La faculté de droit de Dijon dans la première moitié du xixème siècle
La marque du doyen Jean-Baptiste Victor Proudhon
p. 335-354
Texte intégral
1Cette contribution dijonnaise à l’histoire des Facultés de droit de province au XIXème siècle, dans le cadre de la rencontre si bien organisée et accueillie par le Centre toulousain d’histoire du droit et des idées politiques, nous a semblé devoir se borner à la première moitié de ce siècle. Cette période est, en effet, la seule à avoir déjà été explorée par quelques travaux, anciens ou plus récents, tandis que tout reste à faire pour la deuxième moitié du siècle. Il convient d’abord de rendre ce qui leur est dû à ceux qui ont bien défriché le terrain : François- Ferdinand Villequez, professeur et doyen de la Faculté de Dijon, a retracé l’histoire des « Écoles de droit en Franche-Comté et en Bourgogne »1. Ce travail est un témoignage précieux, avec, bien entendu, un certain caractère hagiographique. L’on retrouve la même tendance dans le livre de Gabriel Dumay sur Proudhon2, qui fournit des informations de tout premier ordre car l’auteur a eu accès aux archives familiales, qui étaient alors fort bien conservées. Mais que sont-elles devenues ? Il faut attendre la fin du XXème siècle pour qu’un brillant étudiant en droit dijonnais, M. Bertrand Mathieu, consacre un excellent mémoire de D.E.A. d’histoire du droit à sa Faculté3. Son auteur est devenu professeur de droit public, éminent constitutionnaliste. Notre regretté collègue Jean-Pierre Marque avait consacré une étude à l’un des successeurs de Proudhon, Louis-Romain Morelot4. Plus récemment, le mémoire de DEA de M. Cichoki5 et les notices du Dictionnaire historique des juristes français sur plusieurs des professeurs dijonnais de cette époque ont complété nos connaissances6. Il reste toutefois encore des recherches à effectuer. M. Mathieu a arrêté son travail à la date de 1855, car l’instauration d’un concours national d’agrégation a changé le recrutement et la carrière des enseignants. Un certain nombre d’entre eux n’ont, ensuite, exercé leurs fonctions à Dijon que pendant quelques années7. Mais il y aura là une nouvelle étude à mener.
2Avant d’aborder l’histoire de la Faculté de Dijon durant la première moitié du XIXème siècle, il convient d’évoquer ses origines, qui sont bourguignonnes mais aussi franc-comtoises. Car c’est d’abord dans le comté de Bourgogne qu’un enseignement juridique a été organisé. Sans insister sur l’Université créée à Gray par le comte Othon au XIIIème siècle, qui n’a jamais fonctionné, il faut mentionner la fondation, en 1422 (soit trois cents ans avant la naissance de la Faculté de Dijon), par le duc Philippe le Bon, de l’Université de Dole. Son histoire est glorieuse, elle a eu des maîtres prestigieux et attiré des étudiants de toute l’Europe. Au XVIIème siècle apparaît à Dole un enseignement spécialement consacré à la coutume de Franche-Comté. Il s’agit d’abord d’une initiative du professeur Claude-François Talbert, qui aboutit à la création d’un chaire par le roi d’Espagne Philippe IV en 1653. Ce cours de coutume a subsisté après la conquête française, même si l’on a dû le faire entrer dans le cadre de l’enseignement du droit français créé par Louis XIV en 1679. Mais il a fallu des rappels du chancelier de France8. Transférée à Besançon en 1691, l’Université n’a plus eu le même rayonnement que du temps où elle était à Dole. Son recrutement est désormais limité au Centre-Est de la France, surtout aux deux Bourgognes.
3Dès le début du XVIème siècle, la municipalité de Dijon avait sollicité du roi la création d’une Université. Les États provinciaux de Bourgogne renouvellent cette demande à la fin du XVIIème (en 1679, 1698). Elle aboutit en 1722 à la fondation d’une Université, qui ne comprend que la seule Faculté de droit9. Cette création a suscité la vive opposition d’autres Universités (10 sur 21) et surtout de celle de Besançon. L’un des arguments, le plus important, qui justifiait l’implantation d’une Faculté de droit à Dijon était la crainte des pères de famille bourguignons, magistrats et avocats surtout. Ceux-ci redoutaient de voir leurs fils partir pour Besançon, où ils échapperaient à leur surveillance et risqueraient, notamment, d’abandonner les carrières juridiques auxquelles ils étaient destinés pour se diriger vers celle des armes, au contact des nombreux officiers militaires de cette ville de garnison. Mais les intérêts de Besançon sont trahis par le professeur envoyé à la cour pour les défendre. Il a préféré se rallier au projet dijonnais et a été nommé le premier doyen de la nouvelle Faculté !
4Malgré cette concurrence, la Faculté de droit de Besançon survit honorablement. Celle de Dijon se développe, recrutant surtout ses étudiants dans le duché de Bourgogne et la Bresse (à 85 %), mais aussi dans les régions voisines, celles de Langres et de Dole. Leur effectif varie de 80 à 220, ce qui place la Faculté dans un bon rang parmi celles de son temps. Il faut dire que les études y sont sérieuses et que l’on n’y relève pas les abus signalés dans d’autres Universités, plus anciennes, selon l’enquête de Barentin en 178610. Parmi ses professeurs, l’on peut signaler Delusseux, auteur d’un manuel de droit romain apprécié des étudiants et les professeurs de droit français, notamment le premier, Gabriel Davot, et le dernier, Louis-Élisabeth Voisin11. Le gendre de Davot, Jean Bannelier, professeur de droit romain, a publié, à partir du cours de son beau-père, des Traités sur diverses matières de droit français à l’usage du duché de Bourgogne… qui ont eu une grande diffusion et sont très utilisés par les praticiens du droit12.
5La Révolution entraîne, comme ailleurs, la disparition des Universités de Dijon et de Besançon. On assiste, toutefois, à la réapparition d’un enseignement juridique dans le cadre des chaires de législation des Écoles centrales. Celle du Doubs a été illustrée par Jean-Baptiste Victor Proudhon, qui a obtenu un très grand succès. En Côte d’Or, Bénigne Poncet, moins célèbre, a assuré un enseignement de qualité13.
