Un concours de chaire à la faculté de droit de Toulouse en 1822 : entre rumeurs et localisme*
p. 373-384
Texte intégral
1L’anecdote paraît mince : un concours de recrutement tenu à Toulouse du 1er mai au 8 juin 1822 et destiné à garnir deux chaires de procédure, l’une à Toulouse, l’autre à Poitiers. Les résultats semblent ne pas poser problème : un avocat bien implanté dans la ville est choisi pour Toulouse, un professeur suppléant déjà en poste à Poitiers est confirmé dans sa Faculté. En fait, il suffit de la mauvaise humeur d’un des candidats, avocat à Nîmes et qui se juge victime d’une cabale, pour donner du relief à cette procédure apparemment bien maîtrisée. Il rédige et publie un pamphlet rien moins que bienveillant pour la Faculté et le jury qui n’ont pas voulu retenir sa candidature1. On lui répond sur le même ton2... Les procès se succèdent3... Les polémiques ne changent rien aux résultats mais elles révèlent un certain nombre de tensions et de pratiques que ne reflètent ni les comptes-rendus officiels, ni les rapports administratifs.
2Le mode de recrutement des professeurs de droit institué par Napoléon est fondé sur la technique du concours public organisé au plan local, « dont les professeurs seront les juges ; les inspecteurs généraux présideront, s’ils sont présents »4. Si le système est bien connu, d’autant qu’il a fonctionné, sans guère de modifications de fond jusqu’au Second empire, l’on n’en a en revanche sans doute pas suffisamment mesuré le caractère libéral et décentralisé, donc assez inattendu au sein d’une Université napoléonienne dont les traits dominants paraissent fondés sur des principes sensiblement différents et même inverses.
3 Le fait qu’en matière de recrutement des professeurs d’Université, les règles habituelles d’autoritarisme centralisateur5 n’aient pas été imposées s’explique par deux considérations. La première tient au souci de Napoléon de reconstituer certaines des institutions de l’Ancien Régime -du moins celles qui peuvent lui être utiles et qu’il évoquera un peu plus tard sous le terme imagé de « masses de granit »- destinées à ce titre à conforter sa dynastie comme elles avaient su le faire au profit de la monarchie capétienne. Dans cette perspective, il ne serait pas logique de soumettre à une tutelle trop étroite les Écoles dont on attend qu’elles fournissent les bases d’un enseignement supérieur, qu’elles donnent naissance à des Facultés ressuscitées pour reconstituer les traditions d’avant la Révolution.
4Une deuxième considération peut être cherchée dans le fait que les établissements supérieurs ne paraissent pas, à l’époque, susceptibles de constituer un grave danger pour l’ordre public, ni a fortiori un foyer d’opposition. Si l’enseignement secondaire doit être fortement encadré pour veiller à ce que les élèves soient abreuvés de bons principes et de saines doctrines, exhortés à une loyauté sans faille à l’égard du régime installé en brumaire an VIII et convaincus de leurs obligations comme défenseurs des grands équilibres sociaux et politiques, en revanche les Facultés d’Ancien Régime étaient, dans l’ensemble, trop déliquescentes pour que leurs étudiants, au surplus peu nombreux et rarement présents6 dans les amphithéâtres, soient un problème important pour les responsables de l’ordre public7. Il en ira différemment dans les années qui suivront, les Facultés devenant ces lieux d’opposition et de perturbation qu’elles sont assez largement demeurées jusqu’à ces dernières années.
5C’est donc dans la tradition de l’Ancien Régime que le concours ouvert le 1er mai 1822 à Toulouse est fondé sur une série de trois épreuves, imposées à chaque candidat. Elles sont précédées d’une réunion préparatoire qui doit se tenir trois jours avant le début du concours et à laquelle doivent assister tous les candidats, sous peine d’exclusion. Vient ensuite la séance d’ouverture suivie de la première épreuve écrite, portant sur un sujet commun déterminé par le jury et se déroulant à « huis clos »8. Ce sont ensuite trois leçons publiques d’une demi-heure chacune, portant sur des sujets tirés au sort et développés par le candidat, au cours d’une présentation qui dure donc une heure et demie au total. Le concours se termine par une épreuve de discussion qui consiste à soumettre chaque candidat aux questions et aux objections de ses concurrents sur un certain nombre de propositions figurant sous forme de thèses. Ces épreuves correspondent à des procédures déjà en honneur, selon des dosages variables, sous l’Ancien Régime9 et encore usitées au XXe siècle, à l’exception de l’argumentation contradictoire opposant les candidats entre eux, qui a disparu en 189110.
6Une tentative de reconstitution de ce concours, avec ses épisodes incontestés mais aussi avec ses zones d’ombre, implique d’en présenter d’abord les acteurs, membres du jury et candidats (I). C’est après les avoir énumérés, et à partir du moment où démarre le concours que le libelle de Crivelli fournit des renseignements irremplaçables, ceux qu’aucun document officiel ne saurait exprimer aussi directement. Nous commencerons par utiliser les éléments purement informatifs, concernant le déroulement du concours et les sujets imposés, des éléments présentés par Crivelli comme relevant de la simple narration (II) sans qu’il les utilise pour appuyer sa thèse d’une injustice dont il aurait été victime, arguments que l’on présentera ensuite avec l’évocation des incidents et des manœuvres qui ont émaillé ce concours (III) sur la régularité duquel il conviendra, enfin, de tenter de porter un jugement quant à l’injustice dont Crivelli se prétend la victime (IV).
