Segalen et Saint-John Perse, poètes chinois ?
p. 51-69
Texte intégral
1À cette question délibérément provocante, l’un et l’autre poètes auraient sans doute répondu par la négative, le second plus vigoureusement encore que le premier1. Catherine Mayaux s’est d’ailleurs posé cette question dans sa belle et dense thèse, Le Référent chinois dans l’œuvre de Saint-John Perse2, et dans de nombreux articles concernant la lecture de Segalen par Saint-John Perse, en privilégiant notamment les affinités entre Le Fils du Ciel et « Amitié du Prince3 », mais en tenant compte aussi des Immémoriaux4. Haiying Qin, dans le recueil Segalen et la Chine5, et Ho Kin Chung dans des articles tels que « La poésie chinoise dans l’œuvre de Victor Segalen6 » et « Le parallélisme dans l’œuvre de Victor Segalen7 » ont traité des sources poétiques chinoises de Segalen. Une question demeure cependant en suspens : celle de l’influence éventuelle de Stèles de Segalen sur les œuvres de la période chinoise de Saint-John Perse. La critique y revient sans cesse dans les années cinquante et soixante qui sont celles de la redécouverte de l’œuvre de Segalen. Or dans les multiples comptes rendus que Saint-John Perse a pu recueillir sur Segalen, il retranche et censure d’un coup de ciseaux tout rapprochement entre son œuvre et la sienne8.
2Sans chercher à apporter une réponse exhaustive à ces questions, il s’agit ici d’éclairer la part qu’a pu prendre, chez Segalen et Saint-John Perse, dans l’élaboration de leur poétique, la lecture des poètes chinois. Les deux cas ne sont pas similaires : en effet, si Segalen lit le chinois, Saint-John Perse n’a accès qu’à des traductions en anglais et en français de ces poètes. Un tel argument suffit-il pour autant à invalider toute analyse de ses lectures de poèmes chinois ? Peut-on prendre pour hypothèse de travail que Saint-John Perse lit ces poèmes au même titre que d’autres poèmes français, et que cette lecture a pu laisser sa marque, comme celle de Stèles, voire interférer avec celle-ci ? Dans quelle mesure Saint-John Perse peut-il trouver dans la lecture d’autres poètes, et notamment Segalen, des sources d’inspiration ? Que peut dire alors le poème de Saint-John Perse du poème de Segalen ?
3Les rencontres probables entre Segalen et Saint-John Perse9 importent donc moins que la lecture du premier par le second à une période précise. Saint-John Perse possède un des exemplaires les plus anciens de Stèles, le no 46 de l’édition de 191210. Lorsqu’il rencontre Yvon Segalen, le 27 mai 1953, il situe sa lecture de Stèles autour de 1921-192211, soit avant la parution d’« Amitié du Prince » et d’Anabase en 1924. Cette lecture reconnue de Stèles n’a pas laissé de trace sur l’exemplaire rare de 1912 ; mais elle est attestée a posteriori sur son exemplaire du Club du Meilleur Livre de 1955, passablement annoté. Or, grâce aux travaux antérieurs12, nous savons que Perse aurait pu constituer une fiche lors de sa première lecture et la consulter au besoin.
4Il s’agira donc de procéder par hypothèses, en faisant état des coïncidences troublantes entre Stèles, « Amitié du Prince » et Anabase, pour n’user qu’en dernier recours des annotations de l’exemplaire de 1955. Car seule la confrontation entre Stèles et la poésie de l’époque chinoise de Saint-John Perse semble dégager des enjeux formels intéressants. D’une part, C. Mayaux affirme à juste titre que le retour en force du référent chinois dans l’œuvre persienne, à partir d’Amers, n’est pas explicitement segalenien. D’autre part les annotations, que j’ai relevées sur l’exemplaire de Stèles, Peintures, Équipée, semblent, pour celles de Stèles, ne pas avoir été réinvesties massivement dans Amers, alors que certaines images d’Équipée ou de Peintures, reversées au paysage d’Amers, n’impliquent pas de proximité stylistique. Aussi afin d’étudier méthodiquement cette dernière, il sera fait droit, dans un premier temps, aux lectures poétiques chinoises de nos deux poètes, à leurs éléments communs difficilement assignables, que cristallise le problème de l’écriture stélaire. Seront alors abordées dans un second temps les affinités électives afin de circonscrire en quoi « Amitié du prince » et Anabase font écho à Stèles.
I. Segalen et Saint-John Perse lecteurs de poètes chinois
D’une culture poétique chinoise commune…
5Il faut se reporter à la culture poétique chinoise commune à Segalen et Saint-John Perse pour essayer de distinguer ce qui en relève et ce que le poème de Saint-John Perse dit littéralement du poème de Segalen. Claudel semblerait former le premier maillon d’un macrotexte poétique inspiré par la Chine en raison de sa lecture avérée par nos deux poètes13. Cependant, il apparaît davantage comme leur passeur vers la Chine que comme le transmetteur d’une littérature chinoise, dont il ne connaît que les traductions françaises et anglaises. De plus, Segalen et Saint-John Perse s’écartent progressivement de leur modèle. Certes, l’étude d’Yvan Daniel14 a fait le tour des rapports entre le verset claudélien et l’écriture segalenienne, tandis que les travaux de Didier Alexandre15 et Claude Pierre Pérez16 ont rapproché certaines stèles de Connaissance de l’Est. Mais au moment où Saint-John Perse écrit « Amitié du Prince » et Anabase, il prend ses distances avec Claudel, s’éloignant de l’affectivité d’Éloges et aboutissant à une épopée difficilement comparable aux proses de Connaissance de l’Est.
6Quant à la lecture du Repos du septième jour, qui a retenu le crayon de Saint-John Perse17, elle ne l’a pas incité, comme Segalen, à en proposer une réécriture telle que Le Combat pour le sol. Si l’on retrouve dans ce drame écrit en vers une titulature héroïque comparable à celle qui apparaît dans « Amitié du Prince » et dans stèles, cette nomenclature peut aussi bien se relier aux actes officiels des Annales chinoises dont les titres fleuris saluent la gloire de l’empereur18. Il n’en demeure pas moins que certains passages ont pu inspirer la manière dont se formule l’autorité dont disposent l’Empereur et le Prince chez Segalen et Saint-John Perse, dans la mesure où elle se marque par des juxtapositions de propositions assertives à la première personne19 :
J’ai fixé le commencement de l’année ; j’ai réglé les cycles. J’établis l’ordre du temps, donnant ma prescription.
