Jean-Jacques Rousseau et la citoyenneté*
p. 261-276
Texte intégral
1Les analyses de Rousseau sur la citoyenneté ont été trop étudiées et, souvent, critiquées pour qu’il soit possible d’espérer en renouveler profondément la perception. En même temps, elles sont trop importantes et leur influence est trop forte, encore de nos jours, pour que l’on puisse se dispenser de les évoquer dans le cadre d’un colloque comme celui-ci. Ce fut, en tous cas, le sentiment des organisateurs qui n’ont pas souhaité que l’on fasse l’impasse sur celui qui apparaît comme l’un des fondateurs de la notion de citoyenneté telle que la démocratie la définit et la pratique. De fait, au-delà de distinctions souvent complexes entre citoyen, sujet, souverain, peuple, gouvernement… au milieu desquels Rousseau se meut avec une aisance un peu suspecte, les définitions qu’il propose à propos des membres du corps social, de leurs prérogatives, de leurs obligations et des modalités d’exercice de leurs pouvoirs rompent avec des siècles de réflexions tout en en préservant certains éléments. Rousseau hérite de théories et de pratiques façonnées au cours de plus de deux millénaires et qu’il connaît bien. Pour la rédaction de ces Institutions politiques sur lesquels il comptait, plus que sur toute autre œuvre pour mettre le sceau à sa réputation1, et dont le Contrat social ne constitue qu’un extrait, il a longuement étudié les auteurs et les régimes politiques de l’Antiquité. Il y fait de fréquentes allusions dans ses ouvrages.
2Dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité, il esquisse un panorama de la succession des formes politiques depuis l’origine des temps2. Ce tableau chronologique qui revêt un caractère fortement hypothétique, éclaire du moins l’idée qu’il se faisait du bonheur que connaissaient les citoyens après avoir abandonné l’état de nature et des étapes par lesquels ils sont passés, forcés par les circonstances, pour aboutir à la triste situation qui est actuellement la leur. Il raconte comment l’homme s’est détaché de sa solitude primitive pour vivre en famille, puis en groupe. De la division du travail naît le progrès mais aussi une dépendance réciproque qui menace bientôt la liberté et génère les inégalités, l’arbitraire, les jalousies et les tromperies. L’avènement de la propriété constate plus qu’elle n’annonce cette évolution. Elle déclenche un processus en trois étapes qui aboutit à la situation actuelle. Première étape : avec la propriété, se développent les inégalités sociales, la distinction puis l’opposition entre riches et pauvres, le souci des premiers de s’abriter contre la jalousie des seconds par des lois justificatrices. Deuxième étape : pour assurer le respect de ces lois sont instaurées des magistratures électives, avec des choix d’abord fondés sur le talent ou l’expérience, c’est-à-dire l’âge, ce dont témoignent les titres donnés par exemple aux Anciens des Hébreux, aux Gérontes de Sparte ou aux Sénateurs romains. Troisième étape : par une perversion du système, les magistrats élus travaillent à installer durablement le pouvoir dans leur famille, avec l’hérédité des fonctions qui débouche sur le despotisme.
3Les caractéristiques que Rousseau impose au citoyen élèvent ce dernier à un niveau d’où il sera difficile de le faire descendre, qui rendent sa position à la fois exaltante et inconfortable. La haute idée que le Contrat social présente de la notion de souveraineté dont les citoyens sont les seuls titulaires, leur donne une autorité considérable, dont aucun monarque n’aurait même osé rêver. En même temps, une fois que la volonté générale s’est exprimée, leur soumission doit être totale, jusqu’à contraindre ceux qui étaient dans la minorité à reconnaître non seulement leur défaite mais quasi leur erreur. Un programme si valorisant et si contraignant ne peut que susciter un certain nombre de questions. C’est à elles que nous nous attacherons à apporter quelques éléments de réponse, en distinguant d’une part la notion de citoyenneté telle que Rousseau l’extrait, en s’en démarquant, de sa qualité de membre de la République de Genève (I), d’autre part l’idéal qu’il propose à ses semblables comme étant celui auquel ils doivent s’élever pour mériter d’appartenir à la communauté des citoyens, presque « un peuple de Dieux » (II), pour terminer par l’examen de l’exigence, apparemment si peu réaliste, de réunions périodiques de l’ensemble des citoyens en un même lieu pour discuter de problèmes généraux, ce que beaucoup qualifient de « chimère » et sur la tenue desquelles Rousseau s’obstine jusqu’à l’absurde (III).
I – La citoyenneté de Rousseau : le modèle genevois ?
4« Rousseau, citoyen de Genève ». Tel est le titre qu’il porte orgueilleusement depuis son premier ouvrage publié, en 1750, le Discours sur les sciences et les arts3. En fait, converti au catholicisme, il n’y a plus droit, du moins jusqu’à sa réintégration officielle, en 17544. L’année suivante, le Discours sur l’inégalité lui fournit l’occasion, dès la dédicace, de la description enthousiaste d’un gouvernement dans lequel chacun peut reconnaître les institutions de Genève, avec des formules qu’explicitera le Contrat social : le bonheur commun ne peut être assuré « à moins que le peuple et le souverain ne soient une même personne »5 ; un régime démocratique ne fonctionne bien que consolidé par le temps, là « où les citoyens accoutumés de longue main à une sage indépendance, [sont] non seulement libres, mais dignes de l’être » ; il convient que le pouvoir législatif (ce qu’il appelle le droit de législation) soit « commun à tous les citoyens ; car qui peut mieux savoir qu’eux sous quelles conditions il leur convient de vivre ensemble dans une même société » ; en revanche, il serait désastreux que « le peuple croyant pouvoir se passer de ses magistrats ou ne leur laisser qu’une autorité précaire, aurait imprudemment gardé l’administration des affaires civiles et l’exécution de ses propres lois » ; il appartiendra donc aux particuliers d’élire « d’années en années les plus capables et les plus intègres de leurs concitoyens pour administrer la justice et gouverner l’Etat ». Ainsi en peu de mots et une poignée de notions utilisées à bon escient, tout est dit du régime politique que Rousseau appelle de ses vœux : identification du peuple et du souverain, sens des responsabilités chez les citoyens, élaboration par leurs votes directs de toutes les lois, exécution de ces dernières et administration de la cité par un gouvernement élu… Tout y est, entremêlé de fleurs de rhétoriques sur le climat délicieux, le sol fertile, les mœurs frugales et les chastes épouses : le lecteur de 1755 a de la peine à pressentir qu’il y a là toute une construction sur un gouvernement démocratique au centre duquel est placé le citoyen, ce dernier étant à la fois titulaire de tous les pouvoirs et contraint à toutes les vertus. Le Contrat social viendra à point nommé pour expliquer ce qui, autrement, serait resté incompréhensible, et même inaperçu, d’autant que le système genevois qui est censé être décrit et exalté, fonctionne selon une logique fort différente.
