De l’inexistence d’une « Ecole de Poitiers »
p. 313-334
Texte intégral
1« Je préfère me débarrasser des faux enchantements pour pouvoir m’émerveiller des vrais miracles »1 écrivit Pierre Bourdieu2. Et, pour des raisons tant doctrinales que personnelles, nous pourrions faire nôtres ces autres mots du sociologue mais à propos de l’Ecole dite de Poitiers. En effet, il serait tentant pour l’auteur de ces lignes, et par désir(s) subjectif(s) de sublimer l’apport du doyen Foucart (1799-1860), premier titulaire de la chaire pictave de droit administratif (de 1832 à1860) présenté comme le « maître de l’Ecole de Poitiers3 », de considérer et d’affirmer une telle existence.
2Pourtant, selon nous, en matière de genèse du droit administratif, le « vrai miracle » réside en l’existence de deux phénomènes : non seulement et contrairement à l’idée trop répandue et encore reçue4, il a existé de véritables doctrines (et non de pures et uniques exégèses) en droit public avant le XXème siècle et la domination scientifique des E. Laferriere, L. Duguit et M. Hauriou mais encore, celui qui nous semble avoir offert la doctrine la plus novatrice et la plus complète de ce droit administratif en construction est précisément le doyen de Poitiers, Emile-Victor-Masséna Foucart.
3Nous nous proposons donc « pour pouvoir s’émerveiller » à l’aune de ce présupposé scientifique du « vrai miracle »5 de nous « débarrasser [d’un] faux enchantement » : la prétendue existence, en droit public et au XIXème siècle, de l’Ecole dite de Poitiers.
4Pour ce faire, nous traiterons successivement des points suivants : d’abord, nous exposerons la reconnaissance d’un mouvement scolastique pictave et les raisons pour lesquelles l’expression d’Ecole de Poitiers a perduré (I) ; ensuite, seulement, nous pourrons en discuter l’opportunité (II).
I - L’existence doctrinale d’une Ecole de Poitiers
5Avant toute chose il faut évidemment rappeler ce que nous entendrons ici par « Ecole ». Dans d’autres pages6, nous avions milité -à propos de la négation de l’existence d’une autre « Ecole », celle dite « de l’exégèse »- pour l’identification d’un mouvement scolastique en fonction de quatre critères : l’existence d’un « initiateur » unique, celle d’un groupe partageant une vision identique de la science juridique ou d’un de ses aspects et se reconnaissant entre eux comme tels, le postulat d’actes volontaires d’adhésion et la réception (ou l’identification en tant que telle du mouvement scolastique) par ses contemporains. Autrement dit, outre l’existence d’un maître et d’une doctrine prétendue novatrice, ce sont surtout les reconnaissances interne et externe de « l’Ecole » qui vont la matérialiser. Sans disciples ni visibilité extérieure, l’Ecole n’existe pas.
6Or, s’agissant de « l’Ecole de Poitiers » il est manifeste qu’une reconnaissance doctrinale du mouvement a bien eu lieu ; l’Ecole ayant été assimilée à un mouvement novateur et libéral de défense des droits des administrés (B). En l’occurrence, l’Ecole de Poitiers doit son existence et son succès relatif pendant la première moitié du XXème siècle à l’autorité, la force et la gloire de son inventeur principal : Maurice Hauriou (A).
A - L’autorité (non discutée) du doyen Hauriou
7Selon nous, effectivement, c’est indéniablement parce que l’expression même « d’Ecole de Poitiers » aurait été inventée par le doyen de Toulouse (1) qu’elle a eu le succès qu’elle a ensuite connu tout au long du XXème siècle et jusqu’à ce jour (2).
1 - Une invention toute toulousaine…
8Sauf erreur ou omission, la première mention explicite de l’existence d’une « Ecole de Poitiers » date de 1892, année au cours de laquelle paraît, dans la Revue générale d’administration dirigée par Block, un essai d’un jeune agrégé enseignant l’histoire du droit : Maurice Hauriou. Ce dernier propose alors un long article (en deux parties) consacré à l’étude de la « formation du droit administratif français » qui est très souvent cité aujourd’hui comme étant l’un des premiers articles de l’histoire du droit administratif (et de son enseignement) mais que l’on rappelle, le plus souvent, dans sa version en tiré à part de 1893 ou dans celle, encore plus récente, de 1897 c’est-à-dire à l’article « droit administratif » du Répertoire de droit administratif (dit Répertoire Bequet)7. A la vingt-troisième page de l’édition (préc.) de 1893, Hauriou écrit en effet :
9« Le livre de Foucart a eu quatre éditions. La quatrième, en 3 volumes, est de 1855-1857. On peut dire qu’il a fondé en droit administratif une école qui mérite le nom d’Ecole de Poitiers, car M. Ducrocq en procède dans une certaine mesure. Cette école se caractérise par un individualisme très décidé ».
10Il n’y a alors presque aucun doute sur le fait qu’Hauriou ait été l’inventeur de l’expression « d’Ecole de Poitiers » ainsi qu’en témoigne le vocabulaire qu’il utilise : « on peut dire que » puis « qui mérite le nom de » c’est-à-dire à laquelle nous donnons la qualification « d’Ecole de Poitiers ».
11Mais à l’époque, en 1892-1893, Hauriou vient seulement de quitter la chaire d’histoire du droit qu’il a occupée pendant six années (de 1882 à 1888) et il n’est donc titulaire de la chaire administrativiste que depuis seulement quatre ans. Il n’est alors pas encore reconnu comme « le » spécialiste de cette matière dans laquelle, les noms d’Aucoc, de Laferrière (fils), de Batbie et de Ducrocq seront les plus célèbres8. Pourtant, même si Hauriou n’a pas encore la notoriété qui sera très rapidement la sienne dès la fin du XIXème siècle avec la publication de la troisième édition de son précis (1897) et surtout, sa participation (préc.) au Répertoire Bequet ainsi que la parution de son ouvrage intitulé : La gestion administrative9, sa parole est déjà particulièrement suivie et ce phénomène sera encore décuplé à partir de 1906, année au cours de laquelle il accéda au décanat de la Faculté de droit de Toulouse succédant alors au romaniste Jean-Antonin Deloume.
12Dès 1901, c’est ainsi Henry Nezard à l’intérieur de sa thèse relative à la fonction publique qui écrit10 : « Foucart qui fonde l’Ecole de Poitiers à laquelle M. Ducrocq est resté fidèle » et qui se caractérise par « l’étude des restrictions aux droits individuels » ; l’auteur citant alors comme source de ce constat l’article (préc.) d’Hauriou de 1893.
13Dans les faits, il semblerait que l’expression ait d’abord été diffusée, dans l’Ecole du Panthéon, par le professeur Berthelemy, titulaire de la seconde chaire de droit administratif et alors que la première chaire était encore occupée par Ducrocq. Henry Berthelemy était en effet le directeur de la thèse de Nezard et dans ses cours il aurait utilisé l’article (préc.) d’Hauriou pour présenter aux étudiants sa matière et opposer au sein de celle-ci les tenants d’une Ecole « classique » et dite de Paris (composée de MM. Batbie, Vuatrin, Jacquelin, Michel et lui-même) et à laquelle serait opposée… Théophile Ducrocq, en tant que successeur du doyen Foucart.
14La formule d’Hauriou n’aurait alors connu, selon nous, le succès que pour ces deux principales raisons : quant au fond parce qu’elle permettait de distinguer les défenseurs des droits de l’administration et du pouvoir (« l’Ecole de Paris ») de ceux qui revendiquaient se placer du côté libéral des administrés et -quant à la forme essentiellement- car elle permettait d’isoler Ducrocq, professeur parisien depuis 1884 en le qualifiant comme étant membre d’une Ecole… provinciale.
