Mère et fille. La faculté de droit et l’université Toulouse 1 Capitole hors leurs murs
Les tentations du large ?1
p. 397-412
Texte intégral
1Les murs sont matériels, bâtis à chaux et à sable, et à Toulouse d’ailleurs, plutôt en briques foraines et galets.1
2Cette contribution n’a pas pour trame de narrer les assises immobilières successives de la Faculté, ses pérégrinations, d’ailleurs très limitées dans l’espace de la ville : depuis cinq siècles, la Faculté de droit est bien assise à l’extrémité de la rue des Lois.
3Cette contribution s’interroge sur les projections, voulues ou subies, de cette Faculté, et de son héritière l’Université Toulouse 1 Capitole, vers les théâtres pédagogiques extérieurs, dans lesquels elle transposerait un cursus, des formations, entièrement dans sa main, et à l’image de l’existant toulousain, loin des relations internationales comme on les peut concevoir aujourd’hui.2
4Il faut d’abord consacrer quelques lignes à des situations hors de la norme académique.
Imprévus du temps de guerre
5L’effondrement de juin 1940 génère immédiatement des situations inimaginables quelques semaines auparavant. Ainsi la Faculté de droit de Toulouse organise-t-elle, au profit de sa voisine de Bordeaux, une session spéciale d’épreuves à Périgueux, pendant l’été 1940. Dans cette ville de la Zone libre, si l’on s’en tient à la terminologie de l’époque, les étudiants désormais coupés de la Faculté de droit de Bordeaux par la ligne de démarcation, vont pouvoir subir les épreuves de leur cursus, telles qu’elles avaient été prévues avant les funestes semaines de mai et de juin 1940. Des Maîtres venus de Toulouse vont veiller à la parfaite régularité des opérations. Cette incursion sur le territoire de l’académie de Bordeaux sera sans lendemain. De même, en juillet 1940, des professeurs de la Faculté corrigent les copies des étudiants qui, à Limoges, ont composé pour leurs épreuves de fin d’année. La ligne de démarcation, parfaitement étanche au début de l’Occupation, ne permet pas de transmettre comme de coutume ces documents à Poitiers.3
6Plus durablement, des sessions spéciales d’examen sont mises en place à Lisbonne et à Barcelone, dans une péninsule ibérique alors acquise aux poisons de l’Ordre nouveau dans l’Europe nouvelle. Il s’agit de permettre à des étudiants qui ont pris des inscriptions à la Faculté de Toulouse de passer les épreuves inscrites à leur programme, alors que tout franchissement de la frontière est quasi impossible.
7Existaient dès l’avant-guerre, à Lisbonne et Barcelone, des Instituts, d’ailleurs dans l’orbite de l’Université de Toulouse. On n’est donc pas dans un inconnu absolu.4
8A Lisbonne, en décembre 1943, et sous l’œil attentif du vice-consul Charles Peretti, est organisée une session au cours de laquelle son fils, Roger, est candidat (et reçu) à la première année de licence en droit.5 En février 1945, puis juin 1947, deux autres sessions sont organisées dans les locaux de l’Institut. Chaque fois, des constantes que l’on retrouvera, identiques, à Barcelone : très faible nombre de candidats, quasiment tous dans le giron de l’institution (deux des candidats lisboetes de 1947 sont par exemple des professeurs attachés à l’Institut ; deux autres sont fils de consuls). Autant dire que ces imprévus du temps de guerre s’écartent totalement de la logique habituelle de l’institution. A Barcelone, trois sessions ont lieu. La première, en décembre 1944 avec un candidat en première année de licence et trois en deuxième année ; la seconde en août 1945, avec cinq candidats, dont trois en troisième année de licence, et un dans chacune des deux autres années ; un seul candidat en avril 1947.6 Le desserrement des contraintes matérielles, tout relatif et progressif qu’il est (les copies rédigées en 1947 à Lisbonne partent encore par la valise diplomatique), va mener à l’extinction de ces pratiques. Y avait-il, d’ailleurs, l’idée à Toulouse de s’appuyer sur cet existant pour générer d’autres liens ? Non, sans doute aucun. L’Institut de Barcelone a ouvert fin 1944 des formations en droit, « avec les programmes de Toulouse », mais sans déclencher un écho quelconque au sein de la Faculté de droit toulousaine, Alma mater lointaine.
Ailleurs. Tentations et tentatives ultramarines
9La Faculté de droit recevait, depuis longtemps, des étudiants d’ailleurs.7 A-t-elle pour autant imaginé de se projeter à l’extérieur, de s’installer outre-mer, comme sa voisine et souvent rivale la Faculté de Bordeaux ?8 La culture dominante, telle qu’elle apparaît dans les archives, les notes, les délibérations de l’Assemblée de la Faculté, semble éloignée de ce pari sur le lointain.
Maroc
10Pourtant, au Maroc, la Faculté a fini par occuper un espace non négligeable dans le Centre d’études juridiques de Rabat (CEJ). Au Maghreb, totalement sous la main française avec la mise en place du Protectorat au Maroc (traité de Fez, 1912), le modèle assimilationniste de la colonisation française proclamé, la croyance en l’excellence de la culture au sens général, et au sens juridique en particulier, tout cela a poussé la Résidence à générer, à Rabat, le Centre des hautes études marocaines (1920). Parmi les missions qui lui étaient imparties : recherche scientifique, publications, mais aussi conférences et cours délivrés sur place par des spécialistes. De là, avec les sollicitations venues des fonctionnaires du Protectorat désireux de se former en droit, celles issues de la société civile marocaine, élites musulmanes ou israélites sensibles au discours français, on imagine aisément que des cours ponctuels soient régulièrement structurés, avec un cursus calqué sur celui de la Métropole, ou de la Faculté d’Alger, ce qui est identique. C’est chose faite en 1927, avec la création du CEJ.9
11Pourtant, ce dispositif n’est pas complet ; il y manque les sessions d’examen sur place. En 1930, les cérémonies du centenaire de la conquête de l’Algérie ne permettent pas à la Faculté d’Alger d’organiser de manière satisfaisante les examens ; de la sorte, et pour la première fois, le jury est réuni à Rabat. Une fois sera coutume... Depuis Paris et Rabat, Ministère et Résidence, les trois Universités de Bordeaux, Toulouse et Alger sont sollicitées pour construire au CEJ un cursus capacité-licence en droit, envoyer les enseignants en mission, assurer examens et correction des copies. Les étudiants sont immatriculés dans l’Université de leur choix. Ce dispositif va être mis à mal en 1940. Bordeaux, occupée, est hors-jeu dès le mois de juin 1940. Alger et Toulouse sauvegardent les droits de leur consoeur, tout en immatriculant les étudiants sur leurs tablettes. Une loi de 1942, qui reprend largement les propositions faites depuis Toulouse, va caler le statut du CEJ et ses liens avec Toulouse, jusqu’à la création de l’Université marocaine héritière.10
12Les étudiants du CEJ prennent leurs inscriptions dans l’une des Facultés de leur choix, ce qui ne change a priori rien à l’existant. Ils sont pleinement intégrés dans la scolarité de l’établissement. Une rotation annuelle donne à chaque Faculté, Alger, Bordeaux, Toulouse la haute main sur l’organisation des jurys, et des cours en lien avec la direction du CEJ. L’un de ses directeurs, Guy Héraud (1952-1955), est d’ailleurs étroitement soutenu par Toulouse. La Faculté parvient à ruiner la candidature de Jacques Ellul, porté bien sûr par la Faculté de droit de Bordeaux. Une polémique violente s’ensuit, qui finira par s’apaiser.11
13Une fois le Protectorat aboli, la Faculté de droit de Toulouse ne tentera pas de pérenniser des rapports pourtant trentenaires, ce qu’imaginait de faire sa consœur de Bordeaux. La révolution politique, culturelle et académique exigée par ces nouveaux rapports semblait par trop différente de l’habituel. Après une brève période de transition, les étudiants du CEJ de Rabat deviennent à part entière les étudiants de la nouvelle Université Mohammed V. Toulouse disparaît de ce paysage.
