L’économie politique à la faculté de droit de Bordeaux, un enseignement nouveau vecteur d’affirmation et de rénovation
p. 445-474
Texte intégral
1Qui étudie l’enseignement de l’économie politique dans les Facultés de droit se trouve nécessairement au cœur de la rénovation de la pensée juridique et de l’évolution des études de droit car cette matière porte en elle-même les marques de cette transformation. Cet enseignement comporte par ailleurs une spécificité commune à toutes les Facultés de droit : il ne s’est pas imposé de lui-même dans les études juridiques. L’histoire de l’enseignement de l’économie politique dans les Facultés de droit pourrait même être qualifiée de quête puisque les professeurs d’économie politique ont dû œuvrer pour la reconnaissance de ce cours dans le cursus des études de droit.
2Or, l’étude de cet enseignement dans une Faculté de droit précise, et en particulier en province, permet d’analyser un tel cours sous l’angle de la localité, de le dégager de la pyramide topique en haut de laquelle Paris constitue le centre décisionnel et le cœur culturel et scientifique de la France. Le prisme de Bordeaux, patrie de Portal, Bastiat et Montesquieu, tournée depuis longtemps vers le libre-échange et les questions économiques en général, permet en outre d’étudier les différentes facettes reflétant sa situation de ville commerçante et portuaire, qui accueillait déjà un cours d’économie politique à la Société philomathique et dans le cadre de la Chambre de commerce de Bordeaux. Il apparaissait dès lors assez naturel que, lors de la fondation de la Faculté de droit, la question de l’instauration d’une chaire d’économie politique se posât.
3 L’enseignement juridique avait intégré de l’économie politique depuis 18641 mais son ancrage définitif et officiel ne s’est produit au niveau national qu’en 1877. En se dotant d’un cours complémentaire d’économie politique depuis 1874 et d’une chaire en 1876, la Faculté de droit de Bordeaux, créée le 15 décembre 1870, fit partie des Facultés de droit qui, comme celles de Nancy et de Douai2, précédèrent le décret du 26 mars 1877 faisant obligation aux Facultés de droit, dans son article 2, d’introduire l’économie politique « au nombre des matières de la seconde année des études juridiques ». La Faculté de droit de Bordeaux a eu, à cet égard, une part active dans l’évolution de l’enseignement de l’économie politique comme matière devant compter au nombre de celles composant les études juridiques. L’implication des professeurs bordelais pour cet enseignement révèle que l’intérêt montré pour cette matière dépassait de loin l’obligation imposée par le décret de 1877.
4A la veille du décret de 1877, sept Facultés de droit de province étaient alors dotées d’un cours d’économie politique, sous forme de cours complémentaire ou de chaire3. Or, ces créations ont été le fruit de la volonté de certains professeurs et d’une collaboration avec les institutions locales, notamment dans les villes ayant un pôle économique et commercial important, comme Lyon, Marseille ou Bordeaux. Le cours complémentaire, véritable tremplin permettant d’accéder à la création d’une chaire, sera un moyen d’action incontestable aux mains des Facultés de droit de province pour pallier l’inertie du pouvoir central et devancer son action. Mais la légitimité suprême d’un cours reste toutefois l’obtention de la chaire officielle, et en disposant de celle-ci avant le décret de 1877, la Faculté girondine a fait montre d’une volonté certaine d’affirmation, tant institutionnelle, politique que scientifique.
5 Quelle a été, dès lors, la place de cette Faculté dans l’évolution de l’enseignement de l’économie politique ? Fut-elle une pierre de plus à l’édifice ou en a-t-elle été l’un des maîtres d’œuvre ?
6Si nous avons observé qu’il n’y a pas, à proprement parler, d’« école bordelaise » d’économie politique au XIXe siècle, il est cependant évident qu’il existe une dynamique particulière. En effet, chacun des professeurs d’économie politique de la Faculté de droit de Bordeaux a œuvré activement pour cette matière, non seulement au niveau local mais aussi au niveau national et même international. Leur œuvre s’est manifestée dans cette volonté d’affirmation idéologique des juristes-économistes face aux économistes puis face aux juristes : affirmation institutionnelle des pouvoirs locaux face au pouvoir central ; affirmation scientifique également d’une Faculté de province face à la Faculté de droit de Paris et, plus spécifiquement au niveau local, de la jeune Faculté de droit, créée le 15 décembre 1870, face aux autres institutions locales.
7Ces différents points innervant la dynamique de l’évolution de l’enseignement de l’économie politique à Bordeaux se retrouvent tant dans l’instauration et le développement du cours lui-même (I) que du point de vue de l’implication scientifique et doctrinale (II).
I - L’ancrage résolu du cours d’économie politique dans la Faculté bordelaise
8Par son caractère innovant et encore officieux, puisque ce n’est qu’en 1877 que le décret imposa son enseignement dans les Facultés de droit, le cours d’économie politique a constitué un moyen de se distinguer pour la Faculté de droit de Bordeaux et de s’affirmer non seulement dans la ville mais aussi à l’échelon national.
9La mise en place du cours d’économie politique a d’abord été, comme dans d’autres Facultés de droit de province, le fruit d’une initiative locale suivie d’un arrêté ad hoc (A) avant de rentrer dans le cadre de la loi générale avec le décret de 1877 (B).
A – Une initiative locale (1870-1877)
10La création de la chaire d’économie politique à la Faculté de droit de Bordeaux a été le résultat d’une action concertée des forces locales, représentées par la mairie de Bordeaux, la Chambre de commerce et la Faculté de droit elle-même. Ces trois institutions ont œuvré, par le truchement du rectorat, auprès du ministère de l’Instruction publique et des Cultes pour obtenir cette chaire. Leur action a été motivée par la conviction de la nécessité d’un tel enseignement au sein de la Faculté de droit. Les circonstances et enjeux de la création de cette chaire croisent des facteurs non seulement politiques, économiques et scientifiques mais aussi un facteur humain, personnalisé par le doyen Amédée Couraud qui en fut le maître d’œuvre.
11L’obtention de la chaire d’économie politique le 25 octobre 1876 (2) a été précédée par des initiatives locales, comme la création d’un cours complémentaire, et par d’itératives requêtes auprès du gouvernement (1).
1 - Le timon : le cours complémentaire (1870-1876)
12Parmi les moyens utilisés pour l’instauration de l’économie politique, l’étape de la création du « cours complémentaire » a été essentielle. D’initiative locale pour son lancement et son financement, la création de ce cours était plus libre, même si son enseignement ne l’était pas totalement puisque l’Etat, à travers le ministère de l’Instruction publique et des Cultes, se réservait le choix de l’enseignant, tout en suivant généralement l’avis donné par le rectorat4. Constituant souvent un tremplin vers la création d’une chaire officielle, le cours complémentaire fut introduit à la Faculté de droit de Bordeaux avant même le décret du 21 septembre 1876, qui officialisait cette pratique, puisque deux cours complémentaires avaient été créés en 1874 dont celui d’économie politique5.
13S’il a permis d’impulser cette discipline, le cours complémentaire devait cependant représenter une transition. Semestriel6 et optionnel, il n’avait pas le même rayonnement que la chaire, qui demeurait le but ultime des démarches effectuées. Les circonstances et la procédure de création de ce cours permettent toutefois de saisir l’importance qu’il revêtait et de mesurer la détermination qui mènera à la création de la chaire. L’instauration d’un cours complémentaire d’économie politique à la Faculté de droit de Bordeaux était montrée comme une nécessité (a), tandis que son enseignement par un juriste était jugé « indispensable » (b).
a - Un cours nécessaire
14Anciennement professeur de droit romain à Toulouse (1855-1859), puis professeur titulaire de droit administratif à la Faculté de droit de Grenoble depuis 1859, Amédée Couraud avait dispensé un cours complémentaire d’économie politique à la Faculté de droit de Grenoble depuis 18657. A peine entré en fonction à Bordeaux comme professeur de droit romain, en janvier 1871, avant de devenir doyen un mois plus tard, Couraud lança la procédure de création de la chaire. Le caractère « changeant » de ce professeur s’est mué en véritable détermination lorsqu’il a été question de créer une chaire d’économie politique dans cette Faculté. Son souhait exprimé rejoignait des éléments à la fois personnels, politiques et scientifiques, qui révélaient non seulement la volonté des Facultés de droit de province de se distinguer mais aussi le mouvement général de l’évolution de l’enseignement de l’économie politique à l’échelon national.
15Dans son discours prononcé pour l’inauguration du nouveau bâtiment de la Faculté de droit de Bordeaux, le 20 novembre 1873, le doyen Couraud établit un lien nécessaire entre la Faculté bordelaise et la chaire d’économie politique. Présentant l’institution dans des termes élogieux, parlant de « Faculté puissante », il profita en effet de l’occasion pour réclamer des « chaires utiles » et « nécessaires », soit celles de droit maritime et de droit pénal, mais aussi celle d’économie politique.
16Sa volonté de voir instaurer ces chaires intéressait des considérations empiriques et économiques liées à la situation économique et politique de Bordeaux : « Si Bordeaux s’est élevé au rang qu’il occupe, c’est par l’économie politique, c’est par le commerce, c’est par le culte traditionnel et la pratique savante de cette législation spéciale […]. Quant à la chaire d’économie politique, qui oserait en nier l’indispensable utilité dans le pays de Bastiat, dans la patrie de Fonfrède, dans le grand centre commercial et maritime, qui est la place vraie de cette science toute expérimentale […] »8. Cette évocation dévoile par ailleurs une démarche historique à l’endroit de l’économie politique, laquelle se retrouvera dans la méthode suivie au sein des cours. Sous cet angle, l’enseignement de l’économie politique apparaissait comme une évidence à Bordeaux.
17Le doyen Couraud ne fut pas seul à œuvrer pour l’introduction de ce cours et la conviction de la nécessité de cet enseignement fut partagée par d’autres, les institutions locales unissant leurs efforts à cet égard. La mairie de Bordeaux et la Chambre de commerce vont ainsi épauler le doyen et constituer, par le truchement du recteur de l’académie de Bordeaux, une force locale auprès du gouvernement. En 1873, le doyen Couraud félicita d’ailleurs cette collaboration en appelant les autres parties à la reconduire : « […] j’espère que le titulariat viendra bientôt récompenser ses efforts et ses talents, je l’espère surtout si la Chambre de commerce qui a déjà tant fait pour nous (par l’institution des prix Bastiat et Montesquieu) ; si le barreau de Bordeaux, qui connaît si bien la pratique et les difficultés du droit maritime ; si votre magistrature enfin, Compagnie éminente du savoir s’unit à la simplicité et à la dignité des vertus judiciaires ; si tous les corps, dis-je, veulent seconder les démarches du doyen et de l’académie »9.