15A Poitiers, la formule avait bien plu et certains s’en enorgueillissaient même avec délices. Ainsi, Michon dans son ouvrage consacré en 1900 à l’histoire de la Faculté de droit de Poitiers en faisait-il implicitement mention11. Car c’est en fait surtout en 1906 lors du premier centenaire de l’établissement qu’Arthur Girault s’empara de cette dénomination pour la porter aux nues et glorifier ainsi Ducrocq12 :
16« Faisant allusion aux doctrines qu’il est de tradition d’enseigner dans cette chaire, nos collègues parisiens disent quelquefois « L’Ecole de Poitiers ».
17« Cette expression nous la relevons avec fierté et nous la faisons nôtre, car dans le présent comme dans le passé, il n’est peut-être pas beaucoup d’Universités qui, pour l’enseignement du droit administratif, puissent rivaliser avec celle de Poitiers. »
18Plus loin il ajoutait13 :
19« Mais c’est l’enseignement des sciences politiques qui a jeté dans notre ville le plus vif éclat. La nécessité pour les Facultés de droit de préparer aux carrières administratives, qui a fait créer en 1895 un doctorat ès sciences politiques, avait depuis longtemps été comprise par la Faculté de Poitiers, toujours ouverte aux idées nouvelles. Une des premières en France, dès l’année 1832, elle obtenait la création d’une chaire de droit administratif.
20Cette chaire a d’abord été occupée jusqu’en 1860 par Foucart, qui, après la mort de Boncenne en 1840, a été pendant vingt ans le doyen de cette Faculté. M. Foucart est un de ceux qui ont fondé en France la science du droit administratif et ses ouvrages ont eu un nombre d’éditions considérable pour l’époque. Il a eu pour successeur dans sa chaire M. Ducrocq, qui, pendant vingt-quatre ans, l’a occupée avec une incomparable autorité. La réputation d’un enseignement oral qui s’étendait au loin, les six éditions de son Cours de droit administratif, sans parler de ses nombreuses monographies, ont valu à M. Ducrocq, d’abord d’être nommé correspondant de l’Institut, puis d’être appelé en 1884 à une chaire de droit administratif à la Faculté de Paris. Mais, resté Poitevin quand même, il n’a pas cessé de s’intéresser à la Faculté dont il avait été le doyen ».
21Et de conclure14 : « Quoi qu’il en soit, cette Université, c’est la nôtre, et nous l’aimons. Les étudiants d’Outre-Rhin ne sont pas les seuls à chérir d’abord, à regretter ensuite, leur « vieil Heidelberg ».
22« Notre Heidelberg à nous, c’est notre vieux Poitiers, plein de souvenirs !… Parmi ceux qui ont étudié dans ses murs, beaucoup ont eu pour unique ambition de revenir enseigner en face des mêmes bancs sur lesquels ils avaient passé leur jeunesse. Je sais de mes collègues qui sont restés insensibles à l’attraction de la capitale, si puissant était le charme qu’exerçait sur leur âme notre vieille ville » !
2 -… reprise avec révérence depuis 1892
23Par la suite, la génération des auteurs du premier tiers du XXème siècle reprit avec révérence la formule d’Hauriou qui avait entre-temps acquis la stature et l’autorité qui sont aujourd’hui les siennes, c’est-à-dire la réputation d’avoir véritablement (et enfin) fondé le droit administratif sur des bases scientifiques et rigoureuses (ce que ses prédécesseurs n’auraient pas réussi à établir à l’exception du président Laferrière). Achille Mestre, le successeur dudit Hauriou dans sa chaire toulousaine de droit administratif écrivit ainsi en 192215 :
24« Une tendance toute différente a consisté, non plus à organiser le droit administratif suivant le droit privé, mais au contraire à le considérer comme apportant des limitations aux droits des individus. C’est celle de l’Ecole dite de Poitiers, qui a eu comme principaux représentants au XIXème siècle des maîtres de cette Faculté : Foucart et Ducrocq ; elle y est continuée aujourd’hui par M. Barilleau qui a collaboré à la 7ème édition du traité de Ducrocq ».
25Passée cette période en revanche (et la mort d’Hauriou concrètement) la doctrine ne semble plus faire allusion à « l’Ecole de Poitiers ». D’aucuns, citant Hauriou ou Achille Mestre, ont épisodiquement employé l’expression mais, de façon générale, la formule tomba en désuétude car une nouvelle génération de juristes arriva et celle-ci ne s’intéressait pas à l’histoire du droit administratif. En outre, la prétendue « Ecole de Poitiers » n’avait manifestement plus de représentant (suite au décès de Barilleau en 1925 et à son remplacement, dans la chaire pictave de droit administratif, par Jean Devaux puis par Marcel Waline qui n’appartenaient en rien audit mouvement16).
26Toutefois, en 1985, un demi-siècle plus tard, le professeur Lavigne écrivit une des premières études fondatrices de l’histoire du droit administratif dans la (nouvelle) Revue d’histoire des Facultés de droit et dans laquelle il mentionna ladite « Ecole de Poitiers »17. En 1994 ensuite, c’est un article du professeur Darcy dans l’Actualité juridique du droit administratif (AJDA) qui mentionne également Foucart comme étant l’un des membres de « l’Ecole de Poitiers »18. L’année suivante c’est en Italie que le professeur Lacché fait état « della Scuola di Poitiers » comme ayant conçu le droit administratif « quale tecnica di limitazione dei diritti individuali »19. Ces quelques mentions (et il y en eut certainement quelques autres) nous semblent cependant relativement égarées ou esseulées.
27En revanche, la parution, en 1995, du second20 manuel d’Histoire du droit administratif du professeur François Burdeau s’avéra primordiale dans le renouveau et la modernité de la formule d’Hauriou. En effet, l’Histoire du droit administratif qu’il publia demeure le premier véritable apport scientifique d’importance sur cette matière en ce qui concerne le droit postrévolutionnaire21. De fait, il eut immédiatement et a encore un succès considérable (de librairie aux dires même de l’auteur22) et de doctrine surtout. Tous ceux qui se sont en effet intéressés à cette matière (et ils commencent heureusement à se multiplier) ont eu l’ouvrage entre les mains et, parfois, ont même entrepris leurs recherches suite à des premières pistes que le professeur avait élaborées. Quoi qu’il en soit, il avait renouvelé l’intérêt de la formule d’Hauriou qui (pour lui aussi) était la source même de l’expression « d’Ecole de Poitiers »23. Par la suite, plusieurs auteurs reprirent à nouveau l’expression (sans pour autant savoir qu’elle était d’Hauriou puisque Burdeau ne donna pas explicitement sa source). C’est en ce sens qu’écrivit implicitement le professeur Gonod dans sa thèse (préc.) où elle présenta Ducrocq comme étant le successeur de Foucard (sic)24.