7De plus, dans la perspective épidictique qui sera celle de certaines stèles et d’« Amitié du Prince », on ne peut manquer d’être frappé par cette remise en cause de la pérennité d’une mémoire promise à l’oubli, faute de monument20 :
Nul n’en sait le nom ni le règne, son signe n’est point retrouvé dans les histoires :
Mais une grande statue de pierre dont les traits et les membres sont effacés est couchée dans les herbes hautes.
8Les autres lectures poétiques de Segalen se rapportant à la Chine ont été établies pour l’essentiel par Henry Bouillier21, Haiying Qin22 et Philippe Postel23, alors que Catherine Mayaux a recensé le fond asiatique de la bibliothèque personnelle de Saint-John Perse24. Elle a en particulier montré que les sources du référent chinois dans l’œuvre poétique de Perse sont, pour l’essentiel, des récits de voyage comme ceux de Sven Hedin et de Jacques Bacot. Ainsi la poésie de Saint-John Perse s’est élaborée à partir de matériaux non poétiques pour les réinsérer dans un projet et une rythmique propres25.
9Le décalage des lectures des deux poètes n’est donc pas seulement d’ordre chronologique puisque Segalen quitte définitivement la Chine un an après l’arrivée de Saint-John Perse, soit en 1917, mais aussi d’ordre linguistique puisque Saint-John Perse ne peut lire la poésie dans le texte et ne possède pas d’éditions bilingues du canon de la littérature chinoise. En fin de compte, la culture chinoise poétique commune aux deux poètes se résume strictement alors au Che king, Livre des Odes et au Li ki ou Livre des rites26 que Saint-John Perse connaît essentiellement par l’intermédiaire de l’ouvrage de Marcel Granet, Fêtes et chansons anciennes, 1919, et aux poètes que Saint-John Perse a pu lire dans l’Essai sur la Littérature chinoise de Soulié de Morant, datant de 191227. C. Mayaux, sur l’ensemble du fonds poétique asiatique, décèle une prédilection pour les poètes T’ang, poètes connus de Segalen. Elle note d’ailleurs l’exactitude des références de seconde main28 de Saint-John Perse.
… aux traits partagés des lectures poétiques chinoises de Perse
10Quelle peut être, dans ces conditions, l’influence d’une poésie chinoise, même traduite ? Peut-être faut-il la chercher dans le passage d’un lyrisme personnel à un lyrisme impersonnel, mis en évidence par Joëlle Gardes-Tamine29, à propos d’Anabase. C. Mayaux l’explique par une influence des poètes T’ang : leur style, marqué par une ellipse des pronoms personnels, des prépositions, verbes et mots de comparaison, ainsi que par l’alternance de mots pleins et vides, se transposerait chez Perse par l’adoption d’un langage « dans lequel l’ellipse ou l’abstraction opèrent une forme de dépersonnalisation du sujet30 ». Étudiant par ailleurs l’apport de la conception taoïste des poètes T’ang31, C. Mayaux rappelle que toute communion avec la nature et le cosmos est aussi expérience spirituelle, le monde intérieur de l’artiste et le monde extérieur échangeant leurs composantes pour créer un esprit intersubjectif. N’y a-t-il pas cependant d’autres traits stylistiques qui peuvent justifier l’inflexion de la poésie de la période chinoise de Saint-John Perse ? Comment la poésie lyrique chinoise aurait-elle pu, par le biais de la traduction française, confronter le poète à une redéfinition du lyrisme et ainsi favoriser une énonciation plus impersonnelle et une rythmique plus mesurée ?
11D’une part, l’exemplaire très annoté par Saint-John Perse des Fêtes et chansons anciennes rappelle en introduction l’air d’impersonnalité qu’ont dans la Chine ancienne les sentiments de l’amour et de la poésie. La poésie, telle qu’elle apparaît dans l’Essai sur la littérature chinoise, peut donner l’idée d’un lyrisme peu émotif, juxtaposant de manière symbolique les visions d’un paysage reflet de l’âme – notamment les fou, descriptions poétiques que Soulié de Morant distingue des che, poèmes à formes fixes –, et des chants mélangeant plusieurs mètres. Ainsi le début du poème de Tu fu, « L’enclos sur la rive32 », propose-t-il une vision intime qui passe par la description :
Exilé, voyageant au loin depuis de longues années,
Je reviens et personne ne m’attend au seuil de ma porte.
La rive élevée n’est pas changée ;
Mais qui donc a brisé la palissade de mon enclos ? […]
12D’Éloges à Anabase les questions et les apostrophes subsistent, certes, mais dans une tournure plus impersonnelle. Alors que la fin de la poésie bucolique de Po Kiu Yi ou Po y t’ien, « Le murmure des sapins », se place sous le signe de l’alerte et vraisemblablement de l’annonce de la guerre33 :
J’entends les adieux de la chaleur brûlante de l’été.
Je distingue encore les regrets de l’obscurité qui va se dissiper.
Ainsi, chaque soir, je viens écouter,
Le corps et l’esprit alanguis d’une étrange rêverie …
Mais voici qu’au sud, le bruit d’un char retentit :
Chez mes voisins de l’ouest, un chant s’élève et s’interrompt.
