Les paréages sous Philippe le Bel dans les années 1300, une voie d’installation de la justice royale dans les évêchés du sud de la France
p. 331-345
Texte intégral
1Dans une acception juridique large, le paréage n’est pas un acte rare au Moyen Âge, comme l’a montré en 1935 la thèse pionnière de Léon Gallet en définissant les caractéristiques juridiques essentielles de ces actes durant l’ensemble du Moyen Âge2. Selon la définition donnée dans le Glossaire du droit français de François Ragueau, le paréage est un « droit de compagnie et de société, quand un évêque, abbé, ou Église fait association avec un seigneur temporel pour la justice qui s’exerce sur leurs sujets et pour les amendes et tailles qui se lèvent sur eux. Tel a été le pariage du roy avec l’évêque de Mande [...]3 ». Cette définition, certes réductrice, montre à quel point les paréages avec des seigneurs ecclésiastiques ont pris de l’importance au cours de l’histoire. La définition donnée par Léon Gallet identifiait l’élément discriminant essentiel d’un paréage : « […] il y a paréage toutes les fois qu’il y a indivision de seigneurie4 ». La récente étude d’Hélène Débax a replacé les paréages dans un phénomène féodal plus large, protéiforme mais peu étudié : la coseigneurie. Elle inclut les paréages dans sa définition de la coseigneurie : il s’agit, d’après ses travaux, de l’exercice conjoint d’un pouvoir par des personnes situées au même niveau de la hiérarchie féodale5.
2Les investigations d’Hélène Débax montrent que, parmi le champ lexical de la coseigneurie, le terme de pariagium reste assez rare dans les sources et ne connaît une recrudescence qu’après la première moitié du XIIIe siècle. Cet essor pourrait découler d’une pratique successorale coutumière du nord-ouest de la France qui permettait de garantir l’unité du patrimoine entre héritiers, tout en partageant la succession6. Les seigneurs souhaitant s’associer pour encourager la fondation d’un nouvel habitat y recourent. De nombreux paréages sont ainsi à l’origine de la fondation de bastides7. C’est d’ailleurs probablement à cette fin que les sénéchaussées méridionales finissent par tenir des registres spécifiques consacrés aux paréages8. Mais on observe également que les officiers royaux concluent des paréages pour régler leurs relations avec l’aristocratie locale9.
3La variabilité de la définition de ce qu’est un paréage traduit des situations réelles diverses : cet article ne prétend pas faire avancer la réflexion conceptuelle sur les caractéristiques d’une catégorie d’actes appelés « paréages », mais étudier un moment de leur pratique.
I - Un moment singulier : la conclusion d’une série de paréages dans le sud de la France dans les années 1300
4Sous Philippe le Bel, on constate en effet une recrudescence des paréages conclus entre le roi de France et plusieurs évêques dans une période de temps très resserrée et une zone géographique cohérente. Entre 1305 et 1307, les évêques du Puy10, de Mende11, de Limoges12 et de Cahors13 en concluent un avec le roi de France, tandis que l’évêque de Rodez projette d’en passer un vers 1309, qui ne semble pas avoir abouti14. Dès 1305, l’évêché de Viviers15 fait l’objet d’un arrangement qui n’est certes pas juridiquement un paréage, mais présente des similitudes troublantes qui m’ont fait l’intégrer dans le champ de cette étude16. Pour trois de ces affaires (Viviers, Le Puy et Mende), on sait en outre que Guillaume de Plaisians s’est déplacé en personne dans les évêchés correspondants pour en négocier les dispositions17.
5Cette accumulation a été remarquée par de nombreux historiens qui y ont vu un outil privilégié de la royauté pour étendre son influence à de nouvelles terres18 ; d’autres ont insisté sur l’importance des difficultés que traverse la royauté au début du XIVe siècle et qui ont pu conduire à un rapprochement avec les prélats, ainsi que sur le coût pour ces derniers de poursuivre de longues procédures judiciaires19. Enfin certains insistent sur le caractère contingent de cette accumulation : des conflits restés en suspens depuis l’arrivée de l’autorité capétienne dans le Midi au début du XIIIe siècle aboutissent à ce moment-là du fait de l’épuisement des prélats et d’une certaine lassitude20.
6Les causes directes et locales de ces actes sont bien sûr liées directement aux conflits d’exercice du pouvoir entre les officiers royaux et les agents des évêques, mais relèvent aussi d’une volonté de pacification – d’aucuns diront d’ingérence – du roi de France dans des cités épiscopales méridionales où l’évêque, grand seigneur temporel en plus d’être un prélat, est en conflit avec des pouvoirs concurrents (chapitre ou consulat). Les cités du Puy, de Limoges et de Cahors semblent relever de ce cas. Au Puy, la juridiction sur le cloître revendiquée par les officiers royaux fait en effet déjà l’objet d’un conflit entre l’évêque du Puy et son chapitre en 128121, qui est probablement directement à l’origine des prétentions royales. Un procès est effectivement pendant au Parlement de Paris, entre le roi et l’évêque au cours de l’année 130022. Début avril 1307, le chapitre du Puy requiert d’ailleurs l’annulation de l’acte de paréage conclu le 21 mai 1305 entre l’évêque et le roi23.
7Les conflits récurrents entre l’évêque de Limoges et les consuls de Limoges et de Saint-Léonard-de-Noblat à partir des années 1270 ont, selon toute vraisemblance, fondé le sénéchal du Poitou et du Limousin à agir en 1302 en arrêtant le prévôt épiscopal et en revendiquant la haute et basse justice sur la cité24. Le même processus semble à l’œuvre à Cahors où l’évêque est en prise à l’émergence d’une bourgeoisie urbaine riche qui tient à se voir reconnaître un certain nombre de pouvoirs sur la cité25.
8Au demeurant, Limoges illustre également un autre facteur de tensions qui a pu faire émerger le besoin d’un paréage : la ville est divisée entre la civitas, contrôlée par l’évêque, et le castrum, placé sous la domination des vicomtes de Limoges26. On retrouve un schéma identique à Rodez : l’évêque est seigneur de la Cité, tandis que le comte de Rodez domine le Bourg. Les conflits violents qui ont opposé les gens de l’évêque de Rodez et les officiers du roi sous l’épiscopat de Pierre de Planecassanhe (1301-1319)27 ne sont probablement pas étrangers au projet de paréage dont on garde la trace28. C’est d’ailleurs finalement avec le comte de Rodez que l’évêque envisage un second traité en 1317, finalement annulé par le pape Jean XXII29.