28En 1997, pourtant, le professeur Chevallier vint le premier critiquer la formule d’Hauriou en relevant que la prétendue Ecole n’avait pas véritablement produit d’opinions « théoriques fortement affirmées »25. Toutefois, le professeur Chevallier diffusa à son tour l’expression et ne la remit pas frontalement en question (il se contenta d’émettre une critique et, quelques pages plus loin, sembla même revenir sur ce qu’il avait écrit en signifiant que le professeur Berthelemy, selon certains, pouvait éventuellement être affilié à « l’Ecole de Poitiers »… ce qui implicitement en admettait donc peut-être l’existence)26. Depuis l’an 2000, plusieurs écrits mentionnent alors explicitement ou indirectement27 l’existence avérée d’une « Ecole de Poitiers » comme en 2004 dans le très bel ouvrage des professeurs Jestaz & Jamin28 ou, en 2001, dans la thèse du professeur Foulquier29 ou encore dans un article de M. Dubois de Carratier30 :
29« "L’école de Poitiers" (…) offre une interprétation particulière en présentant le droit administratif comme constitué d’autant de restrictions apportées aux libertés individuelles. Foucart, par exemple, analyse le service militaire comme une limitation de la liberté individuelle » ce qui n’est que la stricte pensée d’Hauriou.
B - L’identification de la prétendue « Ecole de Poitiers »
30Dans l’esprit d’Hauriou comme dans celui de son continuateur, Achille Mestre, « l’Ecole de Poitiers » avait deux critères principaux d’identification. L’un au fond concernait une vision nouvelle du droit administratif (1) et l’autre, sur la forme, mentionnait une appartenance géographique (2).
1 - La défenses des droits et libertés des administrés
31Effectivement, la doctrine originale qu’aurait mise en avant « l’Ecole de Poitiers » serait une défense absolue et libérale des libertés et des droits individuels au détriment de la puissance publique et / ou de l’administration alors que les contemporains de ladite Ecole se seraient, précisément, contentés de ne décrire que la mise en œuvre du pouvoir administratif et de ses prérogatives de puissance publique. Ainsi relève le professeur Lavigne : « L’Ecole de Poitiers » était constituée d’auteurs étudiant « la restriction aux libertés »31. Quant à Achille Mestre, il est le seul à avoir développé cette idée et les exemples qu’il donne sont toujours ceux que l’on reprend encore aujourd’hui32 :
32« Ces auteurs partent de la conception des droits individuels, notamment de l’idée de propriété, mais au lieu de construire le droit administratif par analogie avec le droit privé, ils le dressent en quelque sorte contre lui. Le droit administratif ne serait, dans cette doctrine, que la mise en œuvre des limitations apportées au nom de l’intérêt public au libre exercice des droits individuels. En modifiant un mot célèbre, on pourrait dire que, pour l’Ecole de Poitiers, le droit public général fournit au droit administratif ses têtes de chapitre. C’est ainsi que Foucart étudie le service militaire comme une restriction à la liberté individuelle et l’expropriation comme une « charge qui porte sur la propriété ».
33« M. Ducrocq a généralisé la méthode avec une incontestable maîtrise : la partie centrale de son ouvrage comprend l’énumération des principes auxquels les diverses Lois administratives apportent une série de restrictions. Le grand mérite de cette conception était de détacher nettement le droit administratif du droit privé et de rendre ainsi possible les constructions ultérieures d’un droit autonome ».
2 - De Foucart à Barilleau
34Formellement, enfin, « l’Ecole de Poitiers » se caractériserait par une unité doctrinale qu’aurait insufflée puis dirigée le doyen Foucart dans sa Faculté de droit de Poitiers avec ses successeurs. Alors, présente-t-on traditionnellement Ducrocq et Barilleau c’est-à-dire les deux titulaires, après Foucart, de la chaire de droit administratif pictave (respectivement : de 1834 à 1860 pour Foucart ; de 1860 à 1884 pour Ducrocq et de 1884 à 1923 pour Barilleau). Certains, même, et ce, certainement parce que Barilleau a moins écrit que les précédents et n’a, en tout cas, jamais publié seul de traité ou de cours de droit administratif, oublient purement et simplement de citer ledit Georges Barilleau (qu’ils ne connaissent d’ailleurs peut-être pas) et ne mentionnent donc, tels les professeurs Darcy & Burdeau, que les patronymes de Foucart et de Ducrocq. A l’inverse, des auteurs comme Mestre ou Lavigne insistent bien, quant à eux, sur les trois noms précités.
35Ainsi qu’on s’en aperçoit donc aisément les critères formels d’identification semblent bien minces pour impliquer l’existence véritable d’une « Ecole de Poitiers ». Pourtant, la formule d’Hauriou a manifestement et indubitablement connu un succès important. Peut-être est-ce parce que ceux qui l’ont utilisée n’ont pas osé critiquer ou remettre en cause, tel le professeur Chevallier, l’opinion du doyen Hauriou, cette « divinité » qui, selon Georges Burdeau, se partageait avec Duguit « l’Olympe des juristes de droit public interne »33.
36Peut-être est-ce aussi parce que la formule, particulièrement utile, permettait (même si elle n’était pas rigoureusement exacte) de mettre en lumière l’existence d’un des premiers courants doctrinaux non seulement en matière de défense libérale des individus mais surtout par opposition aux prétendus écrits purement exégétiques de l’ensemble de la doctrine antérieure à l’Empire libéral.
37En réalité, la formule « d’Ecole de Poitiers » nous donne l’impression d’avoir été utilisée par beaucoup pour son aspect pratique évident et sa caution morale (d’œuvre reconnue par Mestre et Hauriou) alors que, dans les faits, ses utilisateurs ne semblent pas avoir réfléchi, à l’exception du professeur Chevallier, à sa véritable consistance. En conséquence nous proposons de mettre définitivement fin à ce sophisme… ou à ce malentendu.
II - L’existence fort douteuse d’une succession scolastique
38Pour de multiples raisons, nous pensons qu’il est impératif de suivre l’intuition émise par le professeur Chevallier lorsqu’il écrit à propos de « l’Ecole de Poitiers », qu’il ne s’en dégage a priori pas d’« options théoriques fortement affirmées »34. En effet, reprenant les critères d’identification d’une « Ecole doctrinale » que nous avons rappelés et retenus supra, nous examinerons ci-dessous le cas de l’Ecole dite de Poitiers (A) puis nous serons conduit à affirmer l’inexistence d’un tel courant à proprement parler pictave au profit de l’une des multiples facettes du libéralisme européen du XIXème siècle (B).
A - L’inexistence des critères de reconnaissance d’une « Ecole »
39Les critères de reconnaissance scolastique que nous avons affirmés plus haut sont, rappelons-le, les suivants : l’existence d’un « initiateur », celle de « disciples » ayant accompli une démarche positive et volontaire d’adhésion à une doctrine a priori novatrice et la reconnaissance extérieure du mouvement par ses contemporains. Sous ses aspects, force est alors de constater que « l’Ecole de Poitiers » parce qu’elle aurait été trop « élémentaire » (1) et surtout sans initiateur (2) ne pouvait et ne peut plus recevoir la qualification d’Ecole.
1 - Une Ecole trop « élémentaire »
40Outre l’initiateur ou le maître de l’Ecole que tous ceux qui l’identifient s’accordent à reconnaître en la personne du doyen Foucart, combien existait-il d’adhérents ou de militants de « l’Ecole de Poitiers » ? Pour la majorité des auteurs il s’agirait… de Ducrocq seul35 ! Imagine-t-on alors sérieusement une Ecole fondée sur un maître et un disciple ? Certes, d’aucuns ont eu connaissance du nom de Barilleau et, parce que ce dernier a contribué à la dernière édition du cours de Ducrocq, l’ont également mentionné dans les membres de « l’Ecole de Poitiers », mais cela suffit-il à créer un mouvement proprement dit ?
41Nous n’en sommes pas du tout convaincu.
