir), la Madone Sixtine (ou Vierge de saint Sixte) de Raphaël, avait été conçue et exécutée pour prendre place dans la chapelle de saint Pierre au moment de la mise en bière de Jules II, puis fut très vite transférée à l’église des Chartreux de Plaisance, où elle resta accrochée au-dessus du maître-autel pendant plus de deux cents ans. Si la localisation des œuvres revêt tant d’importance dans le domaine des arts visuels, c’est notamment, comme cet exemple le montre bien, parce que le contexte spatial éclaire le contexte pragmatique : la Madone Sixtine ne fonctionne pas de la même façon à Rome, à Plaisance et à Dresde. La notion de contexte invite donc à interroger celle de lieu.
Lieu ontologique, lieu physique, lieu formel
3Les œuvres d’art n’ont pas toutes le même mode d’existence, ni donc le même mode de résidence, si tant est, comme on l’a toujours affirmé, qu’exister c’est avoir lieu, c’est être quelque part. En d’autres termes, le fait que tel exemplaire de François le Champi soit dans la bibliothèque du prince de Guermantes, que des clichés photographiques de l’église de Balbec puissent traîner un peu partout et que tel tableau de Carpaccio se trouve à Venise implique que différentes définitions de l’œuvre sont en jeu – sans compter celle qui revient à Proust lui-même, pour qui, par exemple, le souvenir que nous avons d’un texte est indissociable des circonstances de sa lecture, c’est-à-dire du lieu et du moment où il est lu. À cela, certes, un adepte des théories mentalistes, défendues notamment par Croce ou Collingwood, pourrait objecter que ces différences sont contingentes, les œuvres n’existant (n’ayant heu) pas ailleurs que dans l’esprit de ceux qui les créent et, à la rigueur, dans l’esprit de ceux qui, lecteurs, spectateurs, auditeurs, les recréent. Il serait encore loisible de se demander si le texte, tel qu’il est fixé sémiotiquement par la notation qui assure son identité d’un exemplaire à l’autre, est l’œuvre. À cette question, qui trouve sa mise à l’épreuve dans le Don Quichotte de Pierre Ménard, littéralement identique au texte de Cervantès, Nelson Goodman répond par l’affirmative : les deux textes n’en faisant qu’un, il n’y a qu’une seule œuvre, passible de plusieurs interprétations3. Au contraire, un partisan des approches contextualistes, comme Arthur Danto, partant du cas d’objets perceptivement identiques produits à des époques différentes, tient que le texte n’est pas l’œuvre et que celle-ci n’existe pas en dehors de son interprétation, c’est-à-dire de la théorie de l’art qui l’a rendue possible4.
4Des considérations de cet ordre sont de celles qu’amène à se poser le mode d’existence des œuvres, en tant qu’il détermine ce que j’ai appelé leur mode de résidence. Elles s’inscrivent toutes dans le cadre très large d’une « ontologie de l’œuvre d’art », laquelle, comme l’a montré Roger Pouivet5, ne fait que reconduire dans son champ propre les grandes options (réalisme/nominalisme, réalisme/idéalisme, dualisme/monisme...) qui traversent l’ontologie générale. Mais, précisément, que l’œuvre d’art puisse être tenue aujourd’hui, principalement dans l’horizon de la philosophie anglo-saxonne et de l’esthétique analytique, pour la pierre de touche des questions d’ontologie, et non plus pour leur exemplification, le renversement est révélateur. Car toutes ces approches auront été le fait d’une époque et d’un type de société, d’un système de pensée, où, si l’on ne sait toujours pas exactement, et peut-être même moins que jamais, ce qu’est ontologiquement une œuvre d’art, on sait du moins empiriquement qu’une telle chose existe et qu’une définition peut (ou ne peut pas) en être cherchée. Il nous est sans doute plus difficile de circonscrire notre idée de l’art qu’il ne l’était à l’époque de Zola et de Cézanne, et cela en raison des remaniements et des élargissements consécutifs tant à l’entrée massive dans le « monde de l’art » des objets issus des traditions extra-européennes qu’aux développements qu’a connus la production artistique elle-même depuis le début du XXe siècle. En outre, cette idée ne peut être dissociée des discours (critique d’art), des disciplines (histoire de l’art), des institutions (musées), des techniques (reproductions) et des conditions économiques et sociales (culture des loisirs de masse dans les sociétés postindustrielles) qui la modèlent. L’idée que nous nous faisons intuitivement de ce qu’est une œuvre d’art s’impose à nous comme jamais elle ne l’a fait par le passé, et il n’est pas douteux que l’institution du musée est ce qui représente le mieux cette mutation, comme André Malraux le relevait dans une page célèbre du Musée imaginaire : l’âge esthétique du musée dessine l’horizon ou le socle commun sur lequel s’enlèvent toutes les tentatives de définition qu’abrite une ontologie de l’œuvre d’art. Le questionnement analytique y trouve sa possibilité, mais aussi sa limite – cela dit pour souligner la première des deux critiques que je suis tenté d’adresser à ce type de démarche (et que je ne suis pas seul à formuler, d’ailleurs) : une certaine indifférence, sinon à l’histoire, du moins à l’historicité.
