Mythe et réalités d’une société moniste : le droit au cœur des divisions, les voies de l’unité
p. 455-483
Texte intégral
1Le monisme juridique et l’enracinement du mythe unitaire dans la culture juridique française justifient l’existence d’une Cour de cassation au sommet de la hiérarchie judiciaire. Chacun sait que la Révolution a forgé le modèle moniste, celui d’une société homogène, individualiste, qui nie l’existence de groupes socialement différenciés, en plaçant l’individu au cœur de ses préoccupations (monisme sociologique), celui, enfin, d’une société régie par un droit unifié (monisme juridique). Or, le monisme juridique dans sa version initiale propose une vision mythique de la loi et du juge. Le droit y est assimilé à la loi dans une perspective exhaustive et infaillible, ce qui implique le reniement de la jurisprudence, dès lors que la loi ne souffre aucun supplément prétorien. Le juge, exécutant servile de la loi, dit le droit mais ne le fait pas.
2Le parangon révolutionnaire s’est cependant heurté à une double réalité : les lacunes de la loi, et la nécessité d’une interprétation qui associe le juge au processus normatif. Qu’à cela ne tienne, le retour du juge ne brisera pas le mythe ; il va même lui donner vie à condition d’en faire un servant d’unité et de poursuivre, au-delà de l’unité du droit, celle de son interprétation. Unité chimérique, au vrai. Parce qu’il n’y a pas un juge mais des juges. La diversité est institutionnelle (les juridictions), humaine (les juges), géographique (les ressorts), parfois structurelle (les formations de jugement au sein d’une juridiction). Et voilà que l’ombre du pluralisme revient planer sur l’ordre juridique, « lorsque cessant d’opposer les règles entre elles, on oppose pour une même règle des manières différentes de l’appliquer1 ». Un système moniste ne saurait souffrir de tels schismes.
3Un Tribunal de cassation est donc chargé de veiller à l’application des lois, tandis que le Corps législatif, auprès duquel il est symboliquement placé, s’en réserve l’interprétation par le mécanisme du référé (loi des 27 novembre-1er décembre 1790). Un demi-siècle plus tard, la « sentinelle de la loi » est affranchie de cette tutelle par la réforme du 1er avril 1837 qui lui reconnaît enfin le pouvoir d’interpréter la loi et d’unifier cette interprétation. Désormais autonome, la Cour de cassation devient la juridiction régulatrice qui peut faire revivre le mythe unitaire et garantir la sécurité juridique, contre ce nouveau pluralisme. Les modalités et les enjeux de sa mission ont cependant évolué depuis le XIXème siècle. L’ordre juridique s’est transformé, par la dispersion des lieux de création du droit, par les lacunes de la production législative, par la complexité des problématiques juridiques, et le phénomène des désunions s’est amplifié jusqu’à compromettre l’unité même de l’institution régulatrice. Aujourd’hui le droit est plus que jamais au cœur des divisions (I) et, dans le prolongement de la tradition révolutionnaire et impériale, on cherche toujours les voies de l’unité (II).
I – Le droit au cœur des divisions
4Comprendre le phénomène de la désunion, c’est d’abord en identifier les manifestations. Or il y a des divergences admissibles, voire souhaitables parce qu’elles sont enrichissantes, stimulantes. La résistance des cours d’appel à la Cour de cassation en est une illustration (A). En revanche, une fois franchi le seuil de la haute Cour, la divergence n’est plus tolérable (B).
A – Divergences « verticales » : la résistance des juges du fond
5Le conflit vertical plonge de profondes racines dans la tradition judiciaire. Prévu et encadré par la loi dès l’origine, il est nécessaire, dans les deux sens du terme : inéluctable autant qu’indispensable.
6Inéluctable, le conflit vertical oppose la Cour de cassation dans l’une de ses formations à des cours d’appel qui contestent son interprétation de la loi. La formule désigne donc un conflit d’interprétation, une contestation de l’autorité doctrinale de la Cour de cassation.
7La traduction judiciaire de la résistance n’a jamais varié depuis deux siècles ; elle est révélée par une dualité de pourvois dans une même cause et sur des moyens identiques, dualité qui témoigne de l’attachement de la cour de renvoi à la doctrine défendue par la première cour saisie, contre la solution retenue par la Cour de cassation. Ce sont là choses connues. Mais le conflit vertical soulève bien d’autres interrogations sur les fondements, les formes, l’ampleur et enfin les enjeux de ces résistances.
8Nul ne conteste à la Cour de cassation, pour les deux siècles passés, son œuvre créatrice et la normativité de sa jurisprudence2. Les exemples de ses créations prétoriennes sont innombrables. Pour autant, le juge n’est pas législateur et les précédents ne font pas loi : conséquence de l’article 5 du code civil qui prohibe les arrêts de règlement. Un juge, quel qu’il soit, appelé à se prononcer dans une affaire sur un point de droit déjà jugé par la Cour de cassation, est libre de retenir une solution différente. Aucune interprétation ne saurait être considérée comme définitivement acquise. La première juridiction de renvoi n’est donc pas liée par l’interprétation de la Cour de cassation, elle peut « résister ». Dans un discours récent, le premier président Vincent Lamanda a d’ailleurs insisté sur cette « indépendance de l’acte juridictionnel », essentielle et absolue3.
9Au-delà du fondement de la rébellion, qu’en est-il de ses motifs ? Pourquoi les juges du fond entrent-ils en dissidence ? Tout simplement parce que la doctrine de la Cour de cassation ne convainc pas. Or elle doit convaincre pour susciter l’adhésion quand son autorité dépend de l’ascendant qu’elle exerce sur les autres juges. Mais quand cesse-t-elle de convaincre ?
10Il se peut que sa doctrine ne soit pas lisible. La juridiction de renvoi n’a pas compris la portée exacte de la cassation, parce que l’arrêt de censure est lapidaire et que les juges du fond ne disposent pas des éléments susceptibles d’éclairer une motivation compendieuse ou obscure4. C’est la pédagogie des juges suprêmes qui est ici en cause.
11Il se peut enfin que sa doctrine soit obsolète ou inadaptée. La contradiction exprimée par les juges du fond s’explique alors par le nécessaire renouvellement de l’interprétation de la règle, qui n’est plus en adéquation avec la réalité sociale. Dans ce cas, c’est l’adaptation du droit aux besoins de la société qui est en cause. Les juges du fond, plus proches de cette réalité, plus sensibles à une perception concrète des difficultés, apparaissent comme les révélateurs privilégiés de ces besoins. « Situées au plus près des justiciables, bénéficiant du concours éclairé des avocats et des avoués, elles [juridictions du premier et du second degré] sont les vigies du droit5 ». Cette désunion-là apparaît comme étant socialement opportune et juridiquement constructive.
12Le phénomène, protéiforme, revêt cependant une infinité de nuances. La résistance est respectueuse, quand les juges s’inclinent devant la solution de la Cour tout en indiquant subtilement qu’il y aurait des raisons de décider autrement. Insolente et assumée, elle défie son autorité en prenant sans ménagement ni détour le contrepied de sa doctrine. Respectueuse ou insolente, sporadique, localisée ou généralisée, la forme et l’ampleur de la rébellion dépendent aussi du degré de maturité de la doctrine visée : genèse d’une jurisprudence ou jurisprudence constante.
13Le cas de la genèse d’une jurisprudence est ambigu. L’attitude rétive des juges du fond est moins provocatrice que participative, en ce qu’elle participe au processus de découverte et de lente progression vers la juste interprétation. La situation est assez fréquente lors des grandes réformes6. Elle l’est d’autant plus que le juge doit composer avec les approximations et les lacunes du travail législatif. « L’honnête homme du XXIème siècle jardine ses convictions jusqu’à la clarté7 » ; les juges font de même par l’effet conjugué de leurs décisions.
14En revanche, lorsque la contestation vise une jurisprudence constante8, la Cour de cassation n’est plus seulement invitée à affiner son interprétation mais à y renoncer. La rébellion est alors caractérisée par la provocation et la remise en question réitérée, parfois véhémente, d’une doctrine. Enfin, la résistance peut se manifester après un revirement brutal de la Cour de cassation, qui ne recueille pas l’adhésion des juges du fond. Si le revirement est équivoque, elle permettra d’en préciser la portée et la fermeté. Dans tous les cas, l’attitude des juridictions inférieures obligera la Cour à en réévaluer l’opportunité.
15Sur le fond aussi la résistance est infiniment diverse. Elle constitue d’ailleurs un champ d’investigation privilégié, pour tenter de repérer une « politique jurisprudentielle » des cours d’appel, dans un contexte de rébellion, lorsqu’elles prétendent à une action sur le corps social. Toujours, dans le conflit vertical, il y a ce « souffle qui guide la jurisprudence9 », ligne directrice et inspiratrice du juge, qui procède d’un choix social, éthique, culturel ou économique et qui répond à un besoin. « Les politiques jurisprudentielles ne sont jamais rien d’autre que la marque d’une emprise du juge sur l’ordre social10 » ; elles sont en cela consubstantielles à l’acte de rébellion.
16On en découvre les épisodes discontinus, au gré d’une historiographie qui s’y trouve inévitablement confrontée pour les deux siècles passés11. Mais aucune étude exhaustive, à partir des arrêts des chambres réunies ou de l’assemblée plénière, n’a été entreprise sur ces politiques jurisprudentielles. Il est vrai que la tâche est immense et particulièrement exigeante. Immense en raison de l’ampleur du phénomène, surtout au XXème siècle. En 1994, André Perdriau se dit « frappé par la proportion des affaires qui doivent être jugées par l’assemblée plénière à la suite de la rébellion des juridictions du fond statuant sur renvoi après cassation12 », en l’occurrence plus des trois cinquièmes. Exigeante enfin parce que l’éclatement et la spécialisation du droit nécessitent l’expertise du juge et celle de l’analyste, dans des domaines où les décisions atteignent un degré de technicité jamais égalé.