Indochine
14Le rôle de Toulouse dans la création des Facultés de droit de Hanoi, Saïgon et Phnom Penh est limité mais pas inexistant. Pour ce qui est d’Hanoi, c’est un décret organique du 11 septembre 1931 qui crée l’Ecole supérieure de droit au terme de discussions qui opposent, au sein du Grand conseil des intérêts économiques et financiers de l’Indochine12, d’une part les « verticalistes », parmi lesquels une majorité de Vietnamiens désireux de voir installer une cursus complet de formation, du primaire au supérieur, et les « horizontalistes », parmi lesquels nombre de membres du « parti vieux colonial »13, soucieux de limiter l’effort à l’enseignement primaire et à des écoles pratiques pour l’agriculture et l’artisanat. Si le nombre d’étudiants est d’emblée relativement important (101 inscrits lors de la première rentrée le 13 septembre 1933 ; 306 pour l’année 1941-194214, période d’arrivée des premières troupes japonaises et du début de la lutte conduite par le Viêt-Minh), si l’Ecole est rattachée à l’Académie de Paris et les diplômes délivrés au vu des certificats d’examens établis par le directeur de l’instruction publique sur le rapport du directeur de l’Ecole, l’institution souffre du manque d’enseignants titulaires. Cette lacune est progressivement comblée par l’arrivée de jeunes agrégés invités à prendre leur premier poste à Hanoi, ce que tous n’acceptent d’ailleurs pas, préférant renoncer au bénéfice du concours. Parmi ceux qui ne manifestent pas les mêmes appréhensions et qui rejoignent leur poste à Hanoi, figure un ancien étudiant de Toulouse, Paul Couzinet, professeur de droit public, nommé en 193515. Considéré comme Faculté pendant la guerre avec la création de deux sections de doctorat (DES de droit privé et DES d’économie politique), l’établissement d’Hanoi doit cesser son activité en 1945, du fait de la proximité des combats, au profit de Saigon. Il faut ensuite tenir compte de l’indépendance théoriquement octroyée au Vietnam en 1948 sous l’autorité fort contrôlée de Bao Dai. L’année suivante, la signature de la convention culturelle franco-vietnamienne entraîne la création d’une Université mixte avec un conseil paritaire, avec l’arrivée d’un certain nombre de professeurs vietnamiens ce qui ne fait pas obstacle au maintien d’un fort contingent de jeunes agrégés français nommés pour deux ou trois ans au lendemain du concours. C’est parmi eux que l’on trouve plusieurs personnalités venues de Toulouse : Roger Saint-Alary16 dès 1947-1948 puis Jacques Martin de la Moutte, Roger Merle et Jean-Jacques Dupeyroux.
15Pour ce qui est de la Faculté de droit de Phnom Penh, elle commence à apparaître en 194917 avec un Institut d’études juridiques et économiques placé sous les patronages successifs de la Faculté de droit de l’Indochine puis de la Faculté de Paris. En 1953, il devient Institut national d’études juridiques, politiques et économiques du Cambodge avec deux cycles de formation : en capacité et en licence, bénéficiant bientôt de l’équivalence des diplômes avec la France. Le 3 août 1957, c’est la naissance de la Faculté de droit avec mise en œuvre d’un troisième cycle et une augmentation régulière du nombre des étudiants : 198 en 1953-1954 et 409 en 1961-196218. Deux professeurs ayant des liens étroits avec Toulouse jouent un rôle important dans la vie universitaire à Phnom Penh. Il s’agit d’abord de Claude Gour qui sera par la suite professeur, puis président de UT1. Il s’agit d’autre part de Bounchat Heng Vong, doyen de Faculté cambodgienne et qui enseigne à l’Institut d’études politiques de Toulouse.