5La première opposition que fait apparaître la détermination du mode ontologique de résidence des œuvres passe donc entre celles pour lesquelles la question de leur situation dans l’espace physique est sans pertinence aucune (l’œuvre François le Champi ne s’identifie pas à tel exemplaire particulier, comme celui qui est dans la bibliothèque du prince de Guermantes) et celles pour lesquelles elle livre accès à leur définition même (le cycle de Sainte Ursule de Carpaccio à Venise, l’église de Balbec). En d’autres termes, l’opposition passe entre des régimes qui sont soit allographiques, soit autographiques. « Régimes », car, comme Gérard Genette l’a souligné, ce ne sont pas tant les arts eux-mêmes qui sont concernés que des types de fonctionnement6 : à l’égard des textes verbaux ou musicaux, la question de leur emplacement spatial retrouve en effet toute sa pertinence dès lors qu’ils ne sont plus considérés dans leur fonction notationnelle, celle-ci étant indifférente au véhicule utilisé, mais à travers un exemplaire déterminé en tant qu’il est unique. Tout exemplaire, certes, est unique ; mais il y en a qui sont « plus » uniques que d’autres, en ce sens que leur unicité dépend soit de leur statut autographique, soit de leur valeur de rareté (les deux conditions n’étant pas incompatibles), qu’il s’agisse du manuscrit que possède telle bibliothèque ou tel collectionneur ou d’un exemplaire imprimé qui se recommande par son intérêt documentaire et/ou artistique (exemplaire unique d’une édition entièrement détruite, exemplaire annoté par l’auteur, exemplaire orné d’une reliure signée...). De cette première série d’observations peut être tirée une loi générale : une œuvre unique ou l’exemplaire unique d’une œuvre, étant situés en un seul lieu, peuvent être définis (et identifiés) partiellement par le lieu qu’ils occupent. C’est là ce que confirment les usages savants ou pratiques propres à la philologie, à l’histoire de l’art ou au collectionnisme qui consistent à localiser les objets, l’indication répondant d’abord aux besoins du référençage et permettant même, en certains cas, de lever une ambiguïté (par exemple, pour distinguer les différentes répliques qu’un peintre a données d’un tableau, comme Le Bénédicité de Chardin, au Louvre, d’avec ses quatre répliques, dont celle qui est à l’Ermitage). Un critère empirique permettrait sans doute d’affiner cette typologie sommaire en distinguant entre œuvres fixes (réalisations architecturales, fresques, mosaïques...) et œuvres mobiles (tableaux de chevalet, sculptures, manuscrits...), les unes liées définitivement à un lieu, les autres pouvant transiter d’un lieu à l’autre (mais n’en occupant jamais qu’un seul à la fois). Toutefois, ce critère est fragile : on peut déposer une fresque, démonter une mosaïque et les remonter ailleurs, comme on peut déplacer pierre à pierre un bâtiment (ce qui est, dit-on, une spécialité des milliardaires texans sévissant sur les châteaux français), sans porter atteinte à leur identité opérale : les temples d’Abou Simbel ont été reconstruits à plusieurs dizaines de mètres de leur site originel ; pour autant, il ne viendrait à l’idée de personne de leur dénier leur statut d’œuvres uniques et originales. Les transformations apportées par certaines restaurations à des œuvres fixes conservées sur le lieu de leur production attentent à l’identité opérale de manière souvent plus radicale qu’une délocalisation : on songera, par exemple, à ce qu’il est advenu de La Cène de Léonard de Vinci à Milan.
6Si la question du lieu se pose à toute œuvre sur le plan ontologique de sa définition et, à certains types d’œuvres, sur le plan physique de leur localisation, c’est d’une troisième façon encore que des œuvres comme les tableaux, les sculptures ou les réalisations architecturales font jouer la question du lieu ou se rapportent à l’espace : c’est en construisant l’espace, c’est-à-dire par le jeu des processus formels qui produisent l’espace de l’œuvre. Espace double : espace formel, d’abord, assuré par les couleurs, les lignes, les surfaces, les plans, le jeu des ombres et des lumières, les volumes, les masses ; espace qui est, de surcroît, mimétique dans les cas où le matériau est ainsi configuré qu’il représente figurativement l’espace physique dans lequel nous évoluons. Il faut aussitôt préciser que cette façon de se rapporter à l’espace, soit formellement, soit mimétiquement, n’est pas le propre des œuvres autographiques uniques, puisqu’elle est également partagée par des œuvres à exemplaires pluriels (gravure, sculpture par moulage) ou à exemplaires multiples (photographie, film).
Autonomie et aura
7Pour tenter de cerner le rapport existant entre ces trois modalités du lieu (ontologique, physique et formel), il convient de prendre en compte un processus qui est celui de l’autonomisation. La question de l’autonomie vient en effet à se poser chaque fois qu’est en cause la loi sous laquelle fonctionne une localité, une territorialité quelconques. Dans le domaine des artefacts, le processus de l’autonomisation est double. L’autonomie artistique permet de spécifier le processus historique au terme duquel les objets, s’émancipant des fonctions (magiques, religieuses, politiques, etc.) auxquelles ils étaient auparavant soumis, commencèrent à être produits sans visée autre que celle d’un jugement esthétique. Ce processus doit être saisi dans la longue durée : il n’ignore ni les stases, ni les récessions, ni les résistances ; on considère généralement qu’il s’étend entre la fin du Moyen Âge7 et la fin du XVIIIe siècle8. L’autonomie esthétique est en rapport étroit avec la précédente : c’est précisément à l’époque où l’art a quasiment fini de s’émanciper de ses fonctions exogènes que le jugement esthétique a pu être théorisé par Kant comme jugement dont la finalité n’implique aucune représentation de fin et se démarque ainsi aussi bien du jugement pratique (moral) que du jugement théorique (rationnel).
8Cette double incidence, artistique et esthétique, du processus d’autonomisation forme l’une des lignes directrices du célèbre essai de Walter Benjamin, « L’œuvre d’art à l’époque de la reproduction mécanisée » (1936) ; mais la lecture qu’il en donna n’est pas sans susciter un certain nombre d’interrogations. En bref, pour Benjamin, tout semble se passer comme si le moment autonome de l’art ne pouvait être que socialement inauthentique par rapport à ces deux moments hétéronomes qui l’encadrent, l’un qui est constitué par l’œuvre d’art rituelle (magique ou religieuse), et l’autre par l’œuvre d’art politique (le cinéma), l’une et l’autre à finalité exogène. Dans ce schéma interviennent deux notions cruciales : l’aura, déjà largement glosée, et l’opposition entre valeur rituelle et valeur d’exposition, sur laquelle nous nous arrêterons.
