À l’origine de la faculté de droit de Lyon, une école libre hors norme
p. 355-376
Texte intégral
1La fondation d’une Faculté de droit à Lyon en 1875 ne fut pas chose facile. Lors de la création des Ecoles de droit sous le Consulat1, Lyon, deuxième ville de France, industrielle et commerçante, siège d’une juridiction d’appel et de tribunaux actifs, comme Marseille, avait été écartée sous l’officiel prétexte d’éviter aux juristes la corruption par l’esprit mercantile. À cette époque cependant, elle accueillit une Faculté de théologie, un peu somnolente car non légitime aux yeux du Saint Siège, ainsi qu’une Faculté des sciences et une Faculté des lettres guère plus animées, chargées de délivrer les baccalauréats ; celles-ci furent même supprimées momentanément sous la Restauration. Favorisée par la présence d’excellents hôpitaux, une Ecole de médecine fonctionna dès 1820, sans avoir le droit de délivrer des diplômes que ses élèves allaient chercher à Paris, Strasbourg ou Montpellier. Jusqu’à la IIIe République, Lyon dut se contenter de ses Facultés académiques et ne put obtenir de Facultés professionnelles de médecine, pharmacie et droit. Pour se former les juristes lyonnais s’expatriaient, la plupart à Paris, d’autres à Grenoble ou à Dijon2.
2Quelques demandes furent présentées au ministre soit pour professer un cours public, soit même pour ouvrir une école de droit, souvent en vain. Cependant le droit commercial fit l’objet de requêtes répétées et fut assez régulièrement enseigné dans une chaire municipale3. Financée par la Chambre de commerce, à l’initiative d’un groupe de Lyonnais passionnés par cette nouvelle science, en 1864, s’ouvrit une autre chaire consacrée à l’économie politique et confiée à un professeur de Genève, Henri Dameth. Le succès fut immédiat. L’économie politique était à la mode. La même année, le libéral Victor Duruy restaura la chaire d’économie industrielle au Conservatoire des arts et métiers et créa une chaire d’économie politique à la Faculté de droit de Paris. À cette occasion, il cita Lyon en exemple et émit le vœu que « chaque grande ville de commerce et d’industrie (tienne) à honneur et à profit d’imiter Lyon »4.
3De toutes façons, deux chaires financées par les instances locales ne comblèrent pas les attentes des Lyonnais, notamment celles du barreau, de la magistrature et du Conseil académique. Déjà, en juin 1846, deux jeunes avocats, Victor Didier et Lucien Brun, avaient publié un mémoire sur la nécessité d’une Faculté de droit à Lyon. Mais le pouvoir n’avait guère été à l’écoute des prétentions de cette grande ville ouvrière, turbulente, dont les révoltes de 1831 et 1834 avaient troublé les premières années du règne. Lyon ne se résigna pas. À la fin du second Empire, l’espoir revint avec la création de nouvelles Facultés de droit5. En 1866, une pétition réunit dans le Rhône et les départements voisins des milliers de signatures pour en demander une à Lyon. Le Conseil municipal grenoblois fut alerté et protesta. Menée par un jeune professeur de code Napoléon, Exupère Caillemer, une virulente campagne de presse alarma l’opinion publique6. L’idée fut abandonnée.
4À Lyon, en dépit des réticences du pouvoir, le besoin d’un enseignement du droit était réel. Après l’échec de 1866, des cours libres de droit se mirent en place et fonctionnèrent jusqu’en 1875, date la création de la Faculté de droit de Lyon à laquelle ils ouvrirent le chemin7. Ces cours commencèrent à l’initiative d’un professeur de comptabilité, mais très vite les avocats, seuls capables de les assumer, préférèrent les organiser eux-mêmes. Ils se heurtèrent à de multiples problèmes administratifs8. La liberté n’était pas la règle dans l’enseignement supérieur, même si Victor Duruy, alors ministre de l’Instruction publique, manifesta une certaine tolérance. Les textes étaient formels ; pour organiser des cours d’enseignement supérieur, il fallait obtenir une autorisation ministérielle, première étape qui se révéla plus facile pour des membres du barreau que pour un simple particulier, même honorable (I). Ensuite, pour présenter les examens officiels de droit, chaque étudiant était supposé avoir été assidu aux cours d’une Faculté et s’y être inscrit régulièrement. Afin de compter dans leurs effectifs ces Lyonnais non résidents, les Facultés leur octroyèrent des dispenses d’assiduité, et même d’inscription, que Paris condamna. Les doyens étaient de bons juristes et la guerre des attendus secoua le ministère qui douta jusqu’au bout de la validité des dispenses (II).
I - Une école libre soumise à autorisation
5L’école de droit qui apparut à Lyon en 1867 et se consolida en 1868 avec la mainmise des avocats sur son organisation, conserva toujours un caractère provisoire ; chaque année, elle pouvait être remise en question et demeurait suspendue à un arrêté ministériel. En effet, si les cours publics libres de niveau primaire ou secondaire s’ouvraient sous le contrôle du maire, du recteur et du conseil académique, ceux d’enseignement supérieur, c’est-à-dire ceux qui apportaient « une culture générale de l’intelligence », relevaient du seul ministre de l’Instruction publique qui décidait après avis du préfet et du recteur9. Malgré les mises en garde de ses services et de l’inspecteur général Charles Giraud10, Victor Duruy céda aux requêtes des autorités locales et accorda son autorisation. Lancée par le directeur d’une petite école libre de commerce, la première expérience confinée au domicile de son responsable fut limitée ; récupérée par les avocats, mieux ancrée dans la ville, la suivante s’avéra plus pérenne.
D’une école à domicile
6En 1867, l’idée vint à un professeur de La Martinière11, Claude Fleury, directeur d’une petite école libre de commerce, de créer de vrais cours de droit. Dès le mois d’août 1867, il distribua des prospectus avec comme entête « École préparatoire aux examens des écoles de droit » et annonça que les cours se dérouleraient à son domicile12 et que les élèves n’auraient à se déplacer vers une Faculté que pour les inscriptions et les examens.
7Cette création posa plusieurs problèmes aggravés par un certain désordre du ministère de l’Instruction publique qui prétendit avoir égaré des dossiers13 et hésita sur l’attitude à prendre.
8La réaction lyonnaise fut plutôt positive, la presse locale se félicita de cette initiative privée qui palliait les efforts « stériles » de l’État14. À la requête du recteur, Claude Fleury s’adressa au ministère pour obtenir l’autorisation d’ouvrir cet enseignement. Sa demande était simple ; elle portait sur les programmes de droit romain et de droit civil de 1e année avec deux professeurs, un avocat, Louis Andrieux dont nous parlerons plus loin, et un avoué, Archambault15. Ils s’adresseraient à des clercs de notaires et d’avoués qui, retenus par leur travail, ne pouvaient aller dans des Facultés lointaines. Le recteur et le préfet donnèrent des avis favorables, signalant que l’auteur de la requête et les professeurs pressentis étaient honorables16.
9Charles Giraud, inspecteur général pour les Facultés de droit, fut consulté par le ministre ; il se fit prier et tarda à répondre. Finalement, Victor Duruy n’arriva à récupérer son avis qu’en mars 1868 et les cours étaient commencés depuis longtemps. Cette réponse tant attendue fut toute de subtilité. Charles Giraud signala que, même si à Paris il en était autrement17, dans les Facultés de droit de département, l’assiduité était la règle. Aussi, préférait-il que l’autorisation ne fût pas donnée et terminait en préconisant d’ignorer la requête18.
10Fleury cependant tenait à obtenir cette autorisation et délégua deux fois son fils, architecte à Paris, pour relancer le ministère. Finalement, contre l’avis de Giraud, Victor Duruy opta pour une décision libérale et ordonna d’accorder l’autorisation. Sur une note manuscrite, il justifia sa décision : « beaucoup de jeunes gens passent les examens sans suivre les cours, Faut-il ou non les priver d’une préparation utile ? c’est la vraie question dans cette affaire » mais Fleury fut averti que, d’une part l’obligation d’assiduité pesait sur les étudiants qui voulaient présenter les examens, comme nous le verrons plus loin, que, d’autre part, l’autorisation donnée le 15 juin 1868 ( !) était provisoire et n’était valable que pour l’année 1867-186819.