17Indispensable, le conflit vertical est au cœur du processus d’élaboration de la jurisprudence. Il ne s’agit pas d’une politique d’obstruction capricieuse fondée sur un enjeu de pouvoir, d’une crispation identitaire motivée par l’inversion éphémère et illusoire de la hiérarchie des magistères13. Ce qui est en jeu au contraire, c’est le perfectionnement du droit. Ce regard neuf peut en effet conduire au renouvellement de la réflexion et du droit, grâce à une perception différente des questions et des interprétations. Cette relation verticale n’est pas l’expression d’un antagonisme stérile et destructeur mais bien celle d’une désunion constructive. Les plus hautes autorités de la Cour de cassation vivent d’ailleurs ces conflits comme la composante d’un dialogue nécessaire, nullement comme une entrave.
18« Ce n’est pas par plaisir ni par "mauvais esprit" que les juges du fond refusent de s’incliner devant une doctrine de la Cour de cassation. C’est tout simplement parce qu’ils pensent qu’elle se trompe... Or, il arrive de plus en plus souvent qu’ils aient raison14 ! » Au parquet, on partage le même sentiment : « Nous sommes entourés de gardiens vigilants, nos collègues du "fond" nous résistent, souvent avec raison15 ». Depuis quelques années, les discours prononcés lors de l’audience solennelle sont à cet égard révélateurs. « Vigilance », « concours », « dialogue ». L’évocation de cette relation verticale avec les juridictions inférieures cultive la sémantique dialogale, insiste sur l’harmonisation, et propose une vision complémentaire des rôles.
19« La jurisprudence n’est pas le fruit de la seule activité de la Cour de cassation (...). Les juridictions du premier et du second degré concourent puissamment, par touches successives, à l’évolution de l’interprétation de la loi (...). Libres de suivre ou non les décisions de notre Cour, elles peuvent toujours, en adoptant une solution nouvelle ou divergente, l’inviter à s’interroger sur le bien-fondé de sa propre jurisprudence16 ». Heureuse contradiction des cours du fond, serait-on tenté de dire sans trop exagérer. Si la divergence paraît souhaitable quand elle est hiérarchique, elle ne l’est plus lorsqu’elle divise le corps même des sentinelles de la loi...
B – Divergences « horizontales » : les conflits de chambres
20L’existence de conflits internes à la Cour de cassation est logiquement déterminée par sa composition. La structure de la Cour n’est pas un facteur d’unité. En cause, plusieurs formations de jugement, avec des sensibilités divergentes servies le cas échéant par des velléités d’indépendance.
21Dès l’origine, le Tribunal de cassation est divisé en deux puis trois sections : une section des requêtes qui statue sur la recevabilité des pourvois, une section de cassation civile, une section de cassation criminelle17. La spécialisation de chaque formation et la répartition du contentieux devaient, croyait-on, empêcher les divergences, et éviter les chevauchements. Argument purement théorique et inopérant. Car il existe toujours, à l’occasion de certains pourvois, des questions transversales qui relèvent de la compétence de plusieurs chambres et donnent lieu à des interprétations divergentes. L’étude de la jurisprudence révèle d’ailleurs des discordances précoces.
22Entre la chambre criminelle et la chambre civile, les conflits ne peuvent naître que dans un domaine limité, sur des questions communes à la matière civile et criminelle18. On explique ce type de désunion par une différence de sensibilité : sur les questions de société par exemple, l’une défendra plutôt l’intérêt individuel, l’autre l’intérêt social. A défaut de procédure spécifique de résolution des conflits internes, la divergence peut être tranchée par l’arbitrage, contingent certes, des chambres réunies. La formation plénière ne peut en effet être saisie qu’à une condition : la résistance des juridictions inférieures. Il faut que le conflit horizontal se double d’un conflit vertical pour que les chambres réunies statuent sur le point de droit litigieux. Ajoutons qu’il s’agit d’une voie d’unification toute relative puisque la solution n’a pas vocation à s’imposer aux chambres de la Cour de cassation, mais seulement à la seconde cour de renvoi.
23Les oppositions entre les deux chambres civiles ont été plus douloureuses. Chambres complémentaires à l’origine, elles sont devenues rivales, compromettant gravement et parfois durablement la sécurité juridique19. La chambre des requêtes s’est en effet progressivement éloignée de sa mission initiale -la sélection des pourvois- pour s’imposer en deuxième chambre civile, une mutation qui s’explique par l’exigence de motivation de ses arrêts de rejet. La chambre des requêtes reçoit tous les pourvois. Ceux qui lui paraissent fondés sont transmis à la chambre civile par un arrêt d’admission non motivé. Les autres sont rejetés. Par ce procédé, la Cour de cassation écarte trois cinquièmes des pourvois, au stade préalable de l’examen de la requête. Or, une loi du 4 germinal an 1120 exige la motivation de ses arrêts de rejet, ce qui ouvre la voie à la possibilité d’une jurisprudence. L’obligation de motiver les décisions est en effet « le vecteur privilégié de l’expansion du précédent judiciaire21 ». La chambre des requêtes est ainsi devenue source de création prétorienne, concurrente de la chambre civile et apte à la contradiction.
24Dans le cas particulier d’un tel conflit, la seule issue est le ralliement d’une chambre à la doctrine de l’autre, l’arbitrage des chambres réunies n’étant pas envisageable. En effet, dans un contexte conflictuel, quelle que soit la décision des juges du fond, le pourvoi ne peut jamais être cassé, parce qu’il est forcément rejeté par l’une ou l’autre chambre22, ce qui exclut toute possibilité de renvoi devant une cour d’appel, susceptible de résister et de provoquer la saisine des chambres réunies. Il n’existe donc aucun moyen de réduire ces oppositions.
25Au XIXème siècle le problème des conflits de chambres devient d’ailleurs un argument récurrent pour demander la suppression de la chambre des requêtes. En 1814 un projet de loi propose de revenir sur la motivation de ses arrêts de rejet, car il est « depuis longtemps reconnu (...) que cet usage avait de graves inconvénients et une influence dangereuse sur la jurisprudence, qui ne doit se composer que de décisions rendues contradictoirement », ce qui revient à dire que la chambre civile a seule le droit de former jurisprudence23. En 1826, la Gazette des tribunaux réclame sa suppression et la création d’une seconde chambre civile, proposition reprise en 1835 dans un projet officiel émanant du garde des Sceaux, qui accuse la section des requêtes de dépasser le cadre de sa mission et d’introduire le doute dans la jurisprudence24. Le projet est finalement abandonné sous la pression de la Cour de cassation qui en conteste vivement l’opportunité. Le même scénario se reproduit en 1848-1849, lors de la grande réforme de l’organisation judiciaire. La chambre des requêtes est au cœur du débat. Le conseiller Troplong va d’ailleurs jouer un rôle décisif. Il plaide pour son maintien et ses observations25, approuvées à l’unanimité par les chambres de la Cour, vont convaincre. Le projet ministériel renonce à la suppression. Il vient en délibération devant l’Assemblée le 3 février 1849 et, dès le début de la discussion, Waldeck-Rousseau reprend, sous forme d’amendement, le contenu du projet initial : suppression de la chambre des requêtes et dédoublement de la chambre civile. Dans son exorde, il fustige une organisation dévoyée.
26« Je maintiens que l’organisation de la Cour de cassation (...) est contraire à la saine et bonne interprétation de la loi et à l’unité de la jurisprudence. Dans l’origine, la chambre des requêtes devait simplement apprécier quelles pouvaient être les chances raisonnables d’un pourvoi. Cette chambre dégageait les questions soulevées par le pourvoi et les soumettait à un examen sommaire : elle voyait ce qu’il pouvait y avoir de sérieux au fond des questions agitées, ce qu’il fallait attribuer simplement aux préoccupations du plaideur mécontent d’avoir succombé. C’était une sorte de bureau d’appréciation provisoire. (...) Dès qu’une difficulté sérieuse, grave, apparaissait, dès qu’un point de droit considérable se trouvait engagé par un pourvoi, la chambre des requêtes livrait à la décision de la chambre civile les questions qui lui avaient été déférées pour un examen préparatoire. Depuis les choses ont changé. La chambre des requêtes ne s’est plus contentée de cette situation un peu humble qui lui avait été faite de pouvoir accessoire qu’elle était, elle a désiré devenir un pouvoir presque principal, elle s’est constitué un corps de doctrine, elle s’est fait une jurisprudence, elle est entrée dans l’examen même du fond des difficultés et elle a attiré à elle le jugement des difficultés dont la chambre civile aurait dû être saisie26 ». Au terme de cette chronique politico-judiciaire, la chambre des requêtes est maintenue. D’autres projets de suppression sont déposés en 1850, 1870, 1880, 1903, et 1912 ; ils restent sans suite.
27Ce que l’on reproche en somme à la chambre des requêtes, c’est d’avoir élaboré sa propre jurisprudence en contredisant, parfois, la chambre civile. Jurisprudence contestée avant que d’être reconnue, car au XXème siècle nul ne songe à nier ses innovations prétoriennes. Mais ce statut « usurpé » n’en indispose pas moins la doctrine. Exemple topique de cet embarras doctrinal : Les grands arrêts de la jurisprudence civile. Henri Capitant, dans la première édition (1934), justifie malaisément la reproduction de nombreux arrêts de la chambre des requêtes (61 arrêts, pour 147 de la chambre civile et 20 des chambres réunies) : « Parmi les arrêts reproduits, on trouvera des arrêts de la chambre des requêtes et des arrêts de la chambre civile. Ces derniers ont plus de poids, pour la raison qu’ils ont été rendus après un double examen de la Cour de cassation. Néanmoins les premiers n’en sont pas moins fort importants aussi27 ». On est loin, bien sûr, de l’implacable formule d’Ambroise Colin : « J’appelle jurisprudence les arrêts de cassation de la chambre ci vile28 ».