9Selon Benjamin, « la valeur rituelle exige presque que l’œuvre d’art demeure cachée : certaines statues de dieux ne sont accessibles qu’au prêtre, certaines images de la Vierge restent voilées durant presque toute l’année, certaines sculptures des cathédrales gothiques sont invisibles au spectateur au niveau du sol9 ». L’assertion est étrange : les deux premiers types de faits invoqués par Benjamin à l’appui de sa thèse (je réserve le troisième pour plus tard) ne sauraient faire oublier les rites d’ostension dont les images font l’objet dans l’Antiquité, au Moyen Âge et au-delà ; inversement, on pourrait citer la coutume en usage aux Pays-Bas au XVIIe siècle qui consistait à voiler des images profanes ou les pratiques de certains collectionneurs enfermant leurs « trésors » pour s’en réserver la jouissance exclusive. Quant à l’argument sur l’exposabilité, il fait apparaître que celle-ci est favorisée par la mobilité des œuvres, c’est-à-dire par leur autonomie matérielle à l’égard de l’espace physique : s’il est vrai que la valeur d’exposition émerge au moment où sont produites des œuvres qui peuvent être détachées des lieux de culte (le buste, par rapport à la « statue de dieu qui a sa place fixée dans l’enceinte du temple10 », le tableau par rapport à la mosaïque ou à la fresque), alors il convient de s’interroger sur l’écart entre le moment où se produit l’émergence de cette valeur (dès l’Antiquité, contrairement à ce que suggère Benjamin) et celui où la valeur rituelle commence à décliner (à la fin du Moyen Âge). Que ces deux « valeurs » entretiennent entre elles « des rapports plus complexes que de simple opposition ou substitution », c’est d’ailleurs ce que démontre Hubert Damisch à partir d’une série d’exemples qui mettent en évidence la présence d’un facteur d’exposition à l’époque des arts rituels et celle d’un facteur d’occultation à l’époque de l’exposition11. Et c’est ce que montre encore, entre beaucoup d’autres exemples, le texte dans lequel le Pseudo-Lucien raconte une visite au sanctuaire de Cnide, où se trouvait l’Aphrodite de Praxitèle. Ce qui, dans cette description, peut encore atteindre le lecteur d’aujourd’hui tient non seulement à la capacité d’évocation dont jouent, dans leur ordre propre, les ressources de l’ekphrasis, mais à tout ce que cette évocation implique quant aux modalités, complexes, indécises (simultanément ou tour à tour érotiques, religieuses, techniques...), dans lesquelles s’inscrit la relation à l’objet in situ, en cette actualité du lieu et du moment où l’image n’est pas dissociable du contexte (matériel, symbolique, imaginaire) où elle prend effet et qui en définit la « valeur cultuelle ». Le visiteur pénétrait dans un enclos toujours verdoyant (comme fécondé par la puissance de tutelle) où poussait le myrte (plante consacrée à la déesse) et où les cyprès et les platanes, mêlés au laurier de Daphné, arrondissaient leurs branches en berceau, tandis que les entrelacs du lierre et de la vigne rappelaient les enlacements de l’amour et l’ivresse qui les accompagne ; de là, il accédait au temple, au milieu duquel se dressait la statue, placée de telle sorte que des portes latérales permettaient de la voir aussi de dos :
Elle sourit doucement, un peu aguicheuse, et ses lèvres s’entrouvrent avec grâce. Toute sa beauté qu’aucun voile ne dérobe, est nue et offerte, sauf que l’une de ses mains cache furtivement sa pudeur. Si absolu était le talent de l’artiste que le marbre naturellement dur et roide rendait justice à chaque partie de son corps12.
10De quelle nature pouvait être exactement le sentiment qu’éveillait chez ses nombreux admirateurs la contemplation de la statue ? Il y a d’abord le jeu savamment entretenu sur les attentes et la réponse érotiques que déclenche l’impression de vie qui émane de la statue : c’est au point qu’un jeune homme, s’étant épris de ces formes de marbre, y laissera une preuve indubitable de son ardeur amoureuse – variante d’un vieux thème (voir Pygmalion) dont on peut suivre les traces jusqu’à l’époque moderne (voir la nouvelle de Mérimée, « La Vénus d’Ille »). Il est aussi question d’un thambos aiphnidion, d’un frisson religieux : le thambos (que traduit le latin stupor), c’est l’étonnement qui paralyse, la stupéfaction. Si le mysterium tremendum, l’effroi que suscite ce qui demeure inaccessible à la raison, caractérise, selon Rudolf Otto, le sentiment provoqué par l’objet numineux en tant que celui-ci est constitutif du sacré, le tbambos qualifie plus précisément l’émotion correspondant à ce qui détermine le mysterium comme mirum ou mirabile : il est la tonalité d’affect associée à la manifestation du caché (mysticus), à la merveille mystérieuse13. Par là, le texte inscrit sans aucun doute possible la réception de l’œuvre dans l’époque de la valeur rituelle. Mais il comporte aussi un certain nombre de formulations qui font droit et à la description des propriétés artistiques et à l’appréciation esthétique des mérites de l’œuvre ; à cet égard, il ne diffère pas fondamentalement des lignes dévotieuses qu’arrache, seize siècles plus tard, au petit président de Brosses la vue d’une descendante de l’Aphrodite de Cnide, la Vénus Médicis, vue par lui dans son cadre expositionnel, à la Tribune des Offices, un lieu devenu but de pèlerinage pour tous les voyageurs de l’époque qui rendent un « culte » non plus au divin, mais à l’art14.
11Que faire de cette notion d’aura ? Tout le monde se souvient du calembour dévastateur par lequel Goodman lui signifia (en français dans le texte et avec un fort accent américain) son congé : « Dans l’immédiat, pour ce qui concerne l’aura, mon dernier mot sera donc “aura-voir”15. » Goodman, quand il traite de l’aura, est d’une parfaite mauvaise foi, il faut bien en convenir : alors qu’il ne mentionne pas une seule fois le nom de Benjamin, il feint de croire que ceux qui invoquent l’aura pour qualifier l’original ne définissent le terme jamais plus précisément que comme « une émanation ou un souffle subtil », définition qui, pour être celle des dictionnaires, ne fait guère avancer la réflexion ; il en propose même une rapide description, qu’il qualifie lui-même de « grossière et inadéquate », mais qui présuppose qu’un usage correct en est possible, moyennant certaines conditions : « L’aura doit bien davantage être interprétée comme un phénomène complexe qui appartient à l’histoire de l’œuvre, en relation avec ses associations, ses allusions et autres relations référentielles. » Or, Benjamin, fondamentalement, ne disait pas autre chose : lui aussi rapportait l’aura à l’histoire. Il est vrai que l’histoire ne recouvre pas tout à fait la même chose chez les deux auteurs. Chez Goodman, il s’agit des significations historiques véhiculées par les opérations symboliques qu’effectue l’œuvre : ainsi, pour savoir quelles sont les propriétés qu’une œuvre exemplifie, il peut être nécessaire de connaître la pratique d’« échantillonnage » qui prévaut dans son contexte d’utilisation, en y incluant son contexte de production16. Cette dimension historique ne se confond pas avec l’« histoire de production », qui recouvre l’ensemble des informations documentaires concernant la genèse de l’œuvre17 : alors que l’existence d’une notation permet de savoir si les exemplaires d’une œuvre allographique sont corrects ou non, une œuvre autographique ne peut plus être définie en termes de correction, mais d’authenticité : en l’absence de test syntaxique, le seul recours possible est donc d’ordre génétique. Pour Benjamin, la dimension historique de l’aura est déterminée non seulement par le moment historique dans lequel l’œuvre s’inscrit et dont elle porte témoignage, mais aussi par la tradition à l’origine de laquelle elle se situe (ce que l’on pourrait appeler l’histoire de sa réception) : on devra alors tenir compte des altérations physico-chimiques qu’elle a subies, des propriétaires auxquels elle a successivement appartenu et des transformations, adaptations et citations auxquelles elle a donné lieu18. Pour Benjamin, toutefois, la tradition historique qui fonde la perception de l’aura n’est qu’une projection temporelle de la notion d’authenticité, et celle-ci à son tour doit être déterminée par rapport à ce qu’il appelle le « hic et nunc de l’original » :
Le hic et nunc de l’original forme le contenu de la notion de l’authenticité, et sur cette dernière repose la représentation d’une tradition qui a transmis jusqu’à nos jours cet objet comme étant resté identique à lui-même19.
