Histoires de corps et espace de fiction
p. 57-76
Texte intégral
Voyager, c’est comme filmer.
Paul Virilio
1Italienne insérée dans un réseau transculturel et m’exprimant en anglais, je me sens obligée, en ouvrant ce texte, d’indiquer de quel point de vue je me place1. Depuis quelque temps la recherche cinématographique anglo-américaine a fait porter son effort sur la vision et le regard. Opérant un déplacement culturel, je voudrais arracher la théorie filmique à sa longue fixation sur le regard pour l’orienter vers l’espace – pour l’introduire à une « vision globe-all ». Ce jeu orthographique est ce que le latin nomme error, abandon des sentiers battus, car error désigne aussi l’errance, la divagation. Parler de « vision globe-all » revient à effectuer un passage théorique, sans condamner ce qui a été déjà fait sur le regard mais en soulignant les limites d’une approche qui ignore un trait fondamental de la fiction, le mouvement. Bien des aspects de l’image mouvante, par exemple le fait (imaginaire) de s’installer dans l’espace et de s’y déplacer (à mon sens un moteur essentiel de la fictionnalisation) demeurent inexplicables si l’on s’enferme dans le cadre statique de la théorie de la vision. Prisonnier d’un regard fixe, ramené à un immuable œil/moi, le spectateur de cinéma a été transformé en voyeur. N’est-il pas davantage un voyageur qu’un voyeur, du moins si l’on pense à la kinesthésie fictionnelle et spatio-corporelle qui caractérise le film ? Et, en suivant le voyageur, j’entends prendre en compte la mobilité féminine, ma propre mobilité de voyageuse (filmique).
2Mon texte va donc s’attacher à une géographie de l’image pour aborder le récit dans son rapport avec la production d’espace. Je m’intéresserai à l’espace cinématographique en pointant une architectonique des sites, autrement dit une cartographie de la place tenue par le film parmi les pratiques et les arts de l’espace. Partant des intersections entre film d’une part, architecture, culture itinérante, art cartographique d’autre part, j’ouvrirai la fiction, problème esthétique, sur la vision spatiale. Le récit filmique est une pratique exploratoire, commençons le voyage.
Panoramas généalogiques
Pas de doute, l’ancêtre du film est l’architecture.
Eisenstein
3La première étape d’un passage à la « vision globe-all » implique qu’on revienne sur la géographie de la fiction filmique dans le domaine de la vision spatiale, c’est-à-dire que l’on reparte des origines historiques du cinéma, sans se borner à évoquer la littérature, le théâtre et d’autres pratiques fictionnelles, mais en rapprochant le film de l’architecture, en le traitant comme une image mobile et en l’envisageant par rapport à l’émergence de la modernité2. Vue sous cet angle, la fiction dépend à la fois des paramètres spatiaux imposés par les techniques d’observation nées au XIXe siècle3 et de l’architecture moderne.
4Peu avant la naissance du cinéma, architecture et urbanisme avaient créé un nouvel espace visuel. Arcades, chemins de fer, grands magasins, halls d’exposition, tous sites de passage, symbolisant cette géographie nouvelle qui a été celle de la modernité, avaient modifié le rapport entre perception de l’espace et déplacement corporel, ouvrant la voie à l’invention justement appelée, en anglais, « motion picture ». Le récit filmique est très lié à cette géographie, dans la mesure où c’est elle qui a redéfini les cheminements de la flânerie urbaine4. Et, notons le, l’assistance à un film est une forme imaginaire de flânerie pleinement ouverte aux femmes.
Horizons du spectateur moderne
5Paul Virilio remarquait un jour que l’écran, à l’aube du XXe siècle, avait ouvert une nouvelle place publique, et comme le notait Tom Gunning dans une conférence présentée à Iowa City en avril 1989, le film n’a jamais cessé de se construire dans une perspective urbaine, ni de mettre la ville en abîme. Destiné d’abord à un public urbain, il a nourri les imaginations citadines en leur offrant des « vues panoramiques » métropolitaines venues du monde entier5. La lanterne magique avait précédé le cinéma en ce domaine, mais le film eut sa forme d’expression propre, le genre itinérant dont on disait en Italie qu’il était tiré « dal vero », de la réalité même. Le public urbain s’habitua alors à courir vers les salles obscures pour y contempler ce qui était son existence même.
6Dans les années vingt, la ville envahit l’écran6. Le cinéma allemand, mais aussi celui de Naples, développèrent la fiction d’un espace urbain dans lequel les femmes trouvaient une place. Ici, c’était la « réalité » physique des rues qui devenait fiction – comme ce sera le cas plus tard avec le néoréalisme quand Le Voleur de bicyclette, traitant la ville comme fiction quotidienne, racontera tout simplement, suivant l’expression d’André Bazin, « l’histoire d’une promenade à travers Rome ». René Clair, qui filmait l’espace urbain sous son aspect le plus manifestement kinesthésique, pouvait dire que « l’art le plus proche du cinéma est l’architecture ». Mais le cinéma ne se bornait pas à chercher son inspiration dans la rue, il recréait un paysage urbain lui-même fictionnel où se mêlait l’inventivité des architectes et celle des films eux-mêmes.
