Juges seigneuriaux et officiers royaux de la cité épiscopale de Saint-Flour aux xviie et xviiie siècles : Unions privées, unions publiques
p. 469-483
Texte intégral
1La société judiciaire de la ville de Saint-Flour a progressivement pris son ampleur à partir de la création du siège épiscopal, issu du démembrement de l’évêché de Clermont opéré en juillet 1317 par le pape Jean XXII1. Certes, la plus importante juridiction de Haute-Auvergne, le siège présidial créé par le roi Henri II en 1551, fut attribuée à Aurillac, son éternelle rivale, mais la cité sanfloraine n’en demeure pas moins une place dotée d’un nombre important de tribunaux. L’évêque préside ainsi, personnellement ou, le plus souvent, par le truchement de son official, la justice spirituelle ordinaire de son diocèse, le siège principal de son officialité étant fixé à Saint-Flour2. Le prélat dispose également, en qualité de seigneur de la ville, d’une justice temporelle, héritée semble-t-il de la justice du prieur du monastère sur lequel a été érigé l’évêché3.
2Aux côtés de cette « justice ordinaire et de police de la ville, fauxbourgs, foraine et terres dépendantes de l’évêché de Saint-Flour », foisonnent les juridictions seigneuriales détenues par divers corps ecclésiastiques : justice du chapitre cathédral, justice du chapitre collégial Notre-Dame4, justice des « sieurs curé et prêtres de la communauté de Saint-Flour ». Au cours du XVe siècle, Saint-Flour devient en outre la « capitale de l’élection » de Haute-Auvergne. Enfin, en novembre 1523, le pouvoir royal y installe un siège fixe de son bailliage des Montagnes. Ce tribunal royal est composé lors de sa création des offices de « lieutenant général, lieutenant particulier, avocat, procureur, garde des sceaux, receveur de notre domaine, enquêteur & greffier »5. Dans les années 1720, la charge de lieutenant général civil et criminel existe toujours, celle de lieutenant particulier a été dédoublée en une charge de lieutenant particulier civil et une charge de lieutenant assesseur criminel. Ont été créées deux charges de conseillers, les offices d’avocat et de procureur du roi sont toujours présents, une charge de conseiller rapporteur vérificateur des défauts a été ajoutée et celle de conseiller garde scel se trouve unie au corps du bailliage6. La ville de Saint-Flour abrite également une lieutenance du prévôt des maréchaux de la généralité d’Auvergne.
3Au XVIIIe siècle, la cité épiscopale bénéficie encore du transfert de deux juridictions royales spécialisées. La maîtrise des eaux et forêts quitte d’abord Murat en mars 1732. Peu après, en 1756, Murat perd aussi la lieutenance de la cour des gabelles du Languedoc, désormais rebaptisée « juridiction des gabelles et grenier à sel de Saint-Flour ». Les efforts de la famille Teilhard qui occupa durant plus d’un siècle les charges de cette juridiction, n’eurent, en définitive, pour conséquence que de différer la mise en application de l’édit de septembre 1627 qui, dès l’origine, prévoyait le transfert à Saint-Flour.
4Ce ne sont donc pas moins de quatre juridictions royales, quatre justices de seigneurs ecclésiastiques ainsi que l’officialité générale du diocèse qui cohabitent dans cette petite ville de quelques 5 000 habitants à la fin du XVIIIe siècle7. De quoi favoriser la multiplication des alliances mais aussi les affrontements au sein d’un microcosme de gens de justice qui, quelle que soit leur nature, prétendent exercer le contrôle de l’ensemble des postes-clefs, sources de prestige et d’influence locaux. Il faut d’ailleurs noter qu’avec la création d’offices municipaux par Louis XIV, ces charges permettent à certains juges seigneuriaux, avocats de Saint-Flour, d’acheter des charges royales, plus prestigieuses.
5Les gens de justice de la cité épiscopale de Saint-Flour forment indéniablement un groupe aux liens multiples, comme dans la plupart des villes françaises de l’époque moderne. Les différentes juridictions de la ville font vivre un groupe relativement important de juges mais aussi d’auxiliaires de justice, qu’ils soient communs à toutes les juridictions simultanément, à quelques-unes, ou encore spécifiques à une seule d’entre elles. Ainsi, certains huissiers et procureurs postulants sont-ils exclusivement attachés à la maîtrise des eaux et forêts ou à la justice seigneuriale de l’évêque8. Mais, la plupart d’entre eux agit tant devant les juridictions de l’évêque, du chapitre cathédral et collégial que dans le prétoire du bailliage royal.
6Le partage va jusqu’à concerner certains lieux d’exercice de la justice. Du moins, si l’on en croit le mémoire fourni, le 17 juillet 1713, par le serrurier Pierre Dessapt en règlement des travaux réalisés pour le compte des officiers du bailliage de Saint-Flour et portant, entre autres, sur une porte permettant d’accéder à la chambre de l’élection9.
7En toute hypothèse, une simple ébauche prosopographique permet de mettre clairement en lumière les liens unissant juges de l’évêque et officiers royaux.
8Comme l’on devait s’y attendre compte tenu de la relative modestie des charges concernées, ce sont essentiellement des familles issues du tiers état qui forment la trame de l’étoffe sociale tissée par les gens de justice de Saint-Flour, même si, çà et là, apparaissent quelques représentants du second ordre, tels les membres de la maison Brugier. Des alliances matrimoniales croisées permettent probablement de concrétiser les stratégies d’ascension sociale. La parenté spirituelle, quant à elle - autrement dit le choix des parrains et marraines des rejetons des officiers de judicatures, avocats, procureurs postulants et huissiers-, témoigne tout aussi nettement de l’élaboration de réseaux amicaux et professionnels, la mobilisation des registres paroissiaux de Saint-Flour confirmant cette tendance.
9En attestent les histoires croisées des familles Bérauld10 et Spy, clans qui, avec une constance jamais prise en défaut, édifient entre eux un véritable réseau professionnel, cumulent les charges, tant dans les juridictions royales que seigneuriales, sans pour autant négliger les fonctions municipales (I). Ce qui leur permet de s’intégrer on ne peut plus parfaitement à la vie publique de la cité (II).
I - Alliances matrimoniales, ascension sociale et cumul des charges : l’exemple des familles Bérauld et Spy
10Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, plusieurs représentants des familles Bérauld et Spy occupent tour à tour ou concomitamment divers offices royaux -de judicature et municipaux- ainsi que différentes fonctions auprès de l’évêque, dont la charge de juge temporel ou encore de receveur des décimes.
11Les liens qui unissent ces deux familles sont multiples. Professionnels tout d’abord, dans l’entourage de l’évêque de Saint-Flour. Familiaux ensuite, après le mariage de Jean III Bérauld de Rochemore11, lieutenant particulier assesseur criminel au bailliage de Saint-Flour avec Jeanne Spy en 168412, suivi, quelques dix ans plus tard, de l’union de Victor Spy13, frère de Jeanne, avec Luce Bérauld, sœur de Jean III14.
