Georges Ripert, un positiviste spiritualiste
p. 221-241
Texte intégral
« J’aime l’étudiant qui, sachant que les jeunes gens de son âge sont dans leur pays chassés de l’Université à cause de leur race ou de leur religion, fait une place à côté de lui sur son banc au camarade qui n’est pas de sa religion ou de sa race »1
1Cet épigraphe résume tout le « mystère » Ripert, comme il y eut un mystère Joseph Barthélémy2, ou un mystère Paul Ourliac3, autres professeurs de droit chrétiens et légalistes engagés à Vichy.
2Georges Ripert va effectuer l’essentiel de sa carrière à la Faculté de droit de Paris, où il est nommé en 1918 professeur de droit commercial, et en devient doyen en 1938. C’est à Paris qu’il décèdera en 1958. Il y avait dirigé la Revue critique de législation et de jurisprudence avec René Capitant, puis la Semaine juridique après 1918. Il y avait fondé en 1938 une Revue générale de droit commercial.
3Mais il demeura triplement provincial par sa culture personnelle : par sa naissance dans la petite bourgeoisie provençale (à La Ciotat en 1880), par sa formation à la Faculté d’Aix où il soutint deux thèses en droit privé et en science politique (en 1902 et 1904). Il y enseigna de 1906, année de son agrégation, à 1918 et plaida à la Cour d’appel, par conviction catholique conservatrice, surtout. Comme le Toulousain Barthélémy, comme son collègue et maître Marcel Planiol resté profondément breton et historien de cœur, Ripert croyait aux valeurs éternelles d’une France de notables, celles qui ont prévalu dans le code civil.
4Résigné à la République par raison, il ne prit avant 1940 aucun engagement politique. Il soutenait l’action de l’Alliance démocratique, le petit parti de Paul Reynaud et Flandin, mais il n’y brigua jamais de mandat électif, à la différence de son collègue Barthélémy. Il incarna surtout un redoutable jouteur pour ses adversaires intellectuels, socialiste avec Emmanuel Lévy4, personnaliste avec Josserand5, défendant bec et ongles l’indépendance du droit par rapport à la sociologie6, le mariage indissoluble et de la propriété droit subjectif. C’est l’Ancien régime qui avait sa préférence intime. Attaché aux valeurs de la terre et de la famille, il se découvrit très vite en 1940 des accointances avec la Révolution nationale. Il fut pour cette raison coopté au secrétariat d’Etat à l’Instruction publique du 6 septembre 1940 au 13 décembre suivant.
5Il n’a-curieusement-pas suscité de thèse, à la différence de son collègue Barthélémy7. Son historiographie comporte néanmoins une bonne thèse toulousaine consacrée à sa doctrine relative à la propriété8, trois mémoires parisiens d’inégale valeur9, une vieille thèse de philosophie du droit10 et quelques articles de doctrine civiliste11, outre les mélanges qui lui sont dédiés en 195012. Son procès en 1947 devant la Haute cour n’est pas encore consultable. La présente contribution n’ambitionne pas de combler les lacunes historiographiques, mais plutôt de pointer les zones d’ombre à approfondir dans un futur et plus ample travail. On redécouvre aujourd’hui, et le présent ouvrage en est un parfait exemple, les atouts que présentent pour l’épistémologie juridique l’exercice des plus classiques du portrait de juriste13.
6Ripert partage avec les « trublions » (A.J. Arnaud), avec les Josserand et Capitant, la volonté de rompre avec le légalisme pur de l’Exégèse ou le jusnaturalisme de Gény. La morale était pour ces auteurs la grande oubliée du code civil. Ripert est celui qui a le plus souhaité que la morale imprègne le droit. Son ouvrage fondateur en témoigne en 1925 avec éclat14. Très inquiet des bouleversements opérés dans le système de valeurs par la première guerre mondiale, il incarna un pessimiste défendant toute sa vie avec une remarquable constance ce qu’il appelait en 1955 encore « les forces créatrices du droit »15. Il visait les fondements de l’individualisme libéral contenu à l’article 1134 du code, liberté contractuelle et égalité des parties au contrat. Il fut sans le vouloir proche de la pensée de Paul Valéry, cet autre libéral désabusé pour qui les civilisations sont mortelles.
7Le grand civiliste ne se laisse pas aisément saisir. S’il sut éclairer comme généalogiste le droit de l’extérieur, sauf à ne pas franchir la frontière des sciences sociales honnies. Car Ripert ne fut certainement pas un sociologue du droit comme l’était un autre chrétien, engagé, Carbonnier. Il ne fut pas non plus un historien du droit pénétré de neutralité axiologique à la différence de son maître Planiol. Il aurait fallu pour cela qu’il renonçât à son messianisme chrétien. Il incorpora au contraire ses propres valeurs à son œuvre doctrinale, considérant que la création du droit est précédée d’une lutte des forces rivales : « J’ai tenté d’étudier la naissance des lois en examinant quelle influence exercent, pour la création du droit, les préceptes de la morale chrétienne, la force du nombre dans la démocratie, la défense des intérêts dans la société capitaliste, et aussi quel danger naît du trop facile abandon des principes traditionnels »16.
8Militant de « l’Occident chrétien », comme il aimait le rappeler, il ne fut pas un théoricien. Tout au plus fut-il réputé avoir fondé une « école », nous dirions plutôt une sensibilité, « psychologique ». En réalité, Ripert fut d’abord un ardent défenseur de l’autonomie de la volonté, se posant comme le champion de la recherche de l’intention dans les actes juridiques. Par là, il présida à une seconde naissance des droits subjectifs de l’individu cent cinquante ans après le code civil.
9Relire ses ouvrages de doctrine comme ses traités de droit17 fournit un angle de vue indispensable pour comprendre un ralliement à Vichy qui n’allait pas de soi chez un juriste chrétien. Il a fallu attendre ces trente dernières années, après que les historiens américains Paxton et Marrus eurent mis en lumière l’antisémitisme de Vichy18 pour que l’on affine l’image des intellectuels français ralliés au maréchal19 et surtout, ce « paradoxe français »20 de juristes non racistes tel Ripert entrant dans les instances de la collaboration.
10Notre première étape pointera les aspects idéalistes et conservateurs de la doctrine de Ripert (I), tandis qu’un second propos nous emmènera dans les allées de Vichy autour d’un professeur qui y cherchait des signes de la préservation de son univers mental (II).
I - l’apport singulier de Ripert, l’idéalisme juridique
11Georges Ripert fut d’abord un chrétien pessimiste quant à l’évolution de la société et quant à l’universalité des valeurs sociales, rejoignant par delà les siècles les tenants de Port Royal. Il combattit comme moraliste le fondement naturaliste du droit, trop contingent à ses yeux, et il fonda plutôt le contrat et l’utilité sociale sur l’individualisme subjectif (A). Mais sa défense de la civilisation chrétienne l’amène aussi à refuser les nouveautés sociales du XXe siècle, en une tentation réactionnaire qui prépare son ralliement à Vichy (B).
A - Le fonds religieux
12Vers la fin du XIXe siècle, les juristes français en vinrent à douter de la suffisance de l’analyse logique et du positivisme légaliste. Il apparut qu’un simple corps autonome de règles échouait devant la variété infinie que la révolution industrielle et les bouleversements sociaux consécutifs soulevaient. L’attaque de François Gény21 fut la plus fulgurante. Le positivisme juridique français y répondit en introduisant, fort prudemment, dans la méthode analytique d’autrefois des facteurs extra-analytiques. Raymond Saleilles s’aventura ainsi dans la criminologie et la pénologie. Ripert tint bon en défendant l’idéal juridique du code civil. Il reconnut néanmoins au juge le pouvoir légitime d’interprétation en fonction de ses convictions morales personnelles, dans l’intérêt des parties. Il avait emprunté à Aristote un idéalisme fondamental selon lequel l’homme peut a priori connaître le bon et le juste par sa seule raison.