5Il est cependant un élément des institutions de Genève que Rousseau paraît avaliser et qui pose problème par rapport à l’équilibre général de son système : c’est la distinction, dans la ville de Calvin6, entre les citoyens et les habitants, les premiers seuls bénéficiaires du droit de vote. Il y est fait quelques allusions dans le Discours sur l’inégalité avec un rappel à la distinction entre les citoyens et les « simples habitants »7. Mais c’est surtout dans le Contrat social que Rousseau explicite ce beau titre dont il continue de se parer dès la couverture. Il y revient au tout début du livre 1er, expliquant de façon un peu contradictoire d’une part que n’étant ni prince, ni législateur il a le temps d’écrire sur la politique plutôt que de la pratiquer, mais d’autre part qu’étant « né citoyen d’un Etat libre et membre du souverain », il lui appartient de méditer sur les gouvernements. Il revient sur la notion de cité et de citoyen un peu plus loin, et c’est l’occasion d’égratigner les Français en général qui confondent la reconnaissance de la qualité de citoyen avec la possession d’une vertu et non d’un droit, et Jean Bodin en particulier qui assimile les citoyens et les bourgeois, « lourde bévue »8. Et de préciser, prenant comme d’habitude Genève comme référence : la ville abrite cinq catégories de personnes qui n’ont aucunement les mêmes droits. Il explique qu’il n’y a que d’Alembert pour avoir bien exposé cette distinction dans l’Encyclopédie : les citoyens ont seuls le pouvoir d’accéder au Petit-Conseil qui gouverne la cité, les bourgeois sont membres du Conseil d’Etat qui regroupe tous les électeurs et peuvent accéder au Grand-Conseil qui juge les affaires importantes et élit les membres du Petit-Conseil, les étrangers nés à Genève ont quelques prérogatives mais ne participent pas aux affaires publiques, les étrangers simplement autorisés à rester à Genève9, enfin les étrangers de passage que d’Alembert avait oubliés et que Rousseau réintroduit dans le tableau. Plus d’un se fondera sur cet éloge de la Ville et République de Genève pour imaginer la démocratie de Rousseau comme réservant le droit de participer aux affaires publiques à un groupe limité, d’autant qu’un peu plus loin il établit un parallèle avec Venise : « abstraction faite de sa grandeur, son Gouvernement n’est pas plus aristocratique que le nôtre »10.
6Les développements que Rousseau consacre aux femmes dans Le discours sur l’inégalité ne rassurent guère sur le caractère universel de ce droit à participer aux affaires publiques. Les épanchements sentimentaux sur les « aimables et vertueuses citoyennes »11 dissimulent mal l’idée fondamentale qu’elles ne sauraient se voir reconnaître de rôle qu’à travers l’influence qu’elles peuvent avoir sur leur mari. Leur « chaste pouvoir [est] exercé seulement dans le cadre conjugal ». Et Rousseau de s’appuyer sur l’exemple de Sparte où c’était ainsi que « les femmes commandaient » : il leur appartient, par leur exemple et la douceur de leur propos de promouvoir l’amour des lois dans l’Etat et la concorde parmi les citoyens. Rousseau leur assigne une série de responsabilités certainement utiles et délicates mais qui les éloignent des lieux de décision politique : réconcilier les familles divisées en favorisant des mariages adaptés, rectifier les idées malsaines que les jeunes gens ont acquises au cours de voyages à l’étranger où ils risquent de s’être laissés séduire par « des femmes perdues » et surtout par de « prétendues grandeurs, frivoles dédommagements de la servitude, qui ne vaudront jamais l’auguste liberté ». En somme, c’est à une magistrature d’influence que Rousseau invite les citoyennes en leur proposant de tirer tout le parti possible de leur « esprit insinuant ».
7Traitant de l’organisation générale de la cité, Rousseau introduit une série de distinctions qui viennent préciser les notions utilisées. Il s’agit, comme il le fait souvent, de désigner la même réalité par des noms différents selon le point de vue que l’on adopte. En l’occurrence, il donne ses divers titres au corps politique, « cette personne publique qui se forme […] par l’union de toutes les autres »12 : on l’appelait autrefois Cité, on le dénomme maintenant République, il est appelé Etat par ses membres quand il est passif, Souverain quand il est actif, Puissance en le comparant avec ses semblables. Le lecteur s’interroge un peu sur l’intérêt d’une telle variété de termes pour parler d’une seule réalité. En tous cas, Rousseau veille par la suite à respecter avec soin ces différences, notamment lorsqu’il explique, dans une formule célèbre mais presque incompréhensible sans cette distinction qu’avec le Contrat social, « chaque individu, contractant, pour ainsi dire, avec lui-même, se trouve engagé dans un double rapport ; savoir, comme membre du Souverain envers les particuliers et comme membre de l’Etat envers le Souverain »13.
8Cette liste de notions identiques sous des noms différents reflète sans doute la volonté de Rousseau d’être aussi précis que possible dans ses analyses. Il s’agit aussi de montrer, dans toute son ampleur, le domaine de compétences du peuple dont les membres, associés au sein du corps social, s’identifient et donc maîtrisent tous les concepts que les théoriciens de la monarchie se sont employés, pendant des siècles à distinguer pour asseoir la légitimité d’un homme recruté avec les techniques aussi aléatoires que l’hérédité et titulaire de la Souveraineté. A ce titre, il est au service de l’Etat, défenseur du peuple et appelé à traiter, à égalité, avec les autres puissances. Avec Rousseau, les choses sont plus simples, pour ne pas dire péremptoires. Le peuple s’identifie à l’Etat, défenseur de l’intérêt général : donc, on ne peut en aucun cas soupçonner que ses décisions expriment autre chose que l’intérêt général pour autant que l’on prenne quelques précautions sur lesquelles nous reviendrons. Le peuple s’identifie avec le Souverain : on ne saurait le priver, sous quelque prétexte que ce soit, du droit de décider lui-même, sans qu’aucune délégation implicite ou explicite puisse être considérée comme valable. Le peuple enfin s’identifie à la Puissance nationale : à ce titre, les autres sujets du droit international ne sauraient traiter avec personne d’autre que lui sauf à s’exposer à se retrouver titulaires d’engagements souscrits par d’autres que ceux qui sont en droit de s’engager.
9De nos jours, une formule résume tout cela, présente dans la plupart des constitutions du monde, présentant le régime en place comme démocratique, c’est-à-dire fondé sur le principe : « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». La phrase, par sa simplicité et par sa confiance dans le fait que le peuple ne puisse jamais décider contre son intérêt n’est pas de Rousseau mais prononcée par Lincoln pendant la guerre de Sécession14. Du moins correspond-elle assez bien aux analyses de Rousseau. La formulation en est plus compréhensible pour un large public de lecteurs ou d’auditeurs avec une identification entre le peuple, le corps social, l’Etat, le Souverain et la Puissance présentée par la répétition du mot peuple plutôt que par l’énumération de notions aux contenus variables selon les auteurs. Entre la publication du Contrat social et sa trace à travers la place décisive accordée au peuple dans la plupart des constitutions du monde, Rousseau renonce à son titre de citoyen de Genève. Ses livres condamnés à Paris et à Genève, lui-même menacé d’être arrêté, il finit par trouver refuge dans le comté de Neuchâtel qui relève du roi de Prusse. Mêlant comme à l’accoutumé raison et sentiment, il annonce à Jacob Favre, premier syndic de Genève, qu’il prend « le parti que l’honneur et la raison me prescrivent, quelque cher qu’il en coûte à mon cœur » : il « abdique à perpétuité [son] droit de bourgeoisie et de cité ».15
II - Les qualités du citoyen selon Rousseau : « un peuple de dieux » ?