12Tout comme les stratégies matrimoniales d’ailleurs élaborées dans la plupart des cadres urbains d’Ancien Régime15, les parcours professionnels de ces deux familles correspondent parfaitement aux pratiques des officiers moyens de l’époque moderne auxquels l’hérédité et la vénalité des charges ont donné les moyens d’édifier de véritables dynasties d’officiers. C’est ainsi que Jean III Bérauld, époux de Jeanne Spy, tenait sa charge de son père, Jean II, qui l’avait lui-même acquise, en 1646, de son oncle, Jean Coutel16, ce dernier exerçant alors conjointement les fonctions de lieutenant particulier civil et de lieutenant assesseur criminel. Après avoir cédé cette dernière charge -l’oncle et le neveu ayant donc exercé en même temps leurs offices en contradiction totale avec les règlements- Jean Coutel conserva celle de lieutenant particulier civil qui demeurera alors dans la famille Coutel pendant encore deux générations -Antoine, fils de Jean, puis autre Jean au début du XVIIIe siècle- avant d’être acquise par Gilbert Charloton en 1715, en dépit des oppositions du lieutenant assesseur criminel Bérauld, alors doyen du corps17. Au-delà des raisons officiellement invoquées, quelles qu’elles soient, il vaut de relever que le fils de Jean Coutel, Jacques, né en 1699, était trop jeune pour succéder à son père décédé avant 1715. On peut alors sans peine imaginer que Jean III Béraud, en multipliant les obstructions aux prétentions d’un étranger au lignage, cherchait en fait à préserver les droits du fils de son défunt cousin18. Solidarité de corps et solidarité familiales se trouvent, on le voit ici, intimement mêlées. En dépit des menées de Jean III Béraud, l’office échappa à la famille Coutel au début du XVIIIe siècle. Jacques devint donc avocat puis, plus tard, en 1726, lieutenant civil et criminel de la justice temporelle de l’évêque19. Quoique moins prestigieuses que les offices royaux, les fonctions au service de la justice seigneuriales demeuraient en effet des places toujours prisées des avocats sanflorains.
13Avant d’intégrer le bailliage royal, Jean II Bérauld exerce ainsi pendant plusieurs années les fonctions de secrétaire de l’évêque de Saint-Flour -alors Charles de Noailles. Le même Jean II Bérauld fut consul de 1649 à 165620 et remplit également l’office de receveur des décimes du diocèse21, charge qu’il continuera de remplir après l’achat de l’office de lieutenant particulier assesseur criminel en 1646 et qu’il transmettra à son fils Jean III22. Ces fonctions l’ont probablement conduit à côtoyer Victor Roulhon qui, originaire de Lorraine, s’établit à Saint-Flour et entre au service du nouvel évêque, Jacques de Montrouge23. Victor Roulhon contracte mariage dans sa ville d’adoption, le 23 avril 1656, avec la jeune Agnès Beaudrangier, fille de Jean et de Héraille Vidal24. Les témoins sont des personnalités de premier plan de la cité ; au premier chef, l’évêque lui-même entouré pour l’occasion de Pierre Chomeil, archiprêtre de la cathédrale, de Jean Tassy, avocat du roi au bailliage et de Pierre Aymeric, juge ordinaire de la ville. Le mariage constitue donc bien un des meilleurs ciments de l’intégration sociale25. L’union fut célébrée le 30 avril suivant par Chomeil26 en présence du chanoine Dorinal, de Vidal, de l’oncle maternel et de la mère de la mariée et d’un certain Blanal. Le couple n’ayant pas eu d’enfant, Victor Roulhon fera venir de Lorraine ses nièce et neveu, Jeanne et Victor Spy au profit desquels il négociera de belles unions avec les enfants Bérauld.
14Autre témoignage de ces alliances interfamiliales dans lesquelles intérêt matériel et sincère affection ne s’excluent pas nécessairement, Victor Spy, constamment soutenu par ses parrain et marraine, Victor Roulhon et Agnès son épouse, prendra l’habitude, sans doute en gage de gratitude, de signer sa correspondance « Roulhon-Spy », donnant ainsi, au détriment de celui de ses ancêtres paternels, la primauté au patronyme de ses parents spirituels. Gageons en effet que l’aide sonnante et trébuchante du couple Roulhon n’est pas étrangère au fait que Victor Roulhon-Spy puisse accéder aux fonctions de « conseiller du roi receveur des amendes, espèces et vacation du bailliage et élection de Saint-Flour », avant d’acquérir, pour la somme de 3 500 livres, l’office de maire de la ville dont il est le premier à être pourvu le 20 janvier 170427, cet office n’ayant, depuis sa création en 1692, pas encore trouvé preneur28.
15En 1706, Louis XIV rendant les offices de maire alternatifs et triennaux, une deuxième charge de maire est donc créée. Celle de Saint-Flour est acquise par Charles Bérauld, frère de Jean III qui, à 44 ans, vient de mettre un terme à sa carrière militaire29. Alliées, les deux familles se trouvent donc alternativement à la tête de l’administration de la cité jusqu’à ce qu’une émeute de subsistance, survenue le 15 septembre 1709 et au cours de laquelle Charles Bérauld perdra la vie, mette un terme sanglant à cette belle entente30.
16Après la suppression des charges de maire en 1724, Victor Rouilhon-Spy31 se repliera sur l’office de receveur des décimes, précédemment occupé par Jean Bérauld père et fils32. Ayant toujours su se maintenir dans l’entourage des évêques de Saint-Flour, la famille Spy occupera de surcroît pendant plusieurs générations diverses fonctions au sein de la justice de la ville.
17De 1740 à 1771, Jean-Baptiste Spy d’Auzolles, fils de Victor Rouilhon-Spy et de Luce Bérauld est juge ordinaire de la ville de Saint-Flour, ainsi que juge du chapitre cathédral, tout du moins en 1741. Son fils, Victor Spy des Ternes occupe pendant quelques temps les fonctions de lieutenant du juge ordinaire – donc celles de son père- avant de lui succéder, en 1772, dans la charge de juge seigneurial33. L’année suivante, il est nommé maire de Saint-Flour, cet office ayant été rétabli. Il s’inscrit ainsi dans le sillage de son aïeul, Victor Rouilhon-Spy.
