La faculté de droit d’Aix au xixe siècle : état de la recherche
p. 61-67
Texte intégral
1Les Universités d’Aix-Marseille se préparent à célébrer le 600e anniversaire de la fondation d’une Université à Aix par Louis II d’Anjou, comte de Provence, et par le pape Alexandre V. La bulle pontificale, expédiée de Pistoia, date exactement du 9 décembre 1409. Le comité de pilotage de la commémoration est présidé par le président de l’Université Paul Cézanne Aix-Marseille III, Marc Pena, professeur d’histoire du droit. Il comprend deux autres historiens du droit, Jean Philippe Agresti, maître de conférences, et Jean-Louis Mestre.
2Un ouvrage collectif consacré à la Faculté de droit est en cours d’élaboration, sous la direction du professeur Joseph Pini, vice-président de l’Université. Certaines contributions porteront exclusivement sur la période antérieure à la Révolution (celles d’A. Leca sur C.-A. Fabrot, de J.-P. Agresti sur J.-B. Reboul, de J.-L. Gazzaniga sur Durand de Maillane, et de L. Reverso sur J.-J. Julien). La plupart concerneront les XIXe et XXe siècles. Voici la liste de celles qui traiteront, au moins partiellement, du XIXe siècle et des débuts du XXe :
le droit romain (A. Cérati),
les historiens du droit (M. Ganzin),
l’enseignement de l’histoire du droit jusqu’à la Première Guerre mondiale (A. Slimani),
l’enseignement du droit administratif et du droit constitutionnel de 1806 à 1958 (J.-L. Mestre),
le droit civil (J.-L. Mouralis),
le droit commercial (J. Mestre),
le droit pénal (R. Gassin),
les finances publiques (L. Philip),
l’économie politique (J.-Y. Naudet),
enseignements et publications de droit international jusqu’à la Seconde Guerre mondiale (J.-L. Mestre),
une tradition scientifique, le droit maritime (P. Bonassies)
aspects de la vie étudiante à Aix dans la première moitié du XIXe siècle (C. Derobert- Ratel),
la Faculté et le monde politique (R. Ghevontian),
l’enseignement et les études de droit colonial (E. Gasparini),
des étudiants venus de l’étranger (J.-L. Mestre),
René Cassin (X. Philippe),
le livre et l’enseignement du droit (D. Jacobi),
une documentation au service de l’enseignement et de la recherche : brève histoire de la bibliothèque universitaire (R. Burget),
la Faculté à travers les guerres (F. Quastana et C. Regad).
3Deux contributions portent sur des personnalités liées à la Faculté qui ont joué un rôle en dehors de celle-ci au XIXe siècle, mais se sont intéressées à elle, J.-E. Portalis (J.-Benoît d’Onorio) et J.-J. Siméon (P. Taudou).
4Pour que cet ouvrage n’atteigne un volume trop important, chaque contribution est limitée à 12 000 espaces. Une cinquantaine de documents ou de portraits doivent illustrer les développements. Un colloque doit être organisé avec les historiens de l’Université de Provence (Aix-Marseille I). Il permettra de développer certains des thèmes précités. Les actes en seront publiés.
5Pour traiter ces sujets et retracer l’histoire de la Faculté au XIXe siècle, on dispose de diverses sources. Le Registre du personnel, manuscrit, fournit des renseignements précieux sur les enseignants qui ont exercé leurs fonctions, même très provisoirement, à la Faculté : dates et lieux de naissance, dates des nominations, des promotions, des mutations, parfois des décès. On trouve parfois la mention d’autres fonctions publiques, voire de quelques publications. Ce registre a été mieux tenu au XIXe siècle qu’à partir de la Première Guerre mondiale. M. A. Slimani, maître de conférences à l’Université de Picardie, a dressé la liste de tous les enseignants et retrouvé un grand nombre de dossiers aux Archives nationales. Quelques-uns de ceux-ci avaient déjà été utilisés pour des études ponctuelles.
