Le règlement des conflits de juridiction dans les cités épiscopales d’après la jurisprudence de la cour du roi au xiiie siècle, le cas d’Arras
p. 271-282
Texte intégral
1La justice est au Moyen Âge à la fois le témoignage et l’expression du pouvoir politique, dans les cités épiscopales encore davantage qu’ailleurs. Dans un contexte de recul de la féodalité, la monarchie capétienne est plus que quiconque impliquée dans les conflits qui résultent de cet état de fait. Dès le premier tiers du XIIIe siècle, la Cour du roi de France organise en son sein une instance in parlemento compétente pour juger les litiges qui lui sont soumis. Cette émancipation d’un organe juridictionnel par rapport à l’Hôtel et au Conseil du roi est sans conteste l’un des évènements majeurs de l’histoire des institutions de la monarchie capétienne. Dans un contexte de pluralisme à la fois juridique et judiciaire, l’expansion de la justice royale, appuyée sur l’autorité éminente du Parlement et quotidiennement assurée par l’administration locale est le facteur essentiel de reconquête du pouvoir monarchique sur les barons féodaux1.
2Les célèbres Olim, les premiers registres des arrêts rendus par le Parlement de Paris2, mais aussi les autres sources diverses et variées qui fournissent la preuve de l’existence d’un procès devant la Cour du roi, permettent de recenser des milliers de procès3, dont un très grand nombre qui concerne les institutions des grandes villes du royaume. Ces actes fournissent des renseignements précieux, souvent inconnus par ailleurs, sur l’exercice de la justice dans les cités épiscopales et spécialement sur les nombreux conflits de compétence qui surgissent constamment. Par une sorte de mise en abîme, la juridiction est en effet l’objet de procès récurrents pour déterminer la possession des compétences et les ressorts. Les courts arrêts, s’ils apportent un regard objectif sur ces litiges, ne permettent toutefois pas d’en saisir le détail et de longues recherches seraient nécessaires pour appréhender le contexte géopolitique local, à l’instar de ce qu’a réalisé Antoine Meissonnier pour la ville de Mende4.
3De plus, et cet autre problème méthodologique est lié, les arrêts ne s’attachent guère à donner des précisions sur la nature des juridictions qu’ils mentionnent. Les officialités ou la juridiction spirituelle ne sont presque jamais mentionnées et il n’est pas même expliqué avec exactitude s’il est question de la justice féodale exercée par un évêque, en tant que baron, ou d’une juridiction temporelle au for externe. Il est hautement probable que la « haute et basse justice », qui est souvent mentionnée, soit toujours la justice seigneuriale exercée par l’évêque ou le chapitre, mais l’ambigüité n’est presque jamais levée dans les arrêts de la Cour du roi rapportés par les Olim. Plus généralement, la littérature historique peine encore à présenter une vue d’ensemble sur ces questions5.
4Quoi qu’il en soit, ce corpus d’arrêts et ce contentieux dans son ensemble sont riches d’enseignements si l’on parvient à en dégager la portée et le sens juridique et politique. Avant cela, nous nous attacherons à détailler les cités épiscopales de France qui donnent lieu à contentieux devant le Parlement, ainsi qu’à décrire brièvement les ressorts pratiques d’un conflit de compétence judiciaire, en prenant appui sur l’exemple de la cité d’Arras.
I – La justice épiscopale devant le Parlement de Paris. L’exemple d’Arras
5Une recherche systématique de tous les procès engageant les prélats de France devant la Cour du roi peut être engagée grâce aux Olim. Il en ressort qu’au sein du domaine royal, y compris la Normandie assez récemment conquise, tous les évêques comparaissent en justice, d’une manière ou d’une autre, devant la Cour du roi dès le milieu du XIIIe siècle6.
6En revanche, le bilan est plus contrasté dans les apanages des frères de Louis IX et les grands fiefs qui relèvent de la couronne. L’évêque d’Angers ne plaide pas au Parlement pendant la période considérée, toutefois l’archidiacre et le chantre de cette ville ont l’occasion de le faire7. L’archevêché de Tours est en revanche fréquemment en procès devant la Cour du roi8 et les évêchés du Mans9 et de Chartres10 sont plusieurs fois mentionnés. En Bretagne, seuls les évêchés de Saint-Malo11 et de Dol12 sont représentés devant la Cour du roi.
7Plus à l’Est, depuis les terres de Champagne, Bourgogne et Artois, tous les grands prélats viennent en revanche assidûment plaider à Paris, en particulier l’archevêque de Reims13 et les évêques de Mâcon14, de Nevers15, de Chalon-sur-Saône16, d’Autun17, d’Auxerre18, de Troyes19, de Châlons20, de Laon21 et de Thérouanne22.
8En Aquitaine, Poitou, Auvergne et Gascogne, il y a bien au Parlement des procès venant des prélats de Bordeaux23, de Poitiers24, d’Angoulême25, de Brioude26, de Limoges27, de Clermont28, de Périgueux29, de Saintes30, de Bazas31 et d’Auch32, mais les évêchés plus méridionaux font en revanche défaut33.
9Dans le comté de Toulouse, il ne manque qu’Uzès, car les autres évêchés qui font défaut sont en réalité en dehors du royaume de France34. Des procès concernent en effet les évêchés d’Albi35, d’Agde36, de Rodez37, de Narbonne38, de Mende39, de Lodève40, de Maguelonne41, de Dax42, de Cahors43 et enfin de Béziers44.