7La critique a contribué autant que l’histoire à mettre en évidence les liens unissant cinéma et culture urbaine. Rappelons-nous l’œuvre de Siegfried Kracauer qui sut mettre en évidence la fixation du cinéma allemand sur les rues, le pavé, le jeu des pieds martelant la chaussée7. Kracauer attribuait au fait du passage l’affinité du cinéma et de la rue, car cette dernière, comme le cinéma, est l’endroit où ce qui passe devient source d’impressions8. Par une merveilleuse coïncidence, l’entrée d’une des galeries publiques de Berlin était flanquée par deux agences de tourisme et le musée anatomique trônait au milieu de la galerie avec un Panorama où des villes étaient présentées comme autant de visages9. Kracauer n’oubliait pas, dans sa revue, les « théâtres cinématographiques », il montrait comment « la vie de la rue » se transformait, dans les cinémas, en « rue de la vie », voie toute tracée pour le public international du cinéma10. Le théâtre cinématographique abritait la ville, elle-même palais du cinéma, théâtre ouvert à la modernité.
8Car l’architecture des palais du cinéma, ces palaces où le tourisme épouse l’architecture, nous introduisent à l’étude de l’assistance aux spectacles comme pratique sociale engagée dans un espace de fiction. L’illusion fictionnelle offerte par le cinéma est entièrement affaire d’espace, elle est induite à la fois par l’ordonnance architecturale de la salle et par le programme qui y est projeté. P. Morton Shand le remarquait en 1930, à une époque où l’on se rappelait encore les premières rencontres du public et des films :
On ne peut comprendre le cinéma sans le replacer dans le cadre où il a évolué… Mis en face « d’images animées » nous étions invités à parcourir, à cheval sur une locomotive, de sombres tunnels et des ponts lancés au-dessus des précipices, ou bien à découvrir d’un coup d’œil les montagnes neigeuses du Groënland et les grèves coralliennes des Indes11.
9La fiction cinématographique était née également de cette illusion touristique. Les panoramas filmiques ont une origine complexe où se confondent les nouveaux moyens de transports et les bâtiments qui leur étaient liés, des représentations picturales comme le diorama12 et le goût du voyage mis à la mode par le tourisme populaire de Cook aussi bien que par la carte postale.
10Cette poussée géographique qui marque le passage de la simple balade urbaine à l’exploration intègre le sujet féminin. Le refus de reconnaître la place tenue par la femme dans la modernité, en particulier dans son discours fictionnel, a conduit à caractériser le voyage comme masculin et à faire des femmes le symbole de l’espace domestique13. Pourtant, en 1863, une « invite aux femmes touristes » affirmait que « l’exploration des pays étrangers enrichit et distrait bien mieux que le crochet ou la broderie »14. En cette fin de siècle, voyager intéressa davantage de femmes, produisit davantage de fictions, engendra des discours plus complexes qu’on ne le croit en général15 et le film, engagé lui aussi dans l’acculturation au voyage, accéléra cette évolution, aida les femmes à s’ouvrir à la modernité, élargit les perspectives de plaisir, de savoir et de pouvoir qui leur étaient offertes.
La voie architecturale
11Avec la généalogie des films, nous devons aussi revisiter la théorie filmique « classique » et c’est un texte écrit par Eisenstein à la fin des années trente, « Montage et architecture », qui va nous aider à découvrir la combinaison de ces espaces de fiction que sont le film, l’architecture et les habitudes voyageuses. Parti à la recherche d’un spectateur mobile attentif à l’architecture comme au film, Eisenstein entraînait son lecteur dans une sorte de promenade. Semblable à un itinéraire, son essai va nous servir de guide pour une visite architecturale. Sentier est le terme par lequel s’ouvre l’exploration et, souligné, il flèche notre itinéraire :
[S’agissant du cinéma] le mot sentier n’est pas employé au hasard. Il s’agit du sentier imaginaire emprunté par l’œil et des facettes d’un objet déterminées par les différents points de vue qu’on prend sur lui. Il peut s’agir aussi du sentier suivi par l’esprit quand, survolant une multiplicité de phénomènes très éloignés dans l’espace et le temps, il les réunit en une seule pensée, de telle manière que ces impressions défilent devant un spectateur immobile16.
12Eisenstein montre bien ici comment immobilité et mobilité sont engagées dans une relation perceptuelle. Assister à un film implique une réelle dynamique même quand le public ne bouge pas, car le spectateur (im)mobile suit un sentier imaginaire qui l’amène à traverser les lieux et les temps. L’architecture urbaine autorisait déjà ce genre de voyage spectatoriel, le sentier filmique est une version rajeunie de la promenade architecturale. En visitant un site on perçoit et on connecte des espaces comme le fait un spectateur :
Un ensemble architectural est un montage pour celui qui se déplace. Le montage cinématographique permet de « lier » en un point (l’écran) des fragments d’un phénomène filmé sous plusieurs dimensions et de différents points de vue17.
13Le sentier d’Eisenstein balise un territoire à la fois dynamique et incarné – incarné en ce sens qu’il a pour moteur l’inscription dans le champ du corps de l’observateur qui n’est pas un voyeur immobile, confondu avec son œil, mais une totalité physique en mouvement. Eisenstein nous entraîne dans un tour de l’Acropole d’Athènes, « exemple parfait de l’un des plus anciens films18 », qui lui propose à la fois un déplacement et une avancée théorique. Il faut avancer pour découvrir un tel site, mais tandis que nous marchons, nous produisons du sens avec nos jambes, ce sont elles qui « organisent un montage séquentiel pour un ensemble architectural subtilement composé, plan par plan ». L’analogie n’est pas seulement rétrospective, elle est une sorte de trace laissée par le futur19, architecture et film se trouvent liés par l’itinéraire, le fait de la réception et le cheminement propre de l’observateur.