18La famille Spy doit donc son ascension sociale tout autant à son association avec la famille Bérauld déjà bien en vue dans la cité34, qu’à ses fonctions auprès des évêques sanflorains. Ces associations professionnelles et familiales bien qu’exhortant à une certaine solidarité, ne tiennent pourtant pas à l’écart des querelles, loin s’en faut. Le procès opposant Jean-Baptiste Spy d’Auzolles à son cousin Jean-Baptiste Bérauld, lieutenant particulier assesseur criminel, fils de Jean III et de Jeanne Spy au sujet de l’office de receveur des décimes n’en est qu’un exemple parmi tant d’autres35. Très chicanier, Jean-Baptiste Béraud multiplie d’ailleurs les procédures, que ce soit à l’encontre de son cousinage, de ses frères ou de son propre fils qui, ne s’en laissant pas compter, répliquent par la même voie36. Par son goût immodéré de l’action en justice, la famille Bérauld illustre ainsi à l’envie un comportement typique des élites sociales d’Ancien Régime, peu regardantes à des dépenses d’autant plus élevées que bien des hommes de loi, rien moins que scrupuleux, sont portés à recourir à tous les artifices pour que dure indéfiniment le débat judiciaire.
19On notera enfin, sans grand étonnement, que les deux familles se rejoignent sur un autre plan, celui de la soif d’anoblissement, ce dernier apparaissant comme le couronnement des ascensions bourgeoises : Jean III Bérauld par l’acquisition, en septembre 1699, de lettres de noblesse, Jean-Baptiste Bérauld sollicitant fiévreusement du roi, plus d’un siècle plus tard, dans les années 1730, le maintien de ce statut tant envié de tout un chacun37 ; Victor Spy par l’achat d’un office de conseiller à la cour des aides de Montauban en 177538.
20À l’échelle du royaume, la cité épiscopale de Saint-Flour pèse certainement bien peu. Mais l’existence de l’évêché depuis le XIVe siècle a fortement contribué au développement de la ville, à son solide maintien face à Aurillac, capitale judiciaire de Haute-Auvergne, à la fierté que la petite ville met à ne pas plier face à l’importante sénéchaussée de Riom, en Basse-Auvergne. La présence du siège épiscopal constitue donc un évident atout pour des hommes ambitieux, désireux d’assurer un avenir durable à leur nom. Le cas des familles Bérauld et Spy le démontre sans conteste.
21Au faîte de la réussite locale, si modeste soit-elle, l’élite sainfloraine vit engoncée dans des traditions séculaires dont elle se flatte, au XVIIe siècle, d’être l’un des porte- étendards. Ce qui ne l’empêchera pas, au siècle suivant, de se ranger, dans une certaine mesure, sous la bannière des idées nouvelles.
II - Des hommes évoluant avec la société de leur temps
22Nos officiers de justice ne se contentent pas d’assumer leurs charges professionnelles. Peut-être même peut-on douter de l’intérêt que certains d’entre eux leur portent réellement, plus préoccupés qu’ils sont, du moins semble-t-il, par des activités annexes auxquelles les places qu’ils occupent leur donnent le loisir de se livrer. Celles-ci ne seraient alors que le moyen d’accéder à celles-là.
23L’inquiet souci d’affirmer la position sociale conférée par la fonction se manifeste au premier chef, à chaque détour de la vie quotidienne, à chaque rassemblement public. Enjeu de revendications constantes, source de tout aussi permanentes stratégies de préservation, il est l’occasion de multiples conflits où, dressés sur leurs ergots, s’affrontent en d’incessants conflits de préséance juges royaux, édiles municipaux et membres de l’entourage épiscopal (A).
24Les gens de justice de la cité épiscopale de Saint-Flour s’attachent, ici comme ailleurs, à faire respecter leur rang et la coexistence de plusieurs corps judiciaires ne manque pas de favoriser les querelles. Dans la vie publique, chacun défend la position de son corps professionnel et sa condition personnelle. Cependant, tout imprégnés qu’ils soient de traditions séculaires, les membres de la société judiciaire sanfloraine n’en demeurent pas moins en phase avec les idées de leur temps. Aussi, les retrouve-t-on bien représentés, et pas aux moindres places, au sein des loges maçonniques Saint-Jean de Sully constituée en 178139 et Saint-Vincent apparue en 178840 (B).
A - Tenir son rang
25Les questions de préséances occupent une place prépondérante dans la société d’Ancien Régime. Elles sont presqu’inhérentes à une structure sociale basée sur des rapports hiérarchiques forts, entre corps et entre individus. Bien connues à la Cour, elles descendent en cascade dans toutes les couches de la société41. La cohabitation dans une même ville de plusieurs corps d’importance à peu près similaire ne peut donc que soulever des querelles entre des hommes détenteurs d’une partie de pouvoir et très soucieux de tenir leur rang. Les cérémonies, processions et assemblées publiques dans la cathédrale donnant l’occasion à chacun de représenter son corps et sa fonction, de savants arbitrages sont parfois nécessaires pour calmer les revendications des uns et des autres.
26Citons rapidement deux accords passés au XVIIe siècle. Le premier, fort diplomatiquement obtenu le 7 novembre 165042 par le lieutenant général de la Haute-Auvergne, Anne de Noailles, règle les rangs et préséances entre l’évêque, les consuls et les officiers du bailliage dans les assemblées publiques et particulières43. Un certain équilibre semble être préservé entre les officiers de judicature et les magistrats municipaux, contraints de siéger sur le même banc44. Mais le sieur Bérauld et les autres officiers peuvent toujours demander à l’évêque et aux chanoines de la cathédrale de mettre un autre banc à leur disposition dans la nef « à un endroit convenable à leur qualité si mieux n’ayment siéger audit banc après lesdits consuls ».
27Pour les « processions et autres assemblées publiques », le lieutenant général et le premier consul marcheront au premier rang, puis viendront le lieutenant particulier et le second consul et, enfin, le lieutenant assesseur45 et le troisième consul, les officiers du bailliage marchant toujours à droite, c’est-à-dire la première place selon les critères français. Aux offrandes, un ordre identique sera respecté mais chacun marchant seul, le lieutenant général se présentera en premier, suivi du premier consul, puis du lieutenant particulier, le second consul venant ensuite, suivi du lieutenant assesseur et enfin du troisième consul. Seule exception, à Noël, pour la messe de minuit célébrée dans l’église des Pères de saint Dominique, « les consuls demeureront en la possession immémoriale où ils sont d’aller prendre la paix à l’offrande devant led [it] lieutenant général et autres officiers »46.
28Deux ans plus tard, éclate un conflit comparable entre les magistrats municipaux et les officiers du roi, à l’initiative du lieutenant particulier assesseur criminel Bérauld, systématique trublion qui exige de voir respecter le statut auquel donne droit son office. L’arbitrage est confié à l’évêque qui apaise les tensions en renouvelant le règlement de 165047.