18L’initiative locale s’est également illustrée à travers l’action municipale, qui s’est d’abord manifestée par le biais de l’aide financière, soit 800 francs par cours « en cas d’insuffisance des recettes »10, pour ensuite s’exprimer dans les délibérations du Conseil municipal, comme au printemps 1872 lorsque le maire de Bordeaux, Emile Fourcand, émit expressément le vœu de la création d’une chaire d’économie politique, jugée nécessaire, vœu qu’il transmit au rectorat qui abonda dans son sens11.
19La Chambre de commerce de Bordeaux a quant à elle participé à la promotion de l’économie politique, à laquelle elle voulait associer la Faculté et le rectorat. Elle a organisé des concours qui portaient sur des questions d’économie politique, inspirées par les travaux de Bastiat ou de Montesquieu12, le choix de ces auteurs dévoilant l’orientation libérale des organisateurs. Pour cette institution, il s’agissait d’assurer la promotion de l’économie politique : « La Chambre de commerce de Bordeaux désirant contribuer aux progrès des études sérieuses d’économie politique et de jurisprudence, vient de fonder deux prix […] »13. Ces objectifs scientifiques apparaissaient comme une volonté appuyée de la part de l’institution de « propager le goût des sciences économiques »14.
20Mais la dynamique de la collaboration s’arrêtait à ces relations car l’enseignement de l’économie politique devait quant à lui être réservé à la Faculté de droit et revenir nécessairement… à un juriste !
b – Un cours de juriste
21L’instauration du cours d’économie politique à la Faculté de droit de Bordeaux généra des convoitises. Des candidatures vinrent, la première de la Chambre de commerce de Bordeaux et la seconde d’un avocat, formulée en 1874 par un Toulousain inscrit au Barreau de Bordeaux, Edmond Bonnal, et déboutée pour des motifs purement administratifs15, cette dernière ne présentant toutefois qu’une démarche isolée ne présumant pas une action concertée de la part du Barreau. Toute autre fut la démarche de la Chambre de commerce.
22Dès 1872, des « discussions » avaient été engagées entre la Chambre de commerce et le rectorat à propos de l’enseignement de l’économie politique. La Chambre proposait déjà un tel cours, dispensé dans le cadre du diplôme de capacité qu’elle délivrait. Il fut même suggéré un temps de « fondre » les cours dispensés dans les deux institutions en « un seul » et de le confier à M. Lescarret, économiste chargé de ce cours à la Chambre16. Assez tôt cependant, une frontière a été tracée entre les deux institutions et leurs agents, pour ce qui avait trait à cet enseignement. Les juristes de la Faculté de droit de Bordeaux, le doyen Couraud en tête, se sont opposés à la candidature de Lescarret, n’hésitant pas à dénoncer un article du Journal des économistes qui présentait celui-ci sur un ton dithyrambique. Reflétant en un rai l’opposition des économistes et des juristes pour l’enseignement de l’économie politique17, cette querelle était aussi guidée par la volonté toute personnelle du doyen de dispenser ce cours qu’il proposait même d’enseigner gratuitement : « […] Je ne demande rien comme chargé de ce cours. // J’y ai eu, je crois, du succès à Grenoble comme à Bordeaux. // Toute autre nomination me blesserait après que Mr. le Ministre m’a prié de faire ce cours, me l’ôter serait me diminuer à la tête de la Faculté ! »18. Si Couraud n’a pas été un théoricien reconnu en économie politique, son enseignement fut néanmoins fort apprécié par ses contemporains, comme en attestent les notes confidentielles des années 1865 et 1866 : « Ses cours ou ses leçons d’économie politique ont eu un véritable succès »19.
23Ses efforts ne furent pas vains : le 8 octobre 1874, un arrêté du ministère de l’Instruction publique autorisait enfin Couraud à donner un cours complémentaire d’économie politique20. Il l’enseigna pendant deux ans gratuitement, conformément au vœu exprimé21. Cette gratuité fut également adoptée par Rozy à Toulouse22. Liée peu ou prou au statut du cours lui-même, elle n’en dévoile pas moins le désintéressement de ces professeurs et leur détermination dans l’introduction de cette matière.
24L’enseignement de l’économie politique par un professeur de droit fut par ailleurs présenté comme une nécessité pour des raisons à la fois pédagogiques, scientifiques et politiques. Le 8 janvier 1873, Couraud s’adressait ainsi au recteur : « Il commandait, à Bordeaux surtout, d’inaugurer à la Faculté un enseignement sérieux et scientifique de l’économie politique. Un cours qui se fait en ville nous impose le devoir étroit de ne pas laisser à d’autres mains que les nôtres cet important enseignement, important par le bien qu’il peut produire à condition d’être bien dirigé »23. Cette saine direction de l’enseignement renvoie à la crainte générale de la propagation des idées socialistes, alors communément partagée pour ce qui concernait l’économie politique. Elle se retrouve particulièrement à Grenoble dans les notes confidentielles relatives à Couraud, au sein desquelles le recteur évoquait, en 1866 déjà, la « salutaire influence » de ses cours du soir qui permettaient « […] la propagation des saines idées économiques »24. Cette matière suscitait en effet la méfiance car, se proposant d’étudier l’économie politique, elle croisait nécessairement les politiques économiques et, par extension, les idées politiques, à un moment où les effets sociaux de la révolution industrielle se faisaient sentir et animaient des questions nouvelles telles que le salariat, le patronat, la grève ou l’intervention de l’Etat. Cet enseignement devait dès lors être « bien dirigé », il en allait de la « paix sociale », exacerbée par le souvenir brûlant de la Commune. La crainte de la propagation des idées socialistes est palpable dans les propos relatifs à l’enseignement de l’économie politique, comme elle l’avait été dans les débats qui ont précédé le décret de 187725. Cette vertu attribuée à l’enseignement de l’économie politique se retrouve à divers égards, comme en 1872 quand Rozy, alors professeur de droit administratif à la Faculté de droit de Toulouse, relève dans le Journal des économistes, que l’enseignement de l’économie politique dans les écoles normales et primaires constituait un rempart contre la propagation du socialisme : « Là seulement est le remède le plus sérieux contre les rêves d’un socialisme ignorant et les violences qu’il peut engendrer »26.
25A Bordeaux, cette crainte s’était déjà manifestée avec la suppression du cours public professé par Frédéric Passy, à l’Ecole de droit de Bordeaux, en raison de son contenu subversif27. Cette situation, qui n’est pas sans rappeler la suppression de la chaire de Chevallier sous la Deuxième République, montre à quel point l’économie politique représentait une matière sensible pour l’autorité publique, du fait de la présence nécessaire des théories politiques. Ceci étant dit, cette crainte commune n’a cependant pas été exprimée de manière expresse dans les sources relatives à la Faculté de droit de Bordeaux et elle n’a pas constitué le centre des réflexions, même si elle apparaissait en filigrane.
26La création du cours complémentaire a permis d’introduire l’économie politique dans le cursus des étudiants en droit de la Faculté. Fruit de l’action conjointe des forces locales, ce cours a constitué un tremplin vers la création de la chaire qui fut, elle aussi, le produit de ces initiatives locales répétées.
2 - L’ancre : la chaire fondée le 25 octobre 1876
27Le cours complémentaire a bien constitué une solution intermédiaire car, à chaque requête formulée, c’était la chaire qui était demandée. Un arrêté du 25 octobre 1876 crée enfin la chaire d’économie politique et la confie à Charles Gide, qui sera titularisé en 187928. La carrière du futur chantre de l’économie politique n’en était qu’à ses balbutiements lorsqu’il fut nommé à Bordeaux29 et elle aurait été entamée sans conviction ni enthousiasme30. Selon certains de ses biographes, il n’aurait même pas apprécié cette ville… En outre, à son arrivée à la Faculté de droit de Bordeaux, Gide se vit confier le cours de droit des gens, enseigné en quatrième année31, tandis que le cours d’économie politique, encore cours complémentaire, était dispensé par le doyen Couraud. C’est pourtant dans cette Faculté qu’il a pris contact avec cette carrière et enseigné pour la première fois cette matière qu’il ne quittera plus. Bordeaux n’a pas été pour Gide qu’un passage, mais bien un pas décisif pour sa carrière, voire une révélation…
28Si Bordeaux a été pour Charles Gide un élément de révélation de l’enseignement de l’économie politique, il le lui rendra finalement bien. Lorsqu’il crée la Revue d’Economie Politique en 1887, il obtient le soutien de ses anciens collègues bordelais, qui partageaient avec lui les visées éclectiques et d’ouverture de cette revue, ramifiant les juristes et économistes de toutes les Facultés de droit de France et de l’étranger. Gide intègre ainsi à la Revue Fernand Faure, son successeur à la chaire bordelaise, et surtout Henri Saint-Marc, qui sera le secrétaire de rédaction, puis des publicistes comme Léon Duguit et Henri Barkhausen, ou encore De Loynes, professeur de droit civil. Tous ces Bordelais ont collaboré à cette Revue qui constitue le véritable instrument d’affirmation scientifique de l’économie politique des Facultés de droit face aux économistes et qui s’analyse, en outre, comme une revue d’initiative provinciale à vocation nationale.
29La Faculté de droit de Bordeaux a regretté le départ de Gide pour Montpellier32. Ce fut Fernand Faure qui le remplaça et qui enseigna ce cours de 1880 à 188533 ; lui succéderont, pour le XIXe siècle, Henri Saint-Marc (1885-1897)34, François Sauvaire-Jourdan (1897-1919)35 et Joseph Benzacar (1895-1932)36.
