Les juges révolutionnaires face aux notables-adjoints : l’unité de la magistrature contre la division de la justice
p. 191-205
Texte intégral
1En janvier 2012, la volonté politique de « rapprocher le peuple de la justice1 » a conduit à introduire de façon expérimentale des « citoyens assesseurs » auprès de plusieurs tribunaux correctionnels français2. Vivement critiquée par une partie de la magistrature, cette réforme illustre un certain nombre de représentations relativement classiques de la justice populaire. Le « bon sens » et la « proximité » en sont les avantages régulièrement avancés : du premier, on espère qu’il conforme les jugements et verdicts à une compréhension simple et naturelle des litiges, tandis que la seconde est censée réduire le décalage entre les attentes des victimes et la réponse pénale. A contrario, ou du moins entre les lignes, on en déduit que la justice professionnelle serait éloignée voire ignorante des vœux de justice des simples citoyens, en tout cas incapable de ce fameux « sens commun » généreusement attribué aux profanes. A cela s’ajoutent parfois des considérations plus délicates encore, comme l’espoir d’accélérer les procédures judiciaires ou l’attente d’une sévérité accrue, traditionnellement accordée aux jurés populaires, jamais vraiment éloignée des choix de les adjoindre ou de les soustraire au service public de la justice. Dans tous les cas, le recours à des personnes étrangères aux mœurs judiciaires, espérées vierges de la culture et des pratiques de l’institution, signe la volonté d’y intégrer une force d’action et parfois de réforme exogène, capable de circonscrire celle, propre, des professionnels de la justice. Le collaborateur-citoyen devient un levier susceptible de vaincre de l’intérieur les résistances institutionnelles et culturelles. Jurés d’assises, juges de paix, juges de proximité, assesseurs citoyens, tous, au-delà des principes fondamentaux qu’ils incarnent et qu’on ne saurait sous-estimer, constituent autant de collaborateurs non professionnels susceptibles de diviser le monde judiciaire – entre ceux dont juger est le métier et les autres, appelés occasionnellement ou régulièrement à accomplir un devoir citoyen de justice- et, pour cela même, de souder entre eux les magistrats professionnels.
2En 1789, la Révolution française inaugure de manière significative le recours à de tels collaborateurs. Les constituants, on le sait, ont ouvert très tôt le chantier d’une révolution judiciaire destinée à emporter l’ancienne justice. Procédures, institutions, statuts : tout doit disparaître... et le plus tôt possible ! Le principe d’une refondation totale est acquis dès le mois d’août 1789, alors même que les grandes options juridiques et constitutionnelles restent incertaines. L’été 1789 se caractérise surtout par les désordres multipliés à l’échelle du royaume et les risques politiques qu’ils firent courir à la toute jeune Assemblée constituante, sommée d’incarner désormais l’ordre public, son rétablissement et son maintien. Tandis que les discussions sur la déclaration des droits de l’homme s’avèrent plus longues que prévues et alors que les nouvelles mesures fiscales jettent le plus grand trouble dans l’esprit public -qui éprouve quelque mal à démêler ce qui est aboli, maintenu ou provisoirement prorogé de l’ancien système – l’Assemblée constituante décide de recourir au secours de la justice pour ramener le calme et marquer sa nouvelle autorité. Le 10 août en effet, les constituants tranchent une de leurs premières difficultés et décident de criminaliser les émeutes et de poursuivre en justice les séditieux3. Une mesure qui obligeait à prendre quelques précautions, notamment celle de promettre une justice absolument nouvelle, signe à la fois de garanties individuelles et de réforme institutionnelle effective. Promesse présentée quelques jours plus tard, le 17 août 1789, par Bergasse, au nom du très officiel comité de constitution de l’Assemblée nationale constituante4. Dans un rapport assez convenu, celui-ci rassemble en effet l’ensemble des critiques formulées depuis plusieurs décennies contre la justice de l’Ancien Régime. Cette dernière est évidemment condamnée, mais au-delà de ce rappel sans fard, le comité parvient à ouvrir sans délai le chantier de la révolution judiciaire. Il réalise là un véritable « coup double », échappant d’une part à l’incongruité de confier la répression des premières émeutes de la Révolution à l’ancienne justice et confirmant d’autre part la réalité des réformes entreprises, à l’heure où une partie de l’opinion marquait déjà son impatience et sa radicalité. L’Assemblée n’eut donc pas à attendre l’ouverture officielle des débats de décembre 1789 pour engager la refonte de l’organisation judiciaire. Les motifs d’ordre public et de justice la conduisent à inaugurer le mouvement dès le mois de septembre et à consacrer dans un décret d’octobre 1789 une première réforme, partielle et provisoire, de la procédure criminelle et de l’échelle des peines5. Suit la grande loi des 16-24 août 1790 dessinant la nouvelle cité judiciaire, d’après laquelle les constituants procèdent à l’élection des juges, puis à l’installation des nouveaux tribunaux fin 1790, début 1791. A cette date, seules les juridictions civiles entrent en fonction : tribunaux de famille, justices de paix, tribunaux de district, ces deux derniers recevant des compétences criminelles extraordinaires et provisoires dans l’attente de la mise en place de la nouvelle justice pénale6. En 1792, l’Assemblée législative installe enfin les tribunaux criminels et les premiers jurys populaires : la loi des 16-24 août relative à la nouvelle organisation judiciaire reçoit ainsi sa pleine exécution et les dernières traces de l’ordonnance criminelle de 1670, même modifiée depuis octobre 1789, disparaissent définitivement devant la nouvelle architecture du procès pénal.