29Ces accords successifs ont peut-être calmé les esprits des consuls et des officiers du roi. Ce qui n’empêche pas ces derniers de trouver, quelques années plus tard, une autre occasion de faire reconnaître leur position sociale, face, cette fois, à l’entourage épiscopal. En effet, le 18 juin 1699, jour de la fête Dieu, Jean Coutel, lieutenant particulier, Jean III Bérauld, lieutenant assesseur criminel, Izaac Ignace Tassy, avocat du roi, Gabriel Bonnaud, substitut des avocat et procureur du roi au bailliage de Saint-Flour rédigent et signent un procès-verbal alléguant de violences exercées sur leurs personnes par les « domestiques de l’évêque »48. Les requérants se livrent à une description précise et vivante de l’animation qui régnait ce jour-là. Après avoir « fait la communion de la main de Monsieur l’évesque », Jean III Bérauld et Jean Coutel se sont rendus à la procession du saint Sacrement. Les « domestiques, valets de chambre, musicien, joueurs de viole et de violon, laquays, cocher, muletier et palefrenier », gens de peu, ont alors refusé de céder le pas devant les officiers du bailliage et en sont même venus aux insultes et aux mains49. La querelle pourrait paraître à peine digne d’un chahut de cours d’école. Elle revêt en réalité la dimension d’une offense de taille puisque portant atteinte, en la personne des officiers du bailliage, à la dignité de représentants du roi qui préfèrent se retirer pour rédiger ce procès-verbal, seule pièce nous rapportant cette affaire dont nous ignorons encore tout de l’épilogue50. Sans nul doute, les officiers du roi réclamèrent-ils justice et il y a fort à parier qu’un nouveau règlement vint répondre à une question qui ne s’était jamais posée jusqu’alors.
30Il est un autre lieu mêlant gens de robe, hommes de Dieu, militaires et marchands. Ce sont les loges maçonniques, apparues en Auvergne au début du XVIIIe siècle et, particulièrement à Saint-Flour, à la veille de la Révolution. S’y dansent d’autres ballets de préséances.
B - Les loges maçonniques
31Les familles de gens de justice sanflorains se trouvent assez bien représentées au sein des deux loges maçonniques locales, Saint-Jean de Sully et Saint-Vincent. Certes, lors de la création de la loge « Sully », la plupart de ses membres sont des militaires, le plus souvent nobles -les garnisons étant, rappelons-le, le premier facteur d’implantation de la maçonnerie en province51. Manifestation d’une certaine ségrégation de fait en dépit du postulat égalitaire des loges françaises du XVIIIe siècle, les gens de justice, pour la plupart issus du tiers état, n’y sont que minoritairement représentés. Avocats, officiers royaux et seigneuriaux sauront pourtant progressivement y occuper les plus hautes dignités.
32Si les loges maçonniques ne peuvent plus être considérées comme l’une des causes de la Révolution52, elles sont en revanche indéniablement un lieu de sociabilité mondaine où se croisent les idées et les hommes de milieux différents. C’est en tout cas le tableau qu’offre la première loge de Saint-Flour, créée en 1781, qui voit se côtoyer les trois ordres.
33Lorsque le Grand Orient de France donne l’autorisation de constituer la loge « Sully », le 2 juillet 1781, celle-ci se compose de 22 membres, parmi lesquels : les gens du roi du bailliage de Saint-Flour, Guillaume-Pascal Vidalenc, procureur du roi et Jean Daude, avocat du roi53, tous deux initiés à Saint-Flour ; deux avocats, Jacques Chazeledes de Labrousse et Jean Muret, le premier initié à Saint-Flour, le second à Paris ; deux chanoines de l’église de Saint-Flour, Etienne Vayron, vicaire général et Pierre Chaudesaigues, le premier ayant été initié à Paris, le second à Montpellier ; mais aussi deux maîtres en chirurgie, François Jacques Beaufils et Jean-Baptiste Grassal cadet ; un seul négociant et plusieurs nobles parmi lesquels pas moins de quatre membres de la famille Brugier -Gaspard de Brugier du Rochain, ancien capitaine de Dragons, le doyen de la loge, âgé de 75 ans, Henri Gaspard de Brugier d’Andelat, chevau-léger de la Garde, Amable de Brugier de Rochebrune, officier de cavalerie, qui représentera la noblesse de Haute-Auvergne aux États-Généraux de 1789 et Pierre de Brugier de Rochebrune, officier des carabiniers. Signalons d’ailleurs qu’une branche de la famille Brugier a occupé l’office de lieutenant général du bailliage de Saint-Flour durant un siècle, soit des années 1660 où Henry de Brugier succède à son beau-père Pierre Chabot au 1er janvier 1757, date à laquelle Jean-Baptiste Brugier de la Terrisse résigne son office en faveur de Pierre Vaissière.
34La plus haute dignité, celle de vénérable, est remplie par l’avocat Jean Muret pour la fin de l’année 1781 et l’année 1782. Jean Daude54, avocat du roi au bailliage, est secrétaire et Guillaume Vidalenc, procureur du roi, est trésorier jusqu’en 1786 puis de nouveau en 1789. L’année suivante, parmi les treize nouveaux membres, on remarque l’avocat Pierre Bertrand qui remplira les fonctions de secrétaire en 1786 puis de trésorier en 1787 et 1788 et Victor Spy des Ternes, qui se verra attribuer les dignités d’orateur en 1783 et 1784, puis de premier surveillant en 1785 et 1786, enfin de vénérable de 1787 à 1789.
35La morphologie de la deuxième loge créée à Saint-Flour en 1788 par deux anciens membres de la loge Sully est quelque peu différente. Elle ne compte aucun noble ni militaire parmi les quatorze membres fondateurs, mais uniquement des membres du tiers état, d’ailleurs d’une condition moins relevée que celle de leurs Frères de la loge Sully dont ils viennent de se séparer. Cinq d’entre eux appartiennent au monde des auxiliaires de justice : Jean Baldram, greffier en chef du bailliage de Saint-Flour, Jean Chanson, ancien greffier du bailliage, Antoine Bertrand55 et Guillaume-Joseph Daude, procureurs postulants, François Gizolme, notaire royal56. Ces hommes de loi y côtoient quatre marchands57, un négociant58, un maître en chirurgie59 et un chirurgien60, un commissaire à terrier61 et un bourgeois62. La composition de cette loge illustre davantage le deuxième facteur d’implantation des loges en province : le commerce63.
36Au moins deux personnages, frères consanguins, les Bertrand64, joueront un rôle lors de la Révolution de 1789 et même au-delà. Pierre Bertrand, avocat et membre de la loge Sully, sera en effet élu député du tiers état de Haute-Auvergne tandis que, dans le même temps, son frère en maçonnerie, Amable Brugier de Rochebrune, recevra mandat de ses commettants de la noblesse. Pierre Bertrand restera fidèle à la monarchie, ce qui lui vaudra d’être emprisonné et privé de ses fonctions de juge du district de Saint-Flour. Il redeviendra ensuite avocat65. Son cadet, Antoine, procureur postulant qui a adhéré à la loge Saint-Vincent, entame une carrière politique comparable puisque également désigné en 1788 par « l’assemblée des habitants de Saint-Flour pour aller à Paris défendre les intérêts de la Haute-Auvergne et ceux de la cité ». Les options des deux frères divergent ensuite. En 1790, Antoine occupe en effet le secrétariat général du département du Cantal avant d’être élu député suppléant à la Convention nationale. Il saura survivre aux bouleversements du temps. Élu au conseil des Anciens le 14 octobre 1795, membre du conseil des Cinq-Cents le 13 avril 1798, il se ralliera à Bonaparte lors du coup d’État de Brumaire ce qui lui vaudra d’être bientôt récompensé : sous-préfet de Murat dès le 8 avril 1800, il obtient ensuite la sous-préfecture de Saint-Flour, poste qu’il occupera durant quinze ans. Il meurt au domicile de son frère Pierre66, le 6 novembre 1816, quatre avant son aîné dont les vicissitudes de la vie politique ne l’avaient pas séparé67.