6La Faculté a conservé les fiches des étudiants de la majeure partie du XIXe siècle (ce sont celles du début du siècle qui manquent, si toutefois l’on s’était déjà mis à en confectionner). La Bibliothèque universitaire conserve une très riche collection de thèses anciennes, de licence et de doctorat. On y trouve par exemple celles de Thiers, de Mignet, de Mistral. La Bibliothèque conserve aussi des ouvrages publiés par les enseignants aixois et leurs articles parus dans diverses revues. Elle ne dispose toutefois pas de toutes les éditions de ces ouvrages. Elle détient aussi des Annuaires des Facultés d’Aix et de Marseille à partir de 1890, mais de façon incomplète, de même que des Rapports annuels. La collection des Enquêtes relatives à l’enseignement supérieur, qui débute en 1883, permet de combler des lacunes.
7La Bibliothèque universitaire conserve des documents plus anciens, dont le premier consiste dans une copie du procès-verbal de la séance d’ouverture de l’Ecole de droit d’Aix le mardi 15 avril 1806. Ces documents précieux comprennent des discours de rentrée, des discours d’installation de professeurs, à commencer par celui du recteur d’Eymar saluant le succès de François-Philippe Mottet à un concours qui s’était déroulé à Toulouse, « dans la patrie même des Cujas, des Furgole », en 1809, et des leçons d’ouverture de certains cours. La Bibliothèque garde encore des affiches annonçant les cours de l’année universitaire qui va commencer. Enfin, des tirés à part et divers opuscules fournissent des renseignements très utiles sur divers enseignants et parfois sur des étudiants devenus illustres. La bibliothèque du musée Arbaud, siège de l’Académie des sciences, agriculture, arts et belles-lettres d’Aix, dont beaucoup de professeurs et d’anciens étudiants ont fait partie, et la bibliothèque de la ville, la bibliothèque Méjanes, fournissent également de précieux documents.
8La Bibliothèque universitaire prépare une exposition d’une dizaine de vitrines, dont une bonne part sera consacrée au XIXe siècle. La Faculté de droit détient des archives des concours de recrutement des professeurs ayant eu lieu en 1840, 1843 et 1845. Elle possède un portrait du doyen Bernard et diverses photographies de professeurs.
9C’est aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône que se trouvent les archives les plus abondantes, dans la sous-série 1T (archives du rectorat de l’Académie d’Aix). Ces documents sont classés. Ils sont de natures diverses (correspondances, délibérations, projets, pièces comptables), mais lacunaires. Il faut mettre à part les registres des inscriptions des étudiants, des procès-verbaux d’examens et des diplômes délivrés, qui sont complets pour l’ensemble du XIXe siècle. Les épreuves des concours de fin d’année, dont la Faculté d’Aix a pris l’initiative en 1836, ainsi que celle de Poitiers, ont été conservées pour la période 1837-1864.
10Outre les dossiers de la plupart des enseignants, dont A. Slimani a dressé, comme nous l’avons déjà dit, la liste, les Archives nationales contiennent, également dans la sous-série F17, divers documents relatifs à la Faculté d’Aix. M. Touzeil-Divina en a tiré parti dans sa thèse.
11Des archives privées peuvent présenter un vif intérêt. C’est le cas des documents conservés par Mme J. Moreau, dont le mari était le petit-fils de Félix Moreau, qui enseigna à Aix le droit administratif et le droit constitutionnel après sa nomination en 1885. Le professeur Roger Bout garde la correspondance de l’étudiant que fut son grand-père. Mme Raffaelli conserve une photo du doyen Carles, l’un de ses ancêtres. La famille Jourdan, celle du doyen Alfred et de son fils Edouard, professeur lui aussi, possède des documents intéressants.
12La presse locale, à commencer par le Mémorial d’Aix, fournit diverses informations. Certaines délibérations du Conseil général des Bouches-du-Rhône également (série N des Archives départementales). La série M (préfecture) est également susceptible de fournir des renseignements, de même que la série des Archives communales d’Aix contenant les délibérations du Conseil municipal.
