La métaphore féodale dans l’interprétation par le colonisateur du régime foncier traditionnel*
p. 643-651
Texte intégral
1On a souvent et légitimement dénoncé les erreurs d’interprétation commises par les administrateurs coloniaux lorsqu’ils ont tenté de rédiger les coutumes de l’Afrique subsaharienne1. Même lorsqu’ils ont suivi une formation juridique et peut-être plus encore lorsqu’ils l’ont reçue, ils ont tendance à appliquer les mécanismes et les concepts en honneur en Europe, donc dans un ensemble dominé par le modèle romano-germanique, aux pratiques en vigueur sur les territoires qu’ils sont chargés d’administrer2. Le phénomène n’est pas exceptionnel et accompagne malheureusement à peu près toutes les dominations coloniales3. Ses conséquences posent des problèmes plus ou moins importants aux populations locales selon les branches du droit et les problèmes considérés. C’est sans doute dans le domaine du droit des biens que les implications sont les plus préjudiciables à cause des différences considérables existant entre les formes de possessions collectives très généralement privilégiées en Afrique et la propriété individuelle encouragée par le droit romano-germanique. Les administrateurs coloniaux appliquent au droit africain une grille de lecture qui peut aboutir à de véritables contre sens.
2Ainsi en va-t-il de la tendance à assimiler les équilibres fonctionnant au sein des populations subsahariennes aux affrontements ayant caractérisé les sociétés féodales européennes, avec des rapports de type vassalique et une domination de la paysannerie par des seigneurs prédateurs. C’est l’absence d’Etat qui paraît légitimer cette comparaison. Le problème tient à ce qu’elle ne rend pas compte des mécanismes de contre-pouvoirs qui caractérisent ces modes de gouvernement soi-disant primitifs, à base de concertation, de palabres, de rôle du conseil des anciens et, en matière de droit des biens, de distinction fréquemment instaurée entre le chef politique et le chef de terre, responsable de la répartition de la propriété collective, présenté comme descendant des premiers détenteurs. Il est révélateur que même les étrangers puissent, dans certains cas et à certaines conditions, profiter de ces distributions gratuites. Encore qu’il ne faille pas surestimer le caractère irénique de ces civilisations courtoises décrites par Aimé Césaire4, les rapports de pouvoir sont généralement plus consensuels que dans l’occident médiéval.
3Les administrateurs français nommés sous la IIIe République en sont rien moins de convaincus. On a parfois l’impression que, même chez ceux qui se veulent les plus scrupuleux, la référence au système féodal vient presque d’elle-même sous leur plume. Ainsi, Maurice Delafosse, administrateur en chef des colonies, présentant dans un ouvrage classique les civilisations du Haut-Sénégal-Niger5 et plus précisément le régime des biens et affirmant vouloir éviter toute tentation de connexité avec le droit français6, parle, sans paraître en voir les implications, de ces « petites monarchies féodales », du chef comme d’un « propriétaire éminent du sol »7. A deux pages de là, apparemment plus hésitant à ce moment-là sur les rapprochements juridiques au point de laisser au lecteur le choix des qualifications, il affirme : « chaque chef de famille, ou, si l’on préfère, chaque noble ou seigneur, a sa terre et ses champs bien déterminés, sans cependant en être complètement propriétaire »8. L’influence des méthodes de rédaction sur l’image du droit foncier traditionnel (I) se traduit par le pré supposé d’une origine violente justificatif des dépossessions ultérieures (II) et précède un processus d’éradication du régime foncier traditionnel (III).