30La chaire obtenue grâce à l’action des institutions locales, le cours d’économie politique revêtait une légitimité nouvelle par son caractère officiel, tout en conservant la spécificité de sa création d’initiative locale. Un an plus tard, il entrait sous l’égide de la loi générale avec le décret du 26 mars 1877 qui rendait obligatoire l’enseignement de l’économie politique dans les Facultés de droit.
B – La dynamique locale au sein de l’évolution nationale (1885-1900)
31L’évolution de la chaire se fera au gré des réformes qui ont jalonné l’enseignement supérieur et qui ont, à chaque fois, ajouté à l’affirmation et à la reconnaissance de l’économie politique37. Il ne s’agira pas, ici, de se perdre dans la prolixité des textes mais bien de saisir la place qui a été réservée à ce cours au sein de la Faculté tout au long de cette évolution.
32Une remarque qui s’impose d’emblée intéresse l’ancrage progressif de cette matière dans les études de droit : d’abord rendue obligatoire en deuxième année de licence en 1877, elle a ensuite gagné les différents échelons du cursus du licencié en droit, du docteur en droit38, puis du docteur es sciences politiques et économiques, la réforme de 1895 ayant créé ce doctorat spécifique39. L’évolution de l’économie politique comme science autonome s’est ainsi faite par le haut et par le caractère obligatoire des cours d’économie politique dans le programme des enseignements.
33Dans ce mouvement, l’influence du modèle allemand est d’ailleurs sensible40. Reconnaissant l’économie comme une science autonome, ce modèle proposait un enseignement complet, autant théorique que pratique, dispensé par des spécialistes et comportant un nombre important de matières permettant une appréhension experte de l’économie. Or, la Faculté de Bordeaux ne s’est pas contentée de suivre le mouvement général qui orientait les intellectuels français vers le modèle allemand41, elle en a été la cheville ouvrière avec la Faculté de lettres qui l’avait précédée, notamment grâce à Louis Liard, professeur qui fut directeur des enseignements supérieurs au ministère de 1884 à 1880. C’est un professeur d’économie politique bordelais qui s’est trouvé à la base de cette évolution : Henri Saint-Marc. Dépêché par le gouvernement en 1891, il établit un rapport de 160 pages qui sera diffusé par le biais de la Revue d’Economie Politique42.
34De manière générale, le corps des professeurs de la Faculté de droit adhérait à ces perspectives nouvelles, même si au sein de cette évolution, le statut du cours d’économie politique a varié et suscité des questions lors des réformes. Pour certains, comme le professeur de droit administratif et conseiller municipal, Henri Barckhausen43, ce cours ne revêtait qu’une importance relative due à son faible apport pédagogique et méthodologique, ajouté à la surcharge de cours qu’il conférait aux étudiants : « Si l’on craint tant de surcharger nos élèves, qu’on les délivre donc d’une partie du poids qu’ils supportent sans profit appréciable ! »44. Il reste néanmoins que l’économie politique était à l’honneur et la Faculté girondine a fait montre d’une détermination certaine pour lui assurer une bonne place dans le cursus des étudiants en droit. Son maintien a par ailleurs dévoilé une volonté d’affirmation de cette Faculté de droit de province face à celle de Paris. Lorsqu’il fut question de supprimer certains cours à l’occasion de la réforme de la licence, en 1895, le professeur d’économie politique François Sauvaire-Jourdan regretta ainsi amèrement la place moindre des Facultés de droit de province face à Paris et sembla même appeler celles-ci à une certaine mobilisation :
35« […] et demandez-vous si vous pouvez en accepter la disparition sans craindre de diminuer énormément le rôle social de nos Facultés et de nuire à l’œuvre de l’enseignement supérieur de notre pays. Ces cours, il est vrai, ne disparaîtraient pas partout et ils subsisteraient sans doute à la Faculté de droit de Paris. Mais pouvons-nous voir sans regrets cette sorte de déchéance des Facultés de droit de province ? Pouvons-nous accepter qu’à tant de prétentions à la prépondérance, la Faculté de droit de Paris ajoute encore à celle-là ? »45.
36Ici, le maintien du cours d’économie politique apparaissait comme un moyen d’affirmation, voire d’indépendance des Facultés de droit de province vis-à-vis de Paris.
37L’évolution de l’économie politique a par ailleurs été conjointe à celle des études « économiques et politiques », qui ont introduit une formation qui s’est faite de plus en plus experte, avec la création en 1896 du doctorat de sciences politiques, économiques et professionnelle, jusqu’à devenir indépendantes en 1959. L’enseignement de l’économie politique, « professionnalisé » par la création d’une agrégation spécifique en 189546, a eu une place de choix dans l’évolution de ce cursus, tout en demeurant une matière nécessaire à l’ouverture de l’enseignement du droit vers les sciences sociales. Au gré de ces transformations, l’économie politique devait faire sa place et l’attrait des étudiants pour cette matière, en adéquation avec l’évolution de la société, s’est notamment illustré à travers le choix des sujets de thèses47.
38Le cours d’économie politique a participé, s’il n’en a été le moteur, à la diversification des matières enseignées en Faculté de droit et, partant, au renouveau de la science juridique et du mouvement de transformation du droit. De fait, il s’intègre parfaitement dans le mouvement apparu de 1880 à 1920 qui, comme le souligne André-Jean Arnaud, « consacre la fin du règne des civilistes »48. Les professeurs d’économie politique de la Faculté de droit de Bordeaux ont eu un rôle effectif dans cette évolution.
II – Le rôle effectif des professeurs bordelais dans l’évolution de l’économie politique
39Pour être une matière reconnue et acceptée, le cours d’économie politique a dû s’intégrer aux études de droit. L’économie politique enseignée dans les Facultés de droit était en tous points distincte de celle étudiée par les « économistes ». En un sens, une « école nouvelle » s’était formée, qui suivait une voie différente en matière de méthode et de doctrine, et les professeurs bordelais y ont adhéré. Pour assurer l’harmonie avec les juristes (n’oublions pas que les professeurs d’économie politique furent juristes avant de devenir « juristes-économistes » en 1895), l’économie politique a suivi les méthodes employées par la science juridique. Le mouvement ne s’est cependant pas fait en un seul sens puisque l’économie politique a également participé de la rénovation de la pensée juridique dans sa méthode comme dans sa théorie. Elle était nécessairement amenée à n’être pas exclusivement « publique » mais à intégrer également des éléments de droit privé, regardant ainsi le lien entre les sphères publique et privée49. Nécessairement évolutive, en ce qu’elle repose sur l’observation des faits économiques et sociaux, l’économie politique a évolué et s’est même rénovée sur le terrain de la pensée, servant par là même la rénovation de la pensée juridique. Elle s’est par exemple penchée sur le droit de propriété vis-à-vis duquel, à l’instar d’un nombre croissant de civilistes et de publicistes, elle a critiqué à l’envi les excès de la conception individualiste en orientant la propriété vers sa « fonction sociale »50.
40Les professeurs de la Faculté de droit de Bordeaux ont joué un rôle déterminant à plusieurs égards dans l’évolution et la rénovation de l’économie politique et leur pensée s’est exprimée non seulement dans les amphithéâtres de la Faculté de droit51, mais aussi dans plusieurs conférences publiques et au sein de sociétés savantes, comme la Société d’économie politique de Bordeaux, dont Fernand Faure fut l’un des fondateurs52, ou la Ligue Nationale des économistes co-fondée par ce dernier et Charles Gide, ou encore dans leurs collaborations aux revues locales, comme celle de la Société philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest ou, nationales, comme la Revue d’économie politique. L’instauration du cours d’économie politique s’est parfaitement intégrée dans le mouvement de transformation des études de droit et de développement des sciences sociales. Ainsi, fille de la IIIe République, la Faculté de droit de Bordeaux est entrée de plain pied dans cette évolution à laquelle ont pris activement part des professeurs d’économie politique, « sensibles aux idées nouvelles et convaincus des mérites de la sciences allemande »53, et plutôt réformateurs. Réfutant l’orthodoxie, l’exclusivisme et le dogmatisme, ils ont montré leur volonté d’ouverture et d’évolution, aussi bien dans leurs choix méthodologiques (A) que dans leurs positions doctrinales (B).
A – Une science expérimentale
41La méthode, essentielle en économie politique en ce sens qu’elle induit la doctrine, a généré des réflexions de la part des professeurs d’économie politique. A la Faculté de droit de Bordeaux, conformément au mouvement né de l’influence de l’école historique allemande, introduit, en France, par Wolowski pour l’économie politique et, plus précisément dans les Facultés de droit par Cauwès54, la plupart des professeurs d’économie politique ont adhéré à l’historicisation de l’économie, laquelle débouche sur une méthode positive et concrète qui se base sur l’analyse des faits. En ce sens, la Faculté de droit girondine épousait le mouvement général existant dans l’enseignement de l’économie politique au sein des Facultés de droit, où la méthode historique emportait l’adhésion sans considération de leur appartenance libérale ou non55. La Faculté de droit de Bordeaux ne s’est pas pour autant laissée enfermer dans un cadre précis : elle a rejoint et même instigué l’évolution de la méthode vers l’éclectisme, lequel mènera, plus tard, à la pensée de Truchy sur la négation du conflit de méthodes en économie politique56.
42Professeurs à l’expression pédagogique remarquée, comme en attestent les diverses sources, ils se sont rejoints dans une conception similaire de l’économie politique qui les a fait évoluer au sein de la méthode inductive (1) et les a même conduits à inventer des moyens nouveaux pour son appréhension (2).
1 – La méthode inductive comme fil conducteur
43La méthode historique a fait l’objet d’analyses à la Faculté de droit de Bordeaux et les professeurs bordelais se sont distingués, tout en s’inscrivant dans le courant général. Acquis à cette méthode, ils ont évolué vers l’éclectisme en proposant leurs vues57. On trouve en effet, chez certains de ces professeurs, comme Henri Saint-Marc ou François Sauvaire-Jourdan, des traces de marginalisme, méthode qui, en retenant une théorie subjective de la valeur, se base sur l’utilité du bien ou du service pour déterminer la valeur et non sur des données purement objectives.