6Sous le Consulat, la « Loi générale sur l’instruction publique » du 11 floréal an X (1er mai 1802) prévoit la création de dix Écoles spéciales de droit14. La ville de Dijon cherche naturellement à en obtenir une. Bénigne Poncet a rédigé l’adresse de la ville au premier consul, où il invoque les grands hommes de la Bourgogne et les pertes occasionnées par la suppression des anciennes juridictions et administrations à la Révolution, pertes que le gouvernement consulaire veut réparer. Il insiste aussi sur la position géographique de Dijon : si l’on divise par dix le territoire français, la ville se trouve exactement au centre de l’une de ces parties. Et elle est proche de la Suisse, peu éloignée de l’Allemagne, dont elle pourra attirer des étudiants15. De leur côté, les juges et les commissaires du gouvernement près les tribunaux dijonnais adressent un mémoire au ministre de la Justice16. Le maire de Dijon a demandé aussi l’appui du sénateur François de Neufchâteau, titulaire de la sénatorerie de Dijon, dans un mémoire où il évoque le « grand nombre de jeunes gens qui se destinent à la profession du barreau », issus de familles qui n’auraient pas les moyens de les envoyer faire des études loin de chez eux. Il y ajoute qu’un local parfaitement adapté est disponible pour accueillir l’École de droit. Il recommande, en terminant, la nomination comme professeurs d’anciens membres de l’ancienne Faculté, dont Louis Saverot17. Mais Besançon s’efforçait aussi d’avoir une École de droit : le 12 ventôse an X (3 mars 1802) le conseil municipal charge Proudhon, qui en était membre, de rédiger des lettres « relativement à l’instruction publique »18. Le 16 floréal an X (6 mai 1802), deux membres du conseil rendent compte de leurs démarches à Paris : « on leur avait donné les plus grandes espérances pour une École spéciale de droit »19. C’est Dijon qui l’emporte finalement, grâce au soutien de Berlier, cousin de Poncet, et de Maret20. À la suite de la « loi relative aux Écoles de droit » du 22 ventôse an XII (13 mai 1804)21, le « décret concernant l’organisation des Écoles de droit », du 4ème jour complémentaire de l’an XII (21 décembre 1804) décide d’en établir douze Écoles, dont l’une à Dijon, la seconde citée après celle de Paris22. Un décret impérial du 17 janvier 1806 nomme les cinq professeurs et les deux suppléants prévus par l’article 9 du décret du 4ème compl. an XII. Deux d’entre eux ont appartenu à l’ancienne Faculté de droit de Dijon, le professeur Bretin et l’agrégé Guillemot23, deux ont été professeurs de législation des écoles centrales, Poncet et Proudhon24. Ce dernier est nommé directeur de l’École de droit, qui s’installe dans les locaux de l’ancien collège des Godrans25, où avait fonctionné l’École centrale. L’ouverture solennelle a lieu le 21 novembre 1806, dans la grande salle de la Cour de justice criminelle, en présence du préfet, du maire, des autorités civiles, judiciaires, militaires et ecclésiastiques, ainsi que d’une « grande affluence de citoyens et d’élèves »26. La personnalité de Proudhon, directeur de l’École puis doyen de la Faculté, a profondément marqué l’établissement qu’il a conduit pendant toute la première période du siècle. Nous allons donc présenter le juriste et le professeur (I), avant d’envisager le doyen et sa Faculté (II).
I - Jean-Baptiste Victor Proudhon (1758-1838), juriste et professeur
7La vie de ce Franc-Comtois au caractère paisible n’a pas été exempte de péripéties (A). Mais ce travailleur acharné a réalisé une œuvre juridique importante (B).
A - La vie quelque peu mouvementée d’un professeur paisible
8Né à Chanans27, fils d’un cultivateur à la nombreuse famille, il a effectué, après des débuts difficiles, de solides études. Il se destine d’abord à l’état ecclésiastique, puis abandonne la théologie pour le droit, à la Faculté de Besançon. Il envisageait déjà de l’enseigner, puisqu’il acquiert le diplôme de docteur. Candidat à une chaire à Besançon en 1789, il est classé second. Il embrasse la profession d’avocat, qu’il a exercée pratiquement toute sa vie. Durant la Révolution, il est élu au conseil du département du Doubs, puis juge dans plusieurs districts. Il opte pour le tribunal de Pontarlier, mais n’est pas réélu en 1792. Les électeurs du canton de Nods28 le choisissent comme juge de paix. Il est destitué mais parvient à se faire réintégrer. C’est la création des Écoles centrales qui lui permet de se consacrer à l’enseignement. Nommé à la chaire de législation de celle du Doubs, il y réussit remarquablement. Alors que l’objet de cet enseignement était plutôt conçu dans l’esprit de ses créateurs comme une sorte de philosophie politique, une réflexion sur les lois, il consacre d’emblée ses cours à l’étude du droit privé. Ceci lui a valu une dénonciation, une menace de destitution, mais il a été très soutenu par ses nombreux élèves. Lors de la suppression des Écoles centrales, il continue à assurer son cours, gratuitement, et cela à la demande des trois départements de l’ancienne Franche-Comté29.
9Nommé professeur et directeur de la nouvelle École de droit de Dijon, il en devient le doyen lorsqu’elle est transformée en Faculté dans le cadre de l’Université impériale. Il a même assuré provisoirement les fonctions de recteur de l’Académie de Dijon. En 1815, les Cent-Jours viennent troubler son existence tranquille. Des étudiants l’entraînent à la Faculté pour inaugurer un buste de Napoléon30. Ceci lui est vivement reproché lors de la Seconde Restauration. Il est privé de ses fonctions de doyen et même suspendu un moment de celles de professeur, en 1816. On l’accuse d’être bonapartiste et même de fréquenter d’anciens révolutionnaires ! Cependant, la lecture des registres révèle que Proudhon, absent, n’a pas voté lors du plébiscite sur l’acte additionnel31. Il se défend contre les accusations et bénéficie de nombreux soutiens. Il est très vite rétabli dans sa chaire, ainsi que Guichon de Grandpont qui avait été suspendu comme lui. Et il retrouve en 1818 ses fonctions de doyen, que Poncet avait assurées en se considérant comme un simple intérimaire32. Proudhon reste doyen presque jusqu’à sa mort. Son autorité paternelle règne sur la Faculté, ses collègues et les étudiants. Si certains événements historiques ont parfois troublé la quiétude d’une vie toute consacrée à sa famille33, au droit et à l’enseignement, ils n’ont pas empêché ce Franc-Comtois calme et obstiné d’accomplir un travail considérable.
B - L’œuvre juridique imposante de J.-B. V. Proudhon
10Une édition des œuvres de Proudhon par l’éditeur dijonnais Lagier comporte 18 volumes, et elle ne reprend ni son Cours de législation et de jurisprudence française34, ni ses très nombreuses consultations, 94 entre 1788 et 1835, dont certaines ont plus de 150 pages. Et il a laissé un certain nombre de travaux restés manuscrits35. Un peu arbitrairement, l’on peut répartir ses écrits en trois groupes.
1 - D’abord des ouvrages essentiellement pédagogiques
11Son Cours de législation et de jurisprudence française, qui correspond à son enseignement à l’École centrale du Doubs, est incomplet. Il se limite à la première partie, l’état des personnes. L’auteur s’est efforcé de rattacher le droit privé aux idées républicaines de liberté et d’égalité, puis il expose la matière à partir du droit romain, modifié sur certains points par les coutumes, la jurisprudence et la doctrine de l’Ancien droit, ainsi que par les lois nouvelles. C’est donc là une œuvre originale, résultat d’un gros travail.