10Par ailleurs, plusieurs évêques titulaires de seigneuries indépendantes à Tournai45, à Langres46 ou encore au Puy47 portent régulièrement des procès à la Cour du roi. Enfin, il faut ajouter la présence au Parlement de plusieurs litiges provenant de l’archevêché de Lyon48 qui, en théorie, se situe en terre d’empire.
11En somme, 465 procès sont portés au Parlement par les évêques de France, sur la période de 35 ans entre 1250 et 1285. Les chapitres et les évêques de tout le royaume de France, presque sans exception, sont donc très ordinairement présents en tant que justiciables devant la Cour du roi sous les règnes de saint Louis et Philippe III, soit en tant que demandeurs, soit en tant que défendeurs ; soit contre le roi, soit contre une tierce personne ; à propos de leur propre droits de justice ou pour tout autre litige féodal ou fiscal. Il est notable que ces prélats n’arguent presque jamais du privilège du for ou du privilège d’être jugés par les pairs du royaume. Tout au plus se plaignent-ils éventuellement s’ils sont amenés à plaider devant un juge royal inférieur.
12Au-delà de cette énumération générale, l’examen détaillé d’un cas concret peut permettre de mieux saisir la nature et la portée des litiges. Nous allons donc nous pencher plus en détail sur la cité d’Arras, car le contentieux que le Parlement eut à traiter à propos de cette ville est des plus volumineux. La situation à Arras est particulièrement complexe, en particulier au XIIe siècle, notamment en raison de l’abbaye de Saint-Vaast qui possède la majeure partie du sol urbain, si bien que l’échevinage est peut-être issu de son administration49. L’évêque de la ville a néanmoins d’importantes prérogatives judiciaires, de même que le comte de Flandre tout d’abord, puis le comte d’Artois après la constitution de l’apanage en 1226. Le contexte est plus que propice à des conflits de compétence.
13La ville d’Arras a ceci d’intéressant qu’elle donne lieu à l’un des tous premiers exemples d’acte judiciaire royal portant règlement de compétences. Qui plus est, cet arrêt est rendu par la Cour du roi dans une forme proche de celle qui sera adoptée dans les décennies suivantes. Daté de l’année 1225, un jugement, rendu après enquête, porte donc sur la haute justice dans deux villages, laquelle compétence judiciaire était disputée entre le roi et l’évêque d’Arras. Le roi remporte ce procès50. Des litiges dans lesquels les droits du roi ne sont pas en jeu apparaissent également. En 1253, une sentence est ainsi prononcée par deux proches du roi entre l’évêque d’Arras et « Mahaut d’Artois »51, à propos de la compétence judiciaire sur un chemin52.
14Dans le corpus des Olim et donc à partir de 1254, les arrêts opposant tous les forces politiques en place à Arras sont fréquents. L’évêque plaide en 1257 contre Adam de Vigny à propos de bois coupé par ce dernier53. Puis la même année il agit contre la comtesse d’Artois et son nouvel époux, le comte de Saint-Pol, au sujet d’un tonlieu près d’Arras54. Les litiges sont nombreux contre les échevins de la ville. Par exemple, lorsque ces derniers ont pénétré dans le district de la justice de l’évêque appelé « cité » pour s’inquiéter du meurtre d’une femme, l’évêque obtint du Parlement que les échevins soient mis à l’amende pour avoir empiété sur sa juridiction55.
15Les tensions sont vives également avec le comte d’Artois. En 1266, le chapitre d’Arras reproche au sous-bailli d’avoir entre autres « frappé le sergent des marguilliers dans l’église, injurié un chapelain nommé Robert en l’appelant ribaud et mis le poing dans l’œil de Pierre, clerc marié56 ». D’autre part, les conflits sont également récurrents entre le comte d’Artois et l’abbé de Saint-Vaast57 et ils portent en particulier sur de la compétence judiciaire58.
16Mais l’affaire la plus riche et intéressante à détailler met aux prises l’abbé de Saint-Vaast avec l’évêque d’Arras. Le procès porte sur la haute et basse justice d’une simple rue de la ville, appelée rue des Maillets. Un premier arrêt de 1267 relate le début du litige : le procureur de l’évêque revendique la possession immémoriale de cette juridiction. Aussi, quand le bailli royal l’a prise dans sa main et a fait mettre des étaux sans autorisation, les sergents épiscopaux ont tenté de détruire ces entraves. Mais ce sont les gens de l’abbé, protégeant apparemment les intérêts royaux, qui les en ont empêché et ont arrêté, incarcéré et violenté les gens de l’évêque. En conséquence de quoi, l’évêque agit devant le Parlement contre l’abbaye pour obtenir réparation. L’abbé reconnaît avoir fait prendre les sergents, mais sans violence, et, en retour, il revendique de son côté aussi la possession de la justice dans cette rue. La cour statue en faveur de l’évêque qui récupère ainsi la possession de la justice. De plus, ce dernier sera en droit de mettre l’abbé à l’amende, dans des limites toutefois que le bailli royal surveillera59. Ainsi s’achève le premier acte de cette affaire.
17L’année suivante, un arrêt interlocutoire du Parlement prévoit que l’abbé s’engage à ne pas saisir la cour pontificale pour régler ce différend à propos de la rue des Maillets. Ayant échoué au possessoire, les moines ont en effet engagé une action pétitoire et, entre les lignes, il semble qu’il faille comprendre que le procureur de l’abbaye était tenté de porter le procès en dehors de la justice royale, mais il a été enjoint de ne pas poursuivre sur cette voie et de rester au Parlement60.