44Dans ce mouvement, l’influence de la méthode allemande a été particulièrement marquée à Bordeaux. Exposée clairement par Henri Saint-Marc dans son rapport, elle reçoit également l’influence de l’Ecole historique économique de Guillaume Roscher, pour lequel « les phénomènes économiques sont soumis à des rapports nécessaires de séquence et de coexistence, non seulement entre eux, mais encore relativement aux autres phénomènes sociaux, les mœurs, le droit, la religion, la constitution politique, les relations internationales, etc. »58. Comme le relève justement le professeur bordelais, cette méthode ressemble à celle de Montesquieu : l’influence du climat, de la situation économique, des mœurs, etc. sur les lois menaient tout droit à l’analyse historique. Or, en accueillant le cours d’économie politique dans cette ville commerçante de Bordeaux où l’économie se confond avec l’histoire de son commerce, la Faculté de droit ne se plaçait-elle pas elle-même dans une perspective historique ? Rappelons les arguments exprimés par Couraud pour la création de cette chaire.
45Plus concrètement, la question de la méthode a constitué un élément pédagogique : les professeurs bordelais ont précisé la méthode choisie dans leurs cours. Ainsi, le premier professeur d’économie politique de cette Faculté, Amédée Couraud, prétend lui-même, dès le début de son cours, suivre la méthode historique59. Chez celui-ci, plus que chez ses successeurs, l’élément moral et religieux prend une place prépondérante dans l’analyse. Par ce biais, il rejoint l’« école éthique » qui, intégrée dans l’école historique, accentue le caractère moral, soit l’impact de la religion et des mœurs sur l’économie. Cette relation est visible à plusieurs égards dans le cours de Couraud, notamment lorsqu’il analyse la doctrine de Malthus face aux lois de la morale et de la religion, évoquant saint Paul face aux économistes ! L’importance de la morale est également très présente chez Gide.
46Charles Gide a sans doute été le moins profondément acquis à la méthode historique mais sa position, plutôt éclectique, ne fut jamais totalement figée. Dès 1881, il défend en effet nettement la méthode déductive en critiquant l’historicisme et en soutenant les méthodes abstraites. Proche de Walras et inclinant vers l’idée de l’existence de l’« économie pure », il n’adopte en rien une position radicale. En effet, si dans le dernier cours professé à Bordeaux en 1880, il souligne le faible apport de l’expérimentation pour l’étude de l’économie politique60, il admettra cependant dans certains de ses articles que celle-ci est nécessaire, bien que, selon lui, l’économie politique ne saurait jamais être une science exacte. La définition de l’économie politique exposée dans son cours exprime clairement son approche : réfutant les thèses la définissant comme « science mathématique » (Jevons, Cournot, Walras)61 ou comme « science purement morale », il la présente comme une science naturelle : « […] elle est une science naturelle : elle étudie les lois suivant lesquelles les sociétés humaines pourvoient à leur existence matérielle ». Constituant un élément particulier au sein des professeurs bordelais, il ne rompt pas pour autant le fil conducteur de la méthode inductive à laquelle ces derniers sont acquis.
47Saint-Marc a contribué à l’évolution de la méthode en économie politique, en apportant une analyse comparative des diverses méthodes en cours dans les Universités d’Outre-Rhin. Il a par là même apporté une certaine rénovation de l’enseignement de l’économie politique, comme le souligne le recteur en 1893 : « M. Saint-Marc a renouvelé à la Faculté l’enseignement de l’économie politique. Très au courant des écoles modernes d’économistes, il donne aux étudiants un enseignement très substantiel et très neuf »62. Après lui, François Sauvaire-Jourdan apporta un éclairage sur le marginalisme anglais, en traduisant l’ouvrage du fondateur de l’« Ecole de Cambridge », Alfred Marshall63.
48En présentant ces écoles, le professeur Henri Saint-Marc a aussi dévoilé ses propres penchants, notamment son refus de l’orthodoxie64 et sa préférence pour certaines positions nouvelles et médianes, comme celles des marginalistes autrichiens qui, tout en partant du postulat de l’individu, comme les disciples de Say, ne reconnaissaient cependant pas l’homo œconomicus, et entrevoyaient au contraire l’homme dans une perspective « historique » ; c’est-à-dire en ajoutant le facteur psychologique ; or, cette vue les rapprochait de la méthode inductive :
49« Le mérite de l’Ecole autrichienne est d’avoir posé nettement, non le principe de l’abstraction, mais celui de l’analyse psychologique. Ce mobile de l’intérêt qu’elle trouve aussi dans l’homme, […] elle ne le prend pas comme un axiome à développer par déduction, mais comme sujet d’étude à creuser par l’observation et l’analyse. Sa méthode est donc analytique et non déductive : voilà en quoi elle se rapproche de l’Ecole allemande et se sépare de l’Ecole anglaise »65.
50L’intérêt pour ces écoles nouvelles a ainsi été marqué à Bordeaux, avec Saint-Marc et Sauvaire-Jourdan, qui se sont intéressés de près aux systèmes étrangers dans le but de faire évoluer l’économie politique en France.
51Ouverts au comparatisme et acquis par cela même à l’esprit de la Revue d’économie politique66, les professeurs bordelais ont également été très réceptifs à la diversité des outils permettant une meilleure analyse de l’économie politique. Ainsi Fernand Faure et Henri Saint-Marc ont-ils souhaité réserver une place de choix à la sociologie, au moment où l’exploitation de ce domaine n’était pas encore reconnue67. Faure avait ainsi consacré une partie entière de l’introduction de son cours à la sociologie68.
52Dans cet examen des méthodes, Henri Saint-Marc voulait en outre fonder une école historique française, à la tête de laquelle il plaçait Montesquieu, mais ce professeur à l’ambition élevée et reconnu par ses pairs comme étant un excellent économiste, fut trop tôt enlevé à la vie pour continuer son œuvre69.
53Toujours dans l’optique de la méthode inductive, les statistiques allaient par ailleurs fournir un instrument important d’observation et elles allaient être introduites pour la première fois dans le cursus des étudiants en droit à la Faculté de droit de Bordeaux, avant de prendre une ampleur particulière.
2 – Le cours de statistiques, une innovation bordelaise
54L’introduction de l’enseignement des statistiques en Faculté de droit70 présente à Bordeaux le double intérêt d’être à la fois innovante et d’être affublée par son initiateur, le professeur Fernand Faure, d’une fonction idéologique qui dépassait l’instrument d’étude scientifique71.
55Les étudiants bordelais furent les premiers à bénéficier de cette discipline nouvelle à la Faculté de droit, introduite par cours libre depuis 188972. L’accueil qu’ils lui réservèrent fut des meilleurs : en dépit de son caractère libre, les étudiants suivirent en effet assidûment ce cours (de 10 à 15 en 1890 et de 15 à 20 en 1891)73. Le rayonnement de ce cours fut tel qu’une chaire de statistiques fut spécialement créée pour Faure à la Faculté de droit de Paris en 1892, tandis que le cours était repris à Bordeaux par Henri Saint-Marc, pareillement convaincu de l’importance de cette étude74. Les instances administratives de la Faculté girondine se sont d’ailleurs montrées fort enjouées à l’idée d’accueillir ce cours et elles se sont unies dans le souhait de voir la création de la chaire de statistiques en leur Faculté : « Cet enseignement a été inauguré par Fernand Faure. Nous le verrions disparaître avec regret. Grâce à M. Saint-Marc, il ne pourra s’éteindre par la prescription, et un jour viendra peut-être où il recevra une consécration officielle »75.
56Or, les statistiques ne constituent pas seulement une discipline de plus dans le panel des connaissances de l’étudiant économiste, elles suivent une véritable vocation dans la mise en œuvre du droit. Fernand Faure en précisa les fondements théoriques dans son cours. Rappelant leur origine antique et rejetant les thèses voulant que les statistiques fussent une « science » (Léon Say) ou une « méthode »76, Faure adopte la conception la plus largement suivie par les statisticiens et économistes anglais, à savoir qu’elle « consisterait simplement en la constatation et la description des faits par voie de dénombrement. Elle ne serait ni la science des faits sociaux, ni la méthode que cette science emploie. Elle serait, ce qui suffit à sa dignité, l’indispensable auxiliaire de l’une et de l’autre »77. Cette discipline avait alors vocation à être un instrument nécessaire au service des sciences sociales et son enseignement dans les Facultés de droit coulait dès lors de source.
57Fernand Faure hissait par ailleurs la vocation de cet enseignement au plus haut : il devait contribuer à la perfectibilité des lois, et notamment des lois économiques et sociales, et entrer ainsi dans la formation des élites. A l’appui de cette idée, il citait Frédéric Le Play sur l’idée de gouvernement : « Le métier de gouverner a cela de commun avec tous les autres, que pour bien l’exercer, il faut l’avoir appris ». Pour Faure, les statistiques rejoignaient la conception qu’il avait de la fonction sociale de l’Etat auquel les statistiques fournissent les « renseignements qui lui sont indispensables »78, tout en étant un instrument d’étude essentiel de l’économie politique. Lors de la leçon d’ouverture de son premier cours, le 19 mai 1890, Fernand Faure exprima justement ces vues en présentant la fonction des statistiques :
58« La statistique appliquée aux phénomènes sociaux remplit aujourd’hui une quadruple fonction : A. elle concourt à la constitution et au développement des sciences dont ces phénomènes sont l’objet ; B. elle concourt à la découvertes des meilleures solutions pratiques que comportent les questions sociales dont l’étude et la discussion remplissent et agitent notre époque ; C. elle fournit aux pouvoirs publics des renseignements à défaut desquels l’administration d’un grand pays ne se concevrait pas ; D. elle fournit, enfin, aux particuliers eux-mêmes des indications précieuses pour l’utilisation de leurs bras, de leurs aptitudes ou de leurs capitaux »79.
59Or, cette connaissance du Tout que les statistiques éclairent, revêt pour Fernand Faure une vocation démocratique : honnie dans un système tyrannique ou absolutiste, cette connaissance permet une meilleure compréhension du peuple par le peuple et, partant, l’élaboration de lois meilleures car en adéquation avec les besoins de chacun80. Apportant d’un autre côté une certaine « mathématisation » de la science économique, qui s’accéléra dans les années 1930, les statistiques n’en furent pas moins essentielles au perfectionnement de l’étude de l’économie politique en tant que science sociale. Henri Saint-Marc rejoignait son prédécesseur sur l’importance de cette étude, dont il faisait l’un des instruments privilégiés de la méthode inductive81, sans qu’elle soit pour autant réfutée par des méthodes déductives, pour lesquelles elle remplissait la fonction d’élément de « vérification ».