16Interrompue par l’arrivée au pouvoir de régimes se réclamant du communisme, la coopération avec les Facultés de droit en place dans les territoires relevant de l’ancienne Indochine s’est progressivement rétablie au cours des quinze dernières années et Toulouse y a pris une certaine part. Au Vietnam, ce mouvement prend la forme de la création dès 1993 d’une Maison du droit vietnamo-française puis de diverses opérations conduites avec l’Université nationale d’Hanoi. C’est en collaboration avec la Faculté de droit de cette dernière et avec le soutien de l’Agence universitaire de la francophonie que l’Université des sciences sociales de Toulouse s’engage en 2000 dans la création d’un master « droit de la coopération économique », successivement dirigé à ses débuts par deux professeurs toulousains : Jean-Pierre Théron, responsable des relations internationales de l’Université, puis Jean-Marie Crouzatier19. Cette formation attire un public d’étudiants français ou originaires des pays du sud-est asiatique : non seulement le Vietnam mais également le Cambodge, le Laos et la Thaïlande. C’est à l’intention de ceux qui souhaitent poursuivre en thèse que Jean-Marie Crouzatier est à l’origine, en 2006, de la création d’une Ecole doctorale de droit, créée avec les mêmes partenaires que le master, auxquels s’ajoutent les Pôles universitaires français, récemment mis en place sous la direction d’un autre enseignant de Toulouse, Laurent Grosclaude. Au Cambodge, la Faculté de droit est ressuscitée en 1992 avec l’aide de l’ambassade de France et, notamment, grâce à la présence d’un conseiller français placé auprès du doyen : il s’agit de Jean-Marie Crouzatier, alors en poste à l’Université de Lyon II. C’est donc très loyalement et logiquement que cette dernière a joué le rôle de principal correspondant avec la Faculté de droit de Phnom Penh. Pour autant, Toulouse, et notamment son Institut d’études politiques, ont été associés à diverses opérations de recherches communes et de publication.20
Bilan
17Au-delà, la Faculté a-t-elle tenté de placer dans les pays accédant à l’indépendance des jalons, de semer les germes d’une présence d’avenir, à un moment où elle tenait des cartes a priori nombreuses et judicieuses ? Force est de constater que non, alors que les portes lui étaient ouvertes, les possibilités offertes, la demande forte. Ainsi du Cameroun. Le ministère de l’Education nationale, en février 1962, engage la Faculté « à prévoir l’envoi en mission de professeurs, afin de contrôler les conditions dans lesquelles fonctionnent les enseignements de capacité et de licence en droit à Yaoundé ». Missi dominici et formulation impérieuse… Plus d’un an après, en juin 1963, la question de l’avenir de ce lien vient à nouveau devant l’Assemblée de la Faculté. Interrogation « sur les rapports à entretenir par la Faculté de droit et de sciences économiques avec l’Université camerounaise. Peut-être y aurait-il intérêt à jumeler les deux Facultés, de façon à ce que le rayonnement de la Faculté de droit de Toulouse conserve l’importance qu’il a encore actuellement ».21 Puis plus rien. Des indices, nombreux et concordants, quoiqu’allusifs, laissent à penser que le jeu des rivalités entre les deux Facultés de Bordeaux et Toulouse, ont également joué ailleurs sur le sol africain, en particulier au Congo, cela au bénéfice de Bordeaux.
18L’époque des relations internationales, magnifiées et perçues sous l’angle le plus favorable, ne viendra que plus tard. Les espaces ultramarins ne sont pas les seules directions de cet investissement aussi universitaire que mesuré. L’essaimage, en terre académique de préférence, en est une autre modalité.
Essaimage
19A la charnière des projections ultramarines et de l’essaimage, il faut accorder une place à la délocalisation ouverte à la rentrée 1994 par la Faculté d’AES à Cayenne, en Guyane. On reste, certes, dans un cadre national, mais fort différent de celui de la métropole. A la demande du directeur de l’Institut d’enseignement supérieur de la Guyane, le professeur Clergeot, Serge Regourd, directeur de la Faculté d’AES, accepta le principe d’une telle opération, qui prévoyait l’envoi en mission d’un volant d’enseignants UT1, ainsi que tout appui indispensable à la partie guyanaise, et en particulier la procédure d’inscription des étudiants. De la sorte, et avec quelques aménagements heureusement étudiés, les étudiants AES de Cayenne furent pendant deux années universitaires, entre 1994 et 1996, des étudiants UT1, cela à la satisfaction des deux parties concernées : mais après tout, n’est-ce pas là l’essence du partenariat ?22
20En matière d’essaimage, l’on doit à la vérité de dire que la Faculté de droit de Toulouse ne fut pas pionnière.
21Bordeaux avait joué depuis longtemps la carte des formations projetées au loin, cela dès 1945, avec la mise en place progressive de l’Institut de Pau. Plus tard, dès 1969, un centre juridique délocalisé est ouvert à Périgueux, après que Bordeaux ait balancé entre cette ville et Agen. Cette dernière recevra finalement, mais plus tard, une telle création.23
22Depuis Toulouse, de telles potentialités recevaient alors un accueil fort mitigé. La Faculté des sciences de Toulouse explorait ces voies ; les juristes, très méfiants déjà vis-à-vis des IUT émergents, se cantonnèrent dans une abstention prudente, qui valait refus tacite, sinon mépris affiché.24
23Le temps des délocalisations ne s’ouvrit pas avant la création de l’Université Toulouse 1, en 1970. Encore ce mouvement fut-il bien discret dans ses premiers pas. Elu président de l’UT1 en 1993, Bernard Saint-Girons, très actif antérieurement sur les dossiers des délocalisations universitaires, va nommer un vice-président spécialement délégué aux collectivités territoriales et à la délocalisation : le professeur François Labie. Professeur de gestion, ce dernier agira ainsi pendant son mandat sur les dossiers d’Albi, de Montauban, de Rodez, trois des sites principaux pour l’action de UT1. S’agissant spécialement d’Albi, le président Saint-Girons choisit Olivier Devaux comme directeur de site. Maître de conférences en histoire du droit, puis professeur des Universités, il est en charge de 1993 à 2001. On lui doit en particulier la mise en place de la cyber-licence en droit. Cette formation, qui alliait l’usage des nouvelles technologies, et les approches juridiques qu’elles impliquaient, fut pionnière en son temps, célébrée comme signe de la capacité de l’Université à réagir face aux nouveaux enjeux posés par l’évolution des relations juridiques, et montrée comme un exemple pertinent de l’innovation en milieu académique.25
24En 2003, Henry Roussillon, élu à la tête de l’Université, demandera à Philippe Delvit, professeur des Universités, de prendre en charge les archives de l’Université et les délocalisations universitaires. Non sans refuser, à l’encontre de ce que souhaitait Philippe Delvit, que soit considéré comme un ensemble cohérent l’action à mener vers les implantations universitaires de l’académie, mais extérieures à Toulouse.
25En 2003, l’environnement a changé. Le climat, hier favorable jusqu’à la fin des années 1990, s’est fortement rafraîchi. Le discours dominant et parfois manipulateur privilégiant les grosses entités universitaires (indispensables), la masse critique des étudiants (variable), ou celle des activités de recherche (fondamentale), le classement de Shangaï (incontournable), induit vis-à vis des délocalisations, une méfiance aisément teintée de condescendance chez certains décideurs universitaires. Opportunité : la démographie étudiante, en palier dans nombre de formations, sinon en baisse, permet de trouver sans le chercher forcément un argument déterministe condamnant certaines délocalisations ouvertes dans l’enthousiasme et la nécessité des années 1980. En face, chez les politiques, un légitime désir de pérennité s’exprime, le cas échéant par des transcriptions statutaires, comme dans l’est de Midi-Pyrénées, avec la création de l’EPA Jean-François Champollion (1997-2002).
