Quelques pistes pour une histoire de la bibliothèque universitaire de droit à Toulouse au xixe siècle
p. 187-199
Texte intégral
1L’histoire de la bibliothèque universitaire de Toulouse est relativement bien connue. Mais les études qui y ont été consacrées sont anciennes (début du XIXe siècle), très générales, et leurs auteurs ont tous travaillé dans l’établissement, comme il est fréquent pour l’histoire des bibliothèques. Il serait utile d’entreprendre de nouvelles recherches et d’écrire une histoire moins institutionnelle, plus tournée vers les usagers, l’analyse des collections et de la politique d’acquisition discipline par discipline.
2Après un état des sources, il sera donné ici un aperçu de l’histoire de la bibliothèque universitaire de droit de Toulouse qui se divise en deux périodes autour de 1879 : la bibliothèque de la Faculté, puis la section de droit de la bibliothèque universitaire.
I - Les sources
Bibliographie
3La bibliographie sur la bibliothèque universitaire de Toulouse se limite à trois articles, dont un resté manuscrit, en dehors du cas particulier de la Bibliothèque de théologie protestante de Montauban :
4VIE Louis, « Les origines de la bibliothèque de l’Université de Toulouse », dans Recueil de législation de Toulouse, 1907, 2e série t. III, p. 201-219 : très bien documenté, cet article traite surtout des bibliothèques des Facultés avant 1879.
5CROUZEL Jacques, « Bibliothèque universitaire, Documents sur Toulouse et sa région, 1910, p. 218-222 : très court article écrit par Jacques Crouzel, directeur de la bibliothèque universitaire de Toulouse de 1881 à 1918.
6CROUZEL Jacques, « Notice sur la bibliothèque universitaire de Toulouse » (manuscrit), vers 1918 Ms 260, BU Arsenal : manuscrit de 47 pages resté inédit
Documents d’archive
7Archives de l’Université
8Registres de délibérations de la Faculté de droit (1809-1830 : BU Arsenal, ms 7 ; 1831- : Arch. de l’Univ. Toulouse 1, 2 Z2)
9Archives de l’Académie de Toulouse
10Délibérations du conseil académique. 1820-1851 (BU Arsenal, ms 156 à 165)
11Correspondance du recteur. 1809-1826 (BU Arsenal, ms 147-152)
12Correspondance de l’académie. 1809-1828 (BU Arsenal, ms 153- 155)
13Archives de la bibliothèque (BU Arsenal, grossièrement triées, non cotées)
14Rien sur l’ancienne bibliothèque de la Faculté (archives conservées ailleurs ?)
Documents généraux
15Procès-verbaux de la commission de surveillance de la bibliothèque. 21 mars-1881-novembre 1904
16Situations trimestrielles (détails par sections). 1885-1915 (complets pour le droit à partir de 1887)
17Rapports annuels (détails par sections). 1894/1895-1924/1925
18Dossiers préparatoires aux inspections. 1894-1903
19Correspondance reçue. 1881- (incomplet pour les première années)
20Registres des correspondances envoyées. 1894 ? -
Documents financiers :
21Budgets (comptes administratifs et documents divers). 1879-1911 Factures, bordereaux, registres divers…
Documents sur les inscrits et les prêts :
22Registre de prêts aux professeurs de droit. 1861-1882 (listes nominatives)
23Service journalier de la bibliothèque de la section de droit (puis section droit et lettres). 1887-1903 (nombre de lecteurs)
24Registres de présence (droit lettres). 1892-1894, 1898-1899 (avec noms des lecteurs)
25Registres des inscriptions (droit-lettres). 1897-années 1960
Documents sur les acquisitions et les collections :
26Registres des demandes d’acquisition ("registres verts"), droit, puis droit et lettres. 1886-années 30
27Registres des acquisitions, droit, puis droit et lettres. 1887-1904 (avec noms des professeurs demandeurs pour 1889-1890)
28Registres d’inventaire (à partir de 1891 droit et lettres mélangés)
29Listes des volumes laissés en dépôt à la Faculté (dans « Catalogue des livres de la bibliothèque de l’archevêché de Toulouse dressé… par l’inspecteur des Domaines »)
Catalogues et livres
30Université de France. Académie de Toulouse. Bibliothèque universitaire. Catalogue. 1888 (p. 45 à 187 : droit et économie politique)
31Université de Toulouse. Bibliothèque. Catalogue. 1899 (p. 25 à 108 : acquisitions droit et économie politique de 1888 à 1893)
32Ouvrages conservés à la Bibliothèque universitaire de l’Arsenal de Toulouse, aux bibliothèques Garrigou et du Centre toulousain d’histoire du droit et des idées politiques.