Un kantien janséniste
13La morale du devoir que Ripert tenait de Kant, sans d’ailleurs qu’il se réfère explicitement au maître de Königsberg, l’incitait au contraire à considérer le droit comme devant être obéi en soi en raison de la souveraineté du législateur sur les gouvernés. Il doit peut-être à Duguit cette croyance à la supériorité des gouvernants, bien qu’il combattit les tendances solidaristes et durkheimiennes du maître bordelais. Son héritage juridique est plutôt celui de Jhering22, de sa « lutte pour le droit », que celui des pandectistes, c’est-à-dire une certaine forme de positivisme qui doit chez lui comme chez le grand juriste allemand être combinée avec la lutte pour les idéaux personnels des juristes et des juges. En ce sens, ni Jhering ni Ripert ne sont des positivistes au sens classique : la volonté étatique rend certes chez eux le droit applicable et obéi. Mais elle n’en constitue pas le fondement, qui relève des valeurs individuelles.
14Cette conviction que le juriste doit se battre « pour ses croyances et son idéal », selon la formule du professeur aixois, lui vient d’abord de son acception janséniste de la religion et du monde, convaincu que la vérité n’est pas valable au-delà des Pyrénées s’il ne mène pour elle un combat incessant. La croyance en la prédestination de l’homme qu’il partage avec Pascal et avec la Réforme explique aussi un certain pessimisme chez lui. Quoi qu’il fasse sur terre, le destin de l’homme est écrit. Cette résignation métaphysique est peut-être l’une des clés pour comprendre son arrivée à Vichy, notre juriste s’y sentant peut-être poussé aussi par la force des choses. Barthélémy exprima dans ses mémoires le même sentiment d’un destin tragique et inéluctable, « le Maréchal m’a nommé à Vichy ».
15Ripert est comme Hauriou un franc tireur difficile à classer. La suprématie de la loi, mais surtout de la morale conçue comme inhérente à l’homme et dont il emprunte le principe à Kant23 lui confère une place à part dans les écoles juridiques françaises. Le juriste aixois se sépare de ses contemporains en tentant de réconcilier droit et morale dans le jugement « juste ». Il se pose en moraliste plus qu’en juriste, en une défense de ce qu’il appelle « la civilisation ».
16Pour lui, la morale est dans (nous soulignons) le sujet, et non pas dans la société. Il tient en effet de Kant l’idée que la raison « pratique », c’est-à-dire expérimentale, nous enseigne l’existence d’une loi morale consubstantielle à individu. Pour les besoins de l’action morale, Kant comme Ripert estiment indispensable de postuler l’existence de Dieu, l’immortalité de l’âme et la liberté du sujet. Le message de Kant, la Révolution française l’a bien compris, c’est le devoir qui nous incombe de constituer l’Etat et de subordonner tout le droit à l’Etat. « Etre libre, rappelait le philosophe, c’est obéir à la loi ». Le positivisme allemand en découlera. « Combien me paraît préférable, dit Ripert, cette position du positivisme juridique qui demande le respect de l’ordre juridique tout simplement parce qu’il est établi et qui laisse chacun de nous libre dans son cours de consentir l’obéissance par devoir ou de s’y résigner par crainte »24. Mais avec les postulats de la raison pratique, Kant a aussi fondé un spiritualisme réaliste que l’on retrouve chez Ripert comme chez d’autres philosophes du devoir, Charles Renouvier autour de 1880 ou plus tard Paul Ricœur.
17En cela, Ripert demeure tributaire du siècle d’Auguste Comte et d’une forme de positivisme dont il se défend pourtant. Ne reculant pas devant ses propres contradictions, il reprochera précisément au juriste socialiste Emmanuel Lévy selon lequel « ce qui est le droit est ce que nous croyons être le droit »25, de fonder sa position sur une croyance générale. Or « la croyance, objecte Ripert, peut créer un monde d’illusion (…) Croire n’est rien si l’objet de la croyance n’est pas la vérité »26.
18Où Ripert situe-t-il alors « la vérité » ? Il la place autant dans l’histoire que dans la métaphysique. Son maître Planiol fut aussi historien du droit. Pour l’élève, la vérité de la vision chrétienne lui vient d’abord de sa légitimité historique, près de deux mille ans de gouvernement des hommes sans contradiction, aime-t-il à rappeler. Dans plusieurs passages de son œuvre, il évoque avec nostalgie la monarchie d’Ancien régime27 qui avait le mérite à ses yeux de fonder la conduite des hommes sur une théocratie indiscutée. S’il y a un spiritualisme chez Ripert, celui-ci n’exclut pas une vision réaliste et historique de la religion.
19Ripert désarmera à l’avance es critiques, de ses collègues athées en particulier, en soulignant l’impuissance de la raison spéculative à atteindre ce qu’il appelle les « vérités-principes ». L’importance kantienne du postulat de la liberté et son idée que l’homme est une fin en soi, autorise tout de même la philosophie et la science juridique à critiquer les lois, relève Ripert en 192528, en plein cartel des gauches. Son héritage kantien l’avait également amené à croiser le fer avec Gény au sujet de l’existence d’un droit naturel.
Le rejet du droit naturel
20Idéaliste, Ripert ne suivit cependant pas Aristote jusqu’à la croyance en un droit naturel. La règle de droit a toujours pour lui un fondement individualiste, ce qui l’amène à séparer le droit et la morale commune. « Alors même que l’on admettrait la légitimité du passage du fait au droit, note-t-il en 193029, la règle soi-disant objective n’a jamais qu’un fondement subjectif ». Ripert doit à Kant l’idée que le droit naturel est une vue spéculative de la « raison pure », c’est-à-dire spéculative. La morale « commune » contenue dans le droit naturel n’est à ses yeux que contingente, dépendante de l’état de la société à un moment donné. « Ce droit (i.e. naturel), dont la matière est variable, ne laisse à l’esprit qu’une immense déception », note-il en réponse à Gény30 Il est surtout non transcendant, à la différence de la morale individuelle, et non assorti de sanctions. « S’il est vrai que les impératifs du droit et de la morale coïncident souvent, leurs points de vue sont cependant bien séparés », notait Kant dès 178831.
21Ripert ira dans le même sens, lui pour qui « droit et morale commune, à laquelle il assimile le droit naturel, sont identiques dans leur nature, domaine et but, mais leur fondement et leur sanction sont différents »32. Le juriste bordelais Julien Bonnecase n’était donc pas fondé à reprocher à Ripert de nier le droit en tant que science autonome et de le fonder sur la seule morale33. Selon Ripert au contraire, « le droit, une fois élaboré, vivra en dehors de toute considération morale par la seule force de l’autorité souveraine »34. Reconnaître une portée au droit naturel reviendrait à reconnaître une conception subjective de la justice35.
22Derrière le duel engagé avec Gény sur les fondements du droit se cache aussi -nous sommes en 1915- une nuance dans l’intensité du patriotisme. Gény n’a pas totalement désavoué l’héritage allemand du positivisme pandectiste. Il doit beaucoup à Kelsen. On assiste alors en musicologie à un débat voisin autour des œuvres de Wagner, où Debussy se fait le champion d’une musique française « pure ». Ripert souhaite brandir l’étendard de la défense de l’humanisme à la française contre le Léviathan hégélien de l’Allemagne, même s’il doit lui-même son positivisme spiritualiste à la philosophie idéaliste allemande, à Kant et aussi à Fichte. Notre professeur va combattre violemment Hegel et sa « statolâtrie » (M. Prélot) dans un article patriotico-juridique : « Un Allemand s’enivre de ce romantisme qui arrive à diviniser l’Etat (…) L’Etat, c’est le Dieu réel. La vie et la mort de l’Etat, a dit Hegel, ne relèvent que de l’histoire, parole géniale, dit Jellinek, parole qui suffit en tout cas à mépriser les contestations d’une Belgique envahie (…) »36. Ce nationalisme qu’il partage avec Hauriou n’empêchera pas ce dernier de protester par la suite contre la condamnation sans appel qu’opère notre Aixois du jusnaturalisme37.
L’individualisme subjectif
23Ripert est le grand thuriféraire de l’autonomie de la volonté, puisqu’il y a en chacun de nous une part de divin à travers la loi morale intériorisée. Si l’on en vient à oublier l’utilité sociale du contrat, c’est-à-dire la contribution à la satisfaction des besoins en société, rappelle Ripert38, la conscience individuelle du juge y obviendra. Cette conception réaliste et morale à la fois du contrat souligne que Ripert côtoie le droit des affaires depuis le début de sa carrière parisienne, et qu’il a aussi, dans l’esprit de l’utilitarisme anglo- saxon, une conception économique du contrat. La justice contractuelle supposera que soit préservée non l’égalité parfaite entre les deux cocontractants, chimère aux yeux de ce libéral élitiste, mais du moins les conditions loyales de l’échange.