12Le hic et nunc constitue donc le fondement ultime de l’aura ; cela signifie qu’à côté d’une expérience du temps, l’aura fait appel à une expérience de l’espace. C’est ce que confirme la définition célèbre, reprise de la « Petite histoire de la photographie » : « Qu’est-ce en somme que l’aura ? Une singulière trame de temps et d’espace : apparition unique d’un lointain, si proche soit-il20. » Plus précisément, cette expérience de l’espace est une expérience phénoménologique du lieu, et l’exemple qu’en donne Benjamin est bien dans le style de la description phénoménologique :
L’homme qui, un après-midi d’été, s’abandonne à suivre du regard le profil d’un horizon de montagnes ou la ligne d’une branche qui jette sur lui son ombre – cet homme respire l’aura de ces montagnes, de cette branche.
13Laissons un moment Benjamin pour Proust ; car nous ne sommes pas très loin, semble-t-il, de ce que l’auteur d’À l’ombre des jeunes filles en fleur cherchait à cerner quand il évoquait l’émotion qui s’attache au sentiment de l’unicité :
Je me disais : C’est ici, c’est l’église de Balbec. Cette place qui a l’air de savoir sa gloire est le seul lieu du monde qui possède l’église de Balbec. Ce que j’ai vu jusqu’ici, c’était des photographies de cette église, et, de ces apôtres, de cette Vierge du porche si célèbres, les moulages seulement. Maintenant c’est l’église elle-même, c’est la statue elle-même, elles, les uniques : c’est bien plus21.
14Le ressassement d’un « c’est ici », est-ce donc là tout ce à quoi se réduit l’expérience du lieu ? Il nous faut séjourner un peu plus longtemps auprès du texte de Proust pour comprendre que cette expérience déçoit, en fait, une certaine idée de l’œuvre ; car le narrateur, après « c’est bien plus », ajoute aussitôt : « C’était moins aussi peut-être. » Cette émotion de l’unicité, en effet, Marcel la ressent moins qu’il ne l’éprouve comme devant être ressentie : elle semble participer davantage de l’auto-suggestion que de l’expérience. Cette église, cette statue, avant de les voir pour de vrai, dans leur hic et nunc, il en a vu des reproductions (des photographies, des moulages), il en a entendu parler (par Swann), il a lu des textes les concernant – et ce sont là, pour reprendre son concept à Goodman, autant d’« activations » indirectes de l’œuvre, grâce auxquelles Marcel aura pu s’en faire une « idée ». Or, mise à l’épreuve de cette idée, la réalité est d’abord décevante. Cela, c’est l’une des leçons de la Recherche, elle est bien connue, et il est inutile d’y insister : les rêveries qui prolifèrent autour des noms de Parme et de Guermantes font paraître peu de choses, une fois que nous les rencontrons, les êtres et les lieux auxquels ces noms s’appliquent. Mais il est une autre leçon encore, et elle se déduit, celle-là, des quelques lignes, « capitalissimes » pour notre propos, qui précèdent le passage où Marcel décide de ne « plus penser qu’à la signification éternelle des sculptures » et se crispe sur le constat du « c’est ici » :
Et l’église – entrant dans mon attention avec le Café, avec le passant à qui il avait fallu demander mon chemin, avec la gare où j’allais retourner – faisait un avec tout le reste, semblait un accident, un produit de cette fin d’après-midi, dans laquelle la coupole moelleuse et gonflée sur le ciel était comme un fruit dont la même lumière qui baignait les cheminées des maisons, mûrissait la peau rose, dorée et fondante.
15Que nous dit ce texte ? D’abord, et nous le savons bien, que la photographie dématérialise l’œuvre bâtie en édulcorant ses aspects visuels (chromatiques, texturels) et en l’abstrayant de tout ce tissu de sensations qui me permettent, lorsque je circule autour de l’église ou que je déambule à l’intérieur, de m’assurer de son volume, de sa masse, de sa densité. Ensuite et surtout, que la photographie aura délocalisé l’église, non certes en la transportant pierre à pierre en un autre lieu, mais en la cadrant, c’est-à-dire en l’arrachant à ses entours urbains et atmosphériques pour la plonger dans le non-lieu du photographique : la prise de vue coupe, arbitrairement ( ?), l’église du continuum dans lequel elle est comme émaillée, de ce « reste » où elle peut bien paraître un « accident », cette lumière dans laquelle elle est immergée et où elle semble se dissoudre. Allons plus loin : en isolant emphatiquement l’œuvre, la photographie nie le lien du bâti à son lieu. Oui, la monstration impérieuse, autoritaire – « c’est ici » – qu’opère le cadrage photographique met d’autant mieux l’œuvre en évidence qu’il met l’ici à distance. Allons plus loin encore, franchissons un pas de plus : on peut se demander si la violence faite au lieu, en l’occasion, n’est pas du même ordre que celle que porte le discours dès lors qu’il thématise ce que l’on appelle « œuvre », dès lors que, la désignant (« c’est ceci »), il lui fait, comme on dit, un sort – comme nous faisons tous lorsque nous parlons des œuvres d’art ; et si cette violence, même, n’est pas le fait de la sorte d’attention portée ainsi à l’œuvre, comme elle le serait, au dire de Heidegger cité par Panofsky, de toute interprétation22. C’est en ce sens-là, on ne peut plus risqué, que l’on pourrait avancer que l’œuvre et le lieu se refusent l’un à l’autre, que l’œuvre s’exclut du lieu, qu’œuvre est ce qui s’exclut du lieu. L’œuvre n’aurait lieu que hors de tout lieu. « Thèse », on le conçoit, tellement risquée qu’elle ne peut être posée qu’avec les plus infinies précautions, au risque de la voir verser dans la pire des barbaries, pour peu que l’on veuille en prendre prétexte pour combattre les œuvres au nom d’une idée du lieu, c’est-à-dire au nom de cela même à quoi le lieu est irréductible.