28La structure de la Cour demeure inchangée jusqu’en 1938, date de création de la chambre sociale29. Pour faire face à l’inflation des pourvois, la Cour doit augmenter ses effectifs et multiplier les formations de jugement : suppression de la chambre des requêtes en 1947, remplacée par la chambre commerciale, économique et financière30, création des deuxième et troisième chambres civiles en 195231. Mais cette répartition du contentieux ne rend pas compte d’une subdivision de fait des chambres, au sein desquelles les formations de jugement se sont également diversifiées et spécialisées en sections32. Enfin, la suppression en juillet 2010 de la formation unique chargée de statuer sur les questions prioritaires de constitutionnalité, au profit des sections de chaque chambre s’inscrit dans le même processus d’« atomisation » de la Cour de cassation33. La multiplication de ces « collégialités multiformes » (Guy Canivet) et de leurs décisions fragilise son unité interne. L’évolution du dispositif légal depuis 1947 est d’ailleurs révélatrice d’un accroissement du risque de désunion, inhérent à cette nouvelle politique du rendement. Chaque réforme élargit et affine la définition des cas exigeant la mise en œuvre d’une procédure d’unification interne.
29La loi de 1947 prévoit trois hypothèses de conflit : le partage égal des voix au sein d’une formation de jugement, lorsque l’affaire pose une question de principe ou encore lorsque la solution serait susceptible de causer une contrariété de décisions34. En 1967, le législateur ajoute un quatrième cas qui s’inscrit dans une perspective préventive : « lorsque l’affaire pose une question relevant normalement des attributions de plusieurs chambres35 ». Enfin, la loi de 1979 reformule la troisième hypothèse relative à la contrariété de décisions, en visant précisément le cas où « la question a reçu ou est susceptible de recevoir devant les chambres des solutions divergentes36 ». On précise donc, en les distinguant, le règlement des conflits (« a reçu des solutions divergentes ») et leur prévention (« est susceptible de recevoir »).
30Quand le code de l’organisation judiciaire rappelle dans son article L. 411-1 qu’« il y a, pour toute la République, une Cour de cassation », ses contempteurs soutiennent qu’il n’y en a « pas une mais six37 ». Allusion amère à ces désunions internes qui affectent sa mission, son crédit, son autorité et qui, au-delà, compromettent l’ensemble du corps judiciaire. Elles sont « la négation du principe même de son existence38 ». On ne saurait dès lors trop insister sur l’impérieuse nécessité de réduire ces divergences, en recherchant les voies de l’unité.
II – Les voies de l’unité
31Depuis le XIXème siècle, la réalité pluraliste est combattue au nom du modèle moniste. C’est évidemment lorsqu’elle sollicite ses organes régulateurs -chambres mixtes et assemblée plénière- que la Cour de cassation concourt le plus directement à l’harmonisation de sa jurisprudence. Mais la mobilisation des formations supérieures n’épuise pas les voies de l’unité. Les procédures d’unification de l’interprétation se sont perfectionnées, diversifiées, au gré des besoins, afin de réduire les discordances nées de conflits verticaux (A) ou horizontaux (B).
A – Le traitement des divergences verticales
32Au XIXème siècle, c’est le règlement du conflit qui est au cœur du dispositif. Les solutions préventives apparaissent tardivement, à la fin du XXème siècle. Les conflits persistants avec les cours d’appel ont d’abord été résolus par le mécanisme du référé39, avant de mobiliser la formation plénière de la Cour de cassation, les chambres réunies. Il s’agit d’une réforme décisive et définitive, réalisée par la loi du 1er avril 1837, qui fonde la mission unificatrice de la Cour de cassation : le pouvoir d’interpréter la loi et d’imposer cette interprétation aux juridictions inférieures. En 1967, la formation des chambres réunies est remplacée par une formation allégée, l’assemblée plénière40.
33Depuis 1837, le pourvoi devant cette formation est obligatoire lorsqu’après cassation d’un premier arrêt ou jugement, la décision rendue par la juridiction de renvoi est attaquée par les mêmes moyens, signe d’une rébellion contre la doctrine de l’arrêt de censure. Deux hypothèses sont alors envisageables. La formation plénière juge la résistance infondée : elle casse et renvoie l’affaire devant une seconde juridiction de renvoi, qui est obligée de s’incliner41. Elle considère au contraire que la résistance est justifiée et ne suit pas la doctrine de la chambre qui a rendu le premier arrêt. En rejetant le pourvoi, elle consacre la solution de la juridiction qui s’est rebellée. Quelle que soit l’issue, rejet ou cassation, consécration ou condamnation de la résistance, la mobilisation d’une formation plénière permet de conduire un débat d’ensemble, afin d’établir une doctrine « de Cour » susceptible de convaincre pour s’imposer.
34Convaincre. Tel est l’enjeu de cette procédure. L’arrêt d’assemblée plénière n’ayant d’effet contraignant que dans l’affaire où il est rendu, la Cour de cassation doit convaincre de la justesse de ses positions pour s’imposer à l’ensemble des juridictions du fond. Il convient d’insister sur le fait que l’unification de l’interprétation n’est pas procédurale, mais culturelle. La haute Cour doit s’imposer sans imposer, guider sans contraindre. Convaincre les juges exige de cultiver l’adhésion aux raisons par une imprégnation lente et progressive de leur culture juridique. En France « la jurisprudence ne vaut que par l’autorité de la raison et non par raison d’autorité. » (L. Cadiet ).
35Le sort des résistances, on l’aura compris, dépend largement de cette force de conviction. Le conflit a vocation à s’éteindre pour restaurer la sécurité juridique et l’unité d’interprétation. Mais l’issue, justement, est variable. Lorsque les juges inférieurs, convaincus par la Cour de cassation, se rallient à sa doctrine, la résistance s’évanouit. Parfois, c’est la Cour de cassation qui approuve la doctrine des juges du fond et consacre la résistance. Le revirement de jurisprudence est l’expression de cette consécration. Une appréciation trop manichéenne du phénomène conduit parfois à forcer l’antagonisme des magistères, et à ne voir le conflit qu’au prisme d’une hiérarchie et d’enjeux de pouvoir. Ce fut peut-être le cas jadis42, mais aujourd’hui les juges ont une vision pacifique de leurs désunions, qu’ils envisagent plutôt comme un dialogue, une collaboration au service du progrès du droit. « L’assemblée plénière de la Cour de cassation est l’instrument naturel de ce dialogue avec les juges du fond. Elle n’hésite pas, quand il le faut, à revenir sur les analyses de nos chambres. Dans plus d’un tiers des cas, elle approuve les solutions innovantes des cours d’appel43. » On comprend mieux pourquoi de telles consécrations ne sont pas marginales. Elles existent au XIXème siècle44 et semblent en augmentation au XXème. Des statistiques récentes confirment une efficience accrue de ces résistances et une propension de plus en plus forte de la Cour de cassation à se remettre en cause45. Plus rarement, le législateur entérine la résistance et tranche le conflit, infligeant à la haute Cour un douloureux démenti46. Il se peut enfin que la résistance soit muselée, étouffée par le traitement préventif des divergences verticales.
36L’idée de prévention des conflits verticaux apparaît dans la réforme du 3 janvier 197947. Il existe, depuis cette loi, des instruments procéduraux spécifiques, que la Cour de cassation a elle-même complétés par des procédés informels de prévention des discordances. Le traitement préventif des divergences est issu de trois grandes innovations procédurales : la saisine directe de l’assemblée plénière dès le premier pourvoi, la cassation sans renvoi, la procédure de saisine pour avis.
37Depuis 1979, il est possible de saisir l’assemblée plénière dès le premier pourvoi, « lorsque l’affaire pose une question de principe, notamment s’il existe des solutions divergentes soit entre les juges du fond, soit entre les juges du fond et la Cour de cassation » (art. L. 431-6 COJ). La loi ne vise plus les divergences acquises, révélées par la résistance d’une cour de renvoi après une première cassation, mais les divergences redoutées dans les affaires qui posent de sérieuses questions de principe indépendamment de tout conflit, ce qui confirme la finalité préventive de la saisine48.
38Sur les questions délicates consécutives, par exemple, à une réforme législative, la Cour de cassation peut ainsi imposer immédiatement sa position à la juridiction de renvoi, qui est obligée de s’incliner, ce qui paralyse la rébellion. « Le législateur a offert à la Cour le moyen de tuer dans l’œuf les jurisprudences marginales des juges du fond49 ». Or l’approche des juges du fond est souvent féconde. En se privant des vertus de la lenteur et de ce regard critique, la Cour de cassation prend le risque d’une unification trop hâtive, qui peut être mal comprise ou mal acceptée. In fine, ce qu’elle gagne en efficacité, elle le perd en force de conviction et s’expose à de nouvelles désunions. Les statistiques précitées -plus de 35 % de consécration des résistances depuis 1980 – révèlent cependant une utilisation prudente de cette procédure préventive qui n’a pas tué la contradiction, ni sacrifié l’indépendance des juges du fond.
39Le même esprit anime l’innovation procédurale de la cassation sans renvoi avec évocation du litige, lorsqu’elle est étendue à toutes les formations de la Cour en 1979. La faculté existait depuis 1967, au profit de la seule assemblée plénière, pour faire l’économie d’un renvoi devant une juridiction obligée d’entériner la doctrine de l’arrêt de cassation. Elle épargnait aux plaideurs les désagréments et les retards d’une nouvelle procédure et n’entravait en rien l’expression d’une résistance. Mais la loi de 1979 va beaucoup plus loin : elle étend la cassation sans renvoi à toutes les formations de la Cour (chambres ordinaires ou chambres mixtes) qui peuvent mettre fin au litige « lorsque les faits, tels qu’ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d’appliquer la règle de droit appropriée » (art. L. 411-3 COJ)50. L’introduction des faits de la cause devant la chambre attributaire lui permet de clore le débat au fond. Cette décision au fond de la Cour de cassation, qui dispense du renvoi, obère toute possibilité de résister à son interprétation.