18Le procès sur la propriété étant pendant, le litige prend de l’ampleur. À la session du Parlement de la Pentecôte 1269, la question s’étend à la possession de la justice dans un nouveau lieu : la rue d’Aubigny. L’évêque obtient à nouveau gain de cause mais sous réserve, de la même manière que pour la première rue, que le litige soit tranché sur le terrain de la propriété61. À la session suivante, l’abbé de Saint-Vaast soulève une question incidente. Des bannissements ont été prononcés par l’évêque à l’encontre de sergents dépendants de l’abbaye, en raison du fait qu’ils s’étaient rendus coupables de rendre la justice dans cette même rue d’Aubigny. L’abbé conteste ces bannissements devant le Parlement et il remet ainsi encore en cause indirectement le bienfondé de la compétence judiciaire de l’évêque. Dans sa décision, la Cour du roi évoque son précédent arrêt, qui a accordé la possession de la justice à l’évêque. Toutefois, elle ne tranche pas au fond sur les faits commis par les sergents, mais seulement sur la demande de révocation de leur bannissement. Il est jugé à titre incident qu’ils sont des hommes libres qui doivent agir en leur nom propre et que l’abbé n’a pas à intervenir pour eux62. Les sources conservées ne permettent pas d’apprendre ce qu’il est finalement advenu de ces bannis. Voici, quoi qu’il en soit, comment le second acte prend fin.
19La conclusion de l’affaire ne survient qu’à la Toussaint 1271, soit à l’issue de près de cinq ans de procédure. Le dernier arrêt montre combien cette dernière a été lourde et complète : il y eut en effet une montrée sur les lieux, la réception de nombreux témoignages, une enquête sur la coutume du lieu et enfin un examen des actes et arguments soumis par les parties. Le Parlement tranche finalement que la propriété de la justice des deux rues appartient effectivement à l’évêque d’Arras et non à l’abbaye de Saint-Vaast. Et l’arrêt précise qu’un « silence perpétuel est imposé », ce qui signifie que l’abbé est réprimandé pour avoir été trop procédurier63.
20La première remarque sur cette affaire d’Arras manque d’originalité au regard des communications rassemblées dans ce volume, il porte sur l’extrême complexité du maillage judiciaire. Dans la ville, cinq acteurs sont en conflit quasi-constant : le comte qui a son propre bailli64, les échevins de la ville, l’évêque, l’abbaye et le bailli royal d’Amiens65. Et encore faut-il noter qu’il n’y pas de conflit entre le chapitre et l’évêque, ce qui se produit en d’autres diocèses66. En règle générale, il est en effet certain que la présence d’une abbaye dans une cité épiscopale complique la situation, par exemple à Laon, à Beauvais ou Reims où les conflits de compétence sont très fréquents entre clergé régulier et clergé séculier…
21Il aurait pu résulter une véritable anarchie de la complexité de ce maillage juridictionnel, mais à Arras comme partout ailleurs dans le royaume intervient le Parlement de Paris, dont le rôle crucial doit désormais être détaillé plus précisément.
II - Le Parlement maître suprême de la distribution des juridictions
22L’affaire d’Arras, qui encore une fois n’est qu’un exemple parmi d’autres d’intervention royale dans les cités épiscopales, illustre parfaitement l’émergence de la justice souveraine du Parlement. La constatation peut se faire à Arras que cette pénétration royale est bien plus complexe que ne les suggère ce que l’on décrit souvent comme une politique royale d’« empiétements ».
23Ce contentieux illustre en effet la place qu’occupe la justice dans la société médiévale. D’une part, chaque puissant souhaite posséder sa juridiction, mais d’autre part la population est avide de mettre en concurrence les juges et de pouvoir s’adresser, de manière assez libérale, à celui qui répondra le mieux à sa requête. Tel est encore ce qu’observe le professeur Nélidoff pour le XVIIIe siècle dans sa contribution à cet ouvrage au sujet de la ville de Toulouse, où deux institutions sont en concurrence sur un pied d’égalité, le ressort étant en somme au bon vouloir des plaideurs.
24Il convient effectivement de noter que la compétence royale n’était pas inéluctable. Si la Cour du roi intervient, nous l’avons vu, dès 1225, par la suite des litiges entre l’échevinage, le comte d’Artois, l’abbaye et l’évêque ont été résolu soit par composition entre les parties, soit par l’entremise du Pape. Dans une bulle, Alexandre IV avait d’ailleurs consacré l’indépendance de l’abbaye de Saint-Vaast par rapport à l’évêché67. Il n’est donc pas anodin que le développement rapide du Parlement dans les années 1260 lui permette désormais de trancher ces litiges, et ce, même si l’abbaye avait apparemment des velléités de faire intervenir le pontife pour trancher la question de la propriété de la juridiction68. À ce sujet, il importe de relever combien la procédure possessoire, en l’occurrence initiée devant le Parlement et conduisant sans doute à la compétence pétitoire, paraît décisive pour l’essor de la justice royale69.
25Il semble, en tout état de cause, que l’autoritarisme et la violence n’ont finalement qu’une place restreinte dans l’essor de la puissance judiciaire du roi et que la faveur des requérants joue au contraire un rôle conséquent.