I – L’influence des méthodes de rédaction sur l’image du droit foncier traditionnel
4C’est une circulaire du 20 juin 1935 qui, après beaucoup d’autres, fixe les bases du plan et de la méthode auxquels se conformer, pour rassembler les « préceptes coutumiers »9 qui doivent constituer l’objet du recueil à élaborer. Le questionnaire fonde toute sa cinquième section, consacrée aux biens, sur la notion de propriété10. La référence à un certain nombre de notions françaises, pour ne pas dire d’origine romaine, telle la distinction entre immeubles et meubles, telles les notions d’usufruit ou de servitude, n’est pas sans danger : elle incite les rédacteurs à rapprocher les pratiques ancestrales dont ils constatent l’existence et des concepts occidentaux, chacun doté d’un régime juridique complexe. La tentation est forte, une fois que l’assimilation est faite entre une institution coutumière et une règle française, de renoncer à chercher les caractéristiques authentiques de la norme africaine pour déduire de cette qualification européenne l’application des dispositions du code français dans ses aspects les plus datés, ceux qui concernent la propriété telle qu’elle était conçue au XIXe siècle. La comparaison qui a été ainsi esquissée aboutit à une identification qui en devient à la fois la conséquence et la légitimation a posteriori. Si cette cinquième section distingue nettement la « propriété collective » et « la propriété individuelle ou privée », la première se voit consacrer dix questions et la seconde vingt-cinq. C’est donc cette dernière qui est clairement privilégiée.
5Les commentaires qui accompagnent les dispositions résultant de ce processus de rédaction des coutumes révèlent une double tendance chez les administrateurs coloniaux. Elle ne paraît pas résulter d’une action concertée, ni a fortiori de consignes venues d’en haut mais plutôt d’une réaction spontanée de la part d’agents marqués par les mêmes schémas mentaux et par des préjugés identiques. Les diverses interprétations résultent à peu près toutes de la référence à un concept unique, celui de la propriété individuelle, telle qu’elle est organisée par le code civil, considérée à la fois comme un garant de l’ordre social et une promesse de développement économique. La propriété collective qu’ils rencontrent un peu partout, leur apparaît comme une cause de mauvaise exploitation des terres par des paysans qui ne sont assurés ni d’en avoir la maîtrise viagère définitive, ni de pouvoir la transmettre à leurs enfants, ni a fortiori de pouvoir l’aliéner.
6Si la plupart des rédacteurs des coutumes se bornent à constater ces pratiques sans remarques particulières et même si elles leur paraissent contraires à l’intérêt général comme aux volontés individuelles, il en est un certain nombre pour trahir leurs convictions par des commentaires très orientés. Ces derniers consistent à reconstituer l’origine hypothétique de ces propriétés collectives en les affectant d’une connotation de violence11 qui permet de les rapprocher d’un système féodal – et même clérical- dès l’origine rejeté par la IIIe République. La plupart des rédacteurs se contententent d’indiquer que ce sont les chefs de terre qui répartissent les biens collectifs. Ils sont présentés comme les descendants des premiers occupants. D’autres font une description beaucoup plus belliqueuse. Ainsi, Abdou Salam Kane12 à propos des Toucouleurs de la région de Matam, dresse le tableau des opérations militaires qui vont aboutir à la répartition des terres au moment où il écrit puisque « le droit de propriété a été le résultat de l’appropriation par la conquête ». Il en énumère les étapes : au XVe siècle irruption du conquérant Koli, au XVIIIe siècle arrivée de l’Almany Abdoul, en 1850 la « grande émigration d’El-Hadj Oumar ». Il s’en suit une appropriation du foncier par le vainqueur qui les répartit entre ses lieutenants pour les remettre ensuite à des cultivateurs qui doivent payer tribut.13
II – Un pré supposé de violence justificatif des dépossessions ultérieures
7Charles J. Fayet, administrateur adjoint, fait preuve de beaucoup de véhémence dans la description des coutumes foncières de l’ancien royaume de Baol dans le centre du Sénégal. Il propose une description paradisiaque de la partie orientale de ce territoire avant que les Mourides n’en prennent le contrôle : « les trois quarts des terres étaient en possession des bergers peuls, et des chasseurs intrépides allaient encore dans le Kaél chasser le lion ». A l’inverse, il évoque en termes très défavorables les pratiques par lesquels ils « ont été impitoyablement chassés de leurs terres, soit par la douceur, soit par une persuasion « très pressante », soit par la force (mise à feu de leurs villages », etc.) ». Le résultat : désormais, ils doivent se faire mourides, s’incliner devant le grand Sérigne et accepter, avec le statut de Talibé, une entière dépendance et le versement de la totalité de leur récolte. Les références médiévales semblent venir sponténament à l’esprit de Charles J. Fayet à propos du paysan ainsi opprimé par « un puissant seigneur clérical ». Il dénonce « sa condition [qui] ne peut être comparé qu’à celle de nos serfs du Moyen Age »14. Il pousse le rapprochement jusqu’à présenter les marabouts comme des chevaliers qui servent d’hommes de main au seigneur et, révélant sa connaissance du statut des biens d’Eglise sous l’Ancien Régime, il compare l’« immense domaine mouride [à un] véritable bien de mainmorte »15.