I - Les acteurs : membres du jury et candidats
7Le jury se compose, entre autres, des professeurs de la Faculté de droit de Toulouse11. À l’époque, ils sont au nombre de quatre, ce qui correspond aux cinq chaires -dont celle qu’il faut garnir12- créées par le décret du 22 mars 1805, en même temps qu’était ressuscité l’enseignement du droit à Toulouse : trois de « Code civil », une de droit romain et une de procédure civile et de législation criminelle13. En 1822, il ne reste que deux professeurs parmi ceux désignés en 1805. Il est vrai que la plupart étaient relativement âgés au moment de leur nomination, avec une moyenne s’établissant à près de cinquante-cinq ans, soit soixante-neuf ans pour le plus âgé et quarante-deux ans pour le plus jeune14. Dix-sept ans plus tard, demeurent Jean Dominique Ruffat, professeur de droit romain, et Jean Raymond Marc de Bastoulh, professeur de droit civil. Tous deux sont Toulousains, de famille toulousaine, anciens avocats comme d’ailleurs l’étaient leurs trois autres collègues de 1805. Enfin tous deux sont assez imbus de convictions légitimistes pour, quelques années plus tard, en 1830, préférer quitter l’Université plutôt que de prêter serment à Louis-Philippe, apparemment convaincus qu’avec la chute de la branche aînée des Bourbons, l’Université et, au-delà, le pays allaient être bouleversés
8Les deux autres professeurs ont tous deux été recrutés en 1819 et sur une chaire de droit civil. Il s’agit de Frédéric François Sylvestre Malpel, Toulousain né à Villemur et ancien avocat, et de Marie Alexandre Edouard Delpech, Toulousain d’origine rouergate, ancien procureur général près la Cour d’appel de Toulouse1515. Assez proches du point de vue des origines géographiques et professionnelles, ils diffèrent en revanche par la méthode d’étude du Code civil, puisque tandis que le premier reste fidèle à la vieille Ecole de l’exégèse recherchant pour chaque article du Code les intentions du législateur, le second tente une explication plus moderne, à base de recherche sur les fondements historiques, philosophiques, voire économiques du droit16. Malpel et Delpech se retrouvent dans le fait qu’ils vont accepter de prêter serment à Louis-Philippe et qu’ils demeureront donc en fonction après la révolution de juillet 1830. C’est dire que, si le corps professoral de la Faculté de droit de Toulouse paraît assez homogène du point de vue des origines géographiques et professionnelles, en revanche il semble moins uni du point de vue scientifique et même politique. Il y a sans doute là une clef dont il faut tenir compte pour interpréter leur choix final.
9Pour être complet, il faut noter la présence à la présidence de ce jury, comme le prévoit la loi du 13 mars 1804, de l’inspecteur général des Écoles de droit Eustache-Antoine Hua. Avec lui, la politique fait clairement son entrée dans cette procédure de recrutement, encore que son itinéraire soit, jusque dans ses sinuosités, assez représentatif de cette époque agitée : avocat au Parlement de Paris sous l’Ancien Régime, il accueille volontiers la Révolution ce qui lui vaut un poste de député à l’Assemblée législative en 1791, puis, comme il évolue parmi les modérés, de devoir se cacher pour échapper aux persécutions de la Terreur. Par la suite, il se rallie à tous les régimes : au Consulat et à l’Empire d’abord auxquels il doit de devenir avocat à la Cour de cassation, à la Restauration ensuite ce qui lui vaut d’accéder aux fonctions d’inspecteur général des Ecoles de droit, puis de conseiller à la Cour de cassation en 1822. Peut-être en a-t-il cependant trop fait, notamment lors de la répression qui suit les Cent-Jours, puisqu’il perd toutes ses fonctions du fait de la Révolution de 183017. En tous cas, et pour revenir au concours de 1822, il y marque officiellement sa participation d’une part en prononçant le discours d’ouverture de la première séance publique du concours de Toulouse18, d’autre part en assurant la proclamation des résultats, après la délibération finale.
10Les candidats pour leur part sont au nombre de sept, pour un concours qui est donc ouvert pour deux postes de professeurs, à Toulouse et à Poitiers. C’est pourquoi -et sur invitation du jury- chacun déclare ses intentions après l’épreuve écrite. L’un des candidats, M. Boncennes, professeur suppléant19 à l’Ecole de droit de Poitiers, va opter pour son institution universitaire d’origine tandis que Crivelli et Carles, ce dernier avocat à Toulouse, choisissent Toulouse. Les autres candidats -MM. Becannes, Cabissol, Rigal et Rodières- continuent à concourir pour les deux postes. Si l’on met à part Boncennes, déjà en poste dans l’enseignement supérieur, tous les candidats exercent des professions judiciaires : Becannes, Caries, Cabissol et Rigal comme avocats à Toulouse, Crivelli comme avocat à Nîmes, enfin Rodières comme « avoué-licencié en droit » au tribunal de première instance d’Albi.