24Aussi Ripert s’emploie-t-il à se démarquer de la relativité des droits systématisée par Durkheim et Josserand et selon lesquels le droit n’est donné à l’homme que pour des fins sociales. Il aperçoit au contraire une sanction de l’obligation morale kantienne dans les trois principes du contrat moderne : le devoir de ne pas faire de tort à autrui, le devoir de restitution de l’enrichissement sans cause, le devoir d’assister son prochain.
25Il en retire des commentaires très individualistes sur la cause des contrats, sur la liberté du consentement, sur la lutte contre la fraude, sur les clauses léonines, sur l’absence d’atteinte aux bonnes mœurs. « Les bonnes mœurs ne sont rien d’autre qu’un droit de contrôle confié au juge pour l’observation de la règle morale », se félicite-t-il39. En individualiste absolu, il niera toutefois l’utilité de la jurisprudence de l’imprévision, de l’abus de droit contre la position de Josserand, et surtout de la théorie du risque, gisement de solutions socialistes à ses yeux.
26C’est plutôt une conception distributive du contrat, rendre à chacun selon ce que le droit lui reconnaît, sans chercher à modifier l’état de la société, qui convient à ce nostalgique d’une société d’ordre et d’ordres. L’individualisme moral permet aussi à Ripert d’entrer en dissidence contre l’évolution qu’il estime socialisante de l’entre deux guerres.
B - La tentation réactionnaire
Une condamnation de l’égalité
27L’œuvre de Ripert recèle souvent des accents tocquevilliens : la démocratie de masse a sacrifié la liberté sur l’autel de l‘égalité, regrette-t-il au long de ses pages. La mystique égalitaire, note-t-il, est d’autant plus antidémocratique et puissante qu’elle a su se parer des vertus de la « justice sociale » : « L’expression présente une incertitude suffisante pour que tout et son contraire soit retenu sous son nom »40. Il réactive, note justement Julien George41, le pathos caractéristique de l’idéologie du jusnaturalisme du XIXe siècle : la civilisation serait menacée par la « force du nombre », par la « mystique démocratique » qui sont autant de catastrophes de « l’esprit révolutionnaire », regrette Ripert en une vision tocquevillienne pessimiste. Le professeur va œuvrer à se démarquer des juristes qui ont humé l’air du temps démocratique.
28L’égalité sociale aboutirait selon lui à une rupture de l’égalité civile en imposant la loi du plus grand nombre. Ripert redoute ce qu’il appelle sans ironie « un droit de classe ». Pour lui comme pour le spécialiste de la propriété Jean-Batiste-Victor Proudhon, pour qui les prolétaires constituaient au XIXe siècle des voleurs et des assassins en puissance42, Ripert se méfie de la voix du nombre, car, craint-il, « la voix du nombre, c’est la voix des pauvres »43. Il reproche à la loi du plus grand nombre d’inverser les places dans le cycle productif : ce seraient désormais les capitalistes qui seraient victimes de la force anonyme des travailleurs.
29La victoire du cartel des gauches en 1924 constitue pour notre juriste un premier avertissement des dangers de la démocratie. Il va s’en prendre particulièrement à la Faculté de droit de Lyon coupable à ses yeux d’encourager au minimum le solidarisme chez son doyen Josserand, au pire le socialisme chez les professeurs Lambert et Lévy. Ce dernier sera en 1928 l’objet d’une attaque en règle déjà évoquée44 dont certains arguments, représentatifs du système de valeurs de notre juriste, méritent d’être évoqués :
30-Le socialisme juridique menace d’abord le droit de propriété, et par là, l’individualisme juridique, rempart de « l’Occident chrétien ». Il est inadmissible pour Ripert de réduire le juridique au social et de laisser le droit individuel s’évanouir en même temps que s’affirmera le droit collectif. Emmanuel Lévy est accusé de vouloir supprimer purement et simplement le plus précieux des droits subjectifs : « Quant il (i.e. Lévy) discute du droit de propriété, il cherche la jointure où introduire la lame »45, polémique-t-il avec un sens du combat politique qui suggère qu’il aurait pu incarner un redoutable rhéteur au Parlement. Barthélémy sut se forger à ce moment une réputation de polémiste en croisant dans l’hémicycle le fer avec le cartel des gauches. Contre un argument techniquement fondé de Lévy relatif à la fragilité de la transmission de la propriété, Ripert enfonce le clou en rappelant que la succession ne transmet pas mais crée un nouveau droit subjectif : « C’et là toute la supériorité de la création sur la conservation ».
31-Lévy défend ensuite, en sociologue du droit, l’idée que le droit doit être légitimé par les représentations sociales. Scandale aux yeux de Ripert, pour qui le propriétaire serait ainsi « réduit à chercher dans la croyance commune un soutien fragile de son droit »46. Il est vrai qu’une des rares velléités de réforme sociale du cartel avait été de vouloir remettre à plat le droit de succession… « Le droit civil ne saurait être dans la dépendance du pouvoir politique d’un jour »47, clamera-t-il encore après la libération, visant les nationalisations qu’il désapprouve évidemment.
32C’est dans la perspective de la défense de la famille, arc-bouté aux traditions de l’Occident chrétien, que Ripert entend la vertu d’un droit civil rempart contre la dictature de l’Etat républicain. Le divorce lui paraît encouragé par la loi Naquet de 1884, pourtant limitée au divorce pour faute, le concubinage par celle de 1912 sur l’ouverture timide de la recherche de paternité. Il stigmatise dans cet esprit la loi de juillet 1907 sur le libre salaire de la femme mariée qui lui paraît introduire une trop grande indépendance des jeunes femmes. Militant traditionnaliste, il publie régulièrement des chronique dans sa Revue critique en faveur de l’Association du mariage chrétien : « Il est bon qu’il y ait des groupements qui protestent contre la désorganisation de la famille, voulue par quelques-uns, acceptée inconsciemment par la plupart », se félicite-t-il48. Militant de l’indissolubilité du mariage, il met en avant la nécessité de protéger la femme mariée contre des maris indélicats qui pourraient faire pression sur leur épouse afin qu’elle accepte une forme de répudiation.
33L’esprit démocratique ravage ce que notre professeur nomme « les hiérarchies naturelles ». La suppression de l’incapacité de la femme mariée en 1938 le dresse contre ce qui lui apparaît comme « une ingérence inadmissible de l’Etat dans les affaires privées », une remise en cause regrettable de la supériorité de l’époux pour la gestion des biens communs49.
L’ordre occidental et la résistance à la « bolchévisation » du droit
34Pour ce subjectiviste absolutiste, la théorie de la relativité du droit et de l’abus de droit que défend Josserand en 1927 dans une perspective solidariste50 est la manifestation de la décadence morale de son époque. Elle remplirait le rôle de propagande bolchévique dans la mesure où elle oublie la loi morale intangible et chrétienne qui est à la source du droit occidental : « Je n’entends pas par loi morale je ne sais quel vague idéal de justice, mais cette loi bien précise qui régit les sociétés occidentales modernes et qui est respectée parce qu’elle est imposée par la foi »51. « Monsieur Josserand sera sans doute fort étonné d’être posé en juriste révolutionnaire », déclare-t-il dans sa polémique avec le doyen de Lyon, mais la théorie de l’abus de droit n’est pour lui qu’une conception socialisante et téléologique « d’ailleurs consacrée par le code soviétique »52. Nous sommes en 1929 en pleine ascension de la CGT unifiée à direction communiste…
35Le Front populaire attire naturellement sa fureur doctrinale et politique. Il va pourfendre la loi de 1936 sur le moratoire des dettes en un mordant article au Dalloz, « on fait taire les agitateurs de la Plèbe en les dispensant de s’acquitter »53. Il en profite pour fustiger les chants révolutionnaires encouragés par les pouvoirs publics pendant l’été 1936. Son ouvrage intitulé Le régime démocratique et le droit civil moderne, publié en plein Front populaire, lui permet de rejeter toute intervention étatique qui affaiblirait « l’ordre et l’autorité ». C’est une grande déception vis-à-vis de la démocratie parlementaire et son corollaire le dirigisme qu’il exprime au long de lignes qui puisent davantage dans le libéralisme notabiliste du XIXe siècle que dans un fascisme à la française.