9Viviers et Mende constituent des cas particuliers. Dans les deux cas, l’histoire locale fournit de solides arguments aux prétentions temporelles des prélats et la situation locale n’offre pas à la royauté de dissensions de nature à lui donner un rôle pacificateur. Situé en terre d’Empire, Viviers n’était pas en contact étroit avec la royauté capétienne30. Quant au Gévaudan, si le roi de France s’y est installé à la suite de la campagne de Louis VIII dans le midi de la France en 1226, provoquant des conflits récurrents avec le pouvoir de l’évêque de Mende, ce territoire était dominé principalement par le prélat qui semble réussir au cours du XIIIe siècle à fédérer les principales familles nobles contre le roi31. Après une révolte en 1262, le consulat de Mende semble ne plus faire parler de lui à la fin du XIIIe siècle et au début du siècle suivant32. Le chapitre soutient quant à lui l’évêque jusqu’au bout dans le combat juridique qui l’oppose au roi de France, malgré quelques réticences devant les dépenses induites33. Dans ce contexte, l’évêque de Mende parvient à porter le conflit de juridiction qui l’oppose au roi de France à un niveau conceptuel inégalé qui favorise la conclusion d’un acte de paréage particulièrement abouti34.
10Enfin, dans le cas de Mende, la chronologie des négociations ayant abouti à la conclusion du paréage35 incite à prendre en considération, dans le faisceau des causes probables de cette série de paréages, le climat politique du Languedoc dans les années 1300. À cette période, l’hostilité de la population des régions d’Albi, Carcassonne et Toulouse à l’Inquisition inquiète la cour du roi et fait craindre une sédition. Les affaires de Bernard Délicieux, Bernard de Castanet et Bernard Saisset émergent toutes en 1301. L’arrestation de l’évêque de Pamiers déclenche le bras de fer que l’on connaît avec Boniface VIII. Ces problèmes religieux forcent la royauté à s’intéresser tout particulièrement au Languedoc : le voyage du roi entre décembre 1303 et février 1304 et les assemblées à Nîmes et Montpellier en juillet 1303 pour obtenir l’assentiment de la population du pays à l’appel royal au concile général en sont autant d’indices. Même si le Gévaudan, comme d’autres évêchés concernés par des paréages au cours de cette période, est en marge de la zone concernée, il a dû paraître important à la royauté d’y régler toutes les sources de conflits alentour36.
11Devant ces éléments de convergence, on peut s’interroger sur une possible standardisation de cet ensemble d’actes de paréage conclus dans un temps et un espace si restreints sous Philippe le Bel ainsi que, d’une manière plus large, sur l’utilisation consciente et raisonnée de tels accords en vue d’accroître l’autorité du roi de France sur les évêchés du sud de la France. Pour tenter de répondre à ces questions, j’ai mené une analyse en série de ces actes, à la lumière de pratiques proches, décrites dans les travaux d’Hélène Débax et Léon Gallet.
II - Des actes similaires
12Tous ces paréages présentent effectivement des caractéristiques communes et peuvent s’analyser suivant trois axes : les biens mis en commun, les règles d’exercice de la justice commune et les garanties réciproques des parties.
A - Les biens mis en commun
1 - Partager la juridiction
13Tous ces paréages associent à perpétuité le roi et l’évêque contractant à la juridiction d’un lieu précis, à l’exception de Viviers, que j’aborderai séparément dans un second temps. Les paréages du Puy, de Cahors, de Limoges et le projet de paréage de Rodez mettent en commun la justice temporelle basse et haute qui s’exerce sur un ensemble territorial réduit à la cité épiscopale et ses dépendances (Le Puy, § 1 ; Cahors, p. 33, § E), moyennant néanmoins quelques variations37. Les droits mis en commun sont désignés par un champ lexical du pouvoir réduit et redondant : dominatio temporalis, districtus ou districtiones, merum et mixtum imperium, alta et bassa jurisdictio, dominium, regimen ou encore seignoria. Le paréage de Mende partage bien de la même façon l’exercice de la justice (§ 5), mais se distingue par l’étendue du territoire sur lequel s’exerce la mise en commun de la justice : il ne comprend pas la cité épiscopale stricto sensu, mais l’ensemble des terres des feudataires des deux parties. Mende se trouve de facto exclue du paréage (Mende, § 6 et 8).
14Les droits de justice ainsi partagés recouvrent des réalités diverses. Le paréage de Mende indique que la justice commune implique « le droit de connaître [ensemble] toutes les actions personnelles et tous les crimes, publics ou privés, capitaux ou non, ordinaires ou extraordinaires » (Mende, § 6). Il faut souligner que, sauf à Limoges (p. 206-207), la justice commune est même compétente pour des cas qui sont alors déjà vus comme des cas royaux38. Au Puy et à Mende, le roi et l’évêque s’associent dans tous les droits qu’ils possèdent dans la ville afin que la Cour commune puisse connaître des cas de fausse monnaie et d’autres crimes. Pourtant d’autres clauses précisent que le ressortum39 et la souveraineté royale restent cependant exclus de la mise en commun (Le Puy, § 11 ; Mende, § 5 et 14). Les autres caractéristiques communes de ces actes laissent à penser que cette exception recouvre la connaissance des appels en second ressort. Les paréages de Cahors et de Rodez, qui suivent visiblement un modèle similaire, donnent un autre indice : si la connaissance et la punition de tous les crimes publics et privés commis dans les lieux concernés par le paréage sont mises en commun (ce qui comprend également, pour Cahors, les ports d’armes et les guerres privées, p. 34, § D), les cas de lèse-majesté et d’autres cas de souveraineté « qui relèvent du roi dans les terres de ses barons, même quand ils sont pairs de France ou qu’ils y détiennent les droits de haute et basse justice », restent de la compétence unique de la justice royale (Rodez, fol. 76v ; Cahors, p. 34, § D). Les revenus issus de l’exercice de la justice sont mis en commun dans tous les cas.
15D’autres droits s’ajoutent parfois à ce premier ensemble judiciaire : dès son premier article le paréage du Puy indique que l’association concerne également les marchés, impôts (leudis) et péages (§ 1). On retrouve des clauses similaires dans le projet de paréage de Rodez (fol. 77 et 77v) et ceux de Limoges (§ 20) et Cahors (p. 33, § E). À Mende, les revenus de l’activité économique ne font l’objet d’aucune mise en commun. La levée du compoix de paix40 dans les terres communes doit cependant être décidée et partagée entre les coseigneurs. Par ailleurs, le roi ou l’évêque ne peuvent lever dans la terre commune un quelconque impôt s’il ne sert pas à la défense générale du royaume (§ 12), cette clause se retrouvant également dans le paréage du Puy (§ 1).