11Encouragé par cette autorisation, si tardive fût-elle, Fleury s’empressa d’en demander une nouvelle pour continuer ses cours de droit l’année suivante. Dans un premier temps, il la sollicita pour la seule 1e année, tout en distribuant des programmes proposant des enseignements dans les trois années de licence pour l’année 1868-1869 ; au début du mois d’août, il crut pouvoir solliciter l’autorisation pour les cours de 2e année20. Or, il se heurta à des obstacles qui ne venaient plus cette fois des autorités parisiennes mais du barreau lyonnais au sein duquel il avait espéré recruter ses maîtres.
À l’école du Palais
12Parmi les enseignants recrutés par Fleury la première année, figurait Louis Andrieux, jeune et bouillant avocat, au tempérament vif et entreprenant21. Fin juin 1868, lorsqu’il avait reçu, par lettre de son « directeur », un rappel à l’exactitude et à l’assiduité, il s’était fâché et avait immédiatement donné sa démission22. La plupart des élèves l’avaient suivi (cinq sur les sept inscrits) ; seuls deux d’entre eux terminèrent leur année dans l’école de Fleury23.
13Dynamique, Louis Andrieux entraîna avec lui le conseil de l’Ordre. Celui-ci invoqua la dignité et l’indépendance des avocats pour interdire aux membres du barreau de Lyon de professer sous les ordres de quelqu’un qui les traitait comme des pions, qui n’avait « ni l’intelligence, ni la capacité voulue pour diriger » le noble enseignement du droit. Les avocats qui avaient été retenus pour enseigner l’année suivante s’excusèrent et abandonnèrent24. Les autorisations obtenues par Fleury devinrent caduques car les professeurs présentés avaient démissionné. Il en chercha de nouveaux et la mansuétude ministérielle faiblit. Il avait perdu en partie le soutien des autorités lyonnaises. Le préfet Henri Chevreau25 qui, dans un premier temps, avait donné sur lui un avis favorable, l’estimant « intelligent et pratique », quelques mois plus tard écrivit que l’enseignement du droit ne pouvait être confié à un homme à l’esprit mercantile, à « un professeur d’écritures s’occupant de tenue de livres ». Au ministère, le directeur du premier bureau s’irrita un peu ; il nota que les avis du préfet n’étaient guère fiables26. Il ne faut pas trop s’étonner de ce revirement préfectoral. Grâce à sa force de conviction, à peine plus d’un mois après sa démission, Louis Andrieux, avait organisé d’autres cours libres de droit, plus ambitieux et prestigieux que ceux de Claude Fleury.
14Après le conflit qui dressa l’un des siens contre Claude Fleury, le barreau lyonnais estima qu’il devait prendre en charge la formation des futurs juristes lyonnais. Cette idée séduisit la magistrature. Rapidement un projet fut monté, avec plus d’envergure que n’en avait eu Fleury. Les trois années de licence furent préparées, des professeurs pressentis pour chaque niveau. Le premier président offrit des salles d’audience du prestigieux Palais de justice, celles de police correctionnelle et des référés, comme lieux de cours. Construit par Victor Baltard en 1847, le Palais de justice de Lyon, le palais aux vingt-quatre colonnes, présentait un cadre plus glorieux et plus accueillant que le pensionnat de Claude Fleury ; on pouvait ambitionner d’atteindre un public nombreux. On fit valoir que ces cours de droit seraient ouverts à tous, notamment à des auditeurs libres. Le préfet et le recteur virent avec faveur cette nouvelle proposition, patronnée par le premier président de la Cour impériale et le conseil de l’Ordre27.
15Fort de son antériorité, Fleury qui venait de recevoir son autorisation ministérielle pour l’année 1868-1869, essaya de dénigrer cette initiative concurrente ; il écrivit au préfet, puis adressa au ministre une missive du même genre. Il dénonça les idées avancées et les convictions de libre penseur de Louis Andrieux et affirma que le conseil de l’Ordre était « en assez grande partie démocrate »28. Paris vérifia ses allégations auprès du préfet ; celui-ci, nous l’avons vu, avait déjà fait son choix ; il rassura le ministre. Selon ses informations, toutes les opinions cohabitaient au barreau, on y trouvait des démocrates comme des légitimistes mais la grande majorité était dévouée au gouvernement. Le conseil de l’Ordre avait décidé souverainement, les avocats l’avaient accepté, il approuvait cette décision sur laquelle il n’avait d’ailleurs pas à intervenir29.
16Sans doute les inquiétudes ministérielles parvinrent-elles jusqu’au barreau. Pour éviter de donner une teinte trop républicaine aux futurs cours de droit, la direction en fut confiée à un avocat plus âgé et moins engagé que le fougueux Louis Andrieux, Paul Rougier30. Fils d’un médecin connu, bien inséré dans le milieu lyonnais, fondateur et vice-président de la toute jeune Société d’économie politique de Lyon, rédacteur en chef du Moniteur judiciaire lyonnais, il avait collaboré à la publication de la Jurisprudence de la Cour de Lyon et rédigé des ouvrages qui avaient rencontré un succès d’estime parmi lesquels un gros travail sur les sociétés de secours mutuel. Sa curiosité intellectuelle et son intérêt pour l’économie sociale lyonnaise le désignèrent pour cette nouvelle responsabilité.
17Pour ces cours libres protégés par le premier président Alphonse Gilardin31 avec l’aide du président du tribunal civil Cuniac, par le recteur Louis de La Saussaye et par le préfet Henri Chevreau, l’autorisation ministérielle ne se fit pas attendre. Ce que l’on avait accordé à Fleury ne pouvait leur être refusé. Dès le 8 août, l’autorisation fut expédiée32 et l’on put commencer à organiser les enseignements pour la rentrée. Les cours du Palais connurent un succès rapide et firent une concurrence redoutable aux projets de Fleury. Comme l’avait prédit le préfet, après la désertion des avocats, l’entreprise de ce dernier ne supporta pas la comparaison avec l’ensemble de conférences prononcées par des membres du barreau, voire du conseil de l’ordre. La presse lyonnaise aussi conseilla aux familles d’abandonner Fleury et de s’inscrire de préférence aux leçons organisées par les avocats33.
18Aux autorités parisiennes, Rougier avait affirmé ne pas chercher à fonder une école, mais simplement expliquer les lois, sans « préoccupation politique ou religieuse ». En pratique, à Lyon, pour ce cycle de conférences qui couvrait les principales matières des trois années de licence, on finit par parler d’école. Cette Petite école ou École du Palais, dans la mesure où les cours se déroulèrent dans l’enceinte du Palais de justice, répondait à un tel besoin qu’elle fut rapidement intégrée dans la vie lyonnaise. Rougier en devint le « directeur », l’administration installée dans les locaux du Moniteur judiciaire dont il était le rédacteur en chef eut même un « secrétaire de l’École libre de droit » ; cette institutionnalisation des cours sous la forme d’une école libre de droit irrita le ministère qui craignait une rivalité avec les Facultés d’État34.
19Il est vrai que nombre des élèves de cette école autorisée envisagèrent de conquérir des diplômes nationaux. Or, en principe, dans les Facultés de droit de province, pour être autorisés à présenter les examens, les élèves étaient astreints à des obligations assez strictes de présence et d’inscriptions. Les Facultés concernées en exigeraient-elles le respect ? Serait-il possible d’obtenir des dispenses ? Et dans l’affirmative, à quelles conditions ? Sur place, on s’efforça de trouver des aménagements, mais ils entraient en contradiction avec les textes et les directives ministérielles.