3Dans ces opérations de destruction et reconstruction, domine largement la méfiance ancienne et profonde qu’inspiraient les magistrats à la fin de l’Ancien Régime et que les révolutionnaires allaient bientôt étendre à l’encontre des juristes en général. Une méfiance bien connue, qui devait suggérer aux constituants un certain nombre de précautions destinées à replacer les magistrats sous l’autorité -c’est-à-dire dans les limites – de la volonté nationale. Parmi ces garanties nouvelles, le légicentrisme, le syllogisme judiciaire ou l’élection des juges illustrent une véritable reprise en main de l’activité judiciaire, une « reconquête » consistant moins à édifier un nouveau pouvoir qu’à s’en emparer pour mieux le contenir. Pour les constituants, en effet, la justice reste une puissance, considérable, terrible, qu’il s’agit de circonscrire, notamment en introduisant les citoyens dans les tribunaux, non pas sur les seuls bancs du public, mais au plus près des magistrats.
4Dès l’été 1789, en effet, le principe d’une participation populaire à l’activité judiciaire figure parmi les fondements de la réforme à venir. Bergasse l’affirme sans détour : « S’il est des hommes qu’il importe, dans l’exercice de leur ministère, d’environner le plus près possible de l’opinion, c’est-à-dire de la censure des gens de bien, ce sont les juges7 ». Le raisonnement est implacable : au moment même où la nation reprend la main en replaçant l’Etat et ses serviteurs sous son contrôle souverain, laisser les juges rendre seuls la justice paraît absolument inconcevable. L’institution judiciaire n’appartient pas aux professionnels de la justice, elle ne doit donc plus fonctionner avec eux seuls. De fait, les débats de la Constituante consacrent à plusieurs reprises la diversité des fonctions judiciaires attribuables aux « simples » citoyens. Ils seront juges, par exemple, dans les tribunaux de famille et les justices de paix, c’est-à-dire au cœur d’une nouvelle justice conciliatoire retirée aux juristes ; ils seront jurés, également, statuant sur l’accusation et sur la culpabilité, lorsque les tribunaux criminels fonctionneront enfin. Mais dès 1789, avant même de gagner cette puissance juridictionnelle, les citoyens étaient appelés à remplir une autre fonction directement liée à la défiance des révolutionnaires pour les juges professionnels : celle de « notables-adjoints », définis par le décret des 8 et 9 octobre 1789 (loi du 3 novembre suivant) comme des citoyens actifs inscrits sur des listes officielles par les municipalités, appelés par les plaignants et les juges pour assister aux actes secrets de l’instruction criminelle, avant le déclenchement de la phase publique du procès. Des citoyens imaginés comme un substitut honorable à la publicité du procès lorsque celle-ci est impossible. Des citoyens pour surveiller, donc, et non pour juger.
5En les privant d’une solitude antique face aux prévenus et aux témoins, ces notables-adjoints mettent les juges à l’épreuve de leur propre conception de la justice autant que de leurs habitudes professionnelles. Ils furent en effet la première occasion, dès 1789 -et donc bien avant l’introduction du jury criminel dans la procédure pénale française- d’associer et de confronter les magistrats à un personnel non professionnel. Une telle innovation, avec toutes les promesses d’incompréhension et de résistances qu’elle ne manque pas de contenir, offre un point d’observation particulièrement fécond, au tout début de la Révolution, à partir duquel il est possible de relever les différentes réactions des juges. Magistrats d’Ancien Régime en 1789, prorogés jusqu’à la mise en place des nouveaux tribunaux, puis juges nouveaux à partir de la fin de l’année 1790, mais largement issus de l’ancienne magistrature : beaucoup sont restés silencieux et ont appliqué les nouveaux textes sans se distinguer. Mais -premier signe de désunion ? – un certain nombre d’entre eux n’a pas manqué de réagir à cette présence nouvelle de notables-adjoints chargés de surveiller la légalité de leurs actes dans la phase secrète des procédures criminelles. Ceux-là expriment une émotion, une inquiétude, le sentiment que désormais le secret des premiers actes nourrit une suspicion légale à leur encontre. Ils se tournent alors vers le garde des Sceaux, alimentant une correspondance passionnante où se répondent leurs opinions personnelles sur le sens et les conséquences de cette nouveauté et les explications prudentes du pouvoir exécutif, soumis lui aussi au référé législatif. Dans le même temps, tandis que certains interrompent toutes les procédures en cours dans l’attente des précisions demandées, d’autres interprètent la loi et nous livrent par leur pratique le sens et les limites qu’ils ont bien voulu lui reconnaître. Dans les deux cas, ces magistrats témoignent d’une réception plutôt négative, nourrie de reproches précisément dirigés contre le caractère non professionnel de ce personnel adjoint et qui souligne leur inquiétude face une division nouvelle du « corps » affecté à l’accomplissement de l’œuvre de justice.