II - Le déroulement du concours : épreuves et sujets
11S’agissant des sujets traités par les candidats de même que des thèses qu’ils choisissent de défendre lors de l’épreuve d’argumentation, l’on en est réduit aux renseignements passablement lacunaires que fournit Crivelli. C’est, d’un certain point de vue, un peu décevant par rapport à d’autres concours pour lesquels l’on dispose d’éléments exhaustifs, ainsi lorsqu’il fallut remettre au recrutement, en 1838, la chaire affectée en 1822 : nous possédons, pour ce concours de 1838 un volume de plus de quatre cents pages comprenant, outre la copie de la composition écrite de Dufour, les positions de thèses des divers candidats20. D’un autre point de vue, il faut souligner que, pour incomplets qu’ils soient, les renseignements fournis par Crivelli sont présentés d’une façon plus vivante qu’un inventaire non commenté comme celui de 1838.
12Parmi les sujets donnés pour les leçons publiques, nous ne connaissons que ceux traités par Carles, portant sur les « jugements par défaut », sur « l’opposition » et sur « la tierce opposition ». Crivelli, avec la malveillance que l’on peut attendre d’un concurrent malheureux, lui reproche pêle-mêle d’avoir utilisé une formule du vieux français21, d’avoir été trop long sur le droit d’Ancien régime (en l’occurrence une ordonnance de 1667), d’avoir épelé, article par article toutes les dispositions qu’il entendait commenter, enfin d’avoir fait preuve de compétences pratiques tirées d’une expérience professionnelle demi-séculaire : en somme trop d’éléments à caractère historique ou étroitement technique, pas assez de connaissances actualisées ni d’analyses théoriques...22
13Crivelli fournit un autre renseignement sur l’une des qualités attendues à l’époque d’un candidat et, paradoxalement, il la révèle en se défendant d’une accusation formulée contre lui, consistant à lui reprocher d’avoir « trop lu ». Il s’en justifie en se décrivant « débutant sur un théâtre qui m’était étranger, devant un auditoire qui m’imposait »23, donc ayant « multiplié les notes [...] dans la vue de fixer davantage mon esprit, et de me garantir des distractions », ce qui a pu conduire des méchans à prétendre qu’il avait lu. Au-delà d’une accusation dont la réalité, près de deux siècles plus tard nous intéresse peu, il est clair que l’on exhortait les candidats à une épreuve orale à se détacher de leurs notes, à l’époque comme de nos jours.
14Pour ce qui est des sujets évoqués lors des argumentations contradictoires qui concluent le concours, Crivelli en cite trois, émaillant son propos de brèves anecdotes sur les affrontements verbaux dont ils fournissent l’occasion. Ainsi en va-t-il de la « huitième proposition » de Boncennes selon lequel l’article 996 du Code de procédure civile24 est venu modifier l’article 2258 du Code civil25, ce que Crivelli conteste. Un peu plus tard, il critique derechef l’affirmation de Carles selon lequel, en cas de surenchère intervenant à la suite d’une aliénation volontaire et d’une adjudication en justice, il faut procéder dans l’ordre des créanciers en application des articles 749 et suivants du Code de procédure civile26. Crivelli, ici encore rien moins que bienveillant, affirme que Carles est mis en difficulté au point d’en arriver à soutenir que « l’adjudication faite en justice à la suite de la surenchère, convertissait en vente forcée celle qui, dans le principe, avait été volontaire » et qu’une autre surenchère pouvait suivre la première. Crivelli voit dans tout cela une « série d’hérésies » qui auraient suscité les murmures de l’auditoire27.
15Plus tard encore, c’est cette fois Boncennes qui tente de mettre Crivelli en difficulté sur une disposition du droit romain, celle qui imposait, dans certains cas, à quiconque faisait cession de ses biens d’affirmer sous serment qu’il ne conservait rien au préjudice de ses créanciers : Crivelli répond si longuement que la demi-heure qui lui était impartie s’écoule sans qu’il ait le temps de terminer sa démonstration.
III – Les critiques à l’encontre du concours : incidents et manœuvres
16Le concours est émaillé de quelques incidents de procédure que Crivelli narre avec d’autant plus de complaisance qu’il en est à l’origine. Le premier résulte de son arrivée tardive à Toulouse, le 28 avril, alors que la séance préparatoire à laquelle les candidats doivent se présenter en personne a eu lieu la veille. Il est donc déclaré exclu. Il proteste et conduit parallèlement deux procédures, la première auprès des autres candidats pour qu’ils acceptent son maintien en lice, la seconde auprès du jury qui renvoie la décision au jour de l’ouverture officielle du concours, le 1er mai suivant. Entre-temps, il trouve l’argument qui va emporter la décision : le règlement du concours prévoit que la séance préparatoire doit se tenir trois jours avant l’ouverture et non quatre comme cela a eu lieu. Sa candidature est donc déclarée valable.