II - Une autorisation source de conflits de droits
20Lorsque les autorités lyonnaises encouragèrent la création de cours libres de droit à Lyon, toutes, y compris le recteur Louis de La Saussaye, voulurent ignorer les problèmes éventuels. Tout le monde se laissa convaincre par l’enthousiasme des jeunes avocats et l’autorisation ministérielle sembla apporter une consécration qui lèverait les futurs obstacles. Sans doute, s’ils n’avaient pas été très nombreux et si l’on s’était contenté d’accorder des dispenses d’assiduité dans le calme des secrétariats, les jeunes Lyonnais auraient-ils bénéficié d’une indulgence tacite. Les circonstances ne le permirent pas. Dès la première année de fonctionnement des cours libres au Palais de justice, plus de soixante élèves les suivirent ; les effectifs atteignirent vite une centaine, chiffre important pour l’époque35. Le nombre des dispenses ne put passer inaperçu et devint une question embarrassante que les ministres de l’Instruction publique acceptèrent, avec difficulté, de résoudre par l’indulgence.
L’abus des dispenses ou la « course ambitieuse »
21Deux obligations principales pesaient sur les jeunes gens qui voulaient présenter les examens de droit, l’obligation d’assiduité contrôlée par des appels réguliers et reconnue par des certificats d’assiduité, et l’obligation de s’inscrire en personne sur des registres spécifiques quatre fois l’an36. Elles allaient se révéler peu adaptées à la situation nouvelle créée à Lyon. Comme l’avait prédit Charles Giraud, l’existence de cours libres de droit calqués sur les programmes officiels des Facultés et autorisés par le ministre, généra des contradictions qui mirent dans l’embarras les recteurs et le ministère.
22Suivant les règlements, les dispenses d’assiduité et, a fortiori, d’inscription ne pouvaient être qu’exceptionnelles et motivées. La première, l’obligation d’assiduité, était assez contraignante. Depuis la circulaire très restrictive du 20 décembre 1864 envoyée par Victor Duruy, les recteurs ne pouvaient accorder une dispense qu’à une seule catégorie : les titulaires d’un emploi dans une administration publique37. Dans la pratique, jusqu’alors, les Lyonnais qui désiraient obtenir des diplômes de droit sans quitter leur ville avaient suivi différentes méthodes ; certains s’inscrivaient à Paris où la présence n’était pas contrôlée ; d’autres obtenaient une dispense d’assiduité auprès des recteurs de Grenoble ou de Dijon en arguant d’emploi dans la fonction publique le cas échéant, ou d’une « situation équivalente », c’est-à-dire un travail chez un officier ministériel. Il faut reconnaître que, parfois, cela recouvrait des emplois quasi fictifs ; un avoué, un notaire ou un avocat, ami de la famille, pouvait accepter de délivrer un certificat de complaisance, d’où la circulaire de 1864.
23La seconde obligation, celle de s’inscrire en personne quatre fois par an, semblait plus facile à respecter ; il suffisait de se déplacer au début de chaque trimestre, pour aller signer les registres ouverts pendant quinze jours. Cependant, ces quatre voyages effectués uniquement pour cette formalité apparaissaient spécieux pour les non assidus.
24Avant l’établissement des cours libres, à Dijon, ville plus éloignée de Lyon que Grenoble, les autorités semblent avoir pratiqué une politique permissive. Les jeunes Lyonnais y étaient facilement dispensés d’assiduité et même admis à prendre leurs inscriptions sans déplacement. Le recteur de Grenoble témoigna qu’on lui avait souvent demandé d’en faire autant en lui affirmant qu’on le faisait ailleurs, il avait même questionné le ministère en 1866 pour savoir si les élèves dispensés d’assiduité étaient obligés de faire un déplacement trimestriel uniquement pour s’inscrire ; la réponse ministérielle avait été catégorique : « les inscriptions doivent être prises en personne » ; Grenoble avait obéi38. De même, on y appliquait la circulaire de 1864 et n’admettait comme excuse d’assiduité que l’emploi dans un service public39. Avec l’organisation des cours libres, cette différence de politique entre les deux Facultés voisines de Lyon fut à l’origine d’une polémique. L’affaire prit de l’ampleur dans la mesure où le doyen de Dijon s’emporta non seulement contre son confrère de Grenoble mais aussi contre son propre recteur.
25Dès les premiers prospectus distribués par Claude Fleury en août 1867, l’obligation d’assiduité semblait levée : « les élèves pourront se préparer à Lyon et ne seront obligés de quitter la ville que pour aller prendre leurs inscriptions et subir leurs examens soit à Grenoble, soit à Dijon, soit à Paris ». Ainsi l’entendit l’opinion publique lyonnaise convaincue par cette publicité et par les annonces commentées parues dans la presse. Comme il a été noté plus haut, Victor Duruy demeura prudent et fit notifier à Fleury que l’assiduité était la règle, que ses élèves pouvaient être désavoués par les Facultés et que « dans ce cas (il) serait obligé de faire respecter les règlements » Il exigea que disparaisse de ses prospectus la promesse que ses élèves pourraient présenter les examens devant les Facultés de droit ; il fut obéi40.
26On comprend pourquoi, dans leur demande d’autorisation, Rougier et ses confrères annoncèrent qu’ils s’adressaient essentiellement aux jeunes gens qui n’ambitionnaient pas de grades universitaires41. Cette intention, qu’elle eût été sincère ou non, fut vite déjouée par les faits. Avant même l’ouverture des cours, on s’aperçut que ce projet attirait de nombreux élèves souhaitant obtenir des diplômes d’État et désireux de connaître dans quelle mesure ils seraient admis à présenter les examens. Le succès immédiat des cours libres conduisit à chercher des solutions. À cette époque, la Faculté de droit de Dijon était dirigée par un doyen plein d’ambition. Excellent juriste, Denis Serrigny avait une personnalité affirmée, à l’origine de quelques esclandres dans sa propre Faculté42. Avec les cours libres de droit à Lyon, il comprit que se trouvait là une occasion d’obtenir un nouveau contingent d’inscriptions et d’examens, donc d’assurer une meilleure notoriété à son établissement, ainsi que le montant des droits, c’est-à-dire des ressources supplémentaires pour sa caisse et ses professeurs43. Afin d’attirer ces éventuels étudiants, il offrit une dispense globale aux futurs élèves de la Petite école lyonnaise non seulement de l’assiduité (comment faire autrement ?), mais encore de venir prendre en personne leurs inscriptions à Dijon ; il suggéra une procédure assouplie avec un système simple d’inscription par procuration. À Lyon, ravi de cette solution, l’impétueux Louis Andrieux, un peu léger en ces circonstances, orienta ses élèves vers cette Faculté complaisante. Verbalement, et même de manière imprudente par écrit sur les formulaires de procuration et d’autorisation parentale distribués au secrétariat, on conseilla de prendre les inscriptions à Dijon ; les formalités y auraient été plus simples et les examens moins sévères que dans l’autre Faculté voisine44 ! Il est vrai que cette pratique en faveur des Lyonnais était traditionnelle à Dijon, comme nous venons de le voir.
27Les premiers commentaires de la presse, très favorables à l’ouverture de l’école du Palais, assurèrent une publicité naïve à cet arrangement ; la dispense d’assiduité semblait aller de soi et, début septembre, l’on ajouta « Les élèves pourront sans déplacement prendre leurs inscriptions à la Faculté de Dijon »45. Grenoble fut alertée par l’un de ses professeurs, Caillemer, inquiet de ne voir mentionner que Dijon, et par Fleury qui essayait d’obtenir dispenses d’assiduité et d’inscriptions pour ses propres élèves éventuels, affirmant qu’à Dijon, on les accordait automatiquement. Les instances grenobloises interrogèrent le ministère pour savoir si Dijon avait reçu une permission exceptionnelle d’écarter l’application des textes. Après une réponse négative et l’interdiction catégorique d’utiliser de telles méthodes, la Faculté de droit de Grenoble s’interdit de réagir46. Or le 10 novembre 1868, des étudiants lyonnais exposèrent à Claude Burdet, doyen de Grenoble, la pratique de préférence instaurée à l’école du Palais et lui permirent d’en découvrir une preuve tangible, les fameux formulaires d’autorisation parentale et de procuration avec « pour s’inscrire à la Faculté de Dijon » proposés par le secrétariat. Il rencontra alors Louis Andrieux, responsable de l’entente irrégulière, et celui-ci accepta de laisser ses élèves s’inscrire à la Faculté de leur choix. Il ne restait que quelques jours avant la rentrée universitaire, la Faculté de droit de Grenoble ouvrit ses registres aux élèves de la Petite école avec un certain succès ; certains firent le voyage à Grenoble pour signer les registres ; d’autres donnèrent procuration au secrétaire de la Faculté de droit dauphinoise pour le faire à leur place47.