I – L’unité des magistrats face à la surveillance des notables-adjoints
6La correspondance entretenue entre les gardes des Sceaux8 et les magistrats du royaume entre 1789 et 1791 au sujet des réformes judiciaires et des difficultés d’interprétation auxquelles elles pouvaient donner lieu contient un certain nombre de lettres ou de passages consacrés précisément à la question des notables-adjoints. Leur qualité, leurs obligations, leur désignation, le moment de leur intervention ou les cas de leur récusation dans une procédure criminelle : tout pose question, au moment où les mêmes magistrats doivent également savoir interpréter les autres aspects novateurs, inédits de la réforme criminelle9. De ce point de vue, la correspondance des gardes des Sceaux illustre la difficulté ou les inquiétudes des individus composant un corps particulier à changer ses pratiques et à substituer l’interprétation de textes nouveaux à l’application habituelle et conforme de dispositions anciennes. Mais au-delà de cet aspect « technique », la perplexité des juges porte également sur le bien-fondé de la nouvelle institution, autrement dit sur la légitimité et l’efficacité de ces notables-adjoints. Ici, les critiques varient selon le style ou le courage de chacun, mais se ramènent principalement à deux types d’expression.
7Une partie de la correspondance des magistrats dirige d’abord une frappe indirecte, appuyée sur une critique générale de la loi. Dans ces lettres, les magistrats n’écrivent rien ou presque sur le principe même d’adjoindre un personnel citoyen aux magistrats professionnels et les notables-adjoints ne sont pas précisément désignés. Les magistrats s’en prennent alors généralement au décret des 8 et 9 octobre 1789, qu’ils jugent lacunaire, imprécis, contradictoire. Ils s’inquiètent d’une réforme partielle de la justice criminelle, qu’ils opposent à la nécessité d’une réflexion, voire d’une refonte d’ensemble. Autant de lettres par lesquelles les juges affirment ne pas comprendre la nouvelle procédure et donc ne pas savoir l’appliquer. Leurs correspondances fourmillent alors de questions très précises portant sur les différentes interprétations possibles de tel ou tel passage du texte et diffèrent, faute d’éclaircissement, l’application des nouvelles dispositions. Bref, on l’aura compris, une partie des magistrats attend des explications, exige des détails en rappelant que ces derniers sont toujours essentiels en matière criminelle lorsque la vie et l’honneur des prévenus ou des accusés sont en cause.
8Dès le mois d’octobre 1789, les magistrats s’expriment donc en premier lieu sur le mode de l’incompréhension. De Joly de Fleury, procureur général au Parlement de Paris jusqu’aux assesseurs de maréchaussée des provinces les plus éloignées du centre du nouveau pouvoir, la correspondance du garde des Sceaux offre ce premier tableau saisissant d’une magistrature perplexe et prudente face aux innovations procédurales de l’Assemblée constituante10. La méconnaissance et l’inexpérience spontanément avouées par les magistrats à leur ministre ont évidemment une part de sincérité. On ne saurait nuancer le bouleversement profond du procès pénal causé par le décret d’octobre 1789. Il ne concerne pas seulement quelques points de procédure, ajoutés ou retranchés à l’ordonnance de 1670, il ne se réduit pas à quelques formalités nouvelles que les juges rejetteraient ou critiqueraient comme autant de « tracasseries » supplémentaires... Au-delà de ces aspects strictement techniques, le décret d’octobre modifie l’équilibre même du procès pénal, sa philosophie autant que l’essence même de la fonction judiciaire. Et les magistrats du royaume n’y sont pas préparés. Ils sont non seulement pétris d’une culture juridique et judiciaire ancienne mais doivent en plus comprendre ce bouleversement en très peu de temps et sans y être associés. Autrement dit, la surprise et l’indétermination dont ils témoignent dans nombre de leurs lettres reflètent un trouble et des doutes qu’on aurait tort de sous-estimer ou d’assimiler seulement à de la mauvaise volonté ou à une stratégie de résistance.