37C’est parce qu’elles illustrent parfaitement, par leurs alliances et leurs stratégies d’ascension sociale, une tendance générale aisément constatable dans l’ensemble du royaume, que nous avons choisi d’étudier ici succinctement les familles Spy et Bérauld. Si proches soient-elles, elles n’en conservent pas moins leurs spécificités. La famille Bérauld, déjà bien implantée dans la cité épiscopale au XVIIe siècle, représente la France des notables, petits ou moyens, attachée bec et ongles aux prérogatives acquises, la famille Spy reflétant davantage les ambitions d’un groupe familial nouveau, désireux de se hausser dans une société à laquelle il est initialement étranger.
38Issue de régions lointaines, partie de fort peu en la personne de Victor Roulhon, la « dynastie » Spy saura en effet s’élever jusqu’au faîte de la vie municipale de sa ville d’adoption et conserver une place de choix parmi les commensaux des évêques, bénéficiant dès lors d’une protection favorable soit à la concrétisation, soit à la confirmation de ses prétentions.
Notes de bas de page
1 Marcellin BOUDET, Cartulaire du prieuré de Saint-Flour, Monaco, 1910, charte n° CXCI, p. 427, « Bulle de Jean XXII érigeant l’église de Saint-Flour en cathédrale formant son territoire diocésain aux dépens du prieuré, de l’abbaye de Cluny et du diocèse de Clermont et fixant la mense épiscopale à 5000 livres de petits tournois de revenu. 9 juillet 1317 », p. 429 : « […] quinque milia librarum parvorum turonensium annui et perpetui redditus habeat ». « Le 17 mars 1318, une bulle attribuait les archiprêtrés de Saint-Flour, Aurillac, Blesle, Langeac et Brioude au diocèse de Saint-Flour. […] Tout l’archiprêtré de Mauriac est exclu du nouveau diocèse […]. », Albert RIGAUDIERE, Saint-Flour, ville d’Auvergne au bas Moyen Âge. Étude d’histoire administrative et financière, tome 1, PUF, 1982, p. 67.
2 Sur le personnel de l’officialité de Saint-Flour à l’époque moderne, voir Béatrice FOURNIEL, « Quelques hommes de l’officialité épiscopale de Saint-Flour au XVIIIe siècle », Les cités épiscopales du Midi, Presses du Centre universitaire Jean-François Champollion, 2006, p. 321-337.
3 Albert RIGAUDIÈRE, op. cit., p. 67. « La bulle du 9 juillet 1317 érigeait la ville en civitas, tandis que l’église du monastère devenait cathédrale et, l’ensemble des moines, chapitre diocésain. […] le monastère bénédictin […] était le plus affecté par la création de l’évêché, puisque la mense épiscopale […] devait être assise sur les terres du prieuré et, au cas où elle serait insuffisante, sur les biens de la mense épiscopale de Clermont qui se trouveraient, après le partage, dans les limites du nouveau diocèse. À partir de ce moment-là, le monastère passait réellement sous le contrôle de l’évêque. Certes, le prieur devenait le premier dignitaire du chapitre tout en conservant son titre et sa fonction de chef du monastère, mais il abandonnait progressivement, au profit de l’évêque, la seigneurie sur la ville. Si aucun acte ne prévoit officiellement cette substitution, les faits n’en sont pas moins clairs. L’évêque se dit seigneur de la ville et c’est, précisément, parce qu’il se montre plus âpre que le prieur à faire valoir ses droits que naissent de nombreux conflits avec l’assemblée des habitants. Le monastère entre alors dans une phase de déclin et se trouve de plus en plus mêlé à la vie du siècle. Son histoire se termine ainsi, le 8 janvier 1476, par une bulle de Sixte IV qui en fait un chapitre séculier de 28 chanoines et 22 choriers ».
4 Le chapitre collégial aurait été créé par l’évêque Archambaud au XIVe siècle, « auquel il permit de bâtir une église et un cimetière de 1320 à 1324. […] La cure de Saint-Flour ayant été transférée à l’église collégiale, fut remise en 1326 à l’église cathédrale ou elle avait toujours été d’ancienneté », Archives communales de Saint-Flour (désormais AC Saint-Flour), chapitre V, article 6, n° 1.
5 Guillaume-Michel CHABROL, Coutumes générales et locales de la province d’Auvergne, Riom, chez Martin Dégoutte, 1784, vol. 1, p. CXLIV-CXLVI. « Pour ces causes et autres considérations à ce nous mouvans, avons par bonne, grande & mûre délibération de conseil en ladite ville de Saint-Flour, fait, créé, érigé & établi, & par la teneur des présentes, faisons, érigeons, créons & établissons un siège royal permanant & stable qui sera un des siéges royaux dudit bailliage des Montagnes d’Auvergne, composé de lieutenant général, lieutenant particulier, avocat, procureur, garde des sceaux, receveur de notre domaine, enquêteur & greffier, lesquels auront tels & semblables gages, honneurs, profits & émolumens, à cause de leursdits offices, que nos officiers, de pareil état & qualité audit Aurillac ».
6 Archives départementales du Cantal (désormais ADC), Archives dites « du bailliage de Saint-Flour » en cours de classement par Béatrice FOURNIEL, mémoire rédigé par le lieutenant assesseur Bérauld de Rochemore afin de réclamer le paiement de ses gages qui, selon lui, n’ont pas été versés depuis 1715.
7 Selon le dénombrement de 1793, dit de l’An II, qui donne 5 282 habitants. Ldh/EHESS/Cassini. En comparaison, à la même date, il y avait 10 470 habitants à Aurillac, 30 000 à Clermont-Ferrand, 640 504 à Paris, 52 612 à Toulouse.
8 ADC, Archives dites « du bailliage de Saint-Flour » en cours de classement, « procès-verbaux de réceptions d’officiers, 1741-1788, Pierre Vaissière est reçu procureur postulant au siège de la maîtrise des eaux et forêts de Saint-Flour le 7 juillet 1741. Jean Laroche reçoit de l’évêque de Saint-Flour des lettres de provision de la charge d’huissier en la justice ordinaire de Saint-Flour enregistrées par Jean-Baptiste Spy d’Auzolles avocat en parlement, juge civil et criminel de la ville, faubourgs, foraine et terres dépendantes de l’évêché de Saint-Flour le 14 juillet 1755. Ce même jour, André Gaston est reçu huissier en la justice ordinaire de Saint-Flour.