8M. Campistron, administrateur des colonies, ne dissimule pas non plus ses convictions dans sa description de la situation des paysans ouolof du Cayor (Thiès). Il cite en se les appropriant, les formules du gouverneur Geismar dans son Recueil des coutumes du Sénéga16l, critiquant le « régime de lourde oppression » imposé aux paysans, par « les guerriers turbulents des damels » et par les « sérignes à caractère féodal et clérical ». Cette usurpation a eu pour résultat, selon Campistron, « de réduire les cultivateurs effectifs à cet état misérable qui est le leur aujourd’hui »17. Il s’indigne qu’encore actuellement, il se trouve des chefs de canton du Cayor qui invoquent le fait qu’ils sont les descendants des esclaves des ex-Damel pour contraindre les exploitants à payer l’assaka, soit le dixième des récoltes. La présentation de cette redevance trahit la double répulsion qui anime ces administrateurs coloniaux, puisée dans une vision un peu simpliste du Moyen Age européen et aboutissant à rejeter tant le régime seigneurial que l’influence de l’Eglise, ces deux institutions étant jugées usurpatrices, oppressives et pillardes.
9Le gouverneur Geismar se fonde sur cette proportion du dixième pour évoquer le souvenir de la dîme que le clergé imposait à la communauté des fidèles18. Marcel Campistron, pour sa part, utilise également la notion de « propriété éminente du sol »19. Surtout, il préconise un système d’extinction de cette redevance du dixième, avec des règles qui évoquent les techniques mises en œuvre entre 1789 et 1793 pour parvenir progressivement à l’abolition des droits féodaux : pas de possibilité de chasser le cultivateur après dix ans de culture effective et ininterrompue du terrain qu’il occupe, extinction par prescription des redevances non payées pendant dix ans, enfin possibilité pour le paysan de se libérer définitivement en payant d’un coup cinq ans de redevances20. Apparemment, il existe une concertation entre les administrateurs coloniaux pour conduire une action en ce sens. Ainsi Charles J. Fayet, décrivant le régime des biens des Ouolof musulmans dans l’ensemble du Baol, explique que le président itinérant chargé de la justice civile dans cette circonscription, a mis en place une jurisprudence, appliquée à propos « de plus de deux cents litiges de terrain »21 et fondée sur des principes identiques : stabilisation après dix ans d’exploitation, rachat moyennant versement de cinq annuités. Il décrit l’opposition des certains « Lamanes », ces bénéficiaires des redevances qui se présentent comme les descendants des premiers occupants sur la base d’un droit de conquête hypothétique : « Jusqu’à présent, j’ai toujours touché ces redevances ». Il ajoute qu’ils acceptent cependant le rachat sur la base du versement de cinq années. Sa conclusion se veut optimiste : en deux ou trois ans de cette jurisprudence, on peut éradiquer ce système de redevances indues22.