9Mais dans le même temps, il apparaît tout aussi clairement que cette incompréhension a sa part de mise en scène, voire même d’exagération. Il est sans doute difficile de mesurer cette dramatisation, où l’intérêt de la société et celui des prévenus sont mis en balance avec la nouveauté des mesures, où la réforme de la justice semble annoncer, à en lire certains, la destruction même de la justice. Mais il est possible de croiser cette correspondance avec les procédures effectivement instruites, au même moment, dans les tribunaux. Et donc d’échapper un peu aux seules paroles, fussent-elles consignées à l’écrit, qui organisent la réaction du « pays judiciaire » face au « pays légal ». Or précisément, si l’on examine de façon exhaustive les procès criminels à Paris de 1789 à 1791 -c’est-à-dire à une époque de transition où le Châtelet de Paris devient le modèle d’interprétation et de procédure de nombreux tribunaux de province11 – on s’aperçoit que les erreurs relatives aux notables-adjoints sont assez peu nombreuses, souvent commises de bonne foi et plutôt en début de période, c’est-à-dire entre octobre 1789 et avril-mai 1790, au moment où la nouveauté du texte joue à plein dans l’attente d’un décret interprétatif12. Autrement dit, sans la nier, il ne faut pas non plus surestimer l’incompréhension des magistrats : quoi qu’en disent leurs correspondances, ils savent lire et appliquer les dispositions du décret des 8 et 9 octobre 1789. Et la multitude des détails et explications qu’ils réclament -jusqu’à l’asphyxie parfois – témoigne aussi d’un zèle évident, parfois excessif, véritable moyen dilatoire sinon protestataire, qui valut aux meilleurs d’entre eux, Joly de Fleury en l’occurrence, quelques vertes leçons d’un garde des Sceaux que l’on devine excédé par la succession des lettres et des questions et qui devait finir par inviter sèchement le procureur général du parlement de Paris à bien considérer que « tout est dans la loi » et à méditer le sens des mots les plus simples13.
10Un second type de réactions se dégage de la même correspondance, qui consiste à attaquer directement et frontalement l’institution des notables-adjoints, et précisément la notion de collaboration et leur qualité non-professionnelle. Ici, ce n’est pas seulement la loi qui est critiquée, mais son principe même, dénoncé comme un danger susceptible de ruiner la justice et l’ordre public. Dans ces attaques ciblées, les notables-adjoints sont parfois décriés pour l’avilissement général qu’ils causent à la fonction judiciaire et à la qualité de juge. L’assesseur de la maréchaussée de Charolles, par exemple, exprime l’opinion de nombre de ses collègues lorsqu’il remontre au garde des Sceaux, dès le mois de novembre 1789, que les notables-adjoints « ne font pas honneur au juge d’instruction », ajoutant que « c’est avilir sa qualité que de soumettre, pour ainsi dire, sa procédure, à la censure des deux adjoints ignorants, qui troubleront plutôt le juge dans son instruction qu’ils ne l’instruiront eux-mêmes par leurs informations14 ».
11Les notables-adjoints, on s’en doute, ne manquent pas de défauts. Ils sont d’abord des perturbateurs. Pas directement de la justice, quoique celle-ci semble toujours menacée, mais plutôt des habitudes des juges. Or, assurent quelques magistrats, c’est précisément par la routine acquise par la répétition que les juges ne commettent pas d’erreur. La première garantie des justiciables, et surtout des prévenus et accusés, résiderait là, dans l’habitude et l’usage correctement répété des actes et des procédures. Casser la routine, introduire des nouveautés, imposer la présence de notables-adjoints eux-mêmes étrangers à l’institution judiciaire, voilà la première perturbation des juges et le risque de leur faire commettre des erreurs engageant leur responsabilité. Ensuite, les notables-adjoints n’ont pas assez d’obligations15. Aux yeux des magistrats, la loi ne dit pas suffisamment si leur charge est publique, s’ils peuvent se soustraire à leurs obligations et s’ils sont récusables comme un juge ou reprochables comme un témoin16. On craint qu’ils soient des juges qui n’en portent pas officiellement le nom et l’on attend du garde des Sceaux qu’il rappelle clairement la frontière entre les deux fonctions17. Faute de précision, leur introduction dans les procédures criminelles paraît hasardeuse, susceptible de fausses interprétations et donc d’annulations subséquentes. Au-delà de la validité des procédures, les magistrats mettent en doute la qualité des interventions de ce personnel citoyen d’un genre nouveau. Ils craignent par exemple que les notables-adjoints ne soient pas assez instruits. La seule exigence capacitaire à leur sujet consiste à savoir signer... Comment confier, alors, une activité judiciaire à des personnes ne sachant peut-être ni lire, ni écrire ? N’étant pas magistrats, n’en ayant ni la qualité ni la conscience, seront-ils des adjoints de confiance ? Plusieurs en doutent, qui n’hésitent pas à marquer leur inquiétude pour le secret de l’instruction que les notables-adjoints sont soupçonnés d’immanquablement divulguer, soit par goût vulgaire du ragot soit par manque de dignité et d’esprit judiciaires18. Au total, les magistrats redoutent une paralysie inédite de la justice criminelle : les uns en raison du coût financier induit par le défraiement de ces citoyens momentanément distraits de leurs occupations lucratives, les autres parce qu’ils sont convaincus que la publicité incarnée par ces nouveaux acteurs du procès dissuadera les témoins de parler aux juges, seuls capables de la bonhommie propre à faire parler les timides19.