40La cassation sans renvoi et le renvoi facultatif devant l’assemblée plénière sont des procédures qui privilégient le pouvoir sur l’ascendant, la « raison d’autorité » sur « l’autorité de la raison ». Il y a là un facteur de rigidité et de sclérose de la jurisprudence, dont la doctrine avait stigmatisé les dangers, dans ses commentaires de la loi du 3 janvier 1979. « La jurisprudence rapidement unifiée ne doit plus pouvoir être contestée. C’est pousser trop loin le jeu de la hiérarchie dans l’élaboration de la jurisprudence51 ».
41La procédure de saisine pour avis est conçue dans un esprit très différent, celui du dialogue et de la collaboration. Consacrée par les lois du 15 mai 1991 en matière civile et du 25 juin 2001 en matière pénale52, elle reconnaît à la Cour de cassation le pouvoir de donner rapidement l’interprétation de la loi indépendamment d’un pourvoi. La saisine appartient aux juges du fond qui sollicitent un avis lorsqu’ils sont confrontés à « une question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges » (art. L. 441-1 COJ). L’avis, rendu dans les trois mois, est délibéré par une formation prestigieuse53, dotée d’une « autorité de conviction54 » suffisante. Car cet avis ne lie ni la juridiction demanderesse, ni la Cour qui le donne ; il doit donc convaincre pour s’imposer à l’ensemble des chambres et aux juges du fond. Cette interprétation de la loi ab initio anticipe sur la formation et la cristallisation d’une divergence verticale. Elle présente également l’avantage de réintégrer les juges du fond dans la création prétorienne et de les associer à la démarche unificatrice55.
42Ce dispositif légal a été complété par des moyens informels de prévention des divergences, mis en œuvre par la Cour de cassation dans ce même esprit de dialogue et de respect de l’indépendance des juges du fond. Elle entend promouvoir une « approche commune et interactive par une connaissance partagée de la jurisprudence ainsi qu’un dialogue renouvelé entre les juges56 ». Il s’agit d’un dispositif de « veille juridique », fondé sur des mécanismes d’observation et de diffusion de la jurisprudence, permettant de repérer les divergences.
43Depuis le 1er janvier 2004, la Cour de cassation conduit un ambitieux projet de diffusion de la jurisprudence judiciaire. Une première base de données, dite JuriCA, réunit l’intégralité des arrêts des cours d’appel pour le seul domaine civil. Gérée par le service de documentation et d’études (SDE), elle est alimentée quotidiennement (ce qui représente environ 180 000 arrêts par an) et offre aux magistrats la possibilité d’une consultation exhaustive de la jurisprudence civile des cours d’appel, sur le site intranet de la Cour de cassation57.
44L’outil numérique est évidemment le support idéal pour répondre à cet objectif de diffusion et de circulation de l’information. Mais la Cour ne se contente pas de réseaux virtuels. Elle réunit tous les ans les premiers présidents des cours d’appel, interlocuteurs privilégiés de ce « dialogue renouvelé ». Elle reçoit aussi en stage de nombreux magistrats spécialisés, afin d’élargir encore le débat sur ce thème de l’harmonisation, en y associant des praticiens spécialistes. La chambre sociale et la chambre criminelle participent à des sessions de formation régionales de magistrats et d’avocats, pour faire le point sur la jurisprudence récente et en examiner l’incidence sur les procès au fond58. Enfin, la Cour de cassation établit et diffuse tous les trimestres le calendrier des audiences des chambres mixtes et de l’assemblée plénière, avec la référence des pourvois à juger et un résumé des questions à traiter. Ainsi informées, les juridictions du fond concernées par ces mêmes points de droit, peuvent différer leur décision par mesure d’administration judiciaire et éviter de se mettre en contradiction avec la Cour de cassation.
45Pour perfectionné que soit le dispositif de règlement et de prévention des conflits, le traitement des divergences verticales n’est envisageable qu’à une condition : la réalisation de l’unité interne, comme gage d’autorité et de crédibilité à l’égard des juges du fond.
B – Le traitement des divergences horizontales
46Jusqu’en 1947, il n’existe aucune procédure spécifique de résolution des conflits internes. Les divergences sont irréductibles, en particulier celles qui opposent la chambre civile et la chambre des requêtes. Le principe d’une formation spéciale chargée de veiller à l’unité interne est donc une invention récente. Encore aujourd’hui, la doctrine considère que le besoin d’une telle procédure « ne se concevait guère », puisque la Cour de cassation était composée de trois chambres à vocations bien distinctes. « La cour ne pouvait que rarement être en butte à des divergences d’interprétation entre ses chambres59 ». Ce fut pourtant le cas, parfois durablement, lorsque la chambre des requêtes s’est éloignée de sa mission initiale pour rivaliser avec la chambre civile. De là sa propension à trancher elle-même les questions les plus délicates, par un rejet motivé, au lieu de se limiter à un examen superficiel des pourvois.
471947 : la chambre des requêtes est supprimée, une suppression dont on a longtemps discuté l’opportunité et qui divise encore60. La matière civile est alors dévolue à trois chambres distinctes : une chambre civile, une chambre sociale et une chambre commerciale économique et financière. Pour la première fois, on envisage le risque de divergences internes et les moyens d’y remédier : la spécialisation des chambres -pour prévenir les conflits internes – et la résolution des conflits par une formation plénière, l’assemblée plénière civile.
48La loi n’ayant pas imposé la répartition des compétences, afin d’éviter la rigidité du système, c’est le premier président de la Cour qui délimite tous les ans cette spécialisation en fonction des besoins, dans une ordonnance prise après avis du procureur général61. Les affaires sont ensuite réparties suivant leur nature. Mais la spécialisation ne suffit pas à prévenir les conflits puisqu’il existe des questions transversales -la procédure par exemple-communes aux différentes chambres.
49Aussi prévoit-on, et c’est la grande innovation de la réforme de 1947, la création d’une assemblée plénière civile susceptible d’imposer aux chambres de la Cour une interprétation unique de la loi. Formation unique permanente et supérieure62, elle est compétente pour traiter les conflits de chambres et les pourvois soulevant des questions de principe63. Ses arrêts suivent le même circuit que ceux d’une chambre ordinaire siégeant isolément : en cas de cassation, sa décision ne lie pas la juridiction de renvoi. Si cette dernière résiste à l’assemblée plénière civile, le deuxième pourvoi est porté devant les chambres réunies. Paradoxalement, la solution unifiée ne s’impose pas non plus aux chambres de la Cour, aporie d’un système judiciaire qui refuse les mécanismes impératifs. Rien ne garantit par conséquent que les chambres en litige adopteront cette solution. L’assemblée plénière civile ne doit compter que sur sa supériorité hiérarchique, et sa force de conviction pour réduire les divergences internes.
50L’institution s’est révélée décevante. Peu sollicitée depuis sa création, elle n’a rendu que 34 arrêts entre 1948 et 196764. On stigmatise d’abord son caractère contraignant : la mobilisation de trois ou quatre chambres paralyse le fonctionnement normal de la Cour, ce qui contrarie la politique de rendement mise en œuvre dans un contexte d’inflation des pourvois. Il semble en outre qu’elle n’ait pas pleinement assumé son rôle. En restreignant l’objet de ses décisions afin de ne pas heurter le particularisme des chambres, elle les a encouragées indirectement à cultiver leur indépendance. L’unification recherchée s’en est trouvée compromise ou affaiblie65. Ayant pris acte de cet échec, le législateur abandonne cette formation en 1967 au profit d’une solution plus fluide : les chambres mixtes. La réforme est d’autant plus nécessaire qu’il y a désormais cinq chambres civiles.
51La structure de la chambre mixte est allégée, puisqu’il s’agit d’une formation spéciale, dont la composition varie en fonction des acteurs du conflit. Elle est composée a minima de conseillers issus des deux chambres en litige, et placés sous l’autorité du premier président, ce qui n’exclut pas un effectif plus large si le point de droit discuté intéresse d’autres chambres66. La politique d’unification s’en trouve sensiblement modifiée. A l’unification par voie d’autorité -celle d’une formation supérieure- on préfère la voie de la conciliation. La chambre mixte est ainsi devenue une émanation des chambres en conflit qui sont invitées, dans le cadre de cette formation temporaire, à trouver elles-mêmes la solution ou le compromis qui harmonisera leurs jurisprudences.
52Prenant le contrepied de la version initiale, la loi de 1967 allège la composition, privilégie l’unité par voie d’entente et ajoute un cas d’ouverture : la chambre mixte peut désormais être saisie à titre préventif, indépendamment de tout conflit, « lorsque l’affaire pose une question relevant normalement des attributions de plusieurs chambres », c’est-à-dire lorsque le moyen du pourvoi soulève plusieurs questions susceptibles de concerner des spécialités différentes (droit social et droit commercial par exemple) ou s’il s’agit d’une question transversale, commune à toutes les chambres (la procédure). Pour spécialisée qu’elle soit en la matière, la 2e chambre civile n’a pas l’exclusivité des moyens de procédure, régulièrement soulevés devant les autres chambres. La réforme de 1979 confirme cette politique préventive. Délaissant l’imprécise formule de la « contrariété de décisions », elle vise expressément le cas de la question qui « a reçu ou est susceptible de recevoir, devant les chambres, des solutions divergentes67 », et distingue ainsi le conflit déclaré du conflit éventuel.
53Cette volonté de prévenir le conflit -dans sa dimension verticale et horizontale- semble être au cœur de toutes les préoccupations depuis 1967. Elle révèle une conception rigide de l’unification, conditionnée par des impératifs de rentabilité. La divergence y est perçue comme une entrave au cours de la justice, à la sécurité juridique. Il ne faut donc plus se contenter de résoudre les conflits avérés mais prévenir les conflits éventuels, quitte à tuer le débat en évitant le dialogue. L’unité interne, comme condition de la mission régulatrice, est à ce prix.