II - La bibliothèque de la Faculté (début du XIXe siècle-1879)
33Lors de l’installation des Facultés en province au début du XIXe siècle, l’Etat ne prévoit la création d’aucune bibliothèque, et compte sur les bibliothèques municipales récemment ouvertes pour répondre aux besoins en documentation des professeurs et des étudiants. La seule exception notable est la Faculté de théologie protestante de Montauban, richement dotée en livres dès son ouverture.
34Pourtant, à Toulouse, la Faculté de droit a disposé très tôt de locaux pour accueillir une bibliothèque, qu’elle hérite sans doute de l’Ecole de droit. Mais nous ne savons malheureusement pas grand-chose sur son activité jusqu’aux années 1820. Des livres ont été acquis avant la fin de l’Empire, comme le prouve l’ex-libris gravé de la Faculté de droit portant la mention « Université impériale » retrouvé sur quelques livres, notamment les 17 volumes du Code judiciaire de la République française ou les 18 volumes des Pandectes françaises (cf. illustration). Il s’agit peut-être de dépôts de l’Etat.
35Dès 1822, la Faculté de droit se déclare consciente de l’importance d’une bibliothèque « pour le succès des études ». Elle demande donc au grand-maître de l’Université l’autorisation d’utiliser ses excédents de budget pour exécuter divers travaux et acheter des livres.
36Contrairement à la plupart des autres Facultés, elle n’est donc pas prise au dépourvu quand le gouvernement attribue pour la première fois un crédit aux bibliothèques de Facultés, pourtant souvent inexistantes1. La Faculté nomme aussitôt une commission chargée de dresser des listes d’acquisition, composée des professeurs Ruffat, Delpech et Flottes2. Mais, si les Facultés de lettres et de sciences voient leurs listes transmises dès la fin décembre à Paris alors qu’elles n’ont même pas de local de bibliothèque, l’affaire va prendre plus de temps pour la Faculté de droit et provoquer un conflit avec le recteur3. Après des plaintes réciproques dont son excellence le grand-maître est pris à témoin, après l’envoi de deux listes successives par la Faculté, le conseil de l’Académie approuve enfin une troisième liste le 31 janvier 1823. Auparavant, un crédit de 400 F avait cependant été débloqué en urgence pour acquérir 55 ouvrages de la succession d’un jurisconsulte toulousain. Dans cette affaire, le recteur paraît particulièrement remonté contre la Faculté de droit : dans sa correspondance avec le grand-maître, il va jusqu’à qualifier de « chiffon de papier » la première liste communiquée par la Faculté et n’hésite pas à déclarer que la plupart des ouvrages demandés, comme par exemple les fragments de la loi salique, ne sont d’aucune utilité pour une Faculté de droit4.
37Cette générosité soudaine de l’Etat est sans suite et les crédits des années suivantes pour les bibliothèques de Facultés sont très faibles.
38La bibliothèque de la Faculté de droit de Toulouse est relativement privilégiée puisqu’elle bénéficie d’un crédit de 1 200 F inscrit au budget de la Faculté pour tous les achats de livres au moins à partir de 18275. Cette somme, qui ne varie guère jusqu’aux années 1870, est plus élevée que la moyenne. On peut penser qu’elle bénéficie également des « concessions ministérielles », ouvrages du dépôt légal ou financés par des souscriptions publiques que le ministère de l’Instruction publique distribue aux bibliothèques de toutes sortes.