17Il a gagné, à cela près que ses affirmations, selon lesquelles ses concurrents s’étaient montrés mauvais joueurs et s’étaient félicités de son éviction comme de celle d’un adversaire « trop redoutable pour qu’ils ne profitassent pas du droit qui leur était acquis de me tenir éloigné [du] concours »28, lui valent une rancune durable de la part de ces derniers d’autant que l’un d’entre eux, Rigal, affirme qu’ils étaient « déterminés en sa faveur »29 mais qu’il leur fut indiqué que la découverte des termes du règlement rendait leur intervention inutile. Rigal est fort mécontent que leur générosité soit ainsi travestie en concurrence jalouse : « Quelle sottise ! Quelle indigne imposture ! »30.
18Un deuxième incident prend place au moment de l’organisation des épreuves d’argumentation. Trois candidats sur sept ayant opté pour un seul des postes proposés, Boncennes pour Poitiers, Caries et Crivelli pour Toulouse, ce dernier demande que les argumentations n’aient lieu qu’entre ceux qui concourent pour la même chaire. L’argument officiellement présenté consiste à expliquer qu’il ne faut pas qu’un candidat non concerné par une chaire se mêle de discussions qui doivent être réservées à ceux qui sont réellement en concurrence. La véritable raison que Crivelli évoque à mots à peine voilés dans son libelle tient à la crainte d’une intervention de Boncennes dans les épreuves concernant Toulouse. Le jury ne se rend pas à ses raisons. Crivelli se résigne tout en remarquant que certains ont fait courir le bruit que les membres du jury n’avaient pas apprécié sa demande. Il proteste du contraire mais peut-être plus pour se persuader lui-même que par véritable conviction31.
19Reste à apprécier les allégations de Crivelli quant à la régularité du concours. Parmi les pratiques qu’il dénonce, il en est d’une telle banalité en des circonstances de ce type qu’il n’y a aucune raison de mettre en doute leur véracité. Il convient ici de noter qu’à aucun moment, et malgré sa tendance à évoquer toutes les rumeurs qui se répandent et tous les ragots qui circulent, il ne reproche à son compétiteur heureux, à Carles, quelque propos imprudent ou maladroit que ce soit. Ce dernier fait preuve d’une modeste et efficace réserve. En revanche, Mme Carles se serait déployée avec toute l’indiscrétion et l’imprudence que l’on pouvait attendre d’une épouse qui croit se rendre utile, commandant la toge de son mari avant que les résultats du concours soient connus, manifestant ostensiblement son indignation à l’égard de ceux qui osaient se porter candidat sur la chaire de son mari...32 Il faut y ajouter les amis de Carles qui ont, également à l’avance, organisé une sérénade pour fêter un succès qu’ils jugent trop prévisible pour que l’on ne s’y prépare pas. Rien dans tout cela qui ne paraisse simplement sot, donc vraisemblable.
20Crivelli s’étend par ailleurs beaucoup et complaisamment sur le rôle des dîners et sur ce qui s’y dit contre lui. On imagine aisément qu’un peu isolé dans cette ville fort immobile que constitue Toulouse à l’époque, cherchant à être admis dans un milieu juridique très ancien et plutôt conservateur, il se sente relégué, en situation d’infériorité, objet et victime des conciliabules qui se développent inévitablement à l’occasion d’un événement aussi rare qu’un concours de chaires. En même temps, il a ses informateurs et s’en vante, sans que l’on puisse déterminer la part de vérité dans ce qu’on lui raconte sur ce qui se trame contre lui et le désir de ses espions de se donner de l’importance en entretenant sa tendance à voir des complots partout33. Parmi les rumeurs : on affirme que, s’il a raté la séance préparatoire, c’est parce qu’en fait il ne veut pas vraiment se présenter pour cette chaire34 ; on prétend qu’il a indisposé le jury par ses contestations35 ... Tout cela est peu de chose.
21En fait, parmi les dîners stratégiques, il en est quelques-uns de particulièrement importants. Il y a d’abord celui qu’organise Carles au profit d’un certain R. qui peut lui être utile pour plaider sa cause et lui valoir les suffrages de M.36 ; il y a ensuite ceux qui rassemblent Carles et Boncennes en vue de conclure une alliance contre Crivelli37 ; il y a enfin ceux qu’organisent les partisans de Carles, craignant que leur protégé ait perdu du terrain au cours des leçons publiques, pour faire remonter sa cote au nom de « motifs de convenance et de justice »38. À noter que Crivelli, si prompt à dénoncer les indignes complots perpétrés contre lui, reconnaît tout uniment avoir lui aussi passé un accord avec Boncennes mais c’est pour se plaindre que les termes n’en ont pas été respectés39.
IV - Jugement sur le concours : l’injustice dont aurait été victime Crivelli
22Si l’on souhaite aller plus au fond des choses et tenter de peser les mérites réels des candidats et d’abord de Crivelli, au-delà des manœuvres, des méfiances et des tentations du localisme, l’on se heurte aux jugements apparemment différents des contemporains. En fait, à bien lire les libelles des uns et des autres, et d’abord celui de Crivelli lui-même et celui de Rigal, ce dernier fort amer des mauvais compliments dont lui-même et les autres candidats malheureux ont été abreuvés, les appréciations des uns et des autres sont moins éloignées qu’on ne pourrait l’imaginer à première vue. Ainsi lorsque Crivelli évoque avec une satisfaction mal dissimulée le fait que ses auditeurs « ont constamment approuvé ma doctrine, ma méthode et mon élocution »40, Rigal reconnaît, comme à contrecœur, d’une part « l’encouragement dont il a été honoré du public éclairé et juge impartial », d’autre part : « votre élocution est agréable et séduisante, vous avez de la grâce, de la pureté dans la diction, vos phrases sont bien tournées et vos expressions choisies »41.