Visite de la cité-ciné
L’architecture, comme le cinéma, existe dans les dimensions du temps et du mouvement.
Jean Nouvel
14La fragmentation de l’espace, la multiplication des sites envisagés comme autant de plans différents ne sont pas les seuls points communs au cinéma et à l’architecture. Il s’y ajoute le fait même de montage. Comme le film, l’architecture est porteuse d’une fiction constituée par les déplacements du spectateur. L’architecte Bernard Tschumi considérait que les mouvements de plusieurs personnes dans un site architectural produisaient un effet « rappelant un script d’Eisenstein » car, pour saisir la dynamique d’un édifice, on ne peut se contenter d’un point de vue (la façade), mais on doit multiplier les approches20. Prenant l’exemple du parc de La Villette, où la flânerie métropolitaine croise les jardins de la métropole, Tschumi voit dans toute balade architecturale une promenade cinématographique21.
15Poussons plus loin le rapprochement entre les deux arts de l’espace, prenons les comme ensembles dynamiques. Il ne s’agit pas seulement de dépasser l’idée de l’édifice comme construction immobile, mais bien de considérer l’espace comme invention, comme création fictionnelle. Il faut, pour cela, incorporer l’habitant (ou le visiteur) à l’architecture dans laquelle il se déplace, réinventer sa trajectoire, donc organiser le récit que constituent leurs mouvements. Les plans architecturaux, comme les plans filmiques, sont conditionnés par la relation entre mouvement et événements, car le mouvement ne fait pas qu’indiquer une orientation, il mobilise du territoire, les plans cernent des initiatives spatiales, ils sont ce que Michel de Certeau aurait appelé de véritables intrigues.
Promenades filmiques et architecturales
16« Installés » dans l’espace nous poursuivons notre promenade à travers l’ensemble filmico-architectural. Pendant notre promenade une suite, un montage d’images s’offrent à nos yeux de spectateur. Eisenstein nous le redit, en citant un historien de l’architecture, Auguste Choisy, dont l’ouvrage, animé par une vision péripatéticienne, fut publié peu avant la naissance du spectacle cinématographique : architecture et film étaient bien ancrés dans le même terrain22. L’Acropole n’est qu’un exemple, tout espace urbain peut produire du spectacle, souvent à la jonction de la construction architecturale et de la topographie. Offrant sans arrêt des suggestions spectaculaires, les ensembles architecturaux transforment le visiteur en voyeur, mais en voyeur de film.
17L’ensemble architectural est lu tandis qu’il est parcouru – ce qui est vrai également du spectacle cinématographique, car le film n’est lisible que s’il peut être parcouru, nous le traversons mais lui aussi nous traverse. Ici encore architecture et films se rejoignent. Citons Le Corbusier : « Le spectacle architectural s’offre à la vue sous forme successive ; vous suivez un itinéraire et des vues très diverses se présentent à vous ; vous jouez avec le flux de la lumière23. » L’idée de promenade est très présente chez Le Corbusier, qui pensait que l’architecture devait être appréciée « en mouvement, sur ses pieds, tandis qu’on marche, qu’on va d’un point à un autre… Une vraie promenade architecturale propose des vues sans cesse changeantes, inattendues, parfois surprenantes24 ». Le déplacement, source de diversification, est, aussi bien que la pratique cinématographique, une association de la vue et du mouvement. L’exploration de l’espace peut conférer sa dynamique propre à une promenade architecturale, tandis qu’une vision architecturale est impliquée dans le parcours narratif du film. S’appuyant sur le texte de Choisy et sur sa visite de l’Acropole, Eisenstein retrouvait Le Corbusier, qui d’ailleurs assurait qu’architecture et film sont les seuls arts de notre temps et que, dans son travail, il avait l’impression « de penser comme Eisenstein le fait dans ses films25 ».
18En considérant la fiction sous l’angle de la modernité, c’est-à-dire en rapport avec la promenade, on chevauche une ligne commune à deux pratiques artistiques et on se livre à une sorte de tourisme. L’effet de scène est ce que produit le parcours d’un site architectural mais le cinéma ne crée-t-il pas, fictionnellement, un effet de déplacement, ne suggère-t-il pas un espace à voir et à traverser ? Voyageur, le spectateur itinérant de l’ensemble filmico-architectural lit des images en mouvement.
Architectonique de l’espace scénique
19À cause de sa capacité à ouvrir des perspectives visuelles la fiction cinématographique accentue la tendance des arts spatio-visuels à jouer sur le développement de l’espace. Eisenstein revint à la relation film/architecture dans un essai sur Piranèse, où il assura qu’on trouve « à la base de la composition d’un ensemble architectural la même “danse” qu’à la base du montage filmique26 ». Il y a quelque chose de touchant dans la manière dont cet essai s’ouvre sur un parcours spatial. D’une fenêtre de son appartement, situé près des studios de cinéma, l’auteur jette un regard vers Moscou, survole les lointains changeants de la métropole, note combien la ville tend à s’élargir. Puis il revient dans la chambre où un Piranese orne un mur et il se prend à en lire la structure en rapport avec l’explosion spatiale qu’il tente de mettre en œuvre dans ses propres films.