III – Le processus d’éradication du régime foncier traditionnel
10De fait, l’objectif est clairement indiqué : il s’agit de mettre fin à un système considéré comme archaïque. Nombre d’administrateurs pratiquent en ce domaine la technique de la prophétie créatrice. M. Dulphy, administrateur-adjoint, est l’un des auteurs qui y fait appel le plus volontiers. Il analyse ce qu’il a pu percevoir des coutumes des Sérères none23 et de celles des Sérères de la Petite Côte24. C’est surtout à propos des seconds qu’il décrit en détail les caractéristiques de la propriété villageoise, par une présentation de celui qui l’administre et de l’usage qui peut en être fait. Il étudie les mêmes questions à propos de la propriété familiale25. Surtout, il énumère avec complaisance les nouvelles variables qui contribuent à la contestation de cette propriété collective. On peut les regrouper autour de deux causes essentielles : d’une part économique avec « l’introduction d’un régime de monnaie d’échange et de libre circulation des richesses », d’autre part sociale avec le fait que « l’on voyage beaucoup plus qu’autrefois »26. Il est convaincu que l’évolution va vers la propriété individuelle. Il utilise les mêmes formules à propos des Sérères None et des Sérères de la Petite Côte en établissant un lien entre le déclin des biens collectifs et les points de contact avec les occidentaux : « Ces tendances à l’individualisme s’accentuent chaque jour, surtout aux environs des escales »27. La conclusion est également identique à propos de ces deux populations : « Aussi à la propriété individuelle familiale reconnue par la coutume, est venue se superposer une propriété individuelle d’origine récente ». Il fait cependant une différence de ce point de vue entre Sérères none et Sérères de la Petite-Côte en considérant que la propriété individuelle est « d’importance croissante » chez les premiers alors que « la propriété collective demeure cependant encore la règle » chez les seconds28.
11Cette confiance dans le déclin des biens collectifs29 au profit d’une appropriation individuelle des terres s’appuie sur une utilisation systématique des concepts occidentaux pour définir le régime juridique résultant du droit traditionnel. La conséquence est évidemment une incompréhension de ce dernier. Les questions fixées par la circulaire du 20 juin 1935 qui fournit les bases du plan et de la méthode à respecter pour rassembler les « préceptes coutumiers » fait clairement le choix de proposer un certain nombre de notions puisées dans le code français, notamment en matière de droit des biens, tels l’usufruit ou les servitudes30. Les réponses s’y adaptent scrupuleusement31. Certains administrateurs coloniaux vont plus loin et, apparemment épris d’érudition, tentent de ressusciter quelques vieilles formules latines. Ainsi de J.C. Fayet qui assimile le jus utendi au « droit à la récolte » et le jus fruendi au « droit à la redevance ».32 Abdou Salam Kane se réfère à une notion riche de conséquence : celle de domaine public. Il y range les chemins, les marigots, les mares, les cours des fleuves, les bois et les prés ainsi que les biens vacants ou sans maître, ceux des personnes décédées sans succession ou n’ayant pas de parents mâles pour prendre toute la succession, le dixième de la masse des héritages, toutes les compensations reçues en rachat des peines infligées par la justice… Tous ces biens « étaient perçues par le chef du pays ou ses agents qui pouvaient aliéner tous ces revenus »33. Cette assimilation n’est pas insignifiante : il s’agit de rien moins que de permettre au colonisateur de s’approprier ces terres.
12Dans un premier temps, c’est la référence féodale qui va être mobilisée à cette fin. « L’Etat colonial n’hésita pas à assurer son rôle de grand ordonnateur du foncier colonial, en proclamant qu’il était « propriétaire » de tout le sol, par succession aux droits des souverains précoloniaux »34. La réglementation et la jurisprudence s’épaulent pour rendre effectives des prétentions si extravagantes. Vont dans ce sens les décrets domaniaux et fonciers du 23 octobre 1904 et du 24 juillet 1906. C’est à la même époque que la Cour d’appel de l’AOF, dans deux arrêts en date du 8 février et du 1er mars 1907, soutient « que les indigènes qui étaient par rapport au souverain dans une situation identique à celle des vassaux à l’égard du suzerain sous le règne de l’ancien droit féodal français, n’avaient pas le droit de disposer de la terre »35. Simultanément, la notion de « terre vacante et sans maître », juridiquement aussi peu fondée que l’assimilation au régime féodal mais techniquement plus aisée à détourner, va être utilisée pour déposséder les chefs traditionnels au profit des compagnies coloniales36.
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13Les nouveaux Etats issus de l’indépendance vont partiellement remettre en cause cette politique. Officiellement ils se démarquent des ruptures que le colonisateur a souhaité imposer. En 1964, le président Senghor proclame sa volonté de « revenir du droit romain au droit négro-africain, de la conception bourgeoise de la propriété foncière à la conception socialiste qui est celle de l’Afrique noire traditionnelle »37. De fait, c’est moins de deux mois plus tard qu’une loi du 17 juin 1964 vient mettre en place un « droit foncier profondément original »38. Ce texte est le résultat de plus de cinq ans de réflexion et du travail de plusieurs commissions chargées de proposer un régime également éloigné du système de l’immatriculation risquant, dans les campagnes, d’avantager les grandes familles de notables se prévalant de droits historiques douteux, et du régime tendant à créer un vaste domaine d’Etat intégrant toutes les terres faisant jusqu’alors l’objet de droits coutumiers39.