2 - Les exceptions à la mise en commun
16Le partage du droit de juridiction est toujours assorti d’exceptions. Elles sont de deux types : les exceptions ponctuelles, désignant un lieu qui est placé hors de l’association, et les exceptions de principe.
17L’exception de principe que l’on retrouve fréquemment est celle qui exclut de l’association les droits liés à la propriété et à la possession des terres concernées, c’est-à-dire essentiellement le droit de recevoir les serments de fidélité de ses vassaux et la jouissance des revenus qui en sont issus (Le Puy, § 1 ; Mende, § 5 et 7 ; Cahors, p. 35, § A ; Limoges, p. 206 ; Rodez, fol. 77v-78) : seul l’exercice de la juridiction est partagé et non le fait de détenir et de disposer concrètement des terres sur lesquelles elle s’exerce. Une seconde exception de principe est l’exclusion totale de la justice spirituelle du champ de la mise en commun. Elle est mise à part et la royauté affirme fortement qu’aucune atteinte ne doit lui être portée.
18Une troisième exception de principe concerne la permanence de droits de justice temporelle propres aux parties. La majorité des paréages sont centrés sur la cité épiscopale et ses dépendances (Limoges, Cahors, Rodez) et se limitent donc à définir des catégories de personnes sur lesquelles les parties gardent un pouvoir de justice particulier au sein du territoire soumis à la juridiction commune : par exemple les serviteurs et familiers des deux parties (Limoges, p. 206 ; Rodez, fol. 78). Appartenant à ce groupe d’actes, l’évêque du Puy bénéficie d’une exception plus étendue qui rappelle que l’évêque garde le droit d’exercer la justice dans ses fiefs et arrière-fiefs (§ 18). Par l’étendue de son territoire d’application, le paréage de Mende constitue un cas particulier : tous les domaines propres du roi (§ 5) et du prélat (§ 7) situés dans l’évêché de Mende restent sous le pouvoir judiciaire de chaque partie et demeurent complètement exclus du paréage.
19En outre, chaque paréage prévoit des exceptions ponctuelles. Celui du Puy réserve par exemple à l’évêque de pouvoir concéder des terrains à bâtir dans certains lieux de la ville, même si les revenus de ces concessions doivent être partagés avec le roi de France (Le Puy, § 2). À Cahors, le roi de France se réserve le droit d’acquérir en propre dans la cité épiscopale un terrain pour faire construire un château (p. 35, § A).
20De cette première analyse des biens mis en commun, on constate que les paréages passés par la royauté dans les années 1300 avec des évêques du sud de la France se consacrent essentiellement à la mise en commun de la justice, négligeant toute autre forme de pouvoir ou de droit. De ce point de vue, ces actes relèvent d’une tendance qui s’est développée tout au long du XIIIe siècle dans la pratique des paréages et qui a entraîné « la distinction entre d’une part, les droits de propriété et féodaux et, d’autre part, la justice et les droits seigneuriaux, étroitement assimilés et formant en quelque sorte le bloc des droits de la puissance publique, ce que les textes appellent le merum et mixtum imperium41 ». De ce fait, il convient de les distinguer d’autres actes de coseigneurie organisant la gestion commune de revenus et de biens42.
3 - Des compensations symboliques et financières
21Dans trois actes sur six (les paréages de Cahors, Le Puy et Mende), le roi de France accorde aux prélats, en échange du partage du pouvoir sur certains lieux, des compensations symboliques et financières. Les prélats obtiennent le droit de se parer d’un titre seigneurial : « comte du Gévaudan » (Mende, § 35), « baron et comte de Cahors » (Cahors, p. 34, § C) ou encore « comte du Velay » (Le Puy, § 1). En outre, ils se voient confirmer leur droit de battre monnaie (Le Puy, § 1 ; Mende, § 34 ; Cahors, p. 34, § E et p. 35, § A). Les évêques de Limoges et de Mende se voient aussi garantir que les affaires judiciaires qui les concerneront, eux ou leur chapitre, ne pourront être portées que directement devant le roi et sa cour (Mende, § 41 ; Limoges, § 13).
22Outre ces privilèges, ils bénéficient de compensations pécuniaires : confirmation en faveur de l’évêque de Mende d’une rente problématique43, versement par la royauté à l’évêque de Cahors d’une rente de 450 £ assise sur des biens du Quercy (Cahors, p. 34, § E) et, pour l’évêque du Puy, d’une autre de 400 £ assignée sur un ensemble de biens, ainsi que d’une seconde de 100 £ à prélever sur les péages d’Alès (Le Puy, § 21 et 24). Les terres du chapitre et de l’évêque de Mende sont de plus affranchies du paiement des subsides du roi (§ 12). L’évêque du Puy reçoit aussi la jouissance en paréage de la moitié de la juridiction sur la ville d’Anduze (§ 21-24). L’importance des compensations financières en faveur de ce dernier prélat s’explique probablement par les négociations que le roi mène en parallèle avec l’évêque du Puy pour obtenir la cession de ses droits sur le Bigorre44.
B - Un modèle de justice intégrant les appels hiérarchiques
23Du fait de la mise en commun de droits de justice, les paréages doivent préciser les règles d’organisation de la justice commune ainsi créée.
1 - La Cour commune
24L’ensemble des terres placées sous la juridiction commune relève dans tous les paréages considérés, d’une Cour commune composée de la même façon : un officier supérieur – prévôt (prepositus, Limoges), bailli (baillivus, Mende), bayle (bajulus, Villefranche-sur-Rouergue) ou viguier (vicarius, Rodez et Cahors) –, un juge ordinaire, un juge des premiers appels (sauf à Limoges), un ou plusieurs notaires, des sergents et d’autres officiers subalternes comme des gardiens de prison (Le Puy, § 3 ; Mende, § 13 ; Cahors, p. 34, § A-B ; Limoges, § 6 ; Rodez, fol. 75v), voire un receveur des émoluments de justice, chargé de la redistribution de ceux-ci entre les seigneurs associés (Cahors, p. 34, § B ; Rodez, fol. 76 ; Le Puy, § 1445). Il est également prévu que des hérauts communs fassent les proclamations officielles dans les lieux soumis à la juridiction commune (Le Puy, § 4 ; Cahors, p. 34, § C ; Rodez, fol. 77 ; Mende, § 21).