36Ripert ne côtoya jamais les corporatistes ni les néosocialistes à la Adrien Marquet. Il exprima certes dans le droit de l’entreprise quelques penchants pour l’association capital-travail. Mais fondamentalement, il croyait d’abord au déterminisme de la nature humaine, et donc au caractère immuable de l’inégalité sociale : « On ne saurait empêcher d’ailleurs que l’homme cherche nécessairement à affirmer sa personnalité en se distinguant des autres »54, note-il au lendemain d’une Libération beaucoup trop égalitariste à ses yeux. La France a nivelé les conditions sociales depuis la Révolution, ce que Ripert regrette à demi mots, lui qui aimait citer Burke.
37Sa sensibilité notabilaire le poussait insensiblement aux côtés de la Révolution nationale, véritable Janus politique oubliant son autre visage de chrétien compatissant envers tous les persécutés de la terre. Ripert aurait pu écrire le célèbre discours prononcé par Pétain à Pau le 25 juin 1940, « La terre, elle, ne ment pas ». Il aurait sans doute été surpris, mais probablement moins que Maurras autre fervent admirateur de cette prose, d’apprendre que le véritable auteur de ce texte était Emmanuel Berl, écrivain juif de gauche, pacifiste et munichois en 1938, pétainiste en 194055. Le cas de Berl n’est pas isolé. Ripert incarna également à sa manière le paradoxe de Vichy.
II - Vichy, l’épuration et le « déclin du droit »
38L’épisode de Vichy va permettre à Ripert de donner vie à l’héritage traditionnaliste dont il était porteur (A). Mais insuffisamment engagé dans la collaboration, il va faire les frais en décembre 1940 de la fureur des Allemands contre le premier gouvernement Laval. Le non-lieu dont la Haute cour va le gratifier en 1947 ne va pas dissiper son pessimisme sur l’évolution du droit. C’est un message libéral très conservateur à la Walter Lippmann qu’il laissera en 1955 à la postérité (B).
A - L’épisode de Vichy
Juristes « convertis » ou opportunistes ?
39Ripert ne fut pas choqué par les modalités juridiques de désignation du chef de l’Etat en juillet 1940. Sans aller jusqu’à y voir comme son collègue Barthélémy des « circonstances exceptionnelles », notre civiliste considérait depuis la première guerre qu’il existe un « droit du vainqueur » qui justifie des mesures unilatérales. Ce droit a joué contre l’Allemagne en 1919, il joua inversement en 194056. Ripert doit apparemment son arrivée à Vichy à ses talents de juriste : il est coopté en août 1940 par le premier garde des sceaux de Pétain, Raphaël Alibert, un maurrassien avéré, qui lui confie la présidence d’un comité chargé d’examiner les projets de lois qui lui sont envoyés. Nommé par Laval au secrétariat d’Etat à l’Instruction dès le début de septembre, il n’était plus membre de la chancellerie au moment de la promulgation du premier statut des juifs en octobre suivant. Y a-t-il collaboré comme conseiller juridique d’Alibert ? Impossible de trancher faute d’archives ou de témoignages, mais il est possible que ce statut ait été évoqué dès fin août par le Garde des sceaux connu pour ses opinions racistes. Ripert l’a à coup sûr appliqué immédiatement, et semble-t-il avec zèle, nous le verrons.
40Notre juriste ne connaissait que vaguement Pétain, par des relations mondaines et protocolaires à l’Institut où les deux hommes siégeaient à l’Académie des sciences morales et politiques, à l’image de son collègue à la Faculté et à l’Institut Joseph Barthélémy. Ce dernier sera probablement coopté à la chancellerie par Pierre-Etienne Flandin sur le départ fin 1940. La petite formation de Flandin, l’Alliance républicaine, issue des « Républicains de gauche » et dont Ripert était proche, se situait en réalité à la droite du centre, jouant en 1926 un rôle de pivot pour renverser Herriot et le cartel. On se souvient que Pétain tenta en décembre 1940 de sauver les apparences de la légalité après le renvoi de Laval en appelant près de lui le modéré et anglophile Flandin. La création du Conseil national début 1941 procéda de cette volonté maréchaliste de retisser des liens entre le pouvoir et l’opinion publique. D’où l’arrivée d’autres professeurs de droit modérés au sein de la commission de constitution du Conseil national, Julien Laferrière ou Gaëtan Pirou. Les leaders de l’Alliance démocratique, en particulier Paul Reynaud ministre des Finances de Daladier, s’étaient déjà illustrés en 1939 par une première épuration des communistes de l’administration dans le cadre de l’organisation de la nation en temps de guerre.
41Le secrétariat d’Etat à l’Instruction publique, les Beaux arts et la Jeunesse compta six secrétaires de juin 1940 à août 1944, dont trois avant 194157. Cette succession rapide illustre la difficulté et l’importance de ce poste sensible, véritable police des esprits pour un régime qui estimait que la défaire était due au pacifisme des instituteurs et des professeurs. Pour quelles raisons en apparence mystérieuses Ripert fut-il choisi par un antisémite notoire, Alibert, lui qui avait dénoncé en 1933 les mesures racistes des nazis ? Entregent de Pétain lui-même ? D’autant que Ripert ne manifesta jamais de sympathie pour un Pierre Laval suspect à ses yeux par son héritage anticlérical radical. Ses distances prises avec le premier Laval ne lui évita pas l’éviction en décembre 1940, pas plus qu’à son chef de gouvernement Flandin. Lors de son procès, Ripert se présentera, à l’instar de son successeur Carcopino, comme un technicien surpris dans sa bonne foi et non un politique. En réalité, comme le rappelle l’historien Simon Epstein, il existait un débat sur les raisons des « conversions » au maréchalisme parmi les hauts fonctionnaires de Vichy, débat aujourd’hui méconnu mais qui agita fortement le petit monde de la collaboration dès 194058.
42A la mi-mai 1940, le doyen Ripert revient à la Faculté une semaine après l’ouverture des hostilités. Il pressent déjà la défaite ; « nous sommes tous ruinés, nos générations sont ruinées », confie-t-il à René Cassin rencontré dans l’autobus. Trois mois plus tard, conseiller d’Alibert pour les questions juridiques posées par les nouvelles lois d’épuration, il laissera révoquer avec un cynisme qui choquera l’intéressé cet ancien et semble-t-il estimé collègue en application de la loi du 23 juillet 1940 privant de leur nationalité les Français qui avaient rejoint la France libre59.
43Que s’était-il passé dans l’esprit d’un homme qui prônait la charité chrétienne avant-guerre ? Peut-être la même évolution que celle qui caractérisa Barthélémy, autre juriste traditionnaliste qui apercevait dans la débâcle de juin 1940 une punition divine comparable à celle de 1870. Le maréchal incarna pour ces nostalgiques de Jeanne d’Arc60 ou de Thiers une forme d’archange envoyé par le ciel. D’autant que la mission « prédestinée » du maréchal permit aux valeurs et à l’école chrétiennes de revenir au premier plan. Paul Claudel put ainsi se réjouir en 1940 d’être enfin délivré « de la domination méchante et imbécile des instituteurs qui, lors de la première guerre, se sont couverts de honte »61.
44La campagne contre les enseignants « responsables » de la débâcle se poursuit pendant l’été, et surtout au tournant de 1941. L’inspecteur général Paul Crouzet, ancien collaborateur en 1921 du très catholique Léon Bérard au ministère de l’Instruction, et que Ripert a reconduit en septembre 1940, publie dans les Cahiers Violets en 1941 une brochure intitulée La vraie Révolution nationale dans l’Instruction publique dans laquelle il suggère que « quiconque a enseigné est pour quelque chose dans l’état intellectuel et moral qui a contribué à la défaite »62.
L’épuration de l’instruction publique
45Elevé dans le respect des textes, Ripert va appliquer scrupuleusement, comme le feront ailleurs la plupart des juristes63, les éléments d’épuration de l’instruction publique : fermeture le 18 septembre des écoles normales, interdiction du Syndicat national des instituteurs le 15 octobre. Il va augmenter sensiblement les subventions accordées à l’enseignement privé après que son prédécesseur Mireaux eut rétabli le 15 août la liberté de l’enseignement congréganiste. Son successeur Jacques Chevalier prescrira fin décembre le rétablissement de l’instruction religieuse dans les écoles laïques, tandis que Carcopino doublera à partir de février 1941 les effectifs des enseignants dans le secteur privé confessionnel. Ainsi se concrétise le dessein d’hommes qui sont à Vichy plus pour sauver une France éternelle que pour pactiser avec des fascistes français dont ils détestent la technocratie matérialiste.