12Son Cours de droit français. 1ère partie sur l’état des personnes36 est le premier commentaire de cette partie du code civil37. Proudhon commence par quelques notions sur le droit naturel, le contrat social, puis explique les articles du code dans leur ordre, avec de nombreuses références au droit romain. Il cherche ensuite à dégager ce qu’il appelle des vues dogmatiques.
2 - En second lieu, ses livres les plus importants
13Le Traité des droits d’usufruit, d’usage, d’habitation et de superficie comporte neuf volumes, parus de 1823 à 1827. Une seconde édition a été faite en 1836 par son ancien étudiant, Curasson, qui l’a annotée, notamment pour tenir compte du code forestier de 1827, dont ce dernier est un commentateur. Ce travail est considéré comme le plus achevé de Proudhon.
14Le Traité du domaine public comprend 5 volumes, a été édité de 1833 à 1835.
15Et le Traité du domaine de propriété, en trois volumes, a été publié en 1838 et 1839, donc après la mort de l’auteur par l’éditeur dijonnais Lagier, dont le fils, avocat, était un ancien étudiant de Proudhon.
16L’ampleur de ces trois ouvrages fait qu’ils semblent relever plutôt de l’activité de chercheur plutôt que de celle d’enseignant. Pourtant, leur rédaction a une allure très pédagogique. Proudhon étudie des matières peu réglementées par le code civil, il tient compte de la législation extérieure au code, du droit romain, de la doctrine, et cite parfois des décisions de justice.
17Son Traité sur les conventions et obligations, resté manuscrit, devait sans doute présenter les mêmes caractères. Mais il faudrait pouvoir le lire !
183 - Enfin, ses très nombreuses consultations ont souvent été faites en collaborations avec des confrères, qui sont parfois aussi ses collègues de la Faculté, notamment Poncet. Elles sont relatives à des affaires qui concernent des particuliers ou des communes, en Bourgogne, mais aussi en Franche-Comté
19En effet, sa nomination à la Faculté de Dijon ne l’avait pas empêché de rester fidèle à son pays natal. Il passait, dans son village de Chasnans, des vacances studieuses. Mais il trouvait aussi le temps d’y accueillir ses amis et de concilier les litiges de ses voisins. Les qualités d’homme et de juriste de Proudhon expliquent la renommée dont il a joui. La municipalité de Dijon, dont le maire était alors son ancien étudiant, Victor Dumay, a donné, peu après son décès, son nom à la rue qu’il habitait. Celle de Besançon lui a aussi consacré une rue. Mais celui qui regarde bien les plaques constate que celles des deux parties de la rue indiquent des prénoms différents. Il a fallu, en effet, partager avec son cousin lointain Pierre-Joseph Proudhon, célèbre lui aussi et sans doute davantage ! En tout cas, le doyen Proudhon a vraiment marqué sa Faculté, de son temps et jusqu’aux années 1870 au moins. Il y eut une conférence Proudhon, son buste se trouvait au centre de la cour de la vieille Faculté, rue de l’École de droit, et le plus grand amphithéâtre de la nouvelle Faculté porte encore son nom. Il reste à envisager comment ce doyen a marqué de son empreinte la Faculté de Dijon.
II - Le doyen Proudhon et sa Faculté
20Nous nous intéresserons successivement à l’enseignement (A), puis aux professeurs (B) et enfin aux étudiants (C).
A - Le doyen, la Faculté et l’enseignement
21Le discours prononcé par Proudhon lors de l’ouverture solennelle de l’École de droit est particulièrement intéressant, car il présente fort bien le cadre de l’enseignement. Il commence par un éloge de Napoléon le Grand, « Solon du XIXème siècle », puis évoque la question fondamentale de la propriété et des règles qu’elle exige pour en éviter les excès. Il insiste sur la difficulté de l’époque, qui voit coexister la loi nouvelle avec l’ancienne législation en vertu du principe de non-rétroactivité. « La première partie de l’enseignement du droit privé envisagera donc le code civil avec les observations nécessaires sur le droit ancien. Chacun des trois professeurs chargés de cette tâche doit successivement la remplir dans le délai de trois années »38. Il faut aussi étudier le droit romain, « raison écrite », qui permet de combler les lacunes du code et qui fournit « les maximes d’équité réduites en règles positives »39. Proudhon précise ce que sera l’enseignement du « droit civil dans ses rapports avec l’administration publique »40 : l’état civil, les écoles, la conscription, l’expropriation, les impôts, les droits des auteurs et des inventeurs… et enfin le droit commercial. Un cinquième professeur est chargé de la législation criminelle et de la procédure civile et criminelle. Selon le directeur de l’École, il y a là un grand progrès par rapport aux anciennes Facultés, dans lesquelles n’existait pas ce cours, qui s’annonce difficile car ces matières n’ont encore jamais été « réduites en corps de doctrine ». Après avoir présenté ainsi l’enseignement, Proudhon décrit l’organisation de l’École. On y trouve un conseil de discipline et d’enseignement, composé du président et de plusieurs juges de la Cour d’appel et du procureur général, du président de la Cour de justice criminelle et du procureur général près celui-ci, ainsi que de deux avocats docteurs en droit41. Un bureau d’administration, comprenant le préfet, le maire, le doyen d’honneur et un membre du conseil précédent, avec le directeur et un professeur à tour de rôle, s’occupe de la gestion financière42. Le discours de Proudhon se termine par « Vive Napoléon le Grand ! Vive l’empereur ! »43.
22Il convient d’ajouter que la loi du 22 ventôse an XII crée cinq inspecteurs généraux des Écoles de droit, et le décret du 4ème jour complémentaire précise comment la tâche est répartie entre eux : l’un des inspecteurs sera chargé des Écoles de Paris et de Dijon. Ces inspecteurs ont adopté, le 16 février 1807, une instruction approuvée le 19 mars par le ministre de la Justice44, qui précise sur différents points l’organisation des Écoles et des études. Elle institue une assemblée des professeurs et des suppléants, que le directeur doit convoquer au moins chaque mois (articles 1 et 22). On y « délibère », notamment sur la répartition des cours (article 17). C’était revenir aux assemblées des anciennes Facultés. Deux séances solennelles sont prévues chaque année, l’une d’ouverture45, l’autre de clôture (articles 18 à 22). Cette instruction comporte un chapitre IV intitulé « Bases générales de l’enseignement », qui commence par l’article 40 ainsi conçu : « Quoique chaque professeur soit libre de remplir les obligations que la loi lui impose relativement à l’enseignement, de la manière qu’il croit la plus convenable et de suivre dans ses cours la méthode qui lui paraît la plus utile, il est néanmoins nécessaire de poser quelques bases générales pour donner plus d’ensemble à l’enseignement… ». Le professeur de droit romain commencera par un « précis historique » puis expliquera le texte des Institutes de Justinien, en retranchant « tout ce qui n’est plus applicable à notre législation », qu’il remplacera « par le rapprochement des plus belles lois répandues dans les autres livres du droit romain » (articles 41 et 42). Les « professeurs du droit français » consacreront la première année à « un précis historique des variations de notre droit français », puis à une présentation « purement élémentaire » de la totalité des matières du code civil. Dans les deux années suivantes, ils feront un cours plus approfondi du code, les deux premiers livres et les deux premiers titres du livre III en seconde année, et la suite en troisième année. Il s’agira de « bien faire connaître les motifs de la loi, son esprit, son origine et son application, en la conférant avec le droit romain et même, autant qu’il sera nécessaire, avec les législations étrangères » (articles 43 et 44). Et il conviendra de séparer les autres cours qui incombent aussi aux professeurs de code civil : celui de droit public français, en deuxième année et celui de droit civil dans ses rapports avec l’administration publique (ou de droit administratif)46 en troisième année, mais la brièveté du temps disponible interdira d’approfondir la théorie de ces matières (article 45).