26Que voir, d’ailleurs, dans les délocalisations ? Une occasion de recueillir, par des partenariats croisés, des financements rendant acceptables, sinon confortables, les risques pris en acceptant de transporter loin de l’Alma Mater moyens matériels et humains (intellectuels, si l’on veut) ? Un montage juridique baroque, à base d’implications multiples, sous forme de syndicats assurément mixtes ? Une possibilité de faire baisser la pression estudiantine sur les locaux surpeuplés de Toulouse, en diminuant l’effet de masse ? Un alibi commode pour ceux qui réclament une ouverture plus grande de l’Université sur la société, ainsi plus proche géographiquement de formations amenées à sa porte ? Un outil d’aménagement du territoire, mais posé à la croisée d’ambitions locales parfois contradictoires ? Une faiblesse académique, nourrie à la logique de la décentralisation et des sollicitations politiques locale ? A part la dernière proposition, qu’on espère rare, de tout cela un peu, avec des majeures et des mineures, des éléments évolutifs, ce dont témoigne le caractère pour le moins composite du paysage.
Points cardinaux
Sud
27Au sud, Tarbes et un IUP. Près de Pau, et loin de Toulouse, ce qui entraîne, par force, des rapports complexes entre les deux Universités, la ville de Tarbes a accueilli le 16 décembre 1989 le ministre de l’Education nationale, Lionel Jospin. Elle s’est vue assurer, par lui et pour l’avenir, la mise en place d’une antenne universitaire. Une certaine lenteur académique, sans doute, pousse le Conseil général des Hautes-Pyrénées à voter le 9 juillet 1991 une motion pour hâter la réalisation de cette promesse, qui doit être plus large que celle d’un IUT. Pour UT1, l’implication prendra la forme, plus tard, d’un Institut universitaire professionnalisé, en cohabilitation avec l’Université Paul Sabatier. L’IUP, « Management des entreprises, petites et moyennes organisations », est habilité lors de la campagne de 1999. Cet IUP est aujourd’hui dans l’orbite complète de l’Université Paul Sabatier.26
Ouest
28A l’ouest, une capacité en droit, établie à Auch, est la suite et la concrétisation des discussions, informelles à l’origine, engagées en 1990 entre l’UT1 (les professeurs Jean-Arnaud Mazères et Bernard Saint-Girons), et le Conseil général du Gers. Ce dernier, suivant un schéma très utilisé par ailleurs, s’engageait à mettre à disposition locaux et matériels, avec en outre une participation financière au fonctionnement.27 Cette capacité, qui regroupe quelques dizaines d’étudiants en 1ère et 2e année, continue à fonctionner, sous l’égide du Service commun formation continue de UT1, et de l’IPST.
29La même ville abrite un IUT relevant de l’Université Paul Sabatier : il compte à ce jour 900 étudiants, ce qui est un indice manifeste de la différence de l’engagement consenti et voulu hier et avant-hier sur ces dossiers par deux Universités toulousaines.
Est
30L’implantation de Rodez est à la fois la plus ancienne, et celle qui a regroupé les effectifs les plus importants : plus de 500 étudiants UT1 en 2008. De surcroît, son histoire indique assez que la vie des antennes universitaires est traversée par des jeux d’influence fort extérieurs et éloignés du lieu d’installation.
31En 1969, l’IUT « A » de Toulouse, aujourd’hui le plus grand de France, ouvre à Rodez un département Administration des collectivités publiques et des entreprises, dans lequel on trouve dès l’origine des enseignants de l’IEP de Toulouse, ou de l’UT1 en voie de création. L’IUT de Rodez est officiellement créé en 1987, et rattaché alors à UT1. Depuis cette époque, la dynamique qui est la sienne ne s’est pas démentie : ouverture de nouveaux départements, dans des locaux qui peinent à accompagner cette montée en puissance, malgré les livraisons de nouveaux m2 précieux ; offre de formation étoffée avec le temps, DUT et licences professionnelles : l’IUT est un élément à part entière dans le paysage des formations.28
32A l’est, s’ouvrent aussi un DEUG de droit à Albi (1989), et un autre en AES à Rodez (1994), prolongé d’une licence, décision toute politique prise par le président Saint-Girons, sans concertation avec la Faculté d’AES de Toulouse, et même en opposition directe avec elle.29
33Mais avant était l’antenne universitaire d’Albi.
Albi et son antenne
34En 1988, 94 % des étudiants de l’Académie sont inscrits à Toulouse, le département du Tarn apparaissant, avec celui de l’Aveyron, comme un pourvoyeur important de ces néo-étudiants « toulousains » puisqu’en sont originaires, respectivement, 12 et 11, 2 % des bacheliers de l’Académie30. En dépit du souci déjà ancien de la ville d’Albi – il remonte à 1971 et s’est particulièrement affirmé avec l’élection à la tête de la municipalité de M. Castel (PS) en 1977- le schéma post-baccalauréat élaboré en 1988 par le rectorat ne prévoit pas de mesures importantes allant dans le sens de la décentralisation universitaire. Sollicité, Lionel Jospin, ministre de l’Education nationale, décide en 1989 la création d’une « antenne universitaire ». Concrètement, cette mesure répond à la volonté de la municipalité, à laquelle le Conseil général du Tarn s’associe dans le cadre d’un syndicat mixte en avril 1990, d’apporter une solution à plusieurs graves difficultés, essentiellement économiques : crise majeure à laquelle se trouve confronté le bassin sidérurgique Albi-Carmaux ; départ, programmé pour 1991, du 7e régiment de parachutistes de commandement et de soutien ; handicap lié à un enclavement qui doit être combattu dans le cadre d’une politique d’aménagement du territoire.
35En 1991 est ainsi ouverte une première année de DEUG droit, provisoirement implantée au lycée Bellevue31, le ministre de la Défense mettant par ailleurs à disposition l’ancienne caserne Lapérouse. Dans le cadre du plan U2000, le dossier universitaire apparaît clairement comme l’un des priorités du Conseil régional, présidé à compter de 1988 par Marc Censi, maire de Rodez, qui déclare devant le Conseil économique et social de Midi-Pyrénées, en 1990 : « il n’y a pas d’aménagement du territoire sans délocalisation universitaire ». En dépit du poids que pèse l’opinion de Marc Censi32, c’est la ville d’Albi qui se voit reconnaître la place la plus importante par la convention-cadre signée dans le cadre du plan U2000, le 20 décembre 1991 : 12 millions sont attribués à l’antenne albigeoise sur 54,3 millions prévus en faveur des délocalisations, soit 22 % de l’enveloppe totale. L’ensemble du département du Tarn n’est pas en reste puisqu’il bénéficie au total de 21,3 millions, soit 40 % de l’enveloppe.