28Andrieux s’empressa d’avertir Méneret, secrétaire de la Faculté de droit de Dijon, qu’il avait dû malgré ses « prédilections pour Dijon... promettre de laisser libre choix aux élèves entre les Facultés ». Peut-être espérait-il mettre en concurrence les deux Facultés et obtenir ainsi le maximum de facilités ; toujours est-il que cette lettre laisse entendre que Dijon avait auparavant obtenu une sorte d’exclusivité48. Quelle ne fut pas l’irritation du doyen Serrigny à la réception de cette nouvelle ! D’autant plus que quatre jeunes Lyonnais, pour s’enregistrer à Grenoble, avaient retiré leurs dossiers de Dijon. Rival combatif et procédurier, il prit les devants et attaqua le premier, espérant détourner l’attention sur d’autres que lui-même. Il adressa au ministère un véritable réquisitoire contre le doyen de Grenoble, dénonça sans vergogne l’octroi de dispenses non justifiées et, pour faire bonne mesure, lui reprocha de s’être rendu coupable de « course ambitieuse », délit de l’avocat voire du notaire ou de l’avoué, qui cherchait à saisir une affaire revenant à un confrère49. Selon lui, Burdet s’était comporté de manière déloyale et avait poursuivi une clientèle aux dépends d’un autre doyen.
29Long de plus de vingt pages manuscrites, de petite écriture, le factum de Serrigny se présentait sous une forme très véhémente et pour mieux accuser, passait sous silence la pratique dijonnaise. Le recteur de Dijon, A. Monty, refusa de transmettre ce courrier au ministre. D’origine modeste50, il avait quelque peine à s’imposer face à ce doyen plus âgé que lui, propriétaire de vignobles étendus et imbu de ses prérogatives, et qui n’avait peut-être pas grande considération pour les attributions des nouveaux recteurs établis par la loi du 14 juin 1854. Dans les notices annuelles qu’il adressait au ministère, Monty se plaignit en termes amers du caractère violent de ce doyen, de ses fanfaronnades, de ses propos injurieux qui n’épargnaient ni ses collègues, ni son recteur dans des discours publics51. Une chose est certaine, il ne soutint pas le doyen Serrigny dans son ardeur à défendre sa Faculté ; au contraire exaspéré par ses méthodes, il le surveilla strictement. Refusant de transmettre par la voie hiérarchique les dénonciations de Serrigny, il lui conseilla de les envoyer lui-même s’il y tenait. Ce que fit le plaideur impénitent qui s’empressa d’expédier directement sa prose au ministre avec un commentaire un peu emphatique : « Dieu qui lit au fond de mon cœur voit que je suis animé des intentions les plus droites »52. Quelques jours plus tard, il trouva un argument supplémentaire contre son rival ; il reprit la plume pour suggérer d’augmenter le traitement fixe des professeurs et de supprimer cette part variable qui, d’après lui, avait entraîné Burdet, accusé de vénalité, dans cette course ambitieuse53. L’argument ne manquait pas de sel alors que l’un des premiers soucis de Serrigny, lorsqu’il devint doyen, fut de distribuer le reliquat positif du budget de sa Faculté pour augmenter cette part variable à laquelle il ne semblait pas indifférent, il alla jusqu’au Conseil d’État pour maintenir ce surplus54.
30Cette prolixe dénonciation inquiéta le ministère qui lança une enquête auprès du recteur de Grenoble, Marcel Courtade55. Interrogé, Claude Burdet exposa la situation telle qu’il l’avait découverte dans un rapport presque aussi long que le factum de Serrigny ; il insista sur le fait qu’il avait toujours respecté les textes jusqu’à ce fameux 10 novembre, où de jeunes Lyonnais lui avaient apporté la preuve d’un accord entre les cours du Palais et Dijon pour un octroi systématique de dispenses. Il conclut : « Je mérite quelques égards si je me suis trompé. Je dois m’intéresser à tout ce qui touche ma Faculté ». Courtade confirma son récit, sans oublier de rappeler que, par divers témoignages, il savait qu’une politique laxiste de dispenses était une tradition dijonnaise et que le ministère avait déjà été interrogé à ce sujet. Autant le doyen dijonnais fut abandonné par son recteur, autant celui de Grenoble fut soutenu par le sien. Leur bonne foi fut reconnue au ministère qui, par ricochet, s’aperçut de ce qui se déroulait à Dijon. Un point semblait acquis : la Faculté de droit de Dijon avait la première violé les règlements ; Burdet ne l’avait suivie qu’après avoir eu la certitude qu’elle persévérait malgré les interdictions ministérielles56.
31Pris comme juge, le ministère ne put fermer les yeux et ignorer des pratiques non réglementaires qu’il ne voulait ni encourager, ni surtout officialiser. L’affaire fut soumise au Comité de l’inspection générale et, le 16 janvier 1869, un ferme rappel des textes en vigueur fut envoyé aux trois recteurs de Grenoble, Dijon et Lyon, avec ordre de cesser l’octroi des dispenses abusives dès le trimestre suivant. Il fallait éviter toute confusion, les cours libres du Palais ne constituaient pas une école de droit comparable à l’École de médecine et de pharmacie de Lyon, dont les élèves, dispensés d’assiduité, partaient chercher leurs diplômes dans une Faculté éloignée. Le doyen Serrigny qui le premier protesta, fut sèchement rappelé à la légalité. Suivre les conférences de l’École du Palais ne créait aucun droit à une dispense d’assiduité57. En revanche, mieux soutenus par les autorités locales, plus diplomates aussi, les Lyonnais obtinrent une tolérance ministérielle qu’il fallut renégocier régulièrement.
De la tolérance des dispenses à l’ambition d’une Faculté
32À la réception de la dépêche ministérielle, Lyon s’inquiéta. On souligna, un bon article de Louis Accarias l’avait rappelé58, que l’assiduité était une contrainte un peu hors norme, exigée dans les seules Facultés de droit. Ni les Facultés des sciences, ni les Facultés des lettres n’y étaient soumises. En outre, on n’ignorait pas que la Faculté de droit de Paris s’en dispensait. Un corps d’arguments fut constitué afin d’obtenir une dérogation spéciale pour une règle qui n’était pas d’application systématique.
33Les partisans de l’École du Palais énumérèrent ses avantages. On commença par saluer la liberté de l’enseignement supérieur dont elle était une manifestation59. Les familles évitaient des séparations coûteuses et susceptibles d’apporter aux jeunes gens trop d’indépendance, avec de multiples tentations. La science juridique aussi profitait de l’existence de cette Petite école ; de nombreux auditeurs qui n’auraient pu se déplacer hors de Lyon assistaient aux cours. Enfin, les Facultés voisines, au lieu de souffrir d’une concurrence désastreuse comme on le prétendait, avaient vu leurs effectifs s’accroître d’élèves qui, sinon, auraient choisi soit d’aller à Paris comme auparavant, soit de ne pas entreprendre d’études. Paul Rougier ajouta un argument décisif, il se fit l’écho du « trouble des familles ». Changer de pratique en cours d’année entraînerait beaucoup d’incompréhension. À plusieurs reprises, l’épouvantail d’éventuelles manifestations fut agité. En termes différents, les doyens de Grenoble et de Dijon, invoquèrent un argument supplémentaire : en donnant une autorisation pour une série de cours conformes au programme officiel des Facultés de droit, le ministre avait quelque responsabilité dans la situation qu’il avait créée. À Paris, on hésitait mais les premiers magistrats de Lyon s’associèrent au préfet pour vanter les bienfaits de cette nouvelle école et souligner l’inquiétude des familles60. Malgré l’opposition de ses bureaux, Victor Duruy décida la tolérance pour l’année en cours (1868-1869)61.
