L’incertitude des signes de la mort : avatars romanesques d’une question médicale dans trois œuvres de Francesco Mastriani
p. 39-62
Texte intégral
1À partir des années 1830, la très vieille question de l’identification des signes de la mort retrouva une actualité médicale avec les épidémies de choléra. Le choléra en effet, dans sa phase la plus aiguë, provoquait chez le malade un phénomène de cadavérisation et éventuellement de mort apparente. De nombreux récits de cas de cholériques que l’on croyait morts, et qui revinrent à la vie, frappèrent les esprits et poussèrent le monde médical à reposer la question des signes certains de la mort.
2La définition médicale de la mort n’est certes qu’un aspect de la définition d’une notion qui réclamerait en outre une interrogation sociologique et philosophique de fond. Ce n’est pas le but de cette étude, où nous nous limiterons à montrer comment l’interrogation médicale sur les signes de la mort, liée à une peur collective qui suscita la mise en place de dispositifs d’hygiène publique, donna lieu à une exploitation romanesque. Dans un premier temps, nous évoquerons la question des signes de la mort sous l’angle de la médecine et de l’hygiène publique. Nous relaterons d’abord brièvement les tentatives pour définir les signes de la mort dans les années 1830-1850. Sur le plan théorique, ces tentatives ne débouchèrent pas sur une définition admise par tous, et en tout état de cause, dans la pratique médicale courante, la frontière était indéniablement trop ténue entre les cas de mort apparente et les cas de mort réelle qu’un seul critère permettait finalement de distinguer. Ce critère, c’était le temps, ce temps qui manquait au médecin, puisque le délai entre la mort et l’inhumation se limitait dans les faits à vingt-quatre heures. Bon nombre de médecins et d’hygiénistes pensèrent donc qu’il fallait mettre en place des dispositifs scientifiques d’observation prolongée des cadavres. Nous présenterons ces dispositifs relevant de l’hygiène publique, tantôt appelés dépôts mortuaires, tantôt obitoires : à travers eux, c’est une théâtralisation des signes de la mort qui s’opère, une mise en scène frappante du cadavre, d’une efficacité douteuse, mais pleine d’enseignements sur les angoisses de l’époque et son souci de conservation de la vie. Il est nécessaire de présenter les analyses des médecins et les réponses des hygiénistes à la question de l’incertitude des signes de la mort pour comprendre les trois romans de l’écrivain napolitain Francesco Mastriani (1819-1891) sur lesquels nous nous pencherons dans un second temps de notre étude. Dans Il Mio Cadavere (« Mon Cadavre »), publié en 1853, Mastriani reprend le thème de la surveillance codifiée du cadavre pour en faire le nœud de l’intrigue. Dans I Misteri di Napoli (« Les Mystères de Naples »), œuvre inspirée des Mystères de Paris d’Eugène Sue, et parue en 1869-1970, et L’Orfana del Colera (« L’Orpheline du choléra »), publiée en feuilleton en 1884, le romancier utilise l’ambiguïté des signes de la mort pour faire rebondir son intrigue. L’œuvre de Francesco Mastriani donne une large place à la question de la mort apparente et au motif de l’enterré vivant. Nous expliquerons l’origine de cette obsession et ses traces romanesques, mais notre dessein n’est pas de nous livrer à une analyse mythocritique. Nous montrerons comment, dans les romans-feuilletons de Mastriani, la description du cadavre, ou prétendu tel, est un moment-clé du récit et fait l’objet d’un dispositif d’écriture complexe où le romancier piège son lecteur, en suscitant de façon simultanée des niveaux de lecture multiples. Une étude attentive des scènes de déchiffrement des signes de la mort dans ces trois romans permettra en fait de montrer comment, chez Mastriani, la description médicale, bien loin de relever seulement d’une obsession macabre ou d’une quête de scientificité ornementale, participe pleinement de l’économie du récit, et constitue peut-être un des moments où se manifestent le plus clairement les enjeux, les paradoxes et la richesse de l’écriture du roman-feuilleton.
Médecins et hygiénistes face à l’incertitude des signes de la mort
L’ancien régime de l’identification de la mort
3La question des signes de la mort est une question évidemment ancienne et en perpétuel devenir, amenée à évoluer et à se redéfinir à chaque nouveau progrès de la recherche médicale, à chaque apparition d’un nouveau moyen d’investigation clinique. Globalement, on peut dire que jusqu’au milieu du xviiie siècle, dans un ancien régime de la science qui coïnciderait avec l’Ancien Régime de l’histoire, la question de la mort certaine se résout de façon empirique : les rituels funèbres – toilette et exposition du mort – avaient entre autres pour fonction de faire s’écouler un laps de temps probatoire avant l’inhumation. Quant au rituel antique de la conclamatio, qui consistait à appeler trois fois un mort avant de l’ensevelir, il s’est maintenu plus longtemps qu’on ne pourrait le penser : le protocole de l’Église prévoit qu’un prélat appelle trois fois le pape défunt par son nom de baptême pour s’assurer de sa mort et surtout l’authentifier symboliquement.
4Les historiens qui se sont penchés sur l’étude des testaments ont par ailleurs mis en évidence les demandes des testateurs pour conjurer les inhumations prématurées, en cas de mort apparente. Philippe Ariès estime que c’est à partir des années 1660 qu’apparaissent dans les testaments des précisions sur les délais d’inhumation : « Que mon corps soit ensevely 36 heures après mon décès mais pas plus tôt1 », précise un testament en 1662, le maximum des demandes s’élevant à trois jours. Au-delà, le cadavre empestait. Il relève même à la fin du xviIe siècle des demandes de scarification. Ainsi Elisabeth d’Orléans précise-t-elle dans son testament en 1696 : « Que l’on me donne deux coups de rasoir sous la plante des pieds2 » ; une bourgeoise de Saint-Germain-en-Laye écrit aussi en 1790 : « Que mon corps reste dans mon lit […] pendant 48 heures et qu’après ce temps il me soit donné des coups de lancette aux talons3. »
5Bref, sous l’Ancien Régime, faute de savoir identifier avec certitude des signes de la mort, on procédait à des rituels empiriques destinés à débusquer les dernières traces de vie. C’est ce qu’on pourrait appeler l’ancien régime de l’identification de la mort.
Réapparition de la question de la mort apparente dans les années 1830
6Au xixe siècle, l’interrogation sur la mort apparente, et sur la nécessité de définir des signes certains de la mort, est liée à l’étude de deux phénomènes : l’asphyxie et le choléra. Dans un manuel publié en 1833 – et dont nous aurons à reparler, car Francesco Mastriani y fait référence dans un de ses romans –, le médecin italien Pietro Manni, Professeur à l’Université de Rome, montre que l’asphyxie peut conduire dans certains cas à la mort apparente4. À la même époque exactement, apparaît en Europe le choléra, dont la forme typique est appelée algide ou cyanique : le cholérique, vidé de tous ses liquides par les diarrhées et les vomissements, se retrouve considérablement amaigri, sa température chute, son pouls devient imperceptible. Le défaut d’oxygénation colore la peau de lividités et d’une teinte bleue qui provoquent une véritable cadavérisation du malade et peuvent faire croire à la mort. Les récits se multiplient de cholériques qui reviennent à la vie sur le tombereau qui les mène au cimetière, ou juste avant d’être ensevelis.