42Au fond, Foucart et Ducrocq envisagent effectivement tous deux un droit administratif qui trouverait ses bases dans le droit constitutionnel et qui se caractériserait essentiellement par une étude des restrictions aux libertés et droits individuels du pouvoir administratif. Mais cela ne suffit pas à constituer un mouvement scolastique propre à la Faculté de droit de Poitiers.
43Bien entendu quelques parallèles peuvent être établis entre la méthode et la doctrine foucartiennes et celles utilisées par son successeur dans la chaire pictave de droit administratif. Par exemple, Ducrocq -comme Foucart avant lui- a éprouvé la nécessité de publier après chaque leçon certains textes essentiels (notre auteur36 l’ayant fait quant à lui dans un appendice abandonné dans sa dernière édition)37 :
44« Les textes les plus essentiels restent souvent inconnus de l’étudiant qui éprouve, pour les trouver, toujours de l’embarras et parfois une impossibilité complète, tandis qu’il rencontre à coup sûr l’article du Code Napoléon (…). J’ai cru satisfaire un besoin réel, senti par l’esprit généralement pratique des étudiants, en leur venant en aide sous ce rapport ».
45Mais, au fond, et malgré l’apparente communauté d’idées en matière de défense libérale des droits des administrés ce sont, affirmons-nous, davantage des différences importantes qui séparent Ducrocq de Foucart.
46Ainsi, rappelons que Ducrocq croyait en une théorie de la fiction légale de la personnalité morale que Foucart rejetait. De même, Ducrocq a-t-il plutôt suivi la doctrine proudhonienne du domaine public davantage que celle de Foucart38. En outre, signalons que le plan d’étude du droit administratif appliqué par Foucart de 1834 à 1855 n’a rien en commun avec celui du cours de Ducrocq ; ce dernier n’ayant pas offert une place au contentieux administratif ni à la genèse de ce droit (les notions historiques et philosophiques) aussi fondamentales que notre auteur. Et, concernant le contentieux administratif à nouveau, alors que Foucart va développer une primo-théorie du recours pour excès de pouvoir recevable contre tout acte administratif et qui ne dépendrait plus de la traditionnelle opposition des droits acquis ou des intérêts lésés39, Ducrocq maintiendra la doctrine traditionnelle des juridictions contentieuse et gracieuse (ou discrétionnaire)40 : « Il faut que la réclamation dirigée contre l’acte administratif soit fondée sur un droit acquis qui se dit violé et non sur un simple intérêt qui se dirait lésé ».
47Il y a donc, affirmons-nous, des différences si fondamentales sur le fond de ces deux œuvres qu’elles empêchent toute parenté doctrinale importante.
48En revanche, entre Ducrocq et Barilleau il est évident que l’esprit et la façon d’appréhender le droit public sont identiques. C’est d’ailleurs parce que Georges Barilleau avait été l’élève et le disciple de Ducrocq que ce dernier lui demanda, avec l’aide du professeur Petit, de rédiger à ses côtés les derniers volumes de la dernière édition en sept tomes de son Cours de droit administratif. A propos de la personnalité morale, par exemple, l’identité de vues était saisissante41 : Barilleau y « soutenait l’opinion classique, aujourd’hui très discutée, qui voit dans leur personnalité une fiction et dans leur existence une pure création de la Loi ».
49Sur la forme, enfin, les leçons manuscrites du cours magistral de Barilleau42 qu’il nous a été possible de retrouver proposent un plan d’organisation du droit administratif qui ne s’écarte en rien des idées majeures de Ducrocq et qui les met toutes en application. Il y est en effet question des trois parties fondamentales des premières éditions de l’ouvrage publié de Ducrocq : L’organisation des autorités administratives qui comprend les tribunaux administratifs, des « principes de droit public réglementés par le droit administratif » c’est-à-dire l’exposé des restrictions aux libertés et droits individuels imposées par le pouvoir administratif puis la question centrale de la « personne morale de droit public ».
50De surcroît, nous pensons qu’une Ecole était essentiellement personnalisée dans les traits et les propos de son initiateur et, qu’en conséquence, lorsque celui-ci décédait, à moins qu’un autre initiateur ne prenne la direction de l’Ecole ou d’un autre groupe, le mouvement scolastique mourait. Force est alors de constater que Barilleau qui ne connut jamais Foucart (puisqu’il avait sept ans lorsque le doyen de Poitiers s’est éteint) ne peut pas, selon nos critères, appartenir à la même Ecole que lui ; tout juste pourrait-on dire qu’il a désiré rejoindre celle de Ducrocq.
51Mais, de la même manière qu’il nous semble discutable que Foucart et Ducrocq aient à eux deux seuls formé une Ecole, Barilleau et Ducrocq auraient-ils pu faire de même ? Nous en doutons fortement.
52En outre, ce que nous rappellerons infra, Foucart et Ducrocq n’ont jamais, selon nous, été placés dans une position de maître à élève et nous affirmons donc que jamais le second ne s’est déclaré appartenir à cette même Ecole que Foucart aurait fondée.
53Et, si ces trois auteurs seuls ou même les deux derniers n’ont pu engendrer d’Ecole car elle aurait été trop élémentaire, ne peut-on pas trouver, ailleurs qu’à Poitiers des juristes qui auraient fait état des mêmes caractéristiques doctrinales (l’étude de la restriction des droits et l’importance du lien entre droits constitutionnel et administratif) ?
54Nous avons en effet soutenu, par ailleurs, que l’Ecole « n’avait pas de frontières » et que si un initiateur pouvait géographiquement donner le nom de sa ville d’enseignement à son mouvement (ainsi qu’il en fut des mouvements de Vienne, Bordeaux, Toulouse etc.) il n’empêchait en rien – sur le fond – que d’autres juristes se sentent affiliés à sa doctrine. Ainsi le professeur Chevallier a-t-il mentionné le prétendu rattachement du parisien Berthelemy à « l’Ecole de Poitiers ». Il n’en est cependant rien selon nous puisque non seulement Henry Berthelemy n’a jamais déclaré dans aucune de ses publications vouloir appartenir à un tel mouvement mais encore et surtout, il s’y est même opposé ainsi que nous l’avons exposé plus haut. D’ailleurs il suffit d’ouvrir la table des matières de son Traité élémentaire de droit administratif et de le feuilleter quelques instants pour en être aisément persuadé43.
55A notre connaissance personne n’a donc revendiqué une telle appartenance à l’Ecole de Poitiers or, avons-nous dit, il s’agit là du second critère de reconnaissance d’un mouvement scolastique : outre un initiateur (il semblerait ici que ce fût Foucart), les membres de l’Ecole doivent faire état d’actes volontaires d’adhésion. Ils ne peuvent être a posteriori et / ou implicitement rattachés à un mouvement : ils doivent en être partie prenante.
56Alors, parmi les élèves ou les collègues poitevins de Foucart et de Ducrocq (Barilleau excepté) peut-être pourrions-nous identifier de tels membres de l’Ecole. Nicias Gaillard par exemple est connu pour ses positions tout aussi libérales que Foucart et Ducrocq et il fut un proche des deux enseignants44. Pour autant, il n’a pas assez publié (et, en tout cas, pas en droit public) et n’a par ailleurs jamais enseigné : nous ne pouvons donc pas le considérer comme membre de l’Ecole. Quant au marquis de Vareilles-Sommieres qui fut l’élève de Ducrocq à Poitiers avant de devenir le premier doyen de la Faculté catholique de droit de Lille, il mérite également de recevoir notre attention puisque comme Foucart et Ducrocq il affirmait des positions très libérales. Toutefois, là encore, il ne s’agit pas à proprement parler d’un publiciste et il doit être écarté même s’il a partagé avec le doyen Foucart certains idéaux et avait comme lui appartenu à la société Saint-Vincent-de-Paul45. Les cas de Poitou et d’Arnault-Menardiere sont alors similaires à ces deux derniers. Seul, peut-être, Jean-Charles Babinet, qui remplaça quelquefois Foucart dans sa chaire de droit administratif pourrait être concerné. Cependant pas plus que les autres potentiels membres de l’Ecole, Babinet ne se déclara rattaché à l’Ecole de Poitiers et surtout ne réalisa d’écrits en droit public. Ce sont en effet le droit criminel et le droit commercial qui retinrent l’attention de ce futur président de la Cour de cassation46.
