Des choses et des mots : l’ancrage sensuel d’une philosophie
About words and little things : philosophy and senses
p. 159-174
Résumés
Toute chose visible est extraordinaire pour la personne qui sait voir, sentir, appréhender les objets qui l’entourent. Ils sollicitent nos sens d’abord, puis notre imagination, peut-être enfin notre esprit, qui perçoit en eux un signe de l’éternel qui nous échappe. Ils sont des preuves de notre existence, de notre talent, ils nous révèlent à nous-mêmes et absorbent le sens que nous leur donnons. Ces objets deviennent des symboles de nos vies, des traces, des vestiges de notre histoire. Ils sont les gardiens de notre mémoire.
Dans notre monde matérialiste, les objets ne sont plus que matières quantifiables, évalués à l’aune de leur utilité et de leur rapport. On s’en sert, on les use puis on les jette. Morrison a le courage de s’opposer à la littéralité frustrante d’un postmodernisme stérile. Lorsque l’écrivain-poète se donne pour mission de reconfigurer l’histoire et l’identité d’une communauté démembrée par l’esclavage, elle fait la part belle aux objets ordinaires. Mieux que tout autre, elle sait leur insuffler la vie, les rendre palpable à l’esprit. À l’instar de Shakespeare, elle sait conférer « à des rêves impalpables / Un lieu de résidence et un nom ». Et comme lui, peut-être mieux encore, elle sait que les femmes sont le lien qui relie les choses ordinaires à l’esprit invisible qui est l’essence de nos vies.
Little things, the objects of everyday life, can be extraordinary for the person who really sees them. They appeal to the senses, arouse the imagination and touch the mind which sees in them traces and signs of the Spirit that elude us. They are evidence of life, of their creator’s talent. They are the repositories of ourselves and absorb the meaning that we impart to them. They are the remains of history, the symbols of our lives, our memory keepers. In our materialistic world where objects have been deprived of their meaning and are valued solely for their price and usefulness, Morrison bravely opposes the literality of a sterile postmodernism. As a poet and writer, claiming to refigure the history and identity of a community dismembered by slavery, she gives small things their due. She, better than anyone, knows how to infuse them with spirit, how to make them palpable to the mind. She, like Shakespeare, knows how to give “to airy nothing / A local habitation and a name.” And like him—shall I say better than him still—she knows that women generally are the link between ordinary things and the invisible spirit that is the essence of our lives.
Extrait
1Tous les objets visibles sont extraordinaires pour la personne qui sait voir, sentir, appréhender les objets qui l’entourent. Ils sollicitent nos sens d’abord, puis notre imagination, peut-être enfin notre esprit, qui perçoit en eux un signe de l’éternel qui nous échappe. Nous les tenons, les créons parfois, nous les caressons, nous les sentons, nous les goûtons : ils sont des preuves de notre existence, de notre talent, ils nous révèlent à nous-mêmes et absorbent le sens que nous leur donnons. Ces objets deviennent des symboles de nos vies, des traces, des vestiges de notre histoire. Ils sont les gardiens de notre mémoire.
2Il faut parvenir à notre époque pour voir triompher une littéralité frustrante, au regard de laquelle les objets ne sont plus que matières quantifiables, évalués à l’aune de leur utilité et de leur rapport. On s’en sert, on les use puis on les jette. Les impératifs de la production économique, l’abondance, qui va de pair avec la duplication des objets, en
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