36Entre 1990 et 1995, les dépenses du centre universitaire sont multipliées par douze (de 102 000 à 1 219 000) soit 12 % des charges d’investissements de la ville en 1993, 13 % en 1994, 32 % en 1995. Cette évolution n’est pas sans susciter d’assez vives tensions au sein de la municipalité lors du vote des budgets, d’autant que le développement du centre ne permet pas de satisfaire de grandes ambitions en terme d’emplois, de transferts et d’innovations technologiques (un étudiant albigeois dépense à Albi 350 € par mois en moyenne).
37Au terme de cette période, si Albi est devenue le deuxième centre universitaire délocalisé de France avec 1 811 étudiants, les effectifs stagnent désormais. C’est d’ailleurs le cas globalement en France. Les trois « antennes » créées par les trois Universités toulousaines l’ont été sans réelle coordination entre « maisons-mères », la logique d’opportunité l’ayant emporté sur le souci de cohérence, le saupoudrage disciplinaire interdisant l’implantation d’équipes de recherche reconnues (cette implantation, d’ailleurs, était-elle vraiment souhaitée à Toulouse ?).
38Le plan U3M lancé en 1999 par le ministère envisage cependant comme scénario le plus optimiste33 la création d’une Université en réseau entre les sites d’Albi et Rodez et les autres situés à proximité (Castres et Figeac). Si, à la déception des décideurs locaux, il n’aboutit pas à la création à court terme d’une Université, le rapport de faisabilité remis en avril 1999 mentionne cependant que le projet du nord-est a atteint « un seuil d’irréversibilité », que « ni retour en arrière, ni statu quo » ne sont envisageables. Et l’expert de préconiser la mise en place d’un « pôle de développement universitaire » qui pourrait prendre la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP) ce qui, est-il expliqué, « n’interrompt pas un processus de développement universitaire mais le conforte »34. Sous les auspices du ministre Jack Lang un établissement public administratif (EPA) est créé par décret du 17 avril 2002 sous le nom de Centre universitaire de formation et de recherche Jean-François Champollion. Disposant de ses propres commissions de spécialistes, recrutant ses enseignants-chercheurs35, il assure de façon autonome la gestion des formations et des moyens rattachés aux diplômes nationaux qui restent cependant habilités au nom des Universités toulousaines.
39Il s’agit là d’avancées majeures36. Elles ne résolvent pas, pour autant, la question du développement universitaire du nord-est Midi-Pyrénées : faiblesse des effectifs étudiants et donc défaut de « masse critique »-concept si pratique- comparée aux Universités nouvelles créées pendant la décennie 1990 ; multipolarité qui cache mal une forte diversité de situations, notamment quantitatives, y compris concernant les deux principaux sites (Albi et Rodez) ; réticences de bien des nouveaux bacheliers souvent désireux de s’inscrire plutôt dans la métropole régionale dès le début de leur formation, etc.
Nord
40Au début du siècle dernier, en 1907, avait été attribué au sein de la Faculté de droit un local à « un groupe d’étudiants de Montauban qui vient chaque jour à Toulouse suivre les cours ». C’est bien là, loin de toute délocalisation, le sens du courant qui seul existait, et était alors concevable. On allait s’abreuver à la source académique, à Toulouse.37 .
41Bien plus tard seulement, l’Université a fixé des formations à Montauban, répondant ainsi aux ouvertures faites par le Conseil général de Tarn-et-Garonne, la première en 1989. Souhaitant d’abord l’installation d’un IUT (dont l’ouverture était programmée pour 1992), dossier resté sans suite, le Conseil général construisit avec UT1 un partenariat autour d’un diplôme d’Université Droit, économie et gestion du tourisme international. Ouverte en 1991 sur le campus de l’ancienne Ecole normale d’instituteurs, qui devint le lieu d’élection universitaire à Montauban, cette formation ne trouva pas véritablement son public. Elle cessa ses activités en 1994. Elle fut relayée par une expérience originale, première année de licence dans laquelle le droit, l’AES, LEA, et même les formations sciences économiques, devaient s’articuler autour d’un tronc commun initial, organisé de concert entre UT1 et l’Université Toulouse-le-Mirail, UTM.38
42Le Conseil général de Tarn-et-Garonne et la mairie de Montauban sont les partenaires de cet investissement, qui veut rapprocher les jeunes du département des enseignements universitaires.
43Dès 1995-1996, cette formule est retouchée, au vu de la prédominance des étudiants en AES et droit, et sans que les sciences économiques génèrent des vocations ; une mue profonde a lieu l’année suivante et accompagne la semestrialisation Bayrou.
44UT1, qui a dû composer avec la fermeture par UTM de Langues Etrangères Appliquées sur place, construit un DEUG AES-Droit (rentrée 1997, ouverture du DEUG II en 1998). Cette maquette a la particularité d’imbriquer fortement et volontairement les enseignements délivrés, surtout pendant le premier semestre de la première année, afin de proposer aux étudiants une palette qui soit la plus ouverte possible, entre AES et droit. Environ 240 étudiants, année courante, suivent ce cursus montalbanais de formation initiale, qui s’est de la sorte bien enraciné dans le paysage, avec les formations apportées par UTM.39
45A Montauban également, un partenariat avec la Chambre de commerce et d’industrie a conduit à la mise en place de la licence professionnelle Acheteur industriel (ouverture en 1998). Ce diplôme, primitivement porté par AES, ouvre à partir de 2008-2009 sur un mastère de la même spécialité, mais dans le portefeuille de l’une des composantes de UT1, l’Institut d’Administration des Entreprises. L’ouverture d’une deuxième licence professionnelle, dans le domaine de l’agro-alimentaire, est annoncée prématurément et avec quelque précipitation par le président Bernard Belloc en 2002. Finalement, ce dossier, cher au lycée agricole Capou, et fruit d’un partenariat avec le Conseil général, ne débouchera qu’en 2006.40
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46L’avenir ? Il est certes devant. Mais une formation a besoin de temps pour trouver son efficacité. Les équilibres conçus à la fin des années 1980 ne sont d’ailleurs pas forcément, aujourd’hui, assis sur les mêmes réalités. Les partenaires, collectivités territoriales, ont-ils tous le désir de dégager, ou d’engager une véritable politique de développement universitaire, alors que de leur côté ils perçoivent les possibles ambiguïtés du discours de leurs interlocuteurs toulousains ?
47Il faut noter avec satisfaction que les étudiants passés par ces terres extérieures d’UT1 ont très généralement parfaitement réussi, une fois rejointe la maison mère, ou une autre Université de leur choix.
48Faut-il attendre, comme il a été annoncé au Conseil d’administration UT1 du 2 février 2009, les résultats des contacts « pris avec les pays du Golfe (Oman, Qatar, Arabie Saoudite) pour envisager la création d’antennes d’UT1 » ? Cette prospection n’en est qu’à sa phase préliminaire.