12Dans ces descriptions, les magistrats ne bornent pas leurs remarques à une critique générale de la loi ou du nouveau procès pénal. Ici, plus précisément que dans la première approche évoquée précédemment, le choix de collaborateurs citoyens, non professionnels, constitue le cœur même des propos, qu’il s’agisse de lettres spécialement consacrées à cette innovation ou de passages de correspondances embrassant plusieurs aspects du décret des 8 et 9 octobre 1789. Les magistrats redoutent en effet l’« adjonction » de ces notables comme l’introduction d’un corps étranger, susceptible d’affaiblir le travail de la justice ou plus exactement de mettre fin à l’unicité du corps qui en était jusque-là chargé. Cette réception douloureuse, qui peut être aussi bien celle de magistrats contre-révolutionnaires que de juges ouverts aux idées nouvelles, illustre une remise en cause de la magistrature conforme à la détestation générale et libérale qui frappe alors l’ensemble des corps intermédiaires. Que les magistrats expriment aux gardes des Sceaux successifs une opinion plutôt réservée voire hostile n’a finalement rien de très surprenant : on sera toujours tenté d’y voir la réaction d’un corps qui défend son unité lorsqu’il est sinon attaqué, du moins profondément remis en cause, quand bien même cette unité n’aurait pas de réalité historique. De ce point de vue, l’institution des notables-adjoints agit comme un miroir bien peu indulgent de la magistrature, leur place aux côtés des juges se justifiant précisément par les qualités que le pouvoir refuse de reconnaître à ces derniers. Et sans doute parce qu’elle procède de ce constat en manquements, l’institution des notables-adjoints, même provisoire, même appelée à disparaître avec la mise en place du jury criminel -autre garantie populaire et citoyenne- donne dès 1789 la mesure des difficultés soulevées par la révolution judiciaire en cours d’accomplissement.
II – Les notables-adjoints, indice des redéfinitions révolutionnaires de la justice
13L’introduction des notables-adjoints dans les procédures criminelles de 1789 à 1792 illustre tout à la fois la nouvelle délimitation de la magistrature, la place du pouvoir dans l’organisation judiciaire et les jugements portés sur le principe même des collaborations citoyennes.
14Les magistrats du royaume, en effet, ont très tôt compris que la création des notables-adjoints bouleversait le périmètre même de la magistrature et l’essence de la fonction judiciaire. Tandis qu’ils tiennent ces nouveaux adjoints à distance en empruntant au registre de la dignité, de l’esprit et de l’appartenance judiciaires -toutes choses qui les séparent de ceux qui ne relèvent pas du corps censé incarner ces valeurs- les notables-adjoints, eux, répondent sur un autre terrain : celui de la notion d’« adjonction » précisément, en se présentant non pas en collaborateurs des prévenus, des accusés, des plaignants ni même du ministère public, mais bien des juges. A tel point que certains n’hésitent pas à se regarder comme des « juges-adjoints » et non plus seulement comme des « adjoints aux juges », franchissant ainsi une ligne propre à confirmer les inquiétudes des magistrats. Les notables-adjoints d’Aix, par exemple, n’ont pas d’expressions assez fortes pour se dépeindre comme investis du même ministère que les magistrats20. Lorsque ces derniers les enjoignent de se placer debout à la barre -c’est-à-dire à l’endroit réservé aux témoins des faits ou à l’accusé – les notables-adjoints aixois en appellent à leur « mission de justice », à leurs « justes droits » et à l’honorabilité de la séance pour exiger de siéger à côté des juges21. Question de protocole ? Sans nul doute ! Mais aussi de délimitation du corps des magistrats... Ces notables justifient leurs prétentions de rang par leur collaboration au service de la justice et par les similitudes qui les lient aux juges22. Ils veulent être assis « comme » les juges car ils partagent la même fatigue et la même charge ; ils veulent être « auprès » des juges, car ils sont « témoins de procédure », investis d’une mission judiciaire. Dignité et profession pour les uns, fonction et service pour les autres... deux conceptions de la justice et de la magistrature se font face dans ce conflit larvé et relativement discret entre magistrats et notables-adjoints. Les premiers s’efforcent de dessiner -ou de protéger – un corps aux limites fixes et certaines, où l’acte de juger serait préservé de toute dispersion, tandis que les seconds intègrent la dilution révolutionnaire de ces mêmes limites en ramenant la justice à une fonction publique indépendante de tout monopole professionnel23.