7Dans ce contexte, il devient urgent d’établir des signes de la mort certaine. En 1837, Pietro Manni propose donc à l’Académie des Sciences de Paris une somme de 1 500 francs destinée à récompenser le meilleur mémoire sur la mort apparente. Le prix sera remporté par Eugène Bouchut qui distingue trois signes certains de la mort :
absence prolongée des battements du cœur ;
relâchement simultané de tous les sphincters ;
affaissement des yeux et formation d’une toile glaireuse sur la cornée.
8Pour l’Académie, un seul de ces signes, le premier, pouvait être admis. Malheureusement, le livre de Bouchut fut à peine publié5 que plusieurs médecins firent connaître, notamment à l’occasion de l’épidémie de choléra de 1849, de nombreux exemples d’individus revenus à la vie après l’absence prolongée des bruits de cœur à l’auscultation.
9La question fut remise à l’étude et l’Institut couronna alors le mémoire d’Antoine Josat. Pour lui, un seul signe de la mort était certain : la décomposition cadavérique. D’où la nécessité de conserver les cadavres jusqu’à l’apparition de premiers signes de désagrégation. Il demanda alors à ce que fût révisée la législation sur les décès, avec la clause de l’inhumation au bout de vingt-quatre heures, et que soient mises en place des chambres mortuaires sur le modèle allemand6. Dès la fin du xviiie siècle en effet, les Allemands, en faisant édifier des chambres mortuaires, avaient institué une approche méthodique de la surveillance de la mort, en rupture avec les pratiques empiriques que nous avons décrites précédemment. Avec ces institutions, la surveillance du mort sortait du cercle familial et devenait une question d’hygiène publique.
Conserver et surveiller les morts : l’invention des obitoires
10En 1791, sous l’influence d’un médecin nommé Hufeland7, naquit en Allemagne une institution d’un nouveau type : une chambre de dépôt des morts qui portait sur son frontispice l’épigraphe latine suivante : Vitae dubiae asylum, « asile de la vie incertaine ». Il s’agissait à proprement parler non pas d’une morgue – où l’on dépose les cadavres à l’identité inconnue ou en attente de constatation médico-légale – mais d’une chambre destinée à la surveillance des corps d’individus dont la mort ne pouvait être qu’apparente. Le dispositif était extrêmement frappant, et ne tarda guère à être adopté dans toute l’Allemagne : à Berlin en 1797, à Mayence en 1803, à Munich en 1818, à Francfort en 1823, puis à Nuremberg, Augsbourg, Wurtzbourg. On en trouve des descriptifs dans des ouvrages médicaux, sous l’étiquette « maisons mortuaires » ou « obitoires »8.
11Le Vitae dubiae asylum de Weimar se présentait ainsi : une salle d’exposition pour une douzaine de corps, un cabinet de bains, une salle de sauvetage avec un lit et les appareils nécessaires. Un gardien était chargé de surveiller jour et nuit les cadavres, dont il était séparé par une cloison vitrée. Le trait frappant du dispositif était que les membres des cadavres étaient reliés à un fil, lui-même attaché à une clochette, qui devait sonner au cas où le cadavre se mettrait à bouger. On peut donc dire que la surveillance était purement sonore, le gardien n’ayant pas à faire preuve de compétences médicales.
12Par la suite, l’asile de Weimar, adopté dans de nouvelles villes, fut amené à se transformer dans ses fonctions et dans ses formes, comme on le voit dans les descriptions qu’en donne l’hygiéniste napolitain Marino Turchi, en 1862. Il décrit ainsi l’asile de Munich :
Mais le plus magnifique de tous [les asiles] est celui de Munich, lequel se situe à l’intérieur du cimetière, et constitue en même temps un Panthéon des hommes célèbres. Il a de nombreuses et vastes salles ventilées et lumineuses : il est ceint d’un portique de quatre-vingt-quatorze colonnes corinthiennes, et le long du mur il y a des niches pour loger ceux qui auraient bien mérité de la patrie, soit dans les arts de la paix, soit dans les arts de la guerre9.
13Il s’agit là d’un asile élitiste, dévié de sa fonction initiale et voué à la conservation des corps illustres, palais mortuaire aux dimensions et aux fonctions pharaoniques plus que dépôt mortuaire à fins d’observation médicale.
14L’asile de Francfort, construit en 1823, respectait quant à lui la fonction initiale de surveillance, mais apportait une nouveauté architecturale remarquable, la forme panotpique, saluée par l’hygiéniste italien :
L’asile de Francfort, bien qu’il ne soit pas aussi splendide, est mieux disposé et plus digne d’être imité ; il a d’une certaine façon la forme du panoptique de Bentham et il reçoit la lumière du haut par une large et unique ouverture. La lumière se répand dans la chambre du gardien, qui est au milieu, et dans les cellules qui sont disposées tout autour, où l’on dépose les morts, et que le gardien peut aisément surveiller à travers de petites fenêtres. Dans toutes les cellules il y a des ventilateurs et des calorifères, qui maintiennent une température modérée et un air sans cesse renouvelé et pur. Et il y a des bains, des pharmacies, des magasins où déposer les affaires ; et à côté de l’Asile il y a la maison du médecin. Le mécanisme des clochettes est tel, qu’au moindre mouvement elles teintent si fort et si aigu qu’elles rompraient le sommeil le plus profond et le plus endurci10.
15Les obitoires allemands furent donc admirés, préconisés en France et en Italie, sans pour autant y être adoptés, car, outre les dépenses qu’ils supposaient, leur efficacité ne fut pas démontrée. L’article du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales de Dechambre, qui date de 1880, ne signale pas de cas de gens revenus à la vie et sauvés par ce système.
La mort à l’œuvre : avatars romanesques de la question des signes de la mort et de la surveillance du cadavre
16Nous avons donc évoqué les aspects médicaux de la question de la mort apparente, puis ses retentissements dans le domaine de l’hygiène publique. Ce détour était nécessaire pour comprendre l’arrière-plan historique et médical des romans de Francesco Mastriani que nous allons étudier : Il Mio Cadavere (1853), I Misteri di Napoli (1869) et L’Orfana del Colera (1884). D’une part, Mastriani met en fiction dans ces trois romans la question médicale des signes de la mort, à travers des scènes d’observation de cadavres. D’autre part, le motif de la chambre mortuaire et de la surveillance du cadavre fournit la trame du roman Il Mio Cadavere.
La scène de déchiffrement du cadavre
17Le thème de la mort apparente traverse l’œuvre-palimpseste de Mastriani, qui de romans en romans recyclait les mêmes motifs11. Mastriani était personnellement angoissé par l’idée de mourir et plus précisément d’être enterré vivant. Son fils, le seul de ses quatre enfants qui finalement lui resta après un mariage consanguin, raconte qu’il demandait souvent à ses proches de conserver son cadavre au moins quarante-huit heures après sa mort12. Sans doute son expérience des épidémies successives de choléra à Naples y était-elle pour quelque chose13. C’est en tout cas au moment de la première épidémie de choléra napolitaine, en 1836-1837, que le romancier situe l’histoire de Leopoldo et de Bettina, histoire enchâssée dans le récit-cadre des Misteri di Napoli.