2 - Une Ecole sans « maître »
57De facto, « l’Ecole de Poitiers » nous apparaît donc sans véritables membres en revendiquant l’appartenance et, surtout, sans initiateur même. Effectivement, ni Foucart ni même Ducrocq ne semblent avoir eu la volonté de se déclarer comme fondateur ou maître d’un tel mouvement scolastique.
58Surtout, avons-nous affirmé supra, Foucart n’avait à proprement parler jamais été le maître de Ducrocq. Ainsi, si ce dernier avait bien intégré la Faculté de droit de Poitiers en 1857 grâce en partie au soutien de Foucart qui avait particulièrement apprécié la lecture de sa thèse de doctorat, il n’en demeure pas moins que Ducrocq, dont la famille était originaire de Niort (en Poitou), devait son principal soutien -à Poitiers- à son beau-père, le professeur de procédure civile et criminelle : Louis-Olivier Bourbeau. Il est vrai également que c’est le doyen Foucart qui insista pour que Ducrocq47 se présente aux concours d’agrégation. Enfin, c’est aussi Foucart qui coopta Ducrocq à la Société des Antiquaires de l’Ouest et semble lui avoir transmis le goût de la numismatique mais cela en fait-il pour autant un maître en droit public ? Il est évident que la réponse est négative. Car, rappelons-le, a priori Ducrocq ne se destinait en rien à une carrière de publiciste : avocat jouissant d’une position vénérable au Barreau de Poitiers et successeur officiel déclaré de son beau-père, le sénateur Bourbeau, après son succès au concours d’agrégation (en droit privé) (de 1859), il avait donné à la Faculté de droit de Poitiers des leçons de procédure civile et criminelle. Et ce n’est que parce que Foucart dut quitter sa chaire en 1860 puis parce qu’il mourut peu de temps après que Ducrocq, affirmons-nous, s’est découvert un intérêt pour le droit administratif. Auparavant, il n’avait jamais envisagé une telle carrière et n’avait donc jamais travaillé avec Foucart ou pour lui dans ce cadre. Du reste, ses maîtres en droit public, répétait-il, étaient ceux de l’Ecole du Panthéon (et principalement Macarel) qui lui avaient donné ses premières leçons en droit administratif.
59Pour toutes ces raisons, Foucart n’a jamais été le maître de Ducrocq.
60D’ailleurs, il n’a jamais été l’initiateur d’un quelconque courant et nous pensons que si tel avait été le cas ou s’il l’avait seulement pressenti, il se serait enorgueilli de cette position et aurait eu la fierté de se déclarer comme tel. Or, si Foucart était persuadé qu’il avait apporté des enseignements, des primo-théories et des concepts à ce droit public en formation, il n’a jamais, selon nous, cru qu’il fondait pour autant un mouvement scolastique singulier.
B - L’inexistence d’un courant doctrinal pictave
61En effet, la formule de « l’Ecole de Poitiers » est bien postérieure à l’existence même du doyen Foucart (en 1892, le doyen de Poitiers était déjà enterré depuis un tiers de siècle) et nous pensons finalement que ce que la doctrine – avec, par et après Maurice Hauriou – a voulu stigmatiser dans les traits de ce mouvement scolastique ne diffère finalement pas beaucoup de l’idée, plus générale, d’une appartenance à un mouvement libéral (1). En réalité, plutôt qu’une « Ecole de Poitiers » nous pensons que Foucart a été le chef de file (implicite) du mouvement que nous avons qualifié par ailleurs de « libéral citoyen » et auquel de nombreux auteurs du XIXème ont adhéré (2).
1 - L’une des multiples facettes du libéralisme européen du XIXème siècle
62A plusieurs reprises dans nos travaux nous avons indiqué que l’œuvre foucartienne s’inscrivait dans un mouvement libéral proche de celui de Benjamin Constant et donc du groupe dit de Coppet c’est-à-dire de ces personnalités réunies en Suisse (à Coppet) autour de Madame de Staël et parmi lesquelles on identifie, traditionnellement et principalement, MM. Constant, Rossi et Sismondi48.
63Le libéralisme de Foucart est effectivement teinté non seulement de constitutionnalisme49 (ce qui est également l’une des caractéristiques de la doctrine de Constant et de Guizot en France ou de Rossi50 et de Rosmini51 en Italie) mais aussi d’un aspect social et catholique (comme chez Rosmini ou chez Lamennais).
64Il n’est alors pas le défenseur d’un libéralisme économique et politique absolu dans lequel l’Etat serait diabolisé ou absent. A l’inverse, il n’est pas un étatiste convaincu de la puissance pleine et entière du pouvoir administratif libre de tout puisque reposant sur la volonté générale. Ainsi Foucart prône-t-il, comme Rosmini la conception d’un Etat minimalement interventionniste c’est-à-dire uniquement pour assurer la « tutelle juridique de la libre concurrence » d’un point de vue économique et garantir les droits fondamentaux et le respect de ceux-ci par l’administration52.
65Car, nous le savons, il n’existe pas -et il n’existait pas davantage au XIXème siècle- un courant libéral unique en France ou en Europe. Ses facettes sont si nombreuses, des plus intégristes (refusant tout étatisme) aux plus complexes, qu’elles permettraient presque d’affirmer qu’à cette époque tous les professeurs de droit étaient… libéraux même s’ils ne partageaient pas le même libéralisme53 !
66Prenons, brièvement, quelques exemples. Lorsque Sirey en 1818 écrit54 que le plus important selon lui est la conciliation « des intérêts administratifs et des prérogatives du pouvoir » avec les droits privés ce qui motivera son étude et sa justification de l’existence d’un juge administratif au nom de « la protection de tous les droits », n’est-il pas représentatif de ce que l’on a nommé « l’Ecole de Poitiers » parce qu’il déclarer lutter contre les « abus délibérés » de l’administration publique ?
67A pari, dira-t-on de Laboulaye que, parce qu’il a entretenu une correspondance avec Foucart, il était un membre de l’Ecole de Poitiers alors que, précisément, il estimait Foucart trop conservateur et catholique et, en fait, pas assez (ou autant) libéral que lui ? De même, Firmin Laferrière qui fut très proche de Foucart ne traduit-il pas une doctrine très similaire (d’un point de vue des droits et libertés des administrés et du rattachement du droit administratif au droit constitutionnel) ? Assurément. Et pourtant il ne viendrait à personne l’idée de dire que ce dernier était un membre de « l’Ecole de Poitiers » même lorsqu’il écrit ces mots qu’un Foucart aurait pu revendiquer55 :
68« Notre cours aura pour objet les droits et les devoirs des citoyens dans l’exercice des libertés publiques, les droits et les devoirs des pouvoirs politiques et administratifs dans leurs rapports avec la société et les citoyens : il faut donc qu’on puisse parler librement et légalement de liberté et de pouvoir, de démocratie ou de Monarchie, d’institutions locales ou de centralisation administrative ».