23L’application de cette instruction, surtout en ce qui concerne l’organisation des cours de droit civil avec une présentation générale en première année, comme des sortes d’« Institutes » du code et une étude approfondie dans les deux années suivantes a donné lieu à des difficultés. Les réponses faites par la Faculté de Dijon au questionnaire adressé par l’inspecteur général Chabot de l’Allier le révèle47. Ce système d’enseignement du droit civil a été tenté pendant plusieurs années à Dijon, il en est résulté une perte d’un temps précieux et le dégoût des élèves. Ceci suggère qu’il a été abandonné. Et il soulève une foule d’objections. D’abord, ce n’est pas conforme à l’article 10 du décret de l’an XII qui dit que les professeurs doivent enseigner en trois ans le code civil et non pas en un an seulement pour les principes, suivi de deux ans d’étude approfondie. Des Institutes de code civil sont inutiles, puisqu’on étudie déjà les Institutes de droit romain. Enfin, l’exécution de ce plan est impossible, tant pour les élèves qui sont dégoûtés de devoir apprendre des définitions sans applications, que pour le professeur.
24Quant à enseigner le droit romain seulement dans ses rapports avec le droit français, les professeurs dijonnais répondent que la législation romaine n’est plus la nôtre, qu’elle est la raison écrite. Le droit français et le droit romain doivent s’éclairer mutuellement. Ils ne semblent donc pas avoir une conception purement utilitaire de cet enseignement.
25Le code de procédure civile, le code d’instruction criminelle et le code pénal confiés à un seul professeur, voilà une entreprise véritablement insensée ! Ce professeur doit d’abord familiariser ses élèves avec le langage de la pratique et leur aplanir les difficultés d’une étude aride, sans les encombrer d’une foule de détails minutieux. Poncet, qui a dû rédiger cette réponse, tient en effet à enseigner les principes de ces matières48. Il se montre très réservé à l’égard des exercices (rédaction d’actes, plaidoiries), qui sont un jeu et font perdre beaucoup de temps ; il faut tout au plus les réserver pour des séances surrérogatoires, c’est-à-dire en plus des cours.
26Au sujet de l’enseignement du droit public et administratif, à Dijon l’on se bornait à en donner des notions sommaires à propos du code Napoléon, par exemple au début de la première année. La Faculté souhaite la création d’une chaire de droit commercial. Mais l’on peut se borner à des notions élémentaires et charger un professeur de l’enseigner avec le droit public et le droit administratif, ou avec les éléments du notariat. Elle pense enfin que le nombre de leçons doit être de trois par semaine, car il ne faut pas surcharger l’esprit des élèves. La lecture de ces réponses montre le réalisme et le souci pédagogique des professeurs dijonnais, qui ont su déjà adapter les instructions des inspecteurs généraux et l’on peut penser que ceux-ci ont eu la sagesse de le comprendre…
27D’autres difficultés ont été la conséquence de la création de l’Université impériale49 et de l’intégration des Écoles de droit comme Facultés dans celle-ci50. Proudhon, qui y est défavorable, adresse une supplique au grand maître à ce sujet51. Poncet a rédigé un projet de remontrance du doyen et des professeurs au grand maître. Il déplore vivement la disparition du conseil de discipline et d’enseignement, dans lequel siégeaient avec les professeurs des « magistrats distingués » et des « jurisconsultes recommandables ». Pourtant l’article 11 du décret de mars 1808 paraît bien conserver aux Écoles de droit devenues Facultés leur organisation qui résulte de la loi du 22 ventôse an XII et du décret du 4ème jour complémentaire. Poncet est, d’autre part, ulcéré à l’idée que les professeurs de droit, devenus membres de l’Université, seraient soumis au régime disciplinaire de celle-ci. Selon l’article 47 du décret du 27 mars 1808, la première peine disciplinaire est celle des arrêts. Mettra-t-on aux arrêts des jurisconsultes, ces hommes d’élite ? Les aurait-on prononcés contre Cujas ou Pothier ?52 Berlier, auquel son cousin Poncet a soumis son texte, le trouve « très bien rédigé et raisonné, mais il se coordonnait mal avec les nouvelles idées et les institutions actuelles » et ajoute : « quand on vous a donné le conseil de le garder en portefeuille, on a très sagement fait »53. Malgré ces mécontentements, un décret du 4 juin 1809 était venu prendre « diverses dispositions pour accorder le régime des anciennes Écoles avec celui de l’Université »54. La Faculté échappait à la tutelle des magistrats et avocats du conseil de discipline et cessait de relever du ministre de la Justice. Elle était désormais soumise à l’autorité du grand maître et du conseil de l’Université, du recteur et du conseil académique. Seuls les inspecteurs généraux, intégrés eux aussi dans l’Université, garantissaient la spécificité de l’enseignement juridique. Il convient de parler un peu, à présent, des professeurs.
B - les professeurs, le doyen et ses collègues55
28L’on peut évoquer d’abord les premiers professeurs, nommés à la création de l’École : la chaire de droit romain est confiée à Jean-Baptiste Guillemot (1754-1837), agrégé de l’ancienne Faculté, qui a été député au Conseil des cinq-cents56 puis au Corps législatif. Il est aussi juge et président par interim de la Cour d’appel de Dijon57. Il abandonne ses fonctions de professeur en 1811. Claude-François Ladey (père) le remplace, il est surtout remarquable par l’activité de son cabinet d’avocat. Les trois professeurs de code civil sont Proudhon, Guichon de Grandpont et Bretin, qui décède bientôt, remplacé par Joly puis, en 1809, par Carrier, jusque là suppléant à la Faculté de droit de Grenoble. Comme nous l’avons vu, le fils de Guichon de Grandpont a publié l’introduction de son cours, le seul des 39 cahiers de son père qu’il ait pu sauver au cours des pérégrinations de sa carrière maritime. C’est là un témoignage intéressant des méthodes d’enseignement. On y trouve trois leçons, la première « idée générale de la législation », la seconde « résumé de l’histoire du droit » depuis Moïse jusqu’aux « codes immortels » de Napoléon et la troisième « de l’obéissance aux lois ». Elle s’achève sur ces mots : « Demain, je commencerai mes dictées sur le titre préliminaire du code Napoléon, après une rapide analyse de cet immortel ouvrage. Passons aux interrogations sur les deux premières leçons »58. On voit que le professeur pratique la traditionnelle dictée59 et qu’il s‘assure que les étudiants apprennent bien leur cours !