14En 1960, c’est même un projet complet de Code foncier et domanial qui est proposé. Finalement le texte paraît trop ambitieux. Le système du domaine national, qui représente encore, à la fin des années 1980, plus de 95 % du sol sénégalais, est donc préféré. Pour autant, les fonctionnaires nationaux ont tendance à rapprocher spontanément ce modèle original à celui de la propriété d’Etat, légitimant une politique de mise en vente et exposant au « risque de voir l’Etat, privilégiant les critères modernes, donner la terre à ceux qui auront les moyens de la mettre en valeur, c’est-à-dire aujourd’hui les capitaux et non plus les moyens physiques »40.On mesure ainsi le poids de la civilisation juridique occidentale qui fait sentir sa pression, même après la disparition de la domination politique résultant autrefois de la colonisation.
15C’est à une relecture des coutumes africaines que les juristes de ce continent sont appelés. On a évoqué, au début de cette contribution, la réflexion déjà conduite à propos des rapports entre le droit coutumier et la coutume41. Il faut se débarrasser de l’esprit de domination qui caractérise les tenants d’un système juridique soi-disant moderne et qui les empêche de comprendre les pratiques traditionnelles. Il convient de ne pas succomber à un européocentrisme qui n’épargne pas certains juristes africains, également tentés parfois par une inspiration puisée dans la Commun Law. L’évolutionnisme, dangereux dans le domaine de l’étude des ethnies, l’est également dans celui des normes où il risque de déboucher sur un sentiment d’infériorité chez les uns et de supériorité chez les autres. La connaissance des coutumes passe à la fois par la consultation des archives et par un travail de terrain, les deux se révélant très difficiles à cause de la nécessité de faire la part des pollutions extérieures et de les écarter dans la recherche d’une tradition aussi authentique que possible.
Notes de bas de page
1 Sur les problèmes de terminologie et, au- delà, de compréhension des administrateurs coloniaux lorsqu’ils s’efforcent de rédiger et prétendent faire appliquer le droit traditionnel dans le cadre de la justice indigène, notamment sur les « terres claniques [qui] relèvent d’une structure plus large, car c’est le groupe entier qui est maître de la terre », voir Samba TRAORE, « Droit coutumier et coutume. Réflexions sur le langage du juriste des institutions traditionnelles africaines (quelques exemples de concepts tirés du droit soninké du Gajaaga-Sénégal), dans Annales africaines, 1989- 1990-1991, p. 61. Dans cet article et pour une vue générale, cf. « II. Le nouveau langage de l’historien du droit traditionnel africain », p. 52 à 63.
2 Pour un rapprochement entre les techniques de rédaction des coutumes dans l’ancienne France et en Afrique coloniale : Béatrice FOURNIEL et Olivier DEVAUX, « Dire la coutume dans l’ancienne France et en Afrique coloniale : quelques éléments comparatifs au travers de la procédure de rédaction », dans Droit sénégalais 2013, n° 11, p. 187 à 206.
3 Sur le rouleau compresseur occidental mais aussi islamique qui a méthodiquement broyé le droit traditionnel, Fatou Kiné CAMARA, « Pour une méthode scientifique de recherche d’identification et d’interprétation du droit coutumier négroafricain », dans Revue de l’Association Sénégalaise de droit pénal. Droit sénégalais, 2010, n° 9, p. 116.
4 Discours sur le colonialisme, Ed. Présence africaine, Paris 1955.
5 Gouverneur CLOZEL (dir.), Haut-Sénégal-Niger (Soudan français), première série : Maurice DELAFOSSE, Le Pays, les Peuples, les langues, l’Histoire, les Civilisations, t. III : Les Civilisations, Paris 1912.