26Dans certains procès, le roi est juge et partie, mais les décisions sont néanmoins impartiales, même lorsque les droits de la couronne sont en cause. Les violences éventuellement commises par les agents du roi sont d’ailleurs sévèrement punies et régulièrement indemnisées, quand le Parlement est saisi d’une plainte. Là se situe sans doute, tant sous un aspect symbolique que pratique, l’une des principales raisons de l’attractivité et donc de l’essor du Parlement de Paris. Lorsqu’ils plaident contre le roi, les requérants constatent qu’ils sont entendus et obtiennent souvent satisfaction, ils confient alors d’autant plus aisément aux juristes royaux les litiges qu’ils ont entre eux, en particulier les règlements de compétence judiciaire entre juridictions concurrentes70.
27Ceci étant dit, à la manière du loup entré dans la bergerie, l’intromission de l’autorité royale dans les litiges locaux, qui est donc dans un premier temps presque fortuite, par un effet d’entraînement progressif, devient finalement inéluctable. Le phénomène coutumier joue à plein. La faveur initiale des parties pour le recours à la justice royale devient petit à petit une obligation. L’affaire d’Arras en est un exemple très net.
28Sans doute déjà d’après ce qui ressort du tout premier arrêt de cette affaire sur les rues d’Arras, l’administration royale intervenait-elle comme arbitre requis pour poser des étaux. Et pendant tout le procès, il est probable que la compétence judiciaire litigieuse ait été « entre les mains du roi », c’est-à-dire exercée à titre conservatoire par l’administration royale. Tel est le cas expressément dans l’arrêt sur la possession de la seconde rue à la Pentecôte 126971. Or, lorsque l’on sait au Moyen Âge l’importance du précédent et de la possession même momentanée d’un droit, il est difficile d’imaginer que la présence royale pendant ces longues années ait été tout à fait neutre et sans conséquence pour l’avenir. D’une certaine manière, ceci pourrait être considéré comme un « empiétement » de la compétence royale, mais d’une part il repose sur une assise légale et, d’autre part, il correspond à l’intérêt des parties, ou tout au moins répond à leur volonté.
29Dans le même ordre d’idées, quand la Cour du roi rend la première décision sur la possession en faveur de l’évêque et l’autorise à sanctionner les troubles commis dans la ville et à faire réparer par l’abbé les préjudices subis, il est précisé qu’il devra agir sans excès, et que le cas échéant le bailli d’Amiens les modérera72. En soumettant leur litige au Parlement, les parties s’exposent en effet à ce que l’administration royale s’immisce dans la justice d’un lieu où elle n’avait a priori pas de droit de juridiction.
30Plus globalement, les innombrables recours formés au roi en règlement de compétence forment donc un phénomène juridique original dont l’importance a été largement négligée par la littérature historique. L’une des raisons en est sans doute qu’il est aussi passé sous silence par les sources doctrinales de l’époque. La pratique judiciaire en est seul témoin. Le Parlement est souvent saisi par le biais d’exceptions d’incompétence73, mais la possession ou la propriété d’une compétence judiciaire est, nous l’avons constaté, l’objet principal de nombreux procès. Il importe d’ailleurs de noter que ce contentieux est numériquement très significatif. Il équivaut en volume à environ 28 % des enquêtes jugées à la Cour du roi entre 1254 et 1273. Et sur les 465 procès de chapitres ou d’évêques de France devant la Cour du roi entre 1250 et 1285, environ un tiers d’entre eux porte sur la compétence judiciaire. À une époque que l’on décrit encore souvent comme marquée par l’emprise féodale, force est de constater que la justice royale et les mécanismes de régulation juridictionnelle sont reconnus et largement acceptés, même par les ecclésiastiques. Et l’exemple d’Arras permet d’apprendre que cette prérogative royale est acquise dès le premier quart du XIIIe siècle, même si elle ne prend un plein essor qu’à partir des années 1260.
31Les doctrines de la prévention et des cas royaux sont bien connues et l’importance de l’appel est indéniable. Mais cet autre élément de la mise au pas des juridictions concurrentes sous la domination de la justice royale est plus méconnu : il s’agit pourtant pas moins que la capacité à agir en véritable tribunal suprême des conflits, en juridiction ultime de règlement des compétences, non pas seulement des litiges de l’administration royale avec les autres juridictions, mais aussi sur ceux des justices concurrentes entre elles.
32En lien avec le problème méthodologique soulevé en introduction, une première remarque conclusive peut être faite. Le Parlement ne qualifie jamais expressément les juridictions qu’il distribue notamment au regard de leur nature spirituelle, temporelle, féodale ou seigneuriale, etc. L’hypothèse pourrait alors être formée que c’est délibérément que les juristes de la Cour du roi laissent planer le doute. Le monarque a en effet tout intérêt à ce que sa justice soit considérée, certes comme la seule supérieure, mais surtout comme une juridiction en quelque sorte supra-ordinaire. Un bon moyen pour cela est donc d’assimiler entre elles en mettant sur un pied d’égalité toutes les autres juridictions, urbaines, seigneuriales ou ecclésiastiques, qui sont alors considérées comme étant coutumières. Par la suite, grâce à cela et à l’apparition du principe d’imprescriptibilité des droits royaux, l’adage pourra apparaître selon lequel « toute justice émane du roi ».
33Enfin, notons qu’en confiant au Parlement le règlement de leur litiges de compétence les parties reconnaissent – peut-être implicitement sans en être conscientes, mais attirées qu’elles sont par la qualité et l’impartialité du travail du Parlement – que la justice royale est la justice supérieure et qu’il revient au roi de trancher ces questions à titre de garant suprême de l’ordre et de la paix dans le royaume, en somme en tant que souverain justicier. Or, il se trouve que le terme « souverain » apparaît en langue française au sein des sources coutumières, lors de la même décennie que cette affaire d’Arras. La « souveraineté » désigne alors exclusivement la supériorité de la Cour du roi sur les autres juridictions, supériorité qui s’illustre à la fois par l’appel et par ce rôle de maître suprême en matière de règlement de compétence.