29Le professeur de législation criminelle et de procédure civile et criminelle, Poncet, a voulu délivrer les étudiants et lui-même de cette fastidieuse dictée. Il a pour cela écrit des traités qui en tiennent lieu, le Traité des actions paru en 1817 et le Traité des jugements en 182160. Mais ceux-ci ne constituent qu’une partie de son cours, dont d’autres traités sont restés inédits61. Poncet aborde la procédure sous l’angle d’une réflexion théorique. Son approche annonce la conception synthétique du droit processuel.
30Les deux premiers suppléants sont Pierre Jacotot, qui eut à remplacer souvent Guillemot retenu par sa présidence à la Cour d’appel et Jean-Bernard Ladey (fils).
31Le secrétaire, également caissier et archiviste, Jean-François Vernisy avait été nommé secrétaire de l’ancienne Faculté en 1788, succédant à son père62.
32Louis-Romain Morelot devient suppléant à la suite de Jacotot, en 1817, puis il succède à la chaire de Guichon de Grandpont au décès de celui-ci63. Il a assuré, comme suppléant, un cours de droit commercial avant la création d’un chaire de cette discipline (en 1830). Professeur de code civil en 1826, il a été longtemps doyen de la Faculté, de 1841 à 1866. Son enseignement est d’une originalité remarquable. Il a publié, sans nom d’auteur, sa Dictée d’un professeur de droit français, en trois volumes, en 1835 et 1836. Au lieu de suivre l’ordre du code et de ses articles, il expose le droit civil à partir d’une vision théorique, d’abord le droit des obligations, puis celui des personnes et enfin celui des biens. Le but de cet ouvrage est d’éviter de dicter effectivement un rudiment, selon l’usage repris de l’ancienne France. Morelot consacre le temps ainsi gagné à faire faire par les étudiants des exercices plus actifs : commentaires de textes, résolution de cas pratiques. Il intègre dans le droit civil une brève présentation du droit commercial. À côté de cet ouvrage pédagogique, il a consacré un livre important à la reconnaissance des enfants illégitimes. Très attaché à la religion chrétienne, à la morale, au droit naturel, il relie le droit moderne à l’Ancien droit. D’ailleurs, le titre Dictée d’un professeur de droit français rappelle les Facultés de droit d’avant la Révolution. Morelot y consacre un développement aux « communautés », c’est-à-dire aux collectivités locales, désignées là aussi par leur ancien nom. Attaché au droit romain, il aurait voulu introduire le régime dotal en Bourgogne. Morelot a été fait chevalier de la Légion d’honneur en 184464.
33Le suppléant Ladey fils, qui n’a rien publié, succède à Poncet dans la chaire de procédure, sans le remplacer. Il devient doyen à la suite de Morelot.
34Le successeur de Proudhon dans sa chaire de code civil est Drevon, Franc-Comtois comme lui. Il a fait œuvre de romaniste avec une nouvelle édition du commentaire de Voet sur les Pandectes qui tient compte de la découverte des Institutes de Gaius65.
35Bélime, en 1837, puis Lacomme, en 1844, se succèdent dans la chaire de droit romain.
36Il convient de mentionner enfin la création d’une chaire de droit commercial en 1830, dans laquelle est nommé titulaire Lorrain, et de celle de droit administratif en 1837, dont le premier titulaire, Denis Serrigny, a accompli une œuvre imposante, en droit administratif, mais aussi en droit constitutionnel et en droit romain66. L’un et l’autre avaient d’abord été suppléants.
37François-Ferdinand Villequez (1822-1890), suppléant en 1846, est le premier à assurer à Dijon un cours d’histoire du droit. Il succède ensuite à Drevon dans la chaire de code civil de Proudhon, étant le troisième Franc-Comtois à l’occuper, et devient doyen en 1876..
38Durant toute cette période, le recrutement des suppléants et des professeurs se fait au moyen de concours organisés par la Faculté, selon des modalités fixés par le statut de l’Université du 31 octobre 180967. Les candidats, docteurs en droit ayant l’âge requis (25 ans pour les suppléants et 30 pour les professeurs, sauf dispense) doivent subir trois séries d’épreuves devant un jury présidé par l’inspecteur général et des professeurs et suppléants de la Faculté :
Une composition écrite (en latin pour le droit romain) en 6 heures, sur un sujet tiré au sort parmi trois donnés par le jury.
Trois leçons orales d’une demi-heure, après une préparation de huit jours.
Enfin, la rédaction et la soutenance de deux thèses, l’une de droit français, l’autre de droit romain (en latin), imprimées et distribuées aux membres du jury et aux concurrents trois jours avant l’acte public au cours duquel ceux-ci « argumenteront » contre le candidat.
39Un arrêté du 21 décembre 1818 modifie la composition du jury, qui comprendra des magistrats des cours souveraines, des avocats anciens et des docteurs en droit à côté des professeurs. C’était là rétablir les relations avec les juristes des professions judiciaires qu’avait rompues la suppression du conseil de discipline et d’enseignement. Les modalités des concours sont modifiées en 1841, 1843 et 1850. Puis est institué le concours national d’agrégation, les agrégés remplaçant les suppléants.
40Pour en terminer avec le corps enseignant de la Faculté, il convient de mentionner l’importante activité au barreau de plusieurs de ses membres. Poncet et Proudhon ont d’ailleurs été bâtonniers de l’Ordre des avocats de Dijon. Tous les ans, la Cour d’appel envoit au garde des sceaux une liste des magistrats et des avocats qui se sont distingués dans l’exercice de leur profession durant l’année. Pour 1824 et 1825, quatre professeurs (Poncet, Proudhon, Ladey et Morelot) figurent sur une liste de sept noms, limitée pour ne pas dévaluer cette récompense68. Nous savons que trois d’entre eux au moins ne négligeaient pas pour autant leurs étudiants, dont il convient de dire quelques mots pour achever cette contribution.