60Cette évolution méthodologique s’harmonisait avec des positions doctrinales qui découlaient peu ou prou de cette appréhension de l’économie politique et cette théorisation des statistiques s’agrégeait à la substance même de l’économie politique, qui réside dans l’étude de la justice distributive.
B – Le refus de l’orthodoxie
61L’analyse commune veut que l’historicisation de l’économie politique mène nécessairement à des éléments interventionnistes car elle confère une vision holiste de la société là où l’analyse déductive verse dans une conception plus individualiste. Les professeurs bordelais ont ainsi davantage abondé dans le sens de Paul Louis Cauwès que dans celui de Jean-Gustave Courcelle-Seneuil, plus libéral, mais ils sont cependant loin de faire corps avec les positions doctrinales de ce premier, en particulier en ce qui concerne le libre échange et l’interventionnisme étatique. Le refus de l’orthodoxie libérale ne signifie pas l’acceptation du socialisme qui sous-tend l’action de l’Etat dans toutes les tranches de la vie sociale. Tout en se gardant de catégoriser leur pensée et de leur trouver un héraut, il s’agira, ici, d’évoquer les traits de l’évolution. Parmi les positions doctrinales exprimées dans leurs cours et leurs travaux, utilisant parfois le biais de l’histoire locale, celles relatives au rôle de l’Etat sont les plus marquantes car proches des préoccupations qui leur étaient contemporaines.
62Face à l’intervention des acteurs économiques et sociaux, les professeurs d’économie politique de la Faculté de droit de Bordeaux s’unissent dans le refus de l’orthodoxie libérale et des positions exclusives. Il ressort aussi, en dépit de la singularité de chacun, qu’ils accordaient un rôle économique discret à l’Etat (1), tandis qu’ils lui conféraient une fonction sociale sans toutefois négliger l’action préalable et concertée des forces individuelles (2).
1 – Le rôle économique discret de l’Etat
63Les professeurs de la Faculté de droit de Bordeaux ont rejoint, plus ou moins explicitement, l’« Ecole nouvelle » qui désignait, pour leurs contemporains, le mouvement qui s’est formé face aux libéraux. A cet égard, ils ont rejeté l’ultra-libéralisme de Bastiat82, courant pour ainsi dire « vieilli » sous la Troisième République et taxé d’ultra-optimisme, en raison de la confiance absolue faite dans les actions égoïstes de l’homme. Couraud puis Gide ont notamment réfuté sa théorie de la valeur-service83, ce dernier offrant même à la Faculté de droit de Bordeaux, dans son cours, les prolégomènes de sa théorie du « juste prix »84, avant de s’exprimer plus avant sur Bastiat85. Le contexte économique, social et doctrinal a contribué à la critique de cette théorie : aux effets sociaux de la révolution industrielle s’ajoutait l’historicisation de l’économie politique, qui remettait nécessairement en cause l’idée de lois économiques et accordait une attention particulière à l’intervention en économie.
64En matière d’échanges internationaux et, plus particulièrement sur la question du protectionnisme, les professeurs bordelais étaient acquis au libre-échange, ce point de vue s’intégrant alors dans la tradition économique bordelaise favorable à celui-ci. Traditionnellement, les Bordelais n’étaient pas des libéraux de principe mais adoptaient le libéralisme pour certains points de leur économie, comme la liberté du commerce extérieur du travail et de l’industrie86. La question était dans l’air du temps : en 1879, l’Empire allemand hausse ses tarifs douaniers ; en 1888, un conflit douanier éclate entre la France et l’Italie ; et, en 1892, Méline met en place une politique protectionniste. La question du protectionnisme et du libre échange entre alors dans les amphithéâtres. Charles Gide avait proposé à ses étudiants, avant la réforme Méline, de réfléchir sur la valeur de ce principe dans son cours de 1880 : « Pourquoi le système du libre-échange est attaqué en ce moment ? – s’il est vrai qu’on puisse le considérer comme un principe définitivement acquis par la science ». Selon Gide, le protectionnisme encourageait le nationalisme.
65Certains professeurs, comme Sauvaire-Jourdan, s’approchaient de la position de Cauwès qui voulait un « protectionnisme rationnel »87. Celui-ci mettait par ailleurs en avant l’action des forces individuelles et minimisait l’impact des lois étatiques et le rôle de l’Etat. En 1899, Sauvaire-Jourdan réfutait en effet les thèses voulant que la politique douanière influe sur la situation du commerce et, notamment, sur la valeur, ce point de vue, quantitativement vérifiable, revenant à considérer que les tarifs Méline n’avaient eu aucune incidence sur la diminution du commerce extérieur88, opinion aujourd’hui acquise89. Il insistait ensuite sur l’importance de la connaissance des pratiques commerciales des pays voisins ou étrangers et, brossant l’attitude commerciale des Allemands qui ne lésinaient pas sur l’investigation, il relevait la passivité du commerce français et l’opportunité du commis-voyageur, alors absent, ou des associations d’exportateurs (Export Vereine) qui, selon lui, assuraient le succès du commerce d’Outre-Rhin90.
66En matière d’économie nationale, l’Etat apparaissait comme un acteur discret dont le rôle était limité à certains domaines précis. Fernand Faure fut le plus interventionniste des professeurs d’économie politique de la Faculté de droit de Bordeaux au XIXe siècle. Radical-socialiste ayant affiché sa position en embrassant une carrière politique chaotique, il prit clairement position pour l’intervention de l’Etat en matière fiscale91. Dans son cours, partant du postulat du contrat social en introduction, il consacre la dernière partie au « rôle de l’Etat ; 1° dans la Production ; 2° dans la Répartition ; 3° dans la Consommation ; 4° dans le mouvement de la Population », montrant par là même la part active de l’Etat dans la mise en œuvre de la justice distributive92. Le rôle de l’Etat vis-à-vis des finances publiques constituait par ailleurs une question d’importance93, qui se retrouve aussi dans le domaine de la monnaie, comme chez Gide à propos de la stabilisation de la monnaie par l’Etat à travers une politique rationnelle se basant sur le monométallisme94. Si l’Etat avait un rôle à jouer dans ces matières touchant les finances, l’interventionnisme n’était cependant pas envisagé en matière de sociétés commerciales, pour lesquelles, selon Cauwès, l’Etat revêtait un rôle de tuteur qui devait cesser lorsque les entreprises accédaient à la maturité.
67S’il restait limité, le rôle de l’Etat paraissait néanmoins renforcé sous la IIIe République et, à sa relative faiblesse en matière économique, répondait l’accroissement de son rôle social.
2 - Un rôle social nécessaire
68S’ils n’ont pas mis le rôle économique de l’Etat en avant, les professeurs bordelais n’ont jamais récusé son rôle en matière d’inégalités sociales et de protection des plus faibles. Ici encore, les professeurs d’économie politique étaient versés dans leur temps, dominé par la grande dépression des années 1882-1905, la dégradation de la condition ouvrière et les faits sociaux brûlants, comme la grève sanglante de Fourmies en 1891. Le contexte législatif était aussi aux premières mesures sociales. Dans leurs cours, la condition ouvrière était évoquée et les thèses socialistes et communistes traitées. Charles Gide est le professeur qui réserva la place la plus importante à l’analyse des doctrines politiques et économiques.
69En matière sociale, c’est encore Fernand Faure qui conférera le rôle le plus important à l’Etat et insistera sur son intervention, notamment à travers la législation sociale. Pour lui, l’Etat ne doit pas se contenter de gouverner et d’administrer par l’application de lois existantes, mais il doit agir en en créant de nouvelles : « On lui demande de légiférer ; on lui demande d’être, par la législation, l’initiateur du progrès social. C’est de lui qu’on attend les réformes et les innovations d’où doit sortir l’amélioration incessante de tout ce qui existe »95.
70Dans le domaine du travail et de la protection des ouvriers, l’action concertée des individus à travers l’association et la coopération était généralement soutenue et préférée à l’intervention directe de l’Etat. Ce dernier devait toutefois donner force à ces formations par des lois, telle la loi Waldeck-Rousseau de 1884 qui légalisa les syndicats. L’heure était au syndicalisme et au coopératisme et les professeurs de la Faculté de droit de Bordeaux adhéraient aux idées d’Alfred Marshall ou de Charles Gide. Celui-ci s’était fait le héraut du mouvement coopératiste en France, la coopération constituant dès lors une véritable force collective qui, à tous les degrés de l’économie (production, consommation, circulation des capitaux, crédit), permettait de contourner « l’individualisme dominant en permettant à des entreprises différentes de constituer un réseau de solidarité par delà la concurrence »96. Charles Gide n’hésitera pas à évoquer dans son cours de 1880 la pensée de Proudhon sur le crédit gratuit ou mutuelliste. L’économiste n’a certes pas évoqué sa théorie au début de sa carrière à Bordeaux mais il a fait des émules et sa doctrine s’est diffusée. Elle fut notamment suivie par ailleurs avec soin par Joseph Benzacar97. Ce dernier a, par ailleurs, mis en avant le rôle de l’ouvrier dans un article sur le marchandage où, favorable à la réglementation de 1848 sur le marchandage licite alors remise en cause en 1899, il décrit cette pratique comme un moyen d’ascension de l’ouvrier au rang d’entrepreneur et comme une bonne formation au patronat98. Enrichissant ce mouvement par le comparatisme, François Sauvaire-Jourdan s’était particulièrement intéressé au syndicalisme et aux coopératives99, en soulignant aussi la pensée d’Alfred Marshall lequel, acquis au coopératisme, insistait quant à lui sur le rôle éducatif de l’Etat.
71La question ouvrière, les préoccupations relatives aux inégalités sociales et la protection des travailleurs, apparaissait ainsi à divers égards chez les professeurs d’économie politique de Bordeaux, mais l’intervention de l’Etat dans cette protection, bien loin de constituer la panacée, était plutôt envisagée par certains professeurs, comme une solution de replis choisie lorsque les règles naturelles de justice, comme l’harmonie entre le capital et le travail, étaient violées100. En ces domaines, leurs positions doctrinales s’intégraient à plusieurs égards dans le mouvement général de la doctrine rencontrée dans les Facultés de droit sous la Troisième République.