54Une telle extension des compétences aurait dû multiplier les audiences des chambres mixtes. La formation est en effet très mobilisée jusqu’en 1975. C’est, dit-on, le temps « des riches heures de la chambre mixte68 » qui prend des positions audacieuses, impose des revirements depuis longtemps attendus69. Puis le nombre des pourvois diminue à partir de 197670. Comment l’interpréter ? S’agit-il d’un dysfonctionnement, d’une inadaptation de l’institution à sa mission ou faut-il y voir, au contraire, le signe tangible d’un tarissement des conflits de chambres, de la réalisation progressive de l’unité interne par d’autres voies ?
55Force est de constater que la voie d’entente, privilégiée par la réforme de 1967, est un échec. La composition de la chambre mixte, émanation des chambres en conflit, n’est manifestement pas adaptée à un esprit d’indépendance toujours vivace, ce qui compromet sa mission conciliatrice. Incapables de s’entendre, les chambres votent en bloc dans le même sens, laissant in fine au premier président le rôle d’arbitre. Une décision d’harmonisation interne ne peut émaner d’un seul magistrat, aussi éminent et compétent soit-il. Elle y perd sa force de conviction et sa crédibilité.
56La loi de 1979 tente de corriger cette faiblesse en élargissant la composition de la chambre mixte aux membres d’une troisième chambre, extérieure au conflit, pour faciliter l’élaboration d’un compromis ou la découverte d’une issue en cas de blocage. Mais les solutions transactionnelles étant difficiles à concevoir et à mettre en œuvre, la chambre mixte tranche plus souvent le conflit en faveur de l’une des solutions en présence. Or, la chambre minoritaire, parce qu’elle est désavouée, ne s’y rallie pas volontiers, ce qui pose la question de l’autorité d’un arrêt qui, rappelons-le, ne lie pas les chambres de la Cour. Dans ces conditions, la formation mixte est de plus en plus délaissée au profit de la formation plénière, sollicitée en raison de sa supériorité hiérarchique, pour prévenir ou résoudre les conflits horizontaux71. On en revient de facto à la voie d’autorité.
57A partir de l’an 2000, les statistiques semblent infirmer la tendance avec une mobilisation sans précédent de la chambre mixte jusqu’en 2007 (52 arrêts), suivie d’un nouveau ralentissement depuis 2008 avec seulement huit arrêts (janvier 2008-mai 2011)72. Il n’appartient pas à l’historien de commenter ces chiffres avec si peu de recul ; l’exercice serait par trop périlleux, à défaut d’analyse exhaustive et approfondie de ces décisions. Il est en revanche légitime de les confronter à la parole des acteurs. Or, la Cour de cassation, par la voix de ses premiers présidents, insiste sur les progrès de l’unité interne pour expliquer la démobilisation récente de la chambre mixte. L’état d’esprit, nous dit-on, a beaucoup changé, « chacune des chambres ayant aujourd’hui conscience de la nécessité d’une jurisprudence unitaire73 ». Il semble qu’elles aient renoncé à l’esprit de corps et à leur culture d’indépendance, principaux écueils à la politique d’harmonisation. Le premier président Lamanda confirme cet irénisme, qu’il explique par le succès des procédures de concertation et de coopération mises en œuvre par la Cour elle-même.
58« Animée par cette exigence d’une prévisibilité et d’une sécurité accrues, la Cour s’est employée à éviter que les divergences de jurisprudence ne surviennent entre ses différentes formations. Les dispositions prises en vue d’une meilleure concertation interne ont notamment permis de diviser par quatre les cas nécessitant la réunion d’une chambre mixte pour mettre fin à une discordance74 ». La politique du « dialogue » ne s’arrête donc pas au seuil de la Cour de cassation. Elle s’y déploie au contraire par la promotion et la diversification des moyens nécessaires à la circulation de l’information. Ces procédures informelles de concertation interne mobilisent tous les acteurs de la Cour, individuellement ou collégialement.
59Le rôle des présidents de chambre et des avocats généraux est à cet égard essentiel, chacun ayant une vision globale du contentieux de sa chambre. La Cour a également doté chaque chambre d’un doyen qui en est la mémoire, garantissant ainsi la cohérence de sa jurisprudence. Les échanges informels entre ces trois « têtes » de chambre sont devenus indispensables. Par exemple, les présidents de chambre organisent des réunions régulières avec le service de documentation et d’études, afin de se tenir informés des innovations jurisprudentielles susceptibles d’affecter l’ensemble de la Cour. Ce service est en effet au cœur de la mission de connaissance et de diffusion de la jurisprudence, mais il est aussi le principal artisan du classement et du rapprochement des dossiers, ce qui facilite l’identification des divergences.
60Les organes collégiaux participent aussi à cette veille juridique : l’assemblée générale75, ou encore la conférence. Cette conférence, qui ne figure dans aucun texte, est une institution de cohérence et d’harmonisation au sein de chaque chambre. Elle réunit le président, le doyen et l’avocat général au terme de l’instruction d’un pourvoi, et se tient en général deux semaines avant l’audience. Il s’agit d’un premier examen collectif du dossier, d’une confrontation des points de vue au cours de laquelle peuvent apparaître des divergences d’opinions qui nourrissent le processus d’élaboration de la solution, mais qui ont vocation à s’harmoniser. La conférence demande parfois au rapporteur du dossier de consulter officieusement le conseiller d’une autre section ou d’une autre chambre « pour éviter les contradictions de jurisprudence76 ».
61Tout est mis en œuvre pour éviter l’isolement et la sectorisation dans le traitement des dossiers. Il existe à cette fin des procédures spécifiques de consultation, lorsqu’une chambre doit examiner un moyen qui relève du contentieux d’une autre chambre. La saisine de la chambre mixte – théoriquement possible dans ce cas- peut être évitée grâce à une demande d’avis formée auprès de la chambre compétente. D’abord officieuses et informelles77, ces consultations ont été réglées par le code de procédure civile78. L’avis est alors rendu après un délibéré de la chambre consultée pris sur le rapport d’un conseiller et les conclusions d’un avocat général. En prévenant ainsi les discordances, la Cour de cassation limite les pourvois devant la chambre mixte et s’ouvre la voie de l’unité interne.
* * *
62« Toute antinomie, toute contradiction, serait l’échec du droit, de ce fait même atteint dans son autorité. Jamais définitivement acquise, cette mise en cohérence est une quête permanente qui est l’œuvre du juge79 ». Le monisme juridique postule que la loi est une, mais ses faiblesses de fond et de forme exigent une interprétation dont la réalité est plurielle. Les magistrats désunis par le droit et néanmoins serviteurs du mythe unitaire ont dû composer avec cette réalité conflictuelle sans jamais cesser de chercher les voies de l’unité. Mais dans quel esprit, selon quelle logique ? Avec le recul, il est possible d’identifier les grandes phases qui ont marqué cette quête, chacune correspondant à des politiques d’unification ou d’harmonisation très différentes.
63Jusqu’en 1947, il n’existe qu’une seule voie, celle des chambres réunies, qui s’inscrit dans une dimension exclusivement verticale des conflits (la résistance des juges du fond). La question de l’unité interne, pourtant fort compromise par la rivalité qui oppose la chambre civile à la chambre des requêtes, est occultée : les conflits de chambres demeurent irréductibles.
64Entre 1947 et 1990, l’inflation du contentieux et la multiplication des formations de jugement à la Cour de cassation aggravent le problème des divergences verticales et horizontales. On tente d’y remédier par une conception très rigide de l’unification. Cassation sans renvoi, saisine de l’assemblée plénière ou de la chambre mixte indépendamment de tout conflit, toutes ces techniques préventives ont un point commun : tuer le débat, museler la contradiction, qu’elle émane des juges du fond ou des chambres spécialisées de la Cour de cassation. La prévention l’emporte sur la résolution des conflits et l’esprit de la loi tend à renier toute forme de divergence ou de jurisprudence marginale. On sacrifie le dialogue sur l’autel de la rentabilité et de la sécurité juridique. Le risque : une accélération de la formation de la jurisprudence, qui nuit à la qualité de l’interprétation et de la création prétorienne80. L’archétype d’une telle conception de l’unification pourrait bien être la loi du 3 janvier 1979.
65Mais depuis vingt ans, il semble que l’on s’oriente vers une conception plus souple de l’unification, qui privilégie le dialogue et le débat dans tous les réseaux. La procédure de saisine pour avis ou les procédures internes de concertation bicamérale en sont une illustration. Il n’est plus temps de subir le phénomène des désunions jurisprudentielles, en étouffant les dissidences. Ecouter, s’inspirer, convaincre, diffuser, le processus d’harmonisation doit associer l’autorité de la raison à la publicité de la décision : telles sont aujourd’hui les voies de l’unité.
Notes de bas de page
1 J. CARBONNIER, Sociologie juridique, Paris, P.U.F., 1994, p. 361.
2 En ce sens, J. KRYNEN, L’Etat de justice. France, XIIIème – XXème siècle, II : L’emprise contemporaine des juges, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des histoires », 2012, chapitre 5 : « La souveraineté de la Cour de cassation ».
3 « Si nul ne doit jamais porter atteinte à l’indépendance de l’acte juridictionnel -elle est essentielle et absolue- il revient à notre Cour d’accorder les pratiques pour garantir la sécurité juridique et prévenir les cassations inutiles. » (Discours de Monsieur V. Lamanda, premier président de la Cour de cassation, lors de l’audience solennelle du 14 janvier 2010, Rapport annuel 2009, Paris, La Documentation française, 2009, p. 40).
4 La note du rapporteur (expurgée des éléments couverts par le secret du délibéré) et les conclusions de l’avocat général ne sont pas systématiquement transmises à la juridiction de renvoi, avec le reste du dossier. (A. PERDRIAU, « La chambre mixte et l’assemblée plénière de la Cour de cassation », JCP éd. G, 1994. I. 3798, p. 468).
5 Discours de Monsieur V. LAMANDA, premier président de la Cour de cassation, lors de l’audience solennelle du 11 janvier 2008, Rapport annuel 2007, Paris, La Documentation française, 2007, p. 28.