6 Id., p. 3.
7 Id. p. 6. Le terme de domaine éminent est emprunté aux constructions juridiques imaginées pour expliquer le système féodal français et fondé sur la distinction entre le domaine éminent détenu par le suzerain et le domaine utile laissé au vassal. Il est fréquemment utilisé dans la description du droit foncier traditionnel. Cf. par exemple la référence de H. GADEN, gouverneur honoraire, aux « droits du souverain sur le domaine éminent », dans « Du régime des terres de la vallée du Sénégal au Fouta antérieurement à l’occupation française », Bulletin du Comité d’études historiques et scientifiques, 1935, p. 411 (reprise d’un article paru en 1911 dans le Bulletin du Comité de l’Afrique française, p. 246 et s.). Nous en trouverons d’autres exemples plus loin.
8 M. DELAFOSSE, ouvr. cité, p. 8. C’est nous qui mettons en italique cette trace d’un salubre doute.
9 Présentation par Bernard MAUPOIL, administrateur des colonies, de « L’étude des Coutumes juridiques de l’A.O.F. (Etude administrative) », dans Publications du Comité d’études historiques et scientifiques de l’Afrique occidentale française, Coutumiers juridiques de l’Afrique occidentale française, t. 1 Sénégal, Paris 1939, p. 15.
10 Id., p. 21-22. En 1931, un administrateur en chef évoque les risques inhérents à ces incompréhensions : « S’agit-il de droits fonciers, il s’égare dans les notions de propriété métropolitaine, qui n’ont pas de correspondances en beaucoup de points de l’Afrique. Il confond l’usage communal avec l’exploitation d’un certains fonds dans le bien de famille, se heurte aux mystères des contestations pour la chasse ou la pêche et, en désespoir de cause, interdit à tout un canton de pénétrer sur un terrain donné parce qu’il n’a pas su découvrir le groupement humain qui possède les droits légitimes sur la zone revendiquée » (p. 7) (Henri LABOURET, A la recherche d’une politique indigène dans l’Ouest africain, Comité de l’Afrique française, Paris 1931, p. 70).
11 Pour une étude récente sur les modes d’accès à la terre aux époques précoloniales et coloniales : Armand Sedami ADIDO, La propriété des immeubles en Afrique noire au regard du dualisme juridique : le cas du Bénin, thèse droit Perpignan, 2013 : « L’inadaptation de l’occupation primitive et les autres modes d’accès à la terre dans les coutumes africaines », p. 51 à 60
12 Il s’agit d’un chef de canton. Il est rejoint dans ses rapprochements avec le Moyen Age par l’administrateur Vidal qui dénonce le « féodalisme dans toute sa hideur morale » (M. VIDAL, « Rapport sur l’étude de la tenure des terres indigènes au Fouta » dans Bulletin du comité d’études historiques et scientifiques de l’AOF 1935 p. 445). A l’inverse, Jean SCHMITZ lui reproche des erreurs de traduction, par exemple d’avoir traduit « jom leydi » qui signifie « chef de territoire » par « propriétaire » (« Histoire savante et formes spatio-généalogiques dans la mémoire (Haalpulaar de la vallée du Sénégal) », dans Cahiers des sciences humaines 1990, p. 536.
13 Abdou Salam KANE, « Coutume civile et pénale toucouleur (Cercle de Matam) », dans Coutumiers juridiques de l’AOF, t. 1, p. 80.
14 J. C. FAYET, « Coutume des Ouolof musulmans (Cercle de Baol) », dans Coutumiers juridiques de l’AOF, t. 1, p. 176.
15 Id., p. 177.
16 Léon GEISMAR, Colonie du Sénégal : recueil des coutumes civiles des races du Sénégal, Saint-Louis 1933, p. 141-143.
17 M. CAMPISTRON, « Coutume Ouolof du Cayor (Cercle de Thiès) », Coutumiers juridiques de l’AOF, t. 1, p. 136.
18 « La contre-partie du droit de dîme (action politique et défense) ayant cessé d’exister, on peut estimer que le Gouvernement est libre de supprimer (…) ce privilège quand il le jugera opportun » (Léon GEISMAR, ouvr. cité, p. 155).