Le jour commence…
13Cette inspiration guerrière fait écho à l’intérêt de Saint-John Perse pour les ouvrages de Chavannes dont certains évoquent des poèmes guerriers. Or Segalen, disciple de ce dernier, a probablement lu, comme Saint-John Perse, dans les Documents chinois découverts par Aurel Stein34, le poème « Combattre au sud de la muraille » de Li Po :
L’année dernière, nous avons combattu à la source de la rivière Song- Kan
Cette année nous combattons dans la région des monts Ts’agling et du Fleuve
Nous avons lavé nos armes dans les flots sur les rives de la mer du T’iaotche
Nous avons lâché nos chevaux dans les herbes qui sont au milieu des neiges du Tien chen
À dix mille li de distance nous avons combattu dans de lointaines expéditions
Et les trois armées sont toutes épuisées […]
14Ce poème n’est d’ailleurs pas sans faire penser aux stèles, « Du bout du sabre » et « Écrit avec du sang », qui évoquent les mêmes réalités militaires sous le signe d’une énonciation collective. Or C. Mayaux a bien établi que Perse, comme Segalen, a lu des récits de voyage et d’expédition, et notamment Bacot. Entre ces lectures et celle de poèmes guerriers, quelle part faut-il faire à la culture commune des deux poètes pour interpréter la similitude énonciative entre le chant VI d’Anabase35 (« Allez et dites bien : nos habitudes de violence, nos chevaux sobres et rapides sur les semences de révolte et nos casques flairés par la fureur du jour… ») et « Du bout du sabre » ? On retrouve là la même énonciation collective, le même référent mongol et guerrier que dans la stèle antérieure36 :
Nous autres sur nos chevaux, n’entendons rien aux semailles. Mais toute terre labourable au trot, qui se peut courir dans l’herbe,
Nous l’avons courue. […]
Notre sceau est un fer de lance : notre habit de fête une cuirasse où la rosée cristallise : notre soie est tissée de crin.
15On ne saurait déterminer si Saint-John Perse a lu Stèles avant l’ouvrage de Chavannes mais l’on voit bien la parenté d’inspiration dans ces lectures. Peut-on suggérer que de telles lectures ont été la source de la dimension épique d’Anabase et des poèmes contemporains ?
16D’autre part, et en dépit d’une sélection qui exclut souvent les formules rythmiques toutes faites37, Saint-John Perse a-t-il pu se laisser influencer par le parallélisme des textes chinois ? Les traductions de chansons chinoises, dans Fêtes et chansons anciennes, frappent par la construction parallèle des quatrains, répétant souvent la construction grammaticale en variant seulement, par exemple, le complément, comme dans cet extrait38 :
Cette fille qui se marie,
J’en voudrais nourrir les chevaux !
Cette fille qui se marie
J’en voudrais nourrir les poulains !
17Enfin, le manuscrit du Padma Thang Yig de Toussaint, que Saint-John Perse a eu entre les mains, présente une structure litanique dont C. Mayaux a pu noter39 qu’elle était à l’origine des litanies et des parallélismes d’Exil et de Vents :
Content
Il cherche et il ne trouve plus
Participe présent qui varie
Il cherche et il ne trouve plus
18Ces exemples suggèrent que Saint-John Perse n’avait pas besoin de lire Segalen pour ressentir le rythme équilibré du parallélisme, même si Segalen lui offrait l’exemple d’une transposition en langue française de cette poésie d’allure chinoise. Or le parallélisme, que Saint-John Perse peut retrouver en d’autres endroits dans l’Essai sur la littérature chinoise, notamment chez les penseurs taoïstes, offre une assise énonciative sentencieuse et un rythme équilibré. Tout cela n’apparaissait pas aussi nettement dans les œuvres de celui qui se nommait encore Saint Leger Leger, avant d’adopter pour pseudonyme Saint-John Perse. Cependant, lors de cette même lecture de l’Essai sur la littérature chinoise, les soulignements de Saint-John Perse vont aux sources de certaines des stèles de Segalen40, impliquant par cette belle coïncidence des intérêts communs aux deux poètes, notamment pour les stèles.
Le problème de l’écriture stélaire
19C. Mayaux a relevé que de nombreux syntagmes, que l’on pourrait attribuer à Segalen, proviennent chez Saint-John Perse de sa lecture de Chavannes41, notamment des Dix inscriptions chinoises de l’Asie centrale d’après les estampages de M. Ch.-E. Bonin. Ces inscriptions font état de formules, soit reprises telles quelles chez Saint-John Perse, comme la note 2 : « Ceux qui de naissance possèdent la connaissance sont les hommes de la classe la plus haute42 », soit pour partie inspiratrices du caractère sentencieux de l’énonciation persienne, à travers la construction parallèle dans les passages suivants, en italique43 :
Si ce n’est une stèle, qu’est ce qui témoignera de la réalité (de cette œuvre méritoire) ? Si ce n’est la littérature, qu’est-ce qui en commémorera la lointaine influence ?
20Ainsi, C. Mayaux44 rappelle que cet ouvrage a probablement fait l’objet d’une seconde lecture, puisque l’on retrouve cette interrogation légèrement modifiée dans Amers. Or certaines formulations du même ouvrage rappellent aussi bien certaines Stèles, comme « Honneur à un sage solitaire », qu’« Amitié du Prince »45 :
Vous reviendrez faire votre rapport à votre sage souverain ; vous lui rendrez amplement tout l’ancien territoire des immortels.
21Si, dans tous les ouvrages de sa bibliothèque, les formules de rituel et de salutation attirent particulièrement l’attention de Saint-John Perse, comme le relève C. Mayaux, et comme en atteste plus loin un petit signe devant : « La cinquième année Chao-hing en un jour d’automne, Yo Fei vous salue46 », il faut noter que cet intérêt pour les rituels chinois est partagé par Segalen et que là aussi, une lecture commune de Chavannes expliquerait certaines similitudes.
De l’autoréférentialité à la pierre qui parle
22Selon C. Mayaux, les caractéristiques de l’écriture stélaire de Saint-John Perse, et notamment l’autoréférentialité des stèles, seraient pour la plupart attribuables à des stèles chinoises, davantage qu’à l’influence de Segalen. Or les stèles renvoient non seulement à leur matérialité paradoxale de pierre mais aussi à leur texte poétique, de manière autotélique. Ainsi, dans « Stèle du chemin de l’âme47 », l’allusion aux caractères inversés et l’injonction au lecteur ne sont pas sans évoquer ce passage de Vents, II, 648 :
Et vous pouvez me dire : Où avez-vous pris cela ? – Textes reçus en langage clair ! versions données sur deux versants !… Toi-même stèle et pierre d’angle !… Et pour des fourvoiements nouveaux, je t’appelle en litige sur ta chaise dièdre,
Ô Poète, ô bilingue…
23Cet autotélisme va à l’encontre d’un renvoi systématique chez Perse des mentions de « stèle » à des inscriptions reprises d’ouvrages d’épigraphie. En effet, dans les documents à la disposition de Saint-John Perse, aucune stèle ne s’adresse jamais à elle-même comme le font « Stèle provisoire » ou « Moment ». Cependant le référent de la stèle49 n’apparaît ni dans Anabase, ni dans « Amitié du Prince », et il faudra justifier par d’autres moyens une écriture proche de celle de Stèles, à défaut d’être proprement stélaire.