10Les deux phrases qui closent le chapitre 4 « De la démocratie » du livre 3 du Contrat social ont été exploitées par les adversaires de Rousseau comme un aveu, de sa part, du caractère irréaliste de ses analyses et de l’impossibilité de mettre en œuvre une véritable démocratie : « S’il y avait un peuple de Dieux, il se gouvernerait Démocratiquement. Un Gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes »16. Il est facile, à partir de là, de déconsidérer les propos de Rousseau sur la souveraineté du peuple, seule source de légitimité : il y aurait le régime idéal, celui où tous les citoyens prennent, par leur suffrage, part à la décision politique et il y a le régime auquel il faut se résigner, compte tenu de l’imperfection de la nature humaine, où le pouvoir est confié à un groupe ou à un homme dont on affecte de croire, avec plus ou moins de bonne foi, qu’ils gouvernent par délégation du peuple. Rousseau rejoindrait ainsi l’immense armée des auteurs qui, depuis des millénaires, depuis les philosophes grecs, dissertent sur la perfection formelle de la démocratie, se lamentent sur l’impossibilité de la mettre en œuvre et finissent par se résigner à des institutions aristocratiques ou monarchiques, les principales variantes tenant à la forme qu’ils donnent à la délégation de pouvoir censée avoir été accordée par les citoyens à ceux qui gouverneront à leur place, implicite ou explicite, en tous cas définitive.
11Pourtant, ailleurs, Rousseau s’emploie, longuement, précisément, à décrire dans quelles conditions doit s’exercer la Souveraineté du peuple, c’est-à-dire le droit des citoyens à prendre toutes les grandes décisions qui intéressent la République. D’abord, il faut que les assemblées réunissant l’ensemble des citoyens soient prévues à des dates régulières, que ses membres n’aient pas besoin de solliciter une convocation, que les magistrats n’aient pas la possibilité de les retarder, voire de les oublier définitivement comme l’histoire en a donné trop d’exemples17. Il est surtout nécessaire que les citoyens se déterminent en fonction de l’intérêt commun et non d’après leurs intérêts privés. Un tel idéal paraît difficile à atteindre. La solution, pour Rousseau : prohiber les « brigues », les « associations partielles [qui se font] aux dépens de la grande », la seule vraie association, celle qui réunit l’ensemble des citoyens constituant le peuple. Si les associations partielles se multiplient, elles substitueront leurs volontés particulières à la volonté générale. « Il importe donc pour avoir bien l’énoncé de la volonté générale qu’il n’y ait pas de société partielle dans l’Etat et que chaque citoyen n’opine que d’après lui »18. Finalement, Rousseau avance une solution rigoureuse qu’il ne propose, il est vrai, que sur le mode hypothétique : « Si, quand le peuple suffisamment informé délibère, les Citoyens n’avaient aucune communication entre eux, […] la délibération serait toujours bonne ». On n’a pas fini de gloser sur ce citoyen interdit de toute communication.
12De fait, c’est sur cet aspect que Rousseau a fait l’objet des critiques les plus véhémentes, celui de la préconisation d’un citoyen abstrait, désincarné puisqu’il lui est prohibé de tenir compte dans son vote d’un intérêt personnel spécifique, un citoyen présenté comme condamné à la solitude jusqu’à un point presque inimaginable car privé de communication avec ses semblables. Ceux qui mettent en cause une conception apparemment si déshumanisée des membres du corps social ont, au surplus, beau jeu de l’opposer aux épanchements sentimentaux auxquels se livre volontiers Rousseau, toujours prêt à s’attendrir sur les charmes de la vie en collectivité, sur les solidarités et les attachements qu’elle fait naître et sur les consolations qu’elle apporte. En même temps, ils affectent de ne pas s’étonner d’une telle contradiction et c’est un autre thème de prédilection des adversaires du reclus de Môtier que de le présenter comme fondamentalement solitaire, vivant comme un sauvage, vêtu en bohémien, ne se complaisant qu’à arpenter la campagne pour herboriser, sans autre contact avec le monde qu’avec une compagne acariâtre, ayant abandonné ses enfants sitôt nés, en somme parfaitement asocial. Rousseau est d’ailleurs sensible à ces critiques, écorché même, comme en témoigne sa réaction à une phrase de Diderot écrivant « qu’il n’y a que le méchant qui soit seul » : il se reconnaît et proteste hautement avec un raisonnement un peu surprenant : celui qui est seul, ne pouvant nuire à personne, ne saurait être méchant19. Il se présente surtout comme rejeté par tous, et d’abord par ceux qu’il croyait ses meilleurs amis et ces plaintes ne plaident guère en faveur de son citoyen privé de communication. En tous cas, cette conception de la citoyenneté lui vaut des critiques largement réparties sur l’échiquier politique.
13A l’extrême droite, ce sont, très tôt, les contre-révolutionnaires qui contestent le tableau qu’il propose du citoyen idéal20. Rien de plus étranger aux traditions de l’Ancien Régime que ce personnage isolé, ne se réclamant d’aucune catégorie sociale, ne se sentant solidaire d’aucune structure professionnelle, ne prétendant au bénéfice d’aucun statut particulier. Dans une société fondée sur l’appartenance de chacun à un ordre, à une corporation, à un groupe… l’individu seul ne peut se targuer d’aucun appui, d’aucune solidarité. Aux Etats généraux, ce sont les corps qui sont représentés, y compris au sein du tiers état : les villes, les métiers, les Universités… Les contre-révolutionnaires font l’éloge de cette conception traditionnelle et réaliste de la société qui prend l’homme comme il est, au milieu des siens, réagissant et donc votant en fonction des intérêts de la petite collectivité à laquelle le rattachent sa naissance et sa position sociale. C’est le mutiler que de le réduire à un personnage désincarné, coupé de son milieu. On ne saurait d’ailleurs s’en étonner : ce citoyen abstrait, sans attache et sans affection est dans la droite ligne de son ancêtre, cet homme primitif vivant dans l’état de nature, sans lien avec ses semblables et censé y puiser son bonheur. Certains contre-révolutionnaires en viennent à dénoncer une conception inhumaine de l’individu soumis par les disciples de Rousseau à toutes sortes d’expérimentations politiques, traité comme un animal de laboratoire21, obligé par des constitutionnalistes irresponsables de se plier aux régimes politiques les plus divers, inefficaces sauf dans l’organisation de la Terreur contre leurs adversaires réels ou supposés, faisant le malheur de l’humanité et d’abord des Français par leurs innovations qu’aucune expérience fondée sur l’histoire n’est venue valider.