20Le rapprochement opéré par Eisenstein nous oblige à envisager plus largement le caractère pictural du cinéma, non seulement en tenant compte de l’objet représenté mais aussi en observant la manière dont l’espace est construit. Ici encore il faut remonter aux panoramas, eux-mêmes inspirés par le chemin de fer, aux promenades urbaines, aux photographies de voyage qui contribuèrent à annoncer et à définir l’investissement spatial du cinéma. À quoi il convient d’ajouter la mise en place d’un espace pittoresque tel qu’il se formula, au XVIIIe siècle, dans l’esthétique et le discours des jardins. Le pittoresque se donnait comme but d’organiser une autre forme d’espace grâce à une progression spectaculaire dont l’observateur se faisait l’agent à mesure qu’il se déplaçait27. Le film réinventa ce que le pittoresque avait découvert en incitant le corps spectatoriel à suivre des sentiers d’exploration inattendus.
21Eisenstein a comparé plus d’une fois les films aux « vues de paysage » et il a noté que sur la Vue et plan de Tolède du Greco la cité est aperçue « non seulement de différents lieux extérieurs, mais aussi depuis des rues, des allées et des places28 ». Il y avait là quelque chose d’inédit, qui nous intéresse par rapport au cinéma, un mélange des codes du paysage avec la topographie urbaine inspiré à la fois par des peintres ambulants et des jardiniers29. L’articulation d’une perspective à vol d’oiseau et du regard d’un promeneur urbain engendrait une multiplicité d’aperçus, de la perspective générale sur une rue au détail d’un lieu fréquenté. Ainsi la ville était-elle présentée au regard, désignée pour être traversée. Le film en est arrivé à incarner cette manière multiple de voir et à rendre familières des projections spatiales d’ordinaire inconcevables, il a réalisé une forme kinesthésique de la contemplation en alliant vue et site au sein du mouvement.
Panoramas filmiques
22La multiplication, au début du siècle, des films de voyage montre que fiction filmique et approche touristique de la spatialité se développèrent en même temps. Dépassant la fausse symétrie Lumière/Méliès, documentaire/fiction, nous devons prêter attention à ces formes filmiques hybrides. Le genre touristique n’eut pas seulement une grande importance pour la mise en place de la fiction cinématographique, il servit aussi de référence pour imaginer des fictions différentes de celles d’Hollywood. L’errance quotidienne dans la ville est le lieu commun d’une tradition qui va des œuvres napolitaines d’Elvira Notari, durant le premier tiers du siècle, aux films de Chantal Akerman, News from Home, Les Rendez-vous d’Anna, Toute une nuit.
23Arrêtons-nous sur cette tradition. Le premier cinéma offrait des vues panoramiques inspirées à la fois par la vogue de l’exotisme et par le désir de changer de place, de bouger, qui est l’un des caractères de la modernité. Qu’il s’agît de vues prises dans des lieux clairement identifiés ou de voyages imaginaires, la mise en image n’était jamais statique, les sujets de la représentation étaient mobiles et les techniques même de la prise de vue constituaient une invite à parier sur le mouvement. En voici quelques exemples. Plongeant sur une ville en pleine action, le Panorama pris du Times Building à New York (1905) réarticulait et diversifiait les perspectives aériennes traditionnelles de New York vue d’un gratte-ciel. Dans des films de ce type la caméra mettait à profit la hauteur des buildings pour multiplier les angles de prise de vue. D’autres travaux, comme la Vue panoramique de Monte Carlo (1903), choisissaient le niveau de la chaussée pour illustrer, par des croisements, le mouvement de la promenade urbaine. Et la circulation urbaine, à son tour, se laissait influencer par le cinéma, Panorama pris d’un trottoir roulant (1900), combinant caméra et site urbain, redoublait l’écoulement de la foule par le déplacement de l’appareil.
24À l’usage de procédés typiquement filmiques, comme l’esquisse de travelling dont je viens de parler ou les nombreuses variétés de panoramiques, la caméra ajoutait l’enfilade sur les rues qui reproduisait la manière dont les citadins utilisaient l’espace au cours de leurs rencontres journalières. Ainsi les fictions tournées dans ce décor et cette ambiance citadines ne devaient-elles rien au théâtre et procédaient-elles immédiatement de ce qui était le mouvement, la vie des métropoles. Des caméras placées sur n’importe quel engin mobile, train, funiculaire, bateau et même ballon, créaient le mouvement en se déplaçant et servaient à le simuler sur l’écran. Des promenades imaginaires étaient offertes aux spectateurs qui, dans certains cinémas, voyaient les films dans des loges aménagées comme des compartiments de chemin de fer et munies, sur une paroi, d’un écran : l’espace visuel mobile était ainsi halluciné. Il était fréquent également, que la caméra soit placée à l’avant d’un train, du métropolitain, d’un tramway et qu’elle devienne ainsi le véhicule lui-même, un moyen de locomotion spectatoriel30. En transportant le spectateur dans l’espace et en multipliant les impressions de déplacement, le film de voyage contribuait à imposer le mouvement dans le langage cinématographique.
Espace de voyage
25L’interaction film/architecture, à ce niveau, repose davantage sur le mouvement que sur la multiplicité des points de vue, c’est la modification de la position de voyeur, la capacité accordée à celui-ci de se mouvoir dans plusieurs dimensions qui crée une nouvelle relation, où le voyage rejoint film et architecture.
