Quel territoire pour l’official ?
La justice ecclésiastique et son territoire dans la cité épiscopale et le diocèse de Beauvais au xviie siècle
p. 211-223
Texte intégral
1Selon une décrétale de Boniface VIII, un évêque peut exercer ses juridictions gracieuse et contentieuse dans tous les lieux de son diocèse1. Dans l’esprit de ce pape, l’espace sur lequel s’appliquent les compétences judiciaires d’un prélat recouvre donc l’intégralité de l’étendue de sa circonscription ecclésiastique. Mais la situation en France à l’époque moderne est bien plus complexe. Dans un contexte d’affirmation du pouvoir royal, l’usage estime en effet qu’un juge « ne peut rendre la justice que dans l’étendue de son territoire2 ». Or, « parce que ce juge n’en a aucun3 », l’official de la cour ecclésiastique verrait se réduire comme peau de chagrin le champ d’application de ses prérogatives. Dépourvue de véritable territoire, l’officialité perdrait même son qualificatif de tribunal4.
2D’un point de vue strictement légal, le territoire du juge d’Eglise se trouve en effet progressivement « borné dans l’étendue de son auditoire et de l’enclos de la maison épiscopale5 » comme l’admet sans ambages l’official de Cahors Jean Auboux des Vergnes, auteur durant la seconde moitié du XVIIe siècle d’un traité sur les officialités. Situé dans l’enceinte même du palais du prélat, au sein de la cité épiscopale, l’auditoire est théoriquement le seul endroit où l’official peut instruire les procès et faire appliquer ses sentences. C’est aussi l’unique lieu où il peut prendre au corps un curé sans le concours du bras séculier.
3Si les sources normatives sont alarmantes au sujet des prérogatives de l’officialité en terme de contrainte et de prise de corps, on peut se demander si les archives de la pratique ne font pas voir une réalité différente et nuancée s’agissant de ces questions. Ainsi, que révèlent les documents judiciaires – les archives du désordre – sur le pouvoir coercitif de l’official ? Comment ce dernier parvient-il à remplir ses fonctions contentieuses au sein de l’administration diocésaine, malgré la petitesse du territoire sur lequel s’exerce pleinement sa juridiction ?
4Pour mener à bien cette étude, nous nous sommes appuyés sur le dépouillement de l’intégralité des procédures instruites par l’officialité de Beauvais à l’encontre des curés délinquants, au XVIIe siècle. Au cours de cette période, l’officialité diocésaine de Beauvais instruit environ deux cents procès, essentiellement pour des affaires de mœurs. La montée en puissance de l’activité de cette cour débute à partir des années 1630, lorsqu’un official particulièrement zélé – Guillaume Cardinal – en prend la direction. Le pic d’activité se situe entre le début des années 1640 et la fin des années 1660.
5Les procédures prises en compte sont multiples. Il s’agit d’abord naturellement des procès instruits de bout en bout par l’official et au terme desquels une sentence est prononcée. De même, les procédures inabouties et les rappels à l’ordre formulés par l’évêque ou l’official à l’intention des curés dans le but de leur éviter des poursuites en bonne et due forme n’ont pas été écartés.
6Dans la mesure où il est impossible de faire clairement apparaître de manière exhaustive la chronologie de toutes ces procédures intentées à l’encontre des curés du Grand Siècle, nous avons décidé de focaliser notre attention sur les seuls interrogatoires. Ce choix n’est pas anodin. L’interrogatoire est en effet une étape clef du procès et c’est à ce moment là précisément que se pose tout particulièrement la question de la capacité de l’officialité et de son juge à contraindre les prévenus. Comment le juge ecclésiastique parvient-il à forcer le curé à venir dans l’auditoire pour subir son interrogatoire, sachant que celui-ci implique le plus souvent un réel désagrément pour le prévenu, en raison de la propension de la justice ecclésiastique à enfermer pendant plusieurs jours dans les geôles du palais épiscopal les curés qu’elle interroge6 ?
7Le graphique suivant fait apparaître les périodes au cours desquelles les curés du diocèse de Beauvais ont été interrogés par l’official ou l’évêque.
8On constate de manière claire que le pic d’activité du tribunal en matière d’interrogatoire se situe durant les années 1650. Au cours de cette seule décennie, 38 curés sont interrogés, pour des affaires de mœurs essentiellement. Puis le nombre d’interrogatoires connaît une diminution franche et se stabilise en dessous des 5 interrogatoires par décennie après 1670.