46Les grandes purges du personnel enseignant débutent avec la loi du 17 juillet 1940 relative à l’épuration de la fonction publique des syndicalistes et les militants d’opposition. Elles confèrent aux autorités de Vichy le pouvoir de relever ou d’exclure sans justification préalable. Elles vont être complétées par d’autres textes écartant des personnels spécifiques : étrangers renvoyés par la loi du 30 juillet, francs-maçons visés par la loi du 13 août, juifs par celle du 3 octobre, tandis qu’une autre du 11 octobre 1940 prescrit l’exclusion de certaines catégories de femmes64. Le texte du 17 juillet permet d’accuser de faute personnelle les opposants que l’esprit de revanche conduit à éliminer. Ripert est très clair sur ce point, lorsqu’il précise dans une circulaire du 17 novembre 1940 qu’il a « l’intention de relever de leurs fonctions les agents de mon département, (…) ceux qui, dans ces dernières années, ont consacré une partie de leur temps à une agitation politique contraire aux intérêts de la France, ou ceux qui se sont livrés dans le passé à des manifestations publiques de désordre social de nature à faire disparaître leur autorité morale ».
47La préoccupation de revanche sur le Front populaire est bien présente, une historiographie convergente l’a aujourd’hui établie65, malgré la dénégation que formule sur ce point Pétain dans son message à la nation du 12 octobre 1940. Marcel Abraham, ancien directeur de cabinet de Jean Zay, ministre de l’Instruction de Blum, est relevé de ses fonctions par Ripert le 1er octobre 1940, dix-huit jours avant que ne s’applique le premier statut des juifs. A l’Université, les purges seront moins spectaculaires. Il est vrai que les Facultés de droit soutiennent implicitement un régime qui n’est pas encore ouvertement collaborationniste. René Cassin raconte dans ses mémoires comment il dut en juin 1940 remettre à sa place le secrétaire général de la Faculté du Panthéon, bras droit de Ripert, pour qui la défaite, constituait « une bonne leçon pour la démocratie française »66. Le philosophe marxiste Roger Garaudy va constituer la première victime de l’épuration en décembre 1940. Les préfets réclament de leur côté aux recteurs la liste des enseignants ayant participé à la grève pacifiste du 30 novembre 1938, ou encore à la dénonciation de l’armistice de juin 1940. Sont ainsi révoqués de l’Université par Ripert le physicien Paul Langevin, le psychologue Henri Wallon ou l’ethnologue Paul Rivet.
48Les sanctions ou révocations sont liées d’abord à un engagement politique ou syndical, mais se cachent parfois derrière des considérations d’un ordre moral cher à Vichy. Ainsi Simone de Beauvoir, alors professeur de philosophie au lycée Camille Sée à Paris, raconte-t-elle dans ses mémoires comment elle fut révoquée sous le prétexte de détournement de mineure sur une de ses élèves67…
49Dans la mise en place du premier statut des juifs, Ripert fit preuve d’une particulière célérité, même s’il n’était probablement pas enthousiasmé par le texte, qu’il aurait selon des témoins qualifié « d’injuste et de brutal »68 : trois jours après la promulgation du texte (JO du 18 oct. 1940), il explique dans une circulaire du 21 octobre aux recteurs et aux inspecteurs d’Académie qu’il entend épurer un corps enseignant incluant les chefs d’établissements, surveillants, censeurs et plus généralement toute personne juive « de notoriété publique » en contact avec les élèves. Attitude d’autant étonnante que le critère de la « notoriété » est juridiquement plus que flou, surtout chez un juriste attaché à la lettre du droit et qui ne manifesta jamais ouvertement d’opinion raciste avant-guerre, y compris contre son collègue et adversaire politique Emmanuel Lévy. L’imprécision de la méthode employée par Ripert pour désigner les juifs est soulignée dans une réunion des doyens de Faculté le 26 octobre. On va lui préférer chez les proviseurs parisiens une « déclaration écrite de non-appartenance à la race juive », solution qui sera généralisée dans l’Académie de Paris par une circulaire du recteur Roussy. A l’Université, ce type de questionnaire circule également de l’initiative des doyens les plus appliqués, ainsi celui de la Faculté des sciences de Paris le 7 novembre 194069.
50Il faut souligner sur ce point l’étonnante facilité avec laquelle les recteurs, y compris de gauche, appliquèrent la circulaire Ripert. En 1942, douze des dix-sept recteurs nommés par Jean Zay en 1936 sont encore en place. Rétrospectivement, on ne peut qu’être frappé par la rapidité de la remise en marche de la machine instruction publique pourtant totalement désorganisée à la rentrée scolaire de 1940. Vichy, au moins à ses débuts, représenta bien le règne de l’administration70. Ce trait historique joua en sens inverse contre le dernier secrétaire d’Etat à l’Instruction, Abel Bonnard, qui ne put imposer à des universitaires et des hauts fonctionnaires passifs une réelle politique collaborationniste71.
51Quel fut le bilan de l’action de Ripert la tête de son ministère ? Se voulant davantage technicien du droit que militant politique, notre juriste se vit reprocher par l’accusation en 1945 cent-trente-deux relèvements, quarante-hui mises à la retraite, cinquante-et-une révocations, cent- cinquante-sept mutations d’office dans le primaire, et quelques sanctions dans le secondaire et le supérieur72. Peu de chose ? Il faudrait bien sûr vérifier ces chiffes en les recoupant avec les dossiers individuels, qui ne sont pas encore ouverts à la recherche. Carcopino, historien romaniste distingué et catholique convaincu, fut probablement un plus redoutable épurateur que Ripert, bien qu’également non raciste avant guerre73, que Bonnard aussi, qui fut pourtant en poste pendant les trois années terribles du second Laval. L’inspecteur Jules Isaac confirmera la responsabilité de Carcopino dans l’épuration de Vichy dans un rapport remis en 1945 au gouvernement provisoire74, contredisant le point de vue de l’historien américain W. Halls75. Il demeure que l’apogée de l’épuration des enseignants se situe pendant les vacances de noël 1940, sur une décision prise par Ripert avant son départ76.
52D’une manière générale, les Facultés des lettres fournirent davantage de collaborationnistes en raison du caractère plus directement idéologique de la littérature et de la philosophie. Un tiers des sanctions prises à la Libération frappèrent des enseignants de lettres, 12 % seulement des juristes. La forte représentation des juristes parmi la haute administration de Vichy conduit néanmoins à souligner le caractère extrêmement formaliste que va prendre en France la législation antisémite. Ripert s’était lui-même entouré de juristes. Joseph Hamel, un professeur de droit commercial dirige son cabinet, Jean Boulanger son secrétariat, tandis que Jean Hourticq, conseiller d’Etat, gère la sécurité sociale des enseignants. Paul Ourliac jouera le même rôle de conseiller juridique dans le cabinet de Jérôme Carcopino.
53A la manière des technocrates issus des Non-conformistes d’avant-guerre, ces hommes mirent d’abord leur savoir-faire au service d’un gouvernement qui défendait certaines de leurs valeurs et qui leur paraissait légitime. Ce qui les amena à fermer les yeux sur les mesures les moins admissibles de Vichy en une euphémisation du droit qu’ils partageaient avec nombre de magistrats, et qui leur sera reprochée tard encore après la Libération77.
54Tout en prenant ses distances avec le Vichy collaborationniste, Ripert va peu à peu s’enhardir dans un antisémitisme feutré. En 1943, il autorise avec Achille Mestre président du jury la publication de la fameuse thèse d’André Broc consacrée à la « qualification juive ». La même année, il préface un livre sur les lois nazies, tout en rappelant la neutralité de « l’homme de science, qui a selon lui, le droit de se désintéresser des conséquences pratiques de ses études »78. Ce raidissement idéologique ne l’aurait pas empêché, mais tout est ici à vérifier, d’aider certains collègues à échapper à la Gestapo, de même qu’il a traîné des pieds, comme la plupart de ses collègues, pour appliquer le numerus clausus d’étudiants juifs dans sa Faculté.