26Que peut-on savoir de la réception en ce domaine ? La fréquentation des cinémas est une pratique inséparable de l’espace urbain, elle prend la forme d’un itinéraire rappelant celui du touriste ou du citadin qui, s’étant rendu au point le plus élevé, colline, gratte-ciel ou tour, se projette sur le paysage urbain, scrute l’anatomie des rues, celle du sous-sol, celle des diverses configurations que propose la cité. La multiplicité des points de vue et leur organisation par le montage interviennent ici pour marquer l’originalité du cinéma dans sa perception de l’entourage. Changements de cadre et d’angle, rapidité du mouvement, qui appartiennent en propre au langage cinématographique, permettent au film d’utiliser l’espace comme un bien indéfiniment disponible et de rejoindre ainsi la pratique touristique qui consiste en une consommation spatiale. Désireux de regarder, le spectateur se transforme en visiteur, il devient un spécialiste du coup d’œil rapide, c’est-à-dire un touriste.
Déplacements intérieurs
27Nos tours et nos détours visent à révéler le mode d’intervention d’un médium itinérant, mais aussi ceux d’un art du voyage et d’une théorie du déplacement31. Sur le sentier pittoresque d’Eisenstein on croise le théoricien du cinéma, visiteur cherchant sa voie au travers des doctrines culturelles, pèlerin dont l’itinéraire côtoie celui du touriste, qui invente des histoires sur la base de son cheminement et fonde un récit sur ses trajectoires. Tout pèlerinage, évoluant de site en site, est une aventure spatiale qui organise un lien narratif entre les places successivement traversées et se narrativise tandis qu’il s’accomplit.
28« Montage et architecture » est présenté par Eisenstein comme un déplacement cinématique. Parvenu à Rome, l’auteur se promène dans Saint-Pierre et ce retournement, ce passage du dehors au dedans n’est pas sans conséquences. Accompagnant un glissement des perspectives extérieures aux perspectives intérieures, il opère un changement dialectique fondamental pour comprendre la mobilité fictionnelle mise en œuvre par le film et l’impact qu’elle peut avoir sur le spectateur. Parcourons ces « intérieurs », nous y découvrons un territoire narrativisé, nous explorons un terrain fictionnel, nous atteignons Le Ventre de l’architecte. Eisenstein s’arrête sur les huit armures qui ornent le baldaquin de Saint-Pierre. Yves-Alain Bois s’étonne que le cinéaste, au lieu de s’étendre sur l’atmosphère générale du baroque, en particulier sur son versant féminin, s’occupe d’iconographie32. Nous allons le voir, ce que regarde Eisenstein n’est pas indifférent, il s’agit d’un espace qui va ouvrir sur un récit en mouvement et qui est sexué, car espace et sexualité agissent souvent l’un sur l’autre33. Les huit décorations sculptées par Le Bernin correspondent à huit expressions de la face humaine qu’on parvient à « lire » à condition de tourner autour du baldaquin. Reliées par le pas du visiteur, les visages à première vue tous distincts produisent une histoire – une histoire de femme : il s’agit des contractions, puis du soulagement d’un visage féminin pendant l’accouchement et toute la séquence raconte la naissance d’un enfant. Le tour du baldaquin illustre donc une géographie corporelle, il ouvre un aperçu sur l’intérieur du corps d’une femme : situé à l’intérieur d’un édifice. Notre promenade ne nous a pas seulement découvert quelque chose du dedans, elle a aussi créé un montage sexué.
La sexualité en son logis
29Dans la visite à Saint-Pierre l’investigation architecturale, relayée par la prise de vue filmique, révèle une anatomie qui se trouve être féminine. La rencontre architecture/film s’opère sur un corps féminin dont le paysage est dessiné quand le tour s’achève.
30L’implication de l’anatomie se révèle, dans tout film, à travers le déchiffrement d’images corporelles ou d’expressions physionomiques qu’opère le corps du spectateur. Le film est engagé dans un corporéalisme médico-anatomique, il suggère au spectateur des contes anatomiques où s’ancre la curiosité visuelle à l’égard du cinéma34. Le théâtre filmique est un amphithéâtre, l’anatomie des sexes est le vrai domaine du cinéma, celui où s’actualise le désir qu’il provoque.
31Peut-on en dire autant à propos de l’architecture ? En plaçant les corps dans l’espace je réponds implicitement oui à cette question. Mais, avec l’exemple choisi, celui du baldaquin, je semble me limiter à l’iconographie alors que le problème est bien plus vaste : il faut progresser des « vues sexuées35 » à la spatialité. L’histoire de l’espace cinématographique est inséparable de celle du corps, dans la mesure où le sexe conditionne notre propre détermination en tant que sujets. Le sexe est logé, mais son adresse change sans arrêt.
Espace vécu, sites tangibles
32Le rapport entre architecture et film en vient ainsi à concerner tout à la fois la corporalité de l’espace et la manifestation du sujet. Henri Lefebvre l’avait déjà indiqué :
L’espace, mon espace, c’est avant tout mon corps, c’est l’intersection mouvante entre d’une part ce qui touche, pénètre, menace ou gratifie mon corps et d’autre part tous les autres corps36.