9Les arrestations effectuées dans les paroisses sont-elles courantes ? En réalité, en dépit des dizaines de décrets de prise de corps émis par l’official au cours du siècle, quelques prêtres seulement purent effectivement être appréhendés dans leur paroisse. La plupart des ecclésiastiques visés par ces décrets n’ont pu être arrêtés car l’officialité ne disposait d’aucun pouvoir coercitif dans l’étendue du diocèse puisque, comme le rappelle très justement Anne Lefebvre Teillard : « n’ayant pas de territoire, l’évêque ne peut exercer sa juridiction hors du prétoire et donc arrêter les clercs sur le territoire de son diocèse7 ».
10D’un point de vue strictement légal, il est vrai que le droit de prise du juge ecclésiastique ne pouvait s’exercer que dans l’enceinte très étroite de son prétoire, nous l’avons dit. Aussi, lorsqu’il souhaite appréhender un justiciable en dehors de ces murs, l’official doit obligatoirement obtenir la collaboration du « bras séculier8 », à Beauvais comme partout ailleurs dans le royaume de France9. Seuls les agents de la justice temporelle pouvaient en toute légalité procéder à la capture d’un prêtre, sur demande du juge d’Eglise. En 1647, en vertu du décret de prise de corps prononcé par l’official à l’encontre du curé Simon Gérard, le promoteur demande officiellement au bailli de l’abbaye de Lannoy de « permettre au premier sergent sur ce requis de mettre le décret à exécution et faire ensuite tous exploits requis et nécessaires pour le parachèvement des présentes10 ».
11L’officialité beauvaisienne était pleinement consciente des limites de son autorité en matière de coercition. Au cours du siècle, elle n’a pas cherché à contourner la législation, en procédant par exemple à des arrestations illégales avec le concours des seuls membres du clergé11. Les différents juges ecclésiastiques qui se sont succédés à la tête du tribunal ont toujours pris soin de demander l’assistance des autorités laïques pour prendre au corps les curés12.
12Toutefois, malgré les démarches entreprises par l’official pour faire appel aux sergents des juridictions laïques, très peu d’entre eux parviennent effectivement à capturer des accusés au cours du siècle. Bien que la pratique ne soit attestée par aucun document, la corruption des agents chargés de prendre au corps le prévenu permet sans doute de comprendre pourquoi l’arrestation est presque toujours impossible13. Mais bien plus que la cupidité des sergents, c’est surtout le recours à la force et la possibilité, pour le curé, de bénéficier de complicités dans la paroisse qui expliquent le peu d’arrestations. Le fait que le sergent sollicité par l’officialité se rende le plus souvent seul dans le village complique grandement les prises de corps. Le curé qui est en position de force dans son milieu paroissial n’a – s’il le désire – aucune peine à échapper à la prise de corps, quitte à utiliser la manière forte pour prendre la fuite14.
13Ainsi, au cours du litige qui oppose la cour ecclésiastique de Beauvais au curé de la Neuville-sur-Oudeuil, un villageois raconte qu’ayant été chez son curé pour acheter du cidre, « il y trouva plus de monde qu’à l’ordinaire » et s’en inquiéta. Après avoir interrogé quelques paroissiens, il finit par apprendre que cette présence inhabituelle était due au fait que « le curé craignait les officiers de la justice de Beauvais15 ». Dans une autre affaire, l’huissier envoyé par l’official dans la paroisse de Campeaux en juin 1627 est quant à lui clairement menacé par le prêtre qui lui ordonne, fort de la présence à ses côtés de quelques amis, de ne pas l’approcher faute de quoi « il s’en repentirait16 ».
14Les témoignages laissés par les sergents incapables d’effectuer une arrestation sont nombreux. Le 10 décembre 1646, l’un d’eux se rend à cheval dans la paroisse de Léglantiers pour prendre au corps le curé Paul Lemaire. Après une perquisition infructueuse dans le presbytère, le sergent part à la recherche de l’accusé dans les rues du village mais plusieurs membres de la famille de ce dernier vont à sa rencontre pour lui signifier leur hostilité. La mère du curé déclare alors sans gêne « que l’on n’emmènerait point son fils pour avoir besogné une putain17 ». D’autres villageois accourent et témoignent également de leur soutien au pasteur, disant « qu’ils aimeraient mieux qu’il besognât toutes les femmes » plutôt que de le laisser partir dans les prisons épiscopales18. Le sergent ne peut que prendre la fuite alors que quelques paroissiennes s’apprêtent à sonner le tocsin.