9 ADC, 278 F 5.
10 Ce nom est tantôt orthographié Bérauld, tantôt Béraud.
11 Pour faciliter la lecture nous le nommerons désormais Jean III.
12 Fille de Demenge Spy et d’Elisabeth Roulhon. Contrat de mariage du 6 mars 1684.
13 Troisième enfant de Demenge Spy et d’Elisabeth Roulhon.
14 En 1695 précisément. FOURIER de BACOURT, « Une famille lorraine émigrée en Auvergne au XVIIe siècle : les Rouillon-Spy, maires de Saint-Flour », Le pays lorrain et le pays messin, 9e année, 1912, p. 603-611.
15 Sur les parcours des officiers moyens de l’époque moderne voir notamment Michel CASSAN (dir.), Les officiers « moyens » à l’époque moderne : pouvoir, culture, identité. France, Angleterre, Espagne, PULIM, 1998 ; Offices et officiers « moyens » en France à l’époque moderne. Profession, culture, PULIM, 2004 ; Vincent MEYZIE, Les Officiers « moyens », l’État, la ville : l’identité des magistrats présidiaux dans le Limousin et dans le Périgord : vers 1665-vers 1810, thèse Lettres, 2004 ; du même auteur, Les illusions perdues de la magistrature seconde : les officiers « moyens » de justice en Limousin et en Périgord : vers 1665-vers 1810, PULIM, 2006 ; « Officiers "moyens" et monarchie absolue : un conflit à Limoges au XVIIe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine 3/2006 (no 53-3), p. 29-60. www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2006-3-page-29.htm.
16 ADC, 278 F 1. Jean II Bérauld résigne sa charge de lieutenant particulier assesseur criminel en faveur de son fils en 1676 et obtient des lettres d’honorariat, ADC, 278 F 1. Les lettres patentes en faveur de Jean III Bérauld sont datées du 4 novembre 1676, les lettres de provision du 22 octobre 1676 et l’arrêt de réception du 27 février 1677.
17 ADC, 278 F 5. Gilbert Charloton, à peine âgé de 25 ans achète la charge à la veuve de Jean Coutel. L’opposition porte justement sur l’âge de Gilbert Charloton, qui aurait dû avoir 27 ans pour exercer cette charge, ainsi que sur un droit d’entrée que semble refuser de payer Charloton et que réclame Bérauld au nom de la compagnie en vertu d’une délibération du bailliage datée de 1665 et en s’appuyant sur les chapitres 1er et 53 du livre 3 du Traité des offices de Charles Loyseau (Œuvres de maistre Charles Loyseau, contenant les cinq livres du droit des offices, les traitez des seigneuries, des ordres et simples dignitez, du déguerpissement et délaissement par hypothèque, de la garantie des rentes et des abus des justices de village, Dernière édition, Compagnie des libraires, Lyon, 1701, p. 152 et 155). Le doyen des conseillers rappelle que certains ont ainsi offert des statues de saint Louis ou de saint Yves ou bien encore des tapisseries.
18 Bérauld évoque en effet les sommes que la veuve de Jean Coutel pourrait réclamer à la compagnie si Gilbert Charloton ne se soumettait pas à ses obligations.
19 ADC, Archives dites « du bailliage de Saint-Flour » en cours de classement, « procès verbail de la reception de Me Jacques Coutel à l’estat et office de lieutenant civil et criminel en la justice de Monseigneur l’évêque de Saint-Flour. Du 28e février 1726 ».
20 Léon BELARD, « Les maires de Saint-Flour et les principaux actes de leur administration de 1704 à 1789 », Revue de la Haute-Auvergne, tome 1, 1899, p. 236 ; ADC, 3 E 261-88, « bail afferme entre Monsieur Bérauld conseiller et assesseur criminel au bailliage de Saint-Flour et Jean Fayon jeune », 2 janvier 1656.
21 ADC, 278 F 7, Jean Bérauld, docteur en droit et secrétaire de l’évêque de Saint-Flour, achète l’office de receveur triennal des décimes en 1670 à Alix Desauret et Isaac Jordin, respectivement veuve et fils de Guillaume Jordin, ancien titulaire de la charge. ADC, 278 F 1. Notons que Jean Bérauld s’est marié en premières noces avec Françoise Chauliaguet, fille de Mathieu Chauliaguet, conseiller du roi, élu de l’élection de Saint-Flour. Le contrat passé devant le notaire Chirol date du 10 novembre 1640. Françoise Chauliaguet, née en 1619, décède en décembre 1641, un peu plus d’un an après son mariage. Jean Bérauld se trouve contraint de restituer la dot de son épouse à ses beau-père et beau-frère. Il épouse ensuite Catherine Coutel de Courtilles dont il aura plusieurs enfants puis Madeleine de Traverse en 1662 qui sera sa dernière épouse. ADC 1 Mi 122-1 et 278 F.
22 Celui-ci fut également consul de la ville de 1685 à 1696, Léon BELARD, op. cit., p. 236, note 4.
23 FOURIER de BACOURT, art. cit.
24 Ce contrat de mariage n’a été insinué que le 4 juin 1672 devant le bailliage de Saint-Flour, ADC, Archives dites « du bailliage de Saint-Flour » en cours de classement, registre d’insinuation pour les années 1670 à 1673, F° 175-176. Baptême d’Agnès Beaudrangier le 13 avril 1638, ADC, 5 Mi 621/2.
25 Cette intégration par le mariage vaut pour tous les milieux sociaux. Philippe JARNOUX, « Migrants et migrations dans les villes bretonnes sous l’Ancien Régime », Le monde en Bretagne, la Bretagne dans le monde : voyages, échanges et migrations, Journées d’étude, France, 2006, http://hal.univ-brest.fr/docs/00/46/04/28/PDF/Jarnoux_Monde_en_Bretagne_.pdf [hal-00460428 - version 1] ; du même auteur, « Offices, pouvoirs et mobilité sociale dans les villes bretonnes au XVIIe siècle », Liens de sang, liens de pouvoir, Laurent Coste (dir.), Lara Rosenberg (textes réunis par), Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 111-126.
26 ADC, 5 Mi 621/4 F° 150 v°.
27 Léon BELARD, op. cit., p. 233.
28 Il est à présumer que la multiplication des offices royaux par Louis XIV avait lassé. La création de ces offices venait répondre à la nécessité de subvenir aux dépenses de guerre, mais aussi à la volonté du pouvoir royal de contrôler davantage les municipalités, lorsque celles-ci ne s’empressèrent pas d’acheter elles-mêmes l’office.