14Au centre si l’on peut dire, les libéraux ne peuvent se contenter de la démonstration rouseauiste sur les garanties que le contrat social est censé apporter aux libertés des citoyens : « chacun se donnant à tous ne se donne à personne »22. Et de souligner tout ce que cette démonstration a de tautologique. Il est vrai qu’un peu plus loin dans le Contrat social, Rousseau explicite son analyse sur la liberté perdue et retrouvée : « Ce que l’homme perd par le Contrat social, c’est sa liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente et qu’il peut atteindre ; ce qu’il gagne, c’est la liberté civile et la propriété de tout ce qu’il possède »23. Si attachés qu’ils soient à la propriété, les libéraux du début du XIXe siècle ne sauraient s’en satisfaire et d’abord Benjamin Constant dès le début de ses Principes de politiques : l’erreur de Rousseau consistant à ne pas reconnaître de droits individuels opposables à la liberté « a fait de son contrat social, si souvent invoqué en faveur de la liberté, le plus terrible auxiliaire de tous les genres de despotisme »24. Les libéraux développent l’idée qu’il ne peut y avoir de souveraineté absolue : elle doit être toujours limitée, même, voire surtout lorsqu’il s’agit de souveraineté populaire, la plus difficile à maîtriser lorsqu’elle est tentée, sous l’effet d’une exaltation quelconque, souvent suggérée de l’extérieur, de voter des décisions tyranniques. Dans cette logique, l’école libérale conduite par Constant se méfie de la démocratie. Elles se réconcilieront par la suite, notamment sous l’influence de Tocqueville qui constate, aux Etats-Unis, que démocratie et liberté peuvent coexister. La critique libérale contre Rousseau se déplace alors, certains ayant tendance à lui imputer une part de responsabilité dans l’interdiction, formulée dans la loi Le Chapelier de 179125, de se regrouper au nom de « prétendus intérêts communs » : surtout dirigé contre les syndicats de salariés ou d’employeurs, ce texte empêche, par extension, tout parti politique organisé. Il est vrai qu’il y a du Rousseau dans cette interdiction prononcée au nom des « principes de la liberté et de la constitution ».26
15A l’extrême-gauche, les marxistes ne sauraient se satisfaire des analyses de Rousseau quant à la vraie démocratie. Au-delà de la dénonciation du prophète de la Révolution française de 1789, révolution bourgeoise au service de l’arrivée au pouvoir d’une classe sociale qui souhaite mettre les hiérarchies politiques en harmonie avec les hiérarchies économiques et sociales, il est clair que le tenant d’une conception matérialiste de l’histoire ne peut accepter que le citoyen ne dépende en aucune façon, dans ses choix, de sa place dans le cycle de production. Il est inadmissible que, sauf aliénation qu’il convient de dénoncer, ce citoyen n’intègre pas, dans son vote, la prise en compte de l’exploitation dont il fait l’objet de la part de la classe économiquement dominante, de plus en plus minoritaire du fait de la concentration progressive du capital entre un nombre de mains de plus en plus réduit et, symétriquement du fait de la généralisation de la condition prolétarienne. Rien de plus étranger à l’analyse marxiste que cette conception d’un citoyen mettant en quelque sorte un point d’honneur à se libérer de toute influence économique et sociale dans l’expression de sa volonté démocratique. C’est Althusser qui, à la veille de 1968, a donné la plus convaincante interprétation de cette critique marxiste de Rousseau, dénonçant le refus des « associations partielles, » le présentant comme une dénégation idéologique de l’existence des classes sociales, et plus généralement comme une dénégation de l’économie elle-même27. Sur cette question de la place de l’économie dans le Contrat social, certains ont d’ailleurs pu parler, replaçant le problème dans son époque, d’« aliénation physiocratique » de Rousseau28.
16En fait, Rousseau ne se fait pas d’illusion sur les qualités du citoyen et sur sa capacité à s’élever au-dessus de son intérêt particulier. Il sait les périls qui menacent la démocratie « quand le nœud social commence à se relâcher, et l’Etat à s’affaiblir »29. C’est alors le règne du « fourbe adroit », du « parleur insinuant » car si le peuple ne se trompe pas, on peut le tromper30. Il peut même arriver que certains s’oublient jusqu’à vendre leur suffrage à prix d’argent. Ils font passer l’intérêt d’un homme ou d’un parti avant l’intérêt général mais c’est parce que la question leur été mal posée ou qu’ils n’y répondent pas. De ce dernier point de vue, il est décisif que les lois proposées au peuple aient toujours une portée générale, qu’elle « considère les sujets en corps et les actions comme abstraites »31 de façon à ce que la volonté générale, partant de tous, s’applique à tous. C’est à ce prix que l’on évitera par exemple, la loi trop rigoureuse puisque chacun pourra craindre qu’elle lui soit appliquée. Et Rousseau de dénoncer les erreurs du système athénien qui autorisait le peuple à punir certains nommément désignés, à récompenser d’autres, en fonction des jeux d’influences et des inimitiés. Si le Souverain est sacré, absolu, inviolable, il ne peut pour autant sortir du domaine d’intervention qui est le sien. Il « n’est jamais en droit de charger un sujet plus qu’un autre, parce qu’alors l’affaire devenant particulière, son pouvoir n’est plus compétent »32. Encore faut-il déterminer quelle autorité aura le pouvoir de décliner les lois à portée générale pour en tirer les conséquences particulières qui s’imposent.
17C’est ici qu’intervient la seconde grande distinction proposée par Rousseau, après celle consistant à séparer Etat, Souverain et Puissance. Ici, il a le sentiment de la complexité de ses analyses et en avertit le lecteur, sur un ton passablement menaçant : « ce chapitre doit être lu posément et […] je ne sais pas l’art d’être clair pour qui ne veut pas être attentif »33. En fait, il s’agit d’introduire une notion déjà utilisée dans un sens comparable, notamment par Jean Bodin, celle de « Gouvernement » opposé au « Souverain ». Le premier exécute les lois que le second a votées. Simplement, là où Jean Bodin distingue trois sortes de souverainetés, selon qu’elle appartient à tous, à quelques-uns ou à un seul, et trois sortes de gouvernements répartis selon le même critère, ce qui peut aboutir théoriquement à définir jusqu’à neuf régimes différents, Rousseau, qui n’imagine aucune forme politique légitime où la Souveraineté échappe au peuple, ne débouche que sur trois variantes en tout et pour tout, selon que le gouvernement, composé d’un ou plusieurs magistrats, est monarchique, aristocratique ou démocratique34. Il se défie du gouvernement monarchique sauf dans les grands Etats où l’autorité exécutive doit être concentrée pour rester efficace mais qui risquent des troubles à chaque passage d’un monarque à un autre. Il fait porter ses préférences sur le gouvernement aristocratique pourvu que ses membres soient élus. Enfin, c’est à propos du gouvernement démocratique qu’il est indiqué qu’il ne peut convenir qu’à un peuple de dieux.
III - La réunion des citoyens pour Rousseau : « une chimère » ?