18Leopoldo, jeune homme issu d’une famille aisée, s’est épris de Bettina, une jeune fille orpheline de père, qui fait des travaux de broderie pour subsister. Le jeune homme voudrait épouser sa bien-aimée, mais son père s’y oppose, car elle n’a pas de dot. Devant l’inflexibilité de son père, Leopoldo finit par oublier et abandonner Bettina. Mais celle-ci est tombée enceinte, et met au monde un enfant qui ne vit que quelques heures. Elle sombre dans le désespoir et devient la proie toute désignée du choléra qui surgit à Naples à ce moment-là :
La pauvre Bettina, travaillée depuis quelque temps par la plus sombre tristesse, usée par la fatigue et par les larmes qu’elle dévorait en secret, ne pouvait échapper aux griffes du choléra14.
19Voyant sa fille malade et condamnée, Teresa, la mère de Bettina, demande à un prêtre de partir à la recherche de Leopoldo, et de le ramener au plus vite auprès de sa fiancée. Le prêtre revient effectivement avec le jeune homme, à qui il demande alors d’épouser Bettina, pour qu’elle ne meure pas en état de péché, car elle est déjà à l’agonie :
Il avait connu cette femme dans la rose fraîcheur de la santé et de la beauté. Maintenant, quel spectacle elle lui offrait ! Les orbites des yeux creusées, les pupilles vitreuses, les muscles de son visage noirci contractés, la chevelure dressée, les dents découvertes et crispées, d’où sortait une bave trouble... Tout le corps contracté15.
20Mis face à son devoir, Leopoldo accepte de l’épouser : un officier d’état civil est dépêché en toute hâte, le mariage est célébré, et le prêtre donne la bénédiction nuptiale :
Comme ce mariage fut émouvant !
On allumait les flambeaux nuptiaux qui serviraient peut-être peu après de chandelles de mort.
Leopoldo avait mis au doigt de son épouse l’anneau rituel.
L’épithalame de l’hyménée allait tourner en epicedium funèbre.
Leopoldo avait épousé un cadavre16.
21Le commentaire du narrateur (« Comme ce mariage fut émouvant ! ») paraît bien étrange au lecteur d’aujourd’hui, de même que le silence de Leopodo et sa résignation à accomplir un mariage mort-né. On aurait pu s’attendre à une satire de la religion, de ses injonctions morales absurdes. Mais tel n’est pas le propos de Mastriani qui, s’il souligne en termes pompeux le paradoxe de la situation – « L’épithalame de l’hyménée allait tourner en epicedium funèbre » –, ne relève pas son absurdité. En fait, il s’agit là d’une manipulation émotionnelle de la part du romancier, qui vient de mettre en place les éléments d’un renversement de situation. En effet, Leopoldo a laissé sa femme pour morte, et a repris ses occupations littéraires et mondaines. Il ne tarde pas à s’éprendre de Sofia, jeune fille riche et de bonne naissance. Il finit par l’épouser, et le jour des noces, au moment du festin, une surprise l’attend :
Mais... alors que les vœux aux mariés se faisaient plus vifs et plus nombreux, et que l’on banquetait dans une ivresse de plus en plus joyeuse, sur le seuil de cette splendide salle apparut un fantôme.
C’était la pauvre brodeuse de Santa Lucia al Monte, la morte du choléra Bettina S…17
22Bettina n’est donc pas morte. Au moment où Leopoldo l’a laissée, elle n’était que dans un état de mort apparente. Après la bénédiction du cadavre, elle a été transportée au cimetière, et s’est réveillée juste avant d’être ensevelie. La cadavérisation n’était donc que la phase ultime de la maladie, et non le signe de la mort. On voit donc ici comment le romancier joue sur l’imprécision ou l’ambiguïté des signes de la cadavérisation pour construire le rebondissement du roman-feuilleton. L’ambiguïté des signes lisibles sur le cadavre tient ici aux lacunes de l’examen clinique, mais ces lacunes sont logiques : nous voyons le cadavre à travers les yeux de Leopoldo : il ne s’agit donc pas d’un regard médical, mais du regard d’un profane inapte à déceler les signes de la mort apparente.
23C’est le même procédé qu’utilise Mastriani dans L’Orfana del Cotera, mais cette fois-ci le piège est plus élaboré, car le romancier décrit un examen clinique extrêmement circonstancié, que le lecteur a spontanément tendance à accréditer du fait de sa scientificité extrême. Précisons qu’il ne s’agit pas ici d’un examen de cadavre, mais c’est tout comme, la malheureuse dont il est question, Donna Florinda, étant en train de vivre ses derniers instants. Le tableau clinique que nous découvrons, nous le découvrons à travers les yeux de l’héroïne, Marta, qui en passant dans la rue et en entendant les cris de l’agonisante a décidé d’aller lui porter secours :
Un triste spectacle s’offrit à sa vue.
La pauvre femme se débattait dans d’horribles souffrances.
Elle s’était jetée sur le lit, dont son corps, contracté par un froid très intense, faisait trembler sous lui les planches par des frissons vigoureux.
Le visage de la gisante n’était plus reconnaissable, tant les atroces contractions convulsives lui avaient creusé les os faciaux et enfoncé les yeux, qui exprimaient de l’épouvante et de la douleur.
En quelques heures, sur son front ses cheveux épais avaient blanchi.
La malheureuse n’avait pas même eu la force de se recouvrir le corps avec des linges chauds, tant le malheur avait jeté un marasme de mort dans ces membres recroquevillés.
Les draps étaient recouverts par la matière de vomissements récents18.
24Dans cette description, les principaux symptômes du choléra – le refroidissement du corps, l’amaigrissement subit, les vomissements, l’ataxie – sont énoncés de façon précise. Le lecteur peut s’étonner de cette précision clinique, peu vraisemblable si l’on considère que la description est faite du point de vue de Marta, une femme du peuple. Il croit alors pouvoir se réjouir d’avoir piégé le romancier, maladroit à construire une description plausible en focalisation interne et maladroit à dissimuler sa documentation médicale. D’ailleurs, à y bien regarder, cette description est-elle exacte ? À qui connaît bien les signes du choléra, un détail peut sembler invraisemblable : le blanchissement instantané des cheveux. Mastriani se serait donc trompé, ou aurait introduit volontairement ce détail pour accentuer le caractère fantastique de la description. Pourtant, au moment où le lecteur croit avoir piégé le romancier, c’est lui qui se fait piéger. En effet, nous apprendrons ensuite que donna Florinda a été empoisonnée par son ex-mari, Usbaldo Schuld, un pharmacien qui a profité de l’épidémie de choléra, et de la confusion possible entre les symptômes de cette maladie et ceux de l’empoisonnement à l’arsenic, pour déguiser son meurtre :
Étant donné que les symptômes qui accompagnent la mort provoquée par le mal asiatique sont à peu près semblables à ceux qui accompagnent la mort par empoisonnement, un bon nombre de vengeances privées s’exécutent dans l’espérance de l’impunité19,
25Or, seul le signe du blanchissement des cheveux permettait dans cette description de faire signe du côté de l’empoisonnement. Les autres signes pouvaient être ceux du choléra. L’écriture de Mastriani est donc ici extrêmement précise, et il faut battre en brèche l’idée que l’écrivain de roman-feuilleton introduirait des descriptions médicales dans son récit dans le but inavoué de le lester d’une scientificité censée impressionner le lecteur, ou de tirer à la ligne, en recopiant tels quels des passages de traités médicaux.