15Ce faisant, les révolutionnaires n’éludent pas complètement la question du pouvoir. Au contraire même -et là, les affirmations des notables-adjoints deviennent plus intéressantes que celles des magistrats – la nouvelle conception de la justice repose moins sur l’anéantissement du pouvoir judiciaire que sur l’introduction en son sein d’un contre-pouvoir destiné à en contrebalancer les résidus indestructibles. La présence des notables-adjoints aux actes secrets de la procédure criminelle relève pleinement de cette démarche rationaliste et mécanique des révolutionnaires, qui n’ont eu de cesse d’envisager toutes les puissances publiques -et même parfois privées- sous l’empire de cette alliance qu’ils espéraient protectrice, pouvoir/contre-pouvoir. Les révolutionnaires ont-ils voulu détruire le pouvoir judiciaire ? Chacun sait le mauvais souvenir laissé par les arrêts de règlement et les prétentions politiques des anciens parlements, fondées, dans les discours au moins, sur des fonctions institutionnelles historiques. Que la révolution judiciaire des années 1789-1792 ait eu pour but de remédier aux difficultés posées par le pouvoir politique de la justice, cela ne fait pas de doute. Mais rien n’est moins sûr, en revanche, que la volonté, pour y parvenir, d’anéantir toute trace de pouvoir. Les révolutionnaires ne misent pas sur une destruction mais sur une neutralisation, ce qui implique paradoxalement d’instiller de nouveaux éléments de pouvoir dans l’équilibre même de l’institution judiciaire. Que sont en effet ces notables-adjoints sinon le pouvoir lui-même, sommé de juguler le pouvoir particulier des juges ? A n’en pas douter -et il faut lire à cet égard le décret des 8 et 9 octobre 1789 et celui du 21 avril 1790 – les notables-adjoints sont chargés de rétablir un équilibre dont l’entendement les dépasse sans doute, mais qui repose sur leur capacité à personnifier la présence du pouvoir dans le procès, c’est-à-dire non pas sa volonté, mais sa réalité, offerte comme une digue nouvelle à la puissance de corps des magistrats. Pouvoir souverain, tout d’abord, au nom duquel on juge désormais, et qui peut donc légitimement surveiller ses serviteurs et leurs actes. Pouvoir de la représentation, ensuite, conforme à la philosophie politique dominante, lorsque les notables-adjoints assurent représenter la généralité des citoyens et lorsque la loi les désigne comme un substitut suffisant à la publicité du procès chaque fois que celle-ci s’avère matériellement impossible. Pouvoir municipal et révolutionnaire, enfin, qui témoigne de la montée en puissance des institutions locales et dont s’inquiètent plusieurs magistrats en observant la création illégale, avant décembre 1789 du moins, des municipalités appelées à choisir les notables-adjoints24. A cette date, une fois surmontées les difficultés de l’été 1789, l’Assemblée constituante ne craint pas encore les forces telluriques des mouvements populaires ni la concurrence des pouvoirs locaux25. Au contraire, elle les intègre jusque dans la nouvelle architecture judiciaire comme un élément matriciel de son nouvel équilibre. Ce faisant, elle fait le pari d’une division des tâches, à défaut d’une véritable division du corps. Et pose pour la première fois, bien avant la mise en place des jurés criminels, faut-il le souligner, la question de l’intégration des citoyens « non professionnels de la justice » dans l’institution judiciaire.
16L’accueil réservé à partir de 1792 aux citoyens chargés de composer les nouveaux jurys est assez bien connu26. On sait en effet qu’il fut sinon mauvais, du moins très réservé. Les jurés, en même temps qu’ils incarnaient le principe d’une justice citoyenne confiée aux « pairs », ont suscité en pratique les soupçons les plus divers : indignité, indiscrétion, incapacité, absentéisme, à tel point que, très tôt, l’implication citoyenne imaginée par les constituants s’est révélée plus décevante que prévue – comme en d’autres domaines, au demeurant, où les nouveaux citoyens n’étaient pas forcément aux rendez-vous fixés par leurs représentants27. Cette réception, autant que la déception qui l’accompagne presqu’aussitôt, n’est pas sans rappeler l’expérience des notables-adjoints. Celle-ci a pris fin d’après le vœu initial de la loi avec l’installation des tribunaux criminels en 1792. Mais ce terme programmé ne doit rien celer des difficultés pratiques soulevées par la collaboration des citoyens ordinaires au fonctionnement de la justice. Leur correspondance avec l’Assemblée constituante et les procédures criminelles auxquelles ils étaient invités à prendre part révèlent en effet qu’ils ont progressivement considéré leur mission judiciaire comme une tâche excessivement lourde et prenante. Supportant de plus en plus mal d’être distraits de leurs occupations ordinaires, ils n’ont eu de cesse de réclamer des assouplissements à leurs obligations et de justifier un absentéisme croissant. Ce faisant, ils prenaient le relais des magistrats en exprimant leurs propres doutes, plus pratiques que théoriques, sur la collaboration attendue par le pouvoir révolutionnaire entre juges professionnels et citoyens ordinaires. Paradoxalement, au moment même où les magistrats semblaient s’être habitués à leur présence et à leur fonction, rassurés par les précisions de l’Assemblée constituante et, sans doute, par la faible surveillance exercée en fait par ces notables-adjoints plutôt silencieux, il revenait à ces derniers de manifester l’idée que juger est, finalement, un métier28. Bien entendu, leurs propos ne visaient alors que leur propre institution. Mais il n’est pas sans signification de remarquer que l’ensemble des critiques émises de part et d’autre au sujet des notables-adjoints, c’est-à-dire plus largement au sujet des citoyens adjoints au fonctionnement de la justice, fournit une bonne part des reproches et des doutes exprimés quelques années plus tard à l’endroit des jurés criminels. Voilà qui tend à nuancer le lien entre leur mauvaise réception et la nouveauté de l’institution : l’expérience précédente et très proche des notables-adjoints a immanquablement influencé une partie des réactions. Et surtout, elle a ouvert la voie à une pratique où l’adjonction d’un personnel non professionnel au service des juges relevait clairement de l’introduction d’une force extérieure au corps et à la culture des magistrats aux fins de doter l’institution judiciaire d’un levier interne de contrôle, de limitation et de réforme. De ce point de vue, placer des collaborateurs non professionnels a moins été un acte de rapprochement des citoyens et de la justice qu’un moyen d’emprise du pouvoir politique sur une institution toujours susceptible de développer sa propre puissance.