La forme du lieu
16Jusqu’ici, pour évoquer les plans d’incidence ontologique, physique et formel du lieu ou de l’espace opérai, j’ai pu parler indifféremment d’« espace » ou de « lieu » : une très longue tradition philosophique, secondée par le sentiment linguistique, nous invite pourtant à distinguer le locus et le spatium, et à suivre les indications d’un Proust ou d’un Benjamin. Il y a mieux : à l’époque même de Proust et de Benjamin, la phénoménologie a commencé à insister particulièrement sur ce qui sépare, d’une part, « la connaissance qu’un sujet désintéressé pourrait prendre des relations spatiales entre les objets et de leurs caractères géométriques » et, d’autre part, les « conditions de la spatialité », en tant qu’elles subsument « la fixation du sujet dans un milieu et finalement son inhérence au monde »23. On se rappellera les analyses qu’un Erwin Straus, qu’un Merleau-Ponty, prenant appui sur la théorie de la Gestalt, ont données de cette expérience que le sujet fait de l’espace, de ce milieu dans lequel il se situe et de la fonction déterminante qui revient à la perception de la profondeur : « [...] dans l’impression qui résulte de la vision de la profondeur, j’ai les choses pour moi et devant moi, je me saisis devant elles, je me vis dans l’espace24. »
17Toutefois, un doute nous vient, et ce doute n’épargne ni la description de Proust, ni celle de Benjamin, ni la description phénoménologique en général et dans son principe. Ce doute, je le formulerai un peu brutalement (et non sans cruauté) : est-ce que la description phénoménologique, dans sa remontée vers l’originarité du phénomène (le sentir, l’apparaître, la donation), située par elle avant toute distinction entre un sujet et un objet, n’en vient pas, ce faisant, à neutraliser les propriétés formelles qui singularisent l’objet ? En centrant l’analyse sur les problèmes de la perception des formes et de la genèse de la forme, n’en vient-elle pas à négliger la « grammaire » formelle des objets ? Que le lieu soit celui du pays que je parcours ou du paysage peint que je regarde, ces descriptions ne sont-elles pas toutes plus ou moins interchangeables ? À lire telles descriptions peut-on encore différencier entre, par exemple, un Cézanne, un Giacometti et un Tal-Coat, trois artistes emblématiques à travers lesquels court le mistigri phénoménologique ? Mieux encore, et pour faire écho à une critique célèbre de Meyer Schapiro, peut-on encore différencier entre une paire de souliers « réelle » et les souliers peints par Van Gogh ? En bref, la description phénoménologique pèche, me semble-t-il, par un déficit principiel d’attention à l’égard des aspects formels des œuvres d’art ; et ce défaut, elle le partage avec l’approche analytique (voilà pour la deuxième critique que j’adresse à celle-ci). À ce point de vue, Benjamin, non plus, n’est pas exempt de toute critique, aussi paradoxal que cela paraisse ; le paradoxe étant qu’il analyse avec beaucoup de précision les processus formels qui interviennent dans l’image photographique (le gommage) et dans l’image cinématographique (le montage, la relation de l’acteur à l’objectif), qu’il recourt même à cet effet aux catégories de l’optique et du tactile introduites par Alois Riegl25, mais qu’il reste beaucoup plus discret sur les implications formelles de ce qu’il nomme la « première technique ». Outre sa remarque sur l’autonomie matérielle, désignée comme un facteur qui favorise l’exposabilité, on ne peut guère mentionner que le passage où il avance que les Grecs « avaient placé au sommet de la hiérarchie des arts la forme d’art la moins susceptible de perfectibilité, la sculpture, dont les productions sont littéralement tout d’une pièce26 ». Or, là aussi, il paraît difficile de suivre Benjamin : l’histoire de l’art la plus récente a attiré l’attention sur l’utilisation de moulages dans l’élaboration des statues dès l’époque de Praxitèle27. Cette technique permettait à l’artiste non seulement de reprendre indéfiniment son modèle pour affiner ses recherches (en matière d’expression, de geste, de rapports volumétriques...), mais de désolidariser du type de base les attributs qu’il y ajoutait ou qu’il modifiait au moment de la livraison ; cela veut dire que le prototype n’était déjà que le résultat d’une série de moulages à travers laquelle une solution s’était « trouvée », en sorte que l’original ouvrait, pour ainsi dire, en lui-même, dès l’origine, l’espace formel et herméneutique dans lequel se déploierait l’histoire à venir de ses reprises.
18Il semble donc que la question du lieu de l’œuvre ne doive plus être posée à partir des notions d’unicité, d’authenticité et d’aura, mais à partir de la forme. Ce faisant, on retrouverait une très vieille détermination du lieu, celle de la khôra platonicienne, en tant que lieu génétique des formes, lieu « porte-empreintes »28. Corrélativement, il nous faudrait compléter la problématique de l’autonomie, en faisant place à un troisième processus, celui de l’autonomie formelle. On sait que dans les termes de la théorie de la Gestalt, le rapport entre figure et fond joue à deux niveaux : de l’œuvre au fond sur lequel elle se détache (par exemple, le tableau par rapport au mur) ; des formes au plan sur lequel elles s’enlèvent (par exemple, la figure peinte par rapport à ce qu’exclut son contour). Cela signifie que l’autonomie formelle recouvre, d’une part le rapport de l’œuvre à l’espace extérieur, problème dont l’autonomie matérielle, et donc la mobilité physique, n’est qu’un aspect ; d’autre part, la constitution d’un espace formel (figuratif ou non figuratif), problème qui est au centre des approches formalistes de l’art, à commencer par les travaux des historiens de langue allemande (Worringer, Wölfflin), en particulier ceux de l’école de Vienne (Riegl, Wickhoff, Demus, Pächt), et sans oublier l’importante contribution, en France, d’un historien comme Pierre Francastel. La question qui se pose désormais serait de savoir si et comment ce processus d’autonomisation formelle s’articule avec les deux autres et si les rapports qui se nouent entre ces trois processus ont une incidence (et laquelle) non seulement sur la constitution formelle de l’œuvre et sur le lieu dans lequel elle s’insère, mais aussi sur sa définition ontologique.
19Au regard de cette problématique, le cas de l’architecture s’avère tout à fait décisif dans la mesure où la fonction de 1’habiter, y ayant toujours primé toute autre fonction, a pu secondariser la visée esthétique et bloquer en conséquence l’autonomisation artistique. Si la réception de l’architecture, pour reprendre les termes de Benjamin29, implique toujours les deux modes de l’« usage » et de la « perception », la perception optique ne s’y affranchit jamais totalement des habitudes où s’est d’abord coulée la perception tactile. De toutes les formes d’art du passé encore actives, l’architecture apparaît pour cette raison comme celle qui aura suscité le moins directement l’attitude contemplative (ce qui ne signifie pas qu’elle l’interdise) ; pour les usagers du lieu bâti, le mode perceptif le plus adéquat serait, selon Benjamin, celui de la distraction (qui n’est pas le divertissement), c’est-à-dire celui-là même que suscite, à l’ère de la reproduction mécanisée, cet autre art de masse qu’est le film, en raison des sauts attentionnels constants qu’y induit le montage. Mais c’est aussi parce qu’une architecture peut être aussi bien à voir qu’à vivre, à contempler qu’à parcourir des yeux, qu’elle constitue, pour Georges Duthuit, l’art sur lequel se décide le plus nettement la partition entre les espaces qui se construisent contre le lieu (le temple grec qui surplombe son site) et les espaces qui s’ouvrent au lieu (la basilique byzantine dont chaque élément est conçu pour accompagner le rituel) :
Le temple classique n’était que façades, au-dedans comme au-dehors. Campé sur l’azur, il dépendait du site autant qu’il l’asservissait. Le temple byzantin, lui, se contente d’un rosier et d’une route ; il s’inscrit dans un populeux carrefour, se creuse un nid de cyprès, se pose n’importe où l’exigent les nécessités congrégationnelles30.