6 La loi du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation a suscité quelques divergences d’interprétation : la question, par exemple, de l’application de la loi nouvelle aux instances en cours, définitivement tranchée par l’assemblée plénière (deux arrêts du 2 février 1990, Bull. civ. V, Ass. Plén., n° 1, p. 1).
7 Formule de Michel Serres que le premier président Guy Canivet dédie « au nouveau juge de ce siècle » dans son discours prononcé lors de l’audience solennelle du 9 janvier 2004 (Rapport annuel 2003, Paris, La Documentation française, 2004, p. 32).
8 La jurisprudence est considérée comme telle, lorsqu’une solution est constamment affirmée par une ou plusieurs chambres de la Cour de cassation.
9 G. CANIVET et N. MOLFESSIS, « La politique jurisprudentielle », Mélanges en l’honneur de Jacques Boré, La création du droit jurisprudentiel, Paris, Dalloz, 2007, n° 4, p. 80.
10 Ibid., n° 13, p. 86.
11 Un exemple : le contentieux des droits d’usage, au XIXème siècle, est révélateur d’une résistance farouche des cours d’appel à la Cour de cassation sur la difficile question des modes d’acquisition et d’extinction de ces droits. Au-delà des arguments juridiques, c’est la survie ou la disparition des communautés usagères qui est en jeu, ce sont deux conceptions de la propriété qui s’affrontent : une forme d’appropriation collective contre l’individualisme agraire et la liberté d’exploitation. Pendant près de quinze ans, ce débat a divisé la Cour de cassation et les cours royales, unies dans leur résistance jusqu’à la reddition des juges suprêmes (Pour une vision complète du conflit, v. notre étude « Autonomie et pouvoir des juges avant 1850. Enjeux et divisions de la jurisprudence sur une question controversée », Etudes d’histoire du droit privé en souvenir de Maryse Carlin, Paris, La Mémoire du Droit, 2008, p. 353-365).
12 A. PERDRIAU, « La chambre mixte et l’assemblée plénière de la Cour de cassation », op. cit., p. 471.
13 C’est pourtant la thèse que défend Claire Bouglé, à propos de la jurisprudence pénale du XIXe siècle (La Cour de cassation et le Code pénal de 1810. Le principe de légalité à l’épreuve de la jurisprudence, 1811-1863, Paris, LGDJ, 2005). Il y aurait, dans les résistances postérieures à la loi de 1837, « une revendication du partage de souveraineté » (p. 570). La reconnaissance d’une supériorité hiérarchique de la Cour de cassation sur les cours souveraines a pu provoquer un sursaut d’orgueil de la part de ces juridictions, dont la législation antérieure avait consacré l’indépendance (loi du 30 juillet 1828, cf. infra note 39). Par la résistance, elles prolongent l’héritage de cette loi, en cultivant l’effacement des hiérarchies au sein de l’ordre judiciaire. Cette rébellion qui dégénère en « conflits de pouvoirs » (p. 574) ne serait donc inspirée par aucune politique jurisprudentielle : « les résistances qui nourrissent le débat judiciaire à l’époque tiennent sans doute plus de la démonstration de force que d’une démarche réfléchie poursuivant un but précis. » (p. 585).
14 O. BOUILLANE DE LACOSTE (président de chambre à la Cour de cassation), « La résistance des juges du fond », L’image doctrinale de la Cour de cassation, Paris, La Documentation française, 1994, p. 189.
15 M. JEOL (premier avocat général à la Cour de cassation), « Allocutions d’ouverture », ibid., p. 42.
16 Discours de Monsieur V. LAMANDA, premier président de la Cour de cassation, lors de l’audience solennelle du 11 janvier 2008, loc. cit.
17 Initialement, le Tribunal est ainsi structuré : un « bureau des requêtes » qui filtre les pourvois et une « section de cassation ». La loi du 22 août 1793 autorise le Tribunal à créer, à titre provisoire, une section criminelle (art. 2 : « Provisoirement, et pour accélérer l’expédition des affaires, le Tribunal de cassation pourra, s’il le juge à propos, se diviser en trois sections », J.-B. DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglemens et avis du Conseil d’Etat, Paris, 1834, t. 6, p. 106) ; le dédoublement de la section de cassation en section civile et criminelle est ensuite définitivement consacré par la loi du 2 brumaire an IV (24 octobre 1795). Toutefois, l’examen préalable des pourvois par la section des requêtes ne concerne que la matière civile (art. 4, al. 2 : « La troisième section prononcera exclusivement sur les demandes en cassation en matière criminelle, correctionnelle et de police, sans qu’il soit besoin de jugement préalable d’admission », ibid., t. 8, p. 344).
18 On en connaît peu pour le XIXème siècle. (V. quelques exemples de dissidences dans E. H. PERREAU, Technique de la jurisprudence en droit privé, Paris, M. Rivière éd., 1923, p. 75-78) Au XXème siècle, la question de la réparation du préjudice subi par la concubine en cas de décès accidentel de son concubin constitue l’acmé de la désunion : indemnisation refusée par la chambre civile (Cass, civ., 27 juillet 1937, Bull. civ., n° 181, et Cass. 2e civ., 7 avril 1967, Bull. civ., II, n° 134, p. 94-95), admise par la chambre criminelle (Cass. crim., 20 janvier 1966, D. 1966.1.184). C’est la chambre mixte qui tranche le conflit en faveur de la chambre criminelle dans son célèbre arrêt « Dangereux » du 27 février 1970 (D. 1970.1.201).
19 Les deux chambres ont été en désaccord sur de nombreuses questions au XIXème siècle : la validité ou la nullité des donations déguisées sous la forme de contrats onéreux (Cass, civ., 6 pluviôse an XI, Recueil général des lois et arrêts, par L.M. DEVILLENEUVE et A. A. CARETTE, Paris, 1843, vol. II, 1e partie, p. 746 et 7 frimaire an XII, ibid., vol. II.1.32 – contra Cass. req. 8 frimaire an XIII, ibid., vol. II.1.33 et 24 novembre 1808, ibid., vol. II.1.607), la compétence des audiences solennelles ou ordinaires des cours pour juger les appels relatifs aux séparations de corps (Cass, civ., 27 décembre 1831, S. 1832.1.106 ; 15 janvier 1834, S. 1834.1.9 ; 4 mars 1835, S. 1835.1.166 – contra Cass. req., 26 mars 1828, S. 1828.1.339 ; 28 mai 1828, S. 1828.1.234), la forme (authentique ou pas) du mandat lorsqu’il sert à réaliser un acte constitutif d’hypothèque (Cass. civ., 7 février 1854, D. 1854.1.49 – contra Cass. req., 27 mai 1819, D. 1819.1.405 et 5 juillet 1827, D. 1827.1.295), le droit de réserve du père ou de la mère d’un enfant naturel reconnu sur l’hérédité de celui-ci (Cass. req., 3 mars 1846, D. 1846.1.87 – contra Cass. civ., 26 décembre 1860, D. 1861.1.21 – Cass. Ch. réun., 12 décembre 1865, D. 1865.1.457), le point de départ du délai de prescription des actions intentées contre les partages d’ascendants, jour de la convention ou décès de l’ascendant (Cass. req. 12 juillet 1836, S. 1836.1.354 – contra Cass. civ. 30 juin 1847, S. 1847.1.481).
20 Article 6 de la loi des 4-15 germinal an II : « A l’avenir, tous les jugements par lesquels le Tribunal de cassation rejettera les requêtes en cassation seront motivés. » (J.-B. DUVERGIER, op. cit., t. 7 , p. 114).
21 F. ZENATI, La jurisprudence, Paris, Dalloz, 1991, p. 62.
22 Si la décision des juges du fond est conforme à la jurisprudence de la chambre des requêtes (et contraire à celle de la chambre civile), la chambre des requêtes – d’accord avec la décision attaquée- rejette le pourvoi. Si la décision des juges du fond est contraire à la jurisprudence de la chambre des requêtes mais conforme à celle de la chambre civile, la chambre des requêtes ne peut pas casser (puisqu’elle n’en a pas le pouvoir), mais si elle estime le pourvoi fondé, elle renvoie devant la chambre civile. Cette dernière -d’accord avec la décision attaquée- rejette le pourvoi.
23 Rapport du chancelier de France DAMBRAY sur un projet de loi relatif à la Cour de cassation, présenté par l’abbé de Montesquiou à la Chambre des députés le 21 novembre 1814 (Le Moniteur universel, 22 novembre 1814, n° 326, p. 1312, 3e col.).
24 « En supprimant la section des requêtes et en la convertissant en chambre civile, non seulement on détruirait un rouage inutile, mais on éviterait une contradiction qui jette l’incertitude sur les décisions de la justice. En effet, il est reconnu aujourd’hui que la section des requêtes, qui ne devait se livrer qu’à un examen pour ainsi dire superficiel pour éviter des pourvois inconsidérés, approfondit les affaires, les discute comme si elle devait les juger définitivement. Elle n’admet les pourvois que lorsqu’elle est d’avis de casser les arrêts. Si la section civile pense comme elle, l’inutilité de son arrêt est évident : si elle juge autrement, le plaideur et le public sont autorisés à se demander où est la vérité. » (Chambre des députés, Séance du 23 janvier 1835, Présentation par le garde des Sceaux d’un projet de loi concernant des modifications à l’organisation judiciaire et à la compétence des tribunaux, Le Moniteur universel, 24 janvier 1835, n° 24, p. 177, 3e col.).
25 Observations publiées dans Le droit, Journal des tribunaux du 19 juillet 1848 sous l’intitulé Organisation judiciaire, Cour de cassation, « De l’utilité de la chambre des requêtes ».
26 Assemblée nationale, séance du 3 février 1849 (deuxième délibération sur le projet de loi relatif à l’organisation judiciaire), Le Moniteur universel, 4 février 1849, n° 35, p. 71, 2e col.