19 M. CAMPISTRON art. cité, p. 136.
20 Id. p. 137.
21 J.C. FAYET, ouvr. cité, p. 175.
22 « Il est certain que si cette politique (car cette jurisprudence prétorienne en est une), qui a donné cette année des résultats excellents, était continuée pendant un an ou deux, on n’entendrait plus parler de Lamanat, ni de redevances » (id., p. 176).
23 M. DULPHY, « Coutume des Sérères None », dans Coutumiers juridiques de l’AOF, t. 1, p. 213 et s.
24 M. DULPHY, « Coutume Sérère de la Petite-Côte (Cercle de Thiès) », dans Coutumiers juridiques de l’AOF, t. 1, p. 237 et s.
25 Id., p. 281 à 290.
26 Id., p. 281.
27 Id., p. 228 (pour les Sérères none) et p. 281 (pour les Sérères de la Petite-Côte).
28 Ibid. Il est vrai que M. Dulphy fait une distinction, s’agissant des Sérères de la Petite-Côte, entre la propriété collective familiale et la propriété collective villageoise « beaucoup moins fréquente et qui tend à disparaître ».
29 Dans le même sens, H. OLDERER, « Note sur la Coutume Mandingue du Ouli (Cercle de Tambacounda) », dans Coutumiers juridiques de l’AOF, t. 1, p. 344 évoque une autre forme de propriété collective, celle des biens appartenant aux Foulamboulou, classes d’âge en voie de disparition.
30 Coutumiers juridiques de l’AOF, t. 1, p. 22.
31 Ainsi M. CAMPISTRON (p. 139) ou M. DULPHY (p. 291-293) s’y réfèrent-t-ils sans état d’âme. Abdou Salam KANE se montre plus scrupuleux : « Les servitudes réelles ou foncières ne sont pas bien connues ; on ne les pratique guère, à cause de la rusticité des propriétés mais on peut leur assimiler les servitudes établies sur les lougans qui empêchent l’accès des points d’eau, puits, mares, marigots ou endroits du fleuve où gens et bêtes vont prendre l’eau ou boire » (p. 83).
32 J.C. FAYET, art. cité, p. 174.
33 Abdou Salam KANE, art cité, p. 83.
34 Bernard MOLEUR, « Genèse de la loi relative au domaine national (loi n° 64/46 du 17 juin 1964 », dans Annales africaines, 1983-1984-1985, p. 13. Texte suivant : décret n° 55-580 du 20 mai 1955 portant réorganisation foncière et domaniale en AOF et AEF
35 Dago KADI, « L’ordre public colonial au cœur de la stratégie coloniale » (sous presse).
36 Bakary CAMARA, « Les conventions et les contrats coloniaux en Afrique occidentale française : le cas de la concession rurale de Diré au Soudan français (1919-1939 », dans Nouvelles Annales africaines, 2011, p. 3 et s. En l’occurrence, il s’agit de la concession accordée à la Compagnie de culture cotonnière du Niger (CICONIC), cette dernière étant finalement rachetée par l’administration. Du même auteur, voir Evolution des systèmes fonciers au Mali : cas du bassin cotonnier du Mali sud – Office du Niger et Zone CMDT du Koutiala, thèse droit, Université Gaston Berger, 2009.
37 Conseil national de l’UPS, 1er mai 1964. L’Union progressiste sénégalaise a donné naissance au Parti socialiste.
38 Marc DEBENE et Monique CAVERIVIERE, « Foncier des villes, foncier des champs (rupture et continuité du système foncier sénégalais », dans Annales africaines 1989-1990-1991, p. 75.
39 Bernard MOLEUR, art. cité, p. 19. Il indique que ce sont les demandes d’indemnités déposées par les paysans évincés à la suite de l’aménagement hydraulique du lac de Guiers qui ont conduit à s’interroger sur la nature exacte des droits des détenteurs traditionnels (p. 15).
40 M. DEBENE et Monique CAVERIVIERE, art. cité, p. 93.
41 Samba TRAORE, art. cité.
Notes de fin
* Article publié dans Le foncier au Bénin, Droit béninois n° 3, Toulouse 2014, p. 73 à 83.
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