C - Le doyen, la Faculté et les étudiants
41L’effectif des étudiants varie de 83 à 240 et atteint un maximum en 1818- 182069. Il est donc très comparable à celui de l’ancienne Faculté. Nous devons tenir compte du nombre nettement plus réduit de Facultés de droit (douze dont neuf pour la France actuelle) créées en l’an XII par rapport aux 21 d’avant la Révolution70. On le constate aussi si l’on regarde l’origine géographique des étudiants71. La plupart d’entre eux viennent de Côte d’Or et de Saône-et-Loire et, dans une moindre mesure, des trois départements comtois. L’absence de Faculté de droit à Besançon se faisait sentir. Cette ville n’avait d’ailleurs pas renoncé à en obtenir une et a effectué, sous la Restauration, des démarches pour cela. En 1820 le conseil municipal décide d’adresser encore « une humble adresse à Sa Majesté » et de profiter du passage du duc d’Angoulème dans la ville pour lui remettre une adresse. Ce texte est rédigé, on y rappelle les démarches déjà faites en 1815 auprès de la Commission d’instruction publique et l’accueil bienveillant du comte d’Artois en 1814. La municipalité bisontine insiste sur l’ancienneté beaucoup plus grande de sa Faculté, sur l’aptitude innée des Francs-Comtois pour la science du droit72. Le 1er mai 1822, l’adjoint annonce le retour du maire, qui est député, avec « des espérances justement fondées »73, mais qui ne se sont pas réalisées. Il faut dire que Poncet avait rédigé une défense de Dijon contre cette demande « cent fois reproduite » de « l’éternelle rivale ». Si Besançon obtenait sa Faculté, ce serait la fin de celle de Dijon. La capitale comtoise, qui est riche, offre de tout prendre à sa charge, même le traitement des professeurs, alors que la ville de Dijon est « gueuse »74. Certains étudiants sont originaires de Lorraine, car Nancy n’a retrouvé ses Facultés que sous le Second Empire, grâce au baron Guerrier de Dumast, et d’autres de la région lyonnaise. Parmi ces derniers, selon le doyen E. Caillemer, les sérieux préféraient Dijon où les examens étaient plus rigoureux75.
42Les étudiants étaient soumis à l’autorité ferme mais paternelle des professeurs et du doyen. Ce dernier a dû les défendre contre les pouvoirs publics lors de troubles à caractère politique durant la Restauration. Mais les choses n’ont jamais été bien graves à Dijon, à la différence de Paris ou de Grenoble, dont la Faculté a été supprimée puis rétablie76.
43Les professeurs devaient contrôler l’assiduité, le travail et même l’attitude morale des étudiants. Ceci n’empêchait pas le doyen Proudhon, notamment, de se comporter comme un père ou plutôt un grand-père envers eux. Il leur prêtait, voire leur donnait de l’argent lorsqu’ils n’osaient pas en demander à leurs parents. Mais il restait attaché aux traditions, notamment à l’emploi du latin77 pour les examens de droit romain et avait répondu à un candidat qui s’exprimait en français : « Cum de jure romano loquimur, gallicam linguam non cognosco ». Les autres professeurs ont entretenu, autant que l’on puisse le savoir, des relations cordiales avec leurs disciples, dont certains leur sont restés fidèles après leurs études.
44Il est difficile de conclure cette esquisse des premiers temps de la Faculté de droit de Dijon, si ce n’est en soulevant une interrogation, à laquelle on ne pourrait apporter qu’une réponse bien aléatoire : quelle a pu être l’éventuelle originalité dijonnaise dans l’application d’un système d’enseignement conçu dans le cadre très contraignant d’une organisation aussi centralisée ? L’on peut invoquer la liberté d’esprit et la faculté d’adaptation de ceux qui ont rempli la tâche difficile de former de nouveaux juristes dans une France qui sortait des bouleversements de l’époque révolutionnaire et qui était désormais dotée d’un droit législatif codifié.
Notes de bas de page
1 Parue sous forme de plusieurs articles de la Revue de législation ancienne et moderne, française et étrangère, t. I, 1872, p. 259-307, 349-388 et 561-611, t. II, 1873, p. 66-92, 521-556, et 616-642 et t. IV, 1874, p. 282-334, 526-545 et 628-652. Les articles publiés dans ce t. IV ont été aussi édités à part, sous le titre Les écoles de droit en Franche-Comté et en Bourgogne. 5ème partie : la Faculté de droit de Dijon, Paris-Dijon, 1875, 163 p.
2 G. Dumay, Étude sur la vie et les travaux de Proudhon, doyen de la Faculté de droit de Dijon, Dijon, Dejussieu, 1878, 241 p.
3 B. Mathieu, La Faculté de droit de Dijon dans la première moitié du XIXème siècle (1806-1855), mémoire pour le DEA d’histoire du droit, Dijon, Faculté de droit, 1979-1980, dactyl., 204 p. Cet excellent travail est fondé sur l’utilisation des archives de la Faculté déposées aux Archives départementales de la Côte d’Or.
4 J.-P. Marque, Université, doctrine et idéologie. Le doyen Morelot, civiliste dijonnais (1786-1875), Dijon, Publications du Centre de recherches historiques de la Faculté de droit et de science politique, VI, 1982, 141 p.
5 Chr. Cichoki, Les enseignants de la Faculté de droit de Dijon, mémoire de DEA, Faculté de droit de Dijon, 1991-1992. Il s’agit d’une série de biographies.
6 Nous renvoyons au rapport de M. B. Bernabé pour toutes précisions.
7 Ainsi, Louis Renault (1843-1918), qui a commencé comme agrégé à Dijon, y a enseigné le droit commercial, avant de devenir à Paris l’éminent spécialiste du droit des gens.
8 Chr. Chene, L’enseignement du droit français en pays de droit écrit (1679-1793), Genève, Droz, 1972, p. 144.
9 Sur la Faculté de droit d’avant la Révolution, outre les articles de Fr.-F. Villequez, voir Jacques Dincher, L’Université de Dijon au XVIIIème siècle (1722-1792), mémoire de maîtrise d’histoire moderne, sous la direction de D. Ligou, Dijon, Faculté des sciences humaines, juin 1971, dactyl. 154 p. Il s’agit d’un très bon mémoire, fondé sur une abondante documentation.
10 Bib. mun. de Dijon, ms 1511, Recueil de pièces (mss et imprimées) concernant la Faculté de droit de Dijon (XVIIIème et XIXème siècles) fol. 45 à 59 v°.
11 H. Richard, « Un professeur de droit dijonnais adversaire et victime de la Révolution : le doyen Louis-Élisabeth Voisin (1728-1794) », dans Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, t. 141, 2005-2006, p. 379- 398.
12 M. Petitjean, « Une entreprise contrariée : la réédition des Traités sur diverses matières de droit français à l’usage du duché de Bourgogne de Gabriel Davot et Jean Bannelier », dans Mémoires de la société pour l’histoire du droit et des institutions des anciens pays bourguignons, comtois et romands, volume 60, 2003, p. 217-228.
13 H. Richard, Bénigne Poncet, professeur de législation à l’École centrale de la Côte d’Or. Recherches sur l’enseignement du droit à l’époque révolutionnaire, Dijon, 1977, La Révolution en Côte d’Or, nouvelle série, fascicule 14.