Notes de bas de page
1 Qu’il nous soit permis, sur toutes ces questions, de renvoyer à notre thèse : P.-A. FORCADET, Conquestus fuit domino regi : Étude sur le recours au roi de France d’après les arrêts du Parlement (1223-1285), Thèse Orléans, dir. C. LEVELEUX-TEIXEIRA, 2012.
2 Olim ou registre des arrêts rendus par la cour du roi sous les règnes de Saint Louis, Philippe le Hardi, etc., éd. A. BEUGNOT, 3 vol., Paris, 1839 (désormais cité : Olim).
3 L. DELISLE, Essai de restitution d’un volume des Olim perdu depuis le XVIe siècle et jadis connu sous le nom de livre pelu noir ou livre d’enquêtes de Nicolas de Chartres, in Actes du Parlements de Paris, éd. E. Boutaric, Paris, 1863, p. 297-464 (désormais cité : Actes) ; C.-V. LANGLOIS, « Nouveaux fragments du Liber inquestarum de Nicolas de Chartres (1269- 1298) », BEC, 1885, t. XLVI, p. 440-477 ; C.-V. LANGLOIS, « Rouleaux d’arrêts de la cour du roi », BEC, 1887, t. XLVIII, p. 177-208 ; p. 535-565 et BEC, 1889, t. L, p. 31-87 (désormais cité LANGLOIS, « Rouleaux ») ; J.-P. TRABUT-CUSSAC, « Nouveaux fragments inédits du Liber inquestarum de Nicolas de Chartres », BEC, t. 114, 1956, p. 60-75. Des affaires sont également issues du Trésor des chartes : Layettes du trésor des chartes, t. I (755-1223) et t. II (1223-1246), éd. A. Teulet, Paris, 1866 ; t. III (1246-1262), éd. J. de Laborde, Paris, 1875 ; t. IV (1262-1270), éd. É. Berger, Paris, 1902 ; t. V, (supplément), éd. H-F. Delaborde, 1909 (désormais cité : Layettes).
4 Cf. l’article dans le présent ouvrage et plus généralement la thèse de l’École des chartes : Le Gévaudan sous l’empire du roi, le sens politique du procès et du paréage entre l’évêque de Mende et le roi de France (1269-1307), 2011.
5 En dehors des ouvrages de référence que sont ceux de Jean Gaudemet, d’Anne Lefebvre-Teillard et de Paul Fournier, les travaux menés sur les conflits de compétence entre juridiction spirituelle et juridiction temporelle au XIIIe siècle sont en réalité assez rares, alors même qu’ils sont cruciaux pour décrire et comprendre localement l’exercice concret de la justice. Voir toutefois Les justices d’Église dans le Midi (XIe-XVe siècles), Cahiers de Fanjeaux, 42, Toulouse, 2007 ; G. H. M. POSTHUMUS MEYJES, Jean Gerson et l’assemblée de Vincennes (1329) : ses conceptions de la juridiction temporelle de l’Église ; accompagné d’une édition critique du De juridictione spirituali et temporali, Leyde, 1978 ; L. MAYALI, « La juridiction ecclésiastique et la justice en droit canonique médiéval », Justice pénale et droit des clercs en Europe, XVIe-XVIIIe siècles, dir. B. DURAND, Lille, 2005, p. 15-26 ; H. PLATELLE, La justice seigneuriale de l’abbaye de Saint Amand. Son organisation judiciaire, sa procédure et sa compétence du XIe au XVIE siècle, Louvain, 1965 ; O. GUYOTJEANNIN, « La seigneurie temporelle des évêques de Noyon : les évêques et les problèmes communaux (XIIe-début XIIIe siècle) », Les chartes et le mouvement communal, Saint-Quentin, 1982, p. 123-130 et « Juridiction gracieuse et naissance de l’officialité de Beauvais (1175-1220) », À propos des actes d’évêques, Nancy, 1991, éd. M. Parisse, p. 295- 310 ; Y. CONGAR, « L’Église et l’État sous le règne de saint Louis », Septième centenaire de la mort de Saint Louis, Paris, 1976, p. 257-271 ; J.-P. ROYER, L’Église et le royaume de France au XIVe siècle, Paris, 1969 ; L. CAROLUS-BARRE, « La juridiction gracieuse à Paris dans le dernier tiers du XIIIe siècle. L’officialité et le Châtelet », Moyen Âge, LXIX, 1963, p. 417-435 ; F. OLIVIER-MARTIN, L’assemblée de Vincennes de 1329 et ses conséquences : étude sur les conflits entre la juridiction laïque et la juridiction ecclésiastique au XIVe siècle, Paris, 1909 ; C. PIVETEAU, « Aperçu sur la justice ecclésiastique en Angoumois du XIIIe au XVe siècle », Hommage à Robert Besnier, Paris, 1980, p. 223-233 ; P.-C. TIMBAL et J. METMAN, « Évêque de Paris et chapitre de Notre-Dame : la juridiction dans la cathédrale au Moyen Âge », Revue d’histoire de l’Église de France, t. 50, n° 147, 1964, p. 47-72 ; P. OURLIAC, « La juridiction ecclésiastique au Moyen Âge », MSHDB, 34, 1977, p. 13-20 ; Histoire du droit et des institutions de l’Église en Occident, dir. G. LE BRAS, t. VII, L’âge classique, source et théories du droit. Paris, 1965 ; P.-C. TIMBAL et J. METMAN, « Évêque de Paris et chapitre de Notre-Dame : la juridiction dans la cathédrale au Moyen Âge », Revue d’histoire de l’Église de France, t. 50, n° 147, 1964. p. 47-72.