Conclusion
72Tandis qu’en 1905 certaines Facultés de droit étaient encore rappelées à l’ordre pour leur réserve à introduire des matières nouvelles, celle de Bordeaux se plaçait délibérément au cœur de l’évolution des études juridiques. L’introduction et la teneur du cours d’économie politique à la Faculté de droit de Bordeaux n’a pas été qu’une illustration du mouvement général de l’histoire de l’enseignement de l’économie politique et particulièrement de sa fulgurante évolution sous la Troisième République. Elle a constitué tout un pan de l’affirmation des Facultés de droit de province qui ont eu, dès lors, une part active dans l’évolution des études de droit, par le biais des personnalités multiples de ces professeurs de province. Le cours d’économie politique a surtout assuré une distinction certaine à la Faculté de droit de Bordeaux, grâce à l’action de professeurs qui, loin de rester dans l’ombre, se sont illustrés au sein de l’évolution de l’économie politique, aussi bien pour la place de celle-ci dans les études juridiques que dans la théorie, en s’inscrivant dans le sens de l’éclectisme et de l’ouverture. Ils ont eu un rôle actif dans la rénovation de l’enseignement de l’économie politique, notamment par leur parti pris et le caractère innovant de leurs théories, qui ont dévoilé une vocation véritable pour l’économie politique.
73Force est ainsi de constater que ces professeurs n’ont pas vu dans la chaire d’économie politique un « statut infériorisé »101, avant la création de l’agrégation d’économie. L’état de professeur de droit n’a cependant pas empêché les professeurs bordelais d’embrasser une vocation pour l’économie politique et même de faire partie de ses piliers, tels Amédée Couraud, pour son action au sein de la Faculté, Charles Gide pour sa doctrine qui rayonnera dans le monde entier, Fernand Faure, pour être le pionnier du cours de statistiques, et enfin, Henri Saint-Marc, pour avoir apporté la connaissance de l’enseignement de l’économie politique Outre-Rhin et pour avoir, de ce fait, influé l’évolution de cet enseignement en France. Il existe finalement peu de différences à Bordeaux entre la vocation et l’implication des agrégés d’avant 1896 et de celle des agrégés qui vinrent après cette réforme créant le « juriste-économiste »102. A la suite de ces professeurs représentant le XIXe siècle à la Faculté de Bordeaux, leurs successeurs en économie politique ne furent pas moins distingués et nombre d’économistes de renom seront issus de cette Faculté, comme Jean Lescure (1913-1923), élève de Sauvaire-Jourdan et qui apporta, avec Aftalion, à l’économie sa théorie fondamentale des crises et des cycles économiques ou encore, Gaëtan Pirou (1920-1926), qui sera un grand spécialiste de la monnaie. Ils reprendront cependant le flambeau allumé par leurs prédécesseurs pour poursuivre l’œuvre de la Faculté de droit de Bordeaux en économie politique.
Notes de bas de page
1 La première chaire d’économie politique dans une Faculté de droit française a été instaurée en 1864 à Paris par Victor Duruy, avant d’être confiée un an plus tard à Batbie. Le cours de ce dernier fut bien accueilli par la Faculté et le lobby libéral (dont le Journal des économistes), mais il subit les velléités du comportement des étudiants parisiens qui manifesteront ouvertement leur désintérêt pour son enseignement. Ses remplaçants Boissonade et Paul-Emile Cauwès, auront meilleur succès et l’expérience de cette chaire s’avéra finalement concluante et s’exporta dans les Facultés de droit de province ; sur ces points, voir L. Le Van-Lemesle, Le Juste ou le Riche. L’enseignement de l’économie politique, 1815-1950, CHEFF, 2004, p. 270-279.
2 Celles-ci ont été respectivement créées en 1864 et 1865. D’autres Facultés de droit de province, de création plus ancienne, comme Rennes et Grenoble, s’étaient également dotées d’un cours d’économie politique.
3 Cf. L. Le Van-Lemesle, Le Juste ou le Riche…, op. cit., p. 278-279.
4 Sur ces points concernant les cours complémentaires, voir M. Malherbe, op. cit., p. 118-119.
5 Le second était le cours d’histoire du droit.
6 Cf. M. Malherbe, précit.
7 En plus du cours donné aux étudiants, Couraud assurait également des cours du soir auprès d’un public varié ; voir son « Etat des services » in dossier personnel, Arch. nat., F17 20482. Il devint par ailleurs doyen de la Faculté de droit de Grenoble en 1869.
8 Séance solennelle de rentrée, discours du doyen Couraud, 20 nov. 1873 (inauguration du nouveau bâtiment de la Faculté de Droit), extr. des Ecrits académiques de Bordeaux, 1866-1875, p. 13. Il insista par ailleurs sur l’importance de la doctrine française en économie politique : « Car, s’il est vrai que le philosophe de Glasgow en ait été le créateur, il n’en est pas moins vrai que les deux grandes expositions scientifiques les plus complètes des théories nouvelles, appartiennent à la France : je parle de J.B. Say et de Rossi » ; précit., p. 14.
9 Discours…, précit., p. 14.
10 Arch. dép. de Gironde, Rectorat, T 92.
11 Cf. lettre au recteur du 15 avril 1872 à laquelle est adjoint un extrait du registre des délibérations (séance 8 avr. 1872) ; et, voir l’échange de correspondances avec le recteur ; Arch. dép. de Gironde, Rectorat, T 92.
12 Arch. dép. de Gironde, Rectorat, T 92, lettre n° 3418.
13 Lettre du 17 décembre 1872 adressée au recteur de l’Académie par les membres de la Chambre de commerce ; Arch. dép. de Gironde, Rectorat, T 92, 1872.
14 « Je suis heureux de cette occasion, Monsieur le Recteur, pour vous exprimer, au nom de la chambre, tous ses remerciements pour le concours aussi efficace qu’éclairé dont vous voulez bien lui prêter l’appui, dans le but de propager le goût des sciences économiques » ; lettre du président de la Chambre de commerce au recteur du 17 janvier 1873, au sujet d’un retard pris dans les tirages des règlements du concours ; Arch. dép. de Gironde, Rectorat, T 92, 1872.
15 Celui-ci avait été ajourné et non licencié en droit comme il le prétendait ; Arch. dép. de Gironde, Rectorat, T 93, lettres du 10 mars 1874 (n° 656) et du 14 mars 1874 (n° 4184).
16 Vingt ans plus tard, Lescarret l’enseignera encore « avec un zèle et un dévouement admirable » ; il fut rejoint par Fernand Faure dès 1882 ; cf. F. Passy, « Le cours d’économie politique à la Chambre de commerce de Bordeaux », Journal des économistes, juil.-août 1892, p. 436.
17 Quant au cours d’Economie politique, s’il était fait par un professeur de notre école, comme cela est indispensable […] » ; lettre du doyen Couraud au recteur puis au ministre de l’Instruction publique, 8 janv. 1873 ; Arch. dép. de Gironde, Rectorat, T 92.
18 Lettre au recteur de l’académie de Bordeaux, 5 oct. 1875 ; Arch. dép. de Gironde, T 93 (1879-1895), dossiers individuels, n° 4308.
19 Notes confidentielles du 4 janvier 1865 ; et, également, celles du 21 mars 1866 à propos des cours à la Faculté de droit de Grenoble et des cours du soir : « Ils obtiennent un véritable succès » ; Arch. nat., F17 20482.
20 Ces autorisations étaient spécifiques et devaient être renouvelées chaque année (le 23 avril 1875, un arrêté renouvela cette autorisation), sauf acceptation d’une tacite reconduction (le recteur de l’académie de Bordeaux en avait fait la demande au directeur de l’enseignement supérieur ; lettre du 15 avril 1875) ; Dossier personnel de Couraud, Arch. nat., F17 20482, lettre n° 91.
21 Arrêtés des 8 octobre 1874 et 9 avril 1875 in dossier personnel, Arch. nat., F17 20482.
22 Voir l’article de M. Ludovic Azema, dans ces Actes du colloque.
23 Lettre adressée au recteur le 8 janvier 1873, puis au ministre de l’Instruction publique, à propos de certains cours, notamment ceux d’histoire du droit, de procédure civile et législation commerciale et d’économie politique ; Arch. dép. de Gironde, Rectorat, T 92.
24 Dossier personnel de Couraud, Arch. nat., F17 20482.
25 Voir L. Le Van-Lemesle, Le Juste ou le Riche… op. cit., p. 283-285.
26 H. Rozy, « De l’enseignement de l’économie politique à tous les degrés », Journal des économistes, janv.-mars 1872, p. 94.
27 Lettre du préfet de Gironde au ministère de l’Instruction publique, juin 1863, Arch. dép. de Gironde, 103 T 1.
28 Voir une note de Couraud du 31 octobre 1875 confirmant cette nomination au recteur de l’Académie de Bordeaux, Arch. dép. de Gironde, Rectorat, T93, doc. n° 1680.
29 Ses penchants scientifiques se portaient sur des questions fort éloignées de la matière juridique qu’il exposa lors de conférences très remarquées et appréciées. Parmi celles prononcées à Bordeaux, il faut noter : « L’Eglise des Mormons », « L’Histoire des fées », « Les sources du Nil » et « La Révolution au Japon » ; cf. M. Pénin, Charles Gide, 1847-1932. L’esprit critique, Comité pour l’édition des œuvres de Charles Gide, L’Harmattan, 1997, p. 37.
30 En ce sens, voir M. Pénin, op. cit., p. 34 et 35.
31 Voir affiche des cours 1875-1876 ; Arch. dép. de Gironde, 103 T 1 (… Faculté de droit : affaires générales).
32 Comprenant les raisons de famille qui l’avaient conduit à quitter Bordeaux pour Montpellier, le doyen Couraud exprima son regret dans une lettre de recommandation adressé au recteur et suggérant de lui confier, outre la chaire vacante, le cours d’économie politique : « Mais je regretterai que la Faculté de droit de Bordeaux soit privée du concours d’un professeur aussi capable et aussi distingué » ; 30 janv. 1879 ; Arch. dép. de Gironde, Rectorat, T 92.