20On se souvient que Benjamin voyait dans le fait que « certaines sculptures des cathédrales gothiques sont invisibles au spectateur au niveau du sol » une preuve que « la valeur rituelle exige presque que l’œuvre d’art demeure cachée »31. Pour Duthuit, c’est au contraire la caractéristique majeure de ces arts (l’art grec, l’art romain classique, l’art gothique, toute la peinture issue de la Renaissance italienne, le cubisme, l’abstraction) qui conçoivent l’image, l’œuvre comme un espace séparé requérant la contemplation et construit dans la plus absolue indifférence au lieu où nous sommes : ils nous plient, nous ploient à leurs exigences, nous contraignent à des positions et à des postures incompatibles avec la libre démarche de celui qui s’accorde à la vie comme elle va. Le lieu visé par cette requête ne saurait donc se confondre avec le sol (Grund) dans lequel Heidegger voulait que s’enracinât ce paradigme de l’œuvre d’art qu’est le temple grec32.
Reproduction, muséification, contexte
21Lisant Malraux, Duthuit avait fort bien vu tout d’abord ce que les thèses fracassantes du Musée imaginaire devaient à l’utilisation de la photographie, bien sûr, mais aussi à celle des techniques du montage mises en œuvre entre les deux guerres dans des publications comme les Cahiers d’art, Documents et Querschnitt : Malraux n’aura rien fait d’autre, en somme, que donner le nom de « style » à la valeur, à ses yeux positive, que libère le « détournement » photographique33. Duthuit avait également bien vu ce que ces mêmes thèses devaient à l’essai de Benjamin34, moins lu sans doute, et même moins connu, cet essai, qu’il ne l’est aujourd’hui. Dette signalée comme furtivement, au détour d’une note, par l’auteur de l’« Esquisse d’une psychologie du cinéma » (texte où était mise en place la « formule » de la reproduction) : « Voir à ce sujet le remarquable travail de M. Walter Benjamin » – sans plus, ce qui ne pouvait qu’inciter Duthuit, tant ces reconnaissances de dette sont rares chez Malraux, à aller y voir de plus près. Tout porte donc à penser que c’est Malraux qui fit découvrir à Duthuit l’essai de 1936, qu’il lit et cite dans la traduction de Klossowski. Que ressort-il de cette confrontation ? Que la distinction entre valeur rituelle et valeur d’exposition, Duthuit est prêt à l’assumer, mais à deux réserves près, qui livrent accès à des saillants majeurs de sa pensée. En premier lieu, si tant est que la valeur rituelle puisse se confondre avec la conception d’une œuvre d’art appelée à « se mêler à notre vie » – ce qui est tout le fond du problème-, cette conception ne saurait être tenue pour « exclusivement tributaire d’un rituel magique, comme le veut Benjamin, ce qui tendrait à la rendre non seulement caduque, mais impensable à notre époque »35. Là où Benjamin fait de la valeur rituelle la condition (le postulat et le mode d’être) de l’art du passé, et une condition comme telle dépassée, Duthuit voit avant tout en elle une postulation qui la dépasse, une postulation anti-esthétique susceptible d’être assumée à tout moment, à l’époque de Matisse comme à celle de Byzance. C’est là précisément qu’apparaît tout ce qui sépare la notion benjaminienne de valeur rituelle et l’idée selon laquelle l’œuvre d’art pourrait « se mêler à notre vie » – ce que l’on pourrait appeler sa « valeur vitale » ou « existentielle ». D’où, la seconde réserve exprimée par Duthuit : comprise avec Benjamin, « l’œuvre d’art rituelle s’efforcerait surtout d’exister, à peine d’aider ». Or, il est inexact de soutenir qu’elle cherche à se rendre « invisible, inaccessible à tous, sauf à ses desservants » :
une basilique – non un temple grec il est vrai – est un lieu de communion, la mosaïque est faite pour être saluée, l’icône pour être promenée, comme la statue pour se dresser au carrefour.
22Aux attendus près, le diagnostic de Duthuit n’est guère éloigné de celui d’Adorno : c’est le marxisme de Benjamin qui l’aurait contraint à « renoncer » aux valeurs rituelles et à l’aura – élitistes – pour faire l’apologie de la reproduction, à travers l’art de masse qu’est le cinéma. Benjamin tente de surmonter des contradictions : « Marxiste, il est aussi homme de goût et même collectionneur, tout au moins de belles images36. » La remarque va plus loin qu’il n’y paraît : loin d’étayer la lecture de l’essai de 1936 par une réduction biographique, elle fait apparaître comment la « logique » de la reproduction présuppose « le souvenir de l’œuvre d’art telle que la considère un collectionneur (comme le père de Benjamin), non comme remplissant un rôle essentiel dans les activités de la communauté37 ». En d’autres termes, la collection, c’est déjà le musée, et le musée, c’est déjà la reproduction. Là où les chemins de Malraux et de Benjamin se séparent, c’est que le second fait du seul cinéma l’art de l’avenir – en vertu du syllogisme selon lequel « le peuple, c’est l’avenir, le cinéma est populaire, le cinéma est l’avenir » –, quand le premier soutient que la reproduction sauve l’art en le popularisant.