33Les corps déployés dans l’espace déterminent des champs spatiaux qui, à leur tour, définissent des corporéités. Film et architecture sont des pratiques de représentation, des fictions, écrites sur et par le corps. Leurs limites spatiales sont matérielles. Comme habitacles de personnes sexuées, ils sont des lieux de production de sexualité et non simplement des véhicules de représentation. Dans la mesure où ils produisent de l’espace, ils doivent être envisagés comme des topographies, et comme des constructions vécues par leurs usagers.
34Film et architecture sont des espaces et des expériences aux dimensions existentielles, ce sont des sites habités que le mouvement narrativise. Il s’y construit des subjectivités qui sont des corps habitant un espace narrativisé et laissant les traces d’une histoire sur un mur ou sur l’écran. Film, corps et architecture créent une dynamique, ils génèrent une structure fantasmatique où se mêlent espace occupé et récit vécu, formant ainsi un ensemble intersubjectif animé par des mobilités sociales et sexuelles. Partant d’une séquence visuelle le complexe filmico-architectural organise des cartes corporelles, c’est le regard qui commence à dessiner des sites tangibles.
Habitation
35Walter Benjamin reconnaissait cette étroite relation quand il rapprochait le type d’audience né avec le cinéma de la manière dont nous comprenons les édifices. La pratique spectatorielle instaurée par l’architecture est fondée sur l’usage et sur l’habitat collectifs : « La masse considère distraitement l’œuvre d’art. C’est particulièrement évident en ce qui concerne les édifices. L’architecture a toujours représenté une forme d’art de consommation37. » Comme création et comme spectacle le cinéma participe du même comportement ; construisant des sites qui sont des lieux d’habitation ou de déplacement, il consomme de l’espace, il utilise l’espace et il se l’approprie, il est aussi bien un espace de dévoration que dévorateur d’espace et l’on sort d’une projection comme on sort de chez soi, en situation de transit.
36On habite un espace quand on se l’est approprié tactilement, le toucher joue pour le film comme pour l’architecture. Benjamin encore :
Nous nous approprions les édifices de deux manières, par l’usage et par la perception – ou plutôt par le toucher et la vue. C’est l’habitude qui opère l’appropriation tactile […]. Aujourd’hui, en ce qui concerne l’architecture, cette forme d’appropriation se trouve dans le film38.
37Cinéma et architecture ont à voir avec le toucher, le sentier que tracent ces deux pratiques croise le lieu du corps et là où la chair est concernée intervient aussi le désir – le désir de récit.
38En ce domaine, on absorbe et on est absorbé par des images, par des histoires d’habitation. L’absorption du sujet/objet dans le récit spatial implique une série de modifications corporelles. Architecture et film sont des lieux de consommation offrant un espace où vivre, un habitat pour la biographie. Appareils à vivre, ils favorisent l’érotique des attouchements – en somme le vrai terrain de l’intersubjectivité. Leur géométrie connecte sites publics et espace privé, ce sont des portes qui joignent intérieur et extérieur. Absorbés par le sujet, ils se rétrécissent, appropriés par l’usage corporel, ils s’expansent.
Histoires de villes nues
39Vu du corps, le film s’apparente à l’architecture. Saisie, découverte par le corps, l’architecture n’est ni une structure immobile ni une simple construction, elle est en fait traduite en image selon la manière dont elle est expérimentée. Comme un film de fiction, l’architecture est constamment redessinée par l’émotion, traversée par l’histoire de ses habitants et de ses visiteurs. Considérée ainsi, comme une scène, elle révèle ses liens avec la cité. Née de compromis, elle porte la trace des mouvements urbains et de leur traduction fantasmatique. Les sites soit-disant immobiles sont sans cesse modifiés par le passage de ceux qui les traversent, lieux et événements entrent dans une relation qui constitue le récit de la cité ou plutôt la cité imaginée comme un récit.
40Les fictions d’une ville se développent sur la trajectoire de cette image-événement. Le film chemine le long du même sentier. L’interaction est double, car le film est une fiction architecturale qui est façonnée par la fiction de la cité. L’image mouvante joue un rôle crucial dans la construction des espaces de vie. Le film exprime la dynamique fictionnelle du texte urbain, il en est un des principaux narrateurs, il ne cesse de réinventer les lieux comme espaces de récit.
Vers une cartographie mobile
41L’érotisme qui se dégage de l’architecture, quand elle devient un lieu vécu, déborde sur la ville, espace où, comme au cinéma, se croisent récits et émotions. La culture urbaine, dans ce qu’elle a de profondément charnel, est faite d’intersubjectivité et la vie urbaine, comme la traversée d’un film, ne s’arrête pas là où finissent les rues. Georges Simmel le notait déjà en 1903, donc à l’aube du cinéma : au sein d’une métropole « une personne ne se confond pas avec les limites de son corps ou avec les lieux où elle a des activités. La ville concentre la totalité des effets qui se produisent dans ses murs39 ».
42La ville a tous les caractères d’un corps social. Si on la considère comme un simple lieu de passage, elle devient une « cité nue », ce qui la rapproche encore du cinéma40. Je pousse ici à son maximum le parallèle. Rapprochée du film, l’architecture se présente comme « carte du tendre », récit de transports amoureux. Il s’agit évidemment d’une cartographie émotionnelle qui entrelace permanence et déplacement. Tout déplacement dans la cité trace un itinéraire architectural, y imprime le fait du mouvement – en fait du film. L’espace ainsi traversé se définit culturellement, c’est ce que les Italiens appellent transito, transfert qui n’est pas nécessairement physique, mais qui implique passage, traversée, états changeants, émotion41. Adopter ce point de vue pour l’architecture et la fréquentation du cinéma, deux activités en apparence statiques, nous conduit à modifier notre conception de ces deux formes artistiques. Les oppositions mobile/immobile, dedans/dehors, privé/public, avec les effets qu’elles induisent tant sur la distribution sexuelle de l’espace que sur l’enfermement de la femme, se trouvent mis en cause. On ne fait pas qu’habiter l’architecture, on y passe également et il en va de même pour le cinéma. Pris entre enfermement et ouverture, ces deux espaces récusent les limites que construit une opposition à deux termes et nous forcent à repenser la narrativité comme site de séjour et de transit.