13Diverses études ont déjà été réalisées. Le doyen Félix Moreau a fait paraître en 1931 un article intitulé « Mistral étudiant et la Faculté de droit d’Aix au milieu du XIXe siècle », qui dépasse largement son sujet. C’est en fait une longue étude de près de 80 pages qui retrace la vie de la Faculté pendant la première moitié du XIXe siècle (Annales de la Faculté de Droit d’Aix, nouvelle série n° 20, p. 7-84). La période du Second Empire n’a pas fait l’objet d’une étude synthétique. Sur la IIIe République, on dispose de deux mémoires rédigés sous ma direction par deux étudiantes de DEA-Master recherche d’histoire des institutions et des idées politiques : L’histoire de la Faculté de droit d’Aix-en-Provence de 1870 à 1914 : une période de controverses, par Mme E. Jouve-Lefebvre (1998-1999, 93 p.) ; L’histoire de la Faculté de droit d’Aix-en-Provence. 1914-1944 : d’une guerre a l’autre, par Mlle C. Regad (2007-2008, 156 pages). Si ce second mémoire ne porte pas sur le XIXe siècle, il fournit maints renseignements sur des enseignants ayant exercé leurs fonctions avant la fin de celui-ci.
14Mme Christiane Ratel-Derobert, maître de conférences à l’Université de Toulon, a publié plusieurs études sur les étudiants et sur divers professeurs. Elle a consacré un article très bien documenté à des « aspects de la vie des étudiants en droit aixois dans la première moitié du XlXe siècle » (Revue de la Recherche juridique. Droit prospectif, 1997-2, p. 527-579 + annexes). Après avoir relevé l’augmentation du nombre des étudiants (de 66 à 276 en 1850) et la prépondérance de ceux issus du milieu judiciaire (39,6 %) et de familles de propriétaires (22,5 %), elle a étudié « la morosité de la vie étudiante et ses parades : distractions et sociabilité », puis « les turbulences étudiantes » et enfin les manifestations de leurs opinions. Des professeurs, elle a retracé « le destin malheureux de Louis Etienne, professeur de droit romain à Aix-en-Provence de 1843 à 1850 », dont la réforme prononcée par le Conseil (national) de l’Université a été inspirée avant tout par des considérations de nature politique (ibid., 1996-1, p. 245-283). Puis, la vie d’Eliacin Naquet, qui abandonna sa chaire de procédure civile pour devenir, lors de l’« épuration » de 1883, procureur-général à la Cour d’appel d’Aix (Eliacin Naquet (1843-1921) : un juriste au destin tourmenté, PUAM, 2008, 159 p.).
15Une communication du professeur Roger Bout sur « la vie étudiante à Aix en 1875 d’après le témoignage de l’Avignonnais Etienne Rouvière » fournit des informations très concrètes sur la vie de cet étudiant « pieux, sage et studieux », sur les conseils donnés par le doyen -dont la nécessité de recourir à l’aide d’un « répétiteur »- et les examens (cette communication n’a été publiée que sous la forme d’un résumé dans le Bulletin de l’Académie de Vaucluse en 1986, mais R. Bout nous en a fourni la version intégrale, rédigée à partir de la correspondance d’E. Rouvière et de sa mère ; 28 p. dactyl.).
16Alban d’Hauthuille a fait l’objet d’une notice de J.-J. Clère dans le Dictionnaire historique des Juristes français. XIIe-XXe siècle (dir. P. Arabeyre, J.- L. Halpérin et J. Krynen), PUF, 2007, p. 399. La famille de ce professeur de droit civil, auteur de travaux de grande qualité, qui mourut à 31 ans le 2 novembre 1844, a conservé son éloge funèbre. Sa thèse et plusieurs de ses articles font ressortir sa connaissance des travaux des romanistes allemands. Il suivait en cela l’exemple de Charles Giraud, qui a fait aussi l’objet d’une notice dans ce même Dictionnaire (P. Ducret, p. 372-374).