27 H. CAPITANT, Préface des Grands arrêts de la jurisprudence civile, Paris, Dalloz, 1934, p. VIII.
28 Cité par F. TERRE, « Rapport de synthèse », L’image doctrinale..., op. cit., p. 240.
29 Décret-loi du 17 juin 1938 relatif à l’organisation de la Cour de cassation, art. 2 (JO Lois et décrets, 29 juin 1938, p. 7495).
30 Loi n° 47-1366 du 23 juillet 1947 modifiant l’organisation et la procédure de la Cour de cassation (JO du 24 juillet 1947, p. 7142).
31 Loi n° 52-853 du 21 juillet 1952 modifiant l’organisation et la procédure de la Cour de cassation (JO du 22 juillet 1952, p. 7356).
32 Le nombre, la composition et la spécialisation de ces formations de section ne résultent d’aucun texte ; elles dépendent exclusivement du président de chaque chambre et varient (de deux à quatre) selon l’importance des chambres. Il existe enfin, pour chaque section une formation restreinte dite « à trois magistrats » (le président de la chambre, le doyen de la section et le rapporteur) devenue l’unité juridictionnelle de base de la Cour de cassation, appelée à statuer sur les pourvois dont la solution s’impose, en vertu d’un nouveau système de filtrage. Depuis le 1er janvier 2002, cette formation restreinte peut déclarer « non admis les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation » (loi n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature, art. 27, JO du 26 juin 2001, p. 10123).
33 La réforme du 10 décembre 2009 (loi org. n° 2009-1523, JO du 11 décembre, p. 21379) qui confie à la Cour de cassation l’examen des QPC soulevées par les justiciables, prévoit de les soumettre à une formation supérieure et unique composée du premier président, des présidents de chambre et de deux conseillers appartenant à chaque chambre spécialement concernée. Elle doit permettre d’assurer, avec la solennité nécessaire, la cohérence de la jurisprudence de la Cour dans un domaine qui lui est peu familier, sur des questions très diverses. Le 16 avril 2010, cette formation rend une décision -arrêt avant dire droit saisissant la Cour de justice de l’Union européenne- qui déclenche une violente polémique. Accusée de s’opposer à la réforme en tentant de la faire invalider par la CJUE, la formation unique est supprimée par voie d’amendement dans un texte concernant le Conseil supérieur de la magistrature, promulgué le 22 juillet 2010. Désormais chaque section de chaque chambre de la Cour de cassation se prononce en formation restreinte sur la pertinence des QPC (art. R. 461-1 COJ). D’aucuns craignent qu’il en résulte « un manque de cohérence dans les critères de renvoi des QPC au Conseil constitutionnel » (J.-F. WEBER, La Cour de cassation, Paris, La Documentation française, 2010, p. 140).
34 Article 41 : « Le premier président, sur proposition du président de chambre et avis du conseiller-rapporteur et de l’avocat général, peut saisir l’assemblée plénière civile par ordonnance de renvoi lorsque l’affaire pose une question de principe ou lorsque la solution serait susceptible de causer une contrariété de décision. Le renvoi devant l’assemblée plénière civile est de droit lorsque le procureur général le requiert par écrit, ou lorsqu’il y a eu partage des voix au cours du délibéré ».
35 Article 14 de la loi n° 67-523 du 3 juillet 1967 relative à la Cour de cassation, JO du 4 juillet 1967, p. 6651.
36 Article 2 de la loi n° 79-9 du 3 janvier 1979 modifiant certaines dispositions relatives à la Cour de cassation, JO du 4 janvier 1979, p. 19 ; cf. infra II, B.
37 G. CANIVET et N. MOLFESSIS, « La politique jurisprudentielle », op. cit., n° 24, p. 91.
38 G. CANIVET, « Vision prospective de la Cour de cassation », Travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, Séance du 13 novembre 2006 (http://www.asmp.fr/travaux/communications/2006/canivet.htm), IL A. 1. a.
39 Après deux cassations dans la même affaire, le Corps législatif doit rendre un décret « déclaratoire de la loi » (principe du référé législatif, loi des 27 novembre-1er décembre 1790, art. 21). Le système est modifié sous l’Empire par la loi du 16 septembre 1807, qui prévoit dans ce cas un référé au chef de l’Etat : l’interprétation de la loi se fait par un décret, dans la forme des règlements d’administration publique (à la suite d’une délibération du Conseil d’Etat, approuvée par l’Empereur). Evolution ultime de ce déni de pouvoir, la loi du 30 juillet 1828 donne le dernier mot à la juridiction du fond qui statue sur le second renvoi après cassation (sa décision est inattaquable), le roi devant proposer pour l’avenir une loi interprétative aux chambres.
40 Le quorum passe de 35 conseillers (composition des chambres réunies) à 25 pour l’assemblée plénière. En vertu de l’article 7 de la loi du 3 juillet 1967, « l’assemblée plénière est présidée par le Premier président (...) ; elle comprend en outre les présidents et les doyens des six chambres ainsi que deux conseillers de chaque chambre, désignés annuellement par le premier président », soit 25 membres. La composition de cette assemblée est réduite à 19 en 1997 (loi n° 97-395 du 23 avril 1997 relative à l’examen des pourvois devant la Cour de cassation, JO du 25 avril 1997, p. 6268). Chaque chambre est désormais représentée par son président, le doyen, et un seul conseiller, désigné à l’occasion de la constitution de chaque assemblée, par ordonnance du premier président (art. 1er).
41 « La juridiction de renvoi doit se conformer à la décision de cette assemblée sur les points de droit jugés par celle-ci » (art. L. 431-4 al. 2 COJ). Encore convient-il de ne pas se méprendre sur la portée exacte de cette règle. La juridiction de renvoi est liée par l’interprétation de l’assemblée plénière dans l’affaire considérée. Car si la même question devait surgir à l’occasion d’une autre affaire, le juge du fond conserverait une totale liberté d’interprétation.
42 Cf. infra note 13.
43 Discours de Monsieur V. LAMANDA, premier président de la Cour de cassation, lors de l’audience solennelle du 11 janvier 2008, Rapport annuel 2007, loc. cit.
44 Le contentieux des droits d’usage a souvent opposé cours d’appel et Cour de cassation (cf.supra note 11). La « bataille de la prescription extinctive » en est une illustration. En 1842, après quinze ans de conflit vertical, la Cour de cassation – ralliée à la cause usagère- y met un terme par un revirement qui consacre enfin la résistance des juges du fond. (sur ce thème, nous renvoyons à notre ouvrage Droits d’usage et Code civil. L’invention d’un hybride juridique, Paris, LGDJ, 2006, p. 396- 419).
45 Entre 1980 et 2009, l’assemblée plénière a été réunie sur rébellion 177 fois. Sur ces 177 affaires, elle a rejeté 66 pourvois, soit une approbation de la rébellion dans 37,3 % des cas. (J.-F. WEBER, La Cour de cassation, op. cit., p. 72)
46 Au XIXème siècle, le conflit sur la compétence des audiences, solennelles ou ordinaires, pour juger les appels relatifs aux séparations de corps est à la fois horizontal (cf. supra note 19) et vertical. Il est finalement tranché en faveur des cours souveraines par une ordonnance des 16-27 mai 1835, sur une requête de la cour de Paris relayée par le garde des Sceaux dans son rapport au roi : « Aux termes de l’art 22 du décret du 30 mars 1808, les contestations relatives à l’état civil des citoyens doivent être jugées par les cours royales en audience solennelle. La question de savoir si les demandes en séparation de corps sont rangées parmi les contestations relatives à l’état civil a divisé la jurisprudence. (...) La Cour royale de Paris a exprimé le vœu que le gouvernement, usant du droit qui lui appartient de modifier les règlements relatifs à l’ordre du service, décidât, par un règlement nouveau, que les instances en séparation de corps seraient jugées en audiences ordinaires. (...) Je me suis empressé de répondre au vœu que venait d’émettre la Cour royale de Paris, et aux observations qui m’ont été adressées dans le même sens par les principaux magistrats de plusieurs cours du royaume. (...) Un projet rédigé en ce sens a été soumis aux délibérations du Conseil d’Etat qui en a approuvé les dispositions (...) D’après ces considérations, et déterminé surtout par l’avantage d’imprimer de plus en plus au service intérieur des cours royales, la promptitude et la facilité que l’intérêt des justiciables réclame, j’ai l’honneur de proposer à l’approbation de Votre Majesté le projet d’ordonnance ci-joint. » (Le Moniteur universel, 18 mai 1835, n° 138, p. 1211). A la fin du XXème siècle, la loi du 31 décembre 1989 tranche, en faveur des juges du fond, un conflit né de l’interprétation de l’art 27 de la loi du 10 janvier 1978 (relative à l’information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit) : il s’agissait de préciser la nature du délai d’action contre l’emprunteur défaillant, fixé à deux ans par cet article. Contre la doctrine de la Cour de cassation, favorable au délai de prescription (susceptible d’être interrompu par une des causes énumérées à l’article 2244 de code civil), les cours d’appel défendent la thèse d’un délai préfix. Ayant pris rapidement conscience du laxisme des établissements de crédit dans l’octroi des prêts aux particuliers, et de la dégradation de la situation des débiteurs, révélée par l’inflation des dossiers de surendettement, les juges du fond ont opté pour le délai préfix, qui n’est susceptible ni de suspension ni d’interruption, afin d’éviter l’accumulation des incidents de paiement et de rompre la spirale de l’endettement (loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, JO du 11 janvier 1978, p. 299 et s. ; loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles, JO du 2 janvier 1990, p. 18 et s.).
47 Réf. supra note 36.
48 Il s’agit d’un renvoi facultatif, qui peut être ordonné par le premier président, le procureur général ou la chambre attributaire.
49 J. KRYNEN, L’Etat de justice. France, XIIIème – XXème siècle, II : L’emprise contemporaine des juges, op. cit., p. 203.
50 L’article L. 411-3 COJ prévoit une autre hypothèse de cassation sans renvoi « lorsque la cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond », par exemple en cas d’appel irrecevable ou de nullité de procédure irréparable.