18Les plus convaincus du bien fondé des analyses de Rousseau s’interrogent : est-il réaliste d’exiger que le peuple vote les lois et élise les magistrats au suffrage direct, tous les citoyens rassemblés pour s’exprimer et permettre de dégager la volonté générale. Il est vrai qu’à l’époque de Rousseau les exemples tirés de l’histoire -quelques cités grecques et Rome- et de l’observation des régimes de son temps -Venise et quelques cantons suisses au premier rang desquels Genève- ne donnaient l’exemple que de corps de citoyens relativement réduits, ne dépassant guère les 10 000 individus35 donc susceptibles de se réunir en un lieu unique, surtout pour autant qu’il y ait des absents. En même temps, les formules utilisées par Rousseau sont trop générales pour que l’on puisse soutenir qu’il n’entend raisonner que pour quelques cités-Etats : il ne fait pas de doute que, pour lui, la souveraineté appartient toujours au peuple, composé de citoyens, quelle que soit la taille de la population considérée. Il accentue le trait en refusant absolument toute forme de délégation -si provisoire et contrôlée soit-elle- dans l’exercice de leurs prérogatives par les citoyens. Son chapitre sur les « Députés ou Représentants » est le plus véhément par la dénonciation de toute tentation à laquelle le peuple pourrait succomber de confier la confection des lois ou l’élection des magistrats à des personnalités qu’il aurait choisi et auxquelles il s’en remettrait pour un temps limité : « A l’instant qu’un Peuple se donne des Représentants, il n’est plus libre ; il n’est plus »36. Il est vrai que, pour Rousseau, un tel abandon par les citoyens de leurs prérogatives n’est pas seulement le signe de la recherche d’un système plus commode à faire fonctionner sans avoir à se réunir trop souvent, c’est la marque de la perte du sens civique : la survie même de l’Etat est menacée par l’existence de citoyens si démotivés37. Il n’hésite pas à se démarquer de l’anglophilie si développée à l’époque, expliquant que le peuple anglais a tort de se croire libre parce qu’il élit ses représentants : il ne l’est véritablement que pendant la période d’élection des membres du Parlement : « sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien »38.
19Les interprétations des divers commentateurs de Rousseau, inégalement bienveillants, se sont du moins très généralement accordées à constater le caractère irréaliste, dans les grands Etats modernes, d’un vote direct des lois par l’ensemble des citoyens. Ils ne peuvent cependant écarter purement et simplement cette proposition tant le prestige des analyses de Rousseau et le courant d’adhésion en faveur des idées démocratiques telles qu’il les présente étaient puissants au XIXe siècle. La solution à laquelle beaucoup se sont alors ralliés consiste à affirmer que Rousseau lui-même ne croit pas à son Souverain intégrant l’ensemble de la population et n’utilise une hypothèse si provocatrice que comme un procédé pédagogique pour faire prendre conscience à chacun de son caractère absurde. Ainsi, sans attaquer trop de front les valeurs démocratiques, sans s’opposer trop ouvertement à ceux qui y puisent l’assurance valorisante de détenir une parcelle de souveraineté, l’on peut tenter de les dissuader d’en réclamer l’exercice en les présentant comme des lecteurs trop naïfs, trop crédules, trop au premier degré du Contrat social. Plusieurs contre-révolutionnaires affirment que Rousseau ne croit pas à la possibilité d’installer un régime fondé sur le suffrage du peuple39 : à l’appui de leur thèse, ils interprètent comme un aveu la fameuse formule sur le fait que « un Gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes », constat dont nous avons vu qu’il concernait la forme que pouvait prendre l’autorité exécutive. Il leur est facile d’invoquer également, à l’appui de leur argumentation, les nombreux passages où Rousseau présente ses contemporains comme pervertis par l’évolution de la société, ayant perdu les vertus simples de leurs ancêtres. La conclusion est simple : Rousseau ne présenterait l’idéal démocratique que pour mieux nous faire prendre conscience de notre indignité.
20L’interprétation des libéraux est un peu différente même s’ils arrivent à une conclusion voisine. Le point de départ est le même : personne ne peut sérieusement soutenir qu’il soit possible de rassembler des millions d’individus pour leur faire prendre une position claire sur des problèmes complexes qui engagent l’ensemble du corps social pour de longues années. En outre, pour qui a pu constater, notamment sous la Révolution, les emballements, parfois les excès dans la rigueur, auquel le peuple était capable de se livrer, rien ne paraît plus dangereux que de s’en remettre à un vote populaire : il peut être pris sous le coup de l’émotion, notamment d’une colère d’autant plus dangereuse qu’elle paraît l’expression du sentiment profond de l’ensemble de la population alors qu’elle n’est que la réaction fugitive d’une majorité de rencontre. Les libertés individuelles courraient de grands risques à se trouver exposées à de tels hasards. Dans ces conditions, les préconisations de Rousseau pourraient jouer un rôle utile en montrant toute la difficulté qu’il y a à faire s’exprimer l’ensemble des citoyens. On ne peut l’accuser d’imposer des procédures rigides. Il tire simplement les conséquences logiques des principes qu’il énonce : il faut réunir les citoyens en un même lieu, leur imposer un entassement malcommode, obtenir un silence toujours précaire, imposer des votes publics ce qui garantit leur honnêteté mais qui risque de provoquer l’abstention…40 Ici aussi les obstacles font figure de bienfaits : ils dissuadent de chercher à mobiliser ce pouvoir surhumain que serait celui d’un peuple souverain, un pouvoir que Rousseau décrit comme si exagéré et si incontrôlable que personne ne peut souhaiter le voir s’exercer.
21Il est même une école réaliste, quasi politologique qui peut trouver chez Rousseau des accents capables de répondre à ses préoccupations. Il y a chez l’auteur du Contrat social, au-delà des déclarations de principe sur le caractère inaliénable, indivisible et infaillible de la souveraineté populaire, un éloge des régimes mixtes, adaptés au naturel de chaque peuple. Il refuse hautement de se prononcer sur le « meilleur gouvernement » : c’est « une question insoluble comme indéterminée ; ou si l’on veut elle a autant de bonnes solutions qu’il y a de combinaisons possibles dans les positions absolues et relatives des peuples »41. Suivent toute une série de développements sur les attentes différentes des divers membres du corps social, sur la difficulté qu’il y a à les satisfaire durablement et sur un critère qui, du moins, donne une idée du succès ou de l’échec des gouvernants : l’évolution démographique naturelle de la population42. S’interrogeant sur les souhaits des citoyens, il esquisse une petite théorie des climats sur les conditions de vie, de logement et de nourriture des populations du nord et du sud. Si, comme la plupart de ceux qui, à la même époque, se livrent à ce genre de comparaisons approximatives, il arrive à des conclusions un peu simplificatrices43, du moins n’en tire-t-il pas des conclusions trop malveillantes pour le sud. En revanche, fidèle à lui-même, il se montre à la fois exigeant et pessimiste quant aux citoyens en général et à leur capacité à rester dignes des hautes qualités nécessaires pour préserver leur souveraineté et résister aux tendances despotiques d’un gouvernement qui leur est théoriquement soumis mais qui rêve toujours de devenir indépendant, voire dominant. Il prévoit le moment où les citoyens seront « avares, lâches, pusillanimes, plus amoureux du repos que de la liberté » : c’est alors que « l’autorité Souveraine s’évanouit à la fin, et que la plupart des cités tombent et périssent avant le temps »44.