23En contrepartie, Rigal lui impute que « pour ce qui est des connaissances en droit et surtout en procédure, [...] à s’en tenir au jugement des autres, et à en croire la voix publique, [...] vous seriez très superficiel, pour ne pas dire, avec ses propres termes, que vous n’y entendez rien »42. À ce jugement rien moins que favorable, répondent, comme en écho, les rumeurs dont Crivelli se fait lui-même l’écho, selon lesquelles « je n’avais que des connaissances superficielles en procédure ; que je n’étais qu’un littérateur, un faiseur de phrases, un académicien, etc. »43. Il cherche à s’en défendre en se prévalant des livres qu’il a publiés, « des ouvrages de jurisprudence, des écrits de législation » et il ajoute « quelques productions littéraires »44. De fait, le catalogue de la Bibliothèque nationale comptabilise à côté d’études, parfois ultérieures au concours, sur la contrainte par corps (1830) et sur la jurisprudence de la Cour de Nîmes (1819-1820), un Dictionnaire du droit civil, commercial et de procédure civile et criminelle (1825), un Discours sur le duel (1820) et un autre sur Les mystères anciens dans leurs rapports avec la morale et la franc-maçonnerie (1824)45.
24En tous cas et quels que soient les insuffisances et les mérites de Crivelli tels qu’ils apparaissent à l’époque et tels que l’on peut s’en faire une idée près de deux siècles plus tard, sa défaite est proche. Le 8 juin, à six heures et demie du soir, le jury annonce le résultat : Carles occupera la chaire de Toulouse46, Boncennes celle de Poitiers tandis que Becannes recevra la suppléance que Boncennes libère par sa promotion. Crivelli ajoute quelques commentaires qui trahissent son amertume : il affirme que des indiscrétions avaient annoncé les résultats du concours dès son ouverture, prophétie qu’il est aussi difficile de prouver a posteriori que d’interpréter mais qui jette un doute sur la régularité des épreuves. Il souligne la brièveté de la délibération du jury, soit vingt minutes, ce qui, là encore, ne constitue pas une preuve absolue pour autant que le jury ait commencé à esquisser son classement dès les premières épreuves. Surtout il en appelle au témoignage de tous ceux qui avaient prévu son succès, « des magistrats estimables, des pères de famille occupant un rang distingué dans la société »47, ce qui est plus propre à adoucir son chagrin, comme il dit, qu’à modifier le résultat.
25Crivelli ne s’en tient pas à ces plaintes. Il dépose auprès du Conseil royal de l’instruction publique une réclamation accompagnée d’un mémoire justificatif48, cherchant à déstabiliser son concurrent heureux qui, pour sa part, aurait écrit à un ministre, « son protecteur », pour que sa nomination soit promptement confirmée. Surtout, il va rédiger le libelle que nous avons abondamment utilisé et qu’il fait diffuser « avec une profusion vraiment scandaleuse »49 pour reprendre les termes de la plainte adressée par le doyen Basthoulh au Grand maître de l’Université. Il est répandu non seulement à Toulouse mais également dans les départements environnants, avec un effort particulier auprès des milieux judiciaires et juridiques, avec des distributions à la porte du tribunal de première instance et de la Cour d’appel et une remise à chaque étudiant à l’entrée de la Faculté de droit50. Cette dernière se voit donc conduite à porter plainte51 ce qui lui permet d’obtenir une condamnation de Crivelli à trois mois d’emprisonnement et 500 francs d’amende par le tribunal correctionnel52. La condamnation est ensuite annulée en appel dans la mesure où la Cour juge que le libelle attaque moins la Faculté elle-même que les membres du jury et qu’ils sont donc les seuls à avoir qualité pour déposer une plainte53.
26Finalement, tel est bien le problème. En se plaignant des avanies dont il s’est senti accablé, Crivelli transgresse une règle non écrite plus impérative que bien des normes de droit positif. Il s’en est pris, implicitement, à ceux qui étaient chargés de le juger, se les aliénant durablement, compromettant ses chances pour l’avenir. C’est ce que lui prédit Rigal, autre candidat malheureux mais plus prudent : « il peut se présenter d’autres chances en concours... où vous pourriez obtenir des succès que le sort vous a refusés dans cette première lutte, mais que le souvenir de votre imprudente et téméraire conduite pourrait vous faire perdre par le ressentiment qu’elle aurait pu exciter »54. Crivelli en a sans doute conscience. Surtout, il doit se rendre compte que, sauf décision ministérielle, il n’a guère de chance d’être admis à la Faculté de droit de Toulouse. Les rumeurs qui circulent en ville lui laissent peu d’illusion et il s’en fait l’écho : « Tous les membres de la Faculté étaient Toulousains ; il serait d’un dangereux exemple pour l’avenir d’y introduire un étranger. Il ne fallait pas attacher beaucoup d’importance à la manière dont M. Carles s’énonçait ; on y était accoutumé dans Toulouse, où l’on s’accordait à lui reconnaître du mérite ; plusieurs des professeurs actuels sont ses anciens condisciples, ses amis ; ils le verront arriver parmi eux avec plaisir »55.