25Les officiers supérieurs (prévôt, bailli, bayle, viguier et juges) sont nommés en commun par les associés ou bien alternativement chaque année en cas de désaccord. À Mende et au Puy, il est prévu que les officiers subalternes (sergents, geôliers...) soient nommés par les officiers supérieurs, ce qui n’est pas précisé dans les autres cités. Les officiers doivent prêter serment à leur entrée en charge dans les mains des deux associés (Le Puy, § 3 et 12 ; Mende, § 13 et 45 ; Cahors, p. 34, § A et C ; Limoges, § 6 ; fol. 75v-76v). Dans l’exercice de leur fonction, les méfaits des juges et du prévôt sont punis par le sénéchal seul ou par celui-ci et l’autre seigneur associé. La correction des délits des officiers subalternes revient par contre au juge et à l’officier supérieur commun (Le Puy, § 5 ; Mende, § 24).
26Tous les actes de paréages mentionnent la mise en commun d’un certain nombre de lieux nécessaires pour l’exercice de la justice comme un bâtiment pour accueillir les audiences de la Cour commune, des prisons ou encore des fourches communes (Cahors, p. 34, § B ; Limoges, § 7 et 16 ; Rodez, fol. 77 ; Mende § 27).
27Mais surtout, un autre élément est commun à tous ces actes : l’exercice de la justice commune doit être intégré au système de l’appel hiérarchique remontant jusqu’à la justice royale. Les appels des sentences de la Cour commune ou les défautes de droit46 de celle-ci vont à un juge commun des appels47. Les appels des décisions de ce magistrat doivent ensuite être directement portés devant la cour du sénéchal ou du roi (Le Puy, § 12-13 ; Mende, § 17-1848 ; Cahors, p. 34, § C ; Rodez, fol. 76). L’ensemble forme un cheminement obligatoire des affaires et des appels. Comme la Cour commune instituée en Gévaudan a compétence sur des fiefs, le paréage prend en considération le fait que des justices seigneuriales pourront avoir compétence sous elle. Il est donc prévu qu’elle connaisse des appels et des défautes de droit de ces cours inférieures. Mais, si un appel est interjeté de ce second jugement, il ne relèvera pas du juge des appels de la Cour commune, mais de la cour du sénéchal de Beaucaire (Mende, § 17). Le choix de porter une affaire en première instance plutôt devant la Cour commune ou devant une juridiction seigneuriale inférieure n’est pas encadré par le paréage.
28Enfin des dispositions semblables sont présentes dans les paréages pour donner à la Cour commune les moyens de se faire connaître : outre les proclamations (preconisationes) qui se font toujours en commun (Le Puy, § 4 ; Mende, § 21), les sergents communs disposent de bâtons aux armes des deux seigneurs associés et la cour d’un sceau particulier aux deux armes (Le Puy, § 3 et 7 ; Mende, § 22 ; Cahors, p. 34, § B-C ; Limoges, § 7 ; Rodez, fol. 77).
2 - Les juridictions propres des seigneurs associés
29Pour garantir la bonne application des dispositions précédentes, les paréages restreignent la liberté d’action des officiers propres aux deux parties contractantes. Il leur est interdit de résider dans les terres dont la juridiction est commune ou d’y rendre un acte de justice, moyennant des aménagements nécessaires pour qu’ils puissent continuer à exercer la justice placée hors du périmètre du paréage (Le Puy, § 8, 9 et 12 ; Mende, § 37 ; Cahors, p. 34, § A ; Rodez, fol. 76v-77 ; Limoges, § 9- 10 et 17-18).
30Mais le champ de réglementation de ces actes de paréage ne s’arrête pas toujours à la question de la juridiction commune et de son rapport avec les juridictions particulières du roi ou de l’Église. En Gévaudan et au Puy, ces actes prennent prétexte de garantir la justice du seigneur associé pour la structurer selon le même modèle que la justice commune. L’évêque de Mende est autorisé à conserver dans ses domaines un ou plusieurs bayles ou viguiers, qui sont assistés de juges ordinaires (§ 30). Ces officiers ont connaissance des mêmes cas que ceux de la Cour commune, mais dans les domaines épiscopaux (§ 31). Ils sont autorisés par le roi, ainsi que par l’évêque, à porter des armes (§ 33). La connaissance des premiers appels et des recours pour défautes de droit des juges ordinaires de l’évêque revient à l’évêque de Mende ou à son propre juge des appels. Mais la connaissance des seconds appels et des défautes de droit de l’évêque ou de son juge des appels revient au roi. L’appelant peut porter, à sa discrétion, son appel devant le sénéchal de Beaucaire ou devant la cour royale (§ 32). On retrouve les mêmes prescriptions concernant la cour de justice temporelle de l’évêque du Puy, à la différence près que cette justice doit s’exercer à l’extérieur de la cité épiscopale compte-tenu du périmètre du paréage (§ 10) : les officiers épiscopaux peuvent porter les armes pour rendre la justice (§ 18). L’évêque doit avoir à sa disposition un juge des appels pour connaître des appels interjetés des sentences de sa cour (§ 19).
31Les paréages de Limoges, Viviers et Mende contiennent d’ailleurs un autre moyen de la royauté pour encadrer la justice épiscopale : le roi y prend l’Église concernée sous sa garde spéciale et sa protection (Limoges, § 14 ; Mende, § 3849 ; Viviers, § 22). Il ne s’agit pas d’une déclaration de bonnes intentions, mais bien d’une institution juridique de protection. Le but premier du seigneur gardien est de protéger l’Église qu’il a pris dans sa garde et, pour ce faire, il doit l’aider dans ses conflits, soit en la conseillant dans le cadre d’un procès, soit en lui envoyant un officier pour l’aider, mais aussi en mettant à disposition sa justice pour punir ses agresseurs. L’Église protégée a le droit de recourir à sa propre justice temporelle si elle en dispose d’une mais, si elle souhaite que l’affaire soit jugée par une autre justice que la sienne, elle ne peut faire appel qu’à celle de son gardien. Le gardien se réserve également la connaissance des appels de la cour de justice temporelle ecclésiastique. Il faut ajouter que la garde royale jouissait d’une condition particulière, ayant tendance à exclure toute autre garde seigneuriale sur une même Église50. Il s’agit donc d’un autre biais par lequel le pouvoir royal peut étendre l’exercice de sa justice.
C - Un ensemble de garanties
32Pour éviter qu’un des contractants profite du paréage pour augmenter ses domaines au détriment de l’autre, des clauses empêchent l’appropriation des acquisitions réalisées au sein de la communauté.