15Les hommes mandatés par l’official pour prendre au corps un curé ne s’en tirent pas tous à si bon compte. En 1633, le notaire sergent sollicité pour arrêter Jean Danthin croit d’abord pouvoir accomplir sa mission. Mais l’officier raconte plus tard les circonstances de l’échec de l’arrestation dans un rapport envoyé au juge d’Eglise. Il relate qu’« au lieu d’obéir à justice [le prévenu] se serait secoué de [lui] et [l’] aurait jeté et frappé d’un coup de poing à la tête si grand qu’il [l’] aurait fait tomber en terre19 ». Dès lors, le curé prend la fuite et se réfugie dans le château de sa paroisse dont les occupants font partie de ses proches20.
16Riche de solides réseaux dans sa paroisse, le curé n’a donc aucune peine à échapper aux officiers venus l’arrêter. Dans ces conditions, il est bien difficile de prendre au corps ces prêtres. Aussi, les curés que l’officialité parvient effectivement à arrêter le sont dans des circonstances particulières. Jean Flamen, qui est le seul à être pris au corps chez lui, est arrêté par une assemblée impressionnante. L’official et le doyen rural, le lieutenant du vidame de Gerberoy et deux sergents surprennent le prêtre dans son presbytère et parviennent rapidement à s’assurer de sa personne21. L’arrestation de Louis Danse est quant à elle violente. Le 13 août 1659, le doyen de Clermont relate au greffier de l’officialité les circonstances dans lesquelles elle s’est effectuée. L’ecclésiastique a lui aussi été pris au corps par surprise « dans le faubourg de cette ville non sans peine, et sans violence, au point [que les huissiers] n’en fussent point venus à bout sans le secours de plusieurs sergents, et archers qui accoururent à eux et aidèrent à traîner le personnage22 ».
17Ainsi, de prime abord, le caractère exigu pour ne pas dire minuscule du territoire sur lequel s’exerce la plénitude du pouvoir de contrainte du juge ecclésiastique paraît nuire à son travail. Etant, d’un point de vue légal, dans l’impossibilité de contraindre ses justiciables en dehors de son prétoire, l’official doit recourir aux sergents de la justice laïque pour obtenir leur comparution. Pour autant, leur concours n’implique pas – loin s’en faut – l’arrestation des curés. La quasi-totalité des prêtres parvient en effet à y échapper.
18Toutefois, cette incapacité quasi constante des sergents et donc de l’officialité à prendre au corps les curés n’est pas aussi problématique qu’on pourrait le croire car la majorité des prévenus acceptent de se constituer prisonniers volontairement, pour subir leur interrogatoire. Quelques jours, plusieurs semaines, voire de longs mois après le décret de prise de corps qui avait été promulgué en vue de procéder à l’interrogatoire, les prêtres finissent par se rendre par leurs propres moyens dans l’auditoire de l’officialité. Pour les plus récalcitrants, c’est-à-dire pour ceux qui refusent de se constituer prisonniers, l’officialité est contrainte de mettre sur pied des subterfuges plus ou moins élaborés afin de remédier à son incapacité à s’emparer par la force des curés lorsqu’ils sont en dehors du palais épiscopal.
19Faute de moyen, l’officialité rechigne à employer la manière forte pour prendre au corps un curé. C’est surtout par la ruse que le tribunal parvient à mettre la main sur ces hommes. La tenue du synode est particulièrement propice à ces arrestations. Avec l’aide de l’évêque, l’official peut aisément parfaire son plan. Les exemples qui témoignent de la mise à profit, par le juge, de la réunion annuelle des prêtres du diocèse pour faciliter les arrestations sont nombreux23.
20En juillet 1624, Etienne Godard est arrêté et interrogé pendant le synode car il lui est reproché d’avoir des fréquentations féminines suspectes et de boire par excès24. Le 12 juillet 1634, peu de temps après son arrivée à l’hôtel épiscopal pour assister à cette assemblée annuelle, c’est au tour du curé de la paroisse du Quesnel d’être pris au corps et conduit dans les prisons de l’officialité conformément à une sentence rendue par le tribunal ecclésiastique quelque temps auparavant25.
21Malgré leur ingéniosité, ces tentatives d’arrestation discrète effectuées sans l’assistance du bras séculier ne sont pas toujours couronnées de succès car les curés ont conscience des risques qu’ils prennent en allant à cette assemblée réunissant l’ensemble des prêtres du diocèse. Certains ont l’intuition de ne pas s’y rendre pour ne pas être désagréablement surpris. Les témoignages qui l’attestent sont nombreux. Bernard Doyat sait qu’un décret de prise de corps a été délivré contre lui, le 4 juillet 1654. Aussi, quatre jours plus tard, il se garde bien de se présenter au synode pour éviter son arrestation et l’évêque le déclare aussitôt contumace26.