Notes de bas de page
1 Discours du président de la République Nicolas Sarkozy, septembre 2010.
2 L’article 10-1 de la loi du 10 août 2011 prévoit de compléter par la présence de « citoyens assesseurs » les tribunaux correctionnels et chambres des appels correctionnels ainsi que les tribunaux d’application des peines et chambres d’application des peines des cours d’appel. Le législateur a organisé une première expérimentation dans les tribunaux du ressort des cours d’appel de Dijon (Dijon, Chalon-sur-Saône, Chaumont, Mâcon) et de Toulouse (Toulouse, Albi, Castres, Foix, Montauban). Une première évaluation doit être réalisée au bout de six mois avant d’étendre l’expérience à dix autres ressorts, sur trente-cinq.
3 Archives parlementaires, 10.08.1789, t. VIII, p. 378.
4 Ibid., 17.08.1789, t. VIII, p. 440-449.
5 L’ordonnance criminelle de 1670 n’est pas abrogée mais seulement modifiée par le décret des 8 et 9 octobre 1789, sanctionné le 3 novembre suivant. Celui-ci introduit la publicité et le contradictoire dans l’organisation du procès pénal ; il reconnaît les premiers droits de la défense (assistance d’un conseil, admission des faits justificatifs à tout moment du procès, accès gratuit aux pièces de procédure) ; sans encore bouleverser l’échelle des sanctions pénales, il pose le principe de la proportionnalité des peines. La précocité de cette réforme partielle, d’exécution immédiate (contrairement à nombre d’autres réformes procédurales dont l’application a été différée à la mise en place postérieure des institutions nouvelles) tient essentiellement aux choix de l’Assemblée constituante, dans l’été 1789, de renvoyer devant les juges criminels deux catégories d’accusés susceptibles de menacer le nouvel ordre public et donc l’Assemblée elle-même : les révolutionnaires « trop » zélés, généralement séditieux et émeutiers, ainsi que les contre-révolutionnaires supposés participer au « complot aristocratique » dont l’existence est une certitude pour les hommes de 1789. S’appuyant sur la justice pénale, l’Assemblée constituante ne pouvait proroger les aspects les plus critiqués et les plus insupportables de l’ordonnance criminelle. La réforme partielle et provisoire d’octobre 1789 constitue alors une sorte de transaction honorable entre l’ancien droit prorogé et le nouveau non encore élaboré. Sur ces aspects, voir Jean-Christophe GAVEN, Le crime de lèse-nation. Histoire d’une brève incrimination (1789-1791), th. dactyl. Toulouse, 2 vol., 2003, à paraître (2013).
6 Loi des 12-19 octobre 1790.
7 Discours de Nicolas Bergasse sur l’organisation du pouvoir judiciaire. Archives parlementaires, 17.08.1789, t. VIII, p. 442.
8 Successivement Jérôme-Marie Champion de Cicé, du 3 août 1789 au 21 novembre 1790 et Marguerite-Louis-François Duport-Dutertre, du 21 novembre 1790 au 23 mars 1792.
9 Parmi les premières demandes de précision, voir par exemple la lettre du magistrat aixois Autheman du 23 novembre 1789, relative à la concurrence entre notables-adjoints et magistrats et aux questions de rang non résolues par le décret des 8 et 9 octobre 1789, AN, BB30 158. Voir également la lettre de Madières d’Aubaignes, substitut du procureur général en la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier, 21.11.1789, AN, BB30 158.
10 Voir en particulier les archives de la correspondance et des décisions du conseil de Justice organisé auprès du garde des Sceaux, AN, BB29 1 et 2 de 1791 jusqu’à l’an II (année 1791 en ce qui concerne les notables-adjoints), ainsi que la correspondance relative aux questions juridiques et de législation entretenue entre le garde des Sceaux et les hommes de loi, principalement magistrats du royaume, de 1789 à 1791, AN, BB30 158.
11 En témoigne la lettre de Seignelle, assesseur à la maréchaussée d’Aunès, qui écrit le 13 février 1790 depuis La Rochelle s’être « déterminé (...) d’après l’exemple du Châtelet dans l’affaire de M. de Besenval » pour déterminer si les notables-adjoints devaient être présents lorsqu’une procédure commence d’après la clameur publique. AN, BB30, 158.
12 Pour une étude exhaustive des procédures criminelles instruites à Paris dans la période transitoire 1789-1792, voir Jean-Christophe GAVEN, Le Crime de lèse-nation. Histoire d’une brève incrimination politique (1789-1791, op. cit. Pour une étude comparable d’un ressort de province, voir Laurent DRUGEON, La réforme de la justice pénale avant la mise en place du jury. L’exemple du pays et du département de l’Oise (1788-1792), th. dactyl., Paris 2-Panthéon Assas, 2004.