29 Léon BÉLARD, op. cit., p. 235.
30 Id., p. 237.
31 Il meurt le 1er décembre 1750.
32 ADC, 278 F 1, « copie de l’exploit pour Me Bérauld conseiller du roy recepveur des décimes deffendeur contre Me Chauliaguet conseiller du roy elleu […] jeudi XXVIIe apvril 1645 » ; 5 Mi 622/4, baptême de Marie Jeanne Coutel, fille de Jean Coutel de Courtilles et de Catherine Vidal, le 17 juillet 1692. Son parrain est Jean Bérauld, conseiller du roi, lieutenant assesseur civil et criminel au bailliage et receveur des décimes.
33 Les lettres de provision sont délivrées par l’évêque Paul de Ribeyre à Victor Spy des Ternes le 10 janvier 1772 et les lettres de réception au bailliage le 28 janvier suivant.
34 « Les choix d’alliance ou de solidarité révélés doivent servir à mettre à jour les configurations relationnelles dans lesquelles se meuvent les individus, formant ainsi les véritables cadres d’action du social », Guy SAUPIN (dir.), Histoire sociale du politique, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 11.
35 ADC, 1 Mi 122-1. Ce dossier contient plusieurs pièces concernant divers procès menés par la famille Bérauld contre des alliés, parfois durant plusieurs générations.
36 Jean-Baptiste Bérauld s’oppose judiciairement à ses deux frères, puis à son fils Antoine, allant jusqu’à révoquer la donation qu’il avait faite à son profit dans le contrat de mariage de ce dernier. Antoine triomphera de son vindicatif géniteur devant le Parlement de Paris. ADC, 1 Mi 122-1.
37 ADC, 278 F 1. En effet l’article 1er d’un édit d’août 1715 supprime et éteint tous les anoblissements effectués depuis l’édit de 1696 : « Que nonobstant tous les annoblissemens que nous avons accordez depuis le premier janvier 1689 par lettres, moyennant Finance, en consequence de nos Edits des mois de mars 1696, may 1702 & decembre 1711 ou autrement, lesquels nous avons revoquez, éteints & supprimez, révoquons, éteignons & supprimons, tous les particuliers que nous avons annoblis depuis ledit jour premier janvier 1689. Ensemble leurs enfans & descendans, mesme les enfans & descendans de ceux desdits annoblis qui sont decedez, à la reserve de ceux que nous jugerons à propos d’excepter en consideration de services importants rendus à l’Estat, soient imposez à la Taille & autres impositions & charges publiques […] ».
38 FOURIER de BACOURT, op. cit., p. 609.
39 Gilles LEVY, « Documents pour servir à l’histoire de la franc-maçonnerie en Haute-Auvergne : XVIIIe et XIXe siècles », Aurillac, RHA, vol. 49, 1983, p. 285. La demande de constitutions symboliques est formulée le 20 juin 1781, l’autorisation donnée par le Grand Orient de France le 23 août 1781 « pour prendre rang du 2 juillet 1781 » et l’installation de la loge se déroule le 10 avril 1782.
40 Jean DELMAS, « Les Loges maçonniques de Saint-Flour au XVIIIe siècle », Bull. historique et scientifique de l’Auvergne, 1897.
41 Norbert ELIAS, La société de cour, Calmann-Levy, 1974 ; Fanny CONSANDEY, « Illusion politique ou organisation monarchique. La question des préséances rapportées au souverain dans les traités politiques de Saint-Simon », Cahiers Saint-Simon, n° 28, 2000, p. 29-37 ; « Entrer dans le rang », in Marie Françoise WAGNER, Louise FRAPPIER et Claire LATRAVERSE (dir.), Les Jeux de l’échange : Entrées solennelles et divertissements du XVeau XVIIe siècle, Paris, Champion, 2007 ; « Préséances et sang royal à la cour de France à l’époque moderne », Cahiers de la Méditerranée, n° 77, décembre 2008, p. 19-26 ; « Classement ou ordonnancement ? Les querelles de préséances en France sous l’Ancien Régime », dans Classement, Déclassement, Reclassement, Gilles CHABAUD (dir.), Limoges, PULIM, 2011, p. 95-103 ; Aurélie LEBEL-CLIQUETEUX, « À la droite du père… Les conflits de préséance devant le parlement de Flandre (XVIIe-XVIIIe siècle) », Revue du Nord, 2009/4, n° 382, Université Lille-3, p. 883-910 ; Vincent MEYZIE, Les illusions perdues de la magistrature seconde… vers 1810, PULIM, 2006 ; Guy CHAUSSINAND-NOGARET, Jean-Marie CONSTANT, Catherine DURANDIN, Arlette JOUANNA (dir.), Histoire des élites en France du XVIe au XXe siècle, Éditions Tallandier, 1991 ; Christophe BLANQUIE, « Compter les juges au travail ? Libourne, 1642-1651 », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, n° 38, 2006, p. 55-71 ; Emily CHEVAROLE, « Incidents de cérémonies et conflits de préséance dans la société française au temps de Louis XIV », thèse en cours en histoire moderne et contemporaine sous la direction de Géraud POUMAREDE, Université Bordeaux 3.
42 AC Saint-Flour, chapitre II, article 2, n° 97, règlement transcrit en grande partie par Pierre CHASSANG, op. cit., p. 72.
43 Le document est signé par Jean II Bérauld, lieutenant criminel assesseur au bailliage, Anne de Noailles, lieutenant général pour le roi en Auvergne, Guillaume Champbon, Claude Fabry et Jean Derames, consuls.
44 AC Saint-Flour, chapitre II, article 2, n° 97. « les s[ieu]rs lieutenantz g[é]n[ér]al et part[iculi]er se siegeront avec lesd[its] s[ieu]rs consuls à l’ancien banc qui est dans la nef ainsy qu’il s’est pratiqué d’ancienneté sans que led[it] Bérauld puisse prétendre se siéger en icelluy au dessus desd[its] consuls ».
45 Jean Bérauld à cette date.
46 AC Saint-Flour, chapitre II, article 2, n° 97.
47 L’évêque Jacques de Montrouge avait reçu une lettre de cachet du roi du 10 novembre 1651 « à l’occasion des troubles suscités en ce royaume », -la Fronde- lui enjoignant « de tenir la main à ce que les subjets de l’estendue de [son] diocèse vivent en paix et union pour son service ». Le roi et l’évêque considèrent « que le bon ordre des villes dépend principalement de la bonne intelligence des magistrats, qui est le plus souvent altérée par la primeur des rangs et séances qu’ils prétendent appartenir à leurs charges, à cette cause, ayant esté informé des différends et contestations qui ont esté sont et naissent journellement pour raison de ce entre les sieurs consuls de cette ville de Saint-Flour et le s[ieu]r Beraud lieutenant particulier assesseur criminel au bailliage de lad[ite] ville, et ayant esté prié de les terminer, afin qu’ils puissent mieux vacquer au service de sa maiesté et du public, [l’évêque] en conséq[uen]ce en pouvoir à [lui] donné par délibératoire du conseil de cette ville, du onziesme avril dernier après avoir conféré dud[it] affaire avec aucuns des anciens con[seill]ers dicelle » a pris un nouveau règlement, daté du 29 juin 1652. AC Saint-Flour, chapitre I, article 1, n° 26. « Copie de règlement de M. L’évêque de St Flour arbitre élu pour le rang et séance entre les consuls et le lieutenant particulier assesseur criminel au bailliage de St Flour. 29 juin 1652 ». Signalons que sur la première page est mentionnée -vraisemblablement par erreur- la date de 29 janvier 1652.