34Craignant les manifestations d’indépendance de Serrigny, le recteur de Dijon demanda des précisions ; il supposait, comme Du Mesnil, chef de la 1e division, que cette générosité ne concernait que les dispenses d’assiduité. Le doyen de Grenoble aussi s’inquiéta et fit le voyage à Paris pour avoir une réponse. Le libéralisme de Duruy s’opposa à une demi-mesure ; sur son ordre exprès, la dispense tolérée s’appliqua aussi à la prise d’inscriptions. Fut alors proposée par le ministère une procédure simple ; l’argent des inscriptions serait expédié en temps voulu aux secrétariats des Facultés puis, pour éviter les déplacements inutiles, les registres seraient signés par les élèves eux-mêmes, seulement le jour de l’examen62.
35En juillet 1869, le libéral Victor Duruy abandonna son poste et fut remplacé par le doyen de la Faculté de droit de Poitiers, Olivier Bourbeau63. Au moment d’autoriser les cours du Palais, il eut à régler la question des dispenses. Comme son prédécesseur, il aurait préféré la tolérance mais il s’inclina devant Du Mesnil, partisan de la rigueur. L’autorisation fut accordée, mais toute complaisance pour les dispenses était interdite64. Le nouveau doyen de Grenoble, Amédée Couraud, s’empressa de soutenir cette décision. Pour sa Faculté comme pour les jeunes Lyonnais, il estimait la tolérance pernicieuse. Ses effectifs comprenaient plus d’absents que de présents, situation qui démotivait les professeurs. En outre, il était bon pour un jeune homme de quitter sa famille et d’apprendre la liberté dans une ville de taille moyenne, lieu de modération ; il vantait même les bienfaits des promenades en montagne, du sport et de la nature. Selon lui, la concurrence des grandes villes ferait disparaître sa Faculté, et de même celle de Poitiers, dont Bourbeau avait été doyen, serait étouffée par Bordeaux65. Il est amusant de penser que ce même Couraud, auteur de ce vibrant plaidoyer pour la non dissémination des Facultés de droit dans les villes importantes, participa à la fondation de celle de Bordeaux et en fut le premier doyen66. On aurait pu croire l’obéissance aux textes rétablie et les cours du Palais mis en difficulté ; il n’en fut rien ; ils fonctionnèrent fort bien. Jusqu’à la fin du second Empire, les ministres restèrent peu de temps en poste et cette épineuse affaire demeura en suspens67.
36Vers la fin de l’année scolaire 1869-1870, le recteur Monty découvrit avec indignation que les élèves lyonnais s’inscrivaient en indiquant une adresse fictive à Dijon ; cette fausse résidence laissait croire à l’assiduité68. Interrogé, le rectorat lyonnais en profita pour rappeler que l’approbation ministérielle des cours créait une situation complexe ; il confirma qu’il y avait bien élections de domicile à Dijon et certificats d’assiduité délivrés par les professeurs de Lyon69. Une fois de plus Serrigny avait eu l’habileté de tourner une ancienne ordonnance qui prévoyait la possibilité d’avoir un « domicile de droit » différent de celui de résidence70 ; ainsi, il espérait tromper le recteur et ne pas avoir à lui demander des dispenses d’assiduité.
37L’année suivante, la guerre de 1870 rendit l’accès à Dijon aléatoire. Informé de cette difficulté, le nouveau préfet, le commissaire de la République Paul Challemel-Lacour, choisi pour ses convictions républicaines mais guère préparé pour remplir cette fonction71, prit un arrêté qui aggrava la confusion juridique. Ce texte autorisait les élèves lyonnais à prendre leurs inscriptions sans avoir à se rendre au siège d’une Faculté ; il confiait la tenue du registre au secrétaire des cours libres sous le contrôle du recteur et demandait en plus à celui-ci de vérifier la présence aux cours du palais et de délivrer des certificats d’assiduité72. Ce curieux arrêté préfectoral consacrait l’existence d’une « école libre de droit », créait des dispenses automatiques d’assiduité et d’inscription devant des Facultés d’État et demandait des services au recteur de Lyon ; évidemment les Facultés n’avaient aucune obligation de reconnaître ces dispenses et le recteur n’avait aucune raison d’obtempérer. Conscient de l’irrégularité de la décision préfectorale, la magistrature et le barreau lyonnais s’efforcèrent d’obtenir sa validation par le gouvernement provisoire ; ils adressèrent leur requête au ministre de la justice, Adolphe Crémieux dont ils espéraient le soutien ; celui-ci avait bonne opinion de l’École du Palais puisqu’il venait de choisir trois de ses professeurs pour en faire des magistrats du parquet73. Le gouvernement était alors replié à Bordeaux ; le directeur de l’enseignement supérieur essaya d’alerter Crémieux pour éviter l’application de ce décret malencontreux. Aucun contrordre ne semble être parvenu à Lyon. Grâce au système organisé par Challemel-Lacour, la Faculté de droit de Dijon en territoire souvent occupé par l’ennemi put conserver un minimum de ressources et celle de Grenoble vit ses effectifs augmenter. De peu d’autorité sur le plan juridique, l’arrêté consacra de mauvaises habitudes. Le doyen Serrigny estima qu’il était confirmé par adhésion tacite du ministre et en profita pour accorder des dispenses sans domiciles de complaisance et toujours sans passer par l’autorité supérieure74. L’école du Palais devenait une institution dont ne se plaignaient pas trop les Facultés voisines. Le recteur de Lyon, Louis de La Saussaye, lui apporta son soutien en demandant pour 1871-1872 « la continuation d’une tolérance dont l’origine remont (ait) à M. Duruy »75.
38Entre Bordeaux et Paris, les dossiers s’égarèrent, le nouveau ministre de l’Instruction publique, Jules Simon, ne fut informé que tardivement. Il découvrit avec étonnement cette situation paradoxale et s’indigna de cette atteinte aux prérogatives des Facultés d’État. Il eut quelques mots vifs à l’égard de Charles Giraud, considéré comme responsable des errements passés et lui réclama avec insistance un avis écrit ; il lui reprocha en plus l’arrêt du Conseil d’État qui venait de donner raison à Serrigny dans ses prétentions à distribuer en supplément de traitements les profits de sa Faculté, prétentions « alimentées par les versements faits à sa caisse par l’école de Lyon ». Ainsi tancé, Charles Giraud fit la sourde oreille ; il avait averti Victor Duruy et ne se tenait pas pour responsable de la situation de fait ainsi créée76. Du Mesnil nota que l’École du Palais ne vivait « que d’un abus dont elle espérait la continuation »77. Il n’avait pas tort ; en effet, Paul Rougier obtint chaque année les autorisations nécessaires78.
39L’existence de cette école hors norme, entre légalité et tolérance, fut certainement l’une des raisons pour lesquelles Charles Giraud mit toute son énergie à persuader le Conseil supérieur de l’enseignement de créer une Faculté de droit à Lyon. Afin de vaincre l’opposition des Grenoblois, il en confia la direction à Exupère Caillemer. Afin de flatter l’opinion publique lyonnaise et par souci d’efficacité, car il fallut, en hâte, débaucher de leur Faculté d’attachement plusieurs récents agrégés (Henri Mabire, René Garraud, Charles Appleton, Henri Michel), il accepta de prendre comme enseignants, trois avocats de l’École du Palais : Ernest Morin, pour un cours de droit civil79, Jules Rambaud, en droit commercial80, et Paul Rougier pour l’économie politique. Celui-ci fut l’un des deux enseignants qui obtinrent une chaire à Lyon sans avoir réussi le concours d’agrégation81. Ainsi la Petite école qui avait vécu de tolérance, pour bien des raisons, fut-elle à l’origine de la fondation de la Faculté de droit de Lyon.
Notes de bas de page
1 Ces écoles prendront le titre officiel de « Facultés » avec la loi organique du 10 mai 1806, mais on continuera longtemps à les désigner sous le nom d’Ecoles.