17Charles Giraud a été le premier titulaire de la chaire de droit administratif créée à Aix en 1835. Il s’est illustré comme romaniste et a quitté la Faculté dès qu’il a été élu à l’Académie des sciences morales et politiques. Il a fait l’objet d’un article fouillé de J. Bouineau : « Charles Giraud (1802- 1881) », Revue d’histoire des Facultés de Droit, n° 20, 1999, p. 121-145. J. Bouineau lui avait consacré une notice l’année précédente dans sa contribution aux Mélanges en hommage à Romuald Szramkiewicz, ainsi qu’à deux autres Aixois, le doyen Bouteuil (1791-1878) et Paul Gide, qui quitta Aix après y avoir fait ses études (« Racines universitaires de Romuald Szramkiewicz. Début XIXe siècle-1900 », Litec, 1998, p. 375-376, 380-381, 386- 387). Ces Mélanges contiennent aussi mon article sur « Le droit constitutionnel selon Edouard Jourdan en 1886-1887 », article écrit à partir des notes prises par un étudiant de doctorat, Louis Vidal, qui était déjà docteur en médecine (p. 323-334).
18De précieuses informations sont fournies par les correspondances publiées par Olivier Motte et par les notices qui les accompagnent : Lettres inédites de juristes français du XIXe siècle conservées dans les archives et bibliothèques allemandes, Bonn, Bouvier Verlag, édition Röhrscheid, tome I, 1989, et tome II, 1990, 1735 p. (sur cette mine de renseignements, cf. mon compte rendu à la Revue de la Recherche juridique, 1991-1, p. 271-276). Cet ouvrage m’a beaucoup aidé pour traiter de l’intérêt porté par les juristes aixois à la science juridique allemande (« Les juristes aixois et la science juridique allemande au XIXe siècle », in La coopération franco-allemande en Europe à l’aube du XXIe siècle, PUAM, l998, p. 105-123).
19A. Slimani a réuni une documentation extrêmement abondante sur « Les débuts de l’histoire juridique moderne à la Faculté de droit d’Aix (1879- 1918) ». Le riche article qu’il en a tiré paraîtra à la Revue d’histoire des Facultés de droit et de la science juridique. Il prépare une autre étude sur Ginoulhiac, qui a soutenu sa thèse à Aix en 1840 et y a enseigné avant de se faire nommer à la Faculté de Toulouse (Ph. Nélidoff, « La création de la chaire toulousaine d’histoire du droit (1859) », Histoire de l’histoire du droit, Textes réunis par Jacques Poumarède, Presses de l’Université des sciences sociales de Toulouse, 2006, p. 145-161) : « Charles Ginoulhiac, docteur en droit à Aix en 1840 ». Cette étude doit paraître dans le présent ouvrage.
20Sur le bâtiment occupé par la Faculté de droit au XIXe siècle, celui de l’ancienne Université, existe un mémoire de l’IEP d’Aix, rédigé par Mlle C. Bertollo sous ma direction : Histoire et architecture du bâtiment de l’Institut d’études politiques d’Aix (1984, 151 pages + annexes). Un étudiant du Master 2 professionnel Métiers de la mémoire et du patrimoine, S. Borzillo, a rédigé, sous la direction de D. Jacobi et de C. Bruschi, un mémoire fort bien documenté intitulé : La préparation d’une exposition retraçant l’histoire de la Faculté de droit d’Aix (2007-2008, 174 p.).
21On trouve dans l’ouvrage dirigé par Philippe Delvit, Toiles, gravures, fusain et sanguine... Une galerie de portraits à l’Université (Presses de l’Université des sciences sociales de Toulouse, 2006), les portraits de plusieurs professeurs qui ont enseigné quelques années à Aix au cours du XIXe siècle avant d’être nommés à Toulouse : Charles Cézar-Bru, Antonin Deloume, Joseph Dugarçon, Charles Ginoulhiac, A. Merignhac, Etienne Perreau et Edouard-Joseph Timbal. On y trouve aussi le portrait de Georges Vidal, qui a soutenu sa thèse de doctorat à Aix. Ces portraits, remarquablement reproduits, sont accompagnés de notices biographiques, dont les sources sont précisées en note. Cézar-Bru et Ginoulhiac ont fait l’objet de notices dans le Dictionnaire précité (respectivement de J. Poumarède et de Ph. Nélidoff, p. 372-373, 369-370).
Auteur
Professeur à l’Université Paul Cézanne Aix-Marseille III
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