22Une affirmation revient comme un leitmotiv, sur la supériorité des petits Etats, à condition du moins qu’ils soient en mesure de se défendre contre les agressions extérieures : un pays ne doit être « ni trop grand pour pouvoir être bien gouverné, ni trop petit pour pouvoir se maintenir par lui-même »45. Les arguments sont multiples. Le premier tient à ce qu’il est plus facile de gouverner un nombre limité de personnes ; à l’inverse, lorsque la population est trop nombreuse, elle suppose la mise en place d’une administration lourde, hiérarchisée, centralisée, lointaine et coûteuse : autant d’éléments qui rendent le gouvernement moins efficace et qui démoralisent les citoyens46. La démocratie elle-même risque de se trouver menacée. Certes, la souveraineté ne peut appartenir qu’au peuple quelle que soit l’importance de la population. Cela ne saurait se négocier. En revanche, une sorte de loi peut être déduite de l’observation des faits : « plus l’Etat s’agrandit, plus le Gouvernement doit se resserrer ; tellement que le nombre des chefs diminue en raison de l’augmentation du peuple »47. Il précise sa pensée : les petites cités ont vocation à être gouvernées démocratiquement, les nations de taille moyenne aristocratiquement et les grands Empires par un monarque. On imagine où vont ses préférences d’autant que, plus la population est importante, plus le gouvernement doit se montrer rigoureux48.
23Au-delà de la difficulté pour le gouvernement de rester modéré et efficace lorsqu’il a la responsabilité d’un grand Etat, reste la question de la réunion en un même lieu du corps social. Quelques chiffres avancées par Rousseau paraissent menaçants pour la démocratie mais conformes au mode de fonctionnement des cités grecques. Sa démonstration pourrait être source de malentendus : il imagine en effet successivement le fonctionnement d’un Etat composé de dix mille citoyens, puis d’un autre rassemblant cent mille sujets49. Ici encore, une distinction -la troisième-éclaire tout et éloigne l’idée qu’à partir d’un certain nombre, les membres du peuple ne puissent plus être citoyens mais seulement sujets : en fait, il s’agit, comme Rousseau le fait souvent, ainsi qu’on l’a déjà remarqué, de désigner la même réalité par des noms différents selon le point de vue que l’on adopte. Ce sont donc les mêmes qui sont simultanément « Citoyens comme participant à l’autorité souveraine, et Sujets comme soumis aux lois de l’Etat »50. L’énigme demeure des modalités de réunion de tout un peuple. Rousseau s’en débarrasse avec quelque désinvolture. Il a conscience des objections soulevées par beaucoup : « Le peuple assemblée, dira-t-on ! Quelle chimère ! »51 Et d’appeler à l’aide l’expérience de l’Antiquité : « C’est une chimère aujourd’hui, mais ce n’en était pas une il y a deux mille ans : les Hommes ont-ils changé de nature ? ». Il évalue le nombre maximum de citoyens à Rome à 400 000 et dans l’Empire à quatre millions. « Cependant il se passait peu de semaines que le peuple romain ne fût assemblé, et même plusieurs fois ». Il y ajoute, pour faire bonne mesure, le souvenir des assemblées populaires en Macédoine et chez les Francs.
*
24On a privilégié, dans ces lignes, une lecture de Rousseau assez classique et finalement valorisante pour lui, ce qu’il n’y a pas lieu de regretter. L’on a insisté sur la logique interne de sa pensée. Tel qu’on l’a décrit, il pose un certain nombre de principes, par exemple la souveraineté populaire présentée comme inaliénable, indivisible et infaillible. Il définit un certain nombre de concepts, ainsi de la République, du corps social, du prince, du magistrat… Il en déduit ensuite toutes les conséquences avec une logique implacable jusqu’à paraître parfois un peu pesante et une volonté de convaincre qui, dans certains cas, emprunte aux mathématiques leurs méthodes de démonstration. L’ensemble est imposant et l’on en sort d’autant plus convaincu et même admiratif qu’il a fallu faire un effort plus grand pour pénétrer dans un système dont la cohérence est grande, même si elle n’apparaît pas de prime abord. L’on adhère à ses thèses avec une conviction en partie puisée dans la satisfaction d’avoir le sentiment de maîtriser des concepts compliqués et dans le plaisir d’avoir compris comment s’articulent des notions qui se recouvrent parfois dans leur délimitation, sinon dans leur fonction. L’image du citoyen telle qu’elle se dégage, séduit non seulement par son caractère absolu et exigeant mais aussi par sa capacité à s’intégrer dans une description de la démocratie présentée comme le seul régime possible, hors duquel la communauté disparaît.
25Il est une autre lecture, moins théorique mais qui doit avoir sa part de vérité dans la recherche des modes d’élaboration de la pensée de Rousseau. Pour s’en tenir au citoyen puisque c’est notre propos, l’on pourrait soutenir avec quelque vraisemblance que chaque caractéristique, chaque exigence, chaque prérogative qui lui sont attachées fournit une réponse, constitue une précaution contre les dangers dont l’histoire montre qu’ils menacent sa survie en tant que citoyen et jusqu’à la démocratie elle-même. Sa dénonciation des cités qui risquent de disparaître parce que le nombre de citoyens diminue au point de compromettre sa défense renvoie au destin d’Athènes qui ne parvient pas à maintenir le nombre de défenseurs nécessaire pour repousser les agressions venant de l’extérieur. Les exhortations à préserver l’esprit civique, à ne pas se désintéresser de la participation aux assemblées, à ne pas se laisser séduire par les promesses financières, tendent à prémunir contre l’évolution de la République romaine où le peuple s’est progressivement laissé déposséder de ses prérogatives par le gouvernement impérial. L’obligation fermement rappelé de réunir régulièrement le corps des citoyens renvoi à des polémiques qui marquent la vie politique à Genève, à plusieurs reprises et jusqu’au XVIIIe siècle.
26Encore que les références soient moins nombreuses qu’aux dérives des rares régimes républicains sur lesquels Rousseau pouvait se fonder, nombre de ses affirmations font figure de répliques aux auteurs de son temps et des siècles passées. L’on n’a, bien sûr, pas de peine à reconnaître une réfutation de Montesquieu, dans ce refus de toute forme de séparation des pouvoirs et dans cette comparaison, cruelle mais amusante, avec « les charlatans du Japon » qui font semblant de découper un enfant avant de le reconstituer. Il est plus difficile de repérer ceux auxquels il répond en affirmant que la souveraineté ne peut se perdre par prescription, même par une longue abstention des citoyens à l’exercer et que, si prolongée que soit leur inaction, cela ne peut en aucun cas légitimer, pas même implicitement, le pouvoir d’un roi ou d’un empereur : de fait, les auteurs sont trop nombreux sous l’Ancien Régime à avoir soutenu cette thèse à l’appui de la monarchie pour que l’on puisse en isoler un. Il en va de même de l’affirmation, hautement réfutée par Rousseau, des bienfaits qu’un chef unique peut garantir à une population soumise : si l’ampleur du corps social à organiser est telle qu’il faut se résigner à placer le gouvernement entre les mains d’une seule personne, ce ne peut être qu’un pis aller, avec des contraintes qui ne sauraient être une source de bonheur pour les citoyens, avec le risque toujours présent que le prince cherche à s’imposer sur le peuple, contre tout droit et toute logique.