14 Article 25, 1° : « Il pourra être établi dix Écoles de droit : chacune d’elles aura quatre professeurs au plus », dans A. de Beauchamp, Recueil des lois et règlements sur l’enseignement supérieur, tome 1er, 1789-1847, Paris, Delalain, 1880, p. 84. Dans son discours devant le Corps législatif, le 30 germinal an X (20 avril 1802), le conseiller d’État Fourcroy avait défini les Écoles spéciales comme des « écoles publiques supérieures où l’on enseigne en particulier, et dans toute leur profondeur, les sciences utiles, la Jurisprudence, la Médecine… Il pourra y avoir dix Écoles de droit. Ces institutions si utiles, qui n’existent plus depuis près de dix années, reprendront… », ibid. p. 67.
15 On trouve dans les papiers de Poncet le projet de cette adresse, daté de nivôse an XII (décembre 1803-janvier 1804), Bib. mun. de Dijon ms 1713 fol. 18-20.
16 B. Mathieu, op.cit., p. 28. Dans ce mémoire sont rappelés aussi les anciennes juridictions établies à Dijon et les grands hommes de la Bourgogne, juristes ou non.
17 Bib. mun. de Dijon ms 1511 (=fonds Saverot n° 12) fol. 87-88 : il s’agit d’une minute non datée.
18 Il s’agissait de renouveler les démarches déjà faites par le jury central d’instruction du Doubs auprès du gouvernement. Ces lettres sont adressées au ministre de l’Intérieur et à diverses personnalités : Moncey, Thibaudet, Grappe et Desmeuniers (natif de Nozeroy (Jura), président du Tribunat), Arch. mun. de Besançon 1D6* fol. 30 v°. Elles sont approuvées le 15 ventôse (6 mars). Le conseil municipal avait déjà décidé, le 3 frimaire an IX (24 novembre 1800) l’envoi d’une « adresse au gouvernement pour solliciter une École de médecine dans cette commune et d’autres établissements de ce genre », ce qui pouvait inclure une École de droit, ibid. fol . 5 v°.
19 Arch. mun. Besançon 1D6* fol. 32 v°. Ces espérances se fondaient notamment sur l’appui du général Moncey.
20 Fr.-F. Villequez, Les écoles de droit en Franche-Comté et en Bourgogne. 5ème partie : la Faculté de droit de Dijon, p. 66 et G. Dumay, op. cit., p. 70.
21 A. de Beauchamp, op. cit., p. 137-141.
22 Article 1er, A. de Beauchamp, op. cit., p. 142-148
23 On peut relever que Louis Saverot (1753-1835), qui avait été recommandé par le maire à François de Neufchâteau (supra) ne redevient pas professeur. Il est nommé à la Cour d’appel en 1816.
24 Une erreur de Villequez, op. cit., p. 70 et 110, reproduite par G. Dumay en compte un troisième. En réalité, Pierre-François Guichon de Grandpont (1757-1825) n’a jamais été professeur à l’École centrale de la Haute-Saône, où la législation a toujours été enseignée par Nicolas Galmiche. Né à Gray, P.-F. Guichon de Grandpont, fils d’un conseiller au présidial, y a exercé la profession d’avocat, mais persécuté par les révolutionnaires locaux, il a dû s’enrôler dans l’armée, où il a servi comme capitaine adjudant-major, puis comme commissaire des guerres. Il avait repris la profession d’avocat à Vesoul lorsqu’il est nommé professeur à Dijon. Voir le rappel de sa carrière dans le tableau du personnel de la Faculté de droit en 1813, Arch. nat. F17 1426 et la biographie rédigée par son fils Alfred, Instruction préliminaire à l’enseignement du code Napoléon par M. P.-F. Guichon de Grandpont, professeur à la Faculté de droit, précédée d’une notice biographique par M. Alf. Guichon de Grandpont, commissaire général de la Marine, Brest, Lefournier aîné, 1864, Bib. mun. de Dijon Br III-1104, p. 4-9.
25 J. Laurent, « Le Collège des Godrans », dans Les établissements des Jésuites en France depuis quatre siècles, sous la direction de P. Delattre, Enghien et Wettteren, t. II, 1953, col. 33-107. Le nom de « Rue de l’École de droit » est resté à la rue qui borde l’ancien collège, où se trouve la Bibliothèque municipale, malgré le changement de titre pour celui de Faculté et le transfert de cette Faculté dans de nouveaux locaux en 1963. L’ancienne Faculté, avant la Révolution, n’avait pas de locaux propres, elle louait des salles du couvent des Dominicains, disparu, à l’emplacement du marché.
26 Le Procès-verbal de l’ouverture solennelle de l’École de droit de Dijon, avec les discours qui y ont été prononcés, imprimé à Dijon chez Bernard Defay, imprimeur de l’École de droit, 31 p. est conservé, Bib. mun. de Dijon ms 1511 fol. 89-104. On y trouve, après le discours d’ouverture d’un juge de la Cour d’appel, remplaçant le doyen d’honneur malade, celui de Proudhon (p. 10-23) et un discours en latin du professeur de droit romain, Guillemot.
27 Doubs, arr. de Besançon, c. de Vercel-Villedieu-le-Camp. Pour la vie de Proudhon, voir G. Dumay, op. cit.
28 Canton supprimé, actuellement Doubs, arr. de Besançon, c. de Vercel-Villedieu-le-Camp.
29 Le Conseil municipal de Besançon demande une espèce de reconnaissance officielle de cet enseignement, afin que Proudhon puisse donner à ses élèves des certificats de fréquentation. Il rend hommage, à cette occasion, « à son zèle, à ses talents, à ses connaissances et à ses succès dans l’enseignement des lois », Arch. mun. de Besançon 1D6* fol. 82 v°, du 20 vendémiaire an XII (13 octobre 1803).
30 B. Mathieu, « Proudhon, professeur à la Faculté de droit de Dijon et le buste de Napoléon : un épisode des Cent-Jours », dans Revue d’histoire des Facultés de droit et de la science juridique, 1988, n° 7, p. 87-91.
31 H. Richard, « Nation et République dans la réflexion sur le droit de souveraineté de Bénigne Poncet (1814 et 1815 », dans Nation et république. Les éléments d’un débat. Actes du Xe colloque de l’AFHIP (Dijon, 6-7 avril 1994), Aix-en-Provence, 1995, p. 99-110.
32 Bib. mun. de Dijon ms 1713 fol. 86 et s., papiers de Poncet relatifs à son décanat.
33 Proudhon avait quatre enfants en 1813, Arch. nat. F17 1426.
34 Paru en l’an VII à Besançon, 2 volumes.
35 G. Dumay, op. cit., p. 230-240, donne la liste des travaux de Proudhon, imprimés puis manuscrits, par ordre chronologique. Quelques unes de ces consultations se trouvent dans des collections publiques. La Bibliothèque municipale de Dijon en possède trois, dont une écrite avec Poncet et une autre qui n’est qu’une simple note approbative jointe à celle d’un avocat. Et il y a un recueil factice de 6 consultations, de 1826, 1827 et 1829, à la Bibliothèque universitaire de Dijon Réserve 62546. La Bibliothèque municipale de Besançon n’en a pas.