33Au Puy, il est établi que, si le roi acquiert une juridiction dans la cité épiscopale et son mandement, la moitié en revient à l’évêque contre versement d’une compensation au roi (Le Puy, § 17). Dans le projet de paréage de Rodez, il était prévu comme à Limoges, que chaque partie ne puisse rien acquérir dans les lieux mis en commun par l’autre, sous peine de devoir s’en défaire dans un délai d’un an et un jour (Limoges, § 15 ; Rodez, fol. 77v). La possession des biens saisis par la justice commune devait être contrôlée d’une manière similaire (Rodez, fol. 76v). À Cahors, ce sont les héritages qui sont visés : ni l’évêque, ni le roi ne pourront jouir d’aucun héritage dans les lieux soumis à la juridiction commune sans mettre la moitié du bien en commun avec l’autre partie sous réserve du versement d’une compensation par ce dernier (p. 35, § A). Enfin, portant sur des fiefs, le paréage de Mende prescrit la mise en indivision de tous les fiefs qui seraient confisqués, achetés ou repris suite à une vacance seigneuriale par un des deux contractants (§ 6, 8 et 11).
34En dernier lieu, les traités de paréage prévoient des clauses qui garantissent leur application à l’avenir. Tous précisent qu’aucune des deux parties ne peut se séparer d’une quelconque part des biens soumis à la juridiction commune (Le Puy, § 16 ; Limoges, § 8 ; Mende, § 10 ; Cahors, p. 34, § E ; Rodez, fol. 77v). Les officiers communs et les officiers royaux de la sénéchaussée doivent prêter serment sur les évangiles de respecter le paréage (Mende, § 43 ; Le Puy, § 22)51. Presque systématiquement, des clauses ajoutent que, s’il arrivait que les dispositions des paréages ne soient pas respectées, il ne pourrait en résulter aucun préjudice pour aucune des deux parties (Mende, § 44 ; Rodez, fol. 78v-79 ; Limoges, § 21 ; Cahors, p. 35, § D-E).
1 - Viviers : une reconnaissance du pouvoir royal qui reprend les mêmes dispositions que les paréages
35Négocié en même temps que les paréages du Puy et de Mende par Guillaume de Plaisians au cours de l’année 1305, un premier accord survient entre le roi de France et l’évêque de Viviers en juillet 1305, repris le 5 février 1306, puis confirmé par le roi de France en janvier 1308. Cet acte n’entraîne aucun partage de seigneurie et n’est donc pas, stricto sensu, un paréage. Il répartit cependant les pouvoirs dans le diocèse de Viviers afin d’entériner et de réglementer l’arrivée de la royauté capétienne dans ce territoire. Malgré la différence juridique fondamentale, les clauses et l’économie générale du texte sont clairement inspirées par les actes de paréage conclus dans les évêchés voisins au même moment. Ce rapprochement incline à penser que les points communs relevés précédemment dans les paréages ne relèvent pas d’une pratique juridique attachée à une typologie documentaire, mais traduisent bien un besoin né de la réalité institutionnelle et politique de l’époque.
36À la différence des paréages, l’acte de Viviers est clairement asymétrique et avant tout une reconnaissance de la supériorité du pouvoir royal. L’évêque de Viviers et son chapitre y déclarent que la ville de Viviers, leur domaine et celui de leurs vassaux sur le Rhône et au-delà sont soumis à l’autorité temporelle du roi de France et relèvent du ressort et de la supériorité de celui-ci (§ 1). L’évêque doit dorénavant prêter un serment de fidélité au roi de France pour son domaine, quoiqu’il le tienne en franc-alleu (§ 2). L’obligation faite aux évêques de porter les armes royales de France et de les utiliser pour leurs sceaux et enseignes renforce encore l’impression d’un acte de conquête qui entérine l’arrivée du pouvoir royal sur un territoire marginal du royaume (§ 16).
37Comme dans les paréages, en échange de ses concessions, l’évêque de Viviers bénéficie de la faveur royale : droit de frapper monnaie (§ 14) et de siéger au Conseil du roi, sous réserve d’un serment (§ 16). Comme à Mende, lui et son chapitre ne relèvent pas de la justice des officiers ordinaires du roi, mais directement de la cour royale (§ 13). En cas de vacance du siège épiscopal, l’évêché semble exempt de la régale (§ 18). Une compensation territoriale complète l’ensemble : le prélat reçoit également le village de Saint-Just52 dans le diocèse de Viviers (§ 25). Le roi allège aussi les obligations nationales qui pourraient peser sur l’évêché : ses terres, ainsi que celles de son chapitre ne sont soumises ni au paiement des subsides royaux, ni à la participation à l’ost (§ 10 et 17). Le roi promet même à l’évêque de Viviers d’obtenir du pape que son Église ne paie aucune décime (§ 26).
38Puisque, dans le diocèse de Viviers, il ne s’agit pas d’organiser le partage d’un pouvoir, l’accord de 1308 ne parle pas de juridiction commune. Il s’attache néanmoins à réglementer la justice temporelle de l’évêque, après avoir rappelé que les terres du chapitre et de l’évêque de Viviers étaient soumises à la juridiction du sénéchal de Beaucaire dans les cas qui appartiennent au roi (§ 12). La cour épiscopale temporelle de Viviers jouit d’une exclusivité de juridiction sur ses sujets et, comme les juridictions communes du Gévaudan (Mende, § 14) et du Puy (§ 11), a le droit de connaître certains cas royaux (fausses monnaies et port d’armes, § 3).
39Mais, surtout, le traité impose à la cour temporelle ecclésiastique les mêmes règles de fonctionnement que celles des cours communes décrites plus haut. L’évêque et le chapitre doivent disposer d’un juge des appels (§ 4). Les voies de recours intègrent là encore la justice de l’évêque dans l’organisation hiérarchique des appels. Le juge des appels épiscopal reçoit les appels du connétable, du bailli et de tous les autres juges ordinaires de l’évêque. Les appels interjetés de ses sentences reviennent au sénéchal (§ 4). Par ailleurs, les juges ordinaires de l’évêque ont connaissance des appels des juges de ses vassaux ou des juges d’appels de ses vassaux. En cas de second appel, il relève uniquement du sénéchal de Beaucaire et non du juge des appels de l’évêque (§ 5).
40Enfin, des garanties similaires à celles que nous avons vues dans le cas des paréages sont données : interdiction de résidence des officiers royaux dans le domaine temporel de l’évêque où ils n’ont pas juridiction (§ 20), interdiction de toute atteinte des officiers royaux contre la juridiction spirituelle de l’évêque (§ 15), prestation de serment obligatoire des officiers communs et des officiers royaux de la sénéchaussée de respecter le paréage (§ 23), invalidité de tout préjudice contraire aux dispositions du traité, infligé à une partie contre l’autre (§ 24). Même s’il n’y a pas directement de partage du pouvoir dans le diocèse de Viviers, il est intéressant de constater qu’une clause existe, qui limite, comme dans un paréage, la possibilité pour la royauté d’empiéter sur le domaine de l’évêque du Puy : le roi ne peut garder entre ses mains plus d’un an et un jour les immeubles situés dans les terres de l’évêque et du chapitre qui lui sont adjugés par confiscation ou par un autre moyen. Si le délai n’est pas respecté, l’évêque et le chapitre sont autorisés à reprendre possession du bien (§ 8).