2 Il est vrai qu’il y avait peu de tradition universitaire à Lyon, voir Christian Lauranson-Rosaz et David Deroussin, « L’enseignement du droit à Lyon : rappel historique » in Hugues Fulchiron (dir.), La Faculté de droit de Lyon : 130 ans d’histoire, Éd. lyon. d’art et d’hist., 2006, p. 15-20 et p. 20-26.
3 Ainsi le cours de J. Bellay à la fin de la Restauration, et surtout celui de Frédéric Ozanam en 1839, repris l’année suivante par Dattas, encore assuré par Valois à la fin du second Empire Arch. nat. F/17/6667, Arch. dép. Rhône. T 376.
4 Rapport et arrêté du 17 septembre 1864, A. de Beauchamp, Recueil des lois et règlements sur l’enseignement supérieur..., Delalain, 1882, t. 2, p. 657.
5 Création de la Faculté de droit de Nancy le 9 janvier 1864, de Douai le 28 avril 1865, puis de Bordeaux le 15 décembre 1870.
6 Paul Weisbuch, La Faculté de droit de Grenoble (An XII-1896), Th. droit Grenoble, 1974, p. 123 et s. Ironie de l’histoire, ce même Exupère Caillemer devint le doyen fondateur de la Faculté de droit de Lyon en 1875 et le conserva jusqu’à sa retraite en 1908. Sur ces premiers enseignements et ces espoirs déçus, voir Nicole Dockes-Lallement, « La fondation de la Faculté de droit de Lyon » in H. Fulchiron, op. cit., p. 27 et s. et La Faculté de droit de Lyon. 130 ans d’histoire, op. cit.
7 À Lyon, après l’autorisation des premiers cours libres de droit, le conseil académique se félicita de leur existence qui permettait « d’attendre la Faculté dont on désirait la création » ; cette opinion insérée dans le procès-verbal de la séance du 26 novembre 1868 fit l’objet d’un rappel à l’ordre adressé au recteur par le ministre, Lettre du 16 janv. 1869, Arch. nat. F/17/6643.
8 Sur le contenu des cours et des programmes ainsi que sur le recrutement des enseignants, voir Nicole Dockes-Lallement, op. cit., p. 33-34 et La Faculté de droit de Lyon... (à paraître).
9 Instruction sur les cours publics libres du 23 janvier 1865 de Victor Duruy, Beauchamp, op. cit., t. 2, p. 676-7 qui renvoie pour les enseignements primaire et secondaire à l’art. 77 de la loi du 15 mars 1850, ibid. p. 104-105 ; pour l’enseignement supérieur, à l’art. 54 du décret organique du 17 mars 1808, ibid. t. 1, p. 179. Avec la loi du 12 juillet 1875, la Troisième République supprima cette autorisation préalable ; le recteur de Lyon dut l’expliquer, Lettre du 21 oct. 1875, Arch. dép. Rhône T 376.
10 Charles Giraud (1802 – 1881), agrégé, puis professeur à la Faculté de droit d’Aix-en-Provence, ensuite inspecteur général. Ministre de l’Instruction publique à deux reprises en 1851, il démissionna le 2 décembre 1851. Il fut à nouveau nommé inspecteur général de l’enseignement supérieur d’abord pour les Lettres (1852- 1861), puis pour le droit (1861-1881). Arch. nat. F/17/11655 et F/17/22886 ; voir aussi Jacques Bouineau, « Charles Giraud (1802-1881) », Rev. d’histoire des Facultés de droit et de la science juridique, 1999, n° 20, p. 121-145 ; Alain Laquieze, « L’inspection générale des Facultés de droit dans la seconde moitié du XIXe siècle 1852-1888 », Rev. d’histoire des Facultés de droit et de la science juridique, 1989, n° 9, p. 7 et p. 17-20 ; Guy Caplat (dir.), Les inspecteurs généraux – Dictionnaire biographique 1802-1914, éd. du CNRS, 1986, t. 1, p. 379- 381 ; J. Cabassol, Charles Giraud – Essai sur sa vie et ses œuvres, Paul Roubaud, 1924 ; Ernest Désiré Glasson, Notice sur la vie et les travaux de M. Charles Giraud, Alphonse Picard, 1890.
11 École professionnelle fondée avec le legs laissé au début du XIXe siècle à la ville de Lyon par un généreux philanthrope, le major Martin.
12 En plein centre-ville, 42, rue Impériale (actuelle rue de la République) ; voir ce prospectus publicitaire dans le dossier Fleury, Arch. nat. F/17/6667.
13 Notes du 29 oct. 1867, des 7 et 8 nov.1867, Arch. nat. F/17/6667.
14 Le Progrès, 11 oct. 1867.
15 Ce n’était pas exactement ce qu’il avait promis au préfet dans une lettre du 26 octobre où il s’engageait à s’entourer de professeurs docteurs en droit et membres du barreau, Arch. dép. Rhône T 376.
16 Demande du 21 oct. 1867, en application de l’Instruction du 23 janv. 1865 citée supra n. 9, qui intervient plus de deux mois après la distribution des prospectus ; avis favorables du préfet, puis du recteur ; envoi au ministre le 28 oct., Arch. nat. F/17/6667.
17 À Paris, « par un motif de haute police... on ne fait pas l’appel ».
18 À Amiens, une école semblable n’avait jamais reçu l’autorisation et s’en était toujours passée, Rapport de Charles Giraud du 15 fév. 1868, Arch. nat. F/17/6667. Demandé le 16 nov. 1867, ce rapport fut réclamé le 5 fév. et le 16 mars ; pourtant il était déjà arrivé et commenté le 24 février.
19 Lettre du préfet au ministre du 7 mars, visites de Claudius Ferry les 20 mars et 5 juin, Notes 27 mai-15 juin, Lettre de Fleury au ministre avec son accord du 30 juin, Arch. nat. F/17/6667.
20 Demande pour la 1e année du 30 juin 1868, autorisation ministérielle par arrêté du 20 juil., demande d’autorisation pour la 2e année du 11 août ; prospectus publicitaire distribué en août, lettres du rectorat au préfet du 24 juil., du 26 août, du 3 oct. et du 20 oct. 1868, Arch. nat. F/17/ 6643 et Arch. dép. Rhône T 376.
21 Louis Andrieux (1840-1931), libre penseur, démocrate, emprisonné à la fin du second Empire, fut libéré lorsque Lyon proclama la République. Ensuite, il devint conseiller municipal et procureur de la République ; il fut l’un de ceux qui rétablirent l’ordre au moment des insurrections d’avril 1871. On lui doit un livre sur cette époque mouvementée : La Commune à Lyon en 1870 et 1871, Perrin, 1906 ; « rebelle par tempérament à toute discipline de groupe », il eut une longue carrière politique ; député du Rhône en 1876, préfet de police de Paris (1879-1881), puis à nouveau député du Rhône jusqu’en 1885, ensuite député des Basses-Alpes (1885- 1889 et 1910-1924) et avocat au barreau de Paris. Il prit encore le temps de soutenir, à 87 ans, une thèse de lettres sur Pierre Gassendi ; voir Robert et Cogny, op. cit., t. 1, p. 66 et s. ; J. Jolly, Dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940, t. 1, p. 377 et s. N’oublions pas ce qui n’apparaît pas dans sa biographie de parlementaire, il fut le père de Louis Aragon, Maurice Mouthier, Un aventurier du XIXe siècle - Louis Andrieux et les deux Aragon, Aléas, 2007. Sur Louis Andrieux, avocat à Lyon, Catherine Fillon, op. cit., p. 18 et p. 50.
22 Le rappel à l’ordre de Claude Fleury est du 22 juin, la démission d’Andrieux du 23 juin, Lettre de Cl. Fleury au ministre du 11 août 1868, Arch. nat. F/17/ 6643.
23 Il s’agit d’Émile Missol et Claude Barruel qui réussirent fort bien leurs examens, Lettre de Cl. Fleury au ministre du 23 août 1868, Arch. nat. F/17/ 6643.