39Dès les années 1820, la Faculté dispose donc d’une réelle bibliothèque, avec des locaux, un budget, certes modeste, un agent, des horaires réguliers. Elle est ouverte non seulement aux professeurs mais aussi aux étudiants. Un règlement est établi en avril 18306. Il stipule que la bibliothèque est placée sous la responsabilité de M. Delpech, professeur de code civil et gérée par un employé. Celui-ci devra établir un double catalogue (sur registre) des livres dont un exemplaire sera déposé au secrétariat de la Faculté7. La bibliothèque sera ouverte « aux élèves », « tous les jours de 6 heures du matin à 4 heures du soir ». Mais le prêt à domicile est réservé aux professeurs. Cette ouverture aux étudiants n’était pas si fréquente puisque beaucoup de bibliothèques universitaires de province ne recevaient que des professeurs.
40En 1839, la Faculté songe même à suivre les recommandations du gouvernement sur l’extension des horaires d’ouverture avec l’instauration de séances du soir, de 18 h 30 à 21 h 30, sur le modèle de la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris. Mais elle demande pour cela une augmentation des crédits pour le traitement du bibliothécaire et les frais supplémentaires de chauffage et l’éclairage8. Elle n’obtient pas entièrement satisfaction et on ne sait pas si le projet a été mis à exécution. En 1865, c’est grâce au recrutement de « quelques étudiants sérieux » que l’ouverture du soir sera assurée9. Mais le doyen Chauveau reconnaît les limites de ce système et exprime dans un rapport de novembre 1866 son souhait d’organiser le service « avec l’exactitude réglementaire ».
41L’ordonnance royale du 22 février 1839 sur les bibliothèques est mise en application, avec notamment la création d’un comité d’inspection et d’achat de livres, dont les trois membres sont nommés par le recteur : le doyen et deux professeurs. C’est l’occasion d’une nouvelle passe d’armes entre la Faculté et le recteur, celui-ci revendiquant le contrôle des décisions prises par le comité10.
42La bibliothèque dispose d’un personnel spécialement affecté. En juillet 1836, un poste de bibliothécaire vient s’ajouter à celui d’employé. Il est d’abord occupé par L. Latané11, puis par M. Devoisins, ancien professeur d’histoire12. Au fil du temps, les locaux se sont beaucoup agrandis. En 1879 la bibliothèque occupe cinq pièces au premier étage de la Faculté, dans l’aile gauche du bâtiment : des magasins, une salle de lecture, une salle pour les professeurs et un cabinet pour le bibliothécaire13. Les livres sont conservés dans des armoires mais nous ne disposons d’aucun renseignement sur le mode de classement.
43En fait, nous ne savons pas grand-chose sur le fonctionnement et l’activité réels de cette bibliothèque. La seule source semble être les délibérations de la Faculté ou du conseil académique, qui témoignent souvent d’intentions et donnent rarement le bilan de ce qui a été effectivement fait. La fréquentation de la bibliothèque, par exemple, nous est inconnue. Elle n’est pas très importante puisqu’en 1841 le Conseil académique décide que l’acquisition d’une troisième table pour la salle de lecture n’est pas nécessaire14. En 1850 le même conseil se félicite du fait qu’elle accueille non seulement étudiants et professeurs mais aussi les « jurisconsultes de la ville, qui là seulement peuvent trouver des ouvrages dont l’acquisition serait onéreuse »15.
44La bibliothèque semble bien être ouverte tous les jours ouvrables comme le stipule de règlement mais on peut avoir un doute sur la réalité des horaires d’ouverture et notamment l’ouverture à 6 heures du matin. Les professeurs ont la clef des locaux et leurs conditions de prêt sont loin d’être rigoureuses. Un registre de prêt comportant des données de 1861 à 1882 permet de reconstituer l’activité des dix-neuf professeurs recensés pour cette période16. Le plus actif est Louis Campistron, avec une moyenne de 20 livres par an, tous rendus en quelques mois. D’autres lecteurs, plus négligents, gardent le peu de livres qu’ils empruntent plusieurs années, le record de longévité étant de seize ans. La liste précise des titres empruntés par chaque professeur constitue une source intéressante.