23La critique radicale à laquelle Duthuit soumet les choix opérés par la tradition artistique qu’a fait prévaloir en Occident le canon gréco-renaissant conduit du même coup à inquiéter la notion de contexte et à jeter le soupçon sur l’appareil conceptuel qui la sous-tend. Ce serait en effet méconnaître la portée de cette critique et le sens même de la démarche suivie par Duthuit que d’en attribuer l’impulsion au projet de combattre l’entreprise de décontextualisation liée à la collection, au musée et à la reproduction photographique par une stratégie inverse qui se proposerait de resituer les œuvres dans leur temps, de reconstruire leur contexte culturel et spatial, même si ce souci ne lui est pas étranger. Considérer que l’église byzantine, avec son rituel, fait office de contexte par rapport à tel pavement de mosaïque, à ce chapiteau, à ce trône, à ce vêtement sacerdotal, au même titre que le temple grec par rapport à l’effigie d’une déesse, ce serait fondre l’une dans l’autre deux voies que Duthuit départage avec un emportement qui ne transige pas : dans un cas, l’œuvre est conçue, exécutée, perçue de manière telle qu’elle se trouve toujours en excès sur le lieu qui la présente – sa forme non moins que le regard que nous portons sur elle la rendant propre à s’en abstraire, à le transcender ; dans l’autre, le pavement de mosaïque, l’église elle-même ne prennent sens qu’à travers la fonction qu’ils assument pleinement, à travers la « forme de vie » qu’ils supposent (pour en emprunter la notion à Wittgenstein). Qu’il y aille, dans cette méditation de l’exemple byzantin, d’autre chose que de la reconstitution historique d’un environnement physique et mental, c’est précisément ce qu’enseigne la prise en considération d’une expérience et d’une pensée du lieu qui est à la fois, et indissolublement, d’ordre formel et d’ordre éthique : l’ouverture de la forme au lieu qui l’informe engage l’ouverture de la forme au lieu qui nous informe. Il n’est pas de lieu sans cette attention de la forme à, cette tension vers celui qui, vacant à ses occupations, le traverse.
24Un contexte, qu’est-ce d’autre, en définitive, que le fond mobile que l’historien fait glisser à l’arrière-plan de l’œuvre, pour en éclairer d’abord les conditions de production, puis pour dégager une à une les strates successives dont se compose sa « fortune critique » au gré des phases de sa réception ? Un contexte est, par définition, commutable ; un contexte en suppose toujours plusieurs autres ; un contexte ne vient jamais seul ; bref, toute mise en contexte en appelle à un jeu structural de variation par commutation. La statue grecque serait éminemment contextualisable parce que, même réassignée à la visée religieuse qui est d’abord la sienne, elle s’émancipe déjà, formellement, du lieu où elle est proposée à la vénération des fidèles et semble prendre la pose pour la galerie du riche amateur romain au temps de Pline l’Ancien, pour les collections princières de la Renaissance et les cabinets de l’Europe classique, pour les musées modernes, et enfin pour le musée imaginaire que fonde la reproduction photographique. D’où le soupçon que la grande tradition artistique occidentale qui court de Phidias à Raphaël, et au-delà, rend pensable la distance critique, le recul abstracteur qui fonde le regard historique, le regard contextualisant. La muséification, qu’elle passe par la pierre ou par le papier, qu’elle soit actuelle ou virtuelle, n’est pas un accident de l’évolution historique qui serait survenu extérieurement à l’art : elle est issue de la « conception erronée » promue par le paradigme gréco-renaissant38, elle en est la conséquence inéluctable.
25Mais la mosaïque byzantine que nous regardons aujourd’hui, dans les musées de Paris, de Londres, de Berlin, avec les yeux hellénisés de l’esthète incrédule, ne s’agit-il pas précisément, pour Duthuit, de la contextualiser, de la situer dans son milieu, de la rapporter à une « forme de vie », en vue d’en restituer tout le sens ? Non, car Duthuit ne fait pas seulement œuvre d’historien, avec, d’ailleurs, toute la science et tous les scrupules qu’une telle tâche implique. Ses textes se placent eux-mêmes sous le signe d’un engagement qui, sans exclure la vigilance – et même, bien au contraire-, requièrent d’autres dispositions et une tout autre position d’énonciation que celle de l’historien d’art, mais aussi du conservateur et du critique qu’il aura été. Qu’il écrive sur l’art copte, sur Byzance, sur Matisse ou Nicolas de Staël, l’exigence éthique qui tend son écriture est toujours perceptible, qui fait de cette œuvre, méconnue, oubliée, l’une des plus fortes et des plus singulières, l’une des plus intensément personnelles que compte un siècle pourtant riche en écrits sur l’art. Œuvre qu’il convient de relire non tant pour les réponses qu’elle propose que pour les questions qu’elle pose, qui toutes se ramènent à celle-ci : où en sommes-nous avec l’œuvre d’art ? Le grand article que Duthuit consacre à Matisse dans son rapport à Byzance le montre bien : il ne s’agit pas pour lui de se faire byzantin, de se tourner avec nostalgie vers le passé en vue de le ressusciter, moins encore de se convertir aux formes collectives du vivre-ensemble qu’assure l’adhésion à des croyances, à une foi religieuse, à un ordre politique, de promouvoir un véritable art collectif, populaire – tentation dont le Sacré-Cœur, l’Exposition des Arts Décoratifs suffisent, dit-il, à donner la mesure-, mais de rechercher activement les conditions sous lesquelles l’œuvre d’art, aujourd’hui, peut entrer dans nos vies, faisant voler les cadres de pensée qui contraignent dans la clôture muséale et le templum esthétique ce que l’on appelle œuvre, ce que l’on appelle art.
Notes de bas de page
1 Toute la première partie de l’œuvre de Foucault remet en cause l’« illusion du discours autonome », et à travers elle la notion de contexte : voir H. Dreyfus et P. Rabinow, Michel Foucault. Un parcours philosophique [1983], trad. F. Durand-Bogaert, Gallimard, « Folio », Paris, 1992, p. 15-147. En ce qui concerne Derrida, on sait que ses positions ont donné lieu à une polémique avec John Searle : voir J. Derrida, « Signature, événement, contexte » [1971], Marges de la philosophie, Minuit, Paris, 1972, p. 365-393, puis J. R. Searle, Pour réitérer les différences. Réponse à Derrida [1977], trad. J. Proust, Editions de l’Éclat, Combas, 1991, et enfin J. Derrida, Limited Inc., trad. É. Weber, Galilée, Paris, 1990 (qui reprend « Signature, événement, contexte » et la réponse de Searle).
2 Ou rendues perceptibles par un travail d’analyse rétrospectif, dans le cas des processus perceptuels de reconnaissance ayant pour objets des formes.
3 N. Goodman et C. Z. Elgin, Reconceptions en philosophie, dans d’autres arts et dans d’autres sciences [1988], trad. J.-P. Cometti et R. Pouivet, PUF, Paris, 1994, p. 60-63.
4 A. Danto, La Transfiguration du banal. Une philosophie de l’art [1981], trad. Cl. Hary-Schaeffer, Seuil, Paris, 1989, p. 74-83. Pour une position circonstanciée du problème et de ses enjeux, voir J. Morizot, Sur le problème de Borges. Sémiotique, ontologie, signature, Kimé, Paris, 1999.
5 R. Pouivet, L’Ontologie de l’œuvre d’art. Une introduction, Jacqueline Chambon, Nîmes, 1999.
6 Pour la distinction entre arts autographiques et arts allographiques, voir N. Goodman, Langages de l’art. Une approche de la théorie des symboles [1968 ; 2e éd. 1976], trad. J. Morizot, Jacqueline Chambon, Nîmes, 1990, p. 147-149, et la mise au point de G. Genette, L’Œuvre de l’art. 1. Immanence et transcendance, Seuil, Paris, 1994, p. 23.