26En fait, l’écriture de la description médicale est minutieuse, afin de mettre en place un piège dont il est frappant de constater qu’il fonctionne pour au moins deux types de lecture possibles : soit on est le lecteur lambda de roman-feuilleton, on pratique la tmèse barthésienne, et on passe rapidement sur la description clinique en retenant seulement que donna Florinda est en train de mourir du choléra, et l’on se trompe ; soit on est un lecteur précis, possédant une culture médicale, et à ce moment-là on croit pouvoir s’amuser de ce que le romancier se trompe. Mais dans les deux cas le piège fonctionne. À pratiquer les romans de Mastriani, on s’aperçoit ainsi que la scène de déchiffrement clinique, piégée par l’écrivain, doit toujours amener de la part du lecteur un acte de déchiffrement supplémentaire. Il faut alors se rendre à cette évidence, que notre positivisme aurait parfois tendance à nous faire oublier : dans le roman, la science n’est jamais une vérité en soi, sa signification est toujours romanesque. In fine, le romancier suscite chez son lecteur la capacité à ne pas seulement lire la description au premier degré, comme une information médicale, mais à déchiffrer ses ambiguïtés, à la percevoir comme information romanesque. Cela suppose que le lecteur ne s’identifie pas naïvement au personnage et à sa vision des choses, alors que tout dans le roman-feuilleton est fait pour provoquer cette identification : dans L’Orfana del Colera, Marta, qui interprète à tort les symptômes qu’elle déchiffre sur le corps de donna Florinda, a pourtant toute la sympathie du lecteur : c’est la figure-type de l’innocence persécutée, en butte aux manœuvres des méchants. On peut donc dire que les codes du roman-feuilleton orientent un type de lecture « naïve » que le romancier doit savoir mettre en place pour la déjouer. Autrement dit, le roman-feuilleton nous apprend qu’on ne lit que dans un système de codes, dont les rebondissements de l’intrigue constituent le déchiffrement. Car le feuilletoniste ne piège son lecteur que pour mieux le récompenser, il code pour piéger, et il décode pour récompenser. Dans son étude sur Les Mystères de Paris, Umberto Eco a montré que le socialisme d’Eugène Sue trouvait son expression rhétorique dans la « structure de la consolation20 ». On pourrait le paraphraser en disant que le roman-feuilleton est un socialisme de la lecture : tout le monde finit par tout déchiffrer, il y a seulement des intelligences qui demandent plus de temps, mais la gratification herméneutique est au bout du chemin, pour le lecteur, comme la gratification morale est au bout du chemin pour le héros.
De l’obsession de l’inhumation prématurée à la surveillance ritualisée du cadavre : Il Mio Cadavere ou la matrice funèbre de la fiction
27Il Mio Cadavere, roman publié en 1853, contient, comme I Misteri di Napoli et L’Orfana del Colera, une scène d’observation clinique du cadavre qui est même en volume beaucoup plus importante que les deux autres. Son statut est cependant différent, dans la mesure où elle est effectuée par un médecin, et non par un personnage naïf sur le plan médical. Surtout, l’observation du cadavre a été voulue par le héros, qui est obsédé par l’idée d’être enterré vivant, et qui a prévu qu’une fois sa mort établie avec certitude, son cadavre sera embaumé et surveillé pendant neuf mois avant d’être définitivement mis à l’abri dans un mausolée. Toutes ces dispositions ont été consignées dans un testament, qui constitue en fait la matrice funèbre de la fiction, la stratégie de conjuration de la mort étant le nœud de l’intrigue et en même temps son foyer symbolique.
28Quand nous faisons la connaissance du héros, Edmondo, il est installé à Mannheim en Allemagne. Un retour en arrière nous apprend qu’il a une double identité : il est à le fois le « baronnet » Edmondo Brighton et le Comte de Sierra Bionda. Anglais de naissance, il s’est en fait établi lorsqu’il était jeune dans une vaste propriété en Espagne. Très riche, il y a passé de nombreuses années à donner libre cours à ses plaisirs, mais un beau jour, il a dû fuir précipitamment l’Espagne pour échapper à la vengeance du duc de Gonzalvo, dont il a séduit la sœur, Juanita.
29Il choisit alors de se réfugier en Allemagne, ce qui n’est pas innocent, même si ce choix n’est pas géographiquement pertinent. En effet, quand à la fin du roman le duc de Gonzalvo, qui habite désormais à Naples, apprendra que le repaire de son ennemi juré était en Allemagne, il s’écriera : « Quoi ? Il était en Europe ? Si près ? » Le choix d’Edmondo est médicalement signifiant : l’action du roman se déroule en effet en 1826, et, à cette époque, nous venons de le montrer, l’Allemagne représente la référence, si l’on peut dire, en matière de surveillance des cadavres. Or le héros de Mastriani est obsédé par l’idée de la mort. Lui qui, jadis, a dissipé sa vie dans les plaisirs, insouciant du lendemain, a pris soudain conscience de la valeur de la vie, qu’il s’emploie désormais à conserver méthodiquement au moyen d’un régime physique et alimentaire étudié, entrepris sous la surveillance méthodique de son médecin, le docteur Weiss. Évidemment, ce désir de conserver chaque parcelle de vie qui pourrait devenir la proie de la vieillesse n’est que la face apparente d’une obsession de la mort qui va grandissante, et plus Edmondo s’acharne à conjurer la mort, plus celle-ci dévore sa vie. La pensée de la mort envahit sa vie, jusqu’à le priver de toute existence ; il sombre dans la neurasthénie, et son angoisse devient irrépressible lorsqu’il découvre l’ouvrage d’un médecin allemand intitulé La mort apparente. La crainte d’être enterré vivant s’empare alors de lui. Il est assailli de cauchemars où il se voit sous terre, encore en vie et assistant à sa propre décomposition. Paradoxe qui n’est qu’apparent, car, comme le comprend Edmondo, ce qui donne la vie, de façon totalement réversible, donne la mort :
Les éléments de l’air atmosphérique, ces éléments qui pendant tant d’années ont travaillé à conserver la vie, se pressent désormais pour reprendre le fruit de leur travail, en s’appropriant les molécules qui se détachent de cette organisation en ruines21.
30Pour éviter une inhumation prématurée, Edmondo prend alors dans son testament les dispositions suivantes : lorsqu’il mourra, le docteur Weiss devra d’abord examiner scrupuleusement son cadavre, pour écarter l’éventualité d’une mort apparente. Ensuite, il devra l’embaumer. Dans un troisième temps interviendra Daniele de’ Rimini, un jeune pianiste que le docteur Weiss a fait rencontrer à Edmondo pour le distraire de sa mélancolie. Edmondo s’est pris d’une vive sympathie pour Daniele et l’a fait son légataire universel ; à une condition : qu’il veille sur son cadavre embaumé pendant neuf mois, selon un rituel bien précis.
31Évidemment, ces volontés testamentaires ne tardent pas à être exécutées, étant donné que la fortune d’Edmondo est considérable, et que le jeune Daniele ne souhaite pas attendre trente ou quarante ans pour hériter. Il décide donc d’empoisonner Edmondo à l’aide de poudre de feuilles d’Upas, arbre de l’île de Java qui tue de façon foudroyante par simple contact. Une nuit qu’Édmondo dort, Daniele s’approche de son lit, lui jette un peu de poudre sur le visage, et celui-ci meurt instantanément.