69D’ailleurs, la diffusion même du droit administratif ne répond-elle pas à cet impératif politique et libéral (et propre à la Monarchie de Juillet) de diffusion du droit et de propagation de cette idée qu’enfin l’administration va formellement fixer un droit qu’elle va elle-même s’engager à respecter ?
70Nous le pensons et en témoignent, de facto, de nombreuses introductions (outre celles (préc.) de Laferrière et de Foucart) à des cours nouveaux de droit public et administratif. Ainsi, dès 1818 même, Macarel décrivait-il la fin annoncée d’un droit arbitraire et dédaigneux des droits des administrés56 : autrefois, écrit-il, le droit administratif « était révélé seulement à un petit nombre d’adeptes, laissant le reste des citoyens et les autorités elles-mêmes dans l’ignorance confuse de leurs droits et de leurs devoirs ». Jules Mallein, un demi-siècle plus tard, n’en dira pas davantage57.
71D’un point de vue politique également ceux qui (avant la création même des Facultés) avaient réfléchi à l’organisation de l’enseignement supérieur comme le tribun Sedillez ou ceux qui (lors de la Monarchie de Juillet) comme Salvandy avaient voulu asseoir l’autorité du nouveau gouvernement représentatif avaient tous affirmé et mis en avant des arguments similaires. Ainsi déclarait Sedillez en 180458 : enseigner les « principes d’une bonne administration », c’est « enseigner une chose utile à tous les citoyens et indispensable à tout homme qui remplit des fonctions publiques ». De même écrivait plus tard Salvandy : « Le droit administratif est nécessaire à tous, au simple citoyen, non moins qu’au praticien et à l’administrateur »59. Alors résuma Louis Liard60 :
72« Au fond, la préoccupation était moins d’ordre scientifique que politique ; il s’agissait beaucoup moins d’instituer de nouveaux objets d’études et de recherche, que d’initier un grand nombre de citoyens aux études jusque là fort peu répandues du droit public et de l’économie sociale et politique. En cela, le gouvernement de Juillet se montrait fidèle à son principe. Sous un gouvernement absolu, il suffit que le principe des institutions soit connu de ceux-là seuls à qui le maître les confie. La vie nationale peut se maintenir et se développer au milieu de l’inconscience des autres. Mais sous un gouvernement parlementaire, avec les variations d’un suffrage public, qu’il soit restreint ou qu’il soit universel, il n’en est plus de même. En fin de compte, c’est l’opinion qui dirige ; et pour qu’avec elle soient assurés la liberté, l’ordre et le progrès, il faut qu’elle ait, aussi claire, aussi complète que possible, la conscience des idées qui sont au fond des institutions. D’où pour un gouvernement parlementaire la nécessité de larges études de droit public ».
73En conclusion, il serait aisé de dire que dans cette ère postrévolutionnaire la principale préoccupation de tout publiciste a bien entendu été la liberté.
74Chacun la revendique ; chacun la porte aux nues mais tout le monde ne préconise pas les mêmes moyens d’y parvenir et les mêmes limites à y apporter. Ainsi écrit également Joseph Fiévée61 : « La liberté ou le défaut de liberté d’une nation dépendent aujourd’hui bien plus des actes administratifs que des actes politiques. Si l’Administration est absolue : point de liberté ».
2 - La force du mouvement « libéral citoyen »
75Tel était bien le mot d’ordre des libéraux et, en leur sein, celui de ceux que nous avons nommés, Foucart en tête, les libéraux citoyens62. Effectivement, il nous semble possible au sein de la doctrine administrative de ce XIXème siècle d’opposer principalement deux grands courants idéologiques : des étatistes et des constitutionnalistes convaincus de l’interventionnisme public (même économique parfois) au nom de la puissance publique et des pouvoirs exécutifs et administratifs. Bonnin ou Trolley, par exemple, se sont principalement exprimés en ce sens. A l’opposé, des libéraux ont défendu non les droits et les prérogatives exorbitantes de l’administration mais les libertés individuelles des administrés.
76Alors relève Nezard après avoir rappelé que Foucart aurait fondé « l’Ecole de Poitiers à laquelle M. Ducrocq est resté fidèle » et qui se caractérise par « l’étude des restrictions aux droits individuels », d’autres auteurs à l’instar de « Macarel, De Gerando, Cormenin, Chauveau et Vivien » auraient également traduit cette doctrine… . Pourtant il ne viendrait à personne l’idée de les associer audit mouvement scolastique63.
77En fait, la distinction que l’on retrouve ici est celle que nous avons déjà plusieurs fois mise en lumière dans nos travaux et qui oppose les défenseurs du pouvoir administratif, héritiers des traditions l’Ancien Régime à ceux, Foucart le premier, qui se seraient placés du côté des administrés64. Telle est bien la révolution qu’opère le doyen de Poitiers dans son œuvre et que d’autres auteurs emprunteront implicitement, explicitement ou de façon contemporaine comme Laferrière. Parmi ceux que nous avons nommés les « libéraux citoyens » se sont ainsi exprimés Cottelle, Aucoc, Ducrocq, Laferrière, Rozy etc. Nous nous sommes en outre demandé s’il ne serait pas possible d’intégrer à ce courant la doctrine de Batbie. En effet cet auteur a indéniablement été un libéral convaincu65 et sa défense des libertés occupe une place importance dans son traité théorique et pratique de droit public et administratif. Toutefois, nous pensons que chez Batbie l’appartenance doctrinale au courant dit des romano-civilistes66 est plus importante car elle innerve la totalité de sa conception du droit public et elle s’impose, quant au fond, à sa démarche en partie libérale citoyenne.
***
78Ainsi, il ressort, espérons-nous, des présentes lignes qu’il n’a pas existé à proprement parler d’Ecole de Poitiers même si certains de ses prétendus adhérents, au premier rang desquels il faut citer les doyens Foucart et Ducrocq, ont plutôt manifesté leur appartenance doctrinale à un mouvement que nous avons qualifié de « libéral citoyen ».
79Cela dit, à travers la recherche vaine d’une Ecole de Poitiers nous rejoignons pleinement les doctrines d’auteurs comme les professeurs Melleray et Chevallier aux côtés desquels nous souscrivons à l’opinion d’une « fin des Ecoles ».
80En allant plus loin, on pourrait même se demander -puisqu’il semblerait qu’aucune des « grandes » Ecoles (Bordeaux, Toulouse, Poitiers, Strasbourg, Paris etc.) ne soit véritablement reconnue au regard de critères objectifs – s’il a déjà existé de tels mouvements scolastiques en droit public.
81Ne s’agirait-il pas davantage d’un autre de nos mythes publicistes ; d’une délicieuse et gourmande envie de se rattacher – géographiquement et doctrinalement – à la pensée de ceux qui nous sont chers et qui nous ont précédés dans des lieux universitaires qui nous ont façonnés67 ? Les mythes, même s’ils sont bien souvent trop éloignés de la réalité, ont assurément un rôle, une utilité…
Notes de bas de page
1 Le présent article est dédié à Geneviève K. qui sait s’émerveiller de miracles laïcs et combattre l’inexistence ou le paraître de certaines Ecoles doctrinales.
2 Pierre Bourdieu, « Les aventuriers de l’île enchantée, entretien avec Catherine Portevin et Jean-Philippe Pisanias » in Télérama n° 2536, 19 août 1998.