45Aucun registre d’entrée de cette période n’étant conservé, nous ne pouvons pas connaître l’état des acquisitions années par année. En revanche, il serait théoriquement possible de reconstituer l’état du fonds sous la Restauration grâce à une autre source : les livres portant le cachet de la bibliothèque aux trois fleurs de lys. Le recours au catalogue informatisé des bibliothèque universitaires de Toulouse (Archipel) devrait pouvoir dans l’idéal remplacer l’examen fastidieux des ouvrages. Mais cette source est très lacunaire : d’une part, le catalogage avec indication précise des mentions d’appartenance n’est fait par le service du livre ancien du SICD de Toulouse que pour les ouvrages antérieurs à 1815 et, d’autre part, ce service n’a recatalogué qu’une petite partie du fonds ancien de droit.
46A l’heure actuelle, seuls 98 volumes (35 titres) peuvent être ainsi repérés. On y recense notamment quatre éditions du XVIe siècle17, des recueils d’arrêts, des commentaires d’ordonnances ou de coutumes, des traités de juristes toulousains18, la collection des décrets de l’Assemblée nationale, des traités sur les codes napoléoniens19, quelques ouvrages non juridiques mais en lien avec le droit comme les œuvres d’Etienne Pasquier ou Le Parfait négociant de Jacques Savary et un « intrus », les Voyages du jeune Anarchasis en Grèce.
47On peut dresser un état des collections lors de l’intégration de la bibliothèque de la Faculté dans la bibliothèque universitaire en 1879. L’inventaire établi le 15 mai 1880 dénombre 10 931 volumes, répartis dans 51 armoires. La Faculté de lettres possède alors 5 800 volumes et celle de sciences 5 600. Le registre d’inventaire, qui a été entièrement repris en 1880 car le système de cotation et de classement avait changé, permettrait de se faire une idée de la constitution du fonds. Mais les ouvrages y sont répartis par format et non par sujet, et il faudrait du temps, de la patience et une bonne connaissance de la documentation juridique pour faire une étude détaillée des quelques 3 000 titres inscrits.
III - La section de droit de la bibliothèque universitaire (1879-1910)
Le cadre général
48La défaite de 1870 transforme la réforme de l’Université en une question de patriotisme et conduit le gouvernement à s’y atteler avec zèle, en portant, fait assez rare, une attention toute particulière aux bibliothèques. Il faut dire que la comparaison avec les bibliothèques allemandes est sans appel : pas plus de 400 000 livres en France dans l’ensemble des bibliothèques de Facultés, soit moins que dans la seule bibliothèque universitaire de Göttingen.
49La première mesure décidée en 1873 aura une longue postérité : l’instauration d’un droit de bibliothèque. Il convient ensuite de réformer : l’Etat réglemente abondamment, en copiant presque servilement le modèle allemand, avec une touche de centralisme bureaucratique très française. La principale réforme est la réunion des bibliothèques de Facultés en une seule entité, la bibliothèque universitaire, placée désormais sous l’autorité du recteur. Elle doit être dirigée par une personne qualifiée, possédant le diplôme créé à cette occasion, le CAFBU20. A Toulouse, le premier directeur de la bibliothèque universitaire est Henri Duméril, bientôt remplacé par Jacques Crouzel, tous deux titulaires d’un doctorat en droit. Ce dernier, entré en fonctions à 27 ans, y restera jusqu’à l’âge de 66 ans.
50Les trois sections créées à l’origine reprennent les anciennes bibliothèques des Facultés toulousaines, restées dans leurs locaux : la section de droit, la section de lettres installée rue de Rémusat et la section de sciences rue Lakanal. En 1880, on réunit les sections de lettres et de sciences rue de Rémusat et en 1881 la section de théologie protestante de Montauban vient s’ajouter21. En 1891, lors de l’ouverture des nouveaux locaux des Facultés de sciences et de médecine sur les allées Saint-Michel22, une section médecine-sciences de la bibliothèque y est installée. A cette occasion, un ancien projet est réalisé : les collections de lettres sont réunies à celles de droit dans les locaux de la Faculté de droit. La bibliothèque de droit perd donc à cette date son individualité, qu’elle avait réussi jusque là à garder. La place vient vite à manquer mais il faut attendre jusqu’en 1895 pour que les locaux soient enfin agrandis. La section comporte alors huit pièces, dont une salle de lecture principale de 17 mètres sur 10 avec une élévation de 7 mètres, meublée de vitrines en chêne, située dans l’aile centrale du bâtiment de la Faculté23.