6 L’énumération complète serait longue et fastidieuse, citons seulement quelques exemples : l’archevêque ou le chapitre de Bourges est présent vingt fois au Parlement avant 1285 (Olim, t. I, p. 120, VI, Saint Martin 1260, etc.) ; celui de Sens à huit reprises (Olim, t. I, p. 158, X, Assomption 1262) ; celui de Noyon à seize reprises (Olim, t. I, p. 92, III, Saint-Martin d’hiver 1259) ; etc.
7 Cf. Olim, t. I, p. 75, XXIX, Chandeleur 1258 et Olim, t. II, p. 212, XXXI, Saint-Martin 1282. Voir aussi une référence précoce Layettes, t. III, n° 2200, 22 septembre 1232.
8 Olim, t. I, p. 631, III, Chandeleur 1265.
9 C. PETIT-DUTAILLIS, Étude sur la vie et le règne de Louis VIII. Catalogue des actes, Paris, 1894, appendice VII, n° VI, 1223-1226 ; Olim, t. I, p. 446, I, Nativité de la Vierge Marie 1259.
10 Olim, t. I, p. 58, XVIII, Nativité de la Vierge 1258.
11 Olim, t. II, p. 114, XIV, Toussaint 1278.
12 Et en l’occurrence, la compétence de la Cour du roi est dénoncée par l’évêque et finalement rendue au comte de Bretagne (Olim, t. II, p. 83, XXII, Chandeleur 1276, Garin de Bella-Landa c/ Évêque de Dol).
13 Olim, t. I, p. 454, XVIII, Nativité de la Vierge 1259.
14 Olim, t. I, p. 126, III, Chandeleur 1260.
15 Olim, t. I, p. 237, II, Toussaint 1266.
16 Olim, t. II, p. 85, XXXI, Chandeleur 1276.
17 Olim, t. I, p. 43, XXXIII, Saint-Martin 1257.
18 Olim, t. I, p. 185, XIX, Saint-Martin d’Hiver 1263.
19 Olim, t. I, p. 442, VIII, Chandeleur 1257.
20 Olim, t. I, p. 268, I, Pentecôte 1268.
21 Olim, t. I, p. 443, XIII, Chandeleur 1257.
22 Olim, t. I, p. 18, IX, Nativité de la Vierge 1257.
23 Olim, t. I, p. 795, XIII, Chandeleur 1269.
24 Olim, t. II, p. 167, XXXVIII, Pentecôte 1280.
25 Olim, t. II, p. 172, III, Pentecôte 1281.
26 Olim, t. I, p. 405, XIV, Toussaint 1272.
27 Olim, t. I, p. 617, VIII, Toussaint 1265.
28 Olim, t. I, p. 417, II, Purification de la Vierge 1254.
29 Olim, t. I, p. 785, XXXIV, Toussaint 1269.
30 Olim, t. II, p. 46, Pentecôte 1281.
31 C.-V. LANGLOIS, « Rouleaux » (2), p. 556, Pentecôte 1283.
32 Olim, t. I, p. 921, III, Pentecôte 1273.
33 En particulier sont absents les évêchés de Bayonne, Couserans, Tarbes, Lectoure, Lescar, Saint-Bertrand-de-Comminges, Agen et Aire-sur-Adour.
34 Valence, Viviers, Dié, Vaison et Saint-Paul-Trois-Châteaux.
35 Olim, t. I, p. 460, VII, Toussaint 1259.
36 Olim, t. I, p. 899, XLV, Toussaint 1272.
37 Actes, p. 330, n° 186, Toussaint 1273.
38 C. V. LANGLOIS, « Rouleaux », p. 181, 1271 (1).
39 Olim, t. I, p. 507, VIII, Pentecôte 1261.
40 Layettes, t. V, n° 783, 28 septembre 1265.
41 Layettes, t. IV, n° 3039, 16 et 18 mars 1242.
42 J.-J. Champollion-Figeac, Lettres des rois et reines des cours de France et d’Angleterre de Louis VII à Henri IV, 4 vol., Paris, 1841-1874, t. I, p. 182, 19 octobre 1275.
43 Olim, t. I, p. 835, L, Saint-Martin d’hiver 1270.
44 Actes, p. 93, n° 995A, 1965.
45 Olim, t. I, p. 193, XIV, Pentecôte 1264.
46 Olim, t. I, p. 65, V, Chandeleur 1258.
47 Olim, t. I, p. 32, I, Pentecôte 1258.
48 Olim, t. I, p. 933, XXIV, Pentecôte 1273, Doyen et chapitre de Lyon c/ habitants de Lyon.
49 Sur l’histoire de la ville, cf. les travaux de B.-M. TOCK, notamment l’édition des Chartes des évêques d’Arras (1093-1203), Paris, 1991. Puis, plus anciennement A. C. F. KOCH, « Continuité ou rupture ? De la justice domaniale et abbatiale à la justice urbaine et comtale à Arras », Mélanges dédiés à la mémoire de Raymond Monier, Revue du Nord, t. 40, 1958, p. 157-164 ; R. MONIER, « L’administration et la condition juridiques des habitants de la ville d’Arras au XIIe siècle », Mélanges Paul Fournier, Paris, 1929, p. 551-564 ; A. MABILLE DE PONCHEVILLE, Histoire d’Artois, Paris, 1935 ; A. de CARDEVACQUE, Histoire de l’administration municipale de la ville d’Arras, depuis l’origine de la commune jusqu’a nos jours, Arras, 1879 ; A. de LOISNE, Anciennes chartes en langue vulgaire reposant en original aux archives du Pas de Calais 1221-1258, Paris, 1899 ; E. LECESNE, Histoire d’Arras depuis les temps les plus reculés jusqu’en 1789, 2 vol., Arras, 1880. À notre connaissance, aucune étude n’avait encore relaté les événements qui ressortent des Olim.