3 Devenu par ses travaux le « biographe » du doyen Foucart et ayant composé une thèse de doctorat (dactylographiée 1800 p.) dont trois ouvrages sont actuellement issus et / ou en cours de publication : respectivement : Mathieu Touzeil-Divina, Eléments d’histoire de l’enseignement du droit public (…), Paris, LGDJ, 2007 (collection de la Faculté de droit de Poitiers, tome XXIX), La doctrine publiciste de 1800 à 1880 – Eléments de patristique administrative, Paris, La Mémoire du Droit, 2009 et Le doyen Foucart (1799-1860), un père du droit administratif moderne, Paris, LGDJ, (en cours de publication – collection « Bibliothèque du droit public »).
4 Nous reviendrons infra sur l’une des origines de cette mythification à travers la pensée du doyen Hauriou.
5 Que nous espérons avoir démontré dans les travaux cités supra en note 3.
6 In Mathieu Touzeil-Divina, Eléments d’histoire de l’enseignement du droit public (…), § 230 et s.
7 Maurice-Jean-Claude-Eugène Hauriou, « De la formation du droit administratif français depuis l’an VIII » in RGA, Paris, Berger-Levrault, 1892, tome XLIV, p. 385 et s. et tome XLV, p. 15 et s. Article plus connu dans sa version (peu modifiée) de 1897 : « Droit administratif » in Répertoire du droit administratif (dit Répertoire Bequet), Paris, Paul Dupont, 1897, tome XIV.
8 Et le Précis de droit administratif contenant le droit public et le droit administratif (sic) qui fera sa renommée n’en est qu’à la première (1892) des douze éditions qu’il connaîtra (la dernière, on le sait, ayant été réalisée de façon posthume grâce aux travaux de son fils le constitutionnaliste André Hauriou : Maurice Hauriou, Précis de droit administratif et droit public (édition revue et mise à jour par André Hauriou), Paris, Sirey, 1933 (et dont une réimpression a été effectuée en 2002 par les éditions Dalloz avec une présentation des professeurs Moderne et Delvolve).
9 Maurice Hauriou, La gestion administrative, étude théorique de droit administratif, Paris, Larose, 1899 dont une réimpression est actuellement en préparation aux Editions Phénix (2009) avec une présentation du professeur Melleray dans la collection (préc.) « Une histoire du droit public » : http://www.chezmtd.com/hdp.htm.
10 Henry Nezard, Théorie juridique de la fonction publique, Paris, Larose, 1901, p. 86.
11 Eugène Lucien Michon, Histoire de la Faculté de droit de Poitiers (1806-1899), Poitiers, Fayoux, 1900, p. 48.
12 Arthur Girault, Le centenaire de l’Ecole de droit de Poitiers ; Paris, LGDJ, 1906, p. 4 et s.
13 Op. cit., p. 6.
14 Op. cit., p. 18.
15 Achille Mestre, « L’évolution du droit administratif (doctrine) de 1869 à 1919 » in Bulletin de la Société de législation comparée, Paris, tome LI, 1922, p. 251.
16 Marcel Waline ayant plutôt été associé à l’hypothétique « Ecole de Strasbourg » ce que le professeur Melleray a récemment (et brillamment) contesté in Fabrice Melleray, « L’Ecole de Strasbourg, mythe ou réalité ? » in Mélanges en l’honneur de Pierre Pactet, Paris, Dalloz, 2003, p. 319 et s.
17 Pierre Lavigne, « Les manuels de droit administratif pour les étudiants des Facultés de 1829 à 1892 » in RHFD, Paris, 1985 n° 2, p. 127.
18 Gilles Darcy, « La décision exécutoire, esquisse méthodologique » in AJDA 1994, p. 663.
19 Luigi Lacché, L’espropriazione per pubblica utilità, administratori e proprietari nella Francia dell’ottocento, Milano, Dott. A. Giuffrè, 1995 ; p. 375.
20 Le premier étant, à nos yeux celui de : Jean-Louis Mestre, Introduction historique au droit administratif français, Paris, Presses universitaires de France, 1985, collection « Droit fondamental – Droit administratif ».
21 François Burdeau, Histoire du droit administratif, Paris, Presses universitaires de France, 1995.
22 Rencontré lors d’un entretien accordé en 2001 à propos, précisément, de nos recherches de doctorat et lors duquel le professeur nous avait confirmé sa croyance en l’existence d’une telle « Ecole » puisque, disait-il, il n’existait avant 1900 aucun autre courant basé sur l’un des futurs critères légitimant du droit administratif (service public et puissance publique). Quant au succès de librairie, il confiait en être fort étonné !
23 Op. cit., p. 122.
24 Pascale Gonod, Edouard Laferriere, un juriste au service de la République, Paris, Librairie Générale de droit et de Jurisprudence, 1997, collection « Bibliothèque de droit public », tome CXC, p. 43.
25 Jacques Chevallier, « La fin des Ecoles ? » in RDP, Paris, n° 3 de 1997, p. 682.
26 Op. cit., p. 686.
27 Comme le fit la présidente du tribunal administratif de Poitiers le 15 septembre 2000 lors de son discours d’ouverture de la conférence nationale des présidents de juridictions administratives (relative à l’urgence) et partiellement publiée in Anne Guerin, « Ouverture du colloque » in LPA, Paris, 14 mars 2001, n° 52, p. 3.
28 Philippe Jestaz et Christophe Jamin, La doctrine, Paris, Dalloz, 2004, p. 117.
29 Norbert Foulquier, Les droits publics subjectifs des administrés. Emergence d’un concept en droit administratif français du 19ème au 20ème s., Dalloz, Nouvelle bibliothèque des thèses, 2003, p. 29.
30 Laurent Dubois de Carratier, « L’influence de la culture privatiste sur la doctrine administrative du XIXème siècle » in Droit écrit, n° 1, janvier 2001, p. 18.
31 Op. cit.
32 Op. cit.
33 Georges Burdeau, « Du droit public à la science politique » in Jahrbuch des öffentlichen rechts, Tübingen, 1984, p. 54.
34 Jacques Chevallier, « La fin des Ecoles ? » in RDP, Paris, n° 3 de 1997, p. 682.
35 Les professeurs Jestaz et Jamin écrivent ainsi : « L’Ecole de Poitiers, c’est-à-dire Foucart et Ducrocq » (op. cit., p. 117).
36 On nous pardonnera l’emploi volontaire et pratique de cette expression en tant que « biographe » du susdit.
37 Dans la première édition de son Cours de droit administratif (op. cit., p. III).
38 Ainsi que nous l’avons développé in Mathieu Touzeil-Divina, Le doyen Foucart (1799-1860), un père du droit administratif moderne, Paris, LGDJ (en cours de publication – collection « Bibliothèque du droit public ») [§ 1460 de la thèse multigraphiée].
39 Voyez ainsi nos développements dans le dernier chapitre de l’ouvrage cité à la précédente note [ou aux § 1677 et s. de la thèse multigraphiée].
40 Pour la première édition de son Cours de droit administratif, Gabriel-Auguste-Théophile Ducrocq, Cours de droit administratif contenant l’exposé des principes, le résumé de la législation administrative dans son dernier état, l’analyse ou la reproduction des principaux textes dans un ordre méthodique, Paris, Auguste Durand, 1862, p. 65.
41 Ainsi que le relève Audinet dans sa note biographique : Eugène Audinet, Georges Barilleau, doyen de la Faculté de droit de l’Université de Poitiers (1853- 1925), Poitiers, imprimerie moderne, 1927.
42 Georges Barilleau, Droit administratif, Poitiers, Cours magistral et manuscrit pris par Pierre Surville, 1907 (collection privée de l’auteur).