48 ADC, Archives dites « du bailliage de Saint-Flour » en cours de classement, « procès-verbal pour les messieurs les officiers du bailliage contre monsieur l’évesque du 18e juin jour de la feste Dieu 1699 ».
49 Les domestiques « nous auroient pousser et se seroient mis audevant de nous entre autres les nommés Merger joueur de viole et Jouve musicien nous auroient insulté, le cocher marchant au costé de nousdit Bonnaud auroit affecté à chaque pas de nous pousser et de nous arrester pour nous précéder. Toutes ces contestations ayant donné lieu a quelque petit murmure parmy le peuple qui suivoit la procession, le sieur Chambon aumônier de Mr l’évêque qui estoit sous le daix a cotté de Monsieur l’evesque lui tenant le livre ouvert se seroit avancé vers lesdits domestiques et leur auroit demandé ce que c’estoit et les domestiques ayant répondu que les officiers du bailliage vouloient les précéder ledit Chambon leur auroit reparty "tenes ledevant et le dessus" tous lesdits domestiques nous auroient pousser et repousser pour marcher devant nous ce qui auroit donné lieu à nousdit Tassy de dire "il faut nous retirer [par] crainte de scandalle" et à l’instant se seroit retiré et nous commencent à le suivre à quelques pas de là, lesdits domestiques se seroient un peu escartés et la dessus nousdit lieutenant particulier ayant jugé qu’on ne vouloit plus nous disputer le rang, aurions apellés nos confreres, nousdits Beraud et Bonnaud serions revenus sur nos pas mais nous n’aurions pas plustot repris nostre rang que lesdits domestiques ont affecté de revenir et de nous repousser plus violemment qu’ils n’avoient cy devant fait, quelques uns d’entre eux ayant dit à haute voix ne poussez pas car je vous repousserois vigoureusement, ces insultes si souvent réitérées avec scandalle nous auroient obligés de nous retirer [par] crainte de plus grandes violences pour dresser le present procès verbail ».
50 Les archives du bailliage de Saint-Flour étant encore en cours de classement, peut-être l’heureux hasard de la conservation nous permettra-t-il de découvrir l’issue de cette querelle.
51 De nombreuses loges étaient au départ essentiellement militaires, certaines constituées par des officiers en garnison qui laissaient après leur départ une loge civile. « […] deux facteurs essentiels » sont à l’origine de nombreuses implantations de loges maçonniques et le poids des garnisons […] et l’importance des négociants », Lucien BELY (dir.), Dictionnaire de l’Ancien Régime, PUF, 1996, p. 571, article « franc-maçonnerie » par Dominique POULOT.
52 Le rôle supposé de la franc-maçonnerie dans « la préparation et le déclenchement » de la révolution de 1789, de la théorie du complot élaborée par le jésuite Augustin de Barruel, maintes fois reprise dans les thèses politiques du début du XXe siècle par l’historien royaliste Gustave Bord ou l’universitaire et franc-maçon Gaston Martin n’a plus de raison d’être. Éric SAUNIER, « La Maçonnerie est-elle à l’origine de la Révolution ? », L’Histoire, 2001, n° 256, p. 30 ; Pierre CHEVALLIER, Histoire de la Franc-Maçonnerie française, t. 1 : La Maçonnerie : Ecole de l’égalité (1725-1799), Paris, Fayard, 1974. ; Jean-André FAUCHER, Histoire de la Grande Loge de France – 1738-1981, Paris, Albatros, 1981 ; Bernard FAY, La franc-maçonnerie et la révolution intellectuelle du XVIIIe siècle, nouvelle éd., Paris, Henri Coston, 1983 ; Ran HALEVY, Les loges maçonniques dans la France d’Ancien Régime. Aux origines de la sociabilité démocratique, Paris, Armand Collin, 1984 ; Alain LE BIHAN, Loges et chapitres de la Grande Loge et du Grand-Orient de France (2e moitié du XVIIIe siècle), Paris, B. N., 1967 ; Daniel LIGOU, La Franc-Maçonnerie et la Révolution française, Paris, éd. Chiron-Detrad, 1989 ; Alec MELLOR, La vie quotidienne de la Franc-Maçonnerie du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Hachette Littérature, 1973 ; Pierre LAMARQUE, Les Francs-Maçons aux Etats Généraux de 1789 et à l’Assemblée nationale, Paris, Edimaf, 1981.
53 Notons que tous deux sont nés à Cézens, à quelques lieues de Saint-Flour, Guillaume-Pascal Vidalenc le 18 avril 1745 (fils de Guillaume Vidalenc, notaire royal et de Catherine Bertrand) et Jean Daude le 6 mars 1790 (fils de Guillaume Daude et d’Alizette Costes). Le notaire Guillaume Vidalenc est même présent au baptême de Jean Daude. ADC, 5 Mi 529/1 F° 221 et 260.
54 Signalons qu’il représente le tiers état aux États généraux de 1789.
55 Jeune frère de Pierre, avocat, membre de la loge Sully. Avait été initié à Clermont-Ferrand, loge de « la parfaite union de saint Hubert ».
56 Gilles LEVY, op. cit., p. 397.
57 Guillaume Bernet, Didier Germain, Jean-Baptiste Guimbal et Guillaume Royer.
58 Antoine Beaufils.
59 Jean-Baptiste Grassal cadet.
60 Guy Beaufils.
61 Jean Paschins.
62 Pierre Desauret.
63 Lucien BÉLY (dir.), op. cit., p. 571.
64 Ils étaient fils de Mathieu Bertrand, notaire royal et apostolique et de Marguerite Apcher. Pierre Bertrand est né et a été baptisé le 21 mars 1747 ; Antoine Bertrand est né le 14 septembre 1749 et a été baptisé le lendemain (registre paroissial de Saint-Flour, ADC, 5 Mi 624/1 F° 23 et 194).
65 Gilles LEVY, op. cit., p. 321.
66 Rue Marchande à Saint-Flour.
67 Gilles LEVY, op. cit., p. 424.
Auteur
Centre universitaire Jean-François Champollion, CTHDIP
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