La section de droit de la bibliothèque universitaire
51La réforme de 1879 ne se fait pas sans heurts, évoqués seulement à demi-mot par Louis Vié. Les avantages sont indéniables : la section de droit de la bibliothèque, appelée encore souvent bibliothèque de la Faculté de droit est mieux gérée, avec plus de personnel (1 sous-bibliothécaire et 2 « garçons »). Elle garde jusqu’en 1882 son ancien responsable M. Devoisins, remplacé alors par Alfred Lajus puis Gustave Ducos, licencié en droit. Louis Vié, qui lui succède en 1891, est quant à lui docteur en droit. Les livres sont rapidement catalogués et des fichiers, appelés alors « casiers », sont mis à disposition des lecteurs. Les acquisitions progressent, avec un budget annuel porté à 2 500 F pour les acquisitions et la reliure, en accroissement à la fin du siècle.
52Mais, d’un autre côté, les conditions deviennent un peu moins avantageuses pour les professeurs. S’ils conservent toujours une salle de lecture propre, ils n’ont plus accès à la bibliothèque que pendant les heures d’ouverture, soit 6 heures ou 7 heures 30 par jour, avec une ouverture de 2 heures 3 jours par semaine pendant les grandes vacances. Une brève expérience de permanence le dimanche et les jours fériés est même tentée en 1881 mais est vite abandonnée faute de lecteurs. Les conditions de prêt, qui doivent être rigoureusement les mêmes dans toute la France, deviennent moins favorables pour les professeurs : elles sont de 20 livres pour un semestre maximum. En revanche, la réforme est un progrès pour les étudiants puisqu’ils peuvent désormais emprunter 5 livres pour un mois.
53Cette situation conduit la Faculté de droit à souhaiter se constituer son propre fonds de livres. Dès 1881, il est fait mention de livres dans le cabinet du doyen24. En 1882, une convention spéciale permet à la Faculté de recevoir des livres déposés par la bibliothèque universitaire. Il s’agit des « codes et digestes nécessaires pour le service des cours, des conférences et des examens ». Ces livres sont déposés dans le vestiaire des professeurs (salle Hauriou)25. En revanche les demandes suivantes seront toutes refusées et notamment celle présentée en 1887 par Maurice Hauriou pour la salle de conférences26. Le recteur renvoie alors la Faculté à son budget propre. Des périodiques sont également déposés dans la salle des réunions de la Faculté, comme l’Economiste français, qu’on devra vite fixer à des tringles cadenassées en raison des disparitions constatées27.
54On ne sait pas vraiment comment fonctionnait ce dépôt de livres du vestiaire, qui en 1912 était constitué de 49 titres soit 76 volumes28. Il s’agit de livre anciens (classiques et ouvrages régionaux), d’ouvrages des professeurs toulousains et de quelques usuels récents, surtout des codes. On peut penser qu’il était complété par des acquisitions propres de la Faculté. De plus, à partir de 1889, la Faculté s’attache à rassembler dans la salle du conseil, les portraits et les ouvrages de tous les professeurs toulousains et obtient dans ce but quelques compléments par la bibliothèque. Dans cette même salle sont également conservées toutes les thèses de doctorat soutenues à Toulouse depuis 181029.
55Malgré tout, la bibliothèque universitaire est bien fréquentée par les professeurs, plus pour le prêt que pour la lecture sur place (en 1887 ils empruntent 67 % du total des volumes prêtés, et ne représentent que 7,5 % des communications sur place). Cette caractéristique disparaît au fil du siècle et en 1899 les volumes prêtés ou communiqués sur place aux professeurs représentent à peu près la même part du total (25 et 30 %). La proportion des professeurs utilisant la bibliothèque est bien plus importante que celle des étudiants : en 1893, la section de droit-lettres a reçu 31 professeurs des deux disciplines alors qu’on ne recense que 33 professeurs pour l’année 1890-189130. Pour les étudiants, la proportion des lecteurs de la bibliothèque n’est que de 30 %. L’activité de la bibliothèque n’est pas bien élevée puisqu’on passe d’un moyenne de 14 lecteurs par jour en 1887 à 52 lecteurs en 1899.