32Le docteur Weiss est donc appelé le lendemain de la mort d’Edmondo pour examiner le cadavre. C’est l’occasion d’une longue description où Mastriani mobilise son savoir médical. Le docteur Weiss s’efforce en fait de démêler les signes de la mort réelle des signes de la mort apparente, en procédant à un examen diacritique :
Le docteur Weiss voulut rester seul avec le cadavre du Baronnet.
Il commença d’abord par examiner si avait commencé l’insensible putréfaction des parties nobles du corps, premier signe qui caractérise la mort. L’organisme d’Edmondo était intact, et il n’était pas impossible qu’un reste de vitalité se cachât dans un des principaux organes destinés à conserver la vie.
Il procéda avec toute la minutie possible à un examen approfondi.
Il est certain que, quand un principe de vitalité reste renfermé dans les parties les plus secrètes de l’organisation, il ne peut échapper au regard profond et investigateur de l’homme de l’art ; car dans ce cas la physionomie du prétendu défunt présente des indices et des caractères qui sont bien différents de ceux qu’on distingue sur le visage des morts véritables.
Le docteur Weiss nota que les traits du visage du Baronnet commençaient à se défaire : l’expression morale de sa physionomie disparaissait sous la marque de la mort.
Toutes les physionomies des cadavres ont une seule expression, la sérénité.
Sur le visage des morts apparents les vaisseaux capillaires et le système lymphatique ont un mouvement même extrêmement ténu, et les tissus cellulaires ont une turgescence qui conserve à la personne son aspect habituel.
Pour les cadavres, une couleur de plomb se répand sur le visage : la pâleur est sombre, presque jaunâtre.
Le docteur Weiss posa le thermomètre au contact des parties vitales du corps du baronnet : un froid glacial fit baisser légèrement le mercure.
Un autre signe caractéristique de la mort, selon Nysten, c’est la raideur inflexible des muscles.
Et les muscles du Baronnet étaient durs comme du bois.
Le docteur Weiss observa que les yeux d’Edmondo, quoique complètement ouverts, étaient privés de tout mouvement, et commençaient progressivement à s’enfoncer, vitreux et flasques. Il était presque impossible d’abaisser la paupière supérieure.
Le médecin souleva la main du Baronnet, en réunit les doigts, et passa une lumière derrière eux : on n’y notait pas cette transparence que l’on observe chez les vivants.
Les paumes des mains et les plantes des pieds avaient pris une couleur jaune soutenu.
Les sphincters étaient restés ouverts et dilatés, sans aucune élasticité.
Le docteur Weiss ne négligea aucune tentative pour s’assurer de la mort effective du baronnet ; il procéda aussi à plusieurs frictions sur la peau du défunt, mais celle-ci ni ne se réchauffa, ni ne se refroidit.
Finalement, pour épuiser tous les moyens qu’utilise la médecine pour découvrir la vitalité chez les morts apparents, le médecin allemand eut recours au plus sûr de tous, c’est-à-dire le stimulus électrique22.
La plus complète certitude était désormais dans l’esprit du docteur Weiss en ce qui concerne la mort du Baronnet, dont le corps commençait à exhaler cette odeur nauséabonde, spécifique des cadavres, et qui annonce le début de la décomposition23.
33La description est indéniablement documentée, comme le montre la référence à Pierre-Hubert Nysten, auteur d’un Dictionnaire de médecine, de chirurgie et de pharmacie24, et à Pietro Manni. La référence à ce dernier est éclairante, car on peut supposer que c’est en lisant son manuel, qui contient une description des obitoires allemands, que Mastriani a pu avoir cette idée de la surveillance du cadavre. L’allusion médicale fournit donc une indication sur la genèse du roman, mais il faut s’arrêter sur la description de l’examen du cadavre lui-même. Les signes de la mort que donne Mastriani sont ceux qu’on trouve dans les traités médicaux de l’époque. Pourtant, la description pose problème : les signes les plus évidents de la mort – l’absence de respiration et la cessation du cœur – ne sont pas mentionnés. Oubli d’autant plus étrange qu’Édmondo est effectivement mort, et que le romancier ne prépare pas sa résurrection, comme il le fera pour Bettina dans les Misteri di Napoli. D’autre part, les signes relevés ici, tout en étant précis, sont peu pertinents dans la mesure où d’autres signes, ceux de l’empoisonnement violent, devraient les brouiller. Or le docteur Weiss ne remarque rien à ce sujet. Comment interpréter ce silence ? Le problème réside en fait dans le statut fondamentalement ambigu de cette description qui tantôt repose sur une focalisation interne – nous suivons l’examen du cadavre avec les yeux du docteur Weiss – tantôt fait intervenir le narrateur omniscient, quand ce n’est pas directement l’auteur qui signale ses sources en note. Si bien que l’on ne peut savoir si l’aveuglement du docteur Weiss quant aux signes d’empoisonnement est volontaire et réel, ou bien s’il résulte des lacunes de la documentation du romancier, focalisé sur la question des signes de la mort réelle, mais non sur celle des signes d’empoisonnement. À la faveur de cette ambiguïté, qui autorise toutes les interprétations, on peut toutefois avancer l’idée que le véritable signifié de l’examen du cadavre est absent. En fait, le romancier a expliqué peu avant que le docteur Weiss avait des soupçons d’empoisonnement, mais qu’il n’avait pas intérêt à en faire part. En effet, en cas de mort suspecte, il faudrait pratiquer une autopsie du cadavre qui rendrait impossible son embaumement, pour lequel le docteur Weiss doit recevoir une importante somme d’argent selon les dispositions testamentaires. Le médecin a donc tout intérêt à ne pas voir les signes de l’empoisonnement, et effectivement ces signes sont absents de la description. On se retrouverait donc face à un examen clinique à la fois totalement pertinent et totalement biaisé dans la mesure où le médecin déchiffre les signes de la mort indépendamment de leur cause. Le docteur Weiss ne lit donc sur le cadavre d’Edmondo que ce qu’il veut y lire, dans un examen clinique à la fois extrêmement précis et totalement lacunaire. Il ne fait intervenir qu’une partie de ses compétences médicales, et surtout pas sa compétence morale. Il est donc certain que le silence et l’aveuglement du docteur Weiss sont pertinents dans l’intrigue, mais il est tout de même étonnant que cet aveuglement volontaire n’ait pas été mis en scène par le romancier, qui, il est vrai, aurait dû alors fournir un examen à triple entrée : signes de la mort par empoisonnement, signes de la mort réelle, signes de la mort apparente.