22Visé lui aussi par un décret de prise de corps, Jean Groult fait croire en juillet 1659 qu’il ne peut assister au synode en raison de la maladie d’un paroissien. On apprend en réalité que l’avant-veille du synode, le curé avait donné plusieurs fois, et sans la moindre nécessité, l’extrême-onction à un villageois en bonne santé pour disposer d’une excuse valable qui justifierait son absence27. Le 11 juillet 1663, tandis qu’il comparait devant l’évêque après l’évocation du nom de sa cure, le curé Pasquier Hersen se voit « enjoint de se représenter […] issu dudit synode ». Mais à la fin de la réunion, le prêtre a disparu du palais épiscopal et est déclaré contumace et « suspens a divinis », faute de se représenter dans les deux semaines.
23Pour éviter pareilles déconvenues, le tribunal ecclésiastique évite régulièrement d’ébruiter le décret de prise de corps afin de ne pas éveiller les soupçons chez le prévenu visé par la procédure. Cela n’est pas sans choquer les curés. Au début du mois de juillet 1655, en plein procès, l’accusé André le Viel adresse une requête à l’officialité métropolitaine de Reims pour dénoncer le fait que le promoteur de Beauvais ait voulu tenir secret ce décret « afin dit-il, d’avoir occasion de le faire décréter prisonnier lorsqu’il viendrait au synode qui se doit tenir à Beauvais mercredi 7 du présent mois28 ».
24En la matière, l’official bénéficie d’un soutien de taille puisque l’évêque cautionne totalement la prise de corps des curés au moment du synode. Aux yeux de l’évêque Nicolas Choart de Buzenval, cela permet de dissuader tous les prêtres qui en sont témoins de mal se conduire une fois retournés dans leur cure. Selon ses propres dires, l’emprisonnement en plein synode « sert à donner de la terreur à tous29 ».
De l’importance relative du faible pouvoir coercitif de l’officialité…
25En somme, il faut prendre garde à ne pas surévaluer les conséquences de l’incapacité de l’officialité à contraindre les curés. A nos yeux, une justice sans moyens de pression paraît incapable d’accomplir son devoir. Les choses sont plus complexes sous l’Ancien Régime et à cet égard, l’officialité diocésaine de Beauvais s’inscrit parfaitement dans la lignée de bon nombre de juridictions de l’époque.
26En réalité, le faible pouvoir coercitif de cette Cour est fort peu préjudiciable à l’avancement des procédures judiciaires car bon nombre de prévenus finissent par se présenter volontairement devant leur juge, nous l’avons dit. A cet égard, le cas du curé Barthélémy Gérard est emblématique. À l’automne 1684, le père d’Anne La Caille porte plainte contre le curé de la paroisse de Saint-Léger. Il l’accuse d’avoir violé sa fille, récemment tombée enceinte. Dès le lendemain, l’official demande l’ouverture de l’enquête, qui débute dix jours plus tard. Devant la gravité des accusations proférées par les témoins, le juge émet un décret de prise de corps le 25 octobre 1684, un mois après le dépôt de la plainte. Un huissier mandaté par l’officialité se rend alors dans la paroisse mais le curé demeure introuvable. Faute de pouvoir arrêter le curé, l’huissier fait savoir dans le village que le prêtre doit se rendre dans les quinze jours devant le tribunal pour y subir son interrogatoire. Mais Barthélémy Gérard refuse de s’exécuter. Le 17 novembre, défaut lui est donc donné : le prêtre est déclaré contumace30. Le juge procède aux récolements des témoins et met en application une disposition légale grâce à laquelle les dépositions ont valeur de confrontations, au détriment de la défense du curé. Cette mesure radicale incite le curé à se raviser. Le 1er juillet 1685, soit neuf mois après le dépôt de la plainte, le prévenu accepte de se constituer prisonnier pour, dit-il, « satisfaire à justice31 » et surtout dans le but de défendre au mieux ses intérêts. Il est alors entendu pendant plusieurs jours par l’official et enfermé dans les prisons de l’évêque. Dans le cas présent, c’est la crainte de voir avancer le cours de la justice sans avoir pu donner sa version des faits au juge qui conduit le curé à collaborer.
27A l’image de ce curé, nombreux sont les accusés qui se rendent volontairement à l’hôtel épiscopal pour y être enfermés32. Ils savent que malgré leur absence, le procès continue d’avancer et que l’enfermement n’est, au bout du compte, que provisoire. L’étau de la justice finit toujours pas se desserrer. Dans ces conditions, le fait que l’officialité soit dans l’incapacité de contraindre les curés n’a pas vraiment porté à conséquence pour le déroulement des procédures judiciaires. D’ailleurs, au cours du siècle, un curé seulement refuse de collaborer avec la justice de l’évêque, en prenant la fuite pendant l’instruction33.