Activité de la section droit puis droit-lettres31
Année 1887 (droit) | Année 1893 (droit-lettres) | Année 1899 (droit-lettres) | |
Prêts aux professeurs | 949 | 2241 | 1 763 |
Prêts aux étudiants | 460 | 4 350 | 5 254 |
Total des prêts | 1 409 | 4 350 | 7 017 |
Volumes lus sur place (professeurs) | 611 | 6 181 | 7 499 |
Volumes lus sur place (étudiants) | 8 017 | 2 3572 | 17 599 |
Volumes lus sur place (total) | 8 628 | 29 753 | 25 098 |
56Les Facultés sont étroitement associées au fonctionnement de la bibliothèque universitaire par le biais de la commission de surveillance de la bibliothèque créée en 188132. Les réunions mensuelles sont suivies avec assiduité par les professeurs membres. Pour le droit, le représentant est d’abord François Paget, remplacé en 1892 par Jean Brissaud et Antonin Deloume. Ce dernier n’est pas souvent présent et est alors remplacé par Maurice Hauriou ou François Paget. La commission joue un rôle important puisqu’elle décide de toutes les acquisitions, à partir de propositions d’achat faites principalement par les professeurs. Les listes qu’elle établit doivent dans un premier temps être toutes soumises au contrôle parfois tatillon du ministère, puis la tutelle se relâche. A partir de 1899, on reconnaît au bibliothécaire la libre disposition des 2/5e des crédits, pour lesquels il ne consulte la commission qu’a posteriori. La commission s’implique également dans des détails de gestion : en 1901 par exemple Maurice Hauriou fait partie d’une commission ad hoc qui doit décider des tables à déplacer pour gagner de la place dans la salle de lecture.
57De nombreuses sources permettraient d’étudier la politique d’acquisition, notamment la liste de demandes établie par la Faculté en 1879, les registres de demandes des professeurs, les documents budgétaires, les registres d’acquisition (mais à partir de 1891 les achats de droit et de lettres sont mélangés).
58Dans la première décennie du XXe siècle, la bibliothèque va connaître des années difficiles avec une restriction des crédits. En 1910, la section droit-lettres de la bibliothèque universitaire quitte la Faculté de droit pour d’installer rue du Taur, dans les locaux de l’ancien séminaire. Cette décision va permettre à la bibliothèque de disposer de locaux plus vastes et plus fonctionnels mais va éloigner quelque peu les collections de la Faculté de droit.
Activité de la section droit puis droit-lettres
Année 1887 (droit) | Année 1893 (droit-lettres) | Année 1899 (droit-lettres) | |
Prêts aux professeurs | 949 | 2 241 | 1 763 |
Prêts aux étudiants | 460 | 4 350 | 5 254 |
Total des prêts | 1409 | 4350 | 7017 |
Volumes lus sur place (professeurs) | 611 | 6 181 | 7 499 |
Volumes lus sur place (étudiants) | 8 017 | 23 572 | 17 599 |
Volumes lus sur place (total) | 8 628 | 29 753 | 25 098 |
Annexe
Notes de bas de page
1 Information transmise par le recteur en novembre 1822. Ce crédit s’élève à 60 000 F pour l’ensemble de la France. Histoire des bibliothèques françaises, Promodis, 1991, p. 420.
2 Registre de délib. de la Faculté de droit (BUA, ms 7 f. 97-98).
3 Les causes réelles de ce conflit semblent être plutôt la question de l’utilisation des reliquats de crédits de la Faculté et des divergences sur les attributions de locaux.
4 Registre de délib. de la Faculté de droit (BUA, ms 7, f.105, 110, 111) ; Correspondance de l’académie (BUA, ms 150, f. 163, 166) ; Registre de délib. du conseil académique (BUA, ms 155, f. 72).