24Les rencontres de Segalen et de Saint-John Perse se sont ainsi faites de façon croisée et différée, par l’accès aux mêmes sources chinoises, originales ou traduites. Mais Segalen se serait-il, tout naturellement, ajouté à ces sources pour Saint-John Perse ?
II. Les affinités électives
Éloge et pouvoir de la figure fantasmée de l’Empereur-Prince
25Si l’on ne peut donc affirmer que Saint-John Perse ouvre un dialogue avec Stèles, certaines coïncidences suggèrent la prégnance mémorielle de quelques syntagmes, comme le titre de la stèle « Visage dans les yeux » qui semble repris dans « Amitié du Prince », I : « Vois ton visage dans nos yeux… », ou l’expression de « Stèle provisoire50 », « l’aube fade, informe et crépusculaire » qui semble inspirer « l’odeur fade du matin », à la fin du chant VI d’Anabase. Surtout, au-delà de l’opposition apparente entre la forme brève des stèles, le dialogue d’« Amitié du Prince » et l’épopée d’Anabase, c’est le choix d’un certain genre de poésie qui réunit les œuvres des deux poètes.
26Ainsi, le goût marqué pour une rhétorique épidictique rapproche « Amitié du Prince » et Stèles, qui évoquent dans des termes similaires le Prince et l’Empereur. Certes, de manière générale, la rhétorique de la louange favorise les groupements ternaires, les parallélismes, sans avoir forcément recours à d’autres influences qu’une topique avérée, déjà appréciée de Saint-John Perse. N’avait-il pas écrit à Gide qu’il ne voudrait pas d’autre titre qu’Éloges pour son œuvre ? Or il a pu retrouver cette prédilection pour la rhétorique d’apparat dans de nombreuses stèles intitulées « Hommage » ou « Éloge ». La stèle « En l’honneur d’un sage solitaire » pourrait préfigurer ainsi « Amitié du Prince » par son dialogue entre l’Empereur et le Sage, et par le topos du prince éclairé, topos chinois, que l’on retrouve encore dans « Table de sagesse » – si ce n’est qu’« Amitié du Prince » retourne l’ironie qu’il peut y avoir dans ce topos du sage heureux caché. En effet, d’une part, dans « Amitié du Prince », même s’il y a toujours sollicitation du Prince, le Sage semble désirer cette rencontre et la vit en discours, par anticipation. D’autre part, il y a décentrement au profit de la figure du Prince, puisque dans « Amitié du Prince », c’est le sage qui se rend à la rencontre du Prince et non l’inverse. Cependant l’écho subsiste d’un verset à l’autre, d’« En l’honneur d’un sage solitaire51 » à « Amitié du Prince, III52 » :
J’attends du vieux Père la leçon (8 syllabes) : et d’abord, s’il a trouvé (7) la panacée des Immortels (8) ?
Et si ta science s’est encore accrue (10), c’est une chose aussi (6) que j’ai dessein de vérifier (8)…
27Nonobstant, l’ironie de Stèles n’est ni transférable ni transférée dans l’éloquence d’« Amitié du Prince ». Le « tant de bouches en dissertent53 » exclamatif de la stèle « Sans marque de règne », qui congédie tout éloge des Sages et des Justes, pourrait être repris mais de manière inversée puisqu’il deviendrait au début du chant II d’« Amitié du Prince54 » : « Ainsi parlant et discourant, ils établissent son renom. Et d’autres voix s’élèvent sur son compte… »
28Si l’on peut renvoyer plus généralement au taoïsme les formules évoquant l’absence chez les deux poètes, il n’en demeure pas moins que l’expression d’« Éloge et pouvoir de l’absence55 » – « Je règne par l’étonnant pouvoir de l’absence » –, et celle du chant VI d’Anabase56 – « C’est votre affaire et non la mienne de régner sur l’absence » – semblent se répondre en miroir. L’expression de Saint-John Perse, si elle renvoyait bien à celle de Segalen, en inverserait alors la valeur argumentative, dans la mesure où le pouvoir du locuteur comme la rhétorique épidictique ne sauraient être minés par l’ironie. De plus, cette phrase chez Saint-John Perse est placée en situation de dialogue : on peut l’attribuer à un explorateur-nomade, qui renvoie son discours à un interlocuteur difficilement identifiable : « ceux-là qui en naissant n’ont point flairé de telle braise… ». Cet interlocuteur serait-il alors l’Empereur de Chine d’« Éloge et pouvoir de l’absence » ? Le vertige de l’identification de ce théâtre d’allocutaires ne permet ni de l’affirmer ni de l’infirmer ; il contribue au caractère oraculaire de figures dont l’autorité énonciative n’a rien à envier aux empereurs des Annales, ni à celui de Stèles. Ainsi, la majorité des stèles que Saint-John Perse annote dans l’exemplaire de 1955, « Sans marque de règne », « Les trois hymnes primitifs », « En l’honneur d’un sage solitaire », « Aux dix mille années » et « Édit funéraire », sont attribuées au personnage de l’Empereur, autorité par excellence.
29À défaut du Prince, l’ironie vise, dans les deux œuvres, la « Reine au désir changeant qui tient sa cour et où nul être de raison jamais ne s’aventure57 », reine de « Départ » qui justifie l’« Éloge et pouvoir de l’absence » : « mes femmes apprécient mieux l’honneur des nuits où je ne daigne pas. » Ces stèles pourraient avoir inspiré le Prince qui « vit loin des déportements de la Reine démente58 » d’« Amitié du Prince II », même si cette Reine démente, annoncée par la « Récitation à l’éloge d’une Reine », s’inscrit par ailleurs dans la dynastie de « La Gloire des Rois », et dans la lignée de « l’Animale ». Il s’agit cependant encore d’une affinité avec les stèles de Segalen hantées par l’ombre criminelle d’impératrices chinoises.