27La description très minutieuse des comices à Rome a pu paraître à certains lecteurs un peu fastidieuse avec un luxe de détails qui semble déplacé dans un ouvrage qui se veut concentré sur les aspects fondamentaux, avec un souci de reconstitution historique qui correspond à la volonté de se projeter dans l’avenir plus que de se complaire dans le passé. Au surplus, les limites des connaissances de l’époque font que certains développements, malgré les efforts de Rousseau pour être exact et précis, paraissent de nos jours dépassés ou, en tous cas, simplificateurs. Cette recherche érudite répond au souci de l’auteur du Contrat social de mettre en garde les citoyens contre les fautes, les erreurs, les facilités qui peuvent ébranler la République. C’est le comportement des citoyens et d’abord au sein des assemblées, lorsqu’ils délibèrent ensemble, qui constitue la principale menace contre la survie de la souveraineté populaire. C’est de l’intérieur que peuvent venir les seuls coups susceptibles de l’abattre. La description exaltée de la citoyenneté s’appuie, chez Rousseau, sur une connaissance minutieuse de la démocratie et des périls qui la menacent.
Notes de bas de page
1 Jean-Jacques ROUSSEAU, Les Confessions, (1782-1789), livre 9.
2 Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, par Jean Jacques Rousseau citoyen de Genève, 1755, in fine.
3 Discours qui a remporté le prix de l’Académie de Dijon en l’année 1750 sur cette question proposée par la même Académie : Si le rétablissement des Sciences et des Arts a contribué à épurer les mœurs, par un Citoyen de Genève.
4 Il s’en explique dans les Confessions, attribuant son désir d’être réintégré à la chaleur de l’accueil reçu à Genève : « Arrivé dans cette ville, je me livrai à l’enthousiasme républicain qui m’y avait amené. Cet enthousiasme augmenta par l’accueil que j’y reçus. Fêté, caressé dans tous les états, je m’y livrai tout entier au zèle patriotique, et, honteux d’être exclu de mes droits de citoyen par la profession d’un autre culte que celui de mes pères, je résolus de reprendre ouvertement ce dernier » (Confessions, livre 8).
5 « Dédicace » du Discours sur l’inégalité. Les autres citations de ce paragraphe sont également extraites de cette dédicace.
6 A noter, dans le Contrat social, livre 2, chap. 7, note a, un vibrant éloge de Calvin : « Ceux qui ne considèrent Calvin que comme théologien connaissent mal l’étendue de son génie. La rédaction de nos sages Edits, à laquelle il eut beaucoup de part, lui fait autant d’honneur de son institution […] ».
7 Ibid.
8 Contrat social, livre 1, chap. 6.
9 Article « Genève » dans l’Encyclopédie (1757). D’Alembert y est également très bienveillant pour ce mode de gouvernement qui « a tous les avantages et aucun des inconvénients de la démocratie ». Favorable dans le Contrat social, Rousseau avait pris ses distances avec cet article dans sa Lettre à d’Alembert sur les spectacles, en 1758. V. Encyclopédie de Genève, t. 4 : Les institutions politiques, judiciaires et militaires, Genève 1985, p. 88 à 91.
10 Contrat social, livre 4, chap. 3. A noter que, selon Rousseau dans les Confessions (livre 9), c’est à Venise, en 1743-1744, qu’ayant eu « l’occasion de remarquer les défauts de ce gouvernement si vanté » il a « conçu la première idée » de rédiger ces Institutions politiques dont sortit le Contrat social. Le contre-modèle vénitien serait donc presque aussi important que le modèle genevois.
11 Dédicace du Discours sur l’inégalité. On ne citera pas ici d’éléments bibliographiques sur « Rousseau et les femmes » dans la mesure où la plupart sont plus riches de considérations psychanalytiques que politiques.
12 Contrat social, livre 1, chap. 6.
13 Id, livre 1, chap. 7.
14 Formule finale du discours d’une exceptionnelle brièveté et densité prononcé le 19 novembre 1863, lors de la cérémonie de consécration du lieu où avait eu lieu la bataille décisive de Gettysburg (1er-3 juillet 1863).
15 Jean-Jacques ROUSSEAU, Lettres (1728-1778), Guilde du livre, Lausanne 1959, Lettre n° 89 du 12 mai 1763.
16 Contrat social, livre 3, chap. 4.
17 Id., livre 3, chap. 13.
18 Id., livre 2, chap. 3. Curieusement, Rousseau cite en note, à l’appui de sa dénonciation des sociétés partielles, un extrait des Histoires florentines de Machiavel qui analyse et apprécie les rivalités opposant les citoyens entre eux dans le cadre des régimes républicains : Machiavel les juge nuisibles ou utiles selon qu’elles débouchent ou non sur des factions. Les commentateurs de Rousseau ont puisé dans cette référence une confirmation du caractère réaliste des analyses de Rousseau qui se rend bien compte des oppositions qui peuvent déchirer la République mais qui cherche à en limiter les conséquences.
19 Les Confessions, chapitre 9.
20 Jean TULARD (dir.), La contre-révolution, origines, Histoire, postérité, Perrin, Paris 1990, passim (not. notre article).
21 C’est l’image popularisée par Edmund Burke, celui des révolutionnaires traitant leurs concitoyens comme un savant traite des souris placés sous une cloche en verre et mourant d’asphyxie pour expérimenter les lois sur la raréfaction de l’air. A noter que BURKE, fondateur du courant contre-révolutionnaire, critique davantage les disciples de Rousseau que Rousseau lui-même (Réflexions sur la Révolution en France, 1790).
22 Contrat social, livre 1, chap. 6. Telle est la solution proposée par Rousseau dans le cadre de sa recherche pour « trouver une forme d’association […] par laquelle chacun […] reste aussi libre qu’auparavant » (id.).
23 Id., livre 1, chap. 9.
24 Benjamin CONSTANT, Principes de Politique, applicables à tous les gouvernements représentatifs et particulièrement à la Constitution actuelle de la France, 1815, chap. 1. Cf. sur cette question les notes d’Olivier DEVAUX, dans l’édition des Œuvres complètes de Benjamin Constant, t. IX, vol. 2, Max Niemeyer Verlag, Tübingen 2001, p. 682 et s. A noter que, comme Locke, manifestant de l’indulgence à l’égard de Rousseau, Constant lui reconnaît d’avoir mis des conditions telles à la manifestation de son pouvoir souverain par le peuple (pas de délégation, pas de représentation), que cela revient à en rendre l’exercice impossible (Principes de politique, chap. 1).