2 - Le paréage sous Philippe le Bel, un outil au service de la souveraineté royale
41À travers cette analyse comparative, apparaissent les contours d’un modèle juridique définissant moins ce qu’est un paréage en ce début de XIVe siècle, que l’idéal d’organisation judiciaire du royaume d’après les conseillers de Philippe le Bel. Les points communs qu’il a été possible de mettre à jour entre les six actes examinés témoignent de l’existence, dans la pensée des officiers royaux chargés de les conclure, d’une organisation certes lâche, mais bien établie.
42Les évêques sont vus comme des relais de la justice temporelle royale au point de pouvoir juger des cas royaux. Cette participation à la justice du royaume est conditionnée d’abord à un serment de fidélité au roi de France qui est dit ne pas être forcément féodal (Viviers, § 2 ; Mende, § 1). Elle implique l’instauration d’un contrôle au moyen de la centralisation des appels de deuxième instance. La dernière condition semble que la justice rendue par la Cour commune ou l’évêque respecte un modèle puisque toutes les cours communes sont constituées a minima avec les mêmes officiers. Quand le contexte a été favorable, les conseillers du roi ne se sont pas limités à l’organisation de la justice commune et ont appliqué ce même modèle à la justice temporelle de l’évêque : c’est le cas à Mende ou encore à Viviers.
43Dans leur volonté d’imposer la souveraineté régalienne sur le royaume, Philippe le Bel et ses officiers usent du paréage comme d’un outil permettant d’imposer un modèle judiciaire, mais impliquant une concession de pouvoir. Certains historiens ont donc vu dans le paréage de Mende une énorme concession du pouvoir royal à l’évêque, qui allait limiter la souveraineté du roi dans les siècles à venir. Au vu du contenu de ces actes, il est probable que Guillaume de Plaisians et Guillaume de Nogaret ne voyaient pas les choses de cette manière. Ce dernier affirmait d’ailleurs, en réponse à la proposition faite par le roi de Majorque au roi de France de conclure un paréage sur la ville de Montpellier, qu’« il est préférable au roi de détenir un lièvre avec un allié que de le perdre seul53 ».
44Cette approche semble contradictoire avec le développement, contemporain de ces paréages, de théories juridiques défendant l’exclusivité de la souveraineté royale54. Cependant, même si aucun texte ne vient pour le moment étayer cette hypothèse, il faudrait réfléchir aux possibles justifications théoriques des paréages. En effet, parmi les multiples commentaires de juristes portant sur la validité de la Donation de Constantin, celui de Jacques Butrigarius (1274-1348) est intéressant à mettre en relation avec la pratique des paréages : examinant si l’empereur peut aliéner la juridiction qui lui a été confiée par le peuple, il juge qu’il ne peut pas l’abandonner à une tierce personne, mais peut la partager (communicare) avec elle55. Si ce juriste n’a sûrement pas directement influencé la politique de Philippe le Bel, son raisonnement a pu être fait par d’autres : le paréage pourrait avoir été vu par les conseillers du roi comme un procédé « théoriquement » acceptable permettant de confirmer l’autorité royale à des endroits où elle était historiquement mal reconnue, en s’appuyant notamment sur le réseau des juridictions temporelles épiscopales et en évitant ainsi de trancher des différends judiciaires complexes à l’issue douteuse. Les paréages permettaient d’affirmer, indépendamment des liens féodo-vassaliques, une supériorité éminente du roi de France.
Notes de bas de page
2 Léon GALLET, Les traités de pariage dans la France éodale, Paris : Libr. du Recueil Sirey, 1935.
3 François RAGUEAU, Glossaire du droit français, Paris : impr. Guignard, 1704, t. 2, art. « droit de pariage », p. 196.
4 Léon GALLET, op. cit., p. 149.
5 Hélène DEBAX, La seigneurie collective : pairs, pariers, paratge, les coseigneurs du XIe au XIIIe siècle, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 20-21.
6 Hélène DEBAX, op. cit., p. 61-62.
7 Hélène DEBAX, op. cit., p. 34-38.
8 Eugène MARTIN-CHABOT, Les archives de la cour des comptes, aides et finances de Montpellier : avec un essai de restitution des premiers registres de sénéchaussée, Paris : F. Alcan, 1907 (Bibliothèque de la Faculté des lettres de l’Université de Paris, n° 22), p. VII et Hélène DEBAX, op. cit., p. 38.
9 J’ai ainsi étudié dans le cadre de ma thèse d’École des chartes des paréages conclus entre le roi de France et les seigneurs de Canilhac et de Montclar en 1298 et 1305. Voir ma thèse Le Gévaudan sous l’empire du roi, op. cit., p. 424, 428 et s. et les éditions dans les pièces justificatives n° 13 et 18 et, sur la seigneurie de Montclar, Jean PELLET, « La seigneurie de Montclar au Moyen Âge », dans Cévennes et Gévaudan. Actes du XLVIe Congrès organisé à Mende et Florac les 16 et 17 juin 1973 par la Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, Mende : Revue du Gévaudan des Causses et des Cévennes, 1974, p. 151-162.
10 Deux versions du paréage du Puy sont connues : celle du 21 mai 1305, éditée dans « Documents inédits relatifs au paréage du Puy », éd. Étienne Delcambre, Terre vellave et brivadoise, 1931, p. 24-31 et 60-61, et la version définitive de septembre 1307, confirmée par le roi de France (édition dans Ordonnances des roys de France de la troisième race [...]. Sixième volume, contenant les ordonnances de Charles V données depuis le commencement de l’année 1374 jusques à la fin de son regne & celles de Charles VI depuis le commencement de son regne, jusques à la fin de l’année 1382, éd. Denis-François Secousse, Paris : Imprimerie royale, 1741, p. 341 et suiv.). Voir aussi l’étude d’Étienne Delcambre, « Le paréage du Puy [XIIIe-XIVe siècle] », Bibliothèque de l’École des chartes, t. 92, 1931, p. 121- 169 et 285-344.
11 Sur ce texte, voir ma thèse Le Gévaudan sous l’empire du roi, op. cit., p. 408 et s. En annexe, l’édition scientifique d’une version inédite du paréage de Mende (pièce justificative n° 19) fait le bilan des différentes éditions existantes de ce texte.