51 M. JEANTIN, « Réformer la Cour de cassation ? », Mélanges offerts à Pierre Hébraud, Toulouse. Université des sciences sociales de Toulouse. 1981. p. 487 ; dans le même sens, P. HEBRAUD, « "Aggiornamento" de la Cour de cassation », DP 1979, Chronique XXXIV, p. 212.
52 Loi n° 91-491 du 15 mai 1991 instituant la saisine pour avis de la Cour de cassation (JO du 18 mai 1991, p. 6790) et loi n° 2001-539 du 25 juin 2001, art. 26 (JO du 26 juin 2001, p. 10122-10123).
53 Cette formation réunit le premier président, le président et deux conseillers de chaque chambre concernée par la question litigieuse.
54 Guy CANIVET, « L’organisation interne de la Cour de cassation favorise-t-elle l’élaboration de sa jurisprudence ? », La Cour de cassation et l’élaboration du droit, sous la dir. de N. MOLFESSIS, Paris, Economica, 2004, n° 30, p. 17.
55 De 1992 à 2010, 202 avis ont été rendus dont 21 en matière pénale depuis 2002, une proportion assez faible au regard de l’inflation législative et de l’incomplétude des textes (statistiques rapportées par J.-F. WEBER, La Cour de cassation, op. cit., p. 75)
56 Discours de Monsieur V. LAMANDA, premier président de la Cour de cassation, lors de l’audience solennelle du 14 janvier 2010, Rapport annuel 2009, Paris, La Documentation française, 2009, p. 40.
57 « Longtemps les juges ont été privés d’une consultation exhaustive des décisions déjà rendues dans des litiges comparables à ceux dont ils étaient saisis. Cette lacune est désormais comblée. La base de données JuriCA, que gère notre Cour et qui est alimentée quotidiennement, réunit l’intégralité des arrêts civils des cours d’appel, soit environ 180 000 par an. Elle sera prochainement étendue au domaine pénal. Tous les magistrats ont vocation à l’interroger sur le site intranet de la Cour de cassation, sans devoir éclairer leurs réflexions par la seule jurisprudence publiée et commentée. » (discours de Monsieur V. LAMANDA, premier président de la Cour de cassation, lors de l’audience solennelle du 14 janvier 2010, ibid., p. 39). Cette base de données a été officialisée par le décret n° 2008-522 du 2 juin 2008 qui complète l’article R. 433-3 COJ relatif aux productions documentaires du SDE de la Cour de cassation ; il consacre l’abandon du traditionnel principe de sélection des décisions au profit d’un principe d’exhaustivité. L’accès à cette base est cependant limité à des usages internes et commerciaux (accès payant aménagé par l’art. R. 421-10 COJ), sous réserve de conventions spéciales de mise à disposition gratuite d’extraits de la base à des fins de recherche (E. SERVERIN, « Plaidoyer pour l’exhaustivité des bases de données des décisions du fond, A propos de l’ouverture à la recherche de la base JuriCA », Recueil Dalloz, déc. 2009, n° 43, p. 2882-2887).
58 Le 30 mars 2012 à Nîmes, le président de la chambre sociale Alain Lacabarats a animé une session de formation réunissant magistrats, avocats et universitaires autour des « actualités du droit social ». Il est en outre régulièrement sollicité par l’EFACS (Ecole de formation des avocats centre sud) pour participer à l’Université d’été du droit social, autre temps fort de la formation professionnelle qui mobilise les praticiens au-delà du barreau. En août 2012 il interviendra, représenté le cas échéant par un membre de la chambre sociale, sur le thème « Bilan et perspectives de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation » (Les Journées Méditerranéennes de l’EFACS, Droit social, 29, 30 et 31 août 2012).
59 R. LIBCHABER, « Un revenant : l’arrêt de chambre mixte », RTDciv 1999, n° 3, p. 735.
60 Guy Canivet considère que la suppression de l’instrument de filtrage en 1947 est une décision « manquant singulièrement de clairvoyance » qui a « favorisé l’engrenage inflationniste ». (« L’organisation interne de la Cour de cassation... », op. cit., n° 2, p. 4).
61 La répartition des compétences a d’abord été confiée au bureau de la Cour, composé du premier président, du président et du doyen de chaque chambre, du procureur général et du plus ancien avocat général (art. 2 de la loi du 23 juillet 1947). Une délibération prise au début de chaque année judiciaire par ce bureau détermine la compétence des trois chambres civiles (art. 3). Lors de la première répartition, il a été décidé que la première chambre civile (ancienne chambre civile) connaîtrait des matières civiles ordinaires, la deuxième (ancienne chambre des requêtes) devenue chambre commerciale et financière traiterait les affaires commerciales, les pourvois en matière de contributions indirectes et d’enregistrement, les questions de procédure. La troisième chambre succédait à la chambre sociale en conservant les mêmes attributions (P. HEBRAUD, « La loi du 23 juillet 1947 sur la Cour de cassation », Dalloz hebdomadaire 1947, Chronique XXXII, p. 126). Le système change avec la réforme du 3 juillet 1967. Désormais « les attributions de chacune des chambres civiles sont déterminées par ordonnance du Premier président après avis du procureur général » (art. 13).
62 La loi fixe le quorum à 15 (il est de 35 pour les chambres réunies). Sont appelés à siéger des conseillers issus de chaque chambre (dont les membres de la chambre criminelle lorsque celle-ci est concernée) : premier président, présidents et doyens, assistés de spécialistes compétents.
63 En vertu de la loi de 1947, l’assemblée plénière civile peut être saisie en cas de partage égal des voix au sein d’une formation de jugement (la formation plénière d’une chambre, et aujourd’hui la formation de section ne sont pas soumises à la règle de l’imparité), quand l’affaire pose une question de principe ou lorsque la solution serait susceptible de causer une contrariété de décisions (cf. supra note 34).
64 Inventaire réalisé à partir du Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Chambres civiles, Assemblée plénière, 1948-1967.
65 P. HEBRAUD, « Le juge et la jurisprudence », Mélanges offerts à Paul Couzinet, Toulouse, Université des sciences sociales de Toulouse, 1974, n° 11, p. 343
66 Une chambre mixte doit réunir le premier président, le président et le doyen de chaque chambre, deux conseillers par chambre, soit 9 membres au minimum (si deux chambres sont représentées) et jusqu’à 25 (s’il est fait appel à toutes les chambres).
67 Cf. supra I, B, notes 34 à 36. A noter toutefois que la loi du 3 janvier 1979 retire à la chambre mixte sa compétence sur « les questions de principe » pour la transférer à l’assemblée plénière, jugée plus apte et plus légitime sur les grandes questions de jurisprudence.
68 R. LIBCHABER, « Un revenant : l’arrêt de chambre mixte », op. cit., p. 736.
69 Quelques décisions fameuses ont marqué les premières années de la chambre mixte : application de l’article 1384 al. 1 du code civil au transport bénévole (20 décembre 1968, D. 1969.1.37), indemnisation de la concubine de la victime (27 février 1970, D.1970.1.201), délimitation des contours du pacte sur succession future (27 novembre 1970, D. 1971.1.81), rapprochement des obligations solidaires et in solidum (26 mars 1971, JCP éd. G. 1971. II.16762).
70 1968-1975 : 39 arrêts – 1976-1983 : 31 arrêts – 1984-1991 : 14 arrêts – 1992- 1999 : 13 arrêts (Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Chambre mixte, 1968- 1999).
71 R. LIBCHABER, « Un revenant : l’arrêt de chambre mixte », op. cit., p. 738. Rappelons que dès 1979, la « voie d’autorité » est privilégiée lorsque le législateur retire les « questions de principe » à la chambre mixte pour les confier à l’assemblée plénière.
72 4 arrêts en 2000, 1 en 2001, 7 en 2002, 3 en 2003, 4 en 2004, 9 en 2005, 11 en 2006, 13 en 2007, 3 en 2008, 3 en 2009, 2 en 2010 (Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Chambre mixte, 2000-2010).
73 Guy CANIVET, « L’organisation interne de la Cour de cassation... », op. cit., n° 32, p. 19.
74 Discours de Monsieur V. LAMANDA, premier président de la Cour de cassation, lors de l’audience solennelle du 14 janvier 2010, Rapport annuel 2009, op. cit., p. 39.
75 Réunie chaque fois que le premier président l’estime opportun (au moins deux fois par an), elle est l’occasion d’un échange de vues très libre entre ses membres en fonction de l’ordre du jour. (Y. CHARTIER, La Cour de cassation, Paris, Dalloz, 2001, p. 31).
76 D. TRICOT, « L’élaboration d’un arrêt de la Cour de cassation », JCP éd. G 2004. I.108.
77 Le conseiller rapporteur, le président de chambre ou la conférence se rapprochent de leurs homologues afin d’éclaircir le point de droit litigieux, et la chambre compétente se prononce officieusement sur les moyens qui la concernent. La deuxième chambre civile, ou « chambre de la procédure », est à ce titre particulièrement sollicitée par toutes les autres. Elle a donc pris une initiative originale : la création d’une consultation permanente, ouverte une matinée par semaine aux conseillers ou avocats généraux des autres chambres souhaitant s’informer sur une question de procédure. (Y. CHARTIER, La Cour de cassation, op. cit., p. 46).
78 Art. 1015-1 du code de procédure civile, introduit par décret n° 99-131 du 26 février 1999, art. 12.
79 Discours de G. CANIVET, premier président de la Cour de cassation, lors de l’audience solennelle du 7 janvier 2005, Rapport annuel 2004, Paris, La Documentation française, 2004, p. 29.
80 Si le raisonnement vaut pour l’esprit de la loi. il peut être démenti par la mise en œuvre. Aucune étude exhaustive des différentes voies n’ayant été conduite sur la période visée, afin de confirmer ou d’infirmer l’hypothèse, il convient de rester prudent et de s’en tenir à l’esprit.
Auteur
Maître de conférences à l’Université Toulouse 1 Capitole CTHDIP
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