25 Décret des 14-17 juin 1791, art. 2.
26 Id., art. 4.
27 Louis ALTHUSSER, « Sur le Contrat social (les Décalages) », dans L’impensé de Jean-Jacques Rousseau, Cahiers pour l’analyse, n° 8, 1967. A noter que, comme on l’a vu plus haut avec Locke et Constant, Althusser a tendance à réhabiliter Rousseau en l’utilisant dans sa propre quête d’un matérialisme qui refuse la dialectique, lui préférant un « matérialisme de la rencontre » (Yves VARGAS, « Althusser-Rousseau : aller-retour », dans Etudes Jean-Jacques Rousseau, n° 13, 2002, p. 9-20 ; dans la même livraison : M. LAUNAY, « Gramsci et Rousseau : le peuple et la politique »).
28 Cf. Reinhard BACH, « Rousseau et les physiocrates : une cohabitation contradictoire », dans Etudes Jean-Jacques Rousseau, n° 11, 1999.
29 Contrat social, livre 4, chap. 1.
30 « Jamais on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe, et c’est alors seulement qu’il paraît vouloir ce qui est mal » (Le Contrat social, livre 2, chap. 3).
31 Contrat social, livre 2, chap. 6.
32 Contrat social, livre 2, chap. 4.
33 Contrat social, livre 3, chap. 1.
34 Contrat social, livre 3, chap. 3 à 6.
35 A contrario l’exemple de Rome montre l’impossibilité de réunir le peuple à partir du moment où l’extension de la citoyenneté rendit impossible la venue de plusieurs dizaines de milliers de personnes venant de toutes les grandes villes d’un Empire couvrant l’ensemble du bassin méditerranéen. Rousseau qui consacre aux « Comices romains » le plus long chapitre -avec celui portant sur la religion- du Contrat social ne paraît guère s’interroger sur les méthodes susceptibles de permettre à tant de gens résidant si loin les uns des autres de se retrouver pour délibérer. Il se borne à s’émerveiller que cela ait pu être possible : « ce qu’il y a d’incroyable, c’est qu’au milieu de tant d’abus, ce peuple immense, à la faveur de ses anciens règlements, ne laissait pas d’élire les magistrats, de passer les lois, de juger les causes, d’expédier les affaires particulières et publiques, presque avec autant de facilité qu’eût pu faire le Sénat lui-même » (Contrat social, livre 4, chap. 4). Cf. J. COUSIN, « Rousseau interprète des institutions romaines dans le Contrat social », dans Etudes sur le Contrat social, Les Belles Lettres, 1964.
36 Contrat social, livre 3, chap. 15.
37 C’est un thème classique chez Rousseau : en n’exerçant pas ses prérogatives, le peuple souverain se nie lui-même, il constate son inexistence : « si le peuple promet simplement d’obéir, il se dissout par cet acte, il perd sa qualité de peuple ; à l’instant où il y a un maître il n’y a plus de Souverain, et dès lors le corps politique est détruit » (Contrat social, livre 2, chap. 1). La détermination de Rousseau à exhorter le peuple à ne pas abandonner, si peu que ce soit, sa souveraineté, s’explique par la volonté de prendre, sans le dire, le contre pied de générations d’auteurs politiques qui, tout en reconnaissant le pouvoir originaire du peuple, légitimaient le monarque en invoquant un abandon tacite et définitif par le peuple de ses prérogatives.
38 Contrat social, livre 3, chap. 15.
39 Cet argument est apparu très tôt : v. notamment A. CABANIS, « Le courant contre-révolutionnaire sous le Consulat et l’Empire », Revue des sciences politiques, 1971, p. 38 à 40.
40 Sur les obstacles aux réunions populaires en Europe occidentale par opposition aux facilités que fournissaient le climat et le civisme à Athènes : « six mois de l’année la place publique n’est pas tenable, vos voix sourdes ne peuvent se faire entendre en plein air, vous donnez plus à votre gain qu’à votre liberté [i.e. dans le langage de Rousseau : nous donnons la priorité à notre métier sur la participation aux affaires publiques], et vous craignez bien moins l’esclavage que la misère » (Le Contrat social, t. 3, chap. 15).
41 Contrat social, livre 3, chap. 9. On retrouve ce souci d’adapter les institutions politiques aux caractéristiques de chaque peuple dans deux consultations données par Rousseau : Projet de Constitution pour la Corse (rédigé en 1765, publié en 1861) et Considérations sur le gouvernement de la Pologne (rédigé en 1771, publié en 1782). Cf. D. et André CABANIS, Introduction à l’histoire des idées politiques, Publisud, Paris 1989, p. 106.
42 « Le gouvernement sous lequel, sans moyens étrangers, sans naturalisation, sans colonies les Citoyens peuplent et multiplient davantage, est infailliblement le meilleur : celui sous lequel le peuple diminue et dépérit est le pire » (id.).
43 « Quand tout le midi serait couvert de Républiques et tout le nord d’Etats despotiques il n’en serait pas moins vrai que par l’effet du climat le despotisme convient aux pays chauds, la barbarie aux pays froids, et la bonne politique aux régions intermédiaires » (Contrat social, livre 3, chap. 8). Sur les préjugés du temps : cf. André CABANIS, « La science et le mythe. Naissance de la statistique et discours sur les deux France », dans Une passion de l’histoire. Hommage au professeur Charles-Olivier Carbonell, Toulouse 2002, p. 105-112.
44 Contrat social, livre 3, chap. 14.
45 Id., livre 2, chap. 9.
46 « Le peuple a moins d’affection pour ses chefs qu’il ne voit jamais, pour la patrie qui est à ses yeux comme le monde, et pour ses concitoyens dont la plupart lui sont étrangers » (idem).
47 Contrat social, livre 3, chap. 2.
48 Il y revient à plusieurs reprises : Contrat social, livre 3, chap. 4-5 et 6. Il ne voit d’autre issue pour un grand Etat qui veut éviter des institutions trop rigoureuses et peu efficaces que dans la recherche d’une forme de répartition géographique de l’exercice du pouvoir : « si l’on ne peut réduire l’Etat à de justes bornes, il reste encore une ressource ; c’est de n’y point souffrir de capitale, de faire siéger le Gouvernement dans chaque ville, et d’y rassembler ici tour à tour les Etats du pays » (idem, livre 3, chap. 13).
49 Contrat social, livre 3, chap. 1. En fait, il s’agit pour Rousseau de présenter cette constatation de bon sens que plus les citoyens sont nombreux, moins le suffrage de chacun pèse ou plutôt, pour reprendre ses termes, plus est limitée la part que chacun détient de l’autorité souveraine. On y revient toujours : « plus l’Etat s’agrandit, plus la liberté diminue ».
50 Contrat social, livre 1, chap. 6.
51 Id., livre 3, chap. 12.
Notes de fin
* Article publié dans La citoyenneté aujourd’hui (dir. H. ROUSSILLON), Toulouse 2006, p. 43 à 67.
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