Les affinités énonciatives
30Or c’est la parole d’autorité qui frappe le lecteur des deux œuvres, surtout chez Perse, où elle ne saurait être remise en cause. Elle apparaissait déjà dans les œuvres précédentes de Perse, mais l’énonciateur ne prend plus ici la figure de l’enfant ou de l’adolescent fasciné par les realia créoles. Aussi ne s’étonne-t-on pas des ressemblances de ton entre l’impératif d’« Aux dix mille années » (« Fondez sur le sable »), les assertions de « Retombée » (« Je frappe les dalles. J’en éprouve la solidité. J’en écoute la sonorité. Je me sens ferme et satisfait59 ») et la phrase inaugurale d’Anabase60 (« Sur trois grande saisons m’établissant avec honneur, j’augure bien du sol où j’ai fondé ma loi »). De même la formule finale du premier chant, « l’éternité qui bâille sur les sables61 », est à rapporter à un paysage chinois sur lequel l’énonciateur, explorateur-conquérant et fondateur de villes, revendique une maîtrise. Si les éléments architecturaux chinois, comme la pierre et le bronze, sont repris au début du chant IV d’Anabase62 alors que les « galeries de bois » apparaissent dans la suite de ce chant63, ils ne correspondent pas au même usage que dans « Retombée ». Ainsi Stèles revendique-t-il la spécificité chinoise de cette architecture dans « Aux dix mille années » ; sa « périssabilité » indifférente, puisque la vraie durée n’est pas de l’ordre de la matière. Alors que dans Anabase, cette « périssabilité » se dissout au chant IX, dans l’impossibilité existentielle de l’homme condamné à l’exil, puisque le nomade conquérant d’Anabase, après avoir fondé la ville au quatrième chant, reprend sa route. De la même manière divergente s’explique la qualification négative, subtilement taoïste, qui apparaît dans les « règnes sans années », « dynasties sans avènements » de « Sans marque de règne », mais aussi dans la fin du Chant VIII d’Anabase, dans le « pays d’herbage sans mémoire, l’année sans liens et sans anniversaires64 ». Cette qualification, qui rappelle celle des éloges paradoxaux, se justifie dans la mesure où elle ne grève pas l’autorité de l’énonciateur chez Perse, et s’inscrit dans le lieu mythique et nul de l’épopée d’Anabase.
Du rythme en français : la mesure syllabique des propositions
31Au-delà de ces situations discursives et de ces choix de genre et de ton, dans quelle mesure les poèmes de Segalen ont-il pu influencer le rythme de ceux de Perse ? Le parallélisme, comme élément rythmique, a déjà été ramené à une pratique commune, peut-être assignable à une influence chinoise. Ce n’est pas, ici, le lieu de comparer en détail les versets de Stèles et ceux de Perse, ni de proposer une étude approfondie du rythme, tenant compte des différents systèmes d’accentuation. On partira seulement de la mesure syllabique des propositions grammaticales qui constituent le verset. Allant souvent de l’octosyllabe au segment de neuf syllabes, les propositions des versets segalenien et persien peuvent se répartir en parallélismes parfois assonancés. La mesure des versets de « Du bout du sabre » est moins régulière que dans l’extrait d’Anabase cité plus haut, mais on y trouve les segments octosyllabiques, comme caractéristiques du rythme persien65 :
Notre sceau est un fer de lance
Notre soie est tissée de crin
32Si les segments de la stèle de Segalen ne sont pas isosyllabiques, ils sont à peu près équivalents, ne variant que de une à trois syllabes. Le parallélisme qui régit la structuration des versets et l’enchaînement paratactique des propositions souligne d’ailleurs davantage cette symétrie que les variations syllabiques.
33Par ailleurs, on retrouve chez les deux poètes, dans des formules similaires, un nombre pair et un découpage en 8-4 ou 8-6. Les échos entre « Je règne par l’étonnant pouvoir de l’absence (12)66 », et « C’est votre affaire et non la mienne (8) de régner sur l’absence (6) », aboutiraient à une amplification du rythme chez Perse, qui n’est pas pour étonner, dans la mesure où il n’a pas choisi une forme brève comme la stèle.
34Or le rythme d’Anabase n’est pas encore aussi métrique que celui des œuvres postérieures à Exil. Si, comme nous en faisons l’hypothèse, Saint-John Perse a été sensible au balancement des parallélismes de Stèles, il aurait cependant reconfiguré des segments rythmiques, n’allant pas forcément dans le sens de la mesure paire, comme le suggère la Préface de Stèles qui dresse une liste du menu peuple chinois, présenté comme public des stèles d’origine : « Les unes et les autres (6) s’offrent sans réserve aux passants (8), aux muletiers (4), aux conducteurs de char (6), aux eunuques (3), aux détrousseurs (4), aux moines mendiants (6), aux gens de poussière (5), aux marchands (3)… »
35Il faut noter que l’expression « gens de poussière », reprise telle quelle dans Anabase67, s’y inscrit dans le même processus d’énumération, même si c’est une apostrophe68 plus abstraite :
Hommes (1), gens de poussière et de toutes façons (10), gens de négoce et de loisir (8), gens des confins et gens d’ailleurs (8), ô gens de peu de poids (6) dans la mémoire de ces lieux (8), gens des vallées et gens des plateaux (9)…
36Saint-John Perse ne pratique pas de strictes isocolies dans cette énumération qu’il ordonne plutôt par des parallélismes aux segments équivalents ; ceux de neuf syllabes rappellent Stèles, où ils sont constants. Il est vrai que ces segments apparaissaient déjà dans l’œuvre précédente de Saint-John Perse, mais ils sont un trait d’union supplémentaire entre les deux poètes. Ainsi ce verset de la première des stèles présente-t-il des syntagmes quasi-isosyllabiques, un parallélisme carré et des homéotéleutes qui sont propres par ailleurs à rappeler certaines des caractéristiques du verset persien :
Je consacre ma joie (6) et ma vie et ma piété (7) à dénoncer des règnes sans années (10), des dynasties sans avènements (9), des noms sans personnes (5), des personnes sans noms (6),…
37En revanche, le parallélisme asyndétique de Stèles ne se retrouve pas comme une caractéristique exclusive du parallélisme de Perse. Si l’on part de l’hypothèse que les assertions de « Retombée » ont pu inspirer la déclaration inaugurale d’Anabase, Saint-John Perse saurait lier dans une période ample ce qui, dans la stèle, relève du style coupé. En effet, contrairement au verset de Stèles, le verset d’Anabase ne constitue pas nécessairement un énoncé syntaxico-sémantique complet. Les enjambements sont possibles et coupent parfois en deux les parallélismes, empêchant leur symétrie. Certes, on retrouvera ultérieurement des parallélismes asyndétiques qui rappellent Stèles, comme dans l’ouverture d’Exil : « Portes ouvertes sur les sables », et au chant II : « J’ai fondé sur l’abîme et l’embrun et la fumée des sables ». Mais dans Anabase, le souffle épique lie ce qui est disjoint dans Stèles, et disjoint parfois ce qui est lié dans le parallélisme constitutif du verset de Stèles. D’une part, le souffle de Perse lui fait adopter des phrases plus longues, d’autre part, les différences demeurent toujours plus importantes que les ressemblances, dans la mesure où Perse n’importe jamais des syntagmes tels quels, mais les extrait d’une situation discursive globale, sans jamais plagier.