27On ne peut douter de la réalité de tels propos. En cette première moitié du XIXe siècle où triomphent les notabilités, une Faculté de province comme celle de Toulouse est inévitablement tentée par des modes de recrutement locaux pour choisir ses membres parmi les personnalités en poste sur place. La création de procédures de recrutement nationales sous le Second Empire s’efforcera d’y mettre fin.
Notes de bas de page
1 J.-L. CRIVELLI, Quelques pages pour servir à l’histoire de la faculté de droit de Toulouse ou récit impartial de ce qui a précédé et suivi le concours ouvert dans cette ville le 1er mai 1822, Gaude, Nismes, 1822, 28 p. ; Arch. nat., F17 2078.
2 F. RlGAL, Quelques louanges et représentations amicales adressées à M. Crivelli, [...] à l’occasion de son mémoire [...] ayant pour titre « Quelques pages pour servir à l’histoire de la faculté de droit de Toulouse, ou récit impartial de ce qui a précédé, accompagné et suivi le concours ouvert dans cette ville, le 1er mai 1822 », imp. de J.M. Corne, Toulouse, s.d., 25 p. ; Bibl. nat., Fp. 2506.
3 Un concours qui se termine par quelque procès ou, en tous cas, quelques contestations ne constitue pas une spécificité du XIXe siècle par rapport à la période antérieure à la Révolution : sur « l’extrême litigiosité des concurrents » sous l’Ancien Régime, J. COUDERT, « À propos d’un concours de recrutement à l’Université de Pont-à-Mousson en 1690 : concours et disputes dans les facultés de droit à la fin du XVIIe siècle », Revue d’histoire des Facultés de droit et de la science juridique, n° 18, 1997, p. 7-40.
4 Art. 36 de la loi du 13 mars 1804 relative aux Écoles de droit (DUVERGIER, Collection complète des Lois, Décrets, Ordonnances, Règlements, avis du Conseil-d’État [...], t. XIV, Paris 1836, p. 334.).
5 Ce libéralisme se retrouve, au-delà des procédures de recrutement, dans la garantie d’inamovibilité accordée aux titulaires de chaire, protection rare alors dans la fonction publique non judiciaire (J. DAUVILLIER, « La notion de Chaire Professorale dans les Universités, depuis le Moyen Age jusqu’à nos jours », Annales de la faculté de droit de Toulouse, t. VII, 1959, p. 298).
6 On constate, en dépit des appels effectués par les enseignants au début des cours, « de la tiédeur et de l’inattention (...) de la part d’un certain nombre d’élèves et même des absences très longues à la suite des dictées. » Rapport du recteur de l’académie, 3e trimestre, année 1820-1821, à propos des cours de procédure civile et criminelle, Arch. nat., F17 1628.
7 Pour une comparaison des désordres étudiants à la fin de l’Ancien Régime et au début du XIXe siècle à Toulouse, O. DEVAUX, « Les étudiants en droit de Toulouse sous la Restauration : l’effervescence bonapartiste et libérale », Revue d’histoire des Facultés de droit et de la science juridique, n° 7, 1988, p. 93-105. A noter que, sous le régime napoléonien, l’autorité du recteur et des doyens, nommés, devait être assurée : J. TULARD, « L’Université napoléonienne », dans Histoire de l’administration de l’enseignement en France (1789-1981), Droz, Genève, 1983, p. 11-17.
8 CRIVELLI, op. cit., p. 14-15.
9 Cette organisation en trois séries d’épreuves (composition écrite, trois leçons orales d’une demi-heure et deux argumentations) qui remonte à 1809 « s’inspire beaucoup plus du concours d’agrégation d’Ancien Régime que des anciens concours de chaire » (J. DAUVILLIER, La notion de Chaire Professorale..., p. 300-301). Le concours des chaires fut supprimé par une ordonnance du 17 février 1815 (cf. F. PONTEIL, L’enseignement en France, Sirey, Paris 1966, p. 157-158), puis rétabli, pour les Facultés de droit en 1818 (J. DAUVILLIER, La notion..., p. 298).
10 J. DAUVILLIER, art. cité, p. 292.
11 « Le collège des juges doit être composé de sept à neuf membres. Le terme de jury n’apparaît qu’en 1841. Comme les Facultés de Droit ont été reconstituées par Napoléon avec des effectifs réduits, on ajoute aux professeurs des magistrats des cours d’appel, des docteurs en Droit et d’anciens avocats pour atteindre le chiffre des sept ou neuf juges exigés... » : J. DAUVILLIER, « La notion... », p. 300-301. Voir également J. VERGER (dir.), Histoire des Universités en France, Toulouse, Bibliothèque historique, Privat, 1986, p. 308.