36 2 volumes, éditions de 1809 et 1810 et une troisième, complétée par Valette en 1842.
37 Après celui, très bref, de Delvincourt en 1808.
38 C’est ce que dit l’article 10 du décret du 4ème complémentaire an XII, A. de Beauchamp, op. cit., p. 143.
39 Art. 10 du décret : « Un professeur enseignera tous les ans les Institutes de Justinien et le droit romain ».
40 Même article 10 pour la deuxième et pour la troisième années, parallèlement à l’étude de la suite du code civil. Cet enseignement est déjà prévu à l’article 2, 2° de la loi du 22 ventôse an XII, A. de Beauchamp, op. cit., p. 137.
41 Selon le décret du 4ème complémentaire an XII, articles 21 à 23, ce conseil comprend douze membres au plus, non compris le directeur de l’École, « magistrats et jurisconsultes anciens ou en exercice », nommés par l’empereur. Ils désignent chaque année leur doyen d’honneur qui les préside. A. de Beauchamp, op. cit., p. 144-145.
42 Article 25 du décret, A. de Beauchamp, op. cit., p. 145.
43 Bib. mun. de Dijon ms 1511, fol. 92-100.
44 A. de Beauchamp, op. cit., p. 160-168. Elle comporte 67 articles et a été signée également par Fourcroy, conseiller d’État directeur général de l’Instruction publique.
45 Poncet a prononcé le discours de rentrée à plusieurs reprises, et pas seulement lorsqu’il remplaçait Proudhon pour le décanat. On en trouve les brouillons dans ses papiers, Bib. mun. de Dijon ms 1713 fol. 163 et suivants.
46 Les deux intitulés figurent dans le même article 45, A. de Beauchamp, op. cit., p. 165.
47 Bib. mun. de Dijon ms 1713 fol. 51 à 77, Délibération de la Faculté du dimanche 1er août 1813, d’après le rapport de deux commissaires, dont Poncet
48 Ceci est conforme à l’article 46 de l’instruction de mars 1807.
49 Par la loi, très brève, du 10 mai 1806, A. de Beauchamp, op. cit. p. 156, et le décret du 17 mars 1808 portant organisation de l’Université, ibid. p. 171-188.
50 Statut du 18 octobre 1808 concernant la division de l’Université en Académies, art. 51 : « L’École de droit de Dijon formera la Faculté de droit de Dijon. Le directeur prendra le titre de doyen », A. de Beauchamp, op. cit. p. 199.
51 Ce texte n’a pas été conservé, B. Mathieu, La Faculté de droit de Dijon, mémoire cité supra, p. 23.
52 Bib. mun. de Dijon ms 1713 fol. 21-48.
53 Ibid. fol. 49, lettre datée du 12 juillet 1809.
54 A. de Beauchamp, op . cit., p. 219-221.
55 B. Mathieu, op. cit., p. 161 donne un tableau des professeurs, dans l’ordre de la succession aux chaires.
56 Il est l’auteur d’un projet de code de procédure civile.
57 Pendant que le président Larché siège au Corps législatif, Chantal Dauvergne, La Cour d’appel de Dijon (an VIII-1852), thèse pour le doctorat en droit, Dijon, 1990, dactyl., p. 490-491.
58 Instruction préliminaire à l’enseignement du code Napoléon par M. P.-F. Guichon de Grandpont… citée supra.
59 Prévue par l’article 70 du décret du 4ème compl. an XII : « Pendant une partie de leurs leçons, les professeurs dicteront des cahiers que les étudiants seront tenus d’écrire eux-mêmes ».
60 Ces ouvrages étaient en vente auprès du concierge de la Faculté.
61 Bib. mun. de Dijon ms 1718.
62 Arch. nat. F17 1426, tableau du personnel de la faculté en 1813.
63 On a conservé les thèses, de droit français et de droit romain (celle-ci en latin) rédigées par lui pour le concours ouvert pour cette chaire, en 1826, Bib. mun. de Dijon ms 1511 fol. 300-324.
64 Arch. nat. F17 1421, ordonnance royale du 28 avril 1844. La lettre du ministre qui annonce cette nomination mentionne les services rendus comme doyen et l’importance de son enseignement. Dossier LH /1935/39.
65 A. Drevon, ed. Voet, Commentarius ad Pandectas, Paris, 1827-1829, 4 vol.
66 M. Touzeil-Divina, Éléments d’histoire de l’enseignement du droit public. La contribution du doyen Foucart (1799-1860), Paris, 2007, p. 542-544.
67 Statut sur l’organisation des concours pour les Facultés en général et pour les Facultés de droit en général, A. de Beauchamp, op. cit., p. 237-245 (241-243 pour les Facultés de droit, articles 43 à 77), qui mentionne un premier règlement, non publié, du 18 avril 1809, repris dans ce statut. B. Mathieu, op. cit., p. 44-55. Certaines thèses sont conservées dans Bib. mun. de Dijon ms 1511.
68 Arch. dép. de Côte d’Or 2U 156, Registre des délibérations du Tribunal (puis Cour) d’appel séant à Dijon, p. 330 et 391bis. En 1816, le Barreau comptait une trentaine de membres.
69 B. Mathieu, op . cit., p. 75-81 et annexes XI et XII p. 163 et 165, étudie de façon approfondie les effectifs et leur variation, qu’il tente d’expliquer.
70 L’effectif des professions judiciaires a lui aussi diminué.
71 Étudiée de manière très complète par B. Mathieu, op. cit., p. 82-85 et les tableaux et cartes des annexes XIII à XVI p. 166-176.
72 Arch. mun. de Besançon 1D9* fol. 188 (délibération du 9 mai 1820) et 194-195 (12 mai, approbation du texte de l’adresse). On peut y lire : « La science du droit est celle des Francs-Comtois, ils en apportent l’instinct en naissant… Si… les Bourguignons l’ (ont) toujours emporté… en talents pour la littérature et l’éloquence, les Comtois en compensation reçurent de la nature et du travail un jugement solide et une aptitude merveilleuse aux sciences et notamment à celle de la législation ».
73 Arch. mun. de Besançon 1D10 fol. 202 v°-203. Voir aussi fol. 121 v° (21 mai 1821).
74 Bib. mun. de Dijon ms 1713 fol. 78-85 v° (1821) : pétition d’habitants de Dijon à la Chambre des députés, lettre de Poncet au maire…
75 Faute de place, nous renvoyons sur cette question à B. Mathieu, op. cit. p. 126-
76 B. Mathieu, op. cit. p. 94-103.
77 Cette règle est restée en vigueur jusqu’en 1840, A. de Beauchamp, op. cit. p. 146, note.
Auteur
Professeur à la Faculté de droit et de science politique de Dijon
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