55Arrêté chez lui le 16 novembre 1944 avec semble-t-il une certaine brutalité79, il est d’abord interné à Drancy, avant d’être transféré en novembre 1944 la prison de Fresnes. Il se présente comme « une victime innocente » dans une lettre de décembre suivant80. Il sera placé en liberté surveillée peu de temps avant Carcopino le 14 février 1945. Le 2 mai 1947, dans un contexte tout autre que celui de 1944, la Haute cour de justice prononce un non-lieu pour actes de résistance. Georges Ripert sera réintégré dans l’Université à la fin de 1947 après le vote en août de cette année d’une amnistie des fonctionnaires non condamnés. Une page est tournée, mais le professeur va retirer de la politique économique de la Libération le sentiment que son univers juridique individualiste s’écroule. C’est dans ce ressentiment amer que Ripert va rédiger son testament intellectuel de l’après-guerre.
B - L’après-guerre et le « déclin du droit »
Une « publicisation » des contrats
56L’expression sibylline de « déclin du droit », titre de l’ouvrage que publie Ripert en 1949, renvoie à la domination des faits économiques et sociaux qui caractérise les politiques sociales et économiques keynésiennes de l’après guerre, sur des droits subjectifs malmenés. Dans sa préface, notre auteur invoque Montesquieu et « l’esprit des lois », première reconnaissance chez Ripert de la nécessité d’éclairer les lois du dehors. Mais c’est le Montesquieu moraliste et non l’inventeur de la sociologie du droit qui est montré en exemple81. Ripert tentera six ans plus tard « de rassurer les juristes sur la valeur du droit », car estime-t-il, il existe des « mirages des transformations rapides et heureuses de la société prétendument réalisées par le progrès scientifique et social ». « Ces progrès,-il vise le droit économique et de la sécurité sociale-détruisent la liberté dans le périlleux dessein d’établir un ordre meilleur »82. Il faut croire « au progrès du droit, note-t-il en guise de testament politique et juridique, mais il ne saura être réalisé que par la suprématie des forces morales. Les révolutions ne créent jamais rien et elles peuvent détruire l’idée même de droit »83.
57C’est donc un Ripert à nouveau réactionnaire et moraliste qui referme son message doctrinal. De même qu’il avait critiqué l’interventionnisme du Front populaire, se moquant d’un Etat devenu agriculteur ou constructeur d’avions, il est agacé par le planisme des hommes de 1945. Il y voit un « contrat imposé »84, ou encore « publicisé ». L’Etat n’avait qu’un rôle de rassembleur politique lors de la rédaction du code civil ; on lui assigne désormais la direction de l’économie, regrette-t-il. Il va reprocher surtout au droit rural et au droit des affaires de favoriser l’une des parties. Les baux ruraux amendés par la loi de 1946 en viennent, se plaint-il, à accorder au preneur une véritable propriété culturale. Il avait de même dénoncé avant guerre la quasi propriété du commerçant locataire sur son fonds de commerce après les lois de 1926 et 1935. Dans le droit de la faillite, le décret de 1955 viendra à ses yeux déséquilibrer en accordant au commerçant défaillant trop de pouvoirs sous prétexte de sauvegarde des entreprises. Le contrat moderne est selon lui réglementé de sa naissance à son dénouement : « Le législateur substitue ainsi au libre contrat du code civil une forme qui est mi-contractuelle, mi-légale, dans laquelle la déclaration de volonté n’est plus nécessaire que pour reconnaître la soumission d’une des parties à la situation imposée par la loi » (in Les forces créatrices du droit, 1955).
58L’autonomie de la volonté serait obérée à mains égards. La sanction des dispositions légales deviendrait de plus en plus incertaine. L’ordre public économique appellerait une nullité absolue en cas d’inobservation des clauses des contrats administrés, mais l’Etat laisse souvent une des deux parties gérer le contrat pour plus d’efficacité. Ainsi en matière de vente de fonds de commerce ou de marchés agricoles. C’est dire l’importance d’une réfaction du contrat et le rôle d’expert économique que l‘on attend du juge. En bon commercialiste, Ripert a toujours souhaité le rapprochement du droit et de l’économie. Mais il objecte une fois ce rapprochement effectif dans les années de la Reconstruction que le juge n’est pas formé pour apprécier les tenants de l’ordre public économique. Il en vint alors à regretter en 1946 la totale liberté du commerce et de l’industrie posée par le décret d’Allarde de mars 179185, en un raidissement libéral qui annonce des jours plus lointains.
Un libéralisme désabusé
59Dans son testament doctrinal de 1955, Ripert regrette que « les victimes les plus faibles économiquement, ont dû abandonner une partie de leur liberté pour être protégés ». Elles seraient devenues, regrette-t-il, « les clients d’un Etat patron, sans avoir d’ailleurs la certitude de trouver la sécurité absolue dans le sacrifice de leur liberté »86. Or l’histoire romaine démontre, pour notre professeur, que « la subvention générale » a entraîné l’apathie et la perte du goût du travail. Pour Ripert moraliste, « la loi ne s’impose que si elle est la même pour tous. C’est cette égalité qui assure la liberté ». Il renoue ainsi avec ses premiers travaux défendant l’autonomie de la volonté...
60Cohérent depuis 1929 et la formulation de sa grande « loi naturelle de l’inégalité », notre professeur en conclue en 1955 que « le mal, c’est la substitution de l’abstrait au concret »87. Il désigne par concret l’héritage historique d’une liberté qui limite les lois au cadre minimum de l’ordre public, laissant l’initiative privée se développer harmonieusement. « L’expérience de la propriété collective a entraîné des restrictions plus graves, plus générales et plus profondes de la liberté individuelle »88, rappelle-t-il, pour se féliciter que « notre temps connaît un regain d’intérêt pour une restauration de la philosophie libérale ». Ripert, au total, ne voit « rien de plus raisonnable » que l’article 544 du code civil relatif au droit absolu de propriété. Il a persisté jusqu’à la fin de ses jours avec une résistance opiniâtre au nivellement consubstantiel à l’Etat-providence.
61Il reste heureusement, selon notre juriste néoburkien, la compétition économique pour recréer une nouvelle noblesse : « Quand la naissance, la classe, l’intelligence, l’emploi comptent pour rien, ou pour pas grand-chose, la richesse devient le seul moyen de supériorité »89. Il avait déjà rappelé dans sa polémique avec Lévy combien le capital lui paraît supérieur au travail, parce qu’il est assorti de risque et de devoirs. Défendre l’Occident passe donc par la défense du capitalisme le plus libéral : « La créance capital doit absorber la créance travail, car cette créance, chargée d’obligations, a plus droit au respect que celle qui n’en connaît aucune »90. « Les nationalisations ont été de véritables spoliations », dénonce-t-il en 1949 encore91.
62Cette condamnation rappelle en écho celle des juristes du XIXe siècle pour qui la montée du mouvement ouvrier menaçait des fortunes légitimement acquises. Ripert dépeint comme ses prédécesseurs la société capitaliste libérale comme le seul régime d’Etat de droit dans lequel chacun occupe la place qu’il mérite.
*
**
63Georges Ripert contribua sans doute involontairement, peut-on suggérer pour conclure, aux soubassements intellectuels du libre marché et du néolibéralisme qui triomphera après les années 1980 et la diffusion planétaire des thèses de l’Ecole de Chicago92. Il n’était pas présent au colloque qu’avait organisé en août 1938 à Paris le journaliste américain Walter Lippmann, mais il était comme son collègue de la Faculté Jacques Rueff très proche des thèses qui y furent défendues : lutte contre les politiques keynésiennes, défense de la propriété individuelle, libéralisation du marché. On peut avec le recul apercevoir dans cette manifestation, l’acte de naissance du néolibéralisme, paradigme aujourd’hui dominant. Notre juriste étant disparu en 1958, les polémistes vont déserter pour longtemps les Facultés de droit. Jean Carbonnier, pourtant lui aussi attaché à la portée morale du droit, formulera dans les années soixante une doctrine individualiste plus réaliste et donc plus consensuelle. Une pensée timidement humaniste, euphémisant les rapports sociaux et aisément reproductible se met alors en place dans les études juridiques, note à juste titre Julien George dans sa thèse récente93.