12 Elle était vacante à la suite du décès de Barthélémy Jouvent, ancien avocat à Montpellier, puis accusateur public près le Tribunal criminel de l’Hérault, membre du Conseil des Cinq-cents sous le Directoire, puis du Corps législatif sous le Consulat, enfin nommé à l’École de droit de Toulouse en 1805. Il fut le premier doyen de la Faculté de 1805 à 1815, puis de nouveau du 8 avril 1818 jusqu’à sa mort le 7 août 1821 : J. DAUVILLIER, « Le rôle de la Faculté de Droit de Toulouse dans la rénovation des études juridiques et historiques aux XIXe et XXe siècles », Annales de l’Université des sciences sociales de Toulouse, 1976, p. 348-349).
13 Sur l’École, puis Faculté de droit de Toulouse, entre 1805 et 1830, O. DEVAUX, L’enseignement à Toulouse sous le Consulat et l’Empire, PIEPT, Toulouse 1990, p. 213-232 et 239-244 ; L’enseignement à Toulouse sous la Restauration, PUSST, Toulouse 1994, p. 175- 185.
14 J. DAUVILLIER, art. cité, p. 346.
15 Malpel et Delpech sont recrutés par concours du 2 avril 1819. « Ecole de droit de Toulouse établie par décret du 1er germinal an XII » (tableau récapitulatif des nominations intervenues de 1805 à 1819), Arch. nat., F17 2072 et arrêté de la commission de l’instruction publique, Arch. nat., F17 2077.
16 J. DAUVILLIER, art. cité, p. 354-358.
17 A. ROBERT, E. BOURLOTON et G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français, Bourloton éd., t. III, Paris, 1981, p. 360.
18 Eustache-Antoine HUA, Discours prononcé à la 1ère (sic) séance publique du concours ouvert à la faculté de droit de Toulouse, pour deux chaires de procédure vacantes, l’une à Toulouse, l’autre à Poitiers, [...] séance du 6 mai 1822, imp. de M.-J. Dalles, Toulouse s.d., 8 p. Cf. A. LAQUIEZE, « L’inspection générale des Facultés de droit dans la seconde moitié du XIXe siècle (1852-1888) », Revue d’histoire des Facultés de droit et de la science juridique, n° 9, 1989, p. 35-37.
19 Les professeurs-suppléants des Ecoles de droit tiennent à peu près le rôle des professeurs agrégés sous l’Ancien Régime : ils remplacent les titulaires de chaire lorsqu’ils sont absents et les aident pour les examens. Ils sont nommés à vie à la suite d’un concours et attachés à une Ecole ; ils ont vocation à être ensuite recrutés comme professeur titulaire. Sous la Monarchie de Juillet, les suppléants seront autorisés à faire des cours supplémentaires, puis ils bénéficieront de la résurrection du titre d’agrégé : J. DAUVILLIER, « La notion de Chaire », p. 298-300.
20 Volume factice, bibliothèque du Centre toulousain d’histoire du droit et des idées politiques de l’Université Toulouse 1 Capitole, Q24.
21 « Il nous parla longuement, du défaut faute de comparoir, ainsi appelé dans le vieux jargon du palais, où il est permis aujourd’hui de parler français... » CRIVELLI, op. cit., p. 17.
22 S’il est effectivement « surtout un praticien », Carles est cependant « l’un des avocats les plus appréciés par son expérience, sa finesse d’esprit et la fécondité de ses ressources » : J. DAUVILLIER, « Le rôle de la Faculté de Droit de Toulouse [...] », p. 354.
23 CRIVELLI, op. cit., p. 19.
24 « Les actions à intenter par l’héritier bénéficiaire contre la succession seront intentées contre les autres héritiers ; et s’il n’y en a pas, ou qu’elles soient intentées par tous, elles le seront contre un curateur au bénéfice d’inventaire, nommé en la même forme que le curateur à la succession vacante. »
25 « La prescription ne court pas contre l’héritier bénéficiaire, à l’égard des créances qu’il a contre la succession. Elle court contre une succession vacante, quoique non pourvue du curateur. »
26 Art. 749 : « Dans le cas où la personne morte sans postérité laisse des frères, sœurs, ou des descendants d’eux, si le père ou la mère est prédécédé, la portion qui lui aurait été dévolue conformément au précédent article, se réunit à la moitié déférée aux frères, sœurs ou à leurs représentants, ainsi qu’il sera expliqué à la section V du présent chapitre. » Selon l’art. 748 : « Lorsque les père et mère d’une personne morte sans postérité lui ont survécu, si elle a laissé des frères, sœurs, ou des descendants d’eux, la succession se divise en deux portions égales, dont la moitié seulement est déférée au père et à la mère, qui la partagent entre eux également. L’autre moitié aux frères, sœurs ou descendants d’eux, ainsi qu’il sera expliqué à la section V du présent chapitre. » La section V compte 6 articles. Art. 750 : « En cas de prédécès des père et mère d’une personne morte sans postérité, ses frères, sœurs ou leurs descendants sont appelés à la succession, à l’exclusion des ascendants et des autres collatéraux. Ils succèdent, ou de leur chef, ou par représentation, ainsi qu’il a été réglé dans la section II du présent