7 Voir H. Belting, Image et Culte. Une histoire de l’art avant l’époque de l’art [1990], trad. F. Muler, Éditions du Cerf, Paris, 1998. La traduction fausse la signification du sous-titre original : Eine Geschichte des Bildes vor dem Zeiltater der Kunst, c’est-à-dire « Une histoire de l’image avant l’époque de l’art ».
8 Voir M. Fried, La Place du spectateur. Esthétique et origines de la peinture moderne [1980], trad. Cl. Brunet, Gallimard, Paris, 1990.
9 W. Benjamin, « L’œuvre d’art à l’ère de la reproductibilité technique » [1936], version française, Écrits français, éd. J.-M. Monnoyer, Gallimard, Paris, 1991, p. 147.
10 Ibid.
11 H. Damisch, « La valeur d’exposition », L’amour m’expose, Yves Gevaert Éditeur, Gand, 2000, p. 48.
12 Ps.-Lucien, Am., 13 (trad. dans Lucien de Samosate, Amours, trad. P. Maréchaux, Arléa, Paris, 1993, p. 23-24 ; texte grec dans Luciani Opeera, éd. M. D. Macleod, Oxford Classical Texts, Oxford, 1972-1984, t. III, p. 92). Le texte sera cité par Biaise de Vigenaire dans son commentaire de la description par Philostrate l’Ancien (Imag., II, 1) de la Vénus Éléphantine : Philostrate, Les Images ou Tableaux de plattepeinture, trad. et commentaire de Biaise de Vigenère [1578], éd. F. Graziani, Champion, Paris, 1995, t. II, p. 472-473.
13 R. Otto, Le Sacré. L’élément non rationnel dans l’idée du divin et sa relation avec le rationnel [1929], trad. A. Jundt, Payot et Rivages, « Petite Bibliothèque Payot », Paris, 1995, p. 27-43 (le mysterium tremendum) et 45 (le thambos).
14 Lettres d’Italie du Président de Brosses, éd. F. d’Agay, Mercure de France, Paris, 1986, t. I, p. 326-327 (lettre XXIV, datée du 4 octobre [1739]).
15 N. Goodman, « L’art en action », trad. J.-P. Cometti, Les Cahiers du musée national d’Art moderne, 41, « Nelson Goodman », automne 1992, p. 12, ainsi que les citations suivantes.
16 Id., Langages de l’art, op. cit., p. 89.
17 Ibid., p. 155.
18 Les deux premiers points sont présents dès la première version de « L’œuvre d’art... » (W. Benjamin, Œuvres, Gallimard, « Folio », Paris, 2000, t. III, p. 71, et version française, loc. cit., p. 141) ; le troisième est introduit dans une note de la dernière version, où il est dit que l’histoire de la Joconde « doit tenir compte aussi de la façon dont on l’a copiée au XVIIIe et au XIXe siècles, et de la quantité même des copies » (trad. M. de Gandillac, revue par R. Rochlitz, Œuvres, op. cit., t. III, p. 273, n. 2).
19 Id., « L’œuvre d’art... », version française, loc. cit., p. 142.
20 Ibid., p. 144, ainsi que la citation suivante. Voir id., « Petite histoire de la photographie » [1931], trad. M. de Gandillac, revue par P. Rusch, Œuvres, op. cit., t. II, p. 311.
21 M. Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleur, À la recherche du temps perdu, éd. P. Clarac et Y. Ferré, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, 1968-1969, t. II, p. 659, ainsi que les citations suivantes.
22 E. Panofsky, « Contribution au problème de la description d’œuvres d’art appartenant aux arts plastiques et à celui de l’interprétation de leur contenu » [1932], La Perspective comme forme symbolique et autres essais, trad. sous la dir. de G. Ballangé, Minuit, Paris, 1975, p. 248 (citant M. Heidegger, Kant und das Problem der Metaphysik, de 1929). La référence à Heidegger et le problème soulevé par lui ont disparu des versions ultérieures que Panofsky a données de son texte (en 1939, 1955 et 1962).
23 M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception [1945], Gallimard, « Tel », Paris, 1976, p. 324-325.
24 E. Straus, Du sens des sens. Contribution à l’étude des fondements de la psychologie [1935 ; 2e éd. 1955], trad. G. Thinès et J.-P. Legrand, Jérôme Millon, Grenoble, 2000, p. 410.
25 Si Benjamin donne acte à Riegl, ainsi qu’à Franz Wickhoff, d’avoir su relever les traits formels du paradigme perceptif qui émerge dans les arts appliqués du Bas-Empire à l’époque des invasions barbares, il leur fait grief de n’en avoir pas fait apparaître les condition sociales (« L’œuvre d’art... », version française, loc. cit., p. 143-144).
26 Ibid., p. 151.
27 Voir V. M. Strocka, « Variante, Wiederholung und Serie in der griechischen Bildhauerei », Jahrbuch des deutschen archdologischen Instituts, 94, 1979, p. 143-173 ; J. Marcadé, « La polyvalence de l’image dans la sculpture grecque » [1985], Études de sculpture et d’iconographie antiques. Scripta varia, 1941-1991, Publications de la Sorbonne, Paris, 1993, p. 485-500.
28 Platon, Timée, 50 c-e.
29 W. Benjamin, « L’œuvre d’art... », version française, loc. cit.,p. 167-168.
30 G. Duthuit, « Byzance et l’art du XIIe siècle » [1926], Représentation et Présence. Premiers écrits et travaux (1923-1912), éd. Y. Bonnefoy, Flammarion, Paris, 1974, p. 127 (ce passage, parmi d’autres, a été repris littéralement par Duthuit dans « Matisse et la perception byzantine de l’espace » [1949], Écrits sur Matisse, éd. R. Labrusse, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Paris, 1992, p. 84-85, texte publié pour la première fois dans la revue Transition, que Duthuit dirigeait, et traduit par Bee Formentelli).
31 W. Benjamin, « L’œuvre d’art... », version française, loc. cit., p. 147.
32 M. Heidegger, « L’origine de l’œuvre d’art » [1935-1936], Chemins qui ne mènent nulle part, trad. W. Brokmeier, Gallimard, « Idées », Paris, 1980, en particulier p. 44-45.
33 G. Duthuit, Le Musée inimaginable, José Corti, Paris, 1956, t. II, p. 335.
34 Ibid., p. 337.
35 Ibid., p. 343, ainsi que les citations suivantes.
36 Ibid., p. 346.
37 Ibid., p. 345, ainsi que la citation suivante.
38 Ibid., p. 344.
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