64Parmi les philosophes libéraux, seul Raymond Aron va occuper le devant de la scène dans les années cinquante et soixante. Ancien normalien pétri de culture hégélienne et marxiste avant guerre, Aron va incarner malgré lui le chantre de la France libre-échangiste des trente glorieuses. Il tient pendant pour trente ans la chronique économique du Figaro, et fut l’égérie d’un patronat pressé d’en découdre avec le dirigisme planiste hérité de la Libération. Il publiera en 1955 son manifeste antimarxiste, L’opium des intellectuels, la même année où Ripert donne, dans une indifférence polie, Les forces créatrices du droit. Le relais néolibéral est assuré dix ans plus tard en France par Pascal Salin, qui donne en 1965 son premier opuscule libertarien94.
65Cheminant à contre-courant, notre juriste n’avait cessé de dénoncer et dénoncera jusqu’à sa disparition « le mythe du nivellement social »95, à la manière de Tocqueville qui n’aurait pas admis 1848. Le député de Manche avait compris, lui, le caractère irréversible de la démocratie de masse…
Notes de bas de page
1 Discours de rentrée universitaire de 1938, paru dans La juste parole, 5 mars 1939, sous le titre « Paroles humaines et chrétiennes ».
2 Notre communication « De la toge à la francisque. Joseph-Barthélémy, un juriste entre république et réaction », in N. HAKIM et M. MALHERBES (Eds), Thémis dans la cité, Bordeaux, Presses universitaires, 2009, p. 31-62.
3 Ancien élève de Carcopino à la Sorbonne et professeur d’histoire du droit à la Faculté de droit de Toulouse, Paul Ourliac fut de février 1941 à avril 1942 directeur de cabinet du secrétaire d’Etat à l’Instruction publique et aux Beaux-arts Jérôme Carcopino.
4 G. RIPERT, « Le socialisme juridique d’Emmanuel Lévy », Revue critique de législation et de jurisprudence, 1928, p. 21 et s.
5 G. RIPERT, « Abus de droit ou relativité des droits. A propos de l’ouvrage de M. Josserand », Revue critique de législation et de jurisprudence, 1929, t. 49, p. 33 et s.
6 Sur ce combat des juristes traditionnalistes contre la concurrence des sociologues au début du XXe siècle, F. AUDREN, Les juristes et les mondes de la science sociale, thèse histoire du droit, Paris, 2005.
7 Nous faisons allusion à la monumentale thèse de F. SAULNIER, Joseph-Barthélémy, 1874-1945. La crise du constitutionnalisme libéral sous la Troisième République, Paris, LGDJ, 2004.
8 J. GEORGE, Les passions politiques de la doctrine juridique. Le droit de propriété au XIXe et XXe siècle, Thèse histoire du droit, Université de Toulouse I, déc. 2008, s.d. J. POUMAREDE. L’auteur consacre sa deuxième partie à Josserand et Ripert.
9 A côté du confus C.S. CHUNG, La philosophie juridique de G. Ripert, Mémoire DES, Paris II, 1977, s.d. M. VILLEY, deux meilleures études : Ch. ANDRE, Justice contractuelle et utilité sociale dans l’œuvre de Georges Ripert, mémoire de DEA de droit privé, s.d. J. GHESTIN, Paris I, 1994, et V. BOLARD, Henri Capitant, Georges Ripert, et Louis Josserand dans la doctrine de la première moitié du XXe siècle, mémoire de DEA de droit privé, s.d. J. GHESTIN, Paris I, 1997.
10 A. PIOT, Droit naturel et réalisme, préf. G. RIPERT, Paris, Rousseau, 1930.
11 Dont A. ROUAST, « L’œuvre civiliste de Georges Ripert », Revue trimestrielle de droit civil, 1959, p. 1.
12 Le droit privé au milieu du XXe siècle, études offertes à Georges Ripert, Paris, 2 vol., Sirey, 1950.
13 Jean-Louis HALPERIN a brossé un irremplaçable portrait doctrinal de Ripert in Dictionnaire historique des juristes français, Paris, PUF, 2007, p. 669.
14 G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, Paris, LGDJ, 1ère éd. 1925.
15 G. RIPERT, Les forces créatrices du droit, Paris, Dalloz, 1955.
16 In Les forces créatrices du droit, op. cit., 1955, introduction p. IV.
17 Voir son monumental Traité pratique de droit civil français, cosigné avec M. PLANIOL, Paris, 14 vol., 1925-1933, et son testament en matière de droit commercial : Traité de droit commercial, 1948, 3ème éd. 1954, dont l’esprit est résumé in Aspects juridiques du capitalisme moderne, Paris, 1946.
18 M.R. MARRUS et R. PAXTON, Vichy et les juifs, trad. Paris, Calmann-Lévy, 1981.
19 C. SINGER, Vichy, l’Université et les juifs, le silence et la mémoire, Paris, Les Belles Lettres, 1992.
20 S. EPSTEIN, Un paradoxe français, antiracistes dans la collaboration, antisémites dans la résistance, Paris, A. Michel, 2008.
21 F. GENY, Essai critique sur la méthode d’interprétation juridique, Paris, 1900, et 1919, 2 vol.
22 « Jhering est le précurseur des juristes, souligne Ripert, qui, abandonnant toute conception métaphysique, considèrent la règle de droit comme l’expression de la volonté des gouvernants, sans se demander si cette règle est ou non conforme à un droit idéal qui existerait avant elle », in Les forces créatrices du droit, 1955, op. cit., n° 25 in fine.
23 Dans la Critique de la raison pratique (1788), Kant emploie cette célèbre expression : « deux choses remplissent le cœur d’une admiration et d’une vénération toujours croissante, (…) le ciel étoilé au dessus de moi et la loi morale en moi ».
24 G. RIPERT, « Droit naturel et positivisme juridique », Annales de la Faculté de droit d’Aix, 1918, n° 30.
25 E. LEVY, La vision socialiste du droit, Paris, LGDJ, 1926.
26 G. RIPERT, « Le socialisme juridique d’Emmanuel Lévy », article précité, 1928, p. 26.
27 Par exemple dans Le régime démocratique et le droit civil moderne, Paris, 1947 : « C’est à force de disserter sur le fondement du droit qu’on a, autrefois, développé l’idée démocratique et finalement détruit l’autorité royale », introd. p. 8.
28 In La règle morale dans les obligations civiles, op. cit., 1925, p. 408.
29 Dans sa préface à la thèse précitée de A. PIOT, p. III.
30 G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, op. cit., 1925, p. 27.
31 E. KANT, Critique de la raison pure, op. cit., 1788.
32 G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, op. cit., 1925, p. 10.
33 J. BONNECASE, L’école de l’exégèse en droit civil, Paris, 2ème édition, 1924.
34 G. RIPERT, « Droit naturel et positivisme juridique », article précité, 1918, Annales de la Faculté d’Aix, n° 30.
35 G. RIPERT, ibid., p. 31.
36 « L’idée du droit en Allemagne et la guerre actuelle », Revue internationale de l’enseignement, 1915.
37 Hauriou répond à la position nationaliste et anti-allemande de Ripert contenue dans son article de 1915 par un article plus nuancé paru en 1918 dans le Correspondant, « Le droit naturel de l’Allemagne ».
38 In La règle morale dans les obligations civiles, op. cit., 1925, introd. p. 10.
39 Ibid., n° 23, p. 41.
40 G. RIPERT, Les forces créatrices du droit, op. cit., 1955, p. 157-159. Voir sur ce point la thèse précitée de J. GEORGE, Les passions politiques de la doctrine juridique, Université de Toulouse I, 2008, p. 28.
41 In thèse précitée Les passions politiques…, Toulouse I, 2008, p. 297.
42 Notamment dans son ouvrage le plus connu, Traité des droits d’usufruit, d’usage d’habitation, Dijon, 1824.
43 G. RIPERT, Le régime démocratique et le droit civil moderne, op. cit., 1947, p. 206.
44 G. RIPERT, « Le socialisme juridique d’Emmanuel Lévy », Revue critique…, 1928, p. 21-28.
45 « Le socialisme juridique d’Emmanuel Lévy », op. cit., p. 23.
46 Ibid., p. 24.
47 In Le régime démocratique et le droit civil moderne, op. cit., 1947, p. 450.
48 G. RIPERT, « Le divorce », Revue critique…, 1929, t. 49, p. 512.
49 Ibid., 1939, n° 54, p. 264.
50 L. JOSSERAND, De l’esprit des droits et de leur relativité, Paris, 1927.
51 G. RIPERT La règle morale dans les obligations civiles, op. cit., p. 5.
52 G. RIPERT, « Abus ou relativité des droits, à propos de l’ouvrage de M. Josserand », article précité, Revue critique…, t. 49, 1929, p. 37.