43 Henri Berthelemy, Traité élémentaire de droit administratif, Paris, Rousseau, 1900.
44 C’est d’ailleurs lui qui signa et fit publier la notice nécrologique relative au doyen Foucart : Nicias Gaillard, « Nécrologie : M. Foucart » in RCLJ, Paris, Cotillon, 1861, tome XVII, p. 206 et s.
45 Société qui, en 1875, lors d’un congrès international réalisé à Poitiers vint soutenir la création des premières Facultés républicaines et catholiques de droit ainsi que le déclare (avec la verve qui fut la sienne) : Louis-Edouard PIE (dir.), Congrès catholique de Poitiers (18-22 août 1875), Poitiers, Oudin, 1875.
46 A son égard, voyez nos développements in : La doctrine publiciste de 1800 à 1880 – Eléments de patristique administrative, Paris, La Mémoire du Droit, 2009, § 279 et s.
47 Ainsi qu’en témoignent les archives de l’Université suite à l’affaire dite « Richard Maisonneuve » que nous avons exposée in Eléments d’histoire de l’enseignement du droit public au § 144.
48 A propos de ce mouvement on lira avec intérêt : Lucien Jaume (dir.), Coppet, creuset de l’esprit libéral, Paris, Economica et Presses universitaires de Marseille, 2000 ou encore le très bel article de Alain Laurent, « Le groupe de Coppet. Mythe et réalité. Staël, Constant, Sismondi » in Philippe Nemo et Jean Petitot (dir.), Histoire du libéralisme en Europe, Paris, Presses universitaires de France, 2006, p. 405 et s.
49 Voyez sur ce point : Luigi Lacche, « Coppet et la percée de l’état libéral constitutionnel » in Coppet, creuset de l’esprit libéral (op. cit., p. 135 et s.).
50 A propos duquel il faut lire : Luigi Lacche (dir.), Un liberale europeo : Pellegrino Rossi (1787-1848), Milan, Giuffrè, 2001 et les nombreux articles que l’excellent professeur italien lui a consacré.
51 Sur l’auteur outre nos indications in La doctrine publiciste de 1800 à 1880 (préc.), voyez : Paolo Heritier, « Le personnalisme libéral catholique dans l’Italie du XIXème siècle » in Histoire du libéralisme en Europe (op. cit., p. 567 et s.).
52 Par exemple in : Antonio Rosmini Serbati, La Costituzione secondo la giustizia sociale, Milano, Bocca, 1827, p. 22 et s.
53 Aujourd’hui, les ouvrages (préc.) des professeurs Nemo et Petitot et surtout du professeur Jaume nous permettent plus aisément de comprendre et d’appréhender les différents courants libéraux. Voyez ainsi en particulier le très bel article de : Lucien Jaume, « Le libéralisme français après la Révolution, comparé au libéralisme anglais » in Historia costitucional, 2003, n° 4.
54 Jean-Baptiste-Aimé-Auguste-Charles Sirey, Du Conseil d’État selon la charte constitutionnelle, ou Notions sur la justice d’ordre politique et administratif, Paris, Harlay, 1818 (réimprimé en 2005 dans la collection Une Histoire du droit public), p. ij.
55 Firmin Laferriere, « Introduction à l’histoire des institutions administratives » in RLJ, Paris, De Cosson, 1838, tome VIII, p. 109 et s.
56 Louis-Antoine Macarel, Elémens de jurisprudence administrative extraits des décisions rendues, par le Conseil d’Etat, en matière contentieuse, Paris, Dondey-Dupré, 1818, (2 vol.).
57 Jules Mallein, Considérations sur l’enseignement du droit administratif, Paris, Plon, 1857, p. 20 et s.
58 Considérations sur le projet de loi relatif aux Ecoles de droit présenté le 21 ventôse An XII (12 mars 1804) par le tribun Sedillez in Recueil dit de Folleville, p. 32.
59 Dans la séance du 09 Mars 1847 (au Moniteur du 10 mars 1847, p. 10) et lors de l’exposé des motifs du projet de Loi sur l’enseignement du droit présenté à la Chambre des pairs.
60 Louis Liard, L’enseignement supérieur en France (1789-1893), Paris, Armand Colin, 1888 et 1894 (2 vol.), tome II, p. 204 et s.
61 Cité par : Olivier Pirotte, Alexandre-François-Auguste Vivien de Goubert (1799-1854), Contribution à l’étude d’un libéral autoritaire, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1972, bibliothèque de science administrative, tome VI.
62 C’est au cœur et à l’aune de nos travaux de doctorat que nous avons élaboré cette proposition d’existence d’un mouvement « libéral citoyen ». Nous en avons décrit précisément les tenants et les aboutissants dans les dernières pages de nos Eléments de patristique administrative (préc.) : la doctrine publiciste de 1800 à 1880.
63 Op. cit., p. 86.
64 Et c’est en ce sens, nous l’avons dit, que nous nous opposons aux thèses (que nous jugeons réductrices) des professeurs Burdeau et Bigot, Chevallier et Lochak qui dans plusieurs de leurs écrits les plus contemporains ont exposé l’histoire du droit administratif du XIXème siècle comme étant presque uniquement constituée de défenseurs du pouvoir administratif et de la puissance publique.
65 La lecture, même rapide, du discours qu’il prononça lors de la cérémonie d’ouverture de son cours d’économie politique en est un témoignage des plus topiques : Batbie Anselme-Polycarpe, Cours d’économie politique professé à la Faculté de droit de Paris (discours d’ouverture, séance du 02 décembre 1864), Paris, Cotillon, 1864.
66 Nous avons également explicité et développé ce concept au sein de notre classification des auteurs publicistes de 1800 à 1880 (cf. supra note 62).
67 En ce sens, et puisque des contributions orales issues de cet article, ont été prononcées à Toulouse (en face du portrait D’Hauriou) puis à Poitiers (dans une salle où flottait encore l’esprit de Foucart), l’auteur voudrait adresser ses remerciements à ceux qui, dans ces deux établissements, lui ont permis de s’exprimer en remettant parfois en cause – et en toute liberté – certains mythes ou idées reçues de notre histoire du droit public. Merci en particulier au doyens Gojosso & Breillat ainsi qu’aux professeurs Nelidoff & Bruguiere.
Auteur
Maître de conférences en droit public - Université de Paris Ouest Nanterre La Défense, membre du CR-DP, président du Collectif l’unité
Du Droit (CLUD)
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les Facultés de droit de province au xixe siècle. Tome 1
Bilan et perspectives de la recherche
Philippe Nélidoff (dir.)
2009
Les Facultés de droit de province au xixe siècle. Tome 2
Bilan et perspectives de la recherche
Philippe Nélidoff (dir.)
2011
Les désunions de la magistrature
(xixe-xxe siècles)
Jacques Krynen et Jean-Christophe Gaven (dir.)
2012
La justice dans les cités épiscopales
Du Moyen Âge à la fin de l’Ancien Régime
Béatrice Fourniel (dir.)
2014
Des patrimoines et des normes
(Formation, pratique et perspectives)
Florent Garnier et Philippe Delvit (dir.)
2015
La mystique déracinée. Drame (moderne) de la théologie et de la philosophie chrétiennes (xiiie-xxe siècle)
Jean Krynen
2016
Les décisionnaires et la coutume
Contribution à la fabrique de la norme
Géraldine Cazals et Florent Garnier (dir.)
2017
Ceux de la Faculté
Des juristes toulousains dans la Grande Guerre
Olivier Devaux et Florent Garnier (dir.)
2017