33 Sur ce professeur (1853-1929), voir dossier personnel, Arch. nat., F17 22668 B ; et, M. Malherbe, op. cit., p. 319 et 320 ; puis, Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), t. II, p. 616 et, t. V, PUF, 1968, p. 1661 ; J. et B. Guérin, Des hommes et des activités à Bordeaux autour d’un demi-siècle (1887-1957), Bordeaux : Beb, 1957, p. 284.
34 Sur Henri Saint-Marc (1855-1896), voir dossier personnel, Arch. nat., F17 23078 ; et M. Malherbe, op. cit., p. 414 et 415 ; Ch. GIDE, notice in Revue d’économie politique, t. X, 1896, p. 847-854 ; J. et B. Guérin, op. cit., p. 626. Voir également les deux éloges funèbres faits par le doyen Gabriel Baudry-Lacantinerie dans le discours de la séance de rentrée de la Faculté de droit et dans le Rapport présenté au Conseil académique ; cf. respect., Académie de Bordeaux, Comptes rendus des travaux des Facultés de droit, de médecine, des sciences et des lettres, année scolaire 1895-1896, Vve Cadoret, p. 41-43 et p. 48-52.
35 Sur François Sauvaire-Jourdan (1869-1938), voir dossier personnel Arch. nat., F17 24639 ; M. Malherbe, op. cit., p. 416 et 417 ; et, J. et B. Guérin, op. cit., p. 635.
36 Sur Joseph Benzacar (1862-1944, déporté), voir dossier personnel Arch. nat., F17 24232 ; M. Malherbe, op. cit., p. 271 et 272 ; et, J. et B. Guérin, op. cit., p. 65 et 66.
37 Sur les premières réformes renforçant la place du cours d’économie politique, cf. E. Levasseur, Résumé historique de l’enseignement de l’économie politique et de la statistique en France à l’occasion du 40e anniversaire de la Société d’Economie Politique, extr. du Journal des Economistes, 1883, p. 34-35 ; et, pour les réformes successives, voir M. Malherbe, op. cit., p. 179.
38 Une réforme de 1889 conservant le doctorat unique avait créé deux mentions l’une de sciences politiques et économiques.
39 Le décret du ministre de l’Instruction Publique Raymond Poincarré, du 30 octobre 1895, instaura un doctorat à deux branches, l’une juridique, l’autre de sciences politiques, avec toutefois la licence en droit pour tronc commun ; sur cette mesure, voir Y. Breton et L. Marco, « Naissance du doctorat d’économie politique. Le 30 avril 1895, les économistes universitaires obtiennent leur premier diplôme », Revue d’histoire des Facultés de droit et de la science juridique, 1996, n° 17, p. 47- 52. – Adde, J. Imbert, « Passé, présent et avenir du doctorat en droit en France », Ann. d’hist. des fac. de droit, n° 1, 1984, p. 11-35, spéc. p. 25-26.
40 Sur ce point, voir M. Malherbe, « L’influence germanique dans l’enseignement économique et juridique à Bordeaux (XIXe-XXe siècle) », Ann. Aquitaines d’Hist. du Droit, t. I, 1997, p. 89-104.
41 De nombreux voyages d’études ont été effectués pour connaître l’organisation des études en Allemagne et il en est ressorti des comptes-rendus, des rapports et des propositions de réformes ; sur ceux-ci, cf. C. Charle, La République des universitaires (1870-1940), Seuil, 1994, p. 19-69.
42 H. Saint-Marc, « Etude sur l’enseignement de l’économie politique dans les pays de langue allemande », REP, 1892, t. VI, p. 217-249, suivi de « Etude sur l’enseignement de l’économie politique dans les université d’Allemagne et d’Autriche », op. cit., p. 423 et s. Ce rapport fit également l’objet d’une publication spécifique : Etude sur l’enseignement de l’économie politique dans les universités d’Allemagne et d’Autriche, Larose et Forcel, 1892.
43 Sur Henri Barckhausen (1834-1914), cf. M. Malherbe, op. cit., p. 267.
44 Note du 13 septembre 1880 : « Les Facultés de droit ont une vocation double : 1° Préparer les hommes de loi à l’exercice de leurs professions diverses, et cela d’une manière générale et théorique, non pas selon les pratiques des écoles d’application ; 2° Contribuer aux progrès des études juridiques, surtout en initiant aux bonnes méthodes les jeunes gens qui se destinent à l’enseignement du droit. » ; Arch. dép. de la Gironde, Rectorat, T 93.
45 F. Sauvaire-Jourdan, Rapport présenté à la Faculté de droit de Bordeaux au nom d’une commission nommée par elle par M. Sauvaire-Jourdan, sur la réforme de la licence en droit, Bib. univ. Bordeaux IV, 11 p.
46 Voir les projets relatifs à la réforme de l’agrégation in F. Haut, « Vers la liberté de l’enseignement supérieur (1870-1875), Ann. d’Hist. des fac. de droit, n° I, 1984, respect. p. 97-119 et 119-134. Et, sur cette réforme, voir L. Le Van-Lemesle, « L’agrégation comme outil de professionnalisation », L’Economie Politique 2004/3, n° 23, p. 52-71 ; J. Gatti-Montain, Le système d’enseignement du droit en France, coll. « Critique du droit », Lyon : PUL, 1987, p. 83-84 ; et, P. Legendre, L’Histoire de l’administration de 1750 à nos jours, Thémis, 1968, p. 8.
47 Voir la classification, conservée au Centre Aquitain d’Histoire du Droit (CAHD, Bordeaux IV), des sujets de thèse réalisée par Sarah Akbaraly, docteur en histoire du droit et membre du CAHD.
48 A.-J. Arnaud, Les juristes face à la société du XIXe siècle à nos jours, PUF, 1975, p. 116.
49 S’occupant, par opposition au privé, du « ménage social », pour reprendre l’expression de Frédéric Passy ou de la gestion publique, soit de celle de la « polis (πόλις) », l’économie politique, qualifiée comme telle par Montchrestien en 1615 s’interroge sur la mise en œuvre de la justice distributive du point de vue de l’administration matérielle.
50 J.-L. Halperin, Histoire du droit privé français depuis 1804, PUF, 1996, p. 196- 197, n° 131. – Adde, Le Van-Lemesle, Le Juste ou le Riche…, op. cit., p. 652.
51 Voir leurs plans de cours (évoqués ci-après) in Arch. nat., F17 13162 (approbation des programmes, 1873-1882).
52 Henri Saint-Marc, puis Joseph Benzacar lui succéderont dans ses fonctions de vice-président, le président étant Louis Didier.
53 Cf. M. Malherbe, « L’influence germanique dans l’enseignement de l’économique et juridique à Bordeaux (XIXe-XXe siècle) », Ann. Aqu. d’Hist. du Droit, 1997, p. 91.
54 Sur ces points voir L. Le Van-Lemesle, Le Juste ou le Riche…, op. cit., p. 305- 311.
55 Cf. L. Le Van-Lemesle, « L’Institutionnalisation de l’économie politique » in Y. Breton et M. Lutfalla, L’économie politique en France au XIXe siècle, Economica, 1991, p. 355-388, spéc. p. 370.
56 H. Truchy, Cours d’économie politique, Sirey, 3e éd., t. I, p. 83-85.
57 Sur la position éclectique, voir G. Pirou, Doctrines sociales et sciences économiques, Sirey, 1929, p. 111-118.
58 H. Saint-Marc, « Etude sur l’enseignement de l’économie politique dans les pays de langue allemande », REP, 1892, t. VI, p. 226-227.
59 « Des idées générales, 1° Sur la méthode qu’il compte suivre, à savoir l’application de la méthode historique à l’endroit de l’économie politique » ; Arch. nat., F17 13162.
60 « Procédés d’investigation de la science économique - comment l’expérimentation lui fait presque entièrement défaut – comment l’observation présente des difficultés toutes particulières – De la statistique – Du degré d’exactitude dont la science économique paraît susceptible » ; Arch. nat., F17 13162.
61 Sa position sur ce point impose des nuances car il n’était pas totalement opposé à la validité des mathématiques en économie mais il s’opposait à certains points de la pensée de Walras ; cf. M. Penin, Charles Gide, 1847-1932. L’esprit critique, L’Harmattan, 1997, p. 114-123.
62 Recteur Couat, Notices de renseignements personnels du 10 juillet 1894 (Henri Saint-Marc) ; Arch. dép. de Gironde, VT 111, liasse 238.
63 Cf. A. Marshall, Principes d’économie politique, trad. F. Sauvaire-Jourdan, Giard et Brière, 1906.
64 « Il appartenait à cette jeune école qui, répudiant également la méthode philosophique et la méthode mathématique, appréciant avec indépendance les théories des économistes allemands dont elle étudie avec soin les travaux et suit avec intérêt les recherches, est convaincue que les lois de la richesse doivent s’induire de l’observation des faits » ; De Loynes, « Université de Bordeaux » in Rapports des conseils des universités pour l’année scolaire 1895-1896, Paris : Impr. Natio., 1897, p. 47-48. Cette conception de la méthode s’exprimait dans ses cours : « Les cours de M. Saint-Marc étaient remplis de faits et vues pratiques. Il était passionné par la vulgarisation » ; cf. notice in Rev. économique de Bordeaux, nov. 1896, p. 393-394.
65 H. Saint-Marc, « Etude sur l’enseignement de l’économie politique dans les pays de langue allemande », REP, 1892, t. VI, p. 234.
66 Voir Ch. Gide, « Comment est née la Revue d’Economie politique ? », REP, 1931, p. 1347-1357, spéc. p. 1353-1356 ; et, le programme défini par le comité de rédaction lors de la première parution, n° 1, 1887, 2 p.
67 La question était d’actualité et faisait débat ; voir F. Audren, « L’introduction de la sociologie dans les Facultés de droit, le débat Duguit-Hauriou », séminaire Doctrines juridiques et politiques, IEP de Lille, avr. 1998.