53 In « Le droit de ne pas payer ses dettes », Dalloz, 1936, chronique n° 57, à propos de la loi du 30 août 1936 favorables aux débiteurs.
54 Ibid, p. 206.
55 S. EPSTEIN, Les dreyfusards sous l’occupation, Paris, A. Michel, 2001, p. 202.
56 Sur la continuité des institutions en 1940, J. CHEVALLIER (dir.), La continuité constitutionnelle depuis 1789, Paris, Economica, 1990.
57 Ce furent : Albert Rivaud, agrégé de philosophie nommé en juin 1940 ; Emile Mireaux, agrégé d’histoire et normalien qui lui succède pendant l’été ; Georges Ripert nommé le 6 septembre ; puis Jacques Chevalier, agrégé de philosophie et normalien nommé le 14 décembre 1940 ; Jérôme Carcopino, agrégé normalien d’histoire et archéologue nommé de février 1941 à avril 1942 ; Abel Bonnard, enfin, jusqu’à la chute de 1944, candidat malheureux à l’agrégation, « philosophe » autoproclamé et écrivain qui fut surtout un mondain au sein des milieux collaborationnistes.
58 Cf. S. EPSTEIN, Un paradoxe français…, op. cit., 2008.
59 Voir les mémoires de R. CASSIN, Des hommes partis de rien, le réveil de la France abattue, Paris, Plon, 1974, p. 21-25. La presse pétainiste va approuver la révocation de René Cassin, inventant même une consonance étrangère à son patronyme, Cassini, sous le prétexte que son père était niçois de naissance…
60 « J’ai cru à un salut miraculeux de la France, un renouveau de la mission de Jeanne d’Arc », confie BARTHELEMY dans ses mémoires, Ministre de Vichy, 1941- 1943, Paris, rééd. Pygmalion, 1989, p. 61-62.
61 Cité par C. SINGER, L’Université et les juifs, op. cit., 1992, note 46 p. 59.
62 Cité par C. SINGER, L’Université et les juifs… op. cit., 1992, note 48 p. 59.
63 Sur « l’euphémisation » de Vichy chez les juristes, D. LOCHAK, « La doctrine sous Vichy ou les mésaventures du positivisme », in CURAPP (Amiens), Les usages sociaux du droit, Paris, PUF, 1989, p. 252-285.
64 Sont ainsi exclues de la fonction publique les femmes mariées mères d’au moins trois enfants, car prenant la place des hommes. Des milliers d’institutrices furent ainsi relevées sous l’autorité de Ripert, posant d’insurmontables problèmes d’effectifs dans l’enseignement primaire.
65 Notamment par les pages éclairantes de Cl. SINGER, Vichy, l’Université et les juifs, op. cit., 1992, p. 59 et s.
66 Des hommes partis de rien, op. cit., 1974, p. 21
67 S. de BEAUVOIR, La force de l’âge, note 50 p. 62.
68 Cité par C. SINGER, Vichy, l’Université et les juifs, op. cit., 1992, p. 95.
69 Lettre de Ch. Maurain, doyen ; il adresse à chacun de ses collaborateurs le questionnaire suivant : « M… est-il juif au sens défini par l’article 1er de la loi du 3 octobre 1940 ? (…) réponse : oui ou non, signature ».
70 On connaît le mot fameux d’Yves Bouthillier, ministre des Finances du Maréchal en 1940-1942, « Vichy, c’est la victoire de l’Administration sur la politique ».
71 En ce sens, C. SINGER, Vichy, l’Université et les juifs, op. cit., 1992, p. 97, qui cite des témoignages concordants. La chaire d’histoire du judaïsme créé par Bonnard à la Sorbonne fut boycottée par les enseignants et les étudiants.
72 C. SINGER, L’Université et les juifs, op. cit., 1992, note 52, p. 64.
73 Comme le rappelle un peu rapidement son fils Claude en 1980, in P. GRIMAL, C. CARCOPINO et P. OURLIAC, Jérôme Carcopino, un historien au service de l’Humanisme, Paris, Les Belles lettres, 1981.
74 C. SINGER, L’Université et les juifs, op. cit., 1992, note 32, p. 98.
75 Ibid, note 31.
76 Ripert a chargé son secrétaire général, Jacques Chevalier, de prendre le 7 décembre, donc six jours avant son départ, une circulaire prévoyant le renvoi des enseignants épurés le 19 décembre, au début des vacances.
77 On a en mémoire la querelle intentée à Maurice Duverger dans le journal Le Monde en 1988 à propos d’un commentaire que le jeune agrégé avait donné du premier statut des juifs dans La Revue de droit public de 1940, « une mesure de nécessité publique ».
78 C. SINGER, L’Université et les juifs, op. cit., 1992, note 43, p. 179
79 C’est du moins ce que laisse penser une motion de protestation des enseignants de la Faculté de droit, cité par C. SINGER, L’Université libérée, l’Université épurée, Paris, Les Belles lettres, 1997, p. 231.
80 Lettre à R. Morel, A.N. AJ 16 1803, p. 328-330, cité par C. SINGER, ibid., p. 231.
81 G. RIPERT, Le déclin du droit, op. cit., 1949 : « On se plait à rappeler comment Montesquieu, juriste et philosophe, jugeait les lois et comment il affirmait l’existence de rapports de justice antérieurs et supérieurs à toute loi positive », préface, p. VIII.
82 G. RIPERT, Les forces créatrices du droit, op. cit., 1955, préface p. VI.
83 Ibid., p. VII.
84 R. MOREL, « Le contrat imposé », Etudes Ripert, op. cit., t. 2, 1950, p. 116.
85 G. RIPERT, Aspects juridiques du capitalisme moderne, op. cit., p. 11 : « Le régime qui a été sinon créé, du moins rendu possible par ce texte, sera appelé plus tard régime capitaliste. La Révolution a permis son avènement en faisant place nette. Elle a été utile, non par ce qu’elle a donné, mais par ce qu’elle a détruit ».
86 G. RIPERT, Les forces créatrices du droit, op. cit., 1955, p. 418.
87 Ibid., op. cit., 1955, n° 177, p. 418, note 3.
88 Ibid., op. cit., 1955, p. 208.
89 Ibid., op. cit., 1955, p. 206.
90 G. RIPERT, « Le socialisme juridique d’Emmanuel Lévy », Revue critique…, article précité, 1928, p. 31.
91 Ibid., 1949, p. 210.
92 On connaît les thèses monétaristes développées par Milton FRIEDMAN et ses élèves. Friedman fut aussi, ceci est souvent ignoré, un épistémologue et un philosophe de la liberté dans son premier ouvrage, Capitalisme et liberté, paru aux Etats-Unis en 1962.
93 Thèse précitée, Les passions politiques de la doctrine juridique, Toulouse I, 2008, p. 323.
94 P. SALIN, Une contribution à la théorie du revenu permanent, Paris, PUF, 1965.
95 G. RIPERT, Les forces créatrices du droit, op. cit., 1955, p. 63.
Auteur
Professeur d’histoire du droit, directeur du PRHAL/CECL, Université de Pau
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les Facultés de droit de province au xixe siècle. Tome 1
Bilan et perspectives de la recherche
Philippe Nélidoff (dir.)
2009
Les Facultés de droit de province au xixe siècle. Tome 2
Bilan et perspectives de la recherche
Philippe Nélidoff (dir.)
2011
Les désunions de la magistrature
(xixe-xxe siècles)
Jacques Krynen et Jean-Christophe Gaven (dir.)
2012
La justice dans les cités épiscopales
Du Moyen Âge à la fin de l’Ancien Régime
Béatrice Fourniel (dir.)
2014
Des patrimoines et des normes
(Formation, pratique et perspectives)
Florent Garnier et Philippe Delvit (dir.)
2015
La mystique déracinée. Drame (moderne) de la théologie et de la philosophie chrétiennes (xiiie-xxe siècle)
Jean Krynen
2016
Les décisionnaires et la coutume
Contribution à la fabrique de la norme
Géraldine Cazals et Florent Garnier (dir.)
2017
Ceux de la Faculté
Des juristes toulousains dans la Grande Guerre
Olivier Devaux et Florent Garnier (dir.)
2017