24 Lettres de démission de C. Brouchoud du 16 août 1868 et de H. Vachon du 17 août 1868, Arch. nat. F/17/ 6643.
25 Henri Chevreau (1823-1903), préfet d’abord en Ardèche dès 1849, puis dans le Rhône (1864-70), enfin dans la Seine (1870), fut aussi sénateur et le dernier ministre de l’Intérieur du Second Empire, ensuite brièvement député de l’Ardèche (1885-6) ; Robert et Cogny, op. cit., t. 2, p. 96.
26 Lettres du préfet au ministre du 7 mars 1868 et du 23 sept. 1868 ; Note pour le ministre, 25 sept. 1868, Arch. dép. Rhône T 376, Arch. nat. F/17/6667.
27 Rapports du préfet et du recteur du 16 juillet 1868, Arch. nat. F/17/ 6643.
28 Lettres de Claude Fleury au ministre, 11 août et 23 août 1868, Arch. nat. F/17/ 6667 ; sur la présence de républicains parmi les futurs professeurs supra n. 21 et infra n. 73.
29 Lettre du préfet au ministre du 23 sept. 1868 citée supra n. 26.
30 Sur Paul Rougier (1826-1901), qui deviendra plus tard titulaire sur la chaire d’économie politique à la Faculté de droit de Lyon, voir Nicole Dockes-Lallement, La Faculté de droit de Lyon..., à paraître.
31 M. Deschelette, « Un grand magistrat : Jean-Alphonse Gilardin 1805-1875, premier président à la Cour de Lyon, puis premier président à la Cour de cassation en 1869 », Le Bugey, 1973, 65e année, fasc. 60, p. 586-594.
32 Demande d’autorisation rédigée par Paul Rougier et signée des cinq futurs enseignants, Louis Andrieux, Auguste Dubreuil, Ed. de Villeneuve (ces deux derniers sont de futurs bâtonniers), Jules Rambaud, Édouard Millaud, déposée le 12 juil. 1868 ; avis très favorables du préfet et de l’inspecteur d’académie Aubin (pour le recteur en congé) du 16 juil, du directeur du premier bureau du 21 juil. ; autorisation du 8 août, Arch. nat. F/17/6643.
33 Lettre du préfet du 23 sept. 1868, citée supra n. 26. Fleury réclama un droit de réponse que Le Progrès lui accorda facilement mais en y ajoutant un commentaire au vitriol, Le Progrès 18 sept. et 5 oct. 1868.
34 Arrêté préfectoral du 24 oct. 1870 (voir infra n. 71), Lettre du recteur L. de La Saussaye qui cite « l’école libre » du 9 juil. 1871 ; Note de Du Mesnil à Jules Simon du 1er sept. 1871 « ce que l’on appelle déjà l’École de droit », Arch. nat. F/17/6643.
35 Grenoble à la même époque n’avait pas plus de deux cents étudiants.
36 Décret du 4e jour complémentaire an XII (21 sept. 1804), art. 27 ; Ord. du 5 juil. 1820, art. 11, 14 et 15, Statut du 9 avril 1825, art. 1 et s., Beauchamp, op. cit., t. 1, p. 145, 441, 521- 2.
37 La circulaire du 20 décembre 1864 ne prévoyait qu’un autre cas de dispense : celui des enfants de diplomates résidant à l’étranger mais ceux-ci devaient s’adresser directement au ministre, Circulaires et instructions officielles relatives à l’instruction publique, t. 6 1863-1869, Delalain, 1870.
38 Lettres du recteur Courtade au ministre du 12 déc. 1866 et du 26 déc. 1868, Lettre du ministère au recteur Courtade du 28 janv. 1867, Arch. nat. F/17/ 6643.
39 Rapport du doyen Burdet au recteur Courtade du 18 déc. 1868, Arch. nat. F/17/ 6643.
40 Prospectus de Fleury, supra n. 12, Note du 2 juin 1868 de Victor Duruy, supra n. 19.
41 Lettre du 12 juil. 1868, supra n. 32.
42 Il avait eu un conflit avec le doyen Morelot, puis, en 1865, déçu de ne pas être choisi comme doyen, avait manifesté son mécontentement ; finalement, le décanat lui avait été attribué le 14 août 1867. Ressuscitant un ancien texte, il s’était empressé de distribuer les excédents de son budget en supplément de traitements ; le ministère avait protesté, il plaida, infra n. 54 et 76, Pierre Bodineau, « Quand les professeurs dijonnais vont au contentieux », M.S.H.D.B., 2000, t. 57, p. 185-196. Sur Denis Serrigny (1800-1876), voir Arch. nat. F/17/21723 et Paul Gorcy, Notice sur Denis Serrigny, Juristoria Paris XII, www.juristoria.com/resources/Serrigny.pdf. Il contribua par sa connaissance de la jurisprudence du Conseil d’État à la formation du droit administratif, François Burdeau, Histoire du droit administratif, P.U.F., 1995 le cite à maintes reprises.
43 Une partie du traitement était fixe et payée sur les fonds d’État ; l’autre était éventuelle et dépendait des droits d’inscriptions, d’examens et de diplômes, loi du 22 ventôse an XII (13 mars 1804), art. 27, 57 et 58, décret du 4e jour complémentaire an XII (21 sept.1804), Beauchamp, op. cit., t. 1, p. 137, 145, 147. Les tarifs avaient été augmentés par le décret du 22 août 1854 ; entre les inscriptions, les examens, les certificats, les thèses et les diplômes des quatre années, un doctorat en droit coûtait au minimum 1 660 francs ; par comparaison, le doctorat en médecine et ses quatre années d’études ne coûtaient que 1 260 francs et les tarifs étaient encore inférieurs dans les autres Facultés. Le législateur justifiait cette taxation des étudiants juristes parce qu’ils étaient de familles aisées et ajoutait que les meilleurs d’entre eux, récompensés par des prix aux concours généraux ou de fin d’année, bénéficiaient d’exemptions de droits, Beauchamp, op. cit., t. 2, p. 354 ; sur les tarifs, t. 2, p. 363-364 ;
44 Témoignages d’élèves de « l’Ecole libre de droit » et formulaires distribués par le secrétariat dans le rapport du doyen Burdet du 18 déc. 1868, Arch. nat. F/17/ 6643.
45 Le Français, 5 sept.1868.
46 Lettre d’E. Caillemer du 23 sept. 1868, Arch. nat. F/17/6643 ; Lettre du doyen Burdet du 30 septembre 1868 au recteur qui transmet au ministre ; lettre claire du ministre au recteur du 12 octobre 1868, il n’est pas question de conférer une immunité ni à la Faculté de Dijon, ni à celle de Grenoble, Arch. nat. F/17/6667. La presse ensuite fut plus prudente ; elle continua de mentionner les inscriptions sans déplacement mais évita de citer nommément la Faculté de Dijon.
47 Deux vinrent en personne s’inscrire ; neuf donnèrent mandat au secrétaire de la Faculté.
48 Copie de la lettre d’Andrieux à Méneret, jointe au Factum de Serrigny contre Burdet du 14 nov. 1868, Arch. nat. F/17/6643.
49 Sur la définition du délit de course ambitieuse, voir Boucher D’Argis, V° « Course ambitieuse » in Diderot et D’Alembert, Encyclopédie, t. 4, 1754, p. 402-3. Outre la définition traditionnelle qui concerne la tentative d’obtention de lettres de provision avant la déclaration officielle de vacance d’un office ou d’un bénéfice, il signale la captation du client d’un confrère par un avocat au Conseil.
50 Il était fils d’un ouvrier maçon, Jean-François Condette, « Les recteurs d’académie en France de 1809 à 1940 », R.H.M.C., n° 51-1, 2004/1, p. 62-93, n. 96 et n. 120.
51 Arch. nat. F/17/21723. Voir aussi Lettre du 8 juil. 1870 Arch. nat. F/17/6643.
52 Factum de Serrigny contre Burdet du 14 nov. 1868, refusé le jour même par le recteur Monty, envoyé au ministre par Serrigny lui-même le 15 nov., Arch. nat. F/17/6643.