43Lourd des formes culturelles, des histoires, des transiti qu’il abrite, l’espace filmique, agissant comme pratique cognitive, impose cette sorte de réécriture cartographique. À la fois point de passage et lieu de séjour, le cinéma met en évidence l’(im)mobilité des itinéraires culturels, des traversées, des intervalles. En racontant, il se fait travelling pour des mouvements culturels, véhicule pour des déplacements psychiques. Cadre d’une topographie culturelle, le film est une carte mobile, une carte des différences, une production de fragments. Chargé d’identités mouvantes, porteur d’identifications passagères, l’itinéraire filmique nous permet d’explorer – d’habiter et de parcourir – notre propre récit et notre propre géographie.
Notes de bas de page
1 Ce texte est un fragment d’une plus vaste étude concernant les rapports entre cinéma et architecture.
2 Je m’intéresse à l’émergence du cinéma en rapport avec la modernité particulièrement pour ce qui touche aux premiers films. Sur ce thème, Thomas Elsaesser & Adam Barker (ed.), Early Cinema : Space, Frame, Narrative, BFI, Londres, 1990 ; Leo Charney & Vanessa R. Schwartz (ed.), Cinema and the Invention of Modern Life, University of California Press, Berkeley, 1995 ; Noël Burch, Life to those Shadows, University of California Press, Berkeley, 1990.
3 Jonathan Crary, Techniques of the Observer : On Vision and Modernity in the Nineteenth Century, MIT Press, Cambridge, 1990.
4 Giuliana Bruno, Streetwalking on a Ruined Map : Cultural Theory and the City Films of Elvira Notari, Princeton University Press, Princeton, 1993 et « Promenade autour de la caverne de Platon », dans Ginette Vincendeau et Bérénice Reynaud (sous la dir. de), Vingt ans de théories féministes sur le cinéma, Cinémaction, Paris, 1993. Voir aussi Anne Friedberg, Windowshopping: Cinema and the Postmodern, University of California Press, Los Angeles, 1993.
5 Voir Charles Musser, « The Travel Genre in 1903-1904 : Moving toward Fictional Narrative », dans Elsaesser-Barker, op. cit. Le genre prend son essor en 1897 et décline à partir de 1907, sans disparaître. Les années dix n’apportent pas d’innovations intéressantes en ce domaine.
6 Manhattan (Paul Strand et Charles Sheeler, 1921), Paris qui dort (René Clair, 1923), Metropolis (Frits Lang, 1926), Berlin, Symphonie d’une grande ville (Ruttmann, 1927), La Foule (King Widor, 1928), L’Aurore (Murnau, 1927), L’Homme à la caméra (Dziga Vertov, 1929), À propos de Nice (Jean Vigo, 1930).
7 Tous thèmes développés dans De Caligari à Hitler, une histoire psychologique du cinéma allemand, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1984. À ce propos, voir Miriam Hansen, « With Skin and Hair : Kracauer’s Theory of Film, Marseille 1940 » (Critical Inquiry, printemps 1993, p. 437-469) ; David Frisby, Fragments of Modernity: Theories of Modernity in the Work of Simmel, Kracauer and Benjamin, MIT Press, Cambridge, 1986.
8 Kracauer, Theory of Film: The Redeption of Physical Reality, Oxford University Press, New York, 1961, p. 52.
9 Kracauer, « Farewell to the Linden Aracde », dans The Mass Ornament, Harvard University Press, Cambridge, 1995.
10 « Cult of Distraction », dans ibid.
11 Modern Picture-Houses and Theatres, Lippincott Cy, Philadelphie, 1930, p. 11.
12 Wolfgang Schivelbush, Disenchanted Night : The Industrialization of Light in the Nineteenth Century, University of California Press, Berkeley, 1988; Jacques Aumont, L’Œil interminable, nouvelle édition Séguier, Paris, 1995.
13 Meaghan Morris, « At Henry Parkes Motel », Cultural Studies, II, 1, 1988, 1-47.
14 Mabel Sharman Crawford, « A Plea for Lady Tourists », dans Through Algeria, Bentley, Londres, 1863.
15 Mary Louise Pratt, Imperial Eyes : Travel Writing and Transculturation, Routledge, New York, 1992 ; Sara Mills, Discourses of Difference : An Analysis of Women’s Travel Writing and Colonialism, Routledge, New York, 1993; Shirley Foster, Across New Worlds: Nineteenth Century Women Travellers and their Writings, Harvester, Hemel Mempstead, 1990.
16 Texte datant de 1937 et destiné à figurer dans un ouvrage publié par Yves-Alain Bois dans Assemblage, 10, 1989 ; voir p. 116.
17 « El Greco y el cine », dans Cinématisme : Peinture et cinéma, Complexe, Bruxelles, 1980, p. 16-17.