34Là encore, la scène d’examen du cadavre suscite donc un déchiffrement de la part du lecteur. Mais dans Il Mio Cadavere la question des signes de la mort ne se limite pas à cela. On pourrait dire que dans ce roman la mort envoie encore bien d’autres signes. Effectivement, le lendemain de l’examen du cadavre d’Edmondo, le docteur Weiss procède à son embaumement, et une fois cette tâche accomplie, Daniele entre en scène pour surveiller le corps du défunt selon ses volontés. Cette surveillance funèbre, qui trouve certainement son point de départ dans la description des obitoires allemands, nous l’avons dit, est toutefois bien différente dans le roman de ce qui avait été mis au point en réalité par les hygiénistes. La volonté d’Edmondo est en fait totalement illogique, irrationnelle, car il veut que l’on surveille son cadavre quand il aura été embaumé. Or il est évident que l’embaumement provoque de fait la mort définitive. La surveillance qu’il envisage ne consiste donc plus à détecter des signes de vie sur un corps qui ne serait mort qu’en apparence. En fait, ce qu’Édmondo veut symboliquement conjurer, c’est la possibilité de la putréfaction et cela paraît possible dans la théorie qu’il expose au docteur Weiss :
Dans les ténèbres s’accomplira ce travail de décomposition, de la même façon que le travail de formation s’était accompli dans les ténèbres : les entrailles d’une mère créent, les entrailles de la terre consument : il fallut neuf mois pour former, et peut-être faut-il NEUF MOIS pour défaire complètement25.
35Selon cette théorie, la mort est une déconception, une rétrogenèse qui s’accomplit dans un laps de temps symbolique de neuf mois. Edmondo en conclut donc, dans une logique qui relève évidemment de la pensée magique, que si au bout de neuf mois la putréfaction n’a pas été constatée sur son cadavre, c’est qu’il ne sera pas mort. Logique implacable ! On comprend alors la nécessité de l’embaumement qui empêche la putréfaction. Et une fois qu’aura été constatée la qualité de l’embaumement, pourra commencer la dernière phase des volontés testamentaires : mettre le corps dans un mausolée pour le conserver éternellement.
36Ce qui est paradoxal, c’est que le calcul d’Edmondo rejoint d’une certaine façon la vérité scientifique de son époque. En effet, dans les années 1840, certains médecins, comme Antoine Josat que nous avons cité26, s’élèvent contre la dérive sémiologique où se perd l’enquête sur les signes de la mort. De nombreux traités dressent en effet des catalogues des signes de la mort, ou subdivisent ceux-ci en sous-catégories (signes certains, signes possibles, signes immédiats, signes éloignés) qui brouillent le diagnostic du médecin, surtout s’il doit décider d’un cas de mort apparente. En réaction à cela, Josat en vient donc à affirmer que le seul signe certain de la mort, c’est la décomposition cadavérique. C’est finalement exactement ce que dit Edmondo, à ceci près qu’il renverse l’ordre de la proposition scientifique : si le seul signe de la mort est la décomposition cadavérique, alors il suffit de supprimer la décomposition cadavérique pour qu’il n’y ait plus mort. La vérité scientifique serait donc réversible, comme la vie serait le signe réversible de la mort. Et les jeux de réversibilité dans le roman vont loin, car si le dispositif testamentaire mis en place par Edmondo est d’une grande richesse symbolique, il est aussi d’une grande productivité sémiotique. En effet, pris dans son ensemble, ce dispositif apparaît finalement comme le signifiant d’un signifié plus profond, qui serait précisément la réversibilité du dispositif testamentaire. D’abord, le fait d’avoir écrit ce testament se retourne contre Edmondo : il voulait conjurer sa mort, et on le tue, et dans ce meurtre c’est ensuite une autre histoire, celle du meurtrier, qui devient réversible, même s’il ne le sait pas. Le lecteur sait, lui, que le soir où il a été tué, Edmondo venait de recevoir une lettre dans laquelle on lui révélait que Daniele de’ Rimini était en fait le fils qu’il avait eu jadis avec Juanita. Bouleversé par cette nouvelle, il ne sut s’il devait la révéler immédiatement à Daniele. Il décida d’attendre le lendemain et s’endormit donc sans rien dire, et Daniele, nouvel Œdipe incapable de déchiffrer son destin, vint tuer celui qu’il ne savait pas être son père. Deux jours plus tard, Daniele découvrit la lettre et comprit que la mort qu’il avait donnée voulait donc dire autre chose : elle n’était pas un meurtre, mais un parricide. Comme Edmondo, Daniele apprend à ses dépens que la mort n’est jamais ce que l’on veut qu’elle soit. Elle est ce signe sans signification, ou plutôt ce signe que nous ne savons pas déchiffrer. Quand Edmondo met la mort en signes, dans son testament, il lui donne une signification dont il n’a pas la clé. Au fond, le roman dit la même chose que la science : les médecins peuvent peut-être dire quel est le signe certain de la mort, mais ils ne peuvent connaître sa signification.
37Pourtant, où le roman se distingue de la science, c’est qu’il lui faut à tout prix combler ce vide de signification. Le roman est précisément un système de signes qui signifient les uns par rapport aux autres et dans lequel on ne peut envisager un signe vide. Le romancier doit donc faire de la mort un signe, même si, dans l’absolu, la mort est le non-signe. Ainsi, même si la signification de la mort échappe aux êtres de fiction que sont Edmondo et Daniele de’ Rimini, le romancier sursature de signification la mort d’Edmondo. Pour lui, elle n’est plus le non-signe, mais le premier signe, celui à partir de quoi tout s’ordonne : c’est le testament qui engendre le récit. Et si son testament ne produit pas ce qu’Edmondo attendait, il aboutit pourtant à ce qu’il n’espérait plus : que le fils connaisse son père. Symboliquement, sa mort a donc rendu possible la filiation. Le fils paraît quand le père meurt. Dans la symbolique de la filiation, le signifié de la mort, ce serait donc la vie, et ceci est d’autant plus vrai qu’au moment de recevoir la lettre qui lui révèle qui est son fils, Edmondo comprend que son obsession de la mort cachait le remords d’avoir abandonné ses enfants. Son obsession de la mort n’était que le signe inversé de son incapacité à vivre. Et lorsqu’il comprend qu’il a retrouvé son fils, il est prêt à vivre et à annuler le testament. Mais encore une fois, pour que le fils vive, il faut que le père meure.
38Reste la question du titre du roman, Il Mio Cadavere, « Mon Cadavre », qui est un titre très étrange, dans la mesure où le roman n’est pas écrit à la première personne. Grammaticalement, qui peut donc dire « mon cadavre » si ce n’est le romancier lui-même ? Qui serait alors le cadavre : le livre ? Ou Edmondo peut-être ? Il est troublant en effet de voir que Mastriani donne à son héros le prénom d’un des fils qu’il a perdus. Le roman serait alors le tombeau du fils. Mais en l’occurrence ici, le fils, c’est le père : Edmondo dans le roman est le père, Daniele le fils. La situation est inversée, mais cette inversion est à interpréter dans le sens de la réversibilité : le fils c’est le père. Mastriani dit sans doute que lorsque son fils est mort, il est mort avec lui ou, de façon inverse, que le fils et le père sont les deux faces réversibles d’un même signe, celui de la vie.