49Trois mois plus tard, le 15 mai, une délégation venue de l’Université Sultan Kaboos d’Oman, accompagnée d’un représentant du ministère des Affaires étrangères omanais, visitait UT1, accueillie par les instances universitaires toulousaines, le président Sire se réservant désormais le dossier.41 Le Conseil d’administration UT1 du 18 mai 2009 a été longuement informé d’un projet ambitieux, qui veut une installation UT1 complète et off shore.
50Un autre avenir, sans doute aucun.42
Notes de bas de page
1 Sur l’historique de la construction de la Faculté, et ses assises successives dans la ville, lire Henri GILLES, « Les Estudes de l’Université de Toulouse (Histoire des bâtiments de la Faculté de droit) », dans Université de Toulouse & enseignement du droit XIIIe-XVIesiècles, Presses de l’Université des sciences sociales, 1992, p. 341-457 ; sur la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle, voir aussi Olivier DEVAUX, La pique et la plume. L’enseignement à Toulouse pendant la Révolution, Eché-EUS, p. 22 et s. et p. 105 et s. ; du même auteur L’enseignement à Toulouse sous le Consulat et l’Empire, Presses de l’Institut d’études politiques de Toulouse-Centre d’histoire contemporaine des institutions, 1990, p. 217 et s. ; sur la fin du XIXe siècle : Sonia MOUSSAY, L’architecture des Facultés à Toulouse de la Révolution à la fin du XIXe siècle, mémoire de maîtrise soutenu en 2003 devant l’Université de Bretagne Sud à Lorient, 3 volumes dactylographiés, I - Texte ; II - Annexes ; III - Monographies. Du même auteur, le mémoire de DEA soutenu en 2004 devant l’Université Toulouse-le-Mirail, Aménagement des trois ensembles universitaires à Toulouse (1960-1975). On ne passera pas en revue les multiples occupations provisoires de bâtiments que l’Université, dans les années 1980 et à Toulouse, a pu louer, ou occuper à divers titres, à un moment où la pénurie de locaux était criante, face à la montée des flux étudiants.
2 Sur les pérégrinations urbaines, celle, jamais transcrite dans le réel, imaginée sous le Second empire (les Jacobins de Toulouse transformés en nouvelle Sorbonne), et plus prosaïquement les multiples implantations temporaires occupées en ville dans les années 1980-1995, Arch. UT1, 4M2-21. Par commodité, Université Toulouse 1 Capitole est désormais désigné par UT1.
3 Archives de l’Université (Arch. UT1), Registre des procès-verbaux des délibérations de l’assemblée de la Faculté (RAD) 1936-1951, séance du 13 septembre 1940, p. 94-95. Chose non exceptionnelle en ces temps de tempête. L’Université de Strasbourg était ainsi repliée à Clermont-Ferrand, où elle demeura jusqu’à la Libération.
4 Les Instituts français à l’étranger sont un des vecteurs du rayonnement français à l’extérieur des frontières, tels qu’ils sont voulus en particulier après la Première guerre mondiale. En Espagne, les deux Instituts de Madrid et de Barcelone ont des délégations dans quelques autres grandes villes espagnoles (Bilbao ; San Sebastian ; Valence, Saragosse, …). L’Institut de Barcelone est mené par le géographe Pierre Deffontaines (1894-1978) à partir de 1939. Ce dernier n’a pas les faveurs de Vichy. La Libération va le remettre en selle, même si les relations restent d’une extrême fraîcheur entre l’Espagne franquiste et la France (à l’automne 1944, des Républicains espagnols venus de la France libérée envahiront le Val d’Aran, sans parvenir à se maintenir sur place ; plus tard, la frontière terrestre sera fermée entre les deux pays entre mars 1946 et février 1948). Arch. UT1, 3P2-6 pour les deux centres de Barcelone et Lisbonne.
5 Charles Peretti della Rocca est vice-consul de France à Lisbonne du temps de Vichy. Son fils Roger, né à Buenos-Ayres en 1923, fera durer assez son cursus dans cette ville pour échapper aux dispositions relatives à la conscription édictées par les autorités d’Alger, puis par le GPRF. Le retour à la paix lui évite, in extremis, d’être considéré comme insoumis. Arch. UT1, 3P2-6- « Lisbonne, 1943 » et « 1945-1946 ».
6 Encore peut-on relever que l’un des candidats de Barcelone en décembre 1944 en deuxième année de licence, Gérard d’Alexandry d’Orengiani (né en 1924 à Toulouse, bachelier en 1941 à Madrid, issu d’une famille très présente dans les fastes du pouvoir dès avant la Révolution ; le père de l’étudiant est consul général), est déjà passé en décembre 1943 à Lisbonne, pour y subir avec succès les épreuves de la première année de licence : itinéraire très particulier, poursuivi en août 1945 avec succès : mention bien en troisième année de licence, examens passés au Centre de Barcelone. Voir la fiche de cet étudiant dans Arch. UT1, 5Z3.
7 Se rapporter, à ce propos, à la très belle recherche de Caroline BARRERA, Etudiants d’ailleurs. Histoire des étudiants étrangers, coloniaux et français de l’étranger de la Faculté de droit de Toulouse (XIXe siècle-1944), Presses du Centre Universitaire de Formation et de Recherche Champollion, 2006.
8 L’ouvrage de Marc MALHERBE est la référence de choix, La Faculté de droit de Bordeaux (1870-1970), Presses universitaires de Bordeaux, 1996, et spécialement pour notre propos p. 347-357, « La fondation de centres annexes extérieurs ».
9 Philippe DELVIT, « Faire son droit sous Protectorat. Le Centre d’Etudes Juridiques de Rabat (1927-1957) », dans Actes du colloque tenu à l’Université de Toulouse-le-Mirail, octobre 2007, Etudier ailleurs, étudier malgré tout. Migrations étudiantes et relations internationales- XVIe siècle-1962, publication prévue pour 2009 aux Presses de l’Université Toulouse-le-Mirail, en ligne sur le site de la Mission Archives UT1.
10 Propositions faites par une délégation de la Faculté, composée des professeurs Gabriel Marty et André Hauriou, venue à Vichy, à un moment où leur collègue toulousain Paul Ourliac est chef de cabinet de Jérôme Carcopino, secrétaire d’Etat à l’Education nationale et à la Jeunesse. Loi n° 308 du 18 février 1942, parue au Journal officiel de l’Etat Français du 20 février 1942, p. 734- 735.
11 Sur ces éléments, voir l’article cité supra de Philippe DELVIT, « Faire son droit… ». Détail des effectifs étudiants et de leur origine (« Européens, musulmans, israélites », suivant les terminologies du moment…).