28En théorie, l’absence de pouvoir de contrainte de la justice ecclésiastique au-delà de l’auditoire de l’officialité aurait pu nuire sérieusement à l’avancée des investigations. Mais concrètement, cela n’était pas un problème dans la mesure où les autorités judiciaires laïques ont accepté sans peine de collaborer avec l’officialité lorsque cette dernière les sollicitait34. Pour autant, la venue des sergents dans la paroisse afin de prendre au corps un curé ne portait que très exceptionnellement ses fruits. Confortablement installés dans leur paroisse, au centre d’un dense réseau, les curés n’avaient pas beaucoup de craintes à avoir s’agissant de la mise en application du décret de prise de corps. Les riches soutiens dont disposent les prêtres – qui composent ce qu’on peut appeler une sociabilité de la délinquance – leur permettent presque toujours d’échapper à l’arrestation dans leur cure. Il y a fort à parier que si l’official avait bénéficié de la plénitude de son pouvoir dans toute l’étendue du diocèse, cela n’aurait pas changé grand chose35.
29Le fait que l’official dispose d’un territoire stricto sensu très exigu, confiné au périmètre de son auditoire, n’a donc pas porté préjudice à son travail. Il paraît indéniable que l’absence de pouvoir coercitif a retardé les procédures dans la mesure où l’interrogatoire de l’accusé ne pouvait avoir lieu que lorsque celui-ci avait décidé de se constituer prisonnier. Mais étant donné la possibilité offerte au juge de faire avancer le cours du procès en dépit de l’absence de l’accusé, ce ralentissement ne doit pas être surestimé. Surtout, les prévenus finissent toujours par se rendre au palais épiscopal pour être interrogés. L’official n’a donc pas besoin de la contrainte pour arriver à ses fins.
La surveillance du diocèse est parfaitement assurée malgré l’exiguïté du territoire de l’official
30En guise de conclusion, j’aimerais soumettre une réflexion qui découle, en un sens, de ce questionnement sur le territoire du juge. Il peut être intéressant de se demander si son exiguïté n’a pas porté à conséquence en matière de délinquance ecclésiastique. Ainsi, le fait que la juridiction de l’official ne soit pleinement effective que dans l’enceinte de son tribunal eut-il des retombées d’ordre spatial dans le diocèse ? De prime abord, la question peut sembler étrange, voire saugrenue. Pourtant, des critères de nature géographique sont régulièrement évoqués par les historiens afin d’expliquer la survenue de désordres dans les diocèses ou pour comprendre pourquoi les autorités parviennent à identifier les délinquants plus rapidement à tel endroit plutôt qu’à tel autre. Nombreux sont les chercheurs qui s’accordent à dire que l’inégale surveillance du territoire peut s’avérer problématique en matière de discipline. Ainsi, selon Gilles Deregnaucourt, qui a beaucoup travaillé ces questions dans le diocèse de Cambrai, « plus on s’éloignait du siège épiscopal, plus incertains étaient le contrôle du clergé et la répression des déviances36 ». Pour cet auteur, l’emplacement périphérique du siège épiscopal de Cambrai est une grille explicative permettant de comprendre l’apparition des désordres. Aux yeux de Frédéric Meyer, auteur d’une étude sur l’enfance et les violences ecclésiastiques en Savoie au XVIIIe siècle, le sénat sarde de Chambéry « privilégie sans doute dans ses enquêtes les provinces les plus proches de son siège37 ». Et l’historien de souligner qu’il s’agit là d’un « phénomène bien connu par l’histoire judiciaire ».
31Après avoir étudié le fonctionnement de trois justices seigneuriales dans le duché-pairie de La Vallière, Fabrice Mauclair en arrive lui aussi à la conclusion selon laquelle « il est frappant de constater que le nombre de victimes (mais aussi de criminels) diminue à mesure que l’on s’éloigne du lieu où siège la justice ». La distance vis-à-vis des lieux de pouvoir est donc, à ses yeux, « un critère à prendre en compte pour comprendre l’activité criminelle d’un tribunal. […] Dans les zones les plus éloignées du tribunal seigneurial, les criminels bénéficient de fait d’une plus grande impunité38 ».
32La mauvaise surveillance des confins du diocèse serait donc propice à l’apparition d’un sentiment d’isolement chez les prêtres. A l’abri du regard de l’évêque, certains d’entre eux ont pu avoir l’impression d’être préservés d’éventuelles poursuites, ce qui les aurait incités à mal se comporter39. Les campagnes seraient donc particulièrement concernées par l’indiscipline cléricale40. Cette idée est défendue depuis bien longtemps dans de multiples écrits. Déjà en 1655, le prêtre de Saint-Nicolas du Chardonnet Mathieu Beuvelet cherchait à comprendre « d’où vient qu’une bonne partie des ecclésiastiques, surtout de la campagne, sont ignorants41».