50 C. PETIT-DUTAILLIS, Étude sur la vie et le règne de Louis VIII. Catalogue des actes, Paris, 1894, n° 240 et 241, avril 1225. L’acte conservé relate le litige de la même manière que le font les Olim trente ans plus tard. Après enquête, les parties se posent en jugement et il est ajouté, après mention du jugement, une liste des témoins qui se trouvent être des membres connus de la Cour du roi : frère Guérin, Barthélemy de Roye, Geoffroy de la Chapelle, Étienne de Sancerre, Matthieu de Montmorency. En dehors de Philippe Hurepel le demi-frère du roi, aucun pair ou grand du royaume n’est apparemment présent.
51 Il ne s’agit bien entendu pas de l’homonyme rendu célèbre par les Rois maudits de Maurice Druon, mais en réalité de Mathilde de Brabant (1224-1288), la veuve de Robert d’Artois mort en 1250 à Mansourah, qui s’est remariée avant 1254 à Guy III de Châtillon.
52 HGF, t. XXIV, n° 136, mars 1253. Il s’agit en l’occurrence d’une décision plus arbitrale que purement judiciaire, mais les liens tissés entre les deux procédures sont très étroits.
53 Olim, t. I, p. 16, I, Nativité de la Vierge 1257.
54 Olim, t. I, p. 19, XIV, Nativité de la Vierge 1257.
55 Olim, t. I, p. 46, XI, Arrêt sur enquête entre 1254 et Pentecôte 1258. Voir aussi Olim, t. I, p. 144, XI, Nativité de la Vierge 1261, Hommes d’Arras c/ Chapitre d’Arras.
56 Olim, t. I, p. 238, III, Toussaint 1266, « Inventum est per inquestam istam quod idem subballivus percussit Johannem, servientem matriculariorum in ecclesia Attrebatensi. Item quod impulit seu butavit Robertum, capellanum in ecclesia Attrebatensi, ipsum prohibentem ne intraret chorum dicte ecclesie. Item quod vocavit dictum Robertum sacerdotem ribaldum, et comminatus fuit ei quod ipsum evisceraret seu esboelaret. Item quod idem subballivus posuit digitum ad oculum Petri, clerici uxorati… ». Cf. à titre d’exemple comparable les plaintes de l’abbaye de Moissac (Tarn-et-Garonne) rapportées dans C.-V. LANGLOIS, Le règne de Philippe III le Hardi, Paris, 1887, appendice I : Catalogue des mandements de Philippe III et appendice II : pièces justificatives, p. 396, n° 58, 24 juin 1276.
57 M. TAILLIAR, Recherches pour servir à l’Histoire de l’abbaye de Saint-Vaast d’Arras jusqu’à la fin du XIIe siècle, Arras, 1859.
58 Olim, t. II, p. 245, XIX, Pentecôte 1285.
59 Olim, t. I, p. 244, IV, Chandeleur 1266, « Inquesta facta, de mandato Regis, per Gillonem de Calceya, clericum suum, et per Galterum Bardin, ballivum Ambianensem, super eo quod episcopus Attrebatensis proponebat, contra abbatem et conventum Sancti-Vedasti Attrebatensis, quod ipse episcopus et predecessores sui, a tempore a quo non est memoria, usque ad tempus quo ballivus Ambianensis predictus cepit ea, de quibus contenditur, in manu sua, destruxerunt et demolierunt ea que, preter licenciam suam, fiebant seu construebantur in vico qui dicitur de Malleis, apud Attrebatum, extra domos, et exercuerunt in dicto loco omnimodam justiciam altam et bassam, et fuerunt in saisina, usque ad dictum tempus, faciendi predicta, et ista tenent a domino Rege, et, cum quoddam stallum, preter licenciam dicti episcopi, factum fuisset in dicto loco, serviens episcopi demoliri fecisset, dictus serviens, ex parte abbatis et conventus Sancti-Vedasti captus fuit, verberatus et incarceratus ; quare petebat procurator ejusdem episcopi ea que dictus ballivus in manu sua ceperat, sibi restitui, videlicet saisinam justiciandi, seu omnimode justicie exercendi in dicto loco, et demoliendi seu destruendi ea que, preter licenciam suam, ibidem facta fuerint seu constructa. Item capcionem, incarceracionem et verberacionem petebat emendari episcopo supra dicto. Ad que procurator dictorum abbatis et conventus, ex adverso, respondit, quod negabat omnia, proposita ex parte dicti episcopi, esse vera, prout superius sunt expressa, dicens dictos abbatem et conventum esse in possessione seu saisina exercendi justiciam in dicto loco, tempore quo dictus ballivus cepit justiciam dicti loci, ex parte Regis, in manu sua ; et istam possessionem petebat procurator dictorum abbatis et conventus, a dicto ballivo restitui abbate et conventu supradictis ; quam quidem capcionem et incarceracionem servientis episcopi confessus fuit procurator dictorum abbatis et conventus, set verberacionem negavit : Visa et audita inquesta hujus, accordatum fuit et pronunciatum quod saisina justiciandi, in dicto vico de Malleis, item demoliendi stalla, et fenestras et alia facta super dictum vicum, preter licenciam episcopi, quam saisinam cepit dictus ballivus in manu sua, reddatur episcopo supradicto. Item quod dicti abbas et conventus emendant episcopo capcionem et incarceracionem servientis dicti episcopi, ita quod, si dictus episcopus excedat modum, moderabitur per ballivum ; et super saisina predictorum impositum fuit silencium abbati et conventui memoratis ».