12 Description de ces deux tendances par G. KHERIAN, « La Faculté de droit. Son évolution, ses vicissitudes et ses réalisations », dans Faculté de droit de Saigon. Etudes, Saigon 1955, p. 10. Voir aussi : Pierre BEZARD, « Réflexions sur l’enseignement français en terre vietnamienne. Ambition, désillusion, espoir » dans Mélanges à la mémoire du professeur Roger Saint-Alary, Toulouse 2006, p. 73 : « Il ne faut pas cacher que pour un certain nombre d’esprits étroits et conservateurs, cet enseignement donné aux « indigènes » ne pouvait concerner qu’une petite partie de la population et, de toute façon, ne devait être qu’un cycle court à caractère utilitaire pour la colonie ».
13 Formule utilisée par un professeur de la Faculté de droit de Paris, dans son rapport d’inspection, stigmatisant les colons qui veulent fermer aux Annamites la « possibilité d’accéder à des fonctions supérieures. C’est contre cette tendance que la création de l’Ecole supérieure de Droit de Hanoi a eu précisément pour but de réagir » (G. KHERIAN, art. cité, p. 10).
14 Sur les effectifs, chiffres un peu différents chez G. KHERIAN, art. cité, p. 12 et Pierre BEZARD, art. cité, p. 82.
15 Sans chercher à rendre un tardif hommage aux méthodes un peu démodées de l’analyse de contenu, l’on constate que, dans les Mélanges offerts à Paul Couzinet (Toulouse 1974, 810 pages), c’est moins d’une ligne qui, dans la préface non paginée du président Pallard, est consacrée aux « quelques années » passées à Hanoi (alors que les activités de Paul Couzinet comme officier de réserve et comme membre désabusé de la Commission d’armistice franco-italienne en 1941-1942 bénéficient d’un paragraphe entier). En revanche, dans sa bibliographie sans ostentation et si l’on met à part sa thèse et quelques préfaces, ses articles dans la Revue indochinoise juridique et économique occupent près de la moitié des entrées. On interprétera cette différence comme le signe d’une forte implication des collègues dans les postes où ils sont nommés à l’étranger mais aussi d’une médiocre prise en compte de ces efforts par l’institution.
16 Dans les Mélanges à la mémoire du professeur Roger Saint-Alary, Toulouse 2006, voir M.ine PATUREL, « L’enseignement du droit au Vietnam. La Faculté de droit de Saigon en 1948 », p. 69-70 et Pierre BEZARD, art. cité, p. 71 à 86.
17 La préface qui ouvre le premier volume des Annales de la Faculté de droit de Phnom Penh créées dans les années 1950 évoque une décision du roi du 16 février 1949 (p. 4). En revanche, la préface du doyen Loeung CHHAY qui ouvre le premier numéro des nouvelles Annales de la Faculté de droit et de sciences économiques de Phnom Penh, ressuscitées en 1995, évoque une création dès 1948 (p. 7).
18 Loeung CHHAY, préface citée, p. 7. A noter que les chiffres figurant dans la préface des années 1950, ne portant pas il est vrai exactement sur les mêmes années, sont un peu inférieurs quoique du même ordre.
19 La coopération est ensuite élargie à un consortium d’Universités françaises comprenant également Bordeaux IV et Lyon III. L’actuel directeur du master est un professeur de Bordeaux IV. L’Ecole régionale de droit s’appuie également sur ce consortium.
20 Publiés à Toulouse : le premier numéro des Annales de la Faculté de droit et des sciences économiques de Phnom Penh (1996 ; le deuxième numéro est publié à Phnom Penh par les éditions Thevoda) ; Les constitutions du Cambodge (textes rassemblés par Kong PHIRUN et J.- M. CROUZATIER, 1994) et Les juridictions et la protection des libertés (Actes des colloques de Phnom Penh et Bangkok ; dir. Jean-Marie CROUZATIER, 1995).
21 RAD 1961-1970, procès-verbal de la séance du 10 mars 1962, décision du 27 février 1962. Direction de l’Enseignement supérieur ; procès-verbal de la séance du 26 juin 1963 pour l’interrogation sur le Cameroun et la suite à y donner.
22 Pour les relations avec la Guyane, Arch. UT1, procès-verbal du Conseil de la Faculté d’AES, séance du 17 juin 1994, p. 5 ; du 23 novembre 1994, p. 2 et 3 ; du 3 mars 1995 ; 18 mai 1995, p. 3 et 4. L’IES est intégré dans l’Université Antilles-Guyane, jeune établissement créé par le décret de 1982. Les formations en sciences sociales présentes en Guyane ont très tôt, et avant même la décentralisation, bénéficié de l’appui des collectivités territoriales en place. S’agissant des formations AES, l’IES avait d’abord conventionné avec Nanterre, afin d’assurer de concert un encadrement et un soutien autant pédagogique qu’administratif ou logistique. La satisfaction n’étant pas celle attendue, l’IES se tourna vers un autre interlocuteur, UT1 en l’occurrence.
23 Voir Marc MALHERBE, La Faculté…, op. cit., p. 247-251 pour la fondation de Pau, et la rivalité entre Agen et Périgueux. Saint-Jean-de-Luz et Villeneuve-sur-Lot, aux deux extrémités de la région Aquitaine, étaient aussi sur les rangs.
24 Arch. UT1, RAD 1961-1970, procès-verbal de la séance du 30 avril 1966, p. 9. Intervention du professeur Ourliac (à l’époque également directeur de l’IEP de Toulouse) disant son inquiétude au sujet des IUT et de leurs liens avec le droit. Postérieurement, procès-verbal de la séance du 5 février 1970. Demande du recteur Chalin relative à la création d’un département « Carrières juridiques » dans le cadre de l’IUT ; le professeur Jean-Arnaud Mazères propose de le mettre en place à UT1. Il le dirigera dans le cadre de l’Université Paul Sabatier.
25 Une cyber-maîtrise prolongera cette ligne d’action en 2003. Portée par Philippe Delvit, alors directeur pour l’EPA Champollion du campus d’Albi, elle échappe donc chronologiquement à la thématique de l’essaimage porté par UT1.
26 Arch. UT1, Cabinet du président, Dossier Tarbes. Courriers, rapports, coupures de presse, … (1990-2004).
27 Lettre du président du Conseil général du Gers au président UT1, 8 janvier 1991, Arch. UT1, Cabinet, dossier Auch. En 1990, la Mission formation continue de l’UT1 avait organisé, dans cette même ville, un cycle de conférences à destination des décideurs économiques du département (lettre Mission formation continue UT1 à directeur du Service de la formation professionnelle- Conseil régional Midi-Pyrénées, 31 octobre 1990, Arch. UT1, cf supra).