18 « Montage and Architecture », op. cit., p. 117.
19 Suivant une intuition de Walter Benjamin qui pensait que chaque époque rêvait celle qui la suivrait.
20 The Manhattan Transcripts, St Martin’s Press, New York, 1981, p. 7 et 11.
21 Cinegramme Folie : Le Parc de La Villette, Paris, Nineteenth Arrondissement, Princeton, Princeton Architectural Press, 1987, p. 26. Définissant la promenade cinématographique comme un équivalent de la bande filmique, Tschumi note que « au cinéma le rapport entre plans ou entre séquences peut être arrangé grâce à des procédés comme les flashbacks, les ellipses, les fondus. Pourquoi n’en serait-il pas de même en architecture ? » (p. 12). Voir du même auteur Architecture and Disjunction, MIT Press, Cambridge, 1994 et Event-Cities, MIT Press, Cambridge, 1994.
22 Histoire de l’architecture, I, Gauthiers-Villars, Paris, 1889, p. 413, cité par Eisenstein, « Montage and Architecture », p. 118.
23 Le Corbusier et Pierre Jeanneret, Œuvres complètes (1964, Zurich), I, p. 60. Le Corbusier parle ici de la maison La Roche (1922). Voir Beatriz Colomina, Privacy and Publicity. Modern Architecture as Mass Media 1994, MIT Press, Cambridge, 1994.
24 Œuvres complètes, II, p. 24. Le Corbusier développe l’idée d’une architecture promenade en lisant une visite à la Villa Savoye par rapport au mouvement de l’architecture arabe.
25 Dans l’unique interview qu’il ait donné durant son séjour à Moscou en 1928 ; voir Jean-Louis Cohen, Le Corbusier and the Mystique of the USSR, Princeton University Press, Princeton, 1992, p. 49. Sur les rapports de Le Corbusier et de Choisy, A. Etlin, « Le Corbusier, Choisy and French Hellenism : The Search for a new Architecture », Art Bulletin, juin 1987, p. 264-278.
26 « Piranesi or the Fluidity of Forms », Oppositions, Hiver 1977, p. 98.
27 Barbara Maria Stafford, Voyage into Substance : Art, Science, Nature and the Illustrated Travel Account, 1760-1840, MIT Press, Cambridge, 1984 ; Malcolm Andrews, The Search for the Picturesque : Landscape Aesthetics and Tourism in Britain, 1760-1800, Stanford University Press, Stanford, 1989.
28 « Synchronization of Senses », dans The Film Sense, Harcourt, New York, 1942, p. 103.
29 Cesare De Seta, « Topografia urbana e vedutismo nel Seicento: a proposito di alcuni disegni di Alessandro Baratta », Prospettiva, juillet 1980, p. 46-60 ; De Seta, L’Italia del Grand Tour da Montaigne a Goethe, Electa, Naples, 1992 ; Giuliana Massobrio & Paolo Portoghesi, L’immaginario architettonico nella pittura, Laterza, Bari, 1988.
30 Du fait de la position de la caméra, le spectateur n’est pas à côté mais bien dans le paysage. Au lieu d’une vue latérale, celle qu’on percevrait normalement, ces films offrent la vue frontale qui est celle du conducteur de l’engin. Voir Lynne Kirby, The Railroad and the Cinema, Duke University Press, Durham.
31 Edward Said, « Travelling Theory », dans The World, the Text and the Critic, Faber & Faber, Londres, 1984, p. 226-247.
32 Introduction au texte cité, « Architecture and Montage », p. 115.
33 Beatriz Colomina (ed.), Sexuality and Space, Princeton University Press, Princeton, 1992 ; Giuliana Bruno, « Bodily Architecture », Assemblage, 19, 1992, p. 106-111.
34 Giuliana Bruno, Streetwalking, op. cit. ; Annette Michelson, « On the Eve of the Future : The Reasonable Facsimile and the Philosophical Toy », October, 29, 1984, p. 1-22.
35 Ludmilla Jordonova, Sexual Visions: Images of Gender in Science and Medicine between the Eighteenth and Twentieth Centuries, University of Wisconsin Press, Madison, 1989.
36 The Production of Space, Blackwell, Oxford, 1991, p. 184.
37 « L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique », Poésie et révolution, Denoël, Paris, 1971, p. 206. Pour Benjamin le film a introduit de profondes modifications dans l’appareil perceptif tant dans l’existence quotidienne que dans les activités collectives.
38 Id., p. 206.
39 « The Metropolis and Mental Life », dans On Individuality and Social Forms, Chicago University Press, Chicago, 1971, p. 335.
40 Cette allusion peut paraître obscure, elle a besoin d’être clarifiée. Je me réfère à une carte situationniste de Paris « cité nue ». Des morceaux d’une carte de Paris sont reliés par des flèches qui reconstruisent un trajet en métro tel que l’expérimente n’importe quel usager. « Cité nue » renvoie au film américain The Naked City (1948), mais est également inspirée par la Carte du Tendre de Madeleine de Scudéry. Voir Thomas McDonough, « Situationist Space », October, hiver 1994, p. 58-77.
41 J’emprunte, en la développant, la notion de transito à des philosophes italiens, Mario Perniola, Transiti : come si va dallo stesso allo stesso, Cappelli, Bologne, 1985, Franco Rella, Limina : il pensiero e le cose, Feltrinelli, Milan, 1987.
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