5 Registre de délib. de la Faculté (BUA, m7, f. 130).
6 Registre de délib. de la Faculté (BUA, ms 7 f. 141).
7 Aucun n’a été retrouvé.
8 L. Vie, op. cit. L’éclairage, toujours délicat dans les bibliothèques à cette époque, était assuré à la Faculté de droit par des lampes Quinquet à huile (Délib. conseil académique 20 juin 1839, BUA, Ms 159, f. 34).
9 Ouverture de 19 h 30 à 21 h 30 l’hiver et de 16 h à 19 h l’été. L. Vie, op. cit.
10 Délibérations du conseil académique, séance du 26 décembre 1839 (BUA, ms 159, f. 40). Le conseil, prudent, donne raison au doyen « pour cette fois », sans préjudice des droits respectifs des parties en présence, « en attendant décisions de l’autorité supérieure ».
11 Registre de délibérations de la Faculté (BUA, ms 7, f. 141).
12 L. Vie, op. cit.
13 J. Crouzel, Notice…, (BUA, ms 260).
14 Délibérations du conseil académique, séance du 12 juillet 1841 (BUA, ms 159, f. 66).
15 Le conseil développe ensuite un argumentaire plutôt surprenant : il estime d’abord qu’il y a lieu d’augmenter le budget d’acquisition de la bibliothèque, puis dans la même phrase indique au contraire qu’il « pense qu’il y a lieu de réduire à 800 F au lieu de 1 200 F le chiffre de l’allocation dont il s’agit » ! Délibérations du conseil académique, séance du 25 juillet 1850 (BUA, ms 161, f. 67).
16 Registre de prêts aux professeurs de droit. 1861-1882 (BUA, non coté).
17 Les Novelles et les Institutes et deux titres de Rebuffi.
18 Astruc, Boutaric.
19 Dont le monumental Esprit du Code de commerce.
20 Certificat d’aptitude aux fonctions de bibliothécaire universitaire.
21 La Faculté de théologie protestante de Toulouse est rattachée dès sa création à l’Académie de Toulouse.
22 Rebaptisées plus tard « Allées Jules Guesde ».
23 J. Crouzel, Notice… (BUA, ms 260).
24 Séance du 21 mars 1881 de la commission de surveillance (Procès-verbaux, BUA, non coté).
25 Séance du 16 janvier 1882 de la commission de surveillance (ibid.).
26 Séance du 3 juin 1887 (ibid.).
27 Séance du 3 juin 1887 (ibid.).
28 « Volumes précédemment déposés au vestiaire », liste insérée dans le 1er cahier du « Catalogue des livres de la bibliothèque de l’archevêché de Toulouse fournis par l’Etat… », 1907 (BUA, non coté).
29 Demande de M. Deloume, séance du 6 décembre 1889 de la Commission de surveillance (ibid.).
30 P. Nelidoff, « Méthode de l’enseignement à la Faculté de droit de Toulouse », dans Etudes d’histoire du droit et des idées politiques, n° 11, 2007.
31 D’après les situations trimestrielles (BUA, non coté).
32 Procès-verbaux du 21 mars 1881 au 7 novembre 1904 , puis du 9 décembre 1904 au 1er février 1928 (BUA, non coté).
Auteur
Conservateur responsable du service du livre ancien du SICD
(Université de Toulouse)
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Les Facultés de droit de province au xixe siècle. Tome 1
Bilan et perspectives de la recherche
Philippe Nélidoff (dir.)
2009
Les Facultés de droit de province au xixe siècle. Tome 2
Bilan et perspectives de la recherche
Philippe Nélidoff (dir.)
2011
Les désunions de la magistrature
(xixe-xxe siècles)
Jacques Krynen et Jean-Christophe Gaven (dir.)
2012
La justice dans les cités épiscopales
Du Moyen Âge à la fin de l’Ancien Régime
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2014
Des patrimoines et des normes
(Formation, pratique et perspectives)
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2015
La mystique déracinée. Drame (moderne) de la théologie et de la philosophie chrétiennes (xiiie-xxe siècle)
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2016
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Contribution à la fabrique de la norme
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2017
Ceux de la Faculté
Des juristes toulousains dans la Grande Guerre
Olivier Devaux et Florent Garnier (dir.)
2017