68 Plan de l’introduction (Cours de 1881) : « I – Définition de l’économie politique – Histoire de cette science. II – Sociologie ; a) La sociologie est une science au sens rigoureux du mot – Son caractère – Ses conditions – Sa méthode – Distinction entre la Science et l’Art – Classification des phénomènes sociaux et des sciences spéciales qui ont leur étude pour objet : Economie politique – Droit – Morale ; b) Qu’est-ce qu’une société – Théories du contrat social – de l’organisme naturel – de l’organisme contractuel ; c) Eléments essentiels d’une société : Individu – Famille – Etat […] ; d) Lois générales des phénomènes sociaux – Loi du Progrès – loi de l’Evolution » ; cf. Arch. nat., F17 13162 (progr., 1873-1882).
69 Il est décédé avant de rejoindre la Faculté de droit de Paris, à laquelle il venait d’être nommé.
70 Sur la statistique, voir notamment M. Huber, « L’organisation de la statistique en France », Rev. Inter. des sc. adm., Bruxelles, 1931, n° 3 ; et, A. Desrosières, La politique des grands nombres. Histoire de la raison statistique, La Découverte, 1993.
71 Sur la conception de ce professeur, cf. F. Faure, « La statistique dans les Facultés de droit », Revue internationale de l’enseignement, oct. 1891, p. 265-277 et 378-388 ; et « Les précurseurs de la Société de Statistique », La Société de Statistique de Paris, Cinquantenaire, 1909 ; puis, Eléments de statistiques. Résumé du cours fait à la Faculté de droit de Paris (1904-1905), Larose et Tenin, 1906.
72 Créé par arrêté ministériel du 31 octobre 1889, ce cours semestriel sera maintenu par un second arrêté du 20 octobre 1890, et toujours reconduit en raison de l’important succès qu’il obtint.
73 Ces chiffres sont donnés par F. Faure lui-même in « La statistique dans les Facultés de droit », Rev. Inter. de l’Ens., 1891, p. 265 (note).
74 Cf. H. Saint-Marc, Les procédés graphiques d’analyse sociale à l’Exposition universelle, Larose et Forcel, 1889.
75 Gabriel Baudry-Lancantinerie (1837-1913 ; doyen de la Faculté de droit de Bordeaux de 1886 à 1901), Séance solennelle de rentrée, Académie de Bordeaux, Comptes rendus des travaux des Facultés de droit, de médecine, des sciences et des lettres, 1895-1896, Bordeaux : Cadoret, p. 46 et 47.
76 Il est sur ce point intéressant d’évoquer les définitions qu’il apportait à ces deux notions, afin de mieux cerner sa pensée : « La science est l’étude qui a pour but de rechercher et de découvrir les lois des phénomènes » ; « La méthode est un procédé de notre esprit à l’aide duquel nous parvenons à découvrir les rapports qui existent entre les phénomènes » ; F. Faure, « La statistique dans les Facultés de droit » (leçon d’ouverture de son premier cours, le 17 mai 1890), Rev. Intern. de l’Ens., 1891, p. 267.
77 F. Faure, op. cit., p. 266-267.
78 F. Faure, précit., p. 379-380.
79 F. Faure, op. cit., p. 270.
80 Voir F. Faure, « La statistique et la démocratie », Rev. Pol. et Parl., n° 9, mars 1895, t. III, p. 401-413.
81 La méthode historique « […] répète pour le présent, et, principalement par la statistique, ces observations comparées […] » ; Saint-Marc, op. cit., p. 227-228.
82 Frédéric Bastiat (1801-1850), d’origine landaise, était acquis aux idées d’Adam Smith et de Jean-Baptiste Say. Désirant allier sa pratique des affaires à la pédagogie, il tenta de créer à Bordeaux, en mars 1834, une « école séminaire » privée et payante comportant un cours d’économie politique. Il s’intéressa au commerce international et à l’économie locale, avant de rejoindre le mouvement scientifique national, en se faisant une place dans le Journal des économistes et en créant, à Paris en 1846, l’Association pour la liberté des échanges. Bastiat lutte contre le mercantilisme et, s’il applaudit la Révolution de 1848 en la qualifiant d’« harmonieuse » et s’il rejoint la politique de la République en étant député élu dans les Landes, il craint cependant les idées socialistes qu’il s’attachera d’ailleurs à combattre dans ses écrits ; cf. M. Baslé et A. Gélédan, « Frédéric Bastiat, 1801-1850. Théoricien et militant du libre-échange », in Y. Breton et M. Lutfalla (dir.), L’économie politique en France au XIXe siècle, Economica, 1991, p. 83-110. – Adde, Un libéral : Frédéric Bastiat, Rencontres de Sorèze 19-21 fev. 1987, PUSS, 1988 ; et, J.-Ph. Feldman, « Frédéric Bastiat et la lutte contre le socialisme », Rev. d’Hist. des fac. de droit et de la cult. Jur., n° 28, 2008, p. 381-404.
83 A. Couraud, plan du cours de 1874 : « […] Des notions fondamentales sur la valeur stipulant en passant le point faible de la définition de Bastiat « La valeur est le rapport des services échangés » et montrant que les conséquences qu’en a voulu tirer Bastiat sont loin de résister à toute critique – C’est là un point capital ! » ; Arch. nat., F17 13162.
84 Voir ces cours de 1876 et 1880, in Arch. nat., F17 13162.
85 Voir Ch. Gide, « La notion de valeur dans Bastiat du point de vue de la justice distributive », REP, t. I, 1887, p. 249 et s.
86 En ce sens, voir F. Sauvaire-Jourdan, « Un économiste bordelais du XVIIIe siècle (Isaac de Bacalan) », Rev. Philo. de Bordeaux et du S-O, déc. 1904, p. 529- 540 ; spéc. p. 531-532. Voir aussi ses commentaires dans la réimpression de l’ouvrage d’Isaac de Bacalan, Paradoxes philosophiques sur la liberté du commerce entre les nations (1764), Paris, 1903. Sur ces écrits de Sauvaire-Jourdan, voir « Un rapport d’Isaac de Bacalan, intendant du commerce (1768) », RHDES, 1908, p. 367- 369.
87 Cf. Sauvaire-Jourdan, « Le protectionnisme rationnel et la réforme douanière en France », REP, 1904, p. 129. – Adde, « Le protectionnisme anglais », Congrès international des sciences sociales et économiques, 16-21 sept. 1907, Soc. d’économie politique de Bordeaux, Rapports… pub. par J. Villate, Larose & Tenin, 1908, p. 208-215.
88 F. Sauvaire-Jourdan, « Quelques faits touchant la situation de la France au point de vue du commerce extérieur », Rev. Philo. de Bordeaux et du S-O, 1899, p. 49-63, spéc. p. 50-53.
89 Cf. A. Broder, L’économie française au XIXe siècle, Ophrys, 1993, p. 186-187.
90 F. Sauvaire-Jourdan, op. cit., p. 49-63.
91 Cf. Dumons B. et Pollet G., « Universitaires et construction de l’Etat-providence : la formation économique et juridique des élites françaises (1890- 1914) », Rev. d’Hist. des Fac. de droit et de la Sc. jurid., 1999, t. 20, p. 179-195, spéc. p. 183.
92 Voir son cours de 1881 in Arch. nat., F17 13162 ; et, celui de 1885 (même plan) in Arch. dép. de Gironde, Rectorat, T 93 (1885-1886).
93 Voir notamment la leçon d’ouverture du cours public de science financière de Saint-Marc, « De la progression des budgets et du rôle de l’Etat », Bar-le-Duc : Impr. Contant-Laguerre, 1889, 12 p.
94 Cf. Ch. Gide, Cours d’économie politique, Sirey, 4e éd., t. I : 1919, p. 424-486, spéc. p. 463 et 467.
95 F. Faure, « La statistique dans les Facultés de droit » (leçon d’ouverture de son premier cours, le 17 mai 1890), Rev. Intern. de l’Ens., 1891, p. 379.
96 L. Marco, « Les Agents dans la pensée économique française », in Y. Breton et M. Lutfalla (dir.), L’économie politique en France au XIXe siècle, Economica, 1991, chap. 9, p. 439.
97 Cf. M. Malherbe, op. cit., p. 271.
98 J. Benzacar, « Essai sur le marchandage », Rev. Philo. de Bordeaux et du S.-O., mai 1899, p. 193-204.
99 J. et B. Guérin, Des hommes et des activités à Bordeaux autour d’un demi-siècle (1887-1957), Bordeaux : BEB, 1957, p. 635.
100 C’est notamment ce qui découle de la pensée de Saint-Marc qui « […] s’attachait à montrer que le développement de la richesse est intimement lié à l’harmonie des rapports entre le capital et le travail. Il n’oubliait jamais que le travailleur est un homme, que cet homme a des droits, que ces droits doivent être respectés. Il voulait en conséquence que la justice présidât à la répartition de la valeur entre les deux facteurs de production. Lorsque ces règles étaient violées, son esprit d’équité recevait une profonde blessure. Il espérait toujours que par la puissance de la persuasion, par l’éclat des démonstrations, on parviendrait à vaincre des résistances qui lui paraissaient injustes. Mais lorsqu’il constatait l’insuccès de ces efforts, lorsqu’il se trouvait en face de passions qui ne raisonnent plus, il se laissait entraîner quelquefois à faire appel à l’intervention de l’Etat » ; cf. De Loynes, « Université de Bordeaux » in Rapports des conseils des universités pour l’année scolaire 1895- 1896, Impr. Natio., 1897, p. 47-48.
101 En ce sens, voir M. Pénin, « Charles Gide, 1847-1932. L’hétérodoxie bien tempérée » in Y. Breton et M. Lutfalla, L’économie politique en France au XIXe siècle, Economica, 1991, p. 317.
102 A Bordeaux, Amédée Couraud, Charles Gide, Fernand Faure et Henri Saint-Marc étaient des agrégés de droit et non d’économie. Parmi les 71 premiers agrégés d’économie de 1897 à 1938, dix furent professeurs à Bordeaux, dont trois sortirent major de l’agrégation d’économie : Sauvaire-Jourdan (1897, 3e) ; Benzacar (1897, 4e) ; Lescure (1910, 1er) ; Maunier (1919, 1er) ; Pirou (1920, 1er) ; Gignoux (1924, 2e) ; Mounier (1924, 3e) ; Garrigou-Lagrange (1926, 2e) ; Laufenburger (1928, 2e) ; et, Weiller (1936, 2e).
Auteur
Docteur en droit de l’Université de Bordeaux IV
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