38Après examen des expressions similaires les plus éclairantes dans les deux œuvres, ce que disent les poèmes de la période chinoise de Saint-John Perse, c’est qu’ils ont souvenir d’avoir lu Stèles de Segalen. Ils le disent sans les imiter stérilement ni les réduire à un réservoir de syntagmes prêts à être collés. Ils constituent ainsi une chambre d’échos qui efface toute trace d’ironie et amplifie une rhétorique de l’éloge. Certes, cette rhétorique, qui justifie une énonciation moins subjective, n’est pas le monopole de Stèles, non plus que certains des traits stylistiques tels que le parallélisme. Il demeure difficile de départager dans cette inflexion de la poétique persienne la part des versets de Stèles et celle des quatrains des traductions des poésies chinoises ou même de la littérature chinoise. Quoi qu’il en soit, « Amitié du Prince » et Anabase font signe vers le référent chinois, comme l’a montré C. Mayaux, référent filtré par les lectures relatives à la Chine, au premier rang desquelles il faudrait placer désormais Stèles. Ce référent imaginaire, le caractère épique des paysages mongols, la figure fantasmée de l’autorité, le goût pour la rhétorique d’apparat encadrée par un sens de la mesure, amènent parfois nos deux poètes à des affinités énonciatives surprenantes qui font penser à des voix jumelles, à défaut d’être purement chinoises.
Notes de bas de page
1 Je tiens à adresser mes plus vifs remerciements à Corinne Cleac’h-Chesnot et à Arlette Ventre pour l’aide précieuse qu’elles m’ont apportée.
2 C. Mayaux, Le Référent chinois dans l’œuvre de Saint-John Perse, thèse d’ancien régime sous la direction de M. Yves-Alain Favre, Université de Pau et des pays de l’Adour, soutenue en juin 1991.
3 Cf. C. Mayaux, « Le Prince chinois dans Le Fils du ciel et dans « Amitié du Prince » de Saint-John Perse », Victor Segalen, Actes du colloque international, 13-16 mai 1985, Université de Pau et des pays de l’Adour, éd. par Yves-Alain Favre, Centre de recherches sur la Poésie contemporaine, Université de Pau et des pays de l’Adour, t. 1, Pau, 1985, p. 89-104 ; « Victor Segalen et Saint John Perse, deux poètes en Chine », Europe, numéro spécial Segalen, 1987, p. 117-125 ; « Les illustres prédécesseurs de Michaux en Chine : Claudel, Segalen, Saint-John Perse », Analyses et réflexions sur Henri Michaux, Un barbare en Asie, l’autre et l’ailleurs, éditions Marketing, Paris, 1992, p. 108-111.