60 Olim, t. I, p. 715, IV, Pentecôte 1268.
61 Olim, t. I, p. 295, III, Pentecôte 1269.
62 Olim, t. I, p. 772, X, Toussaint 1269. Voir, dans le même ordre d’idées, la révocation à Saint-Riquier, sur demande de l’abbé, de bannissements prononcés par le maire (Olim, t. I, p. 822, XVII, Saint-Martin d’hiver 1270).
63 Olim, t. I, p. 395, XXI, Toussaint 1271, « Cum episcopus Attrebatensis per judicium curie obtinuisset saisinam justicie, in vicis de Malleis et de Aubigniaco, contra abbatem et conventum Sancti-Wedasti, dicti abbas et conventus fecerunt episcopum adjornari super proprietate justicie dictorum vicorum : Facta postmodum ostensione locorum, lite contestata inter dictas partes, testibus hinc inde receptis, visis probacionibus, inquestis factis super quibusdam consuetudinibus, visis instrumentis quibusdam, ex parte episcopi, et racionibus hinc inde traditis, quia invenitur melius et plenius probatum pro episcopo quam pro abbate et conventu, judicatum et pronunciatum est quod dictus episcopus remaneat in saisina sua justicie dictorum vicorum, et super hiis imponitur perpetuum silencium abbati et conventui supradictis ».
64 Voir encore Olim, t. II, p. 245, XIX, Pentecôte 1285, Gens du comte d’Artois c/ Abbé et couvent de Saint-Vaast et bailli d’Amiens.
65 Il s’agit de Gautier Bardin qui est l’un des enquêteurs le plus importants de la Cour du roi, notamment en tant que bailli successivement d’Amiens, de Vermandois et de Rouen. Voir notamment : Olim, t. I, p. 640, XV, Chandeleur 1265 et Olim, t. I, p. 757, XII, Pentecôte 1269.
66 Toutefois, les procès sont encore fréquents par la suite. En 1285, un arrêt mentionne un litige qui met aux prises d’une manière ou d’une autre tous les acteurs en présence : les échevins, le comte, l’abbé, l’évêque et les agents du roi (Olim, t. II, p. 245, XIX, Pentecôte 1285). Plus tard sous Philippe le Bel, l’échevinage et l’abbaye sont en conflit devant le comte d’Artois, mais l’abbé refuse la compétence de ce dernier et préfère plaider devant le roi directement (cf. E. LECESNE, Histoire d’Arras, depuis les temps les plus reculés jusqu’en 1789, 2 vol., Arras, 1880, t. I, p. 134).
67 Cf. E. LECESNE, Histoire d’Arras, depuis les temps les plus reculés jusqu’en 1789, 2 vol., Arras, 1880, t. I, p. 127.
68 L’acte de 1268 précise que l’abbé ne s’adressera pas au pape « ni par voie ordinaire, ni par dénonciation ». Le comte Beugnot, éditeur des Olim, en déduisait que la Cour reconnait que la voie ordinaire est celle de la papauté pour ce genre de litiges, mais cette interprétation est sujette à caution. Il semble bien probable que la voie ordinaire, plus exactement la juridiction de droit commun en la matière soit désormais celle qui mène au Parlement de Paris.
69 Cf. notamment A. LEFEBVRE-TEILLARD, Recherches sur les officialités à la veille du concile de Trente, Paris, 1973, p. 87 et s.
70 Ce phénomène avait déjà été observé, mais pour une période postérieure (voir en particulier A. LEFEBVRE-TEILLARD, op. cit., p. 129, « Le recours au Parlement, qui n’est pas une des meilleures solutions car il donne à celui-ci une emprise fâcheuse sur l’Église de France, s’explique en grande partie par l’impartialité dont il est censé faire preuve entre les antagonistes ».
71 Olim, t. I, p. 295, III, Pentecôte 1269, « … usque ad tempus quo ballivus Ambianensis, propter contencionem parcium, cepit eam in manu Regis ».
72 Olim, t. I, p. 244, IV, Chandeleur 1266, « pronunciatum quod saisina justiciandi (…) reddatur episcopo supradicto. (…) ita quod, si dictus episcopus excedat modum, moderabitur per ballivum ».
73 Voir par exemple Olim, t. I, p. 331, XXI, Chandeleur 1269, Abbé et couvent de Valroy c/ Archevêque de Reims. Les juridictions elles-mêmes se défendent aussi par dénonciation de la compétence saisie. À la Pentecôte 1281 par exemple, le Parlement juge que l’évêque de Thérouanne doit finalement connaître d’un litige entre l’abbé de Saint-Samer et la châtelaine d’Arras, qui avait d’abord été évoqué devant le comte de Boulogne (Olim, t. II, p. 180, XXVIII).
Auteur
Laboratoire centre de recherche juridique Pothier-Orléans
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