33Afin de vérifier cette hypothèse, nous avons mis au point une carte du diocèse de Beauvais sur laquelle figurent toutes les paroisses qui eurent un jour à leur tête un curé délinquant42. Les cercles vides représentent les paroisses où un curé a été visé par une démarche judiciaire inaboutie ou par une procédure extra-judiciaire. Les cercles pleins représentent les paroisses où le curé a été officiellement condamné par l’official43.
34Les enseignements que l’on peut tirer de cette carte sont sans appel. Tous les doyennés du diocèse, sans exception, eurent – à plusieurs reprises – des curés délinquants sur leur territoire. Aucun espace n’est épargné mais la cité épiscopale n’est concernée que par un cas d’indiscipline seulement et ce malgré le nombre non négligeable de curés qui ont desservi les douze paroisses de la ville au cours du siècle44. Les procédures judiciaires les plus lourdes, c’est-à-dire celles qui débouchent sur un verdict, ne frappent pas quelques territoires en particulier. On remarque que le doyenné de Montagne, situé au nord-ouest de Beauvais, est celui qui connaît le plus grand nombre de cas d’indiscipline au cours du siècle. A l’inverse, les doyennés périphériques de Pont, de Coudun et de Ressons, à l’est du territoire diocésain, sont un peu moins confrontés à ces problèmes. Toutefois, il est vain de prétendre pouvoir expliquer les désordres des paroisses à l’aide de critères de nature géographique. La proximité de la ville de Beauvais, siège du palais épiscopal et de l’officialité, est sans conséquence en la matière. Pour le dire autrement : les espaces périphériques du diocèse ne sont pas moins surveillés par les autorités judiciaires ecclésiastiques que les territoires centraux. Le constat est sans appel : il n’y a pas de logique spatiale à l’œuvre. L’official, avec le concours précieux de l’administration diocésaine, est parvenu à contrôler l’ensemble du territoire diocésain, et ce malgré une autorité quasi nulle en dehors du palais épiscopal. La surveillance et la répression concernent bien tout le territoire diocésain et le fait que le rayon d’action où s’exerce le pouvoir de contrainte de l’official soit réduit à la portion congrue est sans conséquence. Si la justice d’Eglise fut rendue dans la cité épiscopale, elle concerna bel et bien l’intégralité du territoire diocésain.
Notes de bas de page
1 Pierre-Toussaint DURAND DE MAILLANE, Dictionnaire de droit canonique et de pratique bénéficiale, tome iv, Paris, 1761, p. 211.
2 Ibidem, p. 212.
3 Pierre-François MUYART DE VOUGLANS, Les Lois criminelles de France dans leur ordre naturel, Paris, 1780, p. 769.
4 Le qualificatif de tribunal est réservé « exclusivement aux institutions exerçant une autorité publique », Lucien BELY, Dictionnaire de l’Ancien Régime, Paris, PUF, 1996, article « Officiaux ».
5 Jean AUBOUX DES VERGNES, La véritable pratique civile et criminelle des cours ecclésiastiques, Paris, 1688, p. 241.
6 La prise de corps de l’accusé est décidée lorsque les charges et informations qui pèsent contre lui paraissent suffisamment graves. Si tel n’est pas le cas, l’ajournement personnel suffit et c’est alors au prévenu de se présenter volontairement au tribunal du palais épiscopal. L’official de Cahors Jean Auboux des Vergnes précise que « si le crime est léger, ou étant grave, s’il n’est pas entièrement vérifié en tout ses chefs par l’information, [l’official] décrète seulement d’ajournement personnel car s’il décrétait de prise de corps sur une simple et légère information, il donnerait grief et sujet d’appeler », Jean AUBOUX DES VERGNES, op. cit., p. 184.
7 Anne LEFEBVRE-TEILLARD, Recherche sur les officialités à la veille du concile de Trente, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1973, p. 102.
8 « Bien que le juge d’Eglise puisse décréter de prise de corps contre un prêtre, comme il a été jugé au Parlement de Paris, le 8 mars 1603, […] néanmoins il ne peut exécuter le décret de prise de corps, mais doit implorer l’aide du bras séculier », La bibliothèque canonique, t. 1, p. 190. Le jurisconsulte Muyart de Vouglans est également catégorique. Selon lui, le décret de prise de corps est bien décerné par le juge d’Eglise mais ce dernier « est tenu de recourir pour cet effet à l’autorité du juge laïc », Les lois criminelles, op. cit., p. 760.