4 Cf. C. Mayaux, « Saint-John Perse lecteur de Victor Segalen », Souffle de Perse, no 5-6, p. 138-150.
5 Haiying Qin, Segalen et la Chine, écriture intertextuelle et transculturelle, L’Harmattan, Paris, 2003.
6 Cf. Ho Kin Chung, Lectures de Segalen, Stèles et Équipée, textes réunis par Marie Dollé, PUR, Rennes, 1999, p. 63-76.
7 Cf. Ho Kin Chung, Victor Segalen, et les arts orientaux, Cahiers Victor Segalen, no 5, 1999, p. 101-108.
8 Cf. Dossier documentaire DOC 841 de la bibliothèque privée de la Fondation Saint-John Perse, concernant Jammes, Jouve, Laforgue, Mallarmé, Masson, Miloscz, Michaux, Henri de Régnier, Reverdy, Rimbaud, Supervielle, Valéry, contient pour Segalen :
– numéro 288 des Cahiers du sud, Départs avec Victor Segalen, 1948, notices biographique, bibliographique, étude sur les Immémoriaux, sur René Leys, sur Équipée, sur l’œuvre archéologique, correspondance avec Paul Claudel et quelques stèles, « Vision pieuse », « Sur un hôte douteux », « Aux dix mille années », « Hommage à la raison », « Visage dans les yeux », « Libation mongole », « Du bout du sabre », « Conseils au bon voyageur », « Éloge et pouvoir de l’absence », « Nom caché », « Ode au vent des royaumes », « Peintures magiques sur porcelaine et profondes eaux de laque », « Cortège et trophée », Thibet I, II ;
– notes sur la parution de l’édition de 1955 par Pierre Oster, NRF, no 44, août 1956, p. 331-334. Y sont traités la théorie de l’exotisme et le taoïsme, l’approche de l’innombrable diversité, l’opposition imaginaire et réel. Page 330 ôtée ;
– étude d’Henry Bouillier de septembre 1961, Mercure de France no 1177, analysée par Christian Rivoire, « Métamorphoses d’une étude sur Victor Segalen. », Souffle de Perse, no 10, 2002, p. 68-84, qui a vu la reprise des annotations dans la préface de Fargue ;
– Gabriel Germain, « Victor Segalen poète de la Chine primordiale », Cahiers du Sud, Sur les pas de Victor Segalen, no 368, 1963, p. 23-28, analysé partiellement par Ch. Rivoire, avec coupure des pages rapprochant Claudel, Perse, Segalen, et sur le taoïsme ;
– Gabriel Germain, « Ascension de Victor Segalen », Cahiers du Sud, p. 227-228 ;
– Matthieu Galey, « Connaissez vous Segalen ? », ARTS, no 912, 17-23 avril 1963, p. 3 : Segalen contemporain de Claudel et Perse ;
– article de Pascal Pia, section Littérature du 24 avril 1963, Carrefour, photo découpée, p. 18 ;
– Robert Kanters, « Victor Segalen entre le Tigre et le dragon », Figaro Littéraire, 2 janvier 1964, p. 4, la photo est découpée ;
– pages 461-462-463 et 471-472, vraisemblablement extraites des Cahiers du Sud, plus biographiques ;
– coupure du Monde du 5 janvier 1979 probablement rajoutée par sa femme ?
9 Cf. Robert Condat, « Quelques points de repères dans les rapports entre Segalen et Saint-John Perse », Littératures, no 9-10, Publications de l’Université de Toulouse, 1984, p. 299-308.
10 De plus, il lit des extraits de la préface et la stèle « Écrit avec du sang » dans les Écrits de Chine de Gilbert de Voisins de 1924, qu’il annote en de nombreux endroits. Les trois autres exemplaires de Stèles détenus par Saint-John Perse sont postérieurs au premier, dédicacé à Jessé-Curély, secrétaire d’ambassade à Pékin : un exemplaire du Club du meilleur livre 1955 envoyé par Yvon Segalen avec une carte de visite, un exemplaire d’une édition de luxe avec aquatintes de Friedlaender offert par les Bibliophiles de Provence, 1968, le NRF Poésie/Gallimard de 1973 dédicacé par Pierre Jean Rémy, auteur de la préface.
11 Cf. Robert Condat, op. cit.
12 Cf. C. Mayaux, Le Référent chinois dans l’œuvre de Saint-John Perse, troisième section, « De la lecture à l’écriture, les manuscrits méconnus du poète » ; Renée Ventresque, Les Antilles de Saint-John Perse. Itinéraire intellectuel d’un poète, Troisième partie, chapitre 3, « Du langage à l’œuvre », L’Harmattan, Paris, 1993 ; Joëlle Gardes-Tamine, Saint-John Perse ou la stratégie de la seiche, « De la multiplicité des apparences à l’unité de l’Être : le collage », Aix-en Provence, Publications de l’Université de Provence, 1996, p. 93-104 ; Colette Camelin, Joëlle Gardes-Tamine, La « Rhétorique profonde » de Saint-John Perse, Champion, Paris, 2002.
13 Cf. C. Mayaux, « Saint-John Perse lecteur de Claudel », Claudel Studies, Numéro spécial Great readers and readings of Claudel, vol. XXIV, no 1-2, 1997, p. 111-117.
14 Cf. Yvan Daniel, « Victor Segalen lecteur du verset claudélien : modèle et contre modèle dans les œuvres de Chine », dans Philippe Postel (éd.) Segalen : le rythme et le souffle, Éditions Pleins feux, Nantes, 2002, p. 23-34.
15 Cf. Didier Alexandre, « Le dialogue Segalen-Claudel dans Stèles et Équipée », dans Didier Alexandre, Pierre Brunel (éd.), Écritures poétiques du moi dans Stèles et Équipée de Victor Segalen, Actes des journées d’études Segalen organisées par la SELF XX, les 8 octobre (Paris IV), 4 décembre (ENS Fontenay-St Cloud), 10 décembre 1999 (Besançon), Klincksieck, 2000, p. 61-78 ; et « La question du lyrisme dans la forme stèle », C. Mayaux (éd.), Lectures d’une œuvre. Stèles et Équipée, Victor Segalen, Éditions du temps, Paris, 1999, p. 75-94.
16 Cf. Claude Pierre Pérez, « La stèle de Segalen entre Orient et Occident », « À propos de la stèle “Édit funéraire” », Lectures de Segalen, Stèles et Équipée, textes réunis par Marie Dollé, PUR, Rennes, 1999, p. 79-88 et 107-111.
17 Dans la bibliothèque privée, Théâtre Première série IV, Le Repos du septième jour, L’Agamemnon d’Eschyle, Vers d’exil (Paris, Mercure de France, 1912) est vierge d’annotations contrairement au Repos du septième jour, de L’Arbre, 1901, comme aux deux tiers de l’acte II : « De peur que le cœur ne te tue, comme quelqu’un meurt à l’éclair et au vent De l’épée qu’on lui tire à la face ! »
18 Yvan Daniel, op. cit., a relevé par exemple cette titulature de la première page qui rendrait compte de la nomenclature du « Conseiller », du « Divin », du « Persécuteur » et du « Mauvais » de « Démon secret » : « Vos titres sont le Premier, l’Unique, le Un Tenant-le-sceptre-de-jade, Revêtu-de-vêtements-jaunes, Dominateur, Pondérateur Accord, Moyen, Terme, Milieu, Fondation, Résidence, Principe ! », mais de manière moins ambivalente, elle renvoie aussi à celle d’« Amitié du Prince », Prince qui est présenté comme le « guérisseur », « l’assesseur » et « l’enchanteur aux sources de l’esprit ». De plus, le procédé du nom composé intervient dans « Ô sans-figure » d’« Au démon secret » et dans « Amitié du Prince » : « ô sans-coutume parmi nous ».
19 Cf. Claudel, Le Repos du septième jour, Théâtre I, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, 1967, p. 811.