chapitre. » Art. 751 : « Si les père et mère de la personne morte sans postérité lui ont survécu, ses frères, sœurs ou leurs représentants ne sont appelés qu’à la moitié de la succession. Si le père ou la mère seulement a survécu, ils sont appelés à recueillir les trois quarts. » Art. 752 : « Le partage de la moitié ou des trois quarts dévolus aux frères ou sœurs, aux termes de l’article précédent, s’opère entre eux par égales portions, s’ils sont tous du même lit ; s’ils sont de lits différents, la division se fait par moitié entre les deux lignes paternelle et maternelle du défunt ; les germains prennent part dans les deux lignes) et les utérins ou consanguins chacun dans leur ligne seulement ; s’il n’y a de frères ou sœurs que d’un côté, ils succèdent à la totalité, à l’exclusion de tous autres parents de l’autre ligne. » Art. 753 : « À défaut de frères ou sœurs ou de descendants d’eux, et à défaut d’ascendants dans l’une ou l’autre ligne, la succession est déférée par moitié aux ascendants survivants ; et pour l’autre moitié, aux parents les plus proches de l’autre ligne. S’il y a concours de parents collatéraux du même degré, ils partagent par tête. » Art. 754 : « Dans le cas de l’article précédent, le père ou la mère survivant a l’usufruit du tiers des biens auxquels il ne succède pas en priorité. » Art. 755 : « Les parents au-delà du douzième degré ne succèdent pas. À défaut de parents au degré successible dans une ligne, les parents de l’autre ligne succèdent pour le tout. »
27 « Cette réponse fut accompagnée du susurrum qui s’était fait entendre dans ses leçons... » CRIVELLI, op. cit., p. 22-23. Le Gaffiot semble attester des insuffisances de Crivelli dans le domaine de la langue latine. Ce dictionnaire donne en effet deux orthographes possibles, aucune ne correspondant au terme utilisé par le candidat malheureux : susurrium (chuchotement, bavardages, médisance) et susurrus (chuchotement).
28 Ibid., p. 11.
29 RIGAL, op. cit.
30 Ibid.
31 CRIVELLI, op. cit., p. 15-16.
32 « Déjà Mme Carles s’informe du prix du satin rosé pour la robe de M. le professeur son mari ; elle écrit en fabrique pour n’éprouver aucun retard. Elle exprime hautement son mécontentement de ce que d’autres se mettent sur les rangs pour disputer la chaire de M. Carles (...) son cabinet est fermé aux clients qui s’y présentent ; on leur répond que M. Carles a cessé d’être avocat, qu’il est maintenant professeur à l’Ecole de Droit. » : CRIVELLI, op. cit., p. 8.
33 « Des dîners étaient donnés ; j’en connais les convives ; je sais ce qui s’y disait : on se faisait un plaisir de me tenir au courant des manœuvres de la coterie » (ibid., p. 19-20).
34 Ibid., p. 11.
35 Ibid., p. 15-16.
36 Si l’opération de séduction se joue entre membres du jury, « R. » pourrait être Ruffat et « M. » Malpel ce que confirmerait le fait d’une part que Ruffat, fort conservateur, devait être en effet « divisé d’opinion » (CRIVELLI, op. cit., p. 9) d’avec Carles et d’autre part que, proches contemporains (Ruffat est né en 1762, Malpel en 1765), ils pouvaient en effet être liés d’amitié avec une certaine autorité de Ruffat sur son jeune collègue, à la nomination duquel il avait participé en 1819.
37 CRIVELLI, op. cit., p. 16.
38 Ibid., p. 20.
39 Ibid., p. 21.
40 Ibid., p. 17.
41 RIGAL, op. cit.
42 Ibid.
43 CRIVELLI, op. cit., p. 12.
44 Ibid., p. 13.
45 Catalogue général des livres imprimés de la Bibliothèque nationale, Imp. nationale, t. XXXIV, Paris, 1908, p. 162-163.
46 Le portrait de Carles figure actuellement dans la salle Hauriou de l’Université Toulouse 1 Capitole, héritière de la Faculté de droit.
47 CRIVELLI, op. cit., p. 27.
48 Ibid., p. 4.
49 Lettre du 21 août 1823, Arch. nat., F1? 2079.
50 Rapport du doyen de la Faculté de droit au Grand-Maître de l’Université, 21 août 1823, Arch. nat., F17 2079.
51 Dans son libelle, Rigal laisse prévoir une telle initiative, le menaçant du « danger d’être attaqué pour fait de calomnie » par « la Faculté en corps ». Il souligne les difficultés auxquelles il va se heurter lorsqu’il lui faudra prouver qu’il y a eu, dans le déroulement du concours, des irrégularités ayant abouti à une modification des résultats.
52 Condamnation prononcée le 12 août 1822, Arch. nat., F17 2079.
53 Arrêt du 31 juillet 1823, Arch. nat., F17 2079.
54 RlGAL, op. cit. Ainsi, Malpel, avocat en 1809, avait conquis « les premiers rangs » au barreau de Toulouse « aux côtés de Carles, son futur collègue à la Faculté... » : J. DAUVILLIER, « Le rôle de la Faculté de Droit... », p. 353.
55 CRIVELLI, op. cit., p. 20.
Notes de fin
* Article rédigé avec Olivier Devaux et publié dans Revue d’histoire des Facultés de droit et de la science juridique 2003, n° 23, p. 41 à 55.
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