28 Ouverture des départements ACPE, arrêté du 20 août 1969 transformé en GEA, arrêté du 8 août 1973. IUT de Rodez : décret du 1er juin 1987 ; 2001, mise en place de la première licence professionnelle, « Développement Internet-Intranet », … Sur les IUT et leur dynamique, Livre blanc sur le système IUT. Après 40 ans d’existence : Histoire, bilan, perspectives, ADIUT, 2007, 64 pages, cartographie, bibliographie, glossaire.
29 Le Conseil de la Faculté d’AES a voté alors, par deux fois, une motion critiquant et regrettant une ouverture qui ne cadrait en rien avec les aménagements de la carte des formations, tel qu’ils avaient été définis (faibles effectifs et bassin de recrutement borné ; concurrence directe avec d’autres formations, …). Le contrepartie de la décision, politique, était l’achèvement d’une tranche de travaux à la Manufacture des Tabacs, que la Région, présidée par Marc Censi, maire de Rodez, allait faire accélérer.
30 Sur la création et la montée en puissance de l’ensemble universitaire Albi-Rodez : Christelle MANITET, Gouverner par l’action. Le cas des politiques universitaires de La Rochelle, Albi et Rodez, thèse de doctorat en sociologie, UT2, décembre 2004 (ss. dir. Daniel FILATRE), travail auquel il a été fait de nombreux emprunts pour cette étude.
31 Pour ce qui est de l’Université de Toulouse I, Bernard Saint-Girons, alors maître de conférences de droit public, est chargé du dossier et lui donne une impulsion décisive. Il y fait ses armes en matière de responsabilité administrative ce qui lui sera utile lorsqu’il exercera, plus tard, les responsabilités de président de Toulouse 1, de recteur de Besançon, Nice et Créteil, enfin de directeur général des enseignements supérieurs. En charge d’Albi, son succès même lui vaut, lors de l’ouverture officielle du DEUG, d’être déchargé de cette responsabilité au profit d’un collègue qui avait pourtant affiché son médiocre intérêt pour ce poste. L’on doit à la vérité de reconnaître qu’à l’époque les dirigeants de Toulouse I ne souhaitaient pas que l’enseignement du droit en délocalisation prenne une importance qui pourrait un jour en faire un concurrent.
32 La présence de Marc Censi à la tête du Conseil régional constitue une chance pour le futur ensemble universitaire dans la mesure où la ville de Rodez est évidemment directement intéressée au projet. En même temps, il constate que le nombre d’étudiants n’y augmente pas dans la mesure où les bacheliers de l’Aveyron s’inscrivent plutôt à Albi.
33 Cf. lettre de mission du 16 octobre 1998, du recteur à Marc Courvoisier, expert chargé de l’étude de faisabilité.
34 Marc COURVOISIER, Rapport sur la faisabilité d’une Université dans le nord-est de la région Midi-Pyrénées, 19 avril 1999, p. 26. Sur la mise en application de ce rapport : Jean-Pierre CABROL et Marc COURVOISIER, La création d’un établissement public universitaire dans le nord-est de Midi-Pyrénées, 25 octobre 2001.
35 Il vaut de noter que, lors des opérations de basculement des personnels des Universités vers le nouvel EPA, en mars-avril 2002, aucun enseignant de Toulouse I n’a voulu être rattaché au nouvel établissement, même parmi ceux effectuant une partie significative de leurs enseignements à Albi et bien que certains postes aient été « fléchés », c’est-à-dire accordés par le ministère pour Albi. Il faudra attendre que des postes se libèrent pour que l’EPA puisse récupérer le contingent qui lui avait été originairement affecté.
36 Témoignent de l’optimisme encore perceptible en 2004, les prévisions de Christelle Manitet (oc. p. 285) : « Finalement, même si un certain nombre d’inconnues persistent, il est probable que cette Université fonctionnera en réseau. Elle devrait être officiellement créée en 2007 ».
37 Arch. UT1, Registre des assemblées de la Faculté, 1896-1907, séance du 6 novembre 1907, p. 389-390.
38 Pour l’IUT, choix d’une orientation « Statistiques et traitement informatique des données », Assemblée du département de Tarn-et-Garonne, séance du 19 décembre 1989. LEA, Langues Etrangères Appliquées, formation délivrée par l’Université Toulouse-le-Mirail. Les éléments relatifs aux implantations universitaires à Montauban sont déposés aux Archives départementales de Tarn-et-Garonne. Un dossier constitué par la Mission Archives UT1, et versé par elle aux Archives départementales, rassemble particulièrement tous les documents de communication édités par les partenaires, UT1, Conseil général et Mairie de Montauban, Chambre de commerce et d’industrie, … (plaquettes de présentation, …).
Se reporter au site de la Mission Archives UT1, pour la notice en ligne de Philippe Delvit sur le Centre universitaire de Tarn-et-Garonne, « Et si UT1 existait aussi à l’extérieur de Toulouse ? Le Centre universitaire de Montauban ». Noter que UTM a poussé en avant ses cartes, en ouvrant à Montauban des IUP, d’abord Archives et Médiathèque (1999), puis Arts appliqués.
39 En particulier, depuis la rentrée 1998, l’IUP Archives et Médiathèque, devenu Département Archives et Médiathèque.
40 Philippe Delvit en a porté le dossier d’habilitation. La licence professionnelle, « Management européen d’une station fruitière et légumière », a eu du mal à trouver un public que la situation de marasme des cours et les calamités agricoles rendent frileux. Après un entracte de deux ans, elle reprend ses activités en 2009.
41 Bruno Sire. Professeur des Universités, gestionnaire, il est élu président en juin 2009 suivant les nouvelles modalités mises en place dans le cadre de la LRU et des dispositions portées par Valérie Pécresse ; prise de fonction au 1er septembre de la même année. Le président Sire a fait le déplacement à Oman au début de 2009.
42 Un avenir complexe, en tout cas, 18 millions € annoncés, des ambitions que le président UT1 (qui a visité sur place les partenaires omanais) veut fortes, avec des enseignements capables d’attirer une clientèle régionale (donc des cours en anglais, la francophonie n’étant guère une denrée d’exportation dans le Golfe). La politique d’implantation de Paris-Sorbonne à Abu Dabhi fournit d’utiles pistes de comparaison, qui posent autant et plus de questions, qu’elles n’apportent de réponses.
Notes de fin
1 Article rédigé avec Olivier DEVAUX et Philippe DELVIT et publié par Histoire, théorie et pratique du droit. Etudes offertes à M. Vidal, Bordeaux 2010, p. 73 à 90.
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