13 Voir par exemple la réponse du garde des Sceaux en date du 9 novembre 1789 d’après laquelle « c’est aux tribunaux à saisir l’esprit de la loy » ; voir également sa réponse marginale à une lettre de Joly de Fleury en date du 8 janvier 1790, AN, BB30 158. D’autres « commentaires de textes » du même style sont adressés aux magistrats qui soulèvent des difficultés inexistantes. Voir par exemple la réponse du garde des Sceaux au procureur du roi Bertines, s. d., AN, BB30 158.
14 « Lettre de Mommessin, assesseur de la maréchaussée de Charolle, présentant ses observations au garde des Sceaux sur la réforme criminelle », 03.12.1789, AN, BB30 158.
15 Voir par exemple le mémoire de La Bérardière, assesseur en la maréchaussée en la résidence de Caen, 07.01.1790, AN, BB30 158.
16 Sur les réponses apportées à ces questions, voir le décret du 21 avril 1790 sanctionné le 25 suivant.
17 « Mémoire sur quelques doutes qui se sont élevés relativement à l’exécution du décret des 8 et 9 octobre », par Baudinot fils, de Charolles, s.d. et Réponse marginale du garde des Sceaux expédiée le 30.01.1790, AN, BB30 158.
18 Mémoire de La Bérardière, assesseur en la maréchaussée en la résidence de Caen, 07.01.1790, AN, BB30 158.
19 « ... surtout les gens de la campagne » d’après le lieutenant général de Souvigny, lettre du 9 janvier 1790, AN, BB30 158.
20 « Mémoire des notables-adjoints de la ville d’Aix adressé au garde des Sceaux », 26.11.1789, AN, BB30 158.
21 Les notables-adjoints aixois réagissent à la volonté des magistrats de la Chambre des Eaux et Forêts, exprimée par l’avocat général, de les placer debout à la plainte, à côté des plaignants, et assis – sans précision- lors de l’information. Les notables-adjoints refusèrent immédiatement, tout comme ils repoussèrent l’idée de siéger sur le banc des greffiers : « Les greffiers, écrivent-ils, sont des officiers subordonnés de la justice et l’on ne peut point leur comparer des personnes adjointes aux juges et qui représentent la généralité des citoyens », ibid.
22 Les notables-adjoints aixois définissent ainsi le périmètre de leur mission : « Ils [les notables-adjoints] sont préposés (...) pour être les témoins de la conduite du juge, pour autoriser ses opérations, pour empêcher par leur présence des abus qui n’existent point aujourd’hui mais qui sont possibles », ibid.
23 On notera la mention marginale prudente du garde des Sceaux à propos des réclamations aixoises : « Attendre quelques jours »... Signe supplémentaire, s’il en fallait, que les questions soulevées par les notables d’Aix n’intéressaient pas le seul protocole judiciaire.
24 « Mémoire de Regnault ( ?), lieutenant général d’Evreux », 07.11.1789 ; « Mémoire des notables-adjoints de la ville d’Aix adressé au garde des Sceaux », 26.11.1789, AN, BB30 158. On notera l’emploi très politique des termes « régénération », « droits des citoyens » et « droits de la municipalité ».
25 Le reproche d’illégalité tombe à partir de la loi du 14 décembre 1789 qui organise définitivement les nouvelles municipalités.
26 Le jury criminel sous la Révolution a donné lieu à une abondante littérature scientifique. Plusieurs études mettent l’accent sur l’évolution rapide de la sociologie des jurés, de plus en plus issus de la classe des notables, ainsi que sur les difficultés de fonctionnement de l’institution et les critiques virulentes qu’elle n’a pas manqué d’attirer. Citons, entre autres, Bernard SCHNAPPER, « L’activité du tribunal criminel de la Vienne (1792-1800) », La Révolution et l’ordre juridique privé, rationalité ou scandale ?, Actes du colloque d’Orléans, Paris, PUF, 1988, t. 2, p. 623-638 ; du même, « Le jury criminel », in Robert BADINTER, Une autre justice, 1789-1799, Paris, Fayard, 1989, p. 149-170 ; Gilles LANDRON, « A propos de la commisération abusive du jury criminel de la révolution », Histoire de la Justice, année 1994, n° 7, p. 75-88 ; Emmanuel BERGER, La Justice pénale sous la Révolution. Les enjeux d’un modèle libéral, Rennes, PUR, 2008.
27 Patrice GUENIFFEY, Le Nombre et la Raison. La Révolution française et les élections, Paris, Ed. EHESS, 1993, 559 p.
28 Si les questions des magistrats relatives aux notables-adjoints se raréfient au fil des mois après les précisions apportées par le décret du 21 avril 1790, elles ne disparaissent pas complètement. Ainsi, dans une séance du 2 février 1791, le conseil de Justice se prononce encore sur une interprétation erronée du commissaire provisoire du roi près le tribunal de district de Bourgoin, et le 8 décembre 1791, moins d’un mois avant la disparition de l’institution, il lui revient encore de livrer ses propres lumières sur des questions de publicité et de présence des notables-adjoints dans une procédure parisienne relative à de faux assignats. AN, BB29 2.
Auteur
Professeur d’histoire du droit à l’Université Toulouse 1 Capitole (CTHDIP)
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