12 Arch. nat. J 331, n° 5. On trouve une édition de cet acte passé en septembre 1307 à Pontoise dans les Ordonnances des rois de France de la troisième race [...]. Treiiième volume, contenant les ordonnances depuis le commencement du règne de Charles VII, jusques & compris l’année 1447, éd. Louis George OUDARD FEUDRIX DE BREQUIGNY et Louis-Guillaume DE VILEVAULT, Paris : Imprimerie royale, 1782, p. 205-209. Voir aussi Paul-Louis GRENIER, La Cité de Limoges, son évêque, son chapitre, son consulat, XIIe-XVIIIe siècles, Paris : A. Picard et fils, 1907 (Bulletin de la Société archéologique du Limousin, n° 57), p. 26 et p. 93.
13 Edition de cet acte passé en février 1307 dans la Gallia christiana in provincias ecclesiasticas distributa, éd. Denis DE SAINT-MARTHE, Paris : Jean-Baptiste Coignard, 1715, vol. 1, instrumenta, p. 33, § D, une analyse dans Edmond ALBE, « Cahors : Inventaire raisonné et analytique des archives municipales [deuxième partie, XIVe siècle (1200-1300)] », Bulletin de la société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot, t. 41, p. 18-21, une traduction dans Guillaume DE LACROIX, « Paréage entre l’évêque de Cahors et le roi de France », dans Histoire des évêques de Cahors, trad. L. Ayma, vol. 1, Cahors : impr. J.-G. Plantade, 1878, p. 452-467, un document préparatif dans Edmond ALBE, Cahors : Inventaire raisonné et analytique des archives municipales. Première partie, XIIIe siècle (1200-1300), Cahors : impr. G.Rougier, 1915, p. 172-173, n° 169, n° 228 et des mandements royaux d’application datant de janvier-mai 1308 dans ibid., p. 23-27, n° 232-238. Voir la présentation du contexte dans Dominique SOUYOT, « Le pariage de Cahors (février 1307) : un acte inévitable », Bulletin de la société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot, t. 122, n° 3, 2001, p. 195-204.
14 Divers exemplaires du projet de paréage sont conservés aux archives départementales de l’Aveyron sous les cotes G 10 (fol. 75-79), G 491 et G 961, fol. 45-46v. Je remercie Jérôme Belmon de m’avoir indiqué les cotes de cet acte inédit. Une analyse existe néanmoins dans Ch. ESTIENNE et L. LEMPEREUR, Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790. Aveyron. Série G : évêché de Rodez, Rodez, 1934, t. 1, p. 199.
15 Différentes versions de cet accord, confirmées ou non par chacune des parties, sont conservées : une du 10 juillet 1305 (Arch. nat. J 341, n° 2), une autre du 5 février 1306 (J 342, n° 5, éd. dans Gallia christiana in provincias ecclesiasticas distributa, Paris, 1865, vol. 16, col. 277-282) et la confirmation royale de janvier 1308 (Arch. nat. J 342, n° 6, éditée dans les Ordonnances des roys de France de la troisième race. Septième volume (1383- 1394), éd. Denis-François Secousse, Paris : Imprimerie Royale, 1745, p. 7-14).
16 Dans la suite de l’article, les références aux paréages et à l’accord de Viviers seront faites directement dans le corps du texte, entre parenthèses. Elles s’appuient sur les éditions ou les documents mis en gras dans les notes ci-dessus.
17 Un compte particulier, écrit au dos d’un rôle de comptes des bailliages de France, présente, au terme de l’Ascension 1305 (27 mai), le récapitulatif des dépenses et des recettes d’un voyage réalisé par Guillaume de Plaisians « pro negotiis Vivariensis, Aniciensis et Mimatensis ecclesiarum » (Comptes royaux (1285-1314), éd. Robert Fawtier, Paris : Imprimerie nationale, 1953, t. 1, p. 330-331). Il y est précisé que le voyage aller-et-retour aura duré en tout 135 jours, en comptant le temps de séjour sur place, soit environ quatre mois et deux semaines. D’après les sources des négociations relatives aux affaires du Puy et de Viviers, on peut estimer que le voyage de Guillaume de Plaisians s’est déroulé entre la fin du mois d’avril ou le début du mois de mai 1305 et la fin du mois d’août ou le début du mois de septembre 1305.
18 Robert FAWTIER et Ferdinand LOT, Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, Paris : Presses Universitaires de France, 1957, t. 2, p. 120 et Edgar BOUTARIC, La France sous Philippe le Bel : étude sur les institutions politiques et administratives du Moyen âge, Paris : H. Plon, 1861, p. 406.
19 Joseph Reese STRAYER, The Reign of Philip the Fair, Princeton : Princeton University Press, 1980, p. 248-249.
20 Léon GALLET, op. cit., p. 103.
21 Étienne DELCAMBRE, « Le paréage du Puy [XIIIe-XIVe siècle] », op. cit., p. 150 et « Documents inédits relatifs au paréage du Puy », op. cit., p. 25-26.
22 À la Toussaint en 1300, Pierre de Bourges inscrit dans un volume des Olim qu’on lui a rendu une « enquête [sur une affaire] entre le roi et l’évêque du Puy » (Arch. nat. X1A3, fol. 30v).
23 Arch. nat. J 338, n° 7. Cette requête a finalement été retirée par le chapitre et le paréage confirmé par Philippe le Bel en septembre 1307.
24 Léon GALLET, op. cit., p. 93-94 et Paul-Louis GRENIER, op. cit., p. 26. L’exposé du paréage n’évoque qu’un conflit entre la royauté et l’évêque (p. 205), mais des clauses évoquent les conséquences d’une sentence à venir sur les droits des consuls (§ 5).
25 Histoire du Quercy, éd. Jean Lartigaut, Toulouse : Privat, 1993, p. 116-117.
26 Paul-Louis GRENIER, op. cit., p. 10-11.
27 Matthieu DESACHY, Nancy BOURNOT-DIDIER, Edouard BOUYE et Vincent TABBAGH, Le diocèse de Rodez, Turnhout : Brepols, 2002 (Fasti ecclesiae gallicanae, n° 6), p. 81.
28 Le projet de paréage encadre la possibilité que le roi conclut un accord bilatéral avec le comte (Arch. dép. Aveyron, G 10, fol. 79).
29 Anne-Sabine DELRIEU, Hélène DUTHU, et Philippe MAURICE, Le diocèse de Mende, Turnhout : Brepols, 2004 (Fasti ecclesiae gallicanae, n° 8).