9 L’official de Cahors Jean Auboux des Vergnes évoque lui aussi cette impossibilité de prendre au corps les curés en dehors du prétoire de l’officialité et du palais épiscopal. Selon lui, « le roi pourrait permettre au juge d’Eglise de pouvoir faire emprisonner les clercs, contre lesquels il a décerné une prise de corps dans tout le diocèse sans attendre une autre permission particulière des juges séculiers […], par ce moyen les captures s’en feraient mieux et les crimes ne demeureraient pas impunis par la fuite et la contumace des accusés, qui abandonnent les lieux de leurs débauches, sans quitter l’esprit de dérèglement et l’affection du crime », La véritable pratique, op. cit., p. 158-159.
10 A.D. Oise, G 4342.
11 L’officialité de Beauvais ne disposant que de très peu de personnels, ces arrestations manu militari n’auraient de toute façon pas pu être concrètement mises sur pied par les seules autorités judiciaires d’Eglise.
12 A la fin des décrets de prise de corps que l’official rédige à l’encontre des curés poursuivis, l’official indique toujours « le bras séculier pour se faire invoqué ».
13 La pratique semble suffisamment répandue à l’époque moderne pour que Jean Auboux des Vergnes la mentionne dans son traité. A ses yeux, « la principale cause pour laquelle on peut rarement emprisonner les ecclésiastiques accusés de crimes, est parce qu’on emploie à ce faire des sergents, des huissiers, ou des archers, qui n’étant pas officiers de la Cour ecclésiastique, pour n’y avoir pas prêté le serment, sont facilement corrompus », La véritable pratique, op. cit., p. 188.
14 Les exemples qui le prouvent sont nombreux. Ainsi, le 26 octobre 1661, François Mahault refuse de monter sur le cheval que le sergent royal venu l’arrêter lui présente. Il parvient par la force à se réfugier dans son presbytère où il se barricade. Faute de pouvoir le prendre au corps, le sergent est contraint de lui donner assignation à comparaître en personne « à trois briefs jours » devant l’official pour subir son interrogatoire. A.D. Oise, G 4465.
15 A.D. Oise, G 4366.
16 A.D. Oise, G 4314.
17 A.D. Oise, G 4434.
18 Ibid.
19 A.D. Oise, G 4262.
20 Le fils du seigneur de Hédouville qui assiste à la scène menace le sergent à l’aide de son arquebuse. Sur ces entrefaites, la mère du seigneur de la paroisse arrive à son tour et soutient son petit-fils. Elle affirme au sergent qu’il est « un imprudent de vouloir prendre quelqu’un dedans son village sans lui demander, qu’il n’y allait point de sergent qui ne leur demande congés ». La femme recommande même de le faire prisonnier dans un des fossés du château ! Ibid.
21 A.D. Oise, G 4314.
22 A.D. Oise, G 3128.
23 Le constat semble identique dans la province ecclésiastique de Tours. Les synodes qui s’y déroulent « facilitent aussi les comparutions devant l’officialité », Bruno RESTIF, « Synodes diocésains, concile provincial et législation dans la province ecclésiastique de Tours, des lendemains du concile de Trente au milieu du xviie siècle », Marc AOUN, Jeanne-Marie TUFFERY-ANDRIEU (dir.), Conciles provinciaux et synodes diocésains du concile de Trente à la Révolution française. Défis ecclésiaux et enjeux politiques ?, Strasbourg, Collections de l’université de Strasbourg, 2010, p. 203.
24 A.D. Oise, G 4346.
25 A.D. Oise, G 4383.
26 A.D. Oise, G 4289.
27 A.D. Oise, G 4357.
28 A.D. Oise, G 4456.
29 A.D. Oise, G 3128.
30 Est déclaré contumace le curé qui refuse de se constituer prisonnier après avoir été décrété de prise de corps.
31 A.D. Oise, G 4358.
32 Ce n’est pas le cas avec les justices seigneuriales. Dans le duché-pairie de La Vallière par exemple, « il est très rare en effet qu’un accusé décrété de prise de corps se constitue prisonnier de lui-même », Fabrice MAUCLAIR, La justice au village. Justice seigneuriale et société rurale dans le duché-pairie de La Vallière (1667-1790), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 233.
33 Alors qu’il lui est reproché d’avoir débauché une jeune paroissienne âgée de seize ans, d’avoir injurié des paroissiens et d’être enclin à les violenter, le curé du Coudray-saint-Germer Nicolas Fouchart prend la fuite au début de son procès. Le greffier de l’officialité ne s’en offusque pas et note simplement dans le dossier du prévenu : « Ledit sieur Fouchart s’est sauvé pendant l’information, c’est pourquoi l’on a trouvé à propos de ne pas poursuivre davantage parce que l’on tenait pour assuré qu’il n’aurait pas la hardiesse de revenir dans ce diocèse ». A.D. Oise, G 4319.