39La question médicale de l’incertitude de la mort et les dispositifs de surveillance des cadavres inventés par les Allemands à la fin du xviiie siècle constituent donc des sources pour les trois romans de Mastriani que nous avons étudiés. Bien loin d’utiliser cette documentation scientifique dans une optique ornementale, le romancier napolitain en extrait les potentialités romanesques. D’abord, il retravaille la description médicale, notamment par le jeu des points de vue, pour la rendre ambivalente et donner matière à des rebondissements ultérieurs. L’écriture du roman-feuilleton se fait alors complexe, et dans un jeu de mise en abyme, le déchiffrement des signes de la mort qui s’opère sous les yeux du lecteur suppose de lui un déchiffrement élaboré qui peut mettre en jeu plusieurs niveaux de lecture. Le roman-feuilleton exige pourtant non pas une lecture critique, mais une identification naïve du lecteur avec le héros qui déchiffre le réel pour lui, car le romancier doit construire cette identification émotionnelle s’il veut pouvoir piéger son lecteur. C’est là le premier paradoxe d’un genre où la naïveté est à la fois construite et déjouée, pour que le plaisir du piège joue pleinement. Le second paradoxe est que dans le roman, le signe de la mort est d’une productivité extrême. Dans Il Mio Cadavere, la question médicale de l’incertitude des signes de la mort est non seulement le point de départ de l’intrigue, mais sa matrice symbolique. Au fil du récit, le romancier creuse vertigineusement cette incertitude pour montrer qu’elle n’est pas seulement médicale, mais constitutive de la vie elle-même. Si la médecine pose la question des signes certains de la mort, le roman montre, au fil des multiples rebondissements de l’intrigue, que la vie est le signe réversible de la mort : la vie d’Edmondo est dévorée et comme anéantie par l’obsession de la mort ; il conçoit la décomposition de la matière comme une genèse inversée, il décrit la terre comme une matrice funèbre où la mort s’enfante ; Daniele apprend l’existence de son père au moment où il le tue, il naît à sa destinée par ce parricide. La vie serait donc tissée de mort, tout comme le livre lui-même, qui découvre finalement sa trame funèbre : l’Edmondo de la fiction ferait signe vers un Edmondo réel, ce fils dont la mort représente pour le romancier un événement irréversible, inconjurable, ce fils dont il nous dit, à travers les jeux de miroir de la fiction et le titre fondamentalement ambigu du livre, que la mort fut, de façon totalement réversible, la sienne.
Annexe
Texte original de l’examen du cadavre d’Edmondo par le docteur Weiss
[p. 314] Il dottor Weiss voile rimaner solo col cadavere del Baronetto.
Egli cominciò da prima ad esplorare se fosse incominciata la latente insensibil putrefazione delle parti nobili del corpo, primo segno che caratterizza [p. 315] la morte. L’organismo di Edmondo era intatto, epperò non era impossibile che un resto di vitalità si nascondesse in uno de’precipui organi destinati a conservar la vita.
Con ogni minutezza ei procédé in tal dilicata disamina.
Egli è certo che, quando un principio di vitalità rimane concentrato nelle più intime parti dell’organizzazione, non può sfuggire allo sguardo profondo e indagatore dell’uomo dell’arte ; imperocchè in questo caso la fisionomia del creduto estinto offre indizii e caratteri che sono ben diversi da quelli che si scorgono su i volti de’veri morti.
Il Dottor Weiss notò l’incipiente sfiguramento de’lineamenti del volto del Baronetto : l’espressione morale della fisionomia sparisce sotto il marchio della morte.
Tutte le fisionomie de’cadaveri hanno una sola espressione, la serenità.
Nel volto de’morti apparenti i vasi capillari ed il sistema linfatico hanno un movimento benchè esilissimo, e le cellulari un certo turgore, che mantiene alla persona il suo aspetto abituale.
Ne’cadaveri un color plumbeo si spande sulle forme del volto : la pallidezza è tetra, e si avvicina al giallognolo.
Il Dottor Weiss pose il termometro al contatto delle parti vitali del corpo del Baronetto : un freddo glaciale abbassò leggiermente il mercurio.
[p. 316] Un altro segno caratteristico della morte vera, seconde Nysten, si è la inflessibile rigidezza de’muscoli.
E i muscoli del Baronetto eran duri corne legno.
Il Dottor Weiss osservo che gli occhi di Edmondo, comunque trovati aperti in tutta la loro ampiezza, eran privi di ogni moto, ed incominciavano a diventare a poco a poco affossati, nebbiosi e flaccidi. Era quasi impossibile di abbassare la palpebra superiore.
Il medico alzò la mano del Baronetto, ne riunì le dita, e passò un lume dietro ad esse : nessuna trasparenza vi si notò, corne si osserva ne’vivi.
Le palme delle mani e le piante de’piedi avean preso un color giallo carico. Gli sfinteri eran rimasti aperti e dilatati senza veruna elasticità.
Il Dottor Weiss non lasciò alcun tentativo per accertarsi della morte effettiva del Baronetto ; egli opero eziandio parecchie forti fregagioni sulla cute dell’estinto, ma questa non si arrossò affatto, nè si riscaldò.
Finalmente per esaurire tutt’i mezzi di cui l’arte si vale per iscovrire la vitalità ne’morti apparenti, il medico tedesco fece uso del più sicuro di tutti quello cioè dello stimolo elettrico.
[p. 317] La più compiuta certezza era ormai nell’animo del Dot. Weiss sulla morte del Baronetto, dal cui corpo già cominciava ad esalarsi quel nauseante odore, specifico dei cadaveri, e che annunzia l’incipiente decomposizione27.
Notes de bas de page
1 Philippe Ariès, L’Homme devant la mort, Seuil, « Points », 1985, t. 2 (« La mort ensauvagée »), p. 108.
2 Ibid.
3 Ibid., p. 109.
4 Pietro Manni, Manuale pratico per la cura degli apparentemente morti premmessevi alcune idee général di polizia medica per la tutela della vita negli asfittici [ « Manuel pratique pour soigner les morts apparents, précédé de quelques idées générales de police médicale pour la conservation de la vie chez les asphyxiques »], 4e éd., tip. del reale ministère di stato degli affari interni, Naples, 1835.
5 Eugène Bouchut, Traité des signes de la mort, et moyens de prévenir les enterrements prématurés, J.-B. Baillière, 1849.
6 Antoine Josat, De la Mort et de ses caractères, nécessité d’une révision de la législation des décès pour prévenir les inhumations et les délaissements anticipés, G. Baillière, 1854.
7 Christoph Wilhelm Hufeland, Uber die Ungewissheit des Todes und das einzige untrügliche Mittel, sich von seiner Wirklichkeit zu überzeugen, und das Lebendigbegraben unmöglich zu machen [ « À propos de l’incertitude de la mort et du seul moyen infaillible de s’assurer de sa réalité, et de rendre impossible l’enterrement des vivants »], F.X. Duyle, Salzburg, 1791.
8 Cf., outre l’ouvrage de Marino Turchi que nous allons commenter, Prof.
Pietro Manni, Manuale pratico…, op. cit., p. 237 et s. ; Dr Gabriel Tourdes, Excursion médicale en Allemagne, Munich, Nuremberg, Erlangen, Wurtzbourg, Strasbourg, G. Silbermann, 1855, p. 12-36 ; Dr Ambroise Tardieu, Dictionnaire d’hygiène publique et de salubrité, 2e éd., J.-B. Baillière et fils, Paris, 1862, vol. 2, p. 628-635 ; Dr Amédée Dechambre, article « Obitoires » du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, G. Masson/P. Asselin, 1880, 2e série, tome 14, p. 38-57.
9 Marino Turchi, Sulla Igiene pubblica délia cittâ di Napoli, 2e éd., Morano, Naples, 1862, p. 118-119 : « Ma il più magnifico di tutti è quello di Monaco, il quale è dentro il Camposanto, ed è in pari un Panteon d’uomini illustri. Ha moite ed ampie sale ventilate e luminosissime : è tutt’intorno recinto di un porticato con novantaquattro colonne di ordine corintio, e lungo il muro son nicchie ove debbono essere allogati coloro che avessero ben meritato délia patria, sia nelle arti délia pace, sia in quelle della guerra. »
10 Ibid., p. 119 : « L’Asilo di Franckfort sul Meno, benchè non abbia tanto splendore, è meglio disposto, e più da imitare ; ed ha in certa guisa la forma del Panottico di Bentham, e prende lume dall’alto per una larga ed unica apertura, il quale si spande nella cameretta del Custode, che è in mezzo, e nelle celle che sono intorno intorno, ove si depongono i morti, e nelle quali attraverso di finestrette lo stesso Custode dirige agevolmente lo sguardo. Ed in tutte le celle vi sono ventilatori e caloriferi, che vi serbano un moderato calore e un’aria sempre rinnovata e pura. E vi sono bagni, e farmacie, e magazzini da riporre roba ; ed attacata all’Asilo è la dimora del medico. Il meccanismo poi dei campanelli è tale, che ad ogni lieve moto squillan sì forte e si acutamente, da rompere il più duro sonno e più contumace. »
11 Le thème de la mort apparente et de l’enterré vivant est omniprésent dans son œuvre : cf. Matteo l’idiota (1856) : un jeune enfant cru décédé est sauvé par un fossoyeur ; I Vermi (1863) : un forçat encore vivant est conduit au cimetière, écrasé dans un tombereau sous un tas de morts ; Il Figlio del diavolo (1868) : Federico Marcelli va être inhumé alors qu’il respire encore ; cf. aussi La Catalettica (1872) et La Sepolta viva (1877).
12 Filippo Mastriani, Memorie, D’Angelilli, Naples, 1892.
13 Huit épidémies de choléra touchèrent Naples de 1836 à 1892. La mère du romancier mourut du choléra en 1836, alors qu’il avait seize ans. Ce fut un traumatisme, d’autant que son père, inconsolable, se mit à vouer un culte mortuaire à son épouse pendant cinq ans, le temps qu’il lui survécut.
14 Francesco Mastriani, I Misteri di Napoli : studi storico-sociali, 3e éd., Gabriele Regina, Naples, 1880, p. 164 [1re éd. : Gaetano Nobile, Naples, 1869-70] : « La misera Bettina, travagliata da qualche tempo dalla più cupa tristezza, logorata dalla fatica e dalle lacrime che divorava in secreto, non potea sfuggire alle unghie del colèra. »
15 Ibid., p. 151 : « Egli avea conosciuta quella donna nella rosea freschezza délia sanità e délia bellezza. Ora, quale vista gli si offeriva ! Scavate le orbite degh occhi, vitree le pupille, contratti i muscoli della faccia annerita, sollevato il crine, scoperti e ristretti i denti, donde veniva fuori una torbida bava... Tutto il corpo rattrappato (sic). » [Au lieu de rattrappato, lire rattrappito.]
16 Ibid., p. 152 :
« Commovente connubio si fu quello !
Le tede nuziali si accendevano per servire forse poco appresso da lente candele di morte.
Leopoldo avea posto al dito della sua sposa l’anello di rito.
L’epitalamio dell’imeneo stava per voltarsi in epicedio funebre.
Leopoldo avea sposato un cadavere. » [L’epicedium est un chant funèbre grec.]
17 Ibid., p. 171 :
« Ma… allorchè più vivi e numérosi erano gli auguri ali sposi, e più ebbrofestante il banchetto, su la soglia di quella splendida sala apparve un fantasma.
Era la povera ricamatrice di S. Lucia al Monte, la morta di colèra Bettina S… »
18 Francesco Mastriani, L’Orfana del Cotera, dixième livraison. [Ce roman n’a jamais été édité en volume. Il est paru en feuilleton dans le Journal « Roma » en 1884. La Biblioteca Nazionale Vittorio Emanuele III de Naples possède un classeur où ont été réunis les épisodes du roman découpés dans le journal. C’est à ce classeur que nous faisons référence, et les pages n’étant pas numérotées, nous indiquons les numéros de livraison.]
« Un triste spettacolo le si offerse alla vista.
La misera donna si debattea sotto crudellissime sofferenze.
Erasi regettata sul letto, di cui il suo corpo, rattrappito da intensissimo freddo facea sotto di sé tremare le assi per gagliardi brividi.
Il volto délia giacente non era più riconoscibile, tanto le atroci contrazioni convulsive le aveano scavato le ossa faciali ed affossati gli occhi, che esprimevano spavento e dolore.
In poche ore, sulla fronte i folti capelli le si erano imbiancati.
La misera non aveva avuto neanche la forza di ricoprirsi il corpo con caldi panni, tanto il malore avea gittato il marasmo di morte in quelle membra rattrapite.
Le lenzuola erano ricoperte dalla matiera di recenti vomiti. »
19 Ibid., livraison 34 : « […] però che i sintomi che accompagnano la morte per l’asiatico morbo sono presso a poco simili a quelli che accompagnano la morte per attossicamento, non poche private vendette si compiono nella speranza délia impunità. »
20 Umberto Eco, « Eugène Sue, il socialismo e la consolazione », préface à Eugène Sue, I Misteri di Parigi, Milan, 1965. [Étude reprise dans De Superman au surhomme, Grasset, 1993, trad. de : Il superuomo di massa, Gruppo Editoriale Fabbri e Bompiani Sonzogno, Milan, 1978.]
21 Francesco Mastriani, Il Mio Cadavere, Giuseppe Rossi, Gênes, 1853, p. 178 : « Gli elementi dell’aria atmosferica, quegli elementi che per tanti anni han lavorato a conservar la vita, ora si affrettano a ripigliarsi il frutto dell’opera loro, appropriandosi le molecole che si staccano da quelle ruine di organizzazione. »
22 Mastriani cite ici un passage du Manuale pratico per la cura delle Asfissie de Pietro Manni, auquel nous avons déjà fait allusion (cf. supra, p. 42). Ce passage constitue une explication de la technique du stimulus électrique.
23 Cf. texte italien en Annexe.
24 Dr Pierre-Hubert Nysten, Dictionnaire de médecine, de chirurgie, de pharmacie, des sciences accessoires et de l’art vétérinaire, 4e éd., Isidore Bricheteau, 1833, p. 618 : « Quelquefois la suspension des phénomènes de la circulation et de la respiration est telle qu’elle peut en imposer pour un état de mort : c’est ce qu’on appelle mort apparente. La raideur des membres et un commencement de putréfaction sont les deux seuls signes certains de la mort réelle. »
25 Francesco Mastriani, Il Mio Cadavere, p. 179 : « Nelle tenebre si compirà questo lavoro di decomposizione, siccome nelle tenebre si era compito il lavoro di formazione : le visceri di una madré creano, le visceri della terra consumano : nove mesi ci vollero per formarlo, e forse NOVE MESI ci vogliono per disformarlo interamente. »
26 Cf. supra, p. 42.
27 Francesco Mastriani, Il Mio Cadavere, op. cit., p. 314-316.
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