30 Le vocabulaire employé pour qualifier le pouvoir de l’évêque sur le diocèse dans le préambule du traité de 1308 s’apparente à celui du paréage de Mende et traduit les prétentions épiscopales : il est ainsi dit que les gens du roi et l’évêque s’opposaient au sujet de la « juridictionem temporalem, ressortum et portationem armorum et cohercionem eorum, regalia, superioritatem et alia que ad jus pertinent principatus » et de la « juridictionem altam et bassam, superioritatem, regalia et alia jura predicta » (Ordonnances des roys de France, op. cit., éd. Denis-François Secousse, p. 9).
31 Antoine MEISSONNIER, op. cit., p. 194-240.
32 Charles POREE, Le consulat et l’administration municipale de Mende des origines à la Révolution, Paris : A. Picard et fils, 1901, p. VIII-XIV.
33 Antoine MEISSONNIER, op. cit., pièces justificatives n° 14 et 17.
34 Ibid., p. 246-263, 312-356 et 579-595.
35 Ibid., p. 307-312.
36 Sur ce contexte, voir ibid., p. 390-392.
37 Le paréage conclu avec l’évêque de Limoges concerne par exemple aussi Saint-Léonard-de-Noblat (Limoges, p. 206) et celui de Rodez prévoyait d’inclure Villefranche-sur-Rouergue et plusieurs villages (Rodez, fol. 75-75v).
38 Sur cette notion, voir Ernest-Valentin PERROT, Les cas royaux : origine & développement de la théorie aux XIIIe et XIVe siècles, Paris : A. Rousseau, 1910, p. 23, note 3. Le mémoire juridique dit « mémoire relatif au paréage de 1301 » donne une liste des cas royaux : arch. dép. Loz. G 730, fol. 129v (inédit) : « [...] de casibus ad ipsam regaliam de jure et secundum consuetudinem Francie pertinentibus in ressorto, deffectu justicie, pacis fractione, portatione armorum, punitione, toloneis, vectigalibus, viis publicis, cognitione apellationum [...] ».
39 Le terme est polysémique, mais son sens évolue au cours du règne de Philippe le Bel pour désigner un pouvoir juridique supérieur, apte à juger les affaires les plus importantes (peut-être les cas royaux) et surtout en dernière instance (« Ressortum » (par C. du CANGE, 1678), dans du Cange, et al., Glossarium mediae et infimae latinitatis, éd. augm., Niort : L. FAVRE, 1883-1887, t. 7, col. 153a [en ligne : http://ducange.enc.sorbonne.fr/ RESSORTUM]).
40 Appelé en latin compensum pacis, cet impôt est levé par les chapelains des paroisses du diocèse assistés d’un laïc afin de financer l’activité d’hommes qui ont connaissance des plaintes concernant des violences ou des dommages et qui établissent le dédommagement que le coupable doit verser à la victime (Mémoire relatif au paréage de 1307 conclu entre l’évêque Guillaume Durand II et le roi Philippe le Bel, éd. Charles Porée et Abel Maisonobe, Mende, 1896, p. 220 et 225 et, dans la version mss., Arch. dép. Loz. G 730, fol. 50v-52v. Voir aussi l’analyse de Thomas BISSON, Assemblies and representation in Languedoc in the thirteenth century, Princeton : Princeton University Press, 1964, p. 113-115).
41 Léon GALLET, op. cit., p. 132.
42 Hélène DEBAX, op. cit., p. 138 et s.
43 Philippe le Bel règle la question de la rente donnée en 1266 à l’évêque de Mende par Louis IX et assise depuis sur la trésorerie de Nîmes en ordonnant que l’évêque perçoive à nouveau cette rente sur la part royale du péage de Mende mais que, si cette part du péage n’est pas suffisante, le reste de la somme soit pris sur le péage royal de Marvejols (Mende, § 36). Voir Antoine MEISSONNIER, op. cit., p. 365, note 4.
44 Sébastien NADIRAS, Guillaume de Nogaret et la pratique du pouvoir, thèse pour le dipl. d’archiviste paléographe, École nationale des chartes, Olivier Guyotjeannin (dir.), dactyl., 2003, 617 p. [résumé en ligne : http://theses.enc.sorbonne.fr/2003/nadiras], vol. 2, « Le Procès de Bigorre ».
45 Les notaires de la Cour commune du Gévaudan sont chargés de cette responsabilité (Mende, § 13).
46 On parle de « défaute de droit » (deffectum juris), lorsqu’une justice seigneuriale diffère ou refuse de rendre justice à un justiciable. Celui-ci peut alors recourir à une autre cour de justice. C’est une pratique qui est à l’origine du développement de la procédure d’appel à partir du milieu du XIIIe siècle et de l’extension de la justice royale (Albert RIGAUDIERE, Pouvoirs et institutions dans la France médiévale. Tome II, Des Temps féodaux aux temps de l’Etat, Paris : A. Colin, 1999, p. 207).
47 Limoges fait figure d’exception sur ce point en l’absence de juge d’appel. Le paréage précise cependant bien que les appels de la Cour commune relèvent de la justice royale (§ 14).
48 Voir le schéma de la hiérarchie des appels mise en place par le paréage de Mende dans Antoine Meissonnier, op. cit., annexes, p. 596.
49 Il faut noter que le passage concerné précise que la garde spéciale du roi s’exerce par principe pour toutes les églises cathédrales. Ernest-Valentin PERROT (op. cit., p. 124) avait daté l’apparition de ce principe du règne de Philippe V le Long. Le paréage de Mende indiquerait que la présomption de sauvegarde royale pour toutes les Églises cathédrales du royaume de France remonte au moins à Philippe le Bel.
50 Noël DIDIER, La garde des Églises au XIIIe siècle, Grenoble : Faculté de droit de l’Université de Grenoble, 1927, p. 219-288 et 304-323.
51 Les paréages de Cahors, Rodez et Limoges exigent la même chose mais uniquement des officiers royaux de la sénéchaussée (Cahors, p. 35, § C ; Limoges, § 12 ; Rodez, fol. 78v).
52 Dép. Ardèche, arr. Privas, cant. Bourg-Saint-Andéol. Identification incertaine.
53 Traduction d’une phrase citée dans Sébastien NADIRAS, op. cit., vol. 1, p. 102.
54 Antoine MEISSONNIER, op. cit., p. 333-338.
55 Lectura supra codice, fol. 1v : « aut vult [imperator] jurisdictionem alienare : et tunc, aut vult communicare et potest ; [...] aut vult a se abdicare et tunc non videtur quod possit », cité dans Guillaume LEYTE, Domaine et domanialité publique dans la France médiévale (XIIe-XVe siècles), Strasbourg : Presses Universitaires de Strasbourg, 1996, p. 298-299.
Auteur
Conservateur du patrimoine, adjoint au chef du bureau de la gestion, de la sélection et de la collecte, service interministériel des Archives de France,
Ministère de la Culture et de la Communication
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