34 A notre connaissance, la collaboration des sergents sollicités par l’officialité pour prendre au corps un curé a toujours été obtenue aisément. Ces hommes étaient d’autant plus enclins à répondre favorablement aux demandes du juge d’Eglise que les sommes prévues pour les rétribuer n’étaient pas minces. Lors du procès du curé Abraham Mahieu, le sergent du bailliage de Saint-Lucien reçoit des mains du promoteur de Beauvais trente-six livres tournois « pour avoir été à Paris et tirer des prisons de la conciergerie du palais M. Abraham Mahieu curé et icelui emporté à Beauvais », le tout avec l’aide de deux sergents. A.D. Oise, G 4467.
35 Alors qu’ils s’opposent à l’arrestation de leur curé par un sergent, certains villageois de la paroisse de Léglantiers affirment haut et fort que « si Monsieur de Beauvais ou son vicaire y venaient de même, qu’ils ne se retourneraient point avec leurs couilles et qu’ils les leur couperaient au-devant de la porte dudit curé et qu’ils étaient de beaux jean-foutre ». A.D. Oise, G 4434.
36 Gilles DEREGNAUCOURT, De Fénélon à la Révolution : le clergé paroissial de l’archevêché de Cambrai, Lille, Presses universitaires de Lille, 1991, p. 333.
37 Frédéric MEYER, « Enfance et violences ecclésiastiques en Savoie au xviiie siècle », Olivier CHRISTIN, Bernard HOURS (dir.), Enfance, assistance et religion, Lyon, Equipe Religions, sociétés et acculturation, 2006, p. 93.
38 Fabrice MAUCLAIR, La justice au village, op. cit., p. 259.
39 C’est notamment le cas dans le diocèse de Grenoble sous l’épiscopat d’Etienne Le Camus. L’indiscipline ecclésiastique concerne surtout la partie montagnarde du diocèse, bien moins contrôlée que les vallées. Jacques SOLE, « La crise morale du clergé du diocèse de Grenoble au début de l’épiscopat de Le Camus », Le cardinal des montagnes. Etienne Le Camus. Evêque de Grenoble (1671-1707), Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1974, p. 188 et s.
40 A ce sujet, voir notamment « Réforme et contre-réforme en Normandie », Revue du département de la Manche, t. 24, 1982, fascicule 93, p. 27.
41 Mathieu BEUVELET, Méditations sur les principales vérités chrétiennes et ecclésiastiques, 1659, p. 60.
42 Je tiens à remercier chaleureusement Estelle Martinazzo pour son aide précieuse afin d’élaborer cette carte.
43 Ce travail de représentation cartographique n’est pas simple et nécessite un certain nombre de précautions méthodologiques. Il n’est pas concevable de se contenter de placer simplement sur une carte quelques points censés représenter les villages concernés par les cas d’indiscipline ecclésiastique. Cette représentation trop sommaire aurait pour conséquence d’uniformiser en apparence tous les problèmes alors que les dossiers sont en réalité très variés. De plus, il est hors de propos de faire figurer simultanément sur la carte les fautes commises par les prêtres et les sanctions décidées en retour par les autorités diocésaines. Une cartographie de ces éventuelles corrélations paraît peu envisageable, d’autant que les dynamiques diachroniques sont difficiles à restituer spatialement. La mise en exergue des actes délictueux commis par les curés paraît problématique étant donné leur nombre et surtout leur grande diversité. Alcoolisme, violence, fréquentation féminine, concubinage ou paternité : les fautes reprochées aux prêtres sont nombreuses et les combinaisons le sont tout autant. A cela s’ajoute le fait que certains dossiers conservés dans les fonds de l’officialité de Beauvais n’indiquent pas les griefs reprochés au prêtre. Dans ces conditions, nous avons opté pour une approche différente. Notre carte doit plutôt prendre en compte les réponses que les autorités diocésaines ont apportées aux écarts de conduite des curés.
44 Dans une étude consacrée à l’espace savoyard, Frédéric Meyer se demande si « la proximité des villes […], lieu de pouvoirs et de contrôle social plus ferme » ne pousse pas à la concentration des affaires dans les territoires urbains ? Frédéric MEYER, « Religiosi fuorilegge : i regolari di fronte alla Giustizia in Savoia nel secolo XVII », Quaderni Storici, Nuova Serie, n° 119, fascicolo 2, agosto 2005, p. 519-553. Tel n’est pas notre sentiment à Beauvais.
Auteur
Fondation Thiers - CNRS
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