53 Lettre de Serrigny du 21 nov. 1868 au ministre, Arch. nat. F/17/6643.
54 Voir supra n. 42 et infra n. 76.
55 Ancien professeur de philosophie, agrégé en 1834, recteur de Grenoble du 10 mars 1864 au 5 novembre 1871.
56 Après les deux missives de Serrigny, la Note ministérielle (6 déc. 1868) est très défavorable à Burdet, mais émet un doute : ne ferait – on pas de même à Dijon ? Après le Rapport de Burdet, la Note suivante (6 janv. 1869) estime Dijon beaucoup plus blâmable que Grenoble, Arch. nat. F/17/6643.
57 Dépêches du 16 janv. 1869 pour les trois recteurs ; Requête du 16 février 1869 du doyen de Dijon et le refus immédiat, Arch. nat. F/17/6643.
58 Le Salut Public, 1-2 novembre 1868. Louis Accarias depuis de longues années, espérait l’ouverture d’un enseignement supérieur en droit et économie politique à Lyon et se réjouit de l’instauration des cours libres du Palais.
59 Le Français, 5 sept. 1868 ; Le Salut public, 1er-2 nov. 1868 ; La Presse, 14 nov. 1868.
60 Chaque année ces arguments sont invoqués, Lettre de Rougier du 6 mars 1869, suivies de celles du premier président Gilardin et du procureur général ; Lettre du recteur de Lyon du 24 juin 1869 avec soutien du préfet, de la Cour impériale, et du Conseil académique du 28 juil. 1869 ; Lettre du 1er président Louis Gaulot du 16 sept. 1869 ; Lettres du préfet et du recteur le 1er juil. 1870 ; Lettre du recteur du 9 juil. 1871 ; Lettre de Lucien Brun et vingt-cinq autres signataires de janv. 1871 à Adolphe Crémieux, ministre de la Justice ; sur la responsabilité du ministre qui a autorisé les cours libres, Rapport de Burdet du 18 déc. 1868, Lettre de Serrigny du 16 février 1869, Lettre de Aubin, inspecteur d’académie 22 juil. 1870 ; Arch. nat. F/17/6643 et F/ 6667, Arch. dép. Rhône T 376.
61 Lettres « confidentielles » de Victor Duruy aux trois recteurs du 23 mars 1869, Arch. nat. F/17/6643.
62 Lettre de Monty au ministre du 24 mars 1869, Note de Du Mesnil du 31 mars, Note du ministre du 1er avril, Lettre de Rougier au secrétariat de Dijon du 4 avril, Lettre de Serrigny au ministre du 6 avril, Lettre de Danton, directeur du personnel (ce n’est pas Du Mesnil qui prend la plume !) au recteur de Dijon du 9 avril 1869, Arch. nat. F/17/6643.
63 Olivier Bourbeau (1811-1877), agrégé en 1841, avocat et professeur de procédure civile et législation criminelle à la Faculté de droit de Poitiers, fut aussi député (en 1848 et en 1869) et à deux reprises maire de sa ville. Il devint ministre de l’Instruction publique du 17 juillet 1869 au 2 janvier 1870 ; il fut sénateur en 1876 ; Robert et Cogny, op. cit., t. 1, p. 430-1.
64 Dans un premier temps, Bourbeau croyait que son prédécesseur avait approuvé la non assiduité de manière durable ; les bureaux s’empressèrent de lui démontrer le contraire en ressortant la dépêche du 16 janvier 1869 dont la suspension n’était en principe que temporaire (supra n. 57), voir les multiples Notes qui commentent la Lettre du recteur de Lyon au ministre du 28 juil. 1869, Arch. nat. F/17/6643.
65 116 absents pour 98 présents ; et en première année le pourcentage était pire et laissait présager un avenir inquiétant : 20 présents pour 62 absents, Lettre de Couraud au ministre du 30 août 1869, Arch. nat. F/17/6643.
66 Amédée Couraud, agrégé en 1856, attaché à Grenoble en 1857 où il resta jusqu’en 1871 (si l’on excepte un court passage à Toulouse) ; professeur de droit administratif, il enseigna aussi le droit romain et l’économie politique ; nommé doyen le 22 février 1869, il quitta Grenoble pour la Faculté de droit de Bordeaux dont il fut le doyen pendant quinze ans (1871-1886), Arch. nat. F/17/20482 ; Marc Malherbe, La Faculté de droit de Bordeaux 1870-1970, Bordeaux : P. U. Bordeaux, 1996, p. 66 et p. 293-4.
67 Entre le 17 juillet 1869, date à laquelle Victor Duruy abandonna son poste, et le 4 septembre 1870, il y eut quatre ministres de l’Instruction publique, sans compter un intérimaire.
68 Lettres de Monty au directeur du premier bureau du 8 et du 18 juil. 1870. La situation était d’autant plus délicate que certains des étudiants avec faux domiciles étaient fils de professeurs lyonnais (Dareste de la Chavanne, Bouchacourt).
69 Lettre du directeur du premier bureau au recteur de Lyon du 18 juil. 1870, Lettre de Aubin, inspecteur d’académie audit directeur du 22 juil. 1870, Arch. nat. F/17/6643.
70 Art. 6 de l’ordonnance du 5 Juillet 1820, Beauchamp, op. cit., t. 1, p. 440.
71 Nommé après le 4 septembre 1870, Paul Challemel-Lacour (1827-1896), professeur de philosophie, emprisonné en 1851, ne resta pas longtemps en poste ; après quelques démêlés avec la municipalité il démissionna en février 1871. Il fut plus tard député, puis sénateur des Bouches-du-Rhône, et aussi ministre des Affaires étrangères du gouvernement Jules Ferry, Robert et Cogny, op. cit., t. 2, p. 26-28.
72 Arrêté notifié au recteur et aux professeurs de « l’École libre de droit, instituée au Palais de Justice » les 24 et 25 oct.1870, Arch. nat. F/17/6643.
73 Louis Andrieux, procureur de la République à Lyon (voir supra n. 21), Édouard Millaud, avocat général près la Cour de Lyon et Léon Varambon, procureur général près la Cour de Besançon. Tous trois furent ensuite représentants et députés du Rhône ; Édouard Millaud et Léon Varambon s’inscrivirent à l’Union républicaine ; les dénonciations de Fleury (supra n. 28) semblent en partie fondées ! Lettre du bâtonnier Lucien Brun, et de vingt-cinq autres signataires au ministre de la Justice de janv. 1871 qui semble être arrivée à son destinataire, Lettre d’Édouard Millaud, alors avocat général, au ministre de la Justice du 12 janv. appuyée par une intervention du procureur général de Lyon, qui n’aurait été lue au ministère de l’Instruction publique à Paris qu’au mois de juin suivant, voir Notes du 1er et du 17 juin 1871, Arch. nat. F/17/ 6643. Sur Millaud (1834-1912), Robert et Cogny, op. cit., t. 4, p. 373-4 ; Jolly, op. cit., p. 2463 ; sur Varambon (1830-1885), Robert et Cogny, op. cit. t. 5, p. 483.
74 Lettre du recteur Monty au ministre du 26 nov. 1871, Arch. nat. F/17/ 6643.
75 Lettre du recteur du 9 juil. 1871, Arch. nat. F/17/ 6643.
76 Demande d’avis de Jules Simon à Charles Giraud du 11 oct. 1871, rappels du 16 nov. et du 16 déc. 1871, Arch. nat. F/17/ 6643. Sur l’arrêt du C.E. du 27 juil. 1870, voir P. Bodineau, op. cit., p. 189 et supra n. 42 et 54.
77 Note sur Lettre du ministre au recteur et à P. Rougier1er sept. 1871, Arch. nat. F/17/6643.
78 Arch. dép. Rhône T 376.
79 Remplacé par un jeune agrégé en 1879, il fit une brillante carrière au barreau et fut l’un des bâtonniers de l’ordre des avocats de Lyon.
80 En 1877, lors de l’arrivée d’Edmond Thaller, il fut immédiatement accueilli par la Faculté de droit de Grenoble pour enseigner l’économie politique.
81 Le second est Louis Énou, professeur de droit administratif.
Auteur
Professeur émérite à l’Université Jean Moulin Lyon III
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