20 Ibid., p. 799.
21 Cf. Henry Bouillier, Victor Segalen, (1961), Mercure de France, Paris, 1996.
22 Cf. Haiying Qin, Segalen et la Chine…, op. cit.
23 Cf. Philippe Postel, Victor Segalen et la statuaire chinoise, archéologie et poétique, Champion, Paris, 2001.
24 Cf. C. Mayaux, op. cit., et aussi du même auteur, « L’amateur de textes : Saint-John Perse et l’Asie centrale », dans Corzani Jack (éd.), Saint-John Perse. Les années de formation, Actes du colloque de Bordeaux 17-19 mars 1994, L’Harmattan, Paris, 1996, p. 99-109, « Traces chinoises dans l’œuvre de Saint-John Perse », Saint-John Perse et la Chine, Actes de la journée d’études du 9 mai 1997 à Pékin, Éditions la Chine au présent, 1997, p. 41-57.
25 Cf. C. Mayaux, Le Référent chinois dans l’œuvre de Saint-John Perse, p. 567-587.
26 Édition traduite par Couvreur et citée par Marcel Granet.
27 Soulié de Morant a dédicacé à Alexis Leger en 1918 cette édition, et seulement en 1925 le Florilège de la poésie Song, paru en 1923.
28 Les traductions anglo-saxonnes d’Arthur Waley ou Shigeyosho Obata pour Li Po ne retiendront pas notre attention.
29 Joëlle Gardes-Tamine, « Des textes de jeunesse à Anabase : la constitution d’un lyrisme impersonnel », dans Saint-John Perse ou La stratégie de la seiche, Aix-en Provence, Publications de l’Université de Provence, 1996, p. 51-60.
30 C. Mayaux, op. cit., p. 192.
31 Cf. C. Mayaux, Le Référent chinois dans l’œuvre de Saint-John Perse, p. 475-490 ; C. Mayaux, « Saint-John Perse et le taoïsme », Muriel Détrie (éd.), Littérature et Extrême-Orient, Le paysage extrême-oriental, le taoïsme dans la littérature européenne, Conférences du séminaire de Littérature comparée de l’Université de la Sorbonne nouvelle, Champion, Paris, 1999, p. 183-198.
32 Cf. Soulié de Morant, Essai sur la littérature chinoise, Mercure de France, Paris, 1912, p. 201 : « […] J’ai peur que l’on ait tout bouleversé…
Voici la maison, avec ses deux ailes,
Sous le grand arbre qui la couvre de ses branches.
Debout à l’entrée, ma vue s’étend sur le fleuve à plus de dix mille lis.
À mes pieds, les iris sont fleuris…
La nature de l’homme est d’aimer les choses du passé,
Du passé qui, joyeux ou triste, laisse au cœur une étrange mélancolie. »
33 Ibid., p. 204-205.
34 Cf. E. Chavannes, Documents chinois découverts par Aurel Stein dans les Sables du Turkestan oriental, Oxford, 1913, p. XIX.
35 Saint-John Perse, Œuvres complètes, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, 1982, p. 103.
36 Victor Segalen, Stèles, Christian Doumet (éd.), Le Livre de poche, 1999, p. 185-186.
37 Cf. C. Mayaux, Le Référent chinois dans l’œuvre de Saint-John Perse, p. 567-587.
38 Marcel Granet, Fêtes et chansons anciennes, Ernest Lerous, Paris, 1919, p. 98.
39 Cf. C. Mayaux, Le Référent chinois dans l’œuvre de Saint-John Perse, p. 457.
40 Ainsi souligne-t-il, p. 45, « Comme elle aimait à entendre (le bruit de la soie qu’on déchire) », inspiré des Textes historiques, cf. « Pour lui complaire » ou encore la mention de la stèle nestorienne de Singan fou, cf. « Religion lumineuse » p. 218.
41 Édouard Chavannes, Dix Inscriptions chinoises de l’Asie centrale d’après les estampages de M. Ch.-E. Bonin, Imprimerie Nationale, Librairie C. Klincksieck, Paris, 1902.
42 Ibid., p. 74.
43 Ibid., p. 75.
44 C. Mayaux, Le Référent chinois dans l’œuvre de Saint-John Perse, p. 650-676, et plus particulièrement « L’écriture stélaire », p. 673-676.
45 Op. cit., p. 37.
46 Ibid., p. 38.
47 Segalen, op. cit., p. 231.
48 Op. cit., p. 213.
49 La stèle apparaît déjà dans « La Tombe » ou « Halte sur le canal » de Connaissance de l’Est de Claudel, mais sous le signe de la décadence. Elle apparaît pour la première fois chez Perse, dans « Pluies » : « Et la truie d’or à bout de stèle sur les places désertes. C’est la splendeur encore aux porches de cinabre », mais le cinabre y semble à la fois connoté comme chinois et claudélien.
50 Cf. Segalen, op. cit., p. 162.
51 Ibid., p. 76.
52 Saint-John Perse, op. cit., p. 69.
53 Segalen, op. cit., p. 55.
54 Saint-John Perse, op. cit., p. 67.
55 Segalen, op. cit., p. 276.
56 Saint-John Perse, op. cit., p. 102.
57 Segalen, op. cit., p. 97.
58 Saint-John Perse, op. cit., p. 67.
59 Segalen, op. cit., p. 268.
60 Saint-John Perse, op. cit., p. 93.
61 Ibid., p. 94.
62 Ibid., p. 98.
63 Ibid. Cf. aussi Exil : « Portes ouvertes sur les sables », « J’ai fondé sur l’abîme et l’embrun et la fumée des sables », p. 123-124.
64 Ibid., p. 108.
65 Cf. Émilie Noulet, « L’octosyllabe dans Amers », dans Paulhan Jean (éd.), Honneur à Saint-John Perse, Gallimard, Paris, 1965, p. 316-326.
66 Segalen, op. cit., p. 276.
67 C. Mayaux rappelle son soulignement ailleurs dans La Politique de Pékin : « Saint-John Perse lecteur de Victor Segalen », Souffle de Perse, no 5-6, p. 138-150.
68 Cf. Saint-John Perse, op. cit., p. 